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Tour d'Ivoire

Summary:

"Le prisonnier n'est pas toujours l'Homme enfermé derrière des barreaux,
Parfois est prisonnier celui qui, en regardant par sa fenêtre, n'y voit plus d'avenir."

Anonyme.

 

Maintenant avec de magnifiques illustrations de differents artistes.

Notes:

C'est reparti pour une fic complètement self indulgente qui me sert juste à m'exerce, non seulement sur le suspens mais aussi sur le multi pov cette fois.

Alors j'vous préviens d'avance ça risque d'être un bordel sans nom et je risque d'oublier 40 détails à la ligne mais bon voila j'ai cette idée qui me trotte depuis super longtemps donc lezgooong.

Je suis pas sur du rythme de publication non plus ca va dépendre hhh.
Si vous comptez lire, merci, j'vous aime <3

Chapter Text

M.T.; Vendredi, 21h12 :

 

La mère de Twain lui a toujours dit que la mort ne devait pas être quelque chose à craindre.

 

Du plus loin qu’il s’en souvienne, sa mère était une femme vive et enjouée, qui aimait danser et cuisiner, qui travaillait dur pour elever son fils malgré des problemes de santé recurrents; jusqu’au jour où, petit à petit, la maladie l’a privée de tout ce qu’elle avait, et la Mort avait alors été une compagne pour Twain, chaque jour de sa vie. Elle avait l’apparence decharnée d’une femme qui souffre, d’un cancer lent et douloureux qu’on ne pouvait pas soigner - qu’on ne voulait pas soigner, parce qu’ils n’avaient pas les moyens de s’offrir les soins dont la mère de Twain avait besoin. 

 

Il se souvient comme elle prenait sa main dans la sienne, frêle et maigre, tiède malgré la fièvre, mais toujours réconfortante et douce, et qu’elle lui murmurait, “N’ai pas peur de la Mort, mon chéri, ce n’est que le début d’un nouveau chapitre.”

 

Alors, quand elle est morte, enfin, soulagée de ses souffrances, Twain n’a pas pleuré. Il a laissé le vide qu’elle a laissé en lui se transformer en colère, en rage contre un système qui a refusé de l’aider, qui lui a volé des années qu’il aurait pu passer avec sa mère.

 

Il avait 12 ans, quand Twain est devenu M.T.

 

Une fois sa mère partie, il n’a pas fallu longtemps à Twain pour tomber dans le piège de l’argent facile, des femmes bien plus vieilles que lui qui lui donnaient de l’amour qu’il ne pouvait plus recevoir, et de la violence qui le faisait se sentir puissant. 

Les armes, la drogue, le sexe, le pouvoir. 

Le serment, la famille, les Families .

 

Liam s'est foutu de sa gueule, quand il lui a raconté ça, un soir, de l’alcool et de la beuh dans le sang. Il l’a appelé un vrai cliché de gangster, et M.T. l’a menacé avec son lance rocket. Facile, de rire de la Mort, avec la Mort.



La Mort avait toujours fait partie du quotidien d’M.T., c’est sûrement pour ça qu’il avait réussi à monter les échelons aussi rapidement, au sein des Families. Tuer c'était un acte de bonté pour lui, il offrait cette délivrance à laquelle sa mère avait eu le droit - peu importe qu’elle n’ait pas eu le choix - sans une once de remords. 

 

Il n’avait pas peur de sa propre mort, non plus. Se mettre en danger ne l’effrayait pas, il ne comptait plus les cicatrices et les blessures par balles qui ornaient son corps, à force de s'être mis en danger.

 

 

Pourtant, il a douté, deux fois, dans sa vie. 

La première fois, c'était quand, après être parti en mission de négociation avec des gangs d'autres villes, M.T. était rentré pour découvrir son quartier complètement décimé, et personne pour lui raconter ce qu’il s'était passé; à part ce flic, lieutenant à l’époque, Bill Boid

Le type était tellement amoché et traumatisé qu’il n’avait pas reconnu M.T., plus tard, quand il l’a recroisé avec son AK dans le dos dans la rue qui mène au restaurant ARC. 

 

M.T. avait slalomé entre les cadavres de ses frères, et pour la première fois de sa vie, il avait ressenti de la peur. Pourquoi est-ce que lui avait été épargné ? 

Pourquoi lui ?

La sensation d’une épée de Damoclès dont la pointe effleurait sa nuque à chaque pas qu’il faisait avait pris place, dès lors, et M.T. s’était rendu compte que ses jours étaient comptés. 



La deuxième fois qu’il a douté, c'était quelques semaines après ce carnage. 

M.T. avait essayé de régner sur son quartier comme l’avait fait son prédécesseur avant lui, mais les Families avaient eu du mal à se reconstruire. 

Les trahisons étaient trop fréquentes, et les recrues trop effrayées par l’aura de Mort qui entourait M.T. 

Peut-être qu’ils la voyaient, eux aussi, cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. 

Liam et Marcello l’avaient approché, malgré tout, tout en sachant qu’ils allaient en subir les conséquences. 

Leur trahison avait été la plus douloureuse de toutes, et celle qui avait fait douter M.T., encore une fois.

Cette fois, pour la première fois, M.T. avait éprouvé du regret, quand les mots avaient franchi ses lèvres, ces mots qu’il avait prononcés pourtant tant de fois auparavant.

 

“Une vie pour une vie.”



M.T. avait côtoyé la Mort toute sa vie, alors il était presque sûr que, pour lui aussi, puisqu’elle avait été inévitable, elle allait être une délivrance. Malgré ses doutes, malgré ses regrets, les souvenirs de sa mère qui lui murmure que ça ira restaient plus forts. 

 

Alors, quand la Mort l’avait fauché, enfin, quand cette épée de Damoclès s'était abattue sur lui, enfin , M.T. s'était attendu à être soulagé.

Délivré.

 

Au lieu de ça, M.T. se retrouve dans un espèce d'entre-deux. Parfois, tout est calme, vide, silencieux, l’obscurité totale et réconfortante. Cette délivrance en laquelle il croyait. Parfois, tout n’est que douleur, vive, brûlante, et des images floues et aveuglantes comme en Enfer. 

 

M.T. ne se souvient pas de comment il est mort. Ses derniers souvenirs s'arrêtent à l’expression effrayée de Marcello, et celle profondément triste de Liam. Leur face à face, dos à dos. La pluie, qui tombe sur le sol, bruyamment, et fouette son visage comme une punition. 

 

Puis tout s'est arrêté. 



Et quand tout reprend, c'est seulement pour que son cerveau enregistre des milliards d'informations de supplice.

Il a tellement mal que des flashs de douleur explosent derrière ses paupières et que son estomac se contracte jusqu'à le faire vomir. Il est incapable de respirer comme il faut, c'est une souffrance invivable dont il n'echappe que lorsque tout s'arrête encore. 

 

Il n'a jamais rien vécu de tel, et pourtant M.T. en a vécu, des merdes, des douleurs, des conneries qui l'ont marqué pour toujours.

 

Parfois, quand cet Enfer reprend, il peut distinguer le doux murmure d'une voix grave au milieu de ses propres hurlements, une fraîcheur humide qui le soulage de façon éphémère, ou une forme rousse, floue, mais rassurante, qui accompagne généralement une sensation d'apaisement avant qu'il ne soit avalé par les abysses à nouveau. 

 

Il ne voit rien, n'entend rien, ne sent rien comme avant, c'est pour ça que M.T. se demande s'il est vraiment en vie. Il subit sûrement les tortures qu'il mérite, quelque part dans les tréfonds du royaume de Satan. 

 

Il n'est même pas croyant, M.T., mais il se prend à prier pour que ça s'arrête, parfois, quand il est particulièrement conscient. 

 

Sans surprise le supplice continue. 

 

Et c'est dur à admettre, mais plus il se réveille, plus la douleur s'atténue. 

Il reste conscient un peu plus longtemps a chaque fois, et parvient même à être assez lucide pour se rendre compte qu'il n'est pas mort. 

 

M.T. n'est pas mort. 

 

Longue vie aux Families. 



 

Quand il se réveille, aujourd'hui, la douleur le saisit aussitôt, mais elle est bien plus supportable qu'avant. 

Surtout parce que quelque chose de frais se presse là où il a l'impression de brûler, et ça soulage le picotement incessant.

 

M.T. prend le temps de revenir à lui complètement. 

La nausée devenue habituelle est toujours là, assise lourdement au fond de son estomac.

Il y a une odeur doucereuse qui pourtant le reconforte, mais sous cette odeur il y a une autre fragrance bien plus chaude et épicée, comme le parfum d'un déodorant masculin. 

 

M.T. aime bien cette odeur, mais ses instincts le poussent à se mettre en alerte. Il y a un homme pas loin. 

Pour lui, ça ne peut que vouloir dire : danger. 

 

Il a les sens à l'affût, le corps alerte, même s'il est encore ankylosé par le sommeil et la douleur. S'il se concentre, il peut entendre une petite musique latine qui provient d'une vieille radio - si les grésillements et les notes un peu distordues sont une indication. C'est un son étouffé, comme s'il venait d'une autre pièce. 

 

Apaisant.

 

Si M.T. se concentre assez sur son propre corps, il peut sentir un matelas un peu défoncé sous lui, mais assez confortable pour ses membres endoloris par le manque de mouvements et, probablement, la raison pour laquelle il est là où il est actuellement. 

Il y a un oreiller sous sa tête et--

 

Des mains l'agrippent par la taille et le manipulent presque trop facilement pour le faire rouler sur son côté droit. Il manque d'ouvrir les yeux lorsqu'il entend une voix qui lui donne aussitot des envies de meurtre. 

 

"Pourquoi tu le laisses pas à Vanessa, Jefe , ça fait des jours maintenant, les autres vont se douter de quelque chose." 

 

C'est la voix d'une femme, une voix un peu trainante, qui impose quand meme le respect. M.T. ne l'a pas souvent entendue mais il sait qu'il s'agit de la garde du corps de Lenny. 

 

Donc si elle s'adresse au Jefe, ça veut dire que les putains de mains sur son flanc sont à--

 

"Non, si je fais ça elle va devoir le déclarer vivant, auprès du LSMS et de la LSPD. Tu sais très bien ce que ça veut dire." 

 

Lenny a une façon de parler qui lui hérisse les poils. Il a la voix fatiguée et un espèce d'accent dormant qui ressort parfois de façon aléatoire.

 

Ça demande tout ce qu'il a à M.T. pour ne pas ouvrir les yeux et lui balancer son poing dans la gueule. 

Le linge humide se presse contre son cou et M.T. manque de sursauter. 

Il se force à simuler une respiration plus lente, plus calme, comme lorsqu'il essayait d'imiter le souffle de sa mère sur son lit de mort. 

 

"C'est pas ton fardeau à porter, Jefe." 

 

"Tu peux partir.” Il ajoute, dans un murmure, “S’il te plait, Haylie." 

 

La tension est palpable, entre les deux interlocuteurs, mais éventuellement, après de longues secondes, le cliquetis d'une poignée qui cède puis d'une porte qui claque résonne et M.T. pense : enfin seuls

 

Il sent Lenny se pencher sur lui, pour presser le linge frais contre son épaule et son omoplate derrière. 

M.T. ouvre les yeux et le focus se fait très mal. 

Il a l'impression qu'un voile noir obscurcit plus de la moitié de la piece.

 

Il ne prend pas le temps d'y réfléchir, devant lui, à quelques centimètres de ses doigts, il y a un 9 mm posé sur une table basse, près d'une lampe de chevet recouverte par un châle orangé. 

 

Il le saisit, alors qu'il sent Lenny se redresser, et M.T. se laisse rouler sur le dos, le flingue déjà levé pour le presser directement contre la tempe de Lenny avant même que leurs regards ne se croisent. 

 

Lenny ne semble pas surpris. Il le fixe, l'œil morne, les mains en l'air figées dans leur geste. M.T. peut voir le linge clair dont il s'est servi pour… Pour quoi, exactement. 

 

Est ce que Lenny est en train de le soigner ? Est ce qu'il est en train de s'occuper de lui ?

Cette simple idée fait gonfler la nausée dans son estomac jusqu'à ce qu'elle atteigne sa gorge.

S'il y a une putain de personne envers qui M.T. ne veut pas être redevable c'est bien ce fils de pute de Vagos. 

 

Lenny hausse un sourcil et M.T. se rend compte que ça fait de longues secondes qu'ils se dévisagent tous les deux en chien de faillance. 

 

"Est ce que tu vas me tenir en joue comme ça longtemps ou est ce que tu vas enfin tirer ?" Grogne Lenny, sans ciller alors que M.T. appuie le canon plus fort contre sa tempe. Il presse même sa propre tête contre. 

M.T. fronce les sourcils; est ce que cet enfoiré le sous-estime à ce point ?

 

Lenny semble ne pas vouloir attendre que M.T. termine son propre monologue interne, parce qu'il vient appliquer le linge humide sur le bras de M.T. et ça fait si mal qu'il manque d'appuyer sur la gâchette. 

 

Il serre les dents et se redresse legerement, le regard noir. 

 

Il essaye de dévisager Lenny, il essaye de, de juste le voir, normalement, pourquoi est ce qu'il est si flou ? Pourquoi est ce qu'il est partiellement plongé dans l'ombre ? Il arrive a peine a distinguer la pièce derrière lui.

 

Les yeux de M.T. glissent plus bas, et il se rend compte qu'il peut à peine tourner la tête, mais il peut voir une partie de son bras gauche, et sa peau est tellement bizarre qu'il a l'impression que c'est le bras de quelqu'un d'autre. 

 

"Tu devrais éviter de t'exciter autant, la doc repasse pas avant demain, et t'es toujours salement amoché." Dit Lenny. Il sonne blasé comme toujours, M.T. a envie de le secouer mais il doute qu'il puisse faire quoi que ce soit dans son état. 

 

Alors à la place il déplace le canon du flingue pour le presser contre le front de Lenny, avec un petit sourire en coin. 

Même s'il le voit qu'à moitié, il capte son regard glacial, et ça lui plait. C'est la seule chose qu'il contrôle, la, tout de suite. La haine de Lenny, les Vagos contre les Families, c'est une constante stable depuis la nuit des temps.

 

"Donne moi une seule raison de pas t'éclater la cervelle, mon frère."

 

La voix d'M.T. est tellement rauque et brisée qu'il a l'impression d'avoir fumé 30 paquets de clopes sans pause. 

 

Lenny soupire, et il ferme les yeux, avant de répondre, "Fais le, tu nous rendras service à tous les deux, mais si tu veux vivre j'te conseille de pas mordre la main qui te guérit." 

 

M.T. montre les dents, il aime pas trop être traité comme un clebs qui pose problème. 

 

"Pourquoi tu m'guéris fils de pute, depuis quand on s'entraide dans la street ?" Demande M.T. en haussant le ton, mais sa voix s'éteint sur ses derniers mots. Il se sent soudain très faible, et c'est à peine s'il arrive à tenir ce flingue correctement. Sa main tremble, pathétique, alors il la laisse retomber sur son torse.

 

Lenny ne répond pas, cette fois, à la place il se lève, comme si le flingue sur son front n'avait pas du tout été menaçant; et revient avec un immense verre d'eau et un petit tube qui contient des médicaments. 

M.T. prend le verre qui lui est tendu sans cérémonie, et en descend la moitié. Il a la gorge parcheminée, la bouche sèche, et un mal de crâne qui grossit alors que la douleur commence à redevenir bien moins supportable. 

 

"Prends deux cachetons, c'est la doc, Vanessa, qui les a ramené. J'avais que d'la coke pour que t'arrête de beugler comme un connard jours et nuits avant qu'elle accepte de venir alors crache pas d'ssus." Marmonne Lenny, en allant se laisser tomber dans un siège plus loin. Il soupire lassement, et semble tellement plus vieux qu'il ne l'est réellement, à l'instant. 

Mais M.T. ne peut plus le voir nettement de là où il est, donc il préfère se concentrer sur les médicaments, et le reste de l'eau qui soulage sa gorge quand il la boit. Il a dû lâcher le flingue pour ça, et prendre les médicaments du bras qui accepte de coopérer, et il les enfonce directement au fond de sa bouche avant de terminer le verre d'eau. 

 

Il se laisse complètement aller contre le matelas ensuite, mais il récupère le pistolet et le garde fermement contre sa poitrine. 

 

Ça fait rire Lenny, sans réelle joie, de là où il est. 

"Si j'avais voulu te buter tu serais déjà enterré." Dit-il, et M.T. lève les yeux au ciel. Ou un œil seulement, il n'est pas sûr.

 

"C'est moi qui vais t'buter." Il grogne avant de fermer les yeux, "Une fois qu'j'irais mieux." 

 

Il s'endort lentement, grâce aux médicaments, mais il entend quand même Lenny murmure un vivement qui lui fait ressentir quelque chose de désagréable. 




//




Antoine, Vendredi, 23h01 :



Il fait froid, les beaux jours sont terminés, et il pleut de plus en plus souvent. 

Antoine a trouvé un petit restaurant chinois ouvert jusqu'à six heures du matin qui tourne pas trop mal, et dans une ruelle qui le longe, il y a une grille qui relâche de l'air très chaud.

 

Il a vraiment de la chance de l'avoir trouvé, cet endroit, le lendemain de la fin des vacances, avec Daniel. 

 

Après leur petite mascarade à l'aéroport - parce que Don Telo et Fab ont insisté pour les accompagner, et regarder Daniel partir pour la France - ils ont vaqué dans les rues du Sud de Los Santos pendant des heures pour être sûr de ne croiser personne qui les connaissent et ont trouvé ce petit resto un peu enfoncé dans des ruelles glauques et sombres des quartiers dangereux. Ils y ont mangé, et en sortant, ils ont trouvé un petit cul de sac à l'arrière. Un peu flippant.

 

En fait, même s'ils ont de l'argent de côté, à foison, et qu'ils pourraient s'acheter un appartement, les deux cousins préfèrent dormir là, sur le sol légèrement humide de cette ruelle.

 

La vérité n'est pas reluisante. 

Les cousins ont 16 ans - bientôt 17 ! - et ne peuvent légalement pas retirer et profiter de l'argent sur leur compte. 

Avant ça, Don Telo leur donnait toujours assez de sous pour qu'ils s'en sortent. Maintenant… Maintenant Antoine et Daniel doivent compter sur les 3000$ qui leur reste, pour les, disons, deux ans à venir. 

 

Dona et Fab ont quitté le vignoble pour quelques semaines, c'est Kiddy qui tient la barre du navire pour l'instant. 

Fab n'est pas sur d'y revenir de si tôt, les cousins ne savent pas pourquoi; et Daniel pense qu'ils devraient appeler Monsieur Donation pour lui dire la vérité, au final, mais Antoine… Antoine doute.

 

Il doute, même si la dernière fois qu'il a vu Don Telo, l'homme a glissé une main dans ses cheveux pour les décoiffer gentiment, dans un geste presque paternel. Un geste auquel Antoine veut croire, seulement Don Telo l'a laissé en ville, seul, après ce geste, livré à lui-même, malgré tout ce qui s'est passé, alors Antoine doute



Il y a des vieux cartons qui leur permettent d'être un peu plus à l'aise, ici, devant les grilles qui recrachent de la chaleur dans la ruelle, mais Antoine s'en fiche, tant qu'ils sont ensemble, Daniel et lui, il n'a pas besoin du confort. 

 

C'est ce qu'il se dit, jusqu'à ce que Daniel tombe malade.

Vraiment très malade. 

Tellement malade qu'il n'arrive plus à respirer correctement. Il a le souffle haché, la respiration qui siffle, et il tousse, sans cesse.

C'est à cause du froid, Antoine le sait, parce que même lui commence à se sentir patraque. 

 

Ils sont assis là, contre la grille du restaurant, pressés l'un contre l'autre, et Daniel a sa tête posée contre l'épaule d'Antoine. Il somnole, tremble et crache, il est brûlant, il tient plus chaud à Antoine que la chaleur qui s'évade d'entre les barreaux de métal contre son dos. 

 

"Daniel, t'es sur que tu veux pas que j'appelle Vanessa ?" Demande Antoine, la voix éteinte d'inquiétude.

 

Daniel lui répond avec difficultés, un souffle sifflant échappant d'entre ses lèvres. "Non, on doit pas l'embêter Antoine… Elle est encore en lune de miel avec son mari…" 

 

"Docteur Maison alors ?" 

 

Daniel tousse et sa main agrippe la manche d'Antoine. 

"Antoine… Peut être qu'on devrait appeler M'sieur Donation…"

 

Antoine se mord les lèvres. 

Don Telo n'a rien fait de mal, enfin, rien de plus que d'habitude, le problème c'est Antoine. Depuis que Cox lui a planté toutes ces graines de doutes dans le crâne, il n'arrive pas a oublier tout ce que l'homme leur a fait. 

 

Daniel tousse, et gémit de douleur. 

"J'appelle Docteur Maison, Daniel !" s'exclame Antoine, parce que la détresse le saisit - il verra plus tard pour Don Telo. 

 

"Ils vont savoir que je suis pas rentré… Ils vont savoir… Pour nous…" halète Daniel, mais son corps se fait lourd, au point ou Antoine commence à avoir du mal à le soutenir. Daniel a toujours été plus épais et plus lourd que lui.

 

"Tant pis Daniel, on a l'habitude des embrouilles, faut qu'on te soigne !!" 

 

Antoine sent les larmes monter, ils n'auraient jamais dû attendre aussi longtemps, ils ont été stupides, stupides !! C'est la faute à Don Telo, il aurait jamais dû partir, sans lui il arrive que des bêtises…

 

Il sort son téléphone, et envoie un message au Docteur Maison, paniqué. 

"Daniel tiens bon !" 

 

Bonjour monsieur docteur bonjour maison, daniel est très malade, venez vite et dites rien à vanessa et don telo .

 

Il appuie sur entrée, et se rend compte que Daniel ne répond plus. 

"Daniel ?? Daniel !!"

 

Antoine se redresse et repousse Daniel en l'agrippant par les épaules pour le regarder. Il est si pâle qu'il a la même couleur que le centre de son tee-shirt, et les cernes sous ses yeux sont d’un violet saisissant. “Oh non, Daniel, oh non !! Tu meurs pas hein Daniel, tu me laisses pas toi aussi hein ?? Allez Daniel tiens bon…”

 

Son téléphone bipe, et il s’empresse de lire la réponse de Dr Maison qui lui demande sa position et lui assure qu’il arrive au plus vite, seul.

Antoine enroule ses bras autour des épaules de Daniel, et il le tient fort contre lui. "Ça va aller Daniel, Docteur Maison il arrive !! J’reste avec toi Daniel j’te promets, tu veux que je te chante une petite chanson ? Ça t'aidera à aller mieux, oui !!”

 

Daniel ne répond pas, son silence est oppressant, alors Antoine se met à chantonner, sa voix un peu trop aiguë, un peu trop tremblante, pour remplir cette ruelle sombre d’une chaleur peut-être obsolète.

Comme pour accentuer la tragédie de la scène, la pluie se met à tomber. 

L’adversité frappe toujours très fort, chez les Croûtes. 

 

Il ne se passe pas plus d’une minute avant que le chant des sirènes d'une ambulance se joigne à celui de Antoine. Il a quand même l’impression que ça fait des heures. 

 

“Docteur Croûte…" 

La voix grave de Maison raisonne en Antoine et le réchauffe juste un peu, mais l’homme lui prend aussitôt Daniel des bras pour l'ausculter rapidement, et Antoine se rappelle encore une fois comme Maison est celui qui leur a peint une réputation horrible dans toute la ville.

 

Dr Cox avait raison, sur ce point.

Comme… sur beaucoup d'autres, au final.

 

Antoine se pince les lèvres. C’est pas le moment de douter, ni de bouder, lui dirait Daniel.

Et s’il y a quelqu’un qu’il suivra jusqu'au bout, c’est Daniel. 

 

Alors Antoine aide Dr Maison à transporter Daniel dans l'ambulance, et il s'assoit près de son cousin, penché sur le brancard. 

 

Il fait moins froid, ici, mais quand Antoine prend la main de Daniel dans la sienne, il se rend compte d'à quel point son cousin est gelé, en fait. 

Il respire mal, mais au moins il respire.

 

"Daniel, ça va aller Daniel, parce qu'on se relève toujours, pas vrai Daniel ?"

 

Il aimerait bien que Daniel lui réponde, il déteste profondément ce silence, celui qui lui rappelle ces années de solitudes avant que Daniel ne revienne dans sa vie.

 

"Qu'est ce que vous faisiez là, Docteur Croûte ?" 

 

Antoine fronce les sourcils, sans quitter le visage de Daniel des yeux. "Je sais pas si vous allez pas le dire a tout le monde si je vous le dit M'sieur Maison." 

 

"Comment ça cher ami ?" 

 

La tension est palpable, comme si Dr Maison savait qu'Antoine avait des choses à lui reprocher.

 

"Vous savez Docteur Maison, moi j'ai pas oublié que vous avez dit à tout le monde qu'on vous avait tout volé !!" S'exclame Antoine; sa main se resserre autour de celle de Daniel, même si elle est devenue moite. "Je sais plus si je peux vraiment vous faire confiance, même si c'est Daniel le cerveau, oui !!"

 

Le silence qui s'ensuit n'est pas confortable, parce que Maison semble réfléchir à ce qu'il va dire. 

Ils sont en train de se garer devant les Urgences, lorsque Dr Maison répond enfin. “Je pensais sincèrement que vous m’aviez trahis, cher enfant, mettez vous donc à la place du vieil homme que je suis. Ca me peine d’entendre ça, Docteur Croûte, vous connaissez mon sentiment pour vous.”

 

Maison sort, laisse Antoine ressentir cette culpabilité qu’il lui a fait ressentir plus d’une fois alors qu’il fait le tour et ouvre les portes arrière de son ambulance. 

Il l’aide à transporter Daniel, mais à peine son pied touche le sol que des bras forts - et étrangement velus - attrapent Daniel et le soulèvent pour le sécuriser dans une étreinte ferme. 

 

“Nom d’un mulet, il est pas bien frais çui-là, on va partir sur une auscultation en décontamination."

 

“Quoi, comment ça, Daniel !” Antoine panique, et il agrippe la manche du médecin bourru qu’il reconnaît comme étant le frère de Vanessa. “Je vais pas pouvoir rester avec lui ?” 

 

Titouan Martino s’arrête; avise le Dr Maison qui acquiesce, lui donne le feu vert pour quelque chose qu’Antoine ne devine pas. Alors Titouan baisse les yeux sur Antoine et soupire. “T’en fais pas, petit citoyen, tu vas pouvoir rester avec le mioche amoché, de toute façon faut qu’on te soigne, toi aussi, mais pour l’instant va falloir que tu attendes un peu. Promis, pas longtemps, je l’jure sur mon mulet, c’est sacré !”

 

Antoine ne sait pas si le mulet du docteur est si sacré que ça - Daniel saurait, lui - mais il décide de lui faire confiance parce que c’est le frère de Vanessa, et il peut faire confiance à Vanessa.

 

Pas vrai ?

 

Antoine lâche la manche du monsieur, regarde Daniel s'éloigner, toujours évanoui, toujours pâle, et il à l’impression qu’on lui enlève une partie de lui.

Comme ce jour-là, à l’aéroport.

 

“Allons Docteur Croûte, ça va bien se passer. Venez avec moi.”

 

Antoine soupire. Il est épuisé, il a mal partout, il aimerait dormir et se réveiller avec Daniel, au Domaine, revoir Don Telo, même monsieur Fab. Il suit docteur Maison à l'intérieur de l'hôpital, le laisse l'entraîner dans les dédales fades de ce labyrinthe qui était autrefois son chez lui.

