Work Text:
Don’t be Dad
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De par sa pensée profondément cartésienne ; rationalité, logique et méthode devraient être les seules qualités propres à tout être humain qui se respecte ; Sherlock Holmes se révélait être complètement hermétique aux mythes, légendes et autres fables absurdes.
Le logicien ne croyait de ce fait certainement pas aux contes de fée, et, par extension, encore moins en leur principal élément déclencheur: le souhait.
Le Macmillan Dictionnary Online lui aura appris que ce mot ridicule traduit le désir, exprimé ou non, d’obtenir quelque chose ou de voir un évènement se produire.
Sa propre définition lui semblait pourtant bien plus fiable : le souhait n’étant rien d’autre qu’un fantasme adressé par les faibles d’esprits trop lâches pour accepter une réalité déplaisante.
Selon lui, faire un vœu était donc tout aussi stupide et inutile que le fait d’adresser une prière à une entité religieuse censée exister par-delà les nuages et ce, pour l’éternité.
Non, Sherlock Holmes n’était, dès-lors, définitivement pas un homme à souhait.
Et pourtant…
Il se souvenait de cette nuit comme si c’était hier.
Cette nuit noire où, parfaitement immobile et vêtu de son plus beau costume, il s’était adressé aux étoiles trop brillantes en une supplique rauque.
Cette nuit où il renia tous ses principes.
Cette nuit maudite qui fit basculer sa vie d’une façon improbable et ridicule : en formulant un seul et unique souhait.
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Il ne l’avait même pas réellement voulu. C’était juste arrivé, il ne savait pas comment.
Sans doute avait-il finalement paniqué.
« - Il ne faut pas. Ne paniquez pas. Il n’y a aucune raison de paniquer. »
Il s’était soudainement senti de trop, pas à sa place, perdu.
Abandonné.
Le fameux « besoin de prendre l’air » avait pris tout son sens ce soir-là et s’était brusquement et rudement emparé de lui. Ou celui de fumer une cigarette, il ne savait plus.
Il avait, quoi qu’il en soit, préféré s’éclipser discrètement tandis que les implications de sa « déduction de plus » commençaient à envahir son esprit.
« - Plus besoin de moi, vous allez avoir un vrai bébé. »
Une fois à l’air libre, alors qu’il aspirait simplement à ressentir un soulagement quelconque, il avait, à la place, eu la désagréable sensationd’être progressivement plongé dans une eau poisseuse et glacée.
« - Tu sais que ça ne changera rien que Mary et moi, on se marie ? On continuera à faire ça.»
Le mariage ne changerait rien… Probablement. Mais ça…
Ça…
Il allait le perdre. C’était indéniable.
Et cette déduction fut celle de trop.
En cet instant, emmitouflé dans son Belstaff enun effort vain pour chasser le gel qui s’était définitivement installé dans tout son être, Sherlock Holmes s’était figé et avait regardé le ciel étoilé.
« - Magnifique, non ? »
Les mots avaient alors franchi douloureusement ses lèvres, dépassant ses pensées et s’envolant vers les astres étincelants.
Autour de lui la mélodie entêtante de « Oh, What a Night » résonnait en un murmure étouffé.
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John avait ré emménagé à Baker Street. Il aurait dû en être heureux. Mais c’était loin d’être le cas.
Car ce n’était pas John. C’était un John mais pas le John.
John était mort, pulvérisé par la force destructrice de son souhait.
« - Aujourd’hui, une nouvelle histoire commence. Une plus grande aventure.»
Les aventures de Mary Elizabeth Watson et John Hamish Watson s’étaient interrompues prématurément, brutalement.
Le couple n’avait pas résisté à l’épreuve. L’annonce avait sonné le glas de leur désir de continuité et avait emporté dans son sillage une partie d’eux-mêmes.
La séparation s’était imposée comme étant le seul moyen de survivre pour Mary. Elle avait failli à sa mission, à son rôle. Elle n’avait pas su garder le précieux trésor qui lui avait été confié. La culpabilité l’avait dévorée de l’intérieur et un jour, elle s’était simplement volatilisée. Laissant deux courriers à John. Une lettre d’explication et une demande de divorce dûment signée.
« - Mary et moi ne te laisserons jamais tomber. »
Cette énième perte tragique avait été fatale pour le blond.
Alors certes, il était revenu au 221B, il avait réinvesti son ancienne chambre, il s’était réinstallé dans son fauteuil, il faisait à nouveau les courses pour deux au Tesco.
Mais John n’était pas là. John ne serait plus jamais là. Le plus courageux des hommes était brisé.
Et c’était de sa faute.
Il l’avait tué.
« - Quoi qu’il en coûte, quoi qu’il arrive, désormais, je jure de toujours être là, toujours. »
Un John était revenu vivre avec lui. Un John insipide, fade. Un automate avec le faciès figé de John, la voix monotone de John et les yeux vides de John.
Et c’était de sa faute.
Alors, souffrant lui-même des affres du regret et des remords, il restait à ses côtés, le distrayant avec ses enquêtes, avec son violon, avec ses expériences. Guettant le jour où il verrait à nouveau un doux sourire sur ce visage terni.
John ne souriait plus. John ne sourirait jamais plus.
Et c’était de sa faute.
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Sherlock Holmes, dans un instant de folie, avait prononcé un souhait. Un stupide souhait.
Parce qu’il avait eu peur. Peur de le perdre. Peur de perdre son meilleur ami, son seul ami.
Dans un élan d’affolement il avait prononcé ces mots et pendant un instant, un très court instant, quelques millièmes de secondes, il avait ardemment voulu qu’ils se réalisent. Il l’avait souhaité.
Son souhait avait été exaucé.
Et trois vies, en sus de la sienne, en étaient implacablement brisées.
Par sa faute.
« Don’t be… Dad. »
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« Madame Watson, Docteur Watson, je suis désolé, le cœur du fœtus ne bat plus. »
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Fin.

maryagrawatson Mon 15 Sep 2014 07:17PM UTC
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Clelia_Kerlais Tue 16 Sep 2014 04:07PM UTC
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