 

Il se laisse tomber sur l’un des lits, se recroqueville, laisse le docteur l’ausculter, ses mains chaudes le bercent un peu, alors qu’il fixe le mur, répond vaguement aux questions de routine, mais esquive celles un peu plus personnelles.

Docteur Maison n’est pas bête - il est beaucoup de chose, mais bête n’est certainement pas l’une d’entre elle - et il comprend bien qu’Antoine ne lui dira pas pourquoi Daniel est encore là, ni ce qu’ils faisaient là, sur le trottoir d’une ruelle sombre derrière un restaurant chinois. 

 

“Reposez vous ici, cher enfant, le docteur Martino viendra vous chercher lorsque vous pourrez rejoindre votre cousin, le docteur Croûte."

 

La voix de Docteur Maison est si douce, elle avait l’habitude d'évoquer un moment de confort auprès d’une cheminée dans une cabane dans les bois lors d’un jour de pluie, pour Antoine - avec un chocolat chaud dans les mains ! avait ajouté Daniel - et elle le réconforte toujours un peu, mais Antoine est trop blessé, trop à vif de tout ce qui s’est passé lors de la dernière semaine des vacances pour se laisser réchauffer par cette voix familière. 

 

Antoine ne répond pas, reste prostré sur le lit, qui est si confortable qu’il pourrait s’y endormir en un instant, mais il a peur d’ouvrir les yeux et d’apprendre que Daniel n’est plus là. 

 

Dr Maison reste encore quelques secondes, avant de s'éloigner en lui souhaitant une bonne soirée.

Antoine se retient de rétorquer qu’il passe pas vraiment une bonne soirée, et il se recroqueville sur lui-même. Il a mal au ventre, en plus, il ne manquerait plus que ça , pour couronner cette horrible journée. 

 

Il se redresse lentement et avise les alentours. Il n’y a pas un bruit, pas un chat, alors Antoine se dit qu’un petit aller retour à la machine à café pour prendre quelque chose de chaud ça pourrait lui faire du bien. 

Il se glisse hors du lit, et se dirige vers l’entrée, ou plusieurs machines sont alignées. L’une d’elles est la machine à café qu'il cherche, une autre est une machine à snacks, et une troisième… Vends des cigarettes. 

 

Antoine se pince les lèvres avec ses doigts, avant de regarder alentour.

 

Il a fini son dernier paquet de cigarettes avec Daniel un après-midi alors qu’ils couraient dans une piscine chez des habitants absents, pour se rappeler les moments avec Johnny et Gontran. 

 

Antoine enfonce sa main dans l’une de ses poches et en sort quelques pièces. 

Il n’a pas assez pour un chocolat chaud et un paquet de cigarettes, il va devoir faire un choix - et comme Daniel n’est pas là, Antoine ne choisit pas le chocolat chaud. 

Il se dépêche de glisser les pièces dans la machine, de sélectionner son paquet favori, et de le récupérer en se contorsionnant bizarrement comme à chaque fois qu’il récupère un produit dans une machine comme celle-ci. 

 

Il sort ensuite, toujours en alerte, mais il n’y a personne - pas étonnant, cela dit, il est tard, la plupart des médecins et des badaux sont sûrement chez eux, confortablement installés devant leur télé - avec une bouteille de vin Montazac Torez, Antoine espère. 

Il sort une cigarette de son paquet, l'emmène entre ses lèvres, et se rend compte qu’il n’a pas de feu.

 

Mince !  

C’est trop bête. Il pourrait demander a quelqu’un dans la rue pour un briquet ou une allumette, mais honnêtement il n’a pas la foi de discuter avec un inconnu. Surtout à cette heure… Les gens qui traînent ne sont pas toujours ici par hasard.

Il se retourne, près à rentrer à l'intérieur de l'hôpital, lorsqu’un briquet s’allume juste devant ses yeux. 

Autour de ce briquet, il y a une main, et attaché à cette main, il y a un homme.

 

Un homme qu’Antoine n’aurait jamais cru revoir de si tôt. Voire... jamais. 

 

“Besoin d’un feu, mon petit Antoine ?”

 

La voix du Docteur Cox lui arrache un frisson, et Antoine laisse la cigarette entre ses lèvres tomber au sol de stupeur.

 

C’est la dernière chose dont il se souvient, ce soir-là.



//



Bill Boid; Samedi, 04h32 :

 

Tic, tac.

Tic, tac.

Tic, tac.

 

Le bruit de l’horloge qui tourne est la seule musique à son oreille. Le commissaire regarde par la fenêtre de son bureau, assis sur son siège, comme pour les trois dernières heures. 

 

Les derniers cadets du service de jour ont pris leur fin de service il y a déjà plus de 6h, mais Bill n’a toujours pas dépointé. Bill n’a pas dépointé depuis des jours, maintenant. 

Le silence de son bureau est bien plus confortable que celui, oppressant, de son nouvel appartement de luxe en centre-ville. 

 

Les murs sont vides, chez lui; ici, ils sont remplis des preuves de ses anciens exploits.

 

Et puis, ici, il avait une chance de croiser son co-commissaire.

Même si c'était ce qui l’avait poussé à quitter leur collocation en premier lieu, éviter Francis Kuck.



Bill sent un bâillement monter et cramper sa mâchoire, alors il se lève, enfin, et après des heures, son siège a pris la forme de son corps. 

 

Il se dirige vers sa fenêtre, celle-ci donne sur la rue qui mène à la place centrale, c’est une bonne vue, pour une prison. 

Il fait nuit, les lumières continuent d'illuminer la ville et toutes ses activités nocturnes. Facile de repérer des personnes suspectes.

 

Bill sait qu’il ne devrait pas rester enfermé ici, qu’il se laisse sombrer, et le pire c'est que personne ne semble vouloir l’aider. Ca profite à tout le monde, que le bon vieux commissaire soit enfermé dans une cage en verre, soulagé du travail de terrain, avec trop de temps sur les bras et peu de décisions importantes à prendre. 



Le problème, c’est que certains en profitent peut-être un peu trop. 

Bill le sait.

Il l’entend.

Certains vers ont infiltré la pomme, parce que le capitaine est devenu commissaire, et qu’ils pensent qu’il ne voit plus rien. Ils se permettent des choses que Bill n’aurait jamais laissé passer, et pour quoi ? 

 

Parce que le Iench n’est pas que capitaine. Il est aussi maire, et il n’est jamais là. Et surtout… C’est un chien. Peu importe à quel point il est bon, il est limité, qu’il le veuille ou non.

Et puis, Bill n’a jamais eu une totale confiance en lui. Surtout pas depuis le fiasco du jour de l'élection. 

 

Le seul en qui Bill a confiance, c'est Panis.

Le lieutenant, qui lui aussi s'est fait voler une position qu'il méritait. En plus, Panis continue à venir voir le commissaire directement, lui, et lui seul, pour toutes les affaires qu’il estime importantes.

 

C’est pas parce que ces enfoirés - ces enfoirés, il sait pas vraiment qui ils sont, mais il sait  qu’ils existent - ont réussi à l’isoler que Bill a perdu son efficacité. 

Au contraire. Il a toujours aimé la difficulté, aimé trouver des solutions aux challenges que la vie lui imposait.

 

Panis le sait. Il sait aussi que Bill a été saboté.

C'est triste, ce qu'il a perdu avec son ancien lieutenant, son ancien meilleur ami, son ancien amour - mais c'est la vie. Panis est assez solide pour le supporter, désormais, c’est lui sa nouvelle canne. 

Panis est bon, courageux, et il a un vrai sens de la justice. Et surtout, il le croit. 

 

Il est tout ce à quoi Bill Boid peut se raccrocher, désormais. 



Un autre bâillement cherche à sortir de sa bouche, alors le commissaire retourne s'asseoir à son bureau. 

 

Devant lui, il y a plusieurs dossiers, papiers et numériques, qui sont ouverts. 

Les dossiers portent des noms familiers. Des noms qu'il a beaucoup côtoyés, il y a quelques semaines. 

 

Donatien de Montazac.

Gerard Pichon.

Haylie James.

Jacky Pagnolesse.

Didier Traoul.

Marcello Capone.

 

Devon Denis.

 

Joséphine de Beaucollier



Bill s'évertue à éplucher de vieux dossiers. 

Par ennui, par nostalgie… Il n'est pas sûr de pourquoi. 

Seulement, il est sûr d'avoir mis la main sur quelque chose. 

 

Quand il en a parlé à Francis, celui-ci lui a dit qu'il cherchait la petite bête là où elle n'existait pas, qu'il allait finir par voir des coupables pourtant innocents, et que lui aussi avait besoin de vacances. Kuck ne le soutient plus, il passe son temps a lui dire qu’il perd les pedales, qu’il devient fou, que ce job n’est peut être plus fait pour lui. 

Ça fait un mal de chien. Ah, un mal de chien, vous l’avez ?

 

C’est Panis, qui lui a confirmé ses doutes.

 

Bill a trouvé une déclaration de décès dans le dossier de Beaucollier. Le décès de son mari, la faisant veuve. Elle a touché un énorme pactole grâce à l’assurance et au leg du pécul de toute une vie, et les enfants de Monsieur de Beaucollier ont demandé une révision du testament, mais même après expertise, tout a été légué à Joséphine. Légalement.

 

Panis lui a dit qu’elle le mentionnait souvent, mais refusait de donner la cause de la mort de son défunt mari. 

Bill avait fait une demande de rapport du légiste auprès de la gendarmerie du village français dont venait Madame de Beaucollier, mais celle-ci mettait du temps à leur parvenir. 

 

C'était une enquête sans réel fondement, mais Bill s’y accrochait avec toute la motivation qui lui restait. Motivation, ou désespoir. Le commissaire ne faisait plus trop la différence, dernièrement. 

En plus, ça concernait - de près ou de loin - Devon Denis et le restaurant ARC, et si Bill pouvait trouver un moyen de faire tomber cette petite frappe, il le ferait. 

 

Rien de personnel; ou peut être que si. Peut-être que Bill veut lui faire payer le fait que Devon s’en sorte si bien légalement après toutes les conneries qu’il a faites. 

 

Bill relit le fichier de Joséphine, pour la énième fois, comme si une nouvelle information qu’il aurait peut-être manqué allait soudainement apparaître, lorsque quelqu’un toque à la porte de son bureau.

Il fronce les sourcils. Qui peut bien venir le faire chier à 4h du mat’ ?

 

Il baisse les yeux vers l’horloge de son ordinateur, il est 6h30. 

 

Ah.

 

Le temps passe vite, quand on s’enfonce dans des théories ‘fumeuses’. 

“Oui.” aboie-t-il, et la porte s’ouvre aussitôt.

C’est Panis, qui se présente à lui, des cernes visibles sous ses lunettes de soleil. 

 

“Bonjour, commissaire, vous… Vous n'avez pas dormi ?”

 

“Non, qu’est ce qu’il y a lieutenant j’ai pas que ça a foutre, j’suis sur le dossier Beaucollier là. Je sens que j’tiens quelque chose la.”

 

Panis ne répond pas tout de suite, il avise les alentours, dans le couloir qui mène au bureau de Boid. Il n’y a personne, sûrement, à cette heure-là. 

Il entre finalement dans la pièce et referme derrière lui. Son air est grave, et Bill sent qu’il va lui annoncer quelque chose de gros.

 

“Bon qu’est ce qu’il y a, la, crachez le morceau bon sang.”

 

Il commence à s'énerver, le manque de sommeil et la frustration ne l'aident pas à rester patient. 

 

“Je viens de recevoir un signalement qui provient du LSMS, commissaire, il semblerait qu’Antoine Croûte à disparu." 

 

“Antoine Croûte, Antoine Croûte… C’est le gamin là ?? Celui que l’autre connard avait enlevé mais en fait c'était juste une discussion ?”

 

“Euh oui c’est ça, c’est l’un des cousins Croûte, un des petits protégés du vigneron. On a des témoins qui le placent à l’entrée des urgences, mais c’est tout ce qu’on a pour l’instant.”

 

Bill hausse un sourcil. “Attendez, pourquoi on s’alarme là, peut-être qu’il est juste parti à l'école non ?”

 

“Justement, y a un petit détail qui rend la thèse d’un simple déplacement impossible. Vous vous souvenez de son cousin ? Il vit en France, il avait été déclaré comme sorti du territoire à la fin des vacances, avec Montazac et Torez. Eh ben figurez vous qu’il est là. Il est à l'hôpital, lui. Le docteur m’a dit que ce Croûte là a choppé une sacrée pneumonie, et que l’autre cousin n'était pas dans un très bon état non plus. Y a pas moyen qu’il soit juste partie à l'école, ils étaient toujours collés à la hanche ces deux là."

 

Bill amène une main à son visage et se frotte la mâchoire. Il laisse pousser sa barbe, dernièrement. Francis lui a dit que ça lui allait bien. 

“Okay, j’vais contacter Montacrack et l’école du petit, voir s’il est la bas, je vais appeler les autres hôpitaux et commissariats, et si j’ai pas de traces de lui je lance un avis de recherche.”

 

Panis acquiesce, et il mène une main à son visage pour glisser ses doigts dans ses cheveux. “Je viendrais vous aider dès que j’ai un moment, n'hésitez pas à m'appeler commissaire.” 

 

“Ouais ouais, cassez vous, j’suis sûr qu’on vous attend sur le terrain.” 

 

C’est dit affectueusement, bien sûr, Bill sait que Panis le sait. Le lieutenant acquiesce, et se détourne pour sortir. 

 

Dès qu’il est seul à nouveau, Bill se craque les doigts. Il ressent une excitation qu’il n’avait pas ressenti depuis quelques temps; et malgré lui, malgré son besoin de régler cette situation au plus vite, il se prend à espérer que le jeune Antoine Croûte s'est bel et bien retrouvé dans des emmerdes - quelque chose qui lui demande une enquête, une vraie. 

 

Quelque chose pour lui redonner le goût de vivre.

Chapter 2

Notes:

Merci a Norpad pour la relecture ET LE MAGNIFIQUE FANART QUI ACCOMPAGNE CE CHAPITRE allez voir son Twitter svp @norpadd ♡♡
Et l'aide sur la derniere partie, et merci a toutes les personnes du serveur qui me soutiennent vous etes geniaux.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Lenny; Dimanche, 10h46 : 

 

Le soleil brille aujourd’hui. Il tape, même.

Les temps sont calmes dernièrement. Très calmes.

 

Trop calmes, en fait. 

 

Lenny sait très bien pourquoi.

M.T. est mort, pour Los Santos. 

Les Families sont en plein conclave pour élire un nouveau chef - sûrement Liam; au grand damn de Lenny. S'il s'avère que c'est Marcello qui prend la suite de M.T., peut-être que Lenny pourra en faire quelque chose. 

 

Ce n’est pas tout. Les agents du LSPD qui avaient déserté pendant les vacances sont revenus, alors pas mal de petites mains se sont terrées dans leurs terriers. 

 

C'est pareil au niveau du LSMS, mais ça, c’est une aubaine pour toute la ville. 



Les verts ne sont pas les seuls à être en deuil.

Peu de temps après la dernière soirée chez Montazac, Miguel a eu un accident de voiture, très grave. Assez grave pour qu’il reste dans le coma.

Et il n’en sort pas. 



Lenny ferme les yeux, et il se laisse aller contre le mur en crépi du bâtiment contre lequel il s’est adossé. 

La musique qui s'échappe de l’une des fenêtres provient d’une vieille radio qui déforme les ondes, mais c’est nostalgique. 

La radio est celle de sa mère, et cette musique est celle de son enfance. 

 

Ici, c’est chez lui. Pas le quartier - enfin si, parce que c’est à la lisière ouest du quartier - son vrai chez lui. La petite résidence dans laquelle à grandi, et dans laquelle sa mère compte terminer ses jours, même si Lenny lui a acheté une villa sur une île paradisiaque, et un grand appartement en plein cœur du Mexique, il y a des années de ça. 



Le soleil lui caresse le visage, c’est agréable. 

Lenny a rarement vécu de tels moments, depuis qu’il est chez les Vagos. 

 

Sa mère lui dit quelque chose depuis la fenêtre, elle a la voix encore claire et portante, malgré son âge.

La nourriture est prête, qu’elle lui dit, et Lenny inspire longuement, parce qu’il va devoir retourner dans cette petite pièce dans laquelle il a envie de s’enfermer, mais aussi de ne plus jamais remettre les pieds. 

 

Cette pièce, c’est la dépendance qu’est sa chambre d’adolescent, à côté de l’appartement de sa mère. 

Pour accéder à l’appartement de sa mère, il faut entrer dans une petite cour carrée qui appartient à une résidence, et grimper un escalier en ferraille un peu rouillée. L’appartement 306 est à gauche, il faut longer la rambarde, et passer devant une porte en bois ornée d’une croix portant Jésus. 

 

C’est derrière cette porte que Lenny a passé son adolescence, et ses premieres années de petite main pour les jaunes. 

C’est derrière cette porte, qu’en ce moment, se repose son pire ennemi, l’ancien chef des verts.

 

M.T.

 

Lenny regarde le panneau de bois avec appréhension. M.T. commence à se réveiller de plus en plus fréquemment, et il est lucide.

Ce qui se traduit aussi par : agressif. 

 

Depuis qu’il s’est réveillé, Vendredi, M.T. ne pose aucune question, mais il est farouche et hostile, comme s’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. 

Et pour cause. 

C’est pas commun, de se réveiller proche de la mort, sous les soins de son ennemi juré. 



Lenny se met en mouvement, reprend son chemin pour rejoindre une autre porte qu'il franchissait souvent, enfant. 

Ça sent bon, il fait chaud, la musique est plus forte. 

 

La maison est criblée d'idoles et autres totems religieux, des items en tout genre que sa mère a collecté tout au long de sa vie. 

 

Elle est très pieuse, très attachée à la Santa Maria. C'est une de leurs plus grandes sources de conflit, avec Lenny. 

 

Elle l'appelle, encore, lui répète que la nourriture pour son ami est prête, et Lenny s'empeche de grogner, de la reprendre, de lui dire que M.T. n'est pas son ami, mais elle n'a pas besoin de savoir. 

Le fait qu'elle accepte seulement de laisser Lenny retourner dans son ancienne chambre pour s'occuper de ce qui s'apparente à un cadavre sans poser de question, c'est plus que ce que Lenny pouvait espérer venant de sa part. 

 

Surtout depuis qu'ils se sont disputés, après que Lenny se soit fait tatouer un tel blasphème sur le torse. Heureusement que Miguel était là pour calmer les choses, à l’époque.

 

Une sensation glaçante lui saisit la nuque lorsqu’il pense à son bras droit. 

Vite, pense à autre chose.  

 

Sa mère le hèle. Elle lui parle en espagnol, il répond en anglais, comme toujours, même si, comme toujours, il en a honte. C'est bête, quand il était petit, Lenny était fasciné par son père, même s’il n'était pas là, à tel point qu’il voulait absolument lui ressembler. A tel point, que Lenny a refusé d’apprendre l’espagnol. Jusqu’à ce que sa mère lui dise la vérité sur son père. Jusqu’à ce que Lenny se rende compte, qu’en fait, son père n’était qu’un lâche qui les avait abandonnés. Il n'était pas quelqu’un qui valait la peine qu’on lui rassemble.

Loin de là.

Surtout quand sa mère, elle, s'était évertuée à l'élever malgré les difficultés que représentait Lenny - et Matéo, qui était si souvent dans les parages - et celles que la vie lui imposait. 



Lenny débarque dans la cuisine, il porte sa chemise jaune ouverte, et quand elle le voit, sa mère claque sa langue contre son palais et essaye de la lui refermer, mais Lenny l’arrete et prend le plateau surchargé de nourriture qu’elle a preparé. 

Pour M.T.

 

Lenny sent son ventre se contracter malgré lui. Il ne peut pas s’en empêcher, il a peur, de l’avoir ici, si près de sa mère, du trésor de sa vie, de sa plus grosse faiblesse, mais il a prit sa décision, ce jour là, quand il a trouvé le corps de Twain, sur la rive du canal sous l’autoroute. Et ici, c'est le seul endroit où Lenny peut décemment laisser M.T. récupérer, tout en gardant un œil sur ses propres affaires. 

 

Pourquoi est-ce qu'il a fait ça, déjà…

 

C'est quand il pose son regard sur sa mère que Lenny commence à douter. Haylie a sûrement raison--

 

Sa mère rouspète, lui dit d'apporter le plat à son ami, et ajoute qu’elle ne veut pas voir cette horreur sur son ventre. Puis elle lui frotte le bras et se lève sur la pointe des pieds pour l’attraper par la nuque et le forcer à se pencher en avant pour qu’elle puisse embrasser sa joue.

Elle fait tout le temps ça.

 

Ça réchauffe Lenny, encore plus que le soleil qui tape dehors. 

 

Elle le repousse ensuite, et le presse à s’en aller, parce qu’elle a encore tellement à faire pour le repas de ce soir.

Lenny rit et lui dit de ne pas trop en faire, qu’ils ne sont que deux, et sa mère lui dit que tout le monde va manger dans la cour ce soir. C'est quelque chose qu’ils ont toujours fait, avec leurs voisins - c’est comme une famille, au final.

Lenny perd son sourire. 

La sœur de Raccoon sera là, sûrement, et elle ne sait probablement toujours pas.

 

Lenny n’arrive pas à lui dire.

 

Penser à Raccoon est une pente dangereusement glissante, parce que si Lenny pense à Matéo, il pense inévitablement à –



Il se retrouve de nouveau devant la porte de son ancienne chambre, cette porte en bois meurtrie par les années, et cette croix qu’il détestait tant, avant.

Il commence à l’aimer. 

 

Lenny pousse la porte et entre dans une petite pièce qui comporte une armoire avec un miroir brisé sur l’une de ses portes, quelques étagères, un mini frigo sur lequel est posé une plaque chauffante, et un lit, poussé contre le mur du fond. 

Occupé.

 

Il n’y a qu’une fenêtre, qui donne sur la cour, mais la persienne est tirée et tamise la lumière du soleil qui se diffuse, douce, dans la pièce. 

L’un des rayons tombe droit sur la poitrine de l’homme qui dort, allongé sur le dos, sur le lit de Lenny. 

Night-suffuring

 

M.T. a l’air si inoffensif, comme ça. 

Et pourtant, même endormi, il n'a pas du tout l’air fragile.

Même endormi, il dégage une aura si écrasante que Lenny n’a qu’une envie, se recroqueviller sur lui-même. 

C’est la fatigue, il se dit, en essayant d’ignorer la voix dans sa tête qui lui murmure que Twain a toujours eu cet effet sur les gens, et qu’il était une arme imparable chez les Families, avant qu’ils ne tombent. 

 

Lenny refuse de penser qu’il a pu connaître M.T. autrement que comme son pire ennemi. Pas maintenant. Pas quand le moindre faux mouvement peut tout foutre en l’air.

 

Il approche de la table de nuit qui flanque sa tête de lit pour y déposer le plateau, et il remarque que le flingue qu’il y avait déposé n’y est toujours pas.

Quand il relève les yeux pour aviser le corps endormi sur son lit, Lenny tombe nez à nez avec le canon dudit flingue.

 

Encore.

 

Il soupire, lassement, mais il ne bouge pas. “Va falloir arrêter avec tes réveils dramatiques.”

 

M.T. abaisse lentement le flingue, pour le presser contre les lèvres de Lenny, et Lenny fronce les sourcils. Ça fait sourire M.T., un sourire tordu par la brûlure qui défigure la moitié de son visage. 

 

“Pan.” 

 

Lenny hausse un sourcil. Il détourne la tête, ignorant la façon dont ses lèvres accrochent le canon. “T’es un vrai gamin.”

Il attrape le verre vide qui trônait près de la lampe de chevet, et se dirige vers le mini frigo à l’autre bout de la pièce, pour en sortir de l’eau fraîche et remplir le verre. 

 

Son lit grince - son lit a toujours grincé, c’est un bruit auquel Lenny s'était accommodé rapidement, tout comme le son des gens qui crient et qui rient ou des voitures qui passent à vive allure dans la rue qui longe la résidence - signe que M.T. se déplace.

Lenny se retourne, prêt à le réprimander, mais quand il le voit s’asseoir avec difficulté contre le mur, il reste planté là. 

 

Assis comme ça, le visage relevé, son regard clair et perçant rivé sur lui, vivant , M.T. est une sacrée vision. Lenny a presque envie de croire en toutes les idoles que sa mère adore.

 

image0

 

M.T. a l'air d'aller mieux, de moins souffrir.

Pourtant Lenny sait que ce n’est pas le cas. Il le voit au léger froncement permanent entre ses sourcils. 

 

Comme ça, Lenny peut mieux se rendre compte de l'étendue des dégâts qui ont été infligés à son ennemi. Il est brûlé sur le côté gauche, la brûlure s'étale le long de son flanc et sa hanche de façon sporadique, s’enroule autour d’une bonne partie de son bras, irise son cou et termine en une flammèche qui lèche son visage de son menton jusqu'à son front, barrant son oeil d’un éclair pâle. Les tissus cicatrisés, roses, clashent avec le noir de sa peau, comme un nouveau tattoo indésirable. 

 

Lenny est fasciné, malgré lui.

 

“T’as jamais vu un monstre mon frère ?” lance M.T., et Lenny se rend compte qu’il le fixait, lui aussi, sans le vouloir. “Cette fois il est pas sous ton lit.”

 

Lenny essaye de se sortir de sa stupeur en se forçant à avancer vers M.T.

Il lui tend le verre d’eau, mais M.T. continue à le regarder avec un air de défi. 

Le chef des Vagos claque sa langue contre son palais, “Prends tes médocs, dugland.”

 

M.T. semble hésiter, Lenny remarque comme sa main se resserre autour du 9mm, mais il ne flanche pas. M.T. prend finalement le verre, et Lenny se détourne pour aller s’asseoir sur la chaise dans laquelle il a passé le plus clair de son temps dernièrement.

 

Le silence s’installe, ensuite, à peine dérangé par le bruit de couverts qui heurtent un plat, de la chair d’un pilon de poulet déchirée avec avidité, et par la musique à peine étouffée par les murs fins de la pièce. 

Petit à petit, des discussions et des rires se font entendre dans la cour. Les voisins se réunissent déjà. 

Lenny se laisse bercer par tous ces bruits blancs, et il ferme les yeux, prêt à somnoler.

 

Il est épuisé.

Il ne le montre jamais, comme toujours, mais Lenny est lessivé, usé, et il ne tient qu'à un fil. 

Ce n’est pas ses business avec le gang qui l'épuisent. Ce n’est pas non plus son manque de sommeil, ou le fait qu’il a dormi dans le pouf défoncé du coin de sa chambre d’ado ces derniers jours, toujours d’un seul œil. Ce n’est pas non plus le fait qu’il a décidé de ramasser le corps de son ennemi juré sous un pont près du canal, ou le fait qu’il le soigne comme il peut en s'évertuant à garder son état et sa location secrets. 

 

Non, ce qui l'épuise le plus, c’est ce combat qu’il mène, chaque jour, avec lui-même, pour s'empêcher de penser et ressentir l’immense vide que Miguel à laisser en lui. 

Ce qui l’use, c’est la façon dont il se cabre contre les émotions qui tentent de l’envahir à chaque seconde, les souvenirs qui affluent dès qu’il pose le regard sur un objet que Miguel a déjà touché, ou un endroit ou Miguel s’est tenu, un jour. 

Lenny est à bout, depuis que Miguel est tombé dans le coma. 

 

“T’as vraiment une sale gueule. Presque pire que moi.”

 

La voix de M.T. le ramène aussitôt à la réalité. M.T. le dévisage, mais dès que Lenny croise son regard, il le dévie pour le diriger droit devant lui. 

Lenny suit sa ligne de mire et avise le vieux miroir fissuré accroché à la porte de son armoire, en face de son lit, à l’autre bout de la pièce. 

 

Il n’imagine pas ce que ça doit être pour M.T. de se voir dans cet état. Il n'imagine pas quelle image s'y reflète, dans ce vieux miroir brisé.

 

“J’te trouve pas plus moche que d’habitude.” répond Lenny, en croisant les bras sur son torse.

M.T. renifle.

 

“Qu’est ce que j’fous là.”

 

Ce n’est pas une question, mais Lenny y répond tout de même, "A ton avis ? On s'prépare à faire un tennis."

 

M.T. laisse échapper un bruit, qui ne ressemble pas tout à fait à un rire. "J'vais pas être d'une très grande aide." 

 

"Jamais dis qu'on jouerait dans la même équipe."

 

"Ça non, on est clairement pas de la même équipe, fils de pute." 

 

Ça lui demande tout ce qu'il a, à Lenny, pour ne pas se lever et lui planter une lame dans le ventre. 

À la place il se tait, lui donne le traitement de l'indifférence, et laisse la tension électrique de l'atmosphère être noyée par le doux brouhaha extérieur.   

 

Quand M.T. reprend la parole, Lenny pourrait jurer que ses mots sont entrelacés d'une pointe de regrets. 

 

"Y a une fête des voisins dehors ?" 

 

Si Lenny répond, il admet qu'il est chez lui. Il pourrait feindre l'ignorance à nouveau, mais les photos de lui et Raccoon enfants sur les murs, et d'eux et Miguel, posée contre la lampe de chevet vendent plutôt bien la mèche. 

 

"Ouais. La Madre va encore trop cuisiner, ça va sentir jusqu'ici, t'es prévenu." 

 

M.T. humme, comme si ça ne le dérangeait pas. 

 

Le silence tombe à nouveau, moins épais, moins poisseux. La musique est lente, elle berce, et Lenny ferme encore les yeux. Il peut imaginer Miguel lui dire qu'il est un peu trop à l'aise autour de l'autre connard de Familiesdepute. 

 

"Pourquoi j'suis là ?" 

 

La voix d'M.T. le sauve des sensations aigres qui commençaient à saisir son estomac. 

Il a une sacrée voix, M.T. 

Surtout quand il fait pas le malin. 

 

"Grosso merdo, j't'ai trouvé à moitié mort, et j'me suis dit que t'allais m'en devoir une, si j'te posais un petit pansement."

 

M.T. grogne, c'est un son qui résonne jusqu'en Lenny. "Tu peux crever j't'ai rien demandé reufré."

 

Lenny hausse les épaules. Son excuse sonne parfaitement à ses propres oreilles, et M.T. l'a avalée d'une traite. 

Alors Lenny s'autorise à rouvrir les yeux et à lui demander :

 

“De quoi tu te souviens en dernier ?”

 

M.T. continue à se fixer à travers le miroir brisé.

Lenny patiente, laisse la chaleur et la musique et du doux murmure des conversations à l'extérieur l’envelopper, occuper son esprit. 



“J’ai été tué.”



//



Daniel; Dimanche, 18h02:



“...été fragilisé par vos conditions de vie. Vos poumons ont subi une légère dégradation, l’IRM a dévoilé quelques lésions causées par cette pneumonie.”

 

Daniel essaye d’écouter, il le jure, il essaye, mais il en a vraiment rien à faire des termes médicaux et des conseils que le Docteur Maison essaye de lui prodiguer. 

C’est pas contre lui, Daniel adore le docteur Maison, et il sait que c’est un homme bon, pleins de sagesse, mais la, Daniel a d’autres problèmes.

 

Juste derrière la vitre de sa chambre, il y a des policiers.

 

Il y a des policiers, mais il n’y a pas Antoine.

Il n’a pas vu Antoine depuis qu’il s’est endormi dans cette ruelle, et ça, ça commence à bien faire ! 

 

“... Un traitement à prendre pendant trois semaines. Ensuite, il vous faudra éviter certaines pratiques, du moins pour un certain temps, cher ami.”

 

Daniel lève enfin les yeux sur son médecin. 

“Comment ça, quelles pratiques ?”

 

“Eh bien” Maison semble satisfait d’avoir son attention à nouveau, mais pas moins contrit à l’idée de lui annoncer qu’il va devoir changer de mode de vie. “Dormir dehors, surtout par ce temps, n'est plus une option viable je le crains.”

 

“On a pas assez pour payer un loyer plus de trois mois, et encore, c’est sans compter le fait que, vous savez, on doit manger .” marmonne Daniel. 

 

La moustache du docteur frémit, comme s’il voulait dire quelque chose mais s’en empêchait.

 

Daniel anticipe.

“M’sieur Donation est parti pour régler des affaires en France, avec Fab, et on a plus de tuteur pour nous laisser retirer l’argent de notre compte, du coup.”

 

“Je vois, cher ami, c’est fâcheux. Est-ce que vous êtes allé voir le maire Toutou ?”

 

Daniel grimace.

Il n’a pas vraiment pensé à faire ça. Et pour cause : “Disons qu’on a pas vraiment fait grand chose vu que je devais me cacher parce que je suis censé être rentré chez mes parents en France.”

 

“Ne vous fâchez pas, cher enfant, mais vous n’êtes pas rentré.”

 

Daniel ne le laisse pas finir. “Non, non je suis pas rentré en effet, vous êtes vachement perspicace Docteur aujourd’hui. Il est ou mon cousin ?”

 

Le docteur Maison fait le tour de son lit pour s’approcher de son chevet. Daniel repose son regard sur les policiers derrière la fenêtre. “Docteur Croûte, il est impératif que vous ne vous exposiez plus au froid. Il ne faudra pas non plus fumer, ou consommer une quelconque drogue.”

 

Il pose une main sur l’épaule de Daniel, et Daniel se dit que ce n’est pas si dramatique que ça, il ne fume pas de toute façon, et les drogues sont sorties de son plan de vie, depuis quelque temps déjà. 

 

“J’ai bien peur que l’usage d’un binder ne soit pas non plus conseillé pour au moins les deux semaines à venir, cher ami.”

 

Son ton est doux, bien plus précautionneux.

 

Daniel écarquille les yeux, et croise aussitôt les bras. Il ne répond pas, et sent tout son sang quitter son visage. Il sait que Maison sait, probablement depuis le début, vu les doses de testostérone qu'Antoine et lui ont volé à l'hôpital, mais ça ne change en rien la façon dont Daniel se sent, à l’instant. Mis à nu, pointé du doigt, exposé. 

 

“Nous devrions réfléchir à des alternatives qui ne compriment pas vos poumons en attendant.” 

 

Maison reste médicale, il n’insiste pas, alors Daniel continue à fixer les policiers. 

 

Sa voix est un peu moins sûre, quand il demande à nouveau, “Il est ou mon cousin, Docteur Maison ?”

 

La main du docteur quitte son épaule mais sa chaleur réconfortante lui manque déjà. 

 

“Si je vous le dis, vous me promettez de ne pas essayer de vous enfuir ?”

 

Cette discussion-là commence déjà très mal. Daniel se redresse sur son lit, et lève les yeux sur Maison, les sourcils froncés. 

“Il est ou ??”

 

“Lorsque vous êtes arrivés ici, nous vous avons directement pris en charge, mais le docteur Croûte a dû patienter quelques instants. Je l’avais installé dans l’un des lits du couloir près de l’entrée, et je l’ai laissé sans surveillance quelques minutes seulement. Lorsque je suis revenu, il n'était plus là.”

 

Daniel sent une colère sourde l’envahir. C’est comme une soudaine bouffée de chaleur qui fait picoter ses doigts, et qui l'empêche de respirer correctement.

 

Peut être que ce n’est pas que de la colère. 

 

Il sort de son lit, et n’attend pas une seconde pour se diriger vers la porte. “Docteur Croûte, s’il vous plaît…"

 

Daniel fait volte face soudainement, le visage rouge, “Vous etes con, Docteur Maison, vous savez tres bien qu’il faut jamais le laisser sans surveillance, et vous qu’est ce que vous faites, vous le laissez tout seul dans un couloir d’hopital comme si on avait pas vecu assez de merde comme ça !! Tout le monde est con dans cet hôpital !!”

 

Daniel crie pour cacher sa peine, sa peur panique, celle qu’il a ressenti lorsqu’il avait entendu les mots Docteur Cox a enlevé Antoine , la dernière fois. Celle qu’il a encore ressenti en voyant Antoine être visé par le canon de ce même docteur.

 

Pourquoi est-ce que tous les docteurs sont aussi cons ?? Est-ce qu’ils ne sont pas censés nous protéger ?

 

Maison n’essaye pas de l'arrêter. Il soupire, baisse le regard sur ses propres chaussures, résigné. “Vous m’en voyez désolé, cher ami, je ne pensais pas que votre cousin allait déserter." 

 

Quelque chose ne colle pas, avec ce que vient de dire le Docteur Maison.

 

Daniel se détourne et ouvre la porte, pour faire face à trois flics, dont l’un qu’il reconnaît aussitôt. “M’sieur Panis ! Il est ou mon cousin ?”

 

Les flics s’interrompent aussitôt et avisent tous Daniel avec un regard qui lui déplait fortement. Il croise les bras sur son torse, défensif. “Quoi, vous avez jamais vu quelqu’un dans une robe de chambre ?”

 

Panis s’approche. “Bonsoir, Monsieur Croûte, est-ce que vous avez eu des nouvelles de votre cousin ces dernières 48h ?”

 

“Ben non, sinon je vous demanderais pas, soyez pas con vous aussi !” s'énerve Daniel. 

 

“D’accord, calmez vous, je vais vous donner les informations que j'ai recueillies, mais il va falloir me promettre de ne pas tenter quoi que ce soit par vous même.”

 

Daniel veut bien promettre, mais la boule d’angoisse dans son ventre commence à le grignoter de l'intérieur, et s’il ne fait rien, il va sûrement mourir étouffé à cause de ses poumons.

 

“Dites moi.”

 

Panis jette un œil par-dessus son épaule. Quand il repose son regard sur Daniel, une lueur étrange anime ses iris. “On devrait peut-être en parler à l'intérieur, que vous puissiez vous reposer.”

 

Daniel se penche légèrement sur le côté et avise les deux autres flics qui boivent un café en discutant à voix basse. L’un d’eux lance un regard noir à Daniel, alors il se redresse et acquiesce.

 

Il va aussitôt s’asseoir sur son lit, et Panis referme la porte derrière lui, faisant comprendre à Maison qu’il était le bienvenu pour cette discussion. 

 

“Elles sont où les NCIS ?” demande Daniel, en regardant les deux flics qui restent derrière la fenêtre. C’est deux gars qu’il ne connaît pas, et qui ont l’air patibulaire. “Elles ont pas l’air commode les deux armoires à glace la.”

 

Panis lance un regard au Docteur Maison. “C’est… Compliqué. Elles sont assignées à la circulation, actuellement.”

 

“Ah oui, rétrogradées quoi. T’as vu Antoine j’ai utilisé un grand mot–” Daniel se retourne et se fige aussitôt. 

L’ambiance est tendue soudainement, et Daniel rougit de honte. 

 

Quand il se retourne vers Panis, celui-ci le regarde avec pitié. Il déteste ça.

 

“Monsieur Daniel, mes collègues pensent que votre cousin s’est simplement enfui, ou qu’il est retourné chez vous. Seulement vous n’avez aucun domicile répertorié dans les fichiers du comico. Je suis allé vérifier le vignoble, et il n’y était pas. Quelque chose me dit que vous avez des informations qui pourraient m’aider à retrouver votre cousin, parce que je pense que vous comme moi, on le sait, hein…”

 

“Il s’est pas enfui." Termine Daniel. Il est soulagé, tout comme il est bouleversé. Soulagé, parce que Panis à l’air d'être quelqu’un de confiance. Bouleversé parce que… “Monsieur Panis, jamais Antoile il s’en irait sans moi. Les seules fois où on a été séparés c’est parce que je dormais.”

 

Panis acquiesce. “C’est bien ce qui me semblait. Vous êtes inséparables, pas vrai ? Le problème que je vais avoir, c’est que votre parole ne va pas me suffire à ouvrir une enquête.” 

Daniel est outré, mais pas surpris. “Mais j’ai trouvé ça, devant, sur le parking de l’entrée des urgences. Je l’ai trouvé le soir où Antoine a été porté disparu.” Panis sort deux sachets de ses poches, et dans l’un d’eux, il y a une cigarette, un peu sale. Dans l’autre, un paquet neuf. Plein. “J’ai trouvé ça étrange, personne jette un paquet plein comme ça, surtout dans notre économie. Est-ce qu'Antoine fume ?”

 

Daniel regarde le docteur Maison en coin, puis il acquiesce. "Ça lui arrive, parfois, quand il est stressé.”

 

“Hm. Je pense pouvoir utiliser ça pour débloquer une enquête et obtenir une commission rogatoire pour avoir les enregistrements de l'hôpital, si les empreintes dessus sont celles d’Antoine, mais je suppose que le directeur n’aura aucun problème à nous les partager de toute façon.”

 

Daniel et Panis se tournent vers Maison comme un seul homme.

 

“Bien sûr cher ami, je suis prêt à vous les donner dès maintenant. J’ai deux caméras qui pointent la sortie des Urgences.”

 

“Eh bah super. On va faire ça alors.” Panis se retourne vers Daniel. "Dès que j’ai des informations je vous tiens au courant, j’ai votre numéro, et vous avez le mien, si vous avez besoin de quoi que ce soit, si vous avez plus d’infos ou quoi. Deal ?”

 

Panis est si sûr de lui que Daniel acquiesce fermement et lui tend même une main pour que Panis la lui serre.

Il le regarde partir, déterminé, avec Docteur Maison, et Daniel se sent confiant.

 

Enfin, jusqu'à ce que la porte se referme et que les pas s'éloignent. 

La magie s'évanouit. 

Daniel se rend compte qu’il n’a aucune raison d'être content. Aucune raison d'être confiant.

 

Antoine a disparu.

Pire.

Antoine a clairement des problèmes.

 

Daniel pense aussitôt au docteur Cox.

Il se retourne et se laisse tomber sur son lit pour attraper son téléphone sur le plateau accroché à son lit. 

 

Le numéro qu’il cherche est le deuxième plus appelé dans son répertoire.

 

Il le presse et attend que la sonnerie ne se déclenche.

Merde, peut-etre que c’est la nuit, là bas. Peut-être qu’il va pas entendre sa sonnerie. 

Peut-être qu’il veut pas entendre parler de lui ou de son cousin…

 

“Oui allô Daniel ?! C’est Donatien de Montazac au téléphone !”

 

Le cœur de Daniel se serre aussitôt. Les larmes lui montent. Donation lui manque. Il se sent plus seul que jamais, la, tout de suite.

 

“M’sieur Donation…” Sa voix se brise malgré lui, alors qu’un sanglot le secoue.

 

“Daniel ? Que se passe t-il mon p’tit ?”

 

L'inquiétude dans la voix de l’homme est évidente. Ça secoue Daniel encore plus. 

 

“M’sieur Donation… Antoine a disparu. J’ai peur que… Que ça recommence.”

 

Le silence de Donatien est insupportable pour Daniel. “Dites quelque chose s’il vous plaît…”

 

Donatien inspire, et ses mots sont exactement ceux que Daniel veut entendre. “Je prends le premier avion pour Los Santos, Daniel. Attends-moi."



//



Bill Boid; Lundi, 02h09 : 



Bill dort.

Il est assoupi dans son siège, emmitouflé dans un plaid que Kuck lui a offert. Bill sait que ce plaid est celui que le Iench utilisait quand il vivait avec Kuck, mais il s’en fout, il peut facilement imaginer que son co-commissaire lui a offert ce plaid parce qu’il pense à lui.

 

Il s’est endormi en écoutant un peu de jazz, alors qu’il vérifiait à nouveau le dossier de Joséphine De Beaucollier. La musique tourne toujours, douce et lancinante, bien à l’image du temps qui passe dans cette pièce. 

Il pleut des cordes dehors, mais il fait bien chaud, à l'intérieur. Les lumières sont tamisées, et le bruit des gouttes qui frappent contre la vitre de la fenêtre du bureau du commissaire, berce Bill. 

 

Il est parti pour enfin dormir quelques heures, même s’il va encore se réveiller avec un début de lumbago, mais il n’a pas cette chance, Bill.

 

Et ce havre de paix n’en est pas vraiment un. 

La vérité c’est que Bill n’a nul part où aller.

Mais ça, vous le saviez déjà.

Tout le monde le sait déjà. 

 

Surtout ceux qui s’acharnent à le garder enfermé ici.

Et Bill les laisse faire.

A quoi bon se débattre, de toute façon. La molasse a atteint les sphères les plus hautes du service de police. 

 

Ce qui sort Bill de son sommeil, pourtant, c’est une bonne nouvelle. Qui, certes, le tire de son sommeil, mais va lui permettre de s'échapper de cette tour infernale, ne serait-ce qu'un peu. Une liberté que Bill désire plus que tout. Plus que l’homme qui anime ses rêves. 

 

Une liberté, sous la forme d’une distraction. Bienvenue, même si éphémère. 

 

Ting !

 

L’alerte d’un nouveau mail lui fait ouvrir les yeux, et Bill grommelle en se redressant difficilement. 

Son dos lui fait un mal de chien, et il a le cul en compote. 

 

“Mais merde à la fin pas moyen d’etre tranquille hein.”

 

Il fait glisser son siège plus près de son bureau et il enfile ses lunettes pour aviser le mail coupable d’un regard noir. 

 

Dès qu’il lit l’objet de ce mail, son visage s’illumine. “Eh bah enfin, pas trop tôt, bande d’incapables.”

 

Il ouvre le mail et télécharge immédiatement les pièces jointes. C’est un avis de décès pour Victor de Beaucollier, suivi par son rapport d’autopsie. 

Bill ignore le message en mauvais anglais dans le mail et ouvre aussitôt le rapport d’autopsie.

Bien sûr, celui-ci est en français. 

 

Bill soupire. 

Que des branquignoles. 

 

Il se rend vite compte que le mauvais anglais du mail est une traduction grotesque des documents envoyés. 

 

Bill tente de déchiffrer ce qui est écrit, mais il voit flou. Il retire ses lunettes et se frotte les yeux en soupirant. 

Il a besoin d’un café.

Il avise la machine qui repose dans le coin de son bureau. Il est à court de capsules, donc il va devoir descendre pour aller prendre un café dans la machine qui se trouve dans le hall d’entrée. 

La simple idée de sortir de son bureau lui donne des fourmis dans le bout des doigts et une sensation glaciale dégouline le long de sa nuque. 

 

Pas moyen qu’il croise qui que ce soit, à cette heure-là, ça ira. 

 

Bill n’a pas peur de ses hommes, ok ? Il tient son comico d’une main de fer. 

Peu importe ce que les hommes se disent entre eux, peu importe si la corruption pourrie ses rangs.

 

C’est ce qu’il aime se répéter, en se regardant dans le miroir, le matin, mais la vérité est toute différente. 

La corruption a pris le dessus. Et ce n’est pas forcément les gangs - c’est autre chose, qui a grandi silencieusement dans Los Santos, a l’abri des regards, planqué derrière les bastons bruyantes des Families versus les Vagos. Les affrontements de gangs étaient tellement spectaculaires que personne ne s’est rendu compte que la corruption s'infiltrait partout, jusqu’à prendre le contrôle de la ville. 

 

Enfin, ça, c’est la théorie de Bill. Secondée par Panis. 

 

Le commissaire se lève et se dirige vers sa porte. Il saisit la poignée mais ne la tourne pas. 

Il se souvient de cette enquête, quelques semaines plus tôt, sur un trafic de personnes découvert dans le sud de la ville; Boid avait immédiatement saisi l’affaire, avant que le vice-gouverneur ne vienne lui rendre visite, flanqué du Iench, et lui demande de laisser tomber ce dossier.

 

Le iench avait secoué la tête, légèrement, conseillant à Bill de ne pas contester cette décision.

Bill avait été profondément offensé par cette décision - que ce soit le FBI qui lui saisisse une affaire passe encore, mais le Gouverneur ? Du jamais vu. 

 

A partir de là, l’illusion de la justice est tombée comme un château de cartes. 

Des agents payés pour détourner les yeux à ceux qui vendaient des informations sensibles, en passant par les personnes protégées par les plus hauts gradés… 

 

Quand tu en renifle un, tu trouves tous les autres. 

 

Les autres commissaires semblaient se complaire dans leur statut de figure d'autorité payée à ne rien foutre. En plus, la plupart d’entre eux regardent Bill de haut parce qu’ils sont deux, eux. 

 

Bill n’avait vraiment aucun soutien.



Il sort finalement, et s’engage dans le couloir. Il entend des voix, celles des officiers de garde et des standardistes en attente d’un appel d’urgence. 

 

Il prend les escaliers à la volée, se retrouve rapidement dans le hall. Son cœur bat la chamade, et il lisse sa belle chemise blanche, alors qu’il s’approche de la porte. Peut-être qu’il pourrait juste sortir quelques instants, prendre l’air - prendre une voiture, faire un tour sur le terrain, mettre quelques amendes…

 

“Bonsoir commissaire. Vous allez quelque part ?”

 

Bill se fige et se retourne pour aviser l’un des sergents de retour après les vacances. L’homme à son téléphone en main, comme prêt à envoyer un message.

La sensation glacée de tout à l’heure revient de force.

 

Bill a envie de rétorquer, d’aboyer, de lui montrer qu’il a pas peur, mais il connaît la finalité.

 

Bill n’a pas peur de se faire virer, il n’a plus peur de mourir depuis bien longtemps, non, ce dont il a peur, c’est qu’on se serve de lui pour faire proliférer la corruption. Qu’on salisse son nom, qu’on en fasse un outil de la victoire de ce complot qu’il abhorre. 

 

Du coup, il ne répond pas - pas encore, pas maintenant - et il se retourne vers la machine à café pour y insérer une pièce et commander un café. 

Quand il passe près du sergent, café en main, Bill grogne, “Z’avez rien de mieux a foutre que d’me renifler le cul, sergeant ? Retournez travailler.” 

 

Jean lui manque.

Michael lui manque. Les filles, Lindsay et Kelly lui manquent. Putain, même le cadet stagiaire lui manque. Toute la fine équipe de bras cassés des vacances lui manque. 

Ça lui manque, d'être capitaine.

 

Francis lui manque.

Tellement. 

 

Bill remonte, le pas pressé, et retourne s’enfermer dans sa propre cellule. 

 

Ce n'est qu’une fois la porte fermée derrière lui que la sensation de fourmillement dans le bout de ses doigts s’estompe. 

Vanessa adorerait lui dire qu’il devrait prendre un traitement contre cette angoisse qui le mine, mais Bill ne lui laissera jamais ce plaisir. 

 

Il s'assoit derrière son bureau, pose son café fumant près de son ordinateur, et il essaye de déchiffrer à nouveau cet horrible mail remplis de franglais qui lui donnera peut-être les détails de ce qui sera sa prochaine enquête. 

 

“Haute dose d’alcool dans le sang… Hmm… Qu’est ce que c’est que cette merde… Ah.”

 

Le mail parle de mort naturelle suite à une cirrhose du foie, mais en comparant avec la photocopie du rapport d’autopsie, Bill remarque qu’une partie du résultat de l'opération a été censurée. L’un des détails est encore visible, vidé de son sang, ce qui ne colle pas du tout avec le diagnostic final d’une mort naturelle.

 

Bill est très curieux de trouver ce qui a tenté d'être dissimulé.

 

C’est très étrange, toute cette affaire. Pourquoi a-t-elle été étouffée ? Pourquoi Madame de Beaucollier s’en est-elle sortie sans plus d’histoire ?

Ça cache quelque chose, c’est sûr. 

Il n’ y a pas plus coupable qu’une veuve qui prend la confiance et raconte à qui veut l’entendre qu’elle est riche parce que feu son mari est mort.



Bill va devoir missionner l’un de ses anciens poulains qui venait de France, et qui y est retourné, avec une lettre de recommandation signée du commissaire et son co-commissaire.

 

Franck Peine.

 

Bill allait aussi pouvoir demander à Panis de lui traduire le rapport d’autopsie un peu mieux, lui qui venait de France, aussi. 

 

Il sourit en coin. C’est parfait, enfin une affaire dans laquelle Bill va pouvoir mettre son nez sans se faire manipuler par ses supérieurs.

Notes:

Premier fanart par Night

Second fanart par Norpad

Chapter 3

Notes:

Bonsoir, un minimum d'edit, pour un maximum de "WHAT THE FUCK AM I DOING???"

Merci a Norpad encore une fois pour son aide snif ♡♡

Enjoy !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

M.T.; Lundi, 03h42 :



Les rires et les chants s’adoucissent pour devenir murmures et discussions nocturnes. 

Ce n’est plus le soleil qui filtre à travers les persiennes mais les lumières des lampadaires de la rue. 

 

Aujourd’hui c’est la première fois que M.T. se réveille et ne se rendort pas.

La douleur est là, mais elle est sourde. Supportable. 

M.T. à l’impression de sentir ses cellules essayer de se réparer alors que sa peau continue de brûler.

 

La doc aux cheveux rouges est passée plus tôt.

Elle était étonnamment douce, comme ci M.T. n’était pas un dangereux criminel. 

Il l’a déjà vue, dans son quartier, elle n’a jamais bronché, tout ce qu’elle demandait c'était de pouvoir guérir et ne pas savoir ce qui se tramait. 

 

M.T. ne lui fait quand même pas confiance - il ne pourra plus jamais accorder sa confiance à qui que ce soit, jamais , maintenant qu’il se souvient de ce qu’il s’est passé dans le moindre détail. 



Un léger ronflement attire son attention. 

M.T. baisse les yeux. 

Juste là, enfoncé dans un gros pouf défoncé, l'homme qu'il a appris à haïr, mais qui l'a sauvé.

 

Il le voit mal, surtout avec si peu de lumière, mais plus il le fixe, plus il peut capter quelques détails, de son œil droit.

 

Ses lunettes sont posées en équilibre précaire sur son torse, entre les pans de sa chemise. 

Son visage est complètement découvert. C'est une vision rare, M.T. pense. Il peut enfin voir le dessin de ses yeux, la courbe de son nez, le tatouage arachnéen sur sa joue.

Sa bouche, il la connaît. Elle profère assez de menaces et d'insultes à son encontre depuis qu'il est à la tête - était à la tête des families pour qu'il sache exactement à quoi elle ressemble. 

 

M.T. dévie le regard. 

 

Il avise la pièce, faiblement éclairée, et prend le temps de laisser son œil détailler chaque meuble, chaque objet qu'il peut. Certains sont nets, certains ne sont que des masses informes. 

 

Vanessa, la doc, lui a donné son diagnostic, ce soir.

M.T. est brûlé au premier et au deuxième degré sur la hanche, le flanc, le bras, le cou et le visage à gauche. Son bras, son cou et son visage ont été atteints au second degré profond. Ici, sa peau ne sera plus jamais la même. 

La brûlure qui barre son visage a détruit sa rétine, et Vanessa n'a pas su la sauver.

 

D'après elle, M.T. a été incroyablement chanceux. En plus de ses brûlures, il souffrait d'une hémorragie épidurale que Vanessa a détectée par chance- une chance, en effet, parce que si elle ne l'avait pas drainée, M.T. en serait mort. 

 

M.T. se demande s'il a vraiment eu de la chance. 

Si la Mort l'avait pris, il aurait pu retrouver les bras de sa mère, et ses frères.

 

Au lieu de ça, il se retrouve sur un putain de matelas qui grince dans une chambre miteuse qui pue l'encens et la bouffe mexicaine. 

Avec le chef des Vagos qui pionce à ses pieds. 

 

M.T. se redresse, lentement, même si un grincement l'accompagne. 

Son regard se pose à nouveau sur le visage endormi de Lenny, pour être sûr qu'il ne l'a pas réveillé. 

Il a l'air paisible. 

 

M.T. balance ses jambes par-dessus le rebord du lit, et il baisse les yeux sur ses cuisses. Il porte son pantalon, mais celui-ci est propre et recousu à certains endroits. 

Il a des chaussettes aussi, mais ce ne sont pas les siennes. 

 

Son œil fonctionnel repère les cicatrices sur son flanc. Elles brillent sous la lumière des lampadaires. Il lève sa main droite, et vient les effleurer du bout des doigts. C'est lisse.

Il fronce légèrement les sourcils, parce qu'il s'attend à avoir mal, mais rien. Il ne sent rien. Aucune douleur, et son flanc ne ressent pas ses doigts. 

C'est étrange. 

 

Sa main vole ensuite vers son bras gauche. 

Ici non plus, aucune sensation, mais les cicatrices sont beaucoup moins lisses. 

Il laisse ses doigts les dessiner, surpris par le motif serpentin de celles-ci. Il se tend quand ses doigts pressent contre sa peau épargnée - c'est là que la douleur travaille. C'est là que sa peau a encore l'impression de brûler. C'est gonflé, et chaud.

 

Ses doigts continuent leur chemin, lentement, minutieusement pour effleurer son cou. La cicatrice ici se fait plus fine, mais elle n'est pas lisse non plus. 

 

Enfin, ses doigts viennent caresser la flammèche qui décore son visage, et M.T. attrape son reflet dans le miroir brisé qui lui fait face. 

Il se voit, flou, distordu, défiguré. 

 

Il ne sera plus jamais le même.

 

On dirait un monstre.



Il tourne la tête pour regarder Lenny à nouveau.

 

Dehors, les discussions s'éteignent, lentement, et bientôt, le silence n’est plus interrompu que par le rare passage des voitures dans la rue adjacente. 

Lenny dort profondément. Il a des cernes sous les yeux, des cernes qui ont creusé leur chemin sous sa peau. 

M.T. pourrait s’en aller, sans problème, se lever, voler un tee-shirt et des chaussures dans cette armoire miteuse, avant de passer cette porte et partir de cet endroit. 

 

Il pourrait sortir, quitter cet endroit et se rendre a Forum Drive. Il pourrait rentrer chez lui, attraper son lance rocket, et frapper chez Liam. 

 

A la place, la main d’M.T. se repose sur le matelas et ses phalanges effleurent du métal froid. Il tâtonne, et agrippe le 9 mm avec lequel il a dormi ces derniers jours.

 

C’est quelque chose qui turlupine M.T.

Pourquoi laisser une arme ainsi, à sa portée, alors que Lenny sait pertinemment que l’un des buts du boss des Families est de le descendre ? 

 

C’est pas la seule chose qui lui pose problème. M.T. voit mal, mais il voit, et il voit très bien les photos dans la pièce. Des photos de Lenny, de Miguel, du vagos crevé à peine quelques jours après que M.T. soit retourné à Los Santos. 

 

C’est évident, surtout pour quelqu'un habitué à récupérer des informations, que c’est la chambre de Lenny. Pas forcément sa chambre actuelle. M.T. est sur que Lenny vit dans une putain de villa avec piscine et petasse a cocktail sous le parasol. 

Alors pourquoi est-ce qu’il est là ?

 

Pourquoi l’avoir emmené dans ce qui doit être sa maison d’enfance ? 

 

Plus M.T. y réfléchit, plus il a mal à la tête. 



Lenny bouge, s’arque légèrement pour se replacer plus confortablement dans son pouf. Il grommelle quelque chose dans son sommeil, alors que ses lunettes glissent et tombent au sol dans un bruit mat. 

M.T. sent une colère incontrôlable le saisir.

Il ne comprend pas.

Il ne comprend pas pourquoi il est là. Il ne comprend pas pourquoi Lenny l’a empêché de mourir. 

 

Lenny lui a dit, hier, qu'il l'avait fait pour que M.T. lui soit redevable, mais il n'y croit pas une seconde. 

 

M.T. lève son bras, ses doigts enroulés fermement autour du flingue, et à nouveau, il le pointe avec.

Ce serait si facile, de tirer, de tuer Lenny d’une balle en pleine tête. 

Il lui a donné l’opportunité, il lui donne le choix, pourquoi ? 

 

M.T. arme le pistolet, le cliquetis résonne dans toute la pièce.

Son pouce presse la détente, juste assez pour qu’il la sente commencer à céder.

Ça serait si facile.

M.T. l’a fait tellement de fois. 

Sans états d'âme.

 

Fais le , murmure une voix dans sa tête, fais le Twain, fais le, fais le

 

Il baisse le bras et fronce les sourcils, avant de lâcher le flingue et de glisser sa main contre son visage à la place. 

Sa paume est moite, il transpire, et se rend compte que sa respiration se fait laborieuse.

 

Il ne peut pas le tuer.

Il n'y arrive pas.

M.T. est brisé. 

 

S’il ne saisit pas cette opportunité, il trahit tous ceux qui sont tombés, avant lui. 

 

Alors pourquoi est-ce que dès qu'il l'envisage, une sensation de brûlure lui saisit l’estomac, et de la sueur couvre son front ?

Est-ce que c’est parce qu’il se sent vraiment redevable ?

 

Pas moyen.

M.T. lève le pistolet à nouveau, de ses deux mains cette fois. Sa respiration se fit si forte qu’elle remplit toute la pièce, et il tremble, comme si le 9 mm pesait soudainement une tonne. 

 

Lenny à l’air si paisible.

Il aura le même air, une fois refroidi. 

Paisible.

Soulagé du fardeau de la vie. 

M.T. le sait, parce qu’il aurait dû l'être, lui aussi, paisible et soulagé du fardeau de la vie.

 

Il serre les dents et grimace, comme si ça allait lui donner le courage nécessaire, mais au moment où il tend les bras  avec plus d’assurance, une voix résonne dans la pièce et le fige dans son geste.

 

“Je ferais pas ça à ta place, Families.”

 

M.T. se tourne vers l’endroit d'où provient la voix, le flingue toujours armé. Au moins il n'a pas perdu ses réflexes. 

Il reconnaît cette voix.

C’est celle qu’il a entendu, la première fois qu’il est revenu à lui.

 

Il ne voit rien, ne distingue pas cette femme qu’il devrait pourtant voir.

 

“Qu’est ce que tu fous là ?” gronde M.T. 

 

“J’crois pas que tu sois en position de poser des questions.” répond la femme, et M.T. ne réfléchit pas plus, il tire. 

Personne lui manque de respect et s’en sort vivant.

Personne.

 

Seulement, la balle ne part jamais.

Clic .

M.T. tire à nouveau, mais rien. La détente claque et se remet en place, le flingue tire à vide. 

 

Il n’est pas chargé. 

 

Il l’a sûrement jamais été.

 

“C’est moi qui ait retiré les balles, hier.” murmure la femme en se mouvant.

Elle sort de l’obscurité, et M.T. peut enfin la voir. 

 

Elle a une coupe au carré, des traits fins, et un regard noir, malgré ses yeux clairs. Elle est petite et bien bâtie, et elle porte une casquette à l’envers qui la rend reconnaissable. 

C’est la femme de main de Lenny. Celle qui parle peu, mais qui frappe fort. M.T. se souvient de ce que Liam lui a dit. 

Haylie James. 

 

“Si ça tenait qu'à moi, j’aurais mis ces balles dans ton crâne de connard.” dit-elle, en s’approchant de M.T.

 

Lui ne bouge pas, la suit de son œil valide, tendu. 

 

Haylie le regarde avec une haine mal dissimulée. Elle se plante juste devant lui, ses genoux effleurent les siens. Elle sort un uzi de derrière elle, et le lève, lentement, pour venir le presser juste entre les deux yeux de M.T.

 

M.T. ne bouge pas.

Sa respiration s’est calmée.

Il ne tremble plus.

 

La Mort ne lui fait pas peur. 

 

“Donne moi une raison de ne pas appuyer.” murmure Haylie.

M.T. remarque que c’est sa respiration qui accélère, sa poitrine qui se soulève plus rapidement, et le canon du Uzi se presse plus fort contre le front de M.T.

 

Elle est excitée.

 

M.T. ne peut pas contenir le sourire en coin qui se dessine sur son visage. Tordu, mais bien visible. 

Dire qu'elle a failli être sienne. Dire qu’elle lui a glissé entre les doigts. 

C’est elle, le futur des Vagos. 

Lenny a eu une sacré flaire. Ou une sacrée chance, qui sait. 

 

Il se penche en avant, se presse lui-même contre le canon. Il peut sentir son odeur, elle sent le savon et le déodorant pour femme, ça change de la lourde ambiance epicée de la chambre. 

 

“Tu l’feras pas, reufré.”

 

Haylie reste silencieuse, et la lueur dans son regard s’estompe un peu. Elle sait qu’il a raison, mais elle appuie le canon plus fort contre front, pour le forcer à se reculer, jusqu'à ce qu'il soit à demi allongé sur le matelas. Elle leve une jambe et pose un pied chaussé d'une basket jaune sur le matelas, juste entre les cuisses d'M.T. 

La menace est claire, mais M.T. ne se laisse pas impressionner. C'est une course à celui ou celle qui flanchera en premier. Mais ils connaissent déjà le vainqueur. 



“Ton boss s’rait pas content que tu sabotes son p'tit projet social.” 

 

Haylie ne répond pas - elle ne répondra plus, M.T. se dit, pas tant que son boss ne lui adressera pas la parole. 

Elle baisse son bras, recule d’un bas, et range son uzi avant de retourner sans bruit dans le coin de la pièce qui est trop sombre pour que M.T. puisse la distinguer. 

 

M.T. soupire, et se repositionne sur le lit, de façon à être assis contre la tête de lit.

Son corps lui fait mal, il a besoin de bouger, mais il commence à sentir la fatigue le regagner. C'est dommage, pour la première fois depuis qu'il s'est réveillé, M.T. a eu l'impression d'être normal à nouveau - comme avant - sous le regard d'Haylie. Il aurait bien aimé continuer à la provoquer. 

Elle, elle l'a toujours regardé comme ça. Avec haine. 

Pas de pitié.

Pas de dégoût.

 

A nouveau son regard se pose sur Lenny.

L’homme dort toujours.

 

“Il veut que j’le fume.” murmure t-il. “Tu le sais, c’est pour ça qu’t’as retiré les balles. Il veut crever. Qu’est ce qui s’est passé pour que le grand chef des Vagos, l’homme vers qui toute la ville se tourne, veuille goûter à la Mort ?” 

 

Sa voix est plus grave que d’habitude alors qu’il hume ces paroles. 

 

Haylie ne répond pas, elle est redevenue l’ombre qu’elle a toujours été, mais il sait qu’elle l'écoute. 

 

“C’est pas moi, qu’il essaye de sauver, pas vrai ?”

 

C’est en prononçant ces paroles que M.T. se rend compte qu’il a surement raison. 

C’est presque un soulagement.

 

Presque. 



//



Antoine; Lundi, 15h29 : 



Antoine se réveille soudainement. 

Il se redresse et hurle, comme s'il venait de perdre connaissance dans une terrible situation. 

Il se sent lourd, comme s'il avait nagé pendant des heures et qu'il venait de sortir de l'eau. 

 

"D-Daniel… Da…"

 

Sa bouche est pâteuse, sa voix sort à peine, où est ce qu'il est ?

 

Il retombe en arrière, sur les coussins les plus moelleux qu'il ait jamais connus. 

Antoine, au milieu de sa stupeur, se rend compte qu'il est dans un lit. Un grand lit. 

 

Il grogne et se hisse sur le côté, mais quelque chose tire sur son bras et l'empêche de sortir du lit. 

 

Antoine geint et ça lui prend toutes ses forces pour se retourner. La, a la lueur faible de la lumière du jour qui filtre a peine a travers les rideaux, il voit un tube qui lui sort du bras, et qui mène directement à une poche suspendue à une espèce de tige en métal. 

 

Antoine a travaillé juste assez à l'hôpital pour en voir, des trucs similaires. 

 

C'est une infusion… Une transfusion, non, une perfusion. Daniel, Daniel !

 

"Da… Niel…" 

 

Antoine grogne.

Il n'est pas à l'hôpital, il est dans une chambre, alors pourquoi est-il infusé ? Perfusé…?

 

C'est par instinct qu'il tâtonne et attrape le tube, et il tire dessus d'un coup.

La douleur qui s'ensuit le fait crier, mais sa voix est molle et poisseuse, elle paresse à sortir. 

 

Il rapporte lentement son bras contre lui et laisse échapper un sanglot étouffé, mais la douleur s'estompe très rapidement. Il saigne un peu, mais il voit flou, alors il n'est pas sûr qu'il n'est pas en train de se vider de son sang. 

 

Même si son corps et son esprit sont pesants de fatigue et que chacune de ses cellules lui réclame de se laisser aller, de se détendre sur ce lit moelleux, et de sombrer, Antoine se force encore à rouler sur lui même pour essayer d’atteindre le bord du lit.

 

Dans sa tête, Antoine se dit qu’il doit absolument bouger, qu’il doit absolument retrouver Daniel, et quand c’est à propos de Daniel, peu importe si son corps refuse de coopérer, Antoine se battra contre vents et marées avec ce qui lui reste de forces. 

 

“Da…”

 

Il glisse, lentement, avant de tomber lourdement sur le sol. 

Pendant l’espace d’une seconde, son coude et sa hanche lui font mal, mais très vite la douleur est noyée par la pesanteur agréable qui continue à alourdir son corps. 

 

C’est la première fois qu'Antoine se sent comme ça, alors ça ne lui vient pas à l'esprit qu’il ait pu être anesthésié. C’est seulement quand il s’efforce à ramper vers le matelas pour essayer de se relever qu’Antoine fait face à la poche pendue à une tige qui était reliée à lui. 

Une poche qu’il a déjà vue à l'hôpital, mais qu’il n’a jamais utilisée. 

 

Il galère à se redresser, c’est vraiment dur, pendant un moment il se dit que c’est l’adversité, qu’il est juste malade, puis la pochette lui revient, il se souvient que Daniel en a prit une en lui disant qu’au pire ils balanceraient ça aux gens qui les emmerdent. Antoine lui avait demandé pourquoi, et Daniel lui a expliqué que c'était pour anesthésier. 

 

Plus il s'efforce à tenir debout, plus la pièce tourne, mais plus il sent que ses jambes arrivent à soutenir son poids.

 Antoine n’est pas bien gros, c’est Daniel le plus épais des deux, Antoine est un peu jaloux, mais il ne lui a jamais dit, parce qu’il sait que Daniel a honte d’être plus gras. C’est dommage, Antoine pense, Daniel est très beau comme il est, il aimerait qu’il le comprenne, qu’il se voit à travers les yeux d’Antoine. 

 

Il sait que c’est pareil pour lui, alors il essaye de se dire qu’il est pas si mal, finalement.

Même si sa pilosité faciale tarde, depuis qu’ils prennent leurs doses de testostérone - encore quelque chose que Daniel fait de mieux que lui, avoir des poils, des vrais, sur le menton et partout autour de la bouche. Et ça lui va trop bien. 



Antoine se rend compte qu’il est retombé à moitié sur le lit, et qu’en pensant à Daniel, il est presque en train de s'endormir. 

Non, Daniel, il doit le trouver, pas juste penser à lui. 

 

Il se pousse vers le haut, ses bras tremblent sous l’effort mais il se relève.

Il tient debout, c’est un miracle.

Comme il ne connaît pas les alentours, Antoine à du mal à se repérer. Il est dans une chambre, de lourds rideaux en velours empêchent la lumière d’entrer complètement.

Il repère une porte et se dirige vers elle aussitôt. 

 

Il titube, ça tangue, il va être malade, son ventre se contracte… Peut-être qu’il a faim, en fait. Antoine tuerait pour un bon gros menu ARC, la, tout de suite. 

 

Il déboule dans une autre pièce, immense, avec un escalier devant lui, et des fenêtres sur la droite. 

Il y a une autre porte à gauche, mais Antoine se rue dans les escaliers.

 

Si Daniel avait été là, il aurait crié de faire attention, quand même, et peut-être qu’il n’aurait pas empêché Antoine de tomber en roulé-boulé jusqu’en bas, mais peut-être qu’Antoine se serait rattrapé à la rambarde pour amortir sa chute, prévenu.

 

L’escalier n’est pas immense, il n’y a que quelques marches, mais ça fait un mal de chien. Et cette fois la douleur reste. Au début, elle vrille dans son dos, dans ses jambes, dans son coude qui s’est cogné très fort contre une marche, puis elle s'assourdit, mais elle continue à vibrer au creux de ses muscles. 

 

“Augh…” 

 

Antoine se frotte le dos en se rasseyant, et il grimace, mais il se rend compte que l’engourdissement qu’il ressent commence à s’estomper. 

Il a la tête dure, Antoine, c’est pour ça, c’est sûr !

Il n'a jamais été anesthésié, cela dit, il a sûrement la tête dure pour ça aussi. 

 

Pourquoi est-ce qu’il a été anesthésié, déjà… ?

 

La pièce devant lui est lumineuse, et immense. Il ne sait pas s’il s’agit d’un salon ou d’une cuisine ou les deux. 

Il y a de beaux meubles modernes, des tapis épais, des tableaux de ci de la. 

Ca fait vraiment appartement de riche, il se dit, et il voit encore un escalier qui descend. 

 

Il titube alentour, cherche ce qui ressemble à une porte d’entrée.

 

“Y a… Y a que’qu’un ? Daniel ??” essaye-t-il de crier, la bouche encore pâteuse. 

 

Seul son écho lui répond. 

Il fait le tour, mais rien, rien à part des baies vitrées. Il décide de descendre les escaliers, prend son temps cette fois, et là, devant lui, se trouve la porte d’entrée. 

Son cœur palpite, plus vite, et ça lui fait tourner la tête. Il veut sortir, retourner à l'hôpital, trouver des réponses. 

Revoir Daniel. 

 

Quand il pose sa main sur la poignée, celle-ci ne cède pas. 

Antoine s’effondre contre la porte, essaye de tenir debout alors qu’il tâtonne désespérément pour trouver des verrous à déverrouiller, mais rien. Juste une poignée, et une serrure. 

 

Une bouffée d'anxiété gagne Antoine, mais il se retourne et  remonte les escaliers, sans remarquer qu’une autre volée d’escaliers descend encore plus profondément dans cet appartement. 

 

Il a toujours l’impression de peser le double de son poids, mais il pense plus clairement, et plus le brouillard de ses pensées se désépaissit, plus la peur monte. 

Alors qu’il se dirige rapidement vers les baies vitrées, il plonge ses mains dans ses poches, mais il n’a plus rien sur lui. 

 

Il essaye de ne pas céder à la panique, son téléphone est sûrement dans la chambre dans laquelle il s’est réveillé. 

 

Les baies vitrées sont elles aussi verrouillées, Antoine essaye de les faire glisser les unes après les autres, en vain. 

Frustré, il frappe le verre du plat de la main. Merde à la fin, y a forcement une issue. 

 

Il trottine jusque dans la cuisine, ouverte sur le salon, et de la, il voit un téléphone accroché au mur. 

Son anxiété gonfle, lorsqu’il décroche, parce que la ligne est silencieuse. Il tente quand même de taper le numéro de Daniel ,qu’il connaît par cœur, mais rien à faire, le téléphone reste sans vie. 

 

Vite, il se dépêche - du moins il essaye, et se hisse le long des escaliers qui mènent à la chambre ou il s’est réveillé, et il titube jusqu'à la table de chevet qui flanque le lit. 

 

Rien.

Pas de téléphone, pas de papiers à lui, rien. 

 

Antoine se laisse tomber, assis, sur le lit. 

Il respire mal, une crise d’angoisse sur les poumons.

 

Il est enfermé, sans téléphone. 

 

Ses paumes viennent se presser contre ses yeux jusqu’à ce qu’il voit des petites étoiles derrière ses paupières. Les images de ce qu’il s’est passé devant l'hôpital lui reviennent soudainement, en flashs vifs et accablants.

 

Besoin d’un feu, mon petit Antoine ?



C’est Cox, qui l’a agrippé par la gorge, avant de presser un truc contre son nez et sa bouche, un tissu qui puait, fort, si fort que le cerveau d’Antoine s’est éteint et qu’il a perdu connaissance.

Alors, c’est sûrement Cox qui l’a enfermé ici.

 

Mais pourquoi ici ?

Dans… Un appartement de luxe ??

C’est pas très futé.

 

Bon, ok, Antoine il a peur, mais bon c’est confortable. C’est bizarre, comme prison. 

 

Il se lève, et marche jusqu’à la porte pour sortir, et continuer à visiter. Tant qu'à faire, peut être qu’il trouvera un moyen de sortir ou de contacter Daniel. 

Il va directement ouvrir la porte à gauche et se retrouve dans un immense dressing.

 

Il est d’abord choqué par la taille puis par le fait qu’il y a tous ses vêtements, dans ce dressing. Et d’autres, des copies de ceux qu’il porte actuellement. 

Encore plus louche : il y a aussi les vêtements de Daniel.

 

Antoine reste là de longues secondes, sans aucunes pensées, tellement il est perturbé.

Est-ce que Daniel est là, lui aussi ?

 

S’il continue sa visite, peut-être qu’il le trouvera. Quelque chose lui dit que ce serait trop beau pour être vrai…

 

Il descend, et se rend compte qu’il y a encore pleins d’autres pièces à visiter. Une salle de bain, immense, une pièce avec des coffres, un bureau, avec des ordinateurs qu'il essaye d’allumer, mais il n’y a pas internet. 

 

Il descend encore, et encore, et se retrouve à un étage un peu plus sombre. Ici, il y a une autre chambre, vide. Le cœur d’Antoine se serre dans sa poitrine, mais il espère que Daniel est toujours à l'hôpital, sain et sauf.

 

Il y a une salle de sport, un autre bureau, avec des coffres beaucoup plus gros, et enfin, une petite salle de jeux.

 

Pendant un instant, Antoine est distrait par les lumières des arcades et l’attrait de tous les jeux disponibles. Il y a même des consoles, comme une switch. 

 

Antoine fait un pas en avant, puis il se rappelle qu’il est enfermé.

Il ne va pas céder aux distractions. Il doit trouver un téléphone, ou une sortie. 

 

Il doit aussi aller aux toilettes. Et manger. Et prendre une douche, il en aurait bien besoin. 

 

L'anxiété appui sur sa vessie.

 

"Peut-être… Peut-être que je devrais faire une pause pour y voir plus clair, pas vrai Danie--" s'exclame Antoine, par réflexe.

Son coeur se serre, il a besoin de s'occuper; c'est peut être pas une mauvaise idée, en fait, de céder un peu aux distractions…

 

Antoine s’affaire alors, et ça lui donne l’impression qu’il ne se laisse pas avoir par l’angoisse qu’on veut forcer sur lui. 

Cox a déjà essayé de rentrer dans la tête d’Antoine une fois, il doit surement vouloir recommencer. Alors Antoine va faire comme s’il n'était pas atteint. Comme s’il n’avait pas peur. Comme s’il n'était pas sur le point de faire une crise d’angoisse, encore. 

 

Le temps passe rapidement, plus rapidement qu’il ne l’aurait imaginé, et après une bonne douche et un petit pansement pour recouvrir le trou de la perfusion dans l'intérieur de son coude, Antoine termine affalé sur le canapé de l’immense salon en peignoir. Il regarde la télé - qui marche, avec toutes les chaînes, et même netflix !! - un plateau de sushi vide et une boisson presque finie devant lui. Il se sent beaucoup mieux, plus lucide, moins endormi. 

 

Le film qu’il regarde suffit presque à lui faire oublier, quelques secondes, qu’il est pris au piège d’un psychopathe.

 

Le soleil est lentement en train de descendre, dehors. 

 

Le film devient palpitant, et Antoine est complètement plongé dedans, lorsqu’un téléphone sonne soudainement. Une sonnerie aiguë qui traverse tout l’appartement, et qui fait sursauter Antoine, si fort qu’il manque de tomber du canapé. 

 

Il coupe le son de la télé, juste pour s’assurer qu’il entend bien ce qu’il entend, mais son cœur bat si fort contre ses tympans qu’il n’est pas sûr. 

 

Antoine se lève et se rue aussitôt vers le téléphone mural qui est posé contre la cloison de la cuisine. Il le regarde fixement, attend que la sonnerie retentisse à nouveau - et c'est le cas. Il sursaute encore une fois et décroche vivement, pleins d’espoir.

 

“Allô !!! Aidez moi je suis prisonnier dans un appartement !! Il faut m’aider il faut que je retrouve Daniel je sais pas où je suis et y a le docteur Cox qui m’a enlevé devant l'hôpital !!”

 

Son interlocuteur ne répond pas, et pendant un instant Antoine se dit qu’il n’y a personne, en fait, que le téléphone n’a jamais sonné, qu’il a halluciné tellement il voulait que ça arrive, mais la personne répond et Antoine aurait préféré l’hallucination.

 

“Allons Antoine, c’est pas très gentil de dire des trucs pareil alors que je t’ai sorti de la rue pour t’offrir ce dont tu avais besoin.”

 

Un frisson d’angoisse court sur l'échine d’Antoine, et sa main se resserre sur le combiné du téléphone.

 

“Vous m’avez enlevé !! Avec un truc pour m’endormir !! C’est pas une manière de me, de m’offrir ce dont j’ai besoin !! Vous savez même pas de quoi j’ai besoin, je vais appeller les flics et Bill Boid, et M’sieur Don Telo !”

 

Cox rit, il rit à l’autre bout de la ligne, et Antoine à l’impression qu’on vient de lui verser un seau d’eau glacée sur la tête.

Cox doit savoir qu’Antoine n’a aucun moyen de contacter l'extérieur, puisque c’est lui qui l’a enfermé.

Puisque c’est sûrement lui qui détient la clé de la porte de sortie. 

 

“Antoine, je pense que tu te fais de fausses idées, et c’est pour ça que j’ai préféré prendre quelques précautions pour commencer. Tout ce que je veux c’est discuter avec toi et ton cousin, et m’occuper de vous. Ne crois pas que j’ignore la situation dans laquelle vous avez été laissés par Donatien.”

 

Antoine déglutit bruyamment, et manque de raccrocher quand une vieille sensation familière refait immédiatement surface. 

Cette sensation poisseuse d’avoir été, encore une fois, trahi, laissé pour compte, utilisé puis jeté comme un vieil objet, obsolète. 

 

“Vous savez rien du tout, Don Telo sait juste pas tout, il est occupé c’est normal. C’est pas comme vous docteur Cox, au moins don Telo il travaille plutôt que d'enlever des gens !!”

 

Cox ne répond pas, Antoine entend quelque chose derrière lui, comme des voix, mais il ne les reconnaît pas. Une nouvelle sensation de peur brûle ses entrailles. “M’sieur, s’il vous plait, prenez pas Daniel, laissez le tranquille.”

 

“Ah bon, tu ne veux pas revoir Daniel, Antoine ? Pourquoi ?”

 

Antoine grimace et se rapproche du mur le plus proche pour y presser son front. "Arrêtez de croire que j’ai des problèmes avec tout le monde !! Je veux juste pas que vous lui fassiez du mal !” 

 

“C’est pas ce que j’ai dit, Antoine, c’est toi qui le dis. Tu ne penses pas que Daniel mérite d'être à l'abri et dans le confort lui aussi ?”

 

“SI !” hurle Antoine, “Mais je veux pas que vous l'approchez !! Je, je ferais ce que vous voulez !! Touchez pas à Daniel !”

 

Cox reste encore silencieux, et Antoine à l’impression d’avoir fait la plus grosse erreur de sa vie, la, tout de suite. 

 

“Antoine, tu te méprends vraiment sur mes intentions. Depuis le début, tout ce que je veux c’est vous aider, toi et ton cousin, parce que Donatien est vraiment quelqu’un de mauvais, mais personne ne veut le voir.”

 

“Vous mentez, encore, vous mentez tout le temps, m’sieur, arrêtez, je raccroche maintenant.” murmure Antoine, alors que l’angoisse revient se poser comme un poids sur sa poitrine. 

 

“Laisse moi juste te prévenir d’une chose Antoine, Donatien revient en ville, aujourd’hui. Je suis désolé, mais je veux que tu vois par toi même ce que j’essaye de te montrer depuis le début.”

 

Antoine ne sait pas de quoi Cox parle, mais cox est un sacré idiot de lui avoir donné cette information.

Antoine raccroche, le téléphone cogne le combiné dans un bruit sec et satisfaisant. 

 

Si Don Telo revient en ville, Daniel va lui dire pour Antoine, et Don Telo va tout faire pour le retrouver.

Oui.

Il en est sûr, Antoine, ça va se passer exactement comme ça. 



//



Devon; Lundi, 21h45 :



“Non mais attend regarde, le gars aux cheveux roses–”

 

“Tu parles de Kiddy ?”

 

“Ouais, lui la, ben, il propose de nous faire les premieres moins cher, du voup, avec l’argent qu’on déverse plus chez Montroufiak, on peut demander plus de premières à la ferme des Pignoles.” 

 

“Ah, eh bien oui, tu as raison, est-ce que tu penses à de nouvelles recettes ?”

 

“Ouais, j’ai quelques idées, faudra que j’te fasse goûter, t’aime ça, les nouveautés Joséphine ?”

 

“Oh tu sais, moi ça fait longtemps que j’ai plus vraiment essayé de nouvelles choses, mais depuis que je suis là, je n'arrête pas ! Je serais ravi d’essayer tes recettes, mon petit Devon !”

 

Devon sourit, sa moustache frétille parce qu’il a hâte de s’y mettre. S’il s’y prend bien, il pourra se mettre les Pagnolesse dans la poche, et Lenny et le capitaine seront fiers de lui.

Enfin, le commissaire. 

 

“Dis moi Devon, est-ce que tu es toujours partant pour qu’on aille se faire cette partie de chasse, la semaine prochaine ?”

 

Devon écrit les dernières commandes à passer à la ferme, puis il relève la tête. “Euh oui pas de soucis, tu nous poses une date ?”

 

“Je m’en occupe.” chante Joséphine et elle se lève de la chaise sur laquelle elle était assise. Très souvent, le soir quand il n’y a personne, Devon et Joséphine se posent ensemble à l'une des tables du restaurant, pour faire le bilan de leur petite entreprise. 

 

Josephine sera bientôt sur les papiers, à côté de Devon, et Devon a hâte.  Bientôt, ils seront enfin propriétaires tous les deux, et ça leur ouvrira beaucoup de portes. Josephine est une femme respectable, pour les banquiers, les prets, les grandes admissions, c’est un enorme atout.

 

Et puis, Josephine est vraiment une femme super. Elle est douce, gentille, droite dans ses bottes, un peu comme la mère que Devon n’a jamais eu. Bon c’est faux, il a une mere, mais elle passait son temps à lui balancer sa chancla dans la tête parce que Devon était une pile électrique durant toute son enfance. 

 

Il s’entend bien avec elle, enfin, aussi bien que n’importe qui. Disons qu’ils se voient, de temps en temps, quand Devon peut se permettre de faire le déplacement. 

Pareil pour son père.

Une famille normale, quoi.

 

Bon, okay, Peut être que sa mère et son père se sont séparés. Peut-être que ses deux parents ont refait leur vie chacun de leur côté, et peut-être que Devon ne fait pas partie de leurs nouvelles familles.

 

Peut-être qu’ils lui font bien sentir que lui, c'était leur erreur, et qu’ils veulent plus en entendre parler. 

Mais bon, c’est pas grave, Devon est ici maintenant, à Los Santos, et il a sa nouvelle famille, les Jaunes, Los Croustillantes, la Montagne, et Josephine.

Devon connaît tout le monde, et tout le monde le connaît. C’est quelqu’un ici, et il aime penser que tout le monde l’aime bien. 

 

Son téléphone sonne, et Devon le sort de sa poche, pour aviser son écran.

 

C’est le Jefe.

Lenny.

 

Le visage de Devon s'éclaire et il sourit alors qu’il décroche.

“Ouais boss ?”

 

“Salut Devon, t’as deux minutes la ?” 

 

Devon regarde alentour. Joséphine est derrière le comptoir, penchée sur son agenda avec de petites lunettes en écaille perchées sur son nez. 

 

Il se lève et se dirige vers la sortie pour s’assurer plus d’intimité. "Vas-y, j't'écoute. Ça va ?” demande-t-il, parce qu’il aime savoir si Lenny va bien, s’il a besoin de lui, ou quelque chose dans ce style. 

 

“Ouais, euh, t'inquiètes, dis, j’aurais besoin que tu passes au quartier pour ravitailler le coffre en bouffe, j’voulais passer mais j’ai pas le temps la.”

 

“Ouais t'inquiètes j’te fais ça ce soir ! T’es sur que ça va ? Tu veux que j’fasse quelque chose ?”

 

Un silence accueille la proposition de Devon, et un sentiment d'inquiétude l’envahit. 

“Boss ?”

 

“Ouais, non, fais juste ce que j’te dis tu seras payé okay ? J’dois y aller, à plus Devon.”

 

“Att–”

 

Devon n’a pas le temps de rajouter quoi que ce soit que Lenny lui raccroche à la gueule. 

Il regarde son écran de longues secondes, les sourcils froncés. Ca, c'était pas un appel normal de la part de Lenny. 

 

Il ignore la dizaine de sms qui attendent qu’il les ouvre, et il retourne à l'intérieur.

 

“Joséphine ! J’dois aller livrer un client la, une grosse commande, si tu veux rentrer je fermerais en revenant s’tu veux.” 

 

Joephine se redresse, les sourcils haussés. “A cette heure ? Dieu du ciel, qui sont les malotrues qui te font travailler maintenant ? Est-ce que tu as besoin d’aide, je peux charger le bus si tu veux ?”

 

Devon ricane et saute par dessus le comptoir, avant de glisser un bras autour des épaules de la grande dame pour l’attirer vers lui et planter un gros baiser bruyant sur sa joue. 

 

“T’en fais pas, tu rentres, moi j’finis avec cette commande et après j’vais braquer une banque.”

 

Josephine s’offusque, en amenant une main devant sa bouche, alors que Devon s'éloigne pour disparaître dans la cuisine. “Comment ça Devon, ne me dis pas que tu continues tes activités de gangster des rues !”

 

Devon rit à gorge déployée, alors qu’il sort l’un de leurs gros sacs réfrigérants pour le remplir des plats préférés des Vagos. 

 

“Tu sais bien que non, c’est derrière moi tout ça, et grâce à toi en plus !”

 

Le sac est rapidement plein, et quand il revient derrière le comptoir, Devon se retrouve nez à nez avec le canon d’un fusil de chasse.

Il se fige, surpris, et pendant une petite seconde il se met sur la défensive, sa main se glissant dans son dos, pour saisir le uzi qu’il garde toujours sur lui. Mais le fusil se redresse aussitôt et Joséphine le regarde avec des yeux ronds, et horrifiés. 

 

“Devon, Dieu du ciel !” Elle pose son fusil au sol, dans le recoin du comptoir, “Je ne voulais pas… Je vérifiais que j’avais encore des cartouches pour notre partie de chasse, mais je crois que je suis à sec.”

 

“Tu m’as vraiment fait une peur bleue…” Devon se détend et presse sa paume contre sa poitrine, au lieu de garder son Uzi en main. “On a des cartouches dans la réserve si tu veux, mais si y en a plus je peux récupérer des munitions si y'a besoin.”

 

“Oh, dans ce cas je te tiendrais au courant des stocks. Tu y vas ?”

 

“Ouais, j’veux pas trop tarder si faut que je récupère des cartouches après. On se voit demain ?” demande Devon en passant à nouveau par-dessus le comptoir. "Bisou Joséphine !”

 

“Fais attention à toi !” lui crie Joséphine alors que Devon se dirige vers les escaliers pour les dévaler. 

 

C’est vraiment une femme bien, Josephine, Devon est ravi de travailler avec elle.



//



Bill Boid; Mardi, 03h56 : 

 

Bill est épuisé. 

Pas physiquement, même si son corps commence à souffrir des nombreuses nuits à dormir dans son fauteuil ou le petit canapé du bureau.

 

Cette fatigue, elle est différente. 

Elle est profonde, lourde sur ses os, brumeuse et cotonneuse autour de son cerveau. 

 

Il n'arrive plus à penser. 

Il n'a même pas envie d'essayer. 

Pas maintenant.

Pas ce soir.

 

Demain, peut-être.

Notes:

Oubliez pas de boire de l'eau ♡

Chapter 4

Notes:

Oulala, l'angoisse commence a monter parce que je sais pas du tout si je reussis a tenir le coup, j'ai aussi decidé d'ecrire toute une scene tres self indulgent, et je pense que ça va casser le rythme pour beaucoup de gens qui s'attendent a un truc de fou, desolé d'avance.....

Merci a Norpad pour ton aide encore une fois champion <3

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Vanessa; Mercredi, 10h10 : 



Il fait frais, ce matin.

Vanessa a passé une très bonne nuit, dans les bras de Francis.

Depuis qu’il bosse en grande partie à la maison, c’est le paradis. Il lui fait des petits déj au lit, il est beaucoup plus présent, et il lui raconte à quel point Bill est misérable. 

 

Souvent, Vanessa ressent de la pitié.

Parfois, elle jubile. 

Cheh, capitaine.

 

Elle rit, et secoue sa main devant elle alors qu’elle prend un tournant au volant de sa voiture.

 

La vérité, c’est que Bill lui manque, ça lui manque, cette petite rivalité, ça lui manque, d’avoir quelqu’un qui la challenge.

Et puis, ça manque à Francis aussi.

Il était beaucoup plus sexy, quand Bill essayait de le récupérer.

Elle se promet de rendre visite au commissaire, un jour prochain, mais pour l’instant, elle est très occupée avec une certaine mission top secrète.

 

C’est pour cette mission, d’ailleurs, qu’elle prend cette voiture discrète plutôt que sa moto. C'était un sacré sacrifice, mais Lenny lui a offert la voiture, une petite berline grise complètement blindée qui passe partout, alors elle ne pouvait pas refuser. 

 

Dans son coffre, il y a tout un tas de matériel pour monitorer et soigner quelqu’un à domicile. 

Il y a des médicaments, des fioles, et des crèmes - pour les brûlures. 

Aujourd’hui est le dernier jour de Vanessa sur cette partie de la mission.

Celle qui consiste à s'occuper de Twain Logan, ou M.T., le chef des Families.

 

Quand Lenny l’a appelé, un soir, à peine un jour après la fin des vacances, Vanessa ne s’attendait pas à ce qu’il lui demande de la rencontrer dans une ruelle près des canaux. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il agisse comme si tout allait bien.

 

Comme si son bras droit, son meilleur ami, n'était pas dans le coma, sous respirateur dans un lit à l'hôpital. 

 

Et elle s’attendait encore moins à ce que Lenny la mène sur la rive du canal, devant un corps recouvert d’une veste jaune qu’elle a reconnu comme etant celle des Vagos - celle de Miguel. Vanessa l’a deviné, parce que Lenny portait la sienne, et que celle-ci avait l’air bien trop grande pour lui.

Par contre, elle couvrait parfaitement l’homme qui, inconscient, gisait là. 

 

Cet homme, auquel Vanessa ne s’attendait pas.

Cet homme, qu’elle n’aurait jamais imaginé voir avec la veste des Vagos. 

 

Aide moi , avait-il dit, le regard fixé sur le corps inerte de M.T.

Vanessa se demandera toujours ce qu’il voyait en le regardant, ce soir-là.

Un ennemi ?

Une victime ?

Quelqu’un qui avait besoin d’être sauvé…?

 

Vanessa lui avait demandé ce qu’il s'était passé, et Lenny avait haussé les épaules. J’l’ai trouvé comme ça , avait-il murmuré, avant de l’aider à hisser MT sur un brancard roulant. Une fois dans l’ambulance, Lenny était monté à l'avant, et l’avait braquée avec un uzi. Il lui avait donné ses instructions, d’une voix éteinte, épuisée, et Vanessa n’avait pas ressenti de peur.

Elle n'était pas sûr de la raison pour laquelle Lenny voulait ramasser M.T., mais elle n’allait pas s’y opposer.

 

Lenny l’avait menée au quartier des Vagos, mais bien à l’ouest, dans une résidence dans laquelle Vanessa n’avait jamais mis les pieds. Il avait porté M.T., avec difficultés, jusqu’en haut d’un escalier en métal, puis jusqu'à une porte sertie d’une croix, qui ouvrait sur une petite chambre qui allait être la pièce dans laquelle Vanessa traiterait MT pour les semaines à venir. 

 

L’homme était dans un état lamentable, brulé sur une grande partie de son côté gauche, défiguré, et plongé dans un léger coma. Honnêtement, Vanessa ne lui donnait aucune chance de survie, mais de la chance, M.T. semblait en avoir beaucoup. De la chance que Vanessa le prenne en charge, de la chance que Lenny l'ai trouvé, et décide de lui venir en aide.  



Il fait frais ce matin, Vanessa se dit qu’il va pleuvoir, et elle espère être retournée à l'hôpital avant les premières gouttes. 

Elle ne peut pas avoir plus hâte d’en finir avec cette mission secrète, même si sa curiosité a toujours besoin d'être rassasiée. Mentir à Francis est une torture, mentir à toute son equipe est une torture, et puis, elle ne peut pas nier que M.T. la met mal à l’aise. Elle a presque confiance en Lenny; elle ne peut pas en dire autant à propos du Families.

 

Est-ce qu’elle peut continuer à l'appeler Families ?

 

Vanessa en a appris plus, depuis, sur les événements du soir de la fin des vacances. En cuisinant Francis juste assez, elle a réussi à savoir que M.T. s’était pris de plein fouet l’explosion d’un pain de C4, probablement lancé par un autre membre du gang, puisque l’explosion a été entendue dans les rues de Forum Drive. 

Francis n’avait pas voulu en dire plus, mais c'était déjà bien assez pour que Vanessa connecte les points entre eux. 

 

Elle savait que Francis lui cachait le fait qu’ils n’aient pas retrouvé le corps, puisque le corps, elle, savait où il se trouvait. 

Elle savait que Francis lui mentait, lui aussi, en lui disant que l’enterrement n’aurait pas lieu parce que personne n'était venu réclamer le corps. 

 

C'était facile d'imaginer que l’un des bras droits de M.T. l’avait trahie.

C'était facile de l’imaginer, vu la réputation de M.T.

 

Elle n’a pas hésité à donner ces informations à Lenny.

Vanessa n’a jamais été trop proche de lui, mais puisque Miguel n'est plus là pour la faire sourire, elle s’accroche aux échos de sa voix qu’elle perçoit parfois dans celle du chef des Vagos. 



Elle se gare, devant la petite résidence tranquille, et avise les alentours. 

Personne ne l’a suivi, mais on ne sait jamais. 

 

Elle sort et récupère son matériel, verrouille sa belle voiture, puis elle se dirige vers ces escaliers sur lesquels l’image de Lenny portant M.T. , à bout de force mais déterminé, restera à jamais gravé dans sa mémoire. Quand elle arrive devant la porte, elle s'apprête à toquer, mais la porte s’ouvre à la volée, et elle tombe nez à nez avec le visage furieux de Lenny.

 

Derrière lui, le patient de Vanessa se tient debout, mais plusieurs de ses plaies saignent. Elles se sont rouvertes. 

 

Vanessa fronce les sourcils et passe le pas de la porte, en bousculant légèrement Lenny. 

“Qu’est ce qui se passe, les garçons ? Est-ce que vous étiez en train de vous battre ?”

 

Lenny renifle, et referme la porte derrière elle.

Elle sait qu’elle pourrait payer cher pour voir bousculer un homme comme Lenny, mais elle sait aussi qu’il a besoin de son aide. Pour… peu importe ce qu’il est en train de faire avec M.T.

 

“Ce connard de machin veut pas comprendre qu’il peut pas encore se laver, et encore moins tout seul, il fait sa tête de mule, mais il commence à sérieusement sentir le fennec et ça suinte sur mes murs.” explique Lenny d’une voix acide qui hérisse le poil de Vanessa. Elle ne l’a jamais entendue parler comme ça. On dirait qu’il parle d’un enfant turbulent, mais l’enfant turbulent semble prêt à les égorger tous les deux. 

 

“Rien à foutre refré, t’avais qu’à m’laisser ou tu m’as trouvé. Ta piaule de merde elle sent déjà le rat, t’avais pas besoin d’moi pour ça, mec.”

 

Lenny claque sa langue contre son palais, mais Vanessa posa sa trousse médicale bruyamment sur un meuble pour couper court à leurs enfantillages.

 

“Monsieur Logan, malheureusement Lenny a raison.”

 

“Ah donc lui c’est Lenny et moi c’est Monsieur Logan. J’croyais que tu faisais pas de différences, docteur.”

 

Vanessa lance un rapide regard à Lenny, avant de reposer ses yeux sur M.T.

“Vos mouvements sont encore trop restreints par la guérison et la cicatrisation de votre bras. Exposer vos cicatrices à l’eau détruirait le travail des cellules, il faut que quelqu’un s’occupe de vous nettoyer pour éviter la propagation des bactéries, M.T., vous comprenez ?”

 

Elle essaye de s’adoucir, de ne pas montrer qu’elle a envie de fuir, elle est devenue sacrément bonne à ce petit jeu. “Je peux m’en occuper, si vous êtes plus confortable avec ça.”

 

M.T. la regarde de son œil perçant. L’autre est complètement vacant.

Il ne répond pas, mais il se rassoit difficilement, et il tourne la tête, en écartant son bras juste assez pour lui permettre de venir le soigner. 

 

Elle soupire et s’approche, se met directement au travail.

 

“Vous savez,” dit-elle en sortant de quoi éponger le sang qui perle à la commissure de certaines plaies, “Je ne vais pas pouvoir continuer à venir aussi régulièrement pour m’occuper de vous, on risquerait d'éveiller les soupçons.” 

 

Lenny se racle la gorge derrière elle, alors elle se pince les lèvres. “Ca va piquer.” Elle prévient, en appliquant le linge avec un peu d’alcool à désinfecter sur les plaies ouvertes. M.T. ne bronche pas, même lorsqu’elle appuie sur les zones encore sensibles de sa peau toujours boursouflée. 

 

“Ce que je veux dire, c’est qu’il vous faudra accepter l’aide qu’on vous offre,” M.T. la coupe, “J’en ai rien a foutre frère–” mais elle continue, en haussant la voix, “si vous voulez aller mieux, et pouvoir reprendre une vie normale plus rapidement.”

 

Elle leve un regard severe sur lui, et elle tient bon, même si dès qu’il pose son regard noir sur elle, elle n’a qu’une envie, courber l’echine et demander pardon. Si M.T. remarque qu’elle tremble légèrement, il ne dit rien. Il la laisse continuer à désinfecter ses plaies, à stopper les saignements, et à lui passer une crème cicatrisante qui accélère la guérison. 

 

“J’ai jamais eu une vie normale, c’est pas maintenant que ça va commencer. J’veux pas dépendre de ce fils de pute.” murmure M.T., sa voix est si grave qu’elle vibre en Vanessa.

 

“J’ai trop de travail pour continuer à m’occuper de vous, M.T., et plus vite vous serez guéris, plus vous pourrez lui dire adieu, mais pour ça il faut que vous le laissiez vous aider. Mettez votre ego de côté, si vous voulez vous en débarrasser plus vite.” répond-elle à voix toute aussi basse. 

 

“Hey.” gronde Lenny, mais ça fait sourire M.T., et il se détend, alors Vanessa peut se détendre un peu, elle aussi. 

 

“Voila, les plaies vont avoir besoin de quelques heures pour se refermer complètement, vous pourrez envisager un nettoyage ce soir. On va faire le point sur votre situation, sur votre traitement et sur les précautions qu’il vous faudra prendre dans les semaines à venir, d’accord ? Après ça, j'espère ne pas vous revoir, mais si vous avez le moindre souci vous n'hésitez pas à m'appeler."

 

M.T. acquiesce, Lenny s’installe sur sa chaise, et Vanessa commence.

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//



Daniel; Mercredi, 15h01 :

 

Daniel fixe son écran de téléphone depuis des heures, dans l’attente d’un sms de Antoine, et de l’heure fatidique. 

Il est 15h passé, Monsieur Donation a atterri il y a plus 30 minutes à l'aéroport de Los Santos. 

Il ne va pas tarder a arriver, il ne va pas tarder à débarquer dans la chambre de Daniel, et Daniel pourra enfin revoir son visage rassurant, son grand chapeau rigolo, et ses claquettes chaussettes qui ont tant fait rire les cousins, lorsqu’ils l’ont rencontré. 

 

Daniel aura enfin quelqu'un qui sait ce qu'il est en train de vivre, à ses côtés. 

Maison a beau tout faire pour le soutenir, à sa façon, et Daniel lui en sera toujours reconnaissant, mais Antoine, Daniel et Donatien ont vécu des choses, ensemble, que personne ne comprendra jamais. 

 

Personne ne pourra jamais deviner le traumatisme que c’est de regarder l’homme en qui on a le plus confiance tabasser son sang, sa chair, l’horreur de la situation a jamais gravé sur ses traits. 

Personne ne pourra jamais comprendre le soulagement d’être enfin la cible, juste parce que ça veut dire que les deux autres seront épargnés.

Personne ne pourra comprendre la sensation de vide, après tout ça, quand même sains et saufs, tout ce qu’il reste ce sont des blessures profondes, qui mettront beaucoup trop de temps à cicatriser. 

 

Daniel le sait, parce qu’il en rêve, presque chaque nuit, de Donatien, forcé à choisir entre lui et son cousin. Il rêve qu’il meurt, il rêve du rire de Cox. Et chaque fois qu’il croise le regard d’Antoine, il est forcé de se souvenir que c’est lui, Daniel, qui a causé tout ça.

S’il n’avait pas été encore malade, s’il n’avait pas dormi un peu trop longtemps, et laissé Antoine tout seul, Cox ne l’aurait jamais attrapé. Et s’il l’avait attrapé, Daniel aurait pu être là pour l'empêcher de s’immiscer dans sa tête. 

 

“Mais enfin où est-il ?” 

 

“Attendez Monsieur de Montazac, j’aimerais juste être sur qu’il est en état de recevoir des gens–”

 

Daniel se redresse sur son lit soudainement, ignorant la façon dont ses poumons brûlent soudainement, et l’envie de tousser qui écorche sa trachée. “M’sieur Donation !!” crie-t-il, le cœur battant rapidement. 

 

“Daniel, mon p’tit !” 

 

La porte de la chambre s’ouvre brusquement, et Daniel sursaute, mais il glisse hors de son lit aussitôt, parce que la personne qui surgit dans la pièce n’est autre que Donatien, et Daniel a besoin de lui. 

 

Donatien s’avance à grand pas vers le lit, et Daniel le rejoint à mis chemin, pour lui sauter au cou. Donatien n’a pas les bras écartés, il ne l’enlace pas, mais il s’est mis à sa disposition, il s’est penché, et il a tout de suite murmuré, “Je suis la, Daniel, je suis la…”

 

Daniel s'accroche à lui, enfouit son visage contre son épaule, et il se met à pleurer, malgré lui. Daniel ne pleure pas, c’est Antoine, qui pleure, mais là, les émotions débordent, brisent le barrage que Daniel a mis en place il y a des années de cela. 

 

C’est trop, ce qui leur arrive, c’est trop ! Personne de leur âge ne devrait vivre ça ! Personne tout court, même !

 

Le souffle de Daniel se bloque dans sa gorge quand les bras de Donatien se referment autour de lui avec hésitation. 

Ah, Don Telo a beaucoup changé, lui aussi.

 

Daniel se recule, les yeux écarquillés, et Donatien se tient là, les bras écartés, dans une position étrange. 

L’atmosphère est soudainement très gênante, alors Daniel laisse échapper un rire entre deux sanglots, et il se frotte le visage avec la manche de sa robe d'hôpital. 

 

“Oui, bon, je suis content de te voir mon cher Daniel, j’admet que ton appel m’a pas mal remué, j’ai même vendu des bouteilles moins cher, te rends tu comptes !”

 

“Ah oui, vous êtes vraiment chamboulé…” dit Daniel en retournant s’asseoir sur son lit. 

 

L’excitation des retrouvailles redescend déjà, rapidement, et Daniel à l’impression de peser des tonnes. Cette vague soudaine d'adrénaline l’a épuisé. 

Il remonte sur le lit, se love sur le matelas, et essuie ses joues humides. 

 

“Daniel… Il va falloir tout me raconter. Pourquoi est-ce que tu es là ? Pourquoi est-ce que vous ne m’avez pas prévenu, Antoine et toi ? Ou est-ce que vous avez dormi ? On m’a dit que vous étiez restés à la rue, c’est tout un monde tout de même !”

 

Daniel hésite à répondre. S’il décide d'être sincère, Kiddy va avoir des problèmes, alors qu’il n'était même pas au courant.

Donatien va sûrement être en colère.

 

Mais avec Antoine disparu, Daniel ne peut pas se permettre de lui cacher quoi que ce soit. 

 

Il se redresse, juste assez pour s’asseoir, toujours recroquevillé sur lui-même. Il tousse bruyamment, et grimace, parce qu’il a l’impression que ses poumons s'écorchent avec chaque toux.

 

“Bon sang…” marmonne Donatien en se rapprochant, et en attirant une chaise près du lit de Daniel pour s’y asseoir. “Dans quel état tu es…”

 

Il a l’air déçu, mais à propos de lui-même. 

 

“Vous savez, vous y êtes pour rien m’sieur Donatien… Donatien. Après tout j’ai toujours été souvent malade ! Et puis… On a pas voulu vous dire, que…”

 

“Que vous êtes orphelins.”

 

“Que nos parents nous ont abandonnés y a des années. Ils sont en vie, ils veulent juste pas de nous. C’est pour ça qu’Antoine il compte autant sur vous, mais c’est pas votre faute vous saviez pas, on voulait pas vous le dire, parce qu’on voulait pas vous déranger, on sait qu’on a déjà abusé pendant les vacances, et puis, avec ce qu’il s’est passé….”

 

Donatien retire ses lunettes et se frotte les yeux. Il a l’air épuisé.

 

"Ça va, monsieur ?” demande Daniel d’une petite voix. Plus que quiconque, il a conscience du poids qu’ils ont posé sur les épaules d’un pauvre homme qui n’a rien demandé, à la base. 

Enfin, pauvre. Tout est relatif. 

 

"Ça va, Daniel. J’aurais simplement aimé le savoir dès le début. Enfin, je comprends mieux ma conversation avec le Docteur Madame, quand elle m’a demandé de faire attention a vous, et si j'étais votre tuteur légal.”

 

Il lève un regard fatigué mais déterminé sur Daniel, et Daniel sent son coeur se serrer. 

 

“Allez, raconte-moi tout, depuis le début.”

 

Daniel ne sait pas par ou commencer. 

Il lui raconte qu’ils ont monté tout un stratagème pour faire croire à tout Los Santos que Daniel retournait en France, mais que l’adversité les a cueillis dès qu’ils ont remis un pied à l'extérieur de l'aéroport. Donatien semble étonné qu’ils aient même réussi à leurs faire croire à son départ, il a l’air impressionné, et pendant un instant Daniel se sent fier, parce que c'était son idée. 

 

Il lui raconte donc comment ils ont pris la décision de ne pas retourner au domaine, comme ils ont décidé de rester dans le sud, et qu’ils se sont vite rendu compte qu’ils n’avaient aucun accès à leur compte bancaire à cause de leur âge. 

 

Il lui raconte que, pendant les vacances, ils ont pris l’habitude de dormir dehors, que ça ne les dérangeait pas, mais que Daniel est encore tombé malade, et qu’Antoine a refusé d'appeler Donation. 

 

“C’est ma faute, si Antoine a disparu, Monsieur Donation. À chaque fois que je le laisse tout seul… A chaque fois il lui arrive quelque chose.” 

 

“Mais enfin Daniel c’est insensé, tu comprends bien que tu ne peux rien y faire, non ? Moi en revanche… Bon de toute façon le mal est fait, il faut qu’on retrouve Antoine.” 

 

Donatien se laisse aller contre le dossier de son siège et croise les jambes. “J’ai quelque chose a t’avouer moi aussi, mon petit Daniel.”

 

Il attrape sa moustache et la fait rouler entre ses doigts, pendant que Daniel retient son souffle. 

 

“Il se pourrait que j’ai reçu un sms de Cox, qui dit ‘Surprise, ducon, tu pensais en avoir terminé avec moi ?’ il y a quelques jours.”

 

Daniel regarde aux alentours, ils sont seuls, mais Maison et Panis sont juste derrière la fenêtre, et ils discutent. 

 

“J’en ai pas encore parlé aux flics parce que je sais pas si c’est lié à toute cette histoire, et si j’ai envie de régler ça par moi même, mais je pense que tu devrais le savoir, bien sûr."

 

Daniel est d’accord avec Donatien. Même si Panis est un homme de confiance. Peut-être qu’ils pourraient en parler à Panis. “Vous pensez que c’est Cox, alors. Parce que moi aussi, j'avais peur de le dire. Je veux pas que ca soit vrai, M'sieur Donation, s’il rentre dans sa tête j’ai peur de perdre Antoine, cette fois.”

 

Donatien ne répond pas. La peur de Daniel gonfle et prend tout l’espace de la chambre, étouffante. “M’sieur Donation…”

 

“On va retrouver Antoine, Daniel, je te le promets, même si je dois y laisser ma vie, cette fois.” 

 

Daniel n’est pas rassuré.



// 



Lenny; Mercredi, 23h47 : 



“T’es decidé ou quoi ?” 

 

M.T. refuse de le regarder, il joue avec un os de poulet de sa main intacte. Il ne répond pas tout de suite, fait poireauter Lenny, parce qu’il aime faire comme s’il avait le contrôle de la situation alors que pas du tout, mais Lenny est l’adulte ici, même si M.T. est plus vieux de quelques années, alors il ne se laisse pas atteindre.

 

“J’me mets pas à poil.” dit-il finalement, et c’est vraiment pas la réponse que Lenny attendait.

 

“T’as rien que j’ai pas. Oh on a déjà vécu pire pourquoi tu joues les mijorées là ?”

 

Il s'empêche à tout prix de lui demander s’il a quelque chose à cacher, s’il a honte, il s'empêche de le chambrer, parce que M.T. est celui en situation de vulnérabilité, et Lenny sait qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’un animal sauvage blessé.

 

M.T. grogne, et Lenny croise les bras sur son torse. 

Il est très patient, mais il commence à atteindre ses limites. En fait, sa patience a toujours été mise à rude épreuve dès qu’il s’agit de M.T., et il aime se dire que c’est parce que M.T. est un sale con, et son ennemi juré, mais la vérité est toute autre, une vérité qu’il préfère ignorer. 

 

“Tu pues le cadavre, sérieux, bouges-toi qu’on en finisse, j’en peux plus moi de d’voir supporter ça.”

“T’as qu’à me lâcher la ou tu m'as trouvé si ça te fait chier à ce point.”

“Recommences pas, j’te signale que t’es libre de t’casser.”

 

M.T. retombe dans son mutisme, les sourcils froncés.

 

Il casse l’os de poulet d’une seule main, et Lenny serre la mâchoire.

L’autre homme ne se rend sûrement pas compte de ce qu’il dégage, en permanence. 

 

Le voir nu, encore plus vulnérable, ça brisera forcément cette satané aura.

 

“Tu sais c’qu’on m’a appris, au quartier ?” demande M.T. d’une voix presque trop basse en se levant du lit qui grince. 

Il fait bien une bonne tête de plus que Lenny.

 

“Pas grand chose ?” Lenny regrette ses paroles dès qu’elles franchissent ses lèvres, mais ses défenses sont érigées malgré lui. M.T. se rapproche, de sa démarche lente et lancinante, comme la Mort que l’on voit arriver et qu’on ne peut pas empêcher. 

 

“T’es un marrant, ma p’tite tarte au citron. Non, tu vois, nous chez les Families on a des principes.” 

 

Il s'arrête juste en face de Lenny, les yeux baissés sur lui, et Lenny serre les poings, jusqu’à ce que ses ongles s’enfoncent douloureusement dans sa paume.  

 

“Tu connais surement pas, ça s’appelle l'échange équivalent." M.T. lève sa main droite et fait mine de replacer le col de Lenny. “Comme une vie pour une vie, par exemple.”

Son œil perçant trouve celui de Lenny. “Si tu m’vois à poil, moi aussi.”

 

Les oreilles de Lenny se mettent à siffler de plus en plus fort, c’est comme le son d’un moniteur cardiaque qui flatline.

Il sait que ce n’est pas du flirt, que M.T. veut juste l’humilier autant que lui se sent humilié, mais c’est un peu trop à procéder, venant de lui.

 

“Si tu veux m’voir à poil y avait qu’a demander plutôt que d'me sortir tes principes de merde. Malheureusement pour toi j’suis pas un homme facile.” répond Lenny en se détournant. Il a besoin de prendre l’air, alors il ouvre la porte de la chambre. 

 

“Fais gaffe à c’que t'insinue." gronde M.T., mais il le suit. Lentement, mais sûrement. 

 

“Fais gaffe à c’que tu racontes.”

 

M.T. inhale, comme pour répondre, mais il se tait, et Lenny essaye de le prendre comme une victoire, seulement il est trop occupé à réaliser qu’il va donner le bain à son pire ennemi. 

C’est dingue, ce qu’il se force à faire, tout ça pour ne pas penser. Si Miguel avait été là, il l’aurait secoué, lui aurait remis les idées en place.

 

“La daronne dort, fais pas de bruit, sinon j’te lave au tuyau d’arrosage dehors derrière la résidence."

 

“Rien à foutre, refré.”

 

Lenny tique, il a envie de se retourner, d’agripper M.T. par le cou et de lui hurler qu’il sait, il sait qu’il en a jamais rien a foutre, mais il continue à avancer, pénètre dans sa maison d’enfance, et mène M.T. à la salle de bain. 

Il se rend compte qu’il a oublié le matos que Vanessa lui a laissé ce matin, avec ses instructions. 

 

"Déshabille toi, et installe toi, j’reviens.”

 

Il entend M.T. lâcher un "Ta gueule", mais Lenny comprend bien que c'est sa propre façon de se protéger.

 

La salle de bain est petite, à peine assez spacieuse pour que M.T. et Lenny tiennent l’un à côté de l’autre, à cause de la grosse machine à laver neuve poussée contre le mur en face du lavabo ébréché qui offre un sacré contraste. Si sa mère refuse d'emménager dans plus luxueux, Lenny s’assure que son équipement soit dernier cri. 

Au fond de la petite pièce, sous de nombreux fils qui servent à étendre le linge en hiver, il y a une petite baignoire carrée encastrée entre les trois murs. M.T. pourra surement s’y asseoir, mais c’est tout. 

 

M.T. ne rajoute rien, alors Lenny ressort. 

Il devrait s'inquiéter, surement, de laisser sa mère à la mercie d’un mec qui tue sans remords. Il devrait.

C’est pas qu’il lui fait confiance, mais M.T. n’a jamais réussi à presser cette gâchette pour abattre Lenny depuis qu'il est là. Peut être que ce connard a vraiment des principes, au final. 

 

Il récupère le matériel, une trousse avec une éponge douce, du savon au pH neutre, un baume cicatrisant et des pansements en gel, puis il ressort, et une fois devant la porte de chez sa mère, il prend une large inspiration. Allez Lenny. Tu peux le faire

 

Quand il rejoint la salle de bain, la porte est à peine entrouverte, et dans l'entrebâillement, il voit M.T. qui se tient, nu, devant le miroir. 

Lenny se fige, parce qu’il a l’impression de voir une scène à laquelle il ne devrait pas assister.  

M.T. retrace les cicatrices sur son flanc, lentement, une expression amère sur le visage. 

La brûlure descend jusque sur sa cuisse en des flammèches asymétriques.

 

Lenny ne peut pas s'empêcher de se pencher au plus proche de l’embrasure, hypnotisé par la façon dont la peau de M.T. s’irise de teintes roses et argentées contre sa peau noire. Il veut savoir comment c’est arrivé, exactement, il veut savoir qui s’est permis de marquer M.T. à vie, mais les informations sont comme du sable entre ses doigts, elles continuent à lui échapper. 

 

Plus M.T. se dévisage, plus son expression devient insupportable à contempler. 

Lenny ne pourra jamais comprendre ce à quoi il doit faire face, mais il peut essayer d'empêcher M.T. de penser, lui aussi.

 

Il fait cogner son coude contre la porte pour que le bruit laisse le temps à M.T. de se retourner s’il veut, mais M.T. ne cille pas, alors que Lenny rentre dans la salle de bain.

“C’est bon ou t’as besoin d’aide pour t’asseoir ?” demande Lenny en ignorant la façon dont M.T. semble prendre encore plus de place, comme ça. 

Il pivote légèrement vers Lenny, le regard défiant. 

 

Comme s’il pensait que Lenny allait se moquer. 

 

Lenny soupire, baisse les yeux, regrette, les relève et pointe la baignoire du doigt. “Tu veux un s’il te plait ? Bouge.”

 

“Ouais, fais pas le malin mon frère.”

 

La tension est palpable, mais Lenny choisit de l’ignorer. Même si M.T. a bien une tête de plus que lui et qu'il veut la lui arracher, probablement. 

M.T. choisit de ne pas lui tenir tête plus longtemps et se détourne pour monter dans la baignoire. Il n'a aucun problème à le faire, mais dès qu'il doit s'abaisser pour s'asseoir, il laisse échapper un sifflement et se fige. 

 

Lenny avance, lève une main, mais M.T. aboie "Casse toi !" Et Lenny répond aussitôt "Mais ferme ta gueule j't'ai dit que la Madre dort putain !"

 

Il laisse M.T. se démerder, va fermer la porte à la place, espérant que sa mère ne se lèvera pas. Quand il se retourne M.T. est assis dans la baignoire, et il regarde droit devant lui obstinément, les sourcils froncés. 

 

Il est dans une drôle de position, comme s'il pressait sa paume contre son côté gauche.

 

"Qu'est-ce' t'as ?" Demande Lenny en s'approchant. Il voit aussitôt que M.T. saigne au niveau de la hanche, parce que ce trou du cul a dû s'ouvrir en s'asseyant trop vite. Et bien sûr qu'il ne demandera pas d'aide. 

 

Connard.

 

Matéo était pareil. 

 

Lenny marmonne dans sa barbe, le burn-out est juste là, à la porte, et l'attend les bras grand ouverts. 

 

"C'est pour ça que t'as besoin d'aide tête de noeud." Dit Lenny en essayant de se rappeler de la procédure que Vanessa leur a demandé de respecter en cas de réouverture des plaies de M.T.

 

"J'ai pas b'soin de toi, ni de personne, fils de pute." 

 

Lenny se retient de frapper M.T., juste parce qu'il ne veut pas que ses plaies s'ouvrent encore plus. 

 

"Continue à insulter ma mère et j'te fais bouffer le carrelage." Gronde Lenny, en épongeant la plaie sur la hanche de M.T. 

 

Il est surpris d'entendre M.T. rire, alors qu'il applique le pansement cicatrisant sur la plaie sèche. Son visage est à quelques centimètres de sa poitrine, son rire y vibre profondément. 

 

"T'es vraiment un grand malade, mec." Dit M.T., et Lenny se redresse pour lui lancer un regard confus. 

 

"Regarde toi, à jouer à l'infirmière avec ton grand rival qui a la teub à l'air et une ressemblance frappante avec Double Face." 

 

M.T. laisse son crâne reposer contre le mur carrelé derrière lui, le regard bien moins dur. 

 

"Tu passes ton temps a m'traiter comme un abruti qui sait pas c'qu'il fait, mais t'as jamais été mieux qu'moi. Au moindre problème tu vrilles, toi aussi, pas vrai ?"

 

Lenny se sent attaqué, surtout par ce ton doucereux que M.T. adopte soudainement. 

Il se lève et attrape le pommeau de douche avant d'allumer l'eau. Il vise bien les jambes de M.T., parce qu'il sait que l'eau est gelée et il veut le punir pour son insolence. 

 

Mais M.T. ne réagit même pas. 

Lenny lui lance un regard noir, a quel point est ce que la tolerance de ce mec est elevée ?!

 

Il se souvient subitement des hurlements de douleur de M.T. quelques jours après qu'il l'ait récupéré, quand l'homme commençait à se réveiller. La douleur devait être insupportable, si quelqu'un d'aussi solide hurlait comme ça. 

 

"J'vois pas d'quoi tu parles." 

 

"Moi j'crois que tu sais très bien de quoi j'parle." 

 

Lenny règle l'eau pour que le flot soit léger qu'elle soit tiède - pas d'eau chaude, pour ne pas risquer de dilater les pores d'M.T. et exposer ses plaies à des infections, avait précisé Vanessa. 

 

"Il est ou, Miguel ?" 

 

Lenny entend le bruit blanc gonfler a nouveau contre ses tympans. Cette enflure vient d'appuyer sur un nerf à vif. Le mauvais nerf à vif.

 

Il s'approche, fait attention a ne pas éclabousser les parties du corps de M.T. qui ne doivent pas être mouillées; calme, froid, et il laisse l'eau couler sur sa peau, méthodique. Lenny ne répond pas, il ne regarde pas M.T. dans les yeux, et son expression est sûrement impassible. 

 

C'est le chef de gang qui prend le dessus. 

 

Il se souvient de la façon dont il donnait le bain à Matéo, parfois, quand il restait chez lui. Même s'il était assez grand pour se baigner seul, personne ne lui avait jamais appris à le faire comme il fallait. 

 

Il fait pareil, passe le pommeau contre le cou de M.T., dans ses cheveux, son autre main protégeant ses brûlures. 

 

Il sent le regard de M.T. ancré dans le sien, mais s'il le regarde, il va le tuer. Ou le frapper, au moins. 

Lui faire mal, en retour. 

 

Lenny prend l'éponge ensuite, y verse du savon, et commence à frotter le bras droit de M.T. avec juste assez de force pour s'assurer qu'il le nettoie comme il faut. 

 

Il a déjà assisté Vanessa pour l'un des bains de M.T. pendant que l'homme était inconscient, mais ils lui laissaient toujours un sous-vêtement. Ça n'empêchait pas Vanessa de le laver intégralement, mais Lenny n'a aucune intention de le laver intégralement, lui. 

Même si M.T. ne doit pas encore bouger son bras gauche, il a toujours son bras droit. 

 

Il passe l'éponge sur son bras, sous son bras, utilise l'eau pour faire mousser l'éponge un peu plus, et la glisse dans le cou de M.T. 

 

Il peut voir sa jugulaire pulser sous sa peau, quand M.T. penche la tête, sans jamais le lâcher des yeux. 

 

"Tu veux m'égorger refré ? C'est ça que tu penses." Murmure M.T., et Lenny immobilise sa main, juste là, sur cette jugulaire. S'il appuie juste assez, il peut le faire tourner de l'œil.

 

"Tu fais toujours ça, dès que t'es en colère. Tu donnes un sacré traitement du silence." 

 

M.T. continues à le provoquer, à vouloir s'insinuer sous sa peau alors que la sienne dépend de Lenny. 

 

Lenny lui agrippe l'épaule et le force à se pencher en avant, juste assez pour lui frotter le dos. 

 

"Ça me frustrait, tu sais ? Devant l'autre flic, tu m'faisais passer pour un gamin, un hysterique de merde, et des qu'on tapait enfin la où ça fait mal, tu te refermais comme une putain d'huitre." 

 

Lenny connait ses propres mechanismes de defenses, il n'a pas besoin que son putain de rival les lui rappelle, comme s'il etait si facile a lire. 

Il termine de lui laver le dos, et il recule légèrement pour venir lui laver les jambes, les pieds. 

M.T. a un petit tatouage à la cheville qu'il n'avait jamais vu avant. C'est un petit scorpion, dont la queue recourbée semble sur le point de le piquer lui-même. 

 

Lenny est pris au dépourvu, alors il lève les yeux. "T'es scorpion ?" 

 

M.T. sourit en coin et lève son pied pour le placer juste en face du visage de Lenny. 

Il apprécie un peu trop la situation à son goût. "Si j'te dis, tu m'dis si j'ai raison ?" 

 

Lenny frappe sa cheville pour lui faire baisser son pied, et il se referme sur lui-même, mais juste comme ça, il donne raison à M.T.

 

"J'ai pas envie d'en parler." Dit-il, et il est surpris quand M.T. tend sa main vers lui, paume vers le haut. 

 

"Ok. J'peux terminer refré." 

 

Lenny lui donne l'éponge et il se laisse tomber contre la machine à laver pour soupirer. 

 

"Ok." Il répète, soulagé malgré lui. "Ok…"

 

M.T. continue à le fixer, tout en frottant la ou il peut atteindre sans risquer d’ouvrir ses plaies. Lenny le voit grimacer des fois, de là où il est. 

 

“Tu vois, c’est pas si horrible que ça.” Lenny remarque, presque plus pour lui-même que pour M.T., mais M.T. ricane, “C’est pas toi qu’est à poil dans la salle de bain d’une daronne de Vagos. Oublies pas mon frère, la prochaine fois c’est ton tour.”

 

Lenny claque sa langue contre son palais, “C’est vraiment con ton truc, j’vais finir par croire que tu veux vraiment voir ma queue.”

 

M.T. lui balance l'éponge en pleine face, et celle-ci tombe mollement sur le sol. “Respecte moi bordel.”

 

“Non. Allez, j’te rince et on t’sors de là, j’te préfère habillé.”

 

“Pourquoi tu mens.” 

 

Lenny grogne alors que M.T. laisse échapper un petit rire à nouveau. Ça l’éclate, de faire chier Lenny, mais Lenny préfère quand il le taquine, plutôt que quand il devine la moindre de ses pensées.

 

C’est bien plus facile à gérer. 



//



Bill Boid; Mercredi, 23h54 : 

 

“Entrez, lieutenant.”

 

Panis entre dans son bureau, et grimace aussitôt. “Dites, commissaire, le prenez pas mal, mais faudrait peut être aérer…" 

 

Boid fronce les sourcils, et il se lève de son siège ignorant comme celui-ci collé à son corps. Il a pris une douche, ce matin, dans les douches communes du comico, mais le savon est un peu nul, et son uniforme aurait bien besoin d’un passage au pressing. 

 

Il ouvre la fenêtre, une bruine très fine tombe dehors, alors un vent froid s'infiltre aussitôt dans la pièce. 

Ça fait du bien, il doit l’admettre. “Alors, Lieutenant, vous avez pu vous pencher sur cette foutue autopsie la ?”

 

“Oui, vous aviez raison commissaire, y a quelque chose de louche avec l’affaire Beaucollier. Je viens de recevoir le rapport de Peine, c’est en français mais je vais vous le traduire.”

 

Boid se retourne, son intérêt est piqué, il sent la motivation le regagner, elle qui l’avait quitté ces derniers jours. 

“Je le savais. Montrez moi.”

 

Panis acquiesce et s’approche, pour lui tendre un rapport glissé dans un dossier cartonné. “La partie visible du rapport d’autopsie était bien une grande perte de sang, mais ce n’est pas tut. La partie censurée, regardez…”

 

Boid ouvre le dossier, fébrile, et sa révélation est là. Juste devant lui. Sous la forme d’une simple phrase. “Blessure crânienne par objet contondant." murmure Bill, et l’excitation monte. “Cette harpie a dézingué son mari.”

 

Panis laisse échapper un souffle rapide par son nez. “Doucement, commissaire, c’est pas assez pour prouver que c’est elle qui l’a fait. Et surtout, ça n’explique pas la quantité massive d’alcool que Victor de Beaucollier a ingéré."

 

“Vous doutez de mon instinct, Lieutenant ?” demande Bill, l’oeil vif, alors qu’il lance un regard noir à Panis. Celui-ci est habitué, maintenant.

 

“Non, bien sûr que non, mais Peine m’a dit que d’autres parties du dossier sont manquantes, j’attend de ses nouvelles. Vous avez lancé l’alerte enlèvement d’Antoine Croûte ?”

 

Le changement de sujet n'intéresse pas Bill. Il continue à lire le rapport de Peine, traduit par Panis. Tout est là, mais Panis a raison, ce n’est pas assez. Il a besoin de plus. Il secoue sa main, ‘Oui oui, j’ai appelé Weazel News plus tôt aujourd’hui, on a donné une conférence de presse avec mon co-co. Vous n’avez pas vu ? Qu’est ce que vous foutiez, Lieutenant ?”

 

"J'étais à l'hôpital avec Montazac et l’autre Croûte, commissaire. J’ai reçu l’alerte mais je savais qu’une bonne partie de l'équipe était là. Monsieur… J’ai entendu Montazac mentionner Cox. J’pense que vous devriez vous occuper de cette affaire vous-même."

 

Bill lève les yeux. “Cox ? Cox est hors du pays.On a la confirmation que tripièce et son frère ont été interceptés par Interpol en Espagne.”

 

Panis reste silencieux, assez longtemps pour que Boid fronce les sourcils. “Quoi, tu penses qu’il était pas avec eux ? Qu’il est là depuis tout ce temps ?”

 

Panis lève légèrement les mains. “Je dis juste que Montazac l’a mentionné. Si vous voulez mon avis, on devrait le convoquer pour l’interroger.”

 

“Ouais, j’y penserais. Mais le gouverneur va jamais me laisser m’occuper du cas, c’est pas assez gros pour eux.” marmonne Bill, “Même si Monmachin est presque aussi riche que lui.”

 

Panis reste silencieux à nouveau, alors Bill replonge dans le dossier Beaucollier. La vérité, c’est qu’il crève d’envie de sortir, prendre son interceptor et parcourir toute la ville pour rouler jusqu’aux vignes. Il veut interroger Montazac, dans sa demeure, le petit Crouton restant, mener l'enquête, perquisitionner l’ancien appartement de Cox… Il veut tout ça. 

 

Il en a besoin.

 

“Je suis sûr qu’ils vont finir par accepter. Ils pourront pas vous garder enfermé ici pour toujours.” 

 

Boid soupire, et il se rapproche de son bureau. “Ouais, merci Panis, vous pouvez disposer.”

 

“Bien, commissaire, je vous tiens au courant du développement de l’affaire Croûte.”

 

“Merci, Lieutenant. Et reposez-vous."

 

Panis rit, et alors qu’il passe la porte, il lance, “Seulement si vous vous reposez en premier.”

 

Sur cette phrase, il disparaît, et Bill veut lui balancer son agrafeuse, ou sourire, ou juste le suivre, prendre cette bouffée d’air qu’il n’a pas pris depuis longtemps. 



//



Alain Panis; Jeudi, 00h12 : 

 

Quand il sort, il fait frais. Chloé l’attend, a son appartement, et il n’a qu'une hâte, rentrer pour la retrouver. 

Il est venu en moto, et il bruine, ça ne va pas etre une partie de plaisir, de rouler sous cette pluie, mais il a besoin de ce petit moment, seul avec sa moto, pour faire le point.

 

Quand il descend au garage, pourtant, il sait déjà qu’il n’est pas prêt de rentrer. 

 

La, sous le parvis du garage des gradés, un homme se tient, couteau à la main.

Ses cheveux roux attrapent facilement la lumière des lampadaires, son manteau vert décline son identité sans même que Panis n’ait à demander qui il est. 

 

“Yo mon pote !”

 

Liam Dunne joue avec sa lame, alors que Panis approche, lentement. 

 

“T’en as mis du temps. T’as les infos que tu m’as promis ?”

 

Panis hésite, regarde alentour.

Puis il sort un dossier cartonné, qui ressemble exactement à celui qu’il vient de tendre au commissaire. “C’est le dossier du meurtre de Victor De Beaucollier. J’ai pas donné le dossier complet au commissaire, parce que tu peux être sûr que sa veuve l’a buté. Je sais pas combien de temps je vais pouvoir le tenir à l'écart, par contre.”

 

Liam s’approche, sans lâcher Panis du regard, de ce regard émeraude perçant et implacable. Il en impose, de plus en plus, au point où l’air devient suffocant, autour de lui. 

Il range sa lame, ne s'arrête qu’une fois qu’il est tout contre Panis, et murmure. “C’est bien mon pote. Ca m’fait plaisir, que tu respectes ta part du marché, après que j’ai tenue la mienne.”

 

Il disparaît, ensuite, et Panis se retrouve seul, sur ce parking.

Notes:

Haha est-ce que vous me detestez

Super comic par Safista

Chapter 5

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

M.T.; samedi, 16h23 : 



Il fait très chaud aujourd'hui. 

C'est désagréable, pour ses blessures. La chaleur amplifie les douleurs. 

Mais la sensation de brûlure perpétuelle s’est pas mal résorbée, grâce aux crèmes, grâce aux médicaments, et M.T. peut enfin commencer la rééducation de son bras, en pliant son poignet, son coude, et en remuant lentement son épaule, pour assouplir sa peau, la réhabituer aux mouvements. 

 

Il essaye de se souvenir de ce que Vanessa lui dit, à propos des mouvements à faire. C'est pas complexe, mais ça le fait chier. Il sent sa peau tirer, autour de ses plaies, mais il ne sent rien la ou sa chair n’est que cicatrice, alors il n’a aucune notion de ses propres gestes. Il ne sent pas si le tissu encore fragile se déchire ou non. 

 

M.T. est allongé sur le lit de Lenny, sa main droite posée sur son ventre, son visage tourné à gauche, autant que possible, pour essayer de voir sa main. Le dos de sa paume est presque totalement strié de cicatrices, mais l'intérieur de sa paume est complètement brûlé. 

 

Doucement, il essaye de frotter ses doigts entre eux.

 

Il ne sent rien.

 

Il ferme les yeux, inspire longuement. Vous êtes chanceux, M.T., avait dit Vanessa. 

C’est sûr, ça aurait pu être pire. Il n’a jamais perdu que cinquante pourcent de sa vision et de son toucher. Il aurait pu perdre la mobilité complète de sa main, il aurait pu se retrouver paralysé, il aurait pu perdre la vie.

 

M.T. ne comprend toujours pas ce qu’il fait là. Il ne comprend pas pourquoi il n'est pas mort.

 

Pourquoi est-ce que Liam n’a pas fini le boulot.

 

Il se souvient très bien, maintenant.

Il peut voir Liam se retourner, son regard effrayé qui brille d’une étrange lueur, son bras qui se met en mouvement, presque au ralenti, et le pain de C4 qui vole vers lui, et frappe la grille, juste derrière lui.

 

C’est à cause de cette grille que la cicatrice de M.T. a cette gueule.  

On dirait un putain de zebre.

 

Il se lève, lentement, et continue à aviser son bras, la tête trop penchée sur la gauche. Son cou commence à lui faire mal. 

M.T. se déplace, avec plus d’aisance, et il se plante devant le miroir ébréché de l’armoire en face du lit. 

C’est plus facile pour lui de se voir, comme ça. 

 

Il se demande si le voile qui assombrit son œil gauche se lèvera un jour. 

 

Il suppose que non. 

 

Son corps est comme une prison, maintenant. 

Il ne peut pas bouger comme il veut, il ne peut pas se battre pour se défendre, et il ne peut plus conduire. 

 

Il se penche, pour mieux se voir.

Quelle horreur.

Sa mère serait horrifiée, de le voir dévisagé, comme ça.

Toutes les putes qu’il avait l’habitude d’aller rincer refuseraient sûrement de le toucher, maintenant.

 

La simple vision de lui-même lui est insupportable. Comment est-ce qu’il est censé se faire respecter, maintenant ? 

 

Il se dégoûte.

 

Il ne sera plus jamais comme avant, plus jamais, plus jamais, plus jamais

 

Son poing droit part malgré lui, et il frappe le miroir qui explose en une multitude d’éclats scintillants et qui lui renvoient encore plus d’images de lui-même, deformé, défiguré, déshumanisé. 

Les débris du miroir tombent au sol dans un tintement qu’il entend à peine au milieu du capharnaüm du sang qui pulse contre ses tympans.

 

La porte de la chambre s’ouvre soudainement et le sort de sa stupeur. 

 

“Mais qu’est ce que tu fous putain !” 

 

Lenny apparaît dans son champ de vision et envahit son espace vitale, pour agripper son bras avec force. Il gueule, il l’insulte, sûrement, M.T. n’entend rien, tout ce qu’il peut faire c’est fixer la nuque de Lenny, tendue, offerte comme celui-ci se penche sur sa paume. 

 

Il peut voir le début d’un tattoo poindre à la lisière du col de sa chemise.

 

Sa main gauche fourmille, il a envie de toucher, mais il sait qu’il ne sentira rien. Il se demande quelle sensation ça ferait à Lenny, sa peau brûlée contre la sienne. 

Est-ce qu’il sera dégouté ?

Est-ce qu’il va le frapper ? 

Est-ce qu’il va enfin l’achever ?

 

M.T. lève sa main gauche, et la pose contre la nuque de Lenny, ses doigts effleurant la coupe nette de ses cheveux juste la. Il laisse sa main glisser le long de sa nuque jusqu'à la base de son cou, en espérant ressentir quelque chose, n’importe quoi, en vain.

Lenny se fige, comme une proie prise sous les dents d’un prédateur.

Ou bien comme un prédateur sur le point de sauter à la gorge de sa proie. 

 

M.T. peut voir sa peau se recouvrir de chair de poule, mais Lenny ne fait rien pour le dégager. 

 

C’est sûrement du dégoût. 

 

“Qu’est ce que tu fous ?” répète Lenny, et cette fois M.T. revient à lui, se rend compte de ce qu’il fait, et décide de jouer de la situation. Il frappe le crâne de Lenny, comme il l’aurait fait à l'un de ses potes. 

 

“T’as pas besoin de toujours jouer les infirmières, j’vais me démerder, refré.”

 

M.T. n’a pas senti l’impact contre sa paume, à part pour les vibrations dans son bras, mais il a senti la peau autour de ses plaies tirer désagréablement. 

Lenny se redresse et le confronte du regard, les sourcils froncés derrière ses stupides lunettes de soleil. 

“Tu viens de pulveriser mon putain de miroir, et t’as la main en sang, connard, tu crois que j’ai envie de jouer les infirmieres ?!”

 

Il s'énerve, et ça donne un sentiment de fierté à M.T.

 

“Tu vas faire quoi, frapper un grand brûlé, mec ?”

Il va même jusqu’à lever le menton en signe de défiance, parce qu’il sait que ça le fait rager, le jaune, d’être plus petit que lui. Il n'était pas d’humeur à chercher la bagarre, mais avec Lenny c’est comme une habitude, et ça le réconforte, de se dire que rien ne change entre eux, au moins. Peu importe si tout a changé, Lenny reste une constante dans sa vie. Tant que leur dynamique ne change pas, c’est quelque chose à laquelle M.T. peut se raccrocher. 

 

“Si tu veux t’battre, j’hesiterais pas, trou du cul, c’est moi qui t’ai fait soigner, j’peux très bien t’remettre dans l’état dans lequel j’t’ai trouvé.”

 

Ah, M.T. a tendance à oublier que Lenny sait lui aussi comment l'énerver. “Tu veux une putain d’medaille ? J’t’ai jamais demandé d’t’en mêler, fils de pute.”

 

M.T. ignore la douleur qui commence à enfler dans sa main droite et il pousse Lenny, assez violemment pour que son dos heurte l’armoire. Les débris de miroir vont sûrement lacérer son dos, quel dommage. 

Lenny répond aussitôt d’un crochet du gauche qui fait vriller la mâchoire de M.T. et tire sur sa plaie. La seconde suivante, M.T. tombe sur le dos, et Lenny est sur lui, une main autour de son cou, le poing levé. 

 

Ses lunettes ont glissé au bout de son nez, il a les yeux grands ouverts, la mâchoire serrée et l’air ahuri. 

“Vas y, frappe moi refré, t’en crève d’envie non ? Tu regrettes déjà ta p’tite expérience sociale ?”

 

"Arrête, bordel, arrête de faire ça.” gronde Lenny, mais c’est pas suffisant pour M.T. 

Il a besoin que Lenny continue, que Lenny lui donne ce qu’il mérite. Il a besoin que Lenny lui donne des réponses, ou qu’il termine le travail bâclé de Liam. 

 

Sa main le tue, et ça l'énerve encore plus, sa respiration s’emballe, il a besoin de violence pour oublier la panique qui empoisonne son esprit. 

“Quoi ça y est t’as plus de couilles ? T’es devenu une poule mouillée depuis qu’t’as perdu l’un de tes cassos ? C'était quoi son nom déjà, ah ouais, raccoon, tu sais comment j’le sais ?”

 

“Ta gueule.” 

 

Bingo, M.T. a trouvé une plaie béante, rien ne peut l'empêcher d’appuyer dessus pour provoquer Lenny, pour le pousser à bout, pour qu’il souffre autant que lui, pour qu’il mette fin à tout ça. “Il m’a appelé, juste avant sa mission kamikaze devant la fédé, il voulait te trahir refré, il voulait te vendre à mon gang, t’entends ?”

 

Lenny relève son bras et abaisse son poing à toute vitesse, alors M.T. ferme les yeux, se prépare à l’impacte, espère qu’il ne sentira pas grand-chose parce qu’il a déjà mal partout, mais rien ne vient.

Rien de plus qu’un bruit mat contre le sol de cette maudite chambre.

 

“Je sais c’que t’essayes de faire.” murmure Lenny. Il est tout proche, mais M.T. ne veut pas le voir, il ne veut plus l’entendre non plus, il veut que Lenny dégage, le laisse seul, surtout s’il refuse de lui accorder ce dont il a besoin. "Arrête de jouer au plus con, arrête de faire ça, de vouloir qu’on se tape dessus, j’veux juste…”

 

La voix de Lenny se brise, alors M.T. rouvre les yeux, cette fois, et il est confronté au regard perdu de son pire ennemi.

M.T. souffre, mais il n’est pas le seul - il se souvient que Lenny a essayé, lui aussi, de provoquer M.T. pour qu’il mette fin à sa peine.

 

Ils sont vraiment trop cons, tous les deux.

Un rire incontrôlable commence à secouer la poitrine de M.T. malgré lui, et bientôt il se met à rire à gorge déployée, et l’air offusqué de Lenny n’arrange pas son fou rire. Il ressemble à un hibou, comme ça. 

 

L'atmosphère s’allège à l’image d’un soufflé raté qui dégonfle.

Lenny se redresse et s'assoit à côté de lui, pris de court par le changement soudain chez M.T.

Il s'empêche clairement de sourire, lui aussi. 

Il attend que le fou rire d’M.T. passe, et quand M.T. s'arrête enfin, une larme à l'œil, et que le silence s’installe, presque confortable, Lenny passe une main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. “T’es un abruti.” dit-il.

 

“P’t’etre, mais t’es pas mieux que moi, mon frère.”

 

“Ouais. On est deux abrutis. Je sais pas comment on a réussi à tenir nos gangs si longtemps.”

 

M.T. se redresse lentement. “Parle pour toi, j’ai tenu deux semaines.” il grogne, en avisant les dégâts sur son corps. A part sa main droite qui est toujours en sang à cause du miroir et sa mâchoire qui pulse de douleur, rien à signaler. Un miracle. 

 

Lenny humpfe, et s'étire pour attraper la trousse de soin de Vanessa posée sous la table de chevet qui est à côté de M.T.

“Pas ta faute.”

 

“Woah, doucement, ça va un peu trop vite là, tu veux pas m’inviter à prendre un café avant de m’sucer comme ça ?” taquine M.T., surtout parce qu’il ne pensait pas entendre Lenny dire ça un jour. 

 

“Ferme la.” dit Lenny en attrapant sa main blessée. Juste comme ça, il commence à le soigner. M.T. se demande si Lenny se rend compte qu’il fait ça presque par réflexe. “T’as géré ton gang comme un pied, mais ça aurait pu être pire. Moi aussi, j’ai eu des appels de tes hommes.”

 

M.T. se tend légèrement. Il peut faire passer ça comme de la douleur, parce que Lenny extrait des morceaux de miroir de sa main et ça fait un mal de chien. 

 

“Est-ce que tu vas me dire ce qui s’est passé ?” demande Lenny nonchalamment, comme s’il ne lui demandait pas une info qui pourrait compromettre M.T. complètement.

 

“Et toi ?” répond M.T., la voix plus basse, plus calme, presque menaçante. “Une info pour une info.”  

 

Lenny lève les yeux au ciel, alors qu’il sort le désinfectant. M.T. serre les dents.

 

“Tes préceptes de merde, la.” 

 

M.T. baisse l'œil sur sa main, alors que Lenny la nettoie avec le désinfectant. Ses muscles spasment à cause de la douleur, mais M.T. a vécu bien pire, alors il ravale le cri qu’il veut pousser. Il repose son regard sur l’autre chef de gang pour se distraire, il peut voir la mâchoire de Lenny travailler sous sa peau, et les muscles de son cou se tendre au moindre mouvement. Il veut toucher pour sentir, mais il sait qu’il ne sentira rien. Sa main gauche tressaille mais elle reste sur sa cuisse. 

 

“Miguel est dans le coma.”

 

Ah. 

M.T. ne s’attendait pas à ce que Lenny cède. C’est presque flippant. Si leur dynamique change, elle aussi, M.T. n’aura plus rien à quoi se raccrocher. 

Mais la curiosité l’emporte pour le moment. 

 

Il reste silencieux pour encourager Lenny a continuer. 

 

“Je sais que c’est un de tes gars qui l’a percuté pour l’envoyer dans le décor, alors qu'il rentrait chez Kim et lui.”

 

M.T. fronce les sourcils. Il n’a jamais entendu parler de ça. De ce projet. 

Ils etaient vraiment remontés contre les jaunes, avant qu’M.T. n’explose comme une bombe à retardement, mais pas au point d’effacer leur second de la carte. 

Ça lui semble improbable.

Impensable que ses hommes puissent prévoir un tel coup dans son dos. 

 

Impensable, qu’ils puissent choisir de buter M.T.

 

“J’suppose que, vu la gueule que tu tires, t'étais pas au courant.” murmure Lenny en terminant de nettoyer la main de M.T. Il lui appose un bandage, avec une habilité déconcertante. “Je suis pas sûr que Liam ou Marshmallow y soient vraiment pour quelque chose. Haylie me dit qu’on l'empêche de mener ses recherches, c’est la première fois qu’on nous met des bâtons dans les roues comme ça. Ça craint, j’te l’dis.”

 

“Qu’est-ce que ça peu m’foutre refré ?”

 

Lenny lève un regard peu convaincu sur M.T.

 

“J’déconne pas mon frère. Ca me regarde plus toute cette merde. Lili, Luigi, ton gars, les trahisons, ça m’touche plus.” la voix d’M.T. est morne, même s’il hausse le ton. “J’suis mort, même si tu m’as repêché, mec. J’suis mort, j’fais plus partie du tableau.”

 

Lenny recule, comme s’il était choqué par les propos de M.T.

Il ouvre la bouche comme pour protester, mais M.T. le coupe.

“J’ai été buté par mon propre gang, par ceux que j’allais forcer à s'entretuer pour payer une dette, pour qu’ils réparent une connerie qu’ils ont faite en prêtant allégeance. Ils ont descendu un des miens, celui qui allait être mon bras droit. Une vie pour une vie, et ils ont obéit, pas vrai ? T’aurais dû me laisser crever, parce que s’ils apprennent que j’ai survécu, ils vont pas dormir avant d’avoir mon cadavre ou le tiens entre les mains. Si t’as fait ça pour que j’te donne l’info, ben tu t’es foiré, refré.”

 

Lenny se lève; l'atmosphère est tendue à nouveau.

Il se retourne pour se tenir devant la fenêtre, et il regarde à travers la persienne. 

“Tu t’gourres. J’ai pas fait ça par intérêts. Tu comprendrais pas… Quand j’t’ai trouvé là, j'étais en train d’t’appeler. J’t’appellais pour t’en foutre pleins la gueule, parce que j’arrivais plus à penser, j’arrivais plus a comprendre le monde qui m’entourait. Sans Miguel, je sais pas où je vais. C’est pas que mon bras droit…” Il s'interrompt, comme pour s'empêcher d’en dire trop. Le silence devient lourd, pesant, désagréable. Le bruit des voitures qui passent dehors est la seule chose qui le dérange. C’est étrange, il n’y a pas de musique, aujourd’hui, M.T. vient de le remarquer. Le vide que Lenny doit ressentir commence à prendre toute la place. 

 

Lenny écarte deux des lames du store. “J’pouvais pas te laisser crever. Je sais que t’aurais fait pareil pour moi, même si tu vas m’dire que t’en a rien a foutre.”

 

Lenny se retourne vers lui, mais M.T. n’a pas envie de croiser son regard. Qu’est ce qu’il en sait ? M.T. voulait redonner aux Families leur splendeur d’antan, et buter le Jefe des Vagos aurait été la meilleure façon de redorer leur blason. 

La dernière fois, avec le flingue, c'était juste une faiblesse passagère - à cause de son état, ouais. Il pourrait le buter n’importe quand. Surement.

 

Cette discussion à cœur ouvert lui plait vraiment pas. Il se sent vulnérable.

 

“J’pense que tes gars dorment déjà plus. Y a une Nero verte à bandes blanches avec des jantes rouges qui arrête pas de passer devant la résidence à faible allure.”

 

M.T. lève soudain le regard.

 

“C’est eux. J’crois qu’ils savent.”



//



Daniel; Samedi, 17h30 :

 

Daniel sort de l'hôpital aujourd’hui. 

Il attend que Donatien revienne de l’accueil, parce qu’il va signer sa décharge. 

Hier, Donatien est allé à la mairie. 

Hier, Donatien est devenu le tuteur légal de Daniel. 

 

C'était un moment chargé d'émotions, même si Daniel n’a vécu ça qu'à travers le téléphone grâce à Kiddy, qui l’a appelé en visio. C’etait drole au debut, de voir le maire Iench serrer la main de Donation et lui offrir un chocolat chaud, alors que Monsieur Donation essayait de lui vendre du vin tout en lui annonçant qu’il avait remplis tous les formulaires pour reconnaître Daniel et que ca lui avait prit toute la nuit. Le Iench avait aboyé une fois, l’un de ses adjoints avait pris les documents, et quelques longues minutes plus tard, le Iench donnait un petit carnet de famille à Monsieur Donation. 

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Daniel se souvient que Kiddy lui a demandé s’il pleurait, et que Donatien refusait de se tourner vers la caméra, mais qu’il secouait fièrement le carnet vers l’objectif.

 

Daniel a hâte qu’Antoine revienne pour que Donatien puisse devenir son tuteur légal aussi. 

C’est vraiment trop idiot qu’il soit obligé d’être present pour que la situation soit officialisée. 

Daniel sait que c’est pour protéger les mineurs, mais bon, Monsieur Donation est un grand homme ! Jamais il ferait de mal aux Croûtes, jamais exprès. Il a beaucoup changé. 

 

Aujourd’hui, il signe les papiers pour que Daniel sorte. Il va le ramener au domaine, et Daniel va vivre là, avec Donatien, jusqu’à ce qu’ils retrouvent Antoine.

 

Alors Daniel attend.

Devant lui, derrière la fenêtre de sa chambre, il y a Vanessa et le lieutenant Panis. 

Ils parlent depuis presque une heure, et Daniel se demande bien de quoi ils parlent. Surtout que Vanessa a l’air d'être sur la défensive. C’est étrange, parce que Panis est pas du genre agressif. 

 

Daniel adore Vanessa, mais surtout parce qu’Antoine l’adore. Daniel, lui, il a vu Vanessa traiter Antoine comme un enfant incapable de comprendre ce qu’on lui disait, elle l’a vu essayer de les empecher de vivre leurs experiences, mais Daniel l’aime quand même beaucoup. C’est juste que Panis a toujours été là pour eux, lui. 

Du coup, il se demande ce que Vanessa a fait de mal. 

 

Sa porte s’ouvre et le tire de ses pensées. “C’est bon, mon petit Daniel, Kiddy nous attend devant l'hôpital, on rentre chez nous. Docteur Maison m’a expliqué pour ton traitement, et euhm, pour, le reste. On va pouvoir se remettre au travail et soutirer les sous des braves gens de cette ville !”

 

Donatien sourit, et il retire même son chapeau pour se frotter le front, mais quoi qu’il fasse, ça ne cache pas son immense fatigue. “J’ai une autre bonne nouvelle.” 

 

Daniel a le cœur qui bat plus vite. Est-ce que Donation a appris des choses sur ce qui est arrivé à Antoine ? Est-ce qu’il a donné signe de vie ? 

 

“Fabien revient !”

 

“Oh.” 

 

Ce n’est pas la nouvelle que Daniel attendait. Il ne sait même pas pourquoi Fab est partie, pour commencer. “C’est super Monsieur Donation.”

Il a du mal à feindre l'intérêt, mais peut-être que Fab saura les aider à trouver Antoine ? Il était si gentil, après tout, même s’il était un peu bizarre, et ami avec des gens que Daniel n’aime pas trop.

 

“Exactement mon petit Daniel, tout va rentrer dans l’ordre, j’en suis sûr, avec Fab à mes côtés, rien ne peut mal se passer.”

 

Il a l’air si sûr de lui que Daniel veut bien y croire, même s’il se demande ce que Monsieur Fab peut bien apporter comme solution. “C’est parce qu’il est ami avec les Vagos ? Vous pensez qu’ils vont bien vouloir nous aider à trouver Antoine ?”

 

“Pas seulement Daniel, pas seulement. Mais tu sais quoi, tu as bien raison, c’est une excellente idée ça, je vais contacter Miguel tout de suite.”

 

Daniel acquiesce, il se lève, et tousse, parce que le moindre mouvement trop brusque est encore comme une brûlure pour ses poumons. C’est stupide, cette stupide pluie !

 

Daniel est déjà habillé, il porte le tee-shirt de Antoine qu’il gardait toujours dans son sac au cas où Antoine avait besoin de rechange, et Donatien semble le remarquer; il ouvre la bouche comme pour dire quelque chose, mais il la referme et se détourne pour aller ouvrir la porte et sortir, téléphone à l’oreille. 

 

Daniel soupire, bien sûr que Monsieur Donation ne prendrait pas son sac pour l’aider, il ne s’y attendait pas de toute façon. 

 

Quand il sort de la chambre, il entend Donatien parler, alors que son regard s’attarde sur Panis et Vanessa qui continuent à parler en chuchotant un peu plus loin.

 

“Allo Miguel c’est Donatien de Montazac à l'appareil !... Lenny ? Quelle surprise, j'étais sur d’avoir appelé Miguel pourtant, j’ai du me tromper, mais c’est parfait… Quoi ? Vraiment ? Quelle horreur.”

 

Un long silence s’installe et Daniel se demande ce qu’il se passe.

Panis repart et Vanessa s’approche de Daniel, le regard inquiet, mais dès qu’elle le voit, son visage s’illumine. “Daniel, comment…”

 

Sa radio grésille et la coupe dans son élan. Son visage se renfrogne et devient sévère, comme quand elle les disputait. Elle soupire, “Essayons de nous voir bientôt, Daniel, je pense que c’est important, d’accord ?”

 

Daniel acquiesce, “D’accord, Vanessa, je vous appelle vite.” répond-il, et il se rend compte qu’il a vraiment, vraiment envie de lui parler. Pas seulement parce qu’il veut essayer de savoir ce qu’il se passe entre la police et elle, mais parce qu’il se souvient d'à quel point ça lui avait fait du bien de lui parler, malgré tout. Vanessa a toujours été très à l'écoute, au final.

 

“Oui, oui je comprends parfaitement… C’est terrible Lenny je n’ose pas imaginer.” Le voix de Donatien attire l'attention de Daniel à nouveau. C’est bizarre, pourquoi est-ce qu’il a l’impression que tout part en steak, en ce moment ? “Si vous voulez passer au vignoble je vous offrirai une bonne petite bouteille bien sûr. Tout à fait, j’aimerais m’entretenir avec vous si possible, je ne sais pas si vous êtes au courant mais l’un de mes poulains a disparu, et ça fait déjà plusieurs jours. Hmhm… Oui… Très bien, merci Lenny. Bonne soirée. Bisou.” 

 

Il raccroche et Daniel sourit légèrement, alors que Donatien se frappe le front sous son chapeau. “Mais non, pas bisou, bon sang.” marmonne Donatien, et il se retourne vers Daniel. “C’est terrible, mon petit Daniel, Miguel est dans le coma depuis des semaines ! Il semblerait que Lenny soit débordé, mais il m’a promis qu’il nous enverrait l’aide dont nous avons besoin.”

 

Les choses partent vraiment en steak. “Est-ce qu’on sait pourquoi il est dans le coma ?”

 

Donatien secoue légèrement la tête. “Lenny ne m’en a pas vraiment dit plus, mais je suppose que c’est les Families, bien sûr."

 

“Oui, oui vous avez surement raison, même si je crois bien avoir vu dans les infos que leur chef était mort mais bon, moi les histoires de gang vous savez, ils sont tous cons, à se tirer dessus au lieu de faire la paix !”

 

Monsieur Donation hume et frotte sa moustache entre son pouce et son index. “Ca, t’as bien raison mon petit Daniel.”

Son regard alerte change alors qu’il baisse les yeux sur Daniel; il s’adoucit, c’est étrange.

 

“Allez, rentrons chez nous.”

 

//



Devon; Samedi, 23h21 :



Le Fab revient ! - Tim 

 

Le message est très clair, et Devon est super heureux pour Tim, lui qui a fait sa déclaration à Fab la dernière nuit des vacances - à moins que ce soit l’inverse ? Devon ne se souvient plus. 

 

C’est juste que, maintenant, il suppose que Tim va passer moins de temps avec Devon à élaborer des stratégies farfelues et excitantes pour braquer des banques ou monter cette entreprise de dîners romantiques qui va grave marcher, c’est sûr.

 

Son téléphone sonne, et Devon décroche, même s’il est au volant de sa voiture. Il a écrasé tellement de passants, depuis qu’il est à Los Santos, franchement il s’en tape s’il en écrase un de plus, un de moins.  Il essaye d’ignorer la voix déçue de Joséphine qui résonne dans sa tête et lui demande de faire attention. 

 

“Ouais allo ?”

 

“Devon, t’es ou ?”

 

C’est Lenny. Il à l’air préoccupé, vu comme il lui demande ça de façon pressante. “J’arrive boss, j’ai ramené des milkshakes en plus parce qu’hier–”

 

“Devon, écoute moi bien, c’est très important. Quand tu viens, fais le tour du quartier au moins deux fois, et vérifie que t’es pas suivi, ok ?”

 

“Okay boss, y a un problème ?”

 

“Je t’expliquerais, depeche toi. Et Devon ?”

 

“Oui ?”

 

“Fais attention à toi.”

 

Lenny raccroche avant que Devon puisse répliquer, c’est dommage il allait lui envoyer des baisers par téléphone, et il aurait voulu faire rire Lenny - ou du moins le rendre silencieux avant qu’il ne le menace, mais Devon sait que c’est comme ça que Lenny rit avec lui, maintenant. 

 

C’est trop bizarre, par contre, la façon dont Lenny est inquiet pour lui. C’est que ça doit vraiment etre la merde et qu’il l’appelle lui pour une mission. 

Devon sait que Miguel est dans le coma; il est venu déposer des boîtes de chocolats et de donuts sur sa table de chevet, et il a reçu un message de Haylie qui l’en remerciait, donc Devon sait que Lenny a besoin de quelqu’un pour combler le manque. Parce que c’est sûrement Haylie qui remplace Miguel, et Kim qui remplace Haylie, mais c’est sûrement pas les autres membres du gang qui remplacent cette espèce de position vacante qui doit déséquilibrer les Vagos. 

 

Devon a toujours été un pion parfait pour Lenny, un travailleur loyal qui ne porte pas ses couleurs. 

 

Un espion qui se fait parfois griller, c’est vrai. 

 

Devon se gare sur un petit parking au centre du quartier jaune. 

Dès qu’il sort, une silhouette se meut et avance vers lui. 

 

“Salut Boss, ça va ?”

 

Lenny ouvre la bouche, mais la referme aussitôt alors qu’il l’avise. 

“Tu t’attaches les cheveux toi maintenant ?”

 

Devon sourit de toutes ses dents et secoue la queue de cheval haute que Joséphine lui a fait tout à l’heure, parce qu’elle était horrifiée de voir les cheveux de Devon tomber sur le plan de travail. 

 

“T’aimes bien ?” demande Devon.

 

Lenny croise les bras sur son torse et marmonne quelque chose qui ressemble à ‘ça va, c’est mignon.’ avant d'enchaîner : “Bon j’ai besoin de toi, mais faut que j’sois sur que t’es prêt pour cette mission.”

 

Devon se laisse aller contre sa voiture, le regard brillant et intéressé. “Tu sais bien que oui, y'a pas meilleur bandit que moi à Los Santos.”

 

Lenny tique, Devon voit son œil tiquer, comme s’il avait dit quelque chose qui lui plaisait pas. Qui lui rappelait quelqu’un, peut-être. Devon sait, il connaissait bien El Raccoon.

 

“C’est sérieux, Devon. Cette fois, c’est toi et toi seul. Pas Los Croustillantes, pas Tim et Fast, toi, et toi tout seul.”

 

Les épaules de Devon s’affaissent un peu, alors qu’il comprend le sérieux de la situation. “J’t’écoute.’

 

“Les verts se sont mis en mouvement.”

 

Devon a l’impression que quelque chose de glacial glisse le long de sa nuque.

"Déjà ?”

 

“C’est pas trop tôt, tu veux dire ? Ils ont mis assez de temps pour décider qui reprendrait la suite de M.T.”

 

Lenny se frotte le bras sous la manche de sa chemise. C’est bizarre de le voir comme ça, dernièrement, d’habitude il porte son costard. “Ca va etre la merde, Devon. Personne d’autre peut tenir cette position sans que ça devienne la merde pour nous, les civils, et les flics. Surtout pas si c’est Liam Dunne qui a repris les rennes.” 

 

Devon ne sait pas si Lenny est en train d’insulter la mémoire de M.T. ou de le complimenter. 

 

“Tu veux que je me renseigne c’est ça ?”

 

“Je veux que tu le piste. Je veux connaître le moindre de ses mouvements. Je sais déjà que c’est lui qui a repris la tête des Families, j’ai aucun doute la dessus.” 

 

Devon amène une main à son visage pour glisser deux doigts contre sa moustache. “Tu sais, Liam sait exactement à quoi je ressemble, alors que, si tu me laissais utiliser mes petits à moi… Il aurait aucune idée de qui le suit.”

 

“Je te fais confiance a toi, pas a tes petits, qui me dit qu’ils vont pas te la mettre à l’envers ?”

 

Devon sourit en coin. “Parce qu’on est pas comme vous, nous. On fait ça pour le fun. Et c’est pour ça que M.T. voulait ma peau, il savait que j'étais dangereux, si je bossais pour toi.”

 

Lenny lève les yeux au ciel. Il va encore lui répéter que Devon est trop arrogant, mais il sait qu’il a raison. “Si tu penses que tu peux leur faire confiance, je te fais confiance. Mais je veux que ce soit toi qui me relaye les informations directement, et à voix haute seulement. Pas de téléphone, pas de sms, pas de mail.”

 

Devon se redresse et acquiesce, avant de poser sa main sur l'épaule de Lenny. “Tu peux compter sur moi, je sais à qui j’ai a faire, et je sais qui je veux aider. C’est toi boss, personne d’autre.”

 

Il sent Lenny se tendre sous son geste, mais il ne le repousse pas. 

 

“Autre chose.” ajoute Lenny.

 

Devon le lâche.

 

“Je vais bientôt partir pour un certain temps, mais ça ne change rien quant à ta mission et notre accord. Tu seras grassement payé.”

 

Devon secoue sa main, “J’ai plein d’argent, c’est pas un problème."

 

“J’insiste. C’est mon gage de confiance, grosso merdo. Y a pas de raison que ça marche que dans un sens.” 

 

"Attends, comment ça tu t’en va ?”

 

Lenny dévie le regard, comme s’il avisait l’entrée du quartier. 

 

“Je peux pas rester, c’est la merde, je mets tout le monde en danger. C’est pour ça que tu dois surveiller Machin. Mais j’vais avoir besoin de toi pour un coup, aussi. C’est Haylie qui te contactera pour ça, et pour ça faudra que tu mobilises autant de gars que tu peux. Que des gens qui sont prêts à y laisser leur peau.”

 

Devon fronce les sourcils.

 

“Ok boss, tout ce que tu voudras.”

 

Lenny laisse un petit sourire se peindre sur ses lèvres.

“Un jour je réussirais à te faire porter la veste Vagos, mon p’tit Devon.”

 

Devon retrouve son sourire lui aussi, toutes dents dehors sous sa moustache hérissée. “Tu connais mes conditions Jefe !”

 

“Ouais ouais, allez, casse toi.”

 

Devon rit et saute dans sa voiture alors que Lenny sort son uzi et tire dans les airs, juste pour le show. 

 

Le restaurateur démarre en trombe et quitte le quartier jaune pour retourner vers son restaurant. Il a rendez-vous avec ces abrutis de super héros, et il a le job parfait pour eux.

 

Son téléphone sonne, et Devon se dit que Lenny a dû oublier de lui dire quelque chose, mais c’est Joséphine. 

Il s’empresse de se garer pour décrocher, surpris qu’elle l’appelle à cette heure alors qu’elle est en jour off.

 

“Allo Josephine ?”

 

“Oui Devon, très cher Devon, j'appelle pour confirmer notre petite partie de chasse de la semaine prochaine.”

 

“Oui, c’est tout bon, par contre dis c’est ok si j'emmène un ami ? Il est super bon en chasse on va tripler nos gain de viande, et il fait ça gratos en plus, c’est un bouffon mais il est sympa, c’est Tim, tu sais ?“

 

Un long silence accueille sa proposition, et pendant un instant Devon est inquiet. “C’est affectueux quand je dis que c'est un bouffon Joséphine hein, c’est mon meilleur ami Ti–”

 

“Je pensais qu’on serait juste toi et moi, Devon.” le coupe Josephine, et son ton est etrangement severe. sec. Comem si elle lui en voulait d’inviter quelqu’un.

 

Ça prend Devon de court et il a l’impression d’avoir déçu sa propre mère. Une nausée saisit son estomac, et il sent une sueur froide couvrir son front. 

 

“Mais ça sera très drôle avec Tim, j’ai hâte de cette petite partie de chasse ! Bonne nuit Devon !”

 

Josephine raccroche, après avoir fait un 180 complet qui laisse Devon encore plus désarmé. 

Qu’est ce qui vient de se passer putain ?



//



Bill Boid; Dimanche, 03h02 :

 

Il y a quelques jours, Bill n’avait plus un dossier important à traiter, seulement des demandes de perquisitions à transférer, des rapports d’incidents et d’arrestation à gérer, et des affaires civiles à trier.

Depuis des semaines, la seule chose excitante qui trainait sur son bureau était le dossier Beaucollier.

 

Et maintenant, Bill se retrouve avec trois affaires de très haute importance sur les bras. Dont deux qui ne l'intéressent vraiment, mais alors vraiment pas. 

 

Et pire que tout, il y a deux individus dans son bureau qu’il préférerait ne pas voir, là, tout de suite. 

 

“Vous devriez rentrer chez vous Commissaire, vous avez vraiment une sale tête. Vous avez perdu beaucoup de poids.”

 

“Vous devriez l'écouter mon commissaire, Vanessa est médecin après tout.”

 

Bill croise ses bras sur son torse. “Vous pensez quoi, que j’ai le temps de rentrer chez moi quand on a 13 prises d’otages, 22 fleeca, 2 pacifiques, 18 évasions et un enlèvement ??”

 

Vanessa pose ses deux mains à plat sur le bureau, elle le regarde avec sévérité, ses sourcils froncés, et son décolleté plongeant, mais Bill n’a d’yeux que pour Francis. 

Il ne porte pas ses lunettes, sa moustache est parfaitement taillée, et il porte leur uniforme. Ça lui va si bien. 

 

“Bill, tu peux pas continuer à t'épuiser comme ça. Merci, d’avoir épargné la dose de travail à Francis pour qu’on puisse profiter de notre lune de miel, mais il va falloir que tu prennes du temps pour toi, sinon tu pourras jamais être aussi efficace qu’avant.”

 

“Ca c’est vrai mon commissaire, on était censé se partager les affaires en deux, moi la paperasse et vous le terrain, pourquoi vous vivez dans votre bureau ?”

 

Bill dévie le regard. Sa voix lui manque tellement, et pourtant, elle l’irrite au plus haut point. “Ils veulent pas que je sorte.”

 

“Qui ça, ils ?” demande Vanessa en se penchant un peu plus en avant. “Bill, il faut que tu retrouves Antoine.”

 

“Panis le retrouvera, c’est un excellent lieutenant.”

 

“Panis n’est pas–”

 

“Vous doutez de mes compétences à cerner mes hommes, Madame Martoni ?” grogne Bill en levant les yeux sur elle. Elle se redresse. “Je suis pas devenu commissaire par hasard, il me semble.”

 

Bill se lève, et pose son regard sur Francis. “Vous continuez à vous occuper de la liaison avec le maire, je m’occupe de mon comico.”

 

“Je vous vois pas vraiment gérer le comico mon commissaire, vous êtes persuadé qu’on vous en empêche, alors laissez moi vous aider.” 

 

“Mais vous êtes con ou quoi ? J’vous ai déjà dit pourquoi, et vous devriez le savoir puisque ce sont vos supérieurs qui m'empêchent de faire mon job !”

 

“Mais enfin mon commissaire qu’est-ce que vous racontez ?”

 

“Dites messieurs, c'est pas que vos querelles d’amoureux m’avaient pas manqué mais le temps presse pour retrouver Antoine. Est-ce que vous avez reçu les vidéos de l'hôpital ?”

 

Bill se fige dans son élan, il allait s’approcher de Francis pour lui hurler dessus, parce que c’est devenu son réflexe.

“Quelles vidéos ?”

 

Vanessa est celle qui croise les bras sur sa poitrine cette fois. “Maison a donné des vidéos de surveillance du soir de la disparition d’Antoine Croute a Panis. Il était censé vous les transmettre, non ?”

 

Bill fronce les sourcils et se détourne pour s’approcher de la fenêtre. “Je l’ai chargé de cette affaire, j’ai confiance en Panis.”

 

Tout est calme dehors. Il est si tard, il n’a aucune idée de ce que ces deux nuisances font là, plutôt que d’aller se secouer le chamallow comme un couple normal. 

Certains passants frileux se dépêchent de rentrer chez eux ou de se rendre là où ils doivent aller. Bill aimerait pouvoir se promener et se vider la tête.

Mais s’il fait ça… Les charognards vont approcher ses restes.

 

“... Et je pense que vous devriez vous méfier de lui.”

 

“Hm ? De quoi ? J’vous écoutais pas.”

 

Vanessa sourit en coin. “Tu m’as manqué, Bill.” Elle s’approche de Francis et glisse sa main le long de son bras, et Bill peut suivre le geste dans le reflet de la vitre. Impossible de voir ce qu’il y a derrière, son regard est fixé sur cette main qu’il envie. 

 

“Mais je suis sérieuse. Cette affaire devrait être prioritaire.”

 

“S’il vous plaît, mon commissaire.” appui Francis, et Bill le hait, parce qu’il à déjà ployé, quand Kuck le supplie. 

 

Bill se force à voir au-delà du verre de sa fenêtre. Un homme court et quelqu’un le suit en secouant les bras. Un vol à l’arrachée, sûrement. 

 

Une unité arrive à toute vitesse au bout de la rue et intercepte aussitôt le malfrat.

Bill ne peut pas s'empêcher d'être fier lorsqu’il voit Némard interpeller l’homme.

 

“Bien, je m’en occuperais, maintenant cassez vous j’ai du travail.”

 

Il entend Vanessa glousser en s'éloignant, et la porte s'ouvre et se referme.

 

Bill fronce les sourcils. “Allez empester votre bureau avec votre nouvel after-shave.”

 

Francis se tient juste derrière lui, et à nouveau Bill ne peut plus se concentrer que sur leur reflet. 

"Ça vous dirait pas qu’on aille pêcher, rien que tous les deux, mon commissaire ?”

 

Il est tout proche, une tentation à laquelle Bill a de plus en plus de mal à ne pas céder. Il ouvre la bouche pour le renvoyer chier, mais Kuck reprend, de sa voix nasillarde, "Ça me manque, de vous appeler mon capitaine, de passer du temps à vos côtés,  vos coups de la panne me manquent, mon commissaire.”

 

Ces mots sont vides de sens, des chimères pour distraire Bill et laisser les charognes roder plus près. Mais il a envie d’y croire, il a envie de s’y accrocher, de le vivre, de se laisser penser qu’il manque vraiment à Kuck.

 

“Vous me manquez Commissaire.”

 

“Vous me manquez aussi, mon co-co.” Bill se retourne, tombe dans ce regard qu’il a vu tant de fois auparavant mais qui lui fait toujours l’effet d’un coup de couteau en plein cœur tellement il est amoureux de cet homme. 

 

Les entitées le savent, elles utilisent Francis pour l'atteindre. 

 

“Mais je pense que vous devriez vous occuper de votre femme hein ? Elle vous attend, derrière la porte, la.”

 

“Mon commissaire je–”

 

“Allez, filez. Faut que je retrouve le Croûte."

 

Francis s’empeche de continuer, et il se détourne, et il quitte la pièce, il quitte Bill et il l’abandonne.

 

Encore une fois. 

Notes:

Superbe fanart par Spotty : Deviantart

Chapter 6

Notes:

Vous voyez ces chapitres vraiment hyper dur a ecrire parce que les sujets sont ET durs à traiter, ET que vous n'avez pas forcement envie de vous y attarder ? Ben ce chapitre c'etait un mix de ça et de grosses idées que j'avais vraiment besoin d'ecrire.

J'aurais surement du relire la deuxieme et troisieme partie un peu mieux mais le stress m'habite et j'ai besoin de cloturer ce chapitre au plus vite avant de me faire arracher cette dent...

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Lenny; Vendredi, 14h00: 



Lenny a tellement fait ce même trajet qu’il le connaît par cœur. Chaque fois c’est le même pincement au cœur, la même appréhension, la même angoisse, alors qu’il passe les portes de l'hôpital de Los Santos.

 

Le hall est silencieux, les personnes assises en salle d’attente ne font aucun bruit.

Ou bien Lenny ne les entend pas, tandis qu’il avance vers le service d’urgence pour se rendre au service des comas. 

Tout ce qu’il entend, c’est la façon dont ses pas résonnent, le bruit rebondissant sinistrement contre les murs des couloirs étroits qu’il parcourt alors que l'appréhension monte.

 

Il croise des infirmières, elles marchent au ralenti, ou peut-être que c’est lui qui marche à reculons.

 

Comme d’habitude, il redoute de s’approcher de cette porte bleu pâle, au bout du couloir, parce qu’il n’a jamais, jamais réussi à la franchir. A chaque fois, il s'arrête devant le hublot, il entend la voix de Kim qui murmure des choses, et son corps refuse de continuer. 

 

Il sait que les conversations ne seront désormais plus qu’à sens unique. 

 

Il aurait dû être plutôt heureux d’avoir la chance de pouvoir revoir le visage de Miguel, même s’il dort, depuis des semaines, et qu’il continue à dormir. A la place, il est effrayé. Il a peur de se prendre cette réalité en pleine face, celle qu’il esquive depuis des semaines, celle qu’il essaye de noyer en s’occupant de son pire ennemi comme si Lenny allait pouvoir tout réparer de cette façon.



Miguel est dans le coma. 

Et cette fois il n’a pas le choix, il doit le voir. Peu importe si ça fait mal. Il ne peut plus repousser l'inévitable, parce que, qui sait, ce sera peut être sa dernière chance. 

 

L’incertitude de son réveil plane au-dessus de Lenny comme une épée de Damoclès, mais les médecins sont confiants - Miguel se réveillera. Ils ne savent juste pas quand

C’est ce qui a décidé Lenny à prendre son courage à deux mains. Il a vécu pire, ils ont vécu bien pire. Il peut le faire.  



Il peut voir les jambes immobiles d’un corps sur un lit, sous une vilaine couverture bleutée, à travers le petit hublot de la porte. 

Lenny à besoin de ça.

Il a besoin de parler à son meilleur ami, il en a vraiment besoin, il a besoin de lui dire ce qu’il se passe, ce qu’il s’est passé, ce qu’il va se passer. 

 

Il doit le faire. Il s'en persuade lui-même. 

 

Il inspire longuement, puis passe finalement cette porte. Elle lui semble tellement lourde, presque impossible à ouvrir. Mais il l’ouvre.  

Tout reprend son cours, dès l’instant où il pénètre dans la pièce. Le bruit des machines qui maintiennent Miguel en vie est insupportablement fort, le brouhaha des discussion des medecins et infirmieres dans les couloirs bourdonnent désagréablement à ses oreilles, et son propre souffle court est un capharnaüm à ses oreilles, parmis la cacophonie de son qui le submergent. 

 

Lenny inspire, expire, et il avance. Et dès que ses yeux se posent sur le visage paisible, éteint de Miguel, le calme revient. 

Il s’approche du lit, et son regard se pose sur sa poitrine.

Lentement, elle se soulève et s'abaisse.

Miguel respire.

Il vit.

Il dort. 

 

Lenny à l’impression que des semaines de tristesse et de colère débordent de lui comme de l’eau bouillante d’une casserole. 

Son poing se serre, il est submergé, mais il est surtout perdu sur ce qu’il est censé faire. Il a envie de hurler sur Miguel; de le secouer, de lui demander pourquoi est ce que lui aussi le laisse derriere, que Matéo et Lucy, c'était déjà assez, mais il veut aussi lui dire que sans lui, il peut vraiment plus continuer, que sans lui, le poids de la vie s’est multiplié par deux, et que Lenny sans Miguel ça n’a jamais fait partie du contrat, quand ils ont décidé tous les deux de buter l'ancien chef des Vagos. Ils l’ont fait, ensemble, et ils devaient continuer, ensemble. Peu importe l’obstacle. 

 

Mais cet obstacle là semble insurmontable. 

 

Lenny s’effondre. Littéralement.

Il se laisse tomber sur le siège qui flanque le lit, celui que Kim habite probablement la plupart du temps.

 

(Aujourd’hui elle doit travailler avec Haylie, et Lenny en a profité. Il n’aurait pas pu faire ça devant le regard lamenté de Kim.)

 

Il ouvre la bouche, et se sent immediatement idiot. S’il parle, Miguel ne lui répondra pas. Il continuera à dormir. C’est idiot. 



Il y a un gros tube qui s’assure que Miguel respire et qui prend presque toute la place sur son visage. 

Lenny peut voir son tatouage sur sa joue, un peu effacé, sans ses lunettes pour le sublimer. 

 

Il ferme les yeux et se laisse aller dans le siège. Il se sent soudainement extrêmement fatigué, et comme s’il pesait le triple de son poids. 

 

Ça lui prend toute son énergie pour ne serait-ce que rouvrir les yeux et enfin parler.

 

“Salut Miguel. C’est… C’est Lenny.” Il se force à dire, parce que le silence est beaucoup trop angoissant. Heh, c'est comme laisser un message sur un répondeur, au final. 

 

Miguel est toujours en train de rire, de parler, de râler, normalement. Normalement, c’est Lenny, qui est silencieux. Il a souvent profité du fait que Miguel soit naturellement le centre de l’attention. Il illuminait assez la pièce pour que Lenny agisse dans l’ombre, mortel et efficace. 

 

Les bips à peine audible des machines qui tiennent Miguel en vie ne sont pas assez bruyants pour remplir la pièce et la tête de Lenny. 

 

“C’est trop con putain… J’te parle et toi t’es là tu m’entends pas tu m’réponds pas… Ça sert à rien en fait… J’sens le burnoute arriver. Tu sais ce que ça veut dire hein, j’vais me mettre à danser et à chanter, tu veux pas voir ça pas vrai ?”

 

Miguel est complètement immobile, inerte. Il ne lui donne aucune des réponses qu’il attend. Celles dont il a besoin. Mais dès qu’il commence à parler, c’est comme si un barrage avait sauté en Lenny. Il ne peut plus s'arrêter. 

 

“Pourquoi ça s’passe comme ça, même ? Pourquoi t’es là, allongé comme ça, à faire le mort, là.”

Il se penche en avant, comme pour chercher un signe de réaction chez Miguel. 

“Miguel, faut que tu te réveilles. Faut que tu reviennes. Ça fait même pas un mois que t’es plus là et j’en peux plus, déjà. Ça fait des jours que, que j’en peux plus. Des semaines que j’me dis que c’est ma faute, que j’aurais dû veiller sur toi. Parce que c’est ma faute pas vrai ? J’aurais dû le voir arriver, cet accident. Ça faisait des jours que ça nous pendait au nez. Je pensais… J’pensais que ça allait être pour moi."

 

Miguel ne répond pas, bien sûr, mais Lenny continue, même si ça le débecte de se montrer si vulnérable. “Le soir ou t’es parti à l'hôpital, j’ai appris la mort de M.T., sauf que j’l’ai trouvé dans les canaux, le lendemain. J’ai vraiment cru qu’il était mort du coup, j’allais, je sais pas, l’enterrer j’suppose. Sauf que non Miguel. Il respirait encore. Si t’avais été là tu m’aurais dit quoi faire, toi, non ? Parce que, j’ai paniqué okay. T'étais pas là, et mon premier réflexe c'était de t'appeler; alors j’ai appelé la doc que t’aime bien, à la place. Vanessa, la femme de Kuck. Elle voulait l’emmener, le traiter en hosto, et j’ai refusé. Tu sais, parce que celui qui l'a mis dans cet état allait forcément revenir terminer le travail, si ça se savait qu’il était vivant. Un peu comme toi, quand tu vas te réveiller, parce que j'ai l'impression que tout ça c'est lié... Mais j’laisserais pas faire." Lenny hausse le ton. "Tu m'entends ? J’serais là pour te protéger, cette fois."

 

Il fixe Miguel comme si cette promesse allait le faire sortir de son coma, comme s’il était sûr que Miguel avait peur de revenir.

 

Mais Miguel ne se réveille pas.

Il continue à respirer, lentement, et à dormir, profondément.

 

Lenny soupire. 

"Miguel… Liam est à la tête des verts, ça fait quelques jours à peine et ça pue déjà. J'ai quelques investisseurs qui essayent de nous lacher; le fait que tu sois plus là… Disons qu'Haylie est pas aussi sociable que toi. Y a aussi de plus en plus d'accidents sur des civils et des Vagos." 

 

Il lève les yeux pour regarder par la fenêtre. Il ne voit que le ciel. 

 

"M.T. il avait un code d'honneur. Il voulait ma peau, à la loyale. C'est ce que je respecte, chez lui, meme si c'etait un gamin sur sa façon de nous provoquer. Liam… Liam il tape là où ça va nous faire mal sur le long terme. Il sait exactement ce qu'il fait."

 

Lenny soupire à nouveau, "M.T. est un connard mais bordel, j'avais le contrôle, avec lui. Même s'il partait au quart de tour, il restait attaché à ses principes." 

Ça le fait sourire malgré lui. 

"C'est bizarre non ? C'est comme si j'le connaissais par cœur alors qu'il a tenu deux semaines, le bougre. J'ai presque pitié." 

 

Il ne se rend pas compte que son ton a changé. Mais ce n'est que de courte durée. Son sourire s'efface, et il lève une main pour la poser sur celle de Miguel. Son souffle se fait plus instable. 

"Miguel, tu le répéteras à personne, hein ? J'ai peur. J'ai peur parce que tout m'échappe, là. J'arrive plus a obtenir la moindre info, c'est comme si quelque chose bloquait tous mes contacts, d'un coup."

 

Lenny serre la main de Miguel dans la sienne. 

Il se sent pathétique, vulnérable, et il n'a même pas dit tout ce qu'il avait sur le cœur. 

 

"Parfois je rêve que t'es la a nouveau, et quand j'me réveille, c'est pire que tout. Pire que… Pire que quand je rêve de Matéo. Parce que je sais que c'est qu'un rêve. Je sais qu'il reviendra plus jamais. Toi tu me laisses dans un espece d'entre deux de merde… Reveille toi putain, t'es vraiment un egoiste, hein ?" 

 

La colère prend le pas sur la peur, et il serre la main de Miguel impossiblement fort. Il hausse le ton, alors qu'il rajoute, "Tu restes allongé là parce que c'est plus facile que d'affronter la vie qui nous attend maintenant que les choses ont changé, hein ?? Tu fais ça parce que t'en as marre pas vrai ? T'en a marre de notre vie d'merde, c'est ça ? T'en a marre de moi, Miguel ?" 

 

Sa voix se brise, alors que ses yeux cherchent encore ceux de Miguel, mais ils restent désespérément fermés. La colère s'évapore, et le regret s'installe, mais il est accompagné par une immense tristesse qui le fait suffoquer. 

 

Il est ridicule.

Ridicule, pathétique, faible. 

Ce serait pas étonnant que Liam réussisse à le cueillir facilement. 

 

“Merde.” Il souffle, et sa main se détend autour de celle de Miguel. “J’dis n’importe quoi. C’est pas ta faute. Évidemment que c’est pas ta faute. Ça me rend con toute cette histoire. La vérité c’est que…”

 

Il n’arrive pas à le dire, les mots restent bloqués dans sa gorge. Mais c’est maintenant ou jamais, se rappelle t-il. “La vérité c’est que j’ai besoin de toi. Voila. J’l’ai dit.” 

 

Il reste silencieux, le temps que la brûlure de l’embarras qu’il ressent s’estompe et le laisse respirer. C’est vraiment trop dur, de s’ouvrir, il déteste ça, même quand il est le seul à s'entendre.

 

“Tu peux pas imaginer… J’ai passé de bons moments avec cet abruti de families. Et, et c’est pas tout.” 

 

Il ricane un peu, et cache son visage dans sa main libre.

 

“J’lui ai donné un bain mec. Pas qu’un, même. J’ai lavé ce trou du cul plus d’une fois. Pas son trou du cul hein, putain.” 

 

Il rit un peu plus encore, c’est plus fort que lui, son rire gonfle comme une bulle dans sa poitrine. 

Pour quelqu’un qui passerait dans le couloir à ce moment, la scène serait sûrement étrange. Un homme qui ressemble à un mafieux, et qui rit à gorge déployée au chevet d’un autre homme dans le coma. 

 

Ca devient vite un rire nerveux, incontrôlable, et quelques larmes s’accumulent au coin de ses yeux. 

Il se penche en avant, et pose son front contre la main de Miguel, entremêlée à la sienne. 

“J’me suis dit que j’l’ai sauvé parce que j’ai pas pu te sauver toi. J’me suis rendu malade parce que j’ai pensé que j’essayais de te remplacer, ou un truc du genre. Et maintenant, j’commence à bien l’aimer, pour de vrai.”

 

Lenny laisse le silence peser après cette affirmation. Plus que jamais, il s’attend à ce que Miguel se réveille et l’insulte, le secoue, lui demande ce qu’il fout, s’il a pris de la drogue ou quelque chose du genre. 

Il aurait presque aimé qu’il le fasse. 

 

Il a vraiment honte, au fond. 

“J’connais ce gars depuis quoi, des années, sans qu’on ait jamais vraiment parlé, mais j’pensais pas que l’idée de le perdre…”

 

Sa main se resserre encore autour de celle de Miguel, alors qu’une nausée saisit son estomac. C’est trop de révélations pour aujourd’hui. “J’ai juste peur du changement, j’suppose.”

 

C’est plus facile de se dire ça. De s’accrocher à cette idée et d’ignorer tous les sentiments compliqués qui se cachent derrière. 

 

Lenny se redresse, et pose un regard un peu plus morne sur Miguel. Résigné.

 

“J’devrais te remercier de m’avoir écouté, mais bon, t’as pas eut trop le choix, pas vrai ?”

Ses lèvres se pinces en une fine ligne.

“Si j’suis venu aujourd’hui, c’est pas pour rien, Miguel. J’aurais voulu venir avant, j’aurais dû…”

 

Le silence reprend sa place, à peine interrompu par le bruit des machines et des gens qui discutent doucement dans les couloirs. Lenny jette un œil par-dessus son épaule, juste pour être sûr qu’il est bien seul, avec Miguel. 

 

Quand il repose son regard sur lui, il aurait juré que Miguel a légèrement tourné la tête vers lui.

Mais c’est juste une illusion, parce que Miguel est toujours aussi immobile. Il respire, c’est la seule chose qui le tient en mouvement. 

Lenny le fixe, de longues secondes, mais rien ne se passe.

 

Il inspire, expire, et prend son courage à deux mains.

 

“Je pars, Miguel. Je sais pas pour combien de temps.”

 

Le silence qui s’ensuit est beaucoup moins confortable, parce que Lenny à l’impression  de faire une connerie, maintenant qu’il en parle à voix haute. Mais il y a bien réfléchi, avec Haylie, ils ont mis en place toute une stratégie. 

 

“Tu vas me manquer, enfin, tu me manques déjà, quoi. Tu tiens bon, okay ?”

 

Miguel ne répond pas, il ne le retient pas. Tant pis.

 

Ils se reverront.

 

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//




Devon; Vendredi, 15h16: 

 

Devon attend patiemment. Joséphine est là, elle continue a lustrer son fusil de chasse et celui de Devon. Tim arrive, avec sa belle caisse électrique 4 places qu'il bichonne depuis qu'il l'a. 

 

Cet après-midi, ils vont chasser pour refaire les stocks d'ARC, et Joséphine meurt d'envie de lui montrer ses techniques, parce que qui l'eut cru, Josephine est une maître chasseuse. 

Devon a de la chance d'avoir réussi à en faire sa partenaire commerciale. 

 

A eux deux, ils sont bientôt les patrons les plus riches du sud de Los Santos. Et oui, même devant Rotarez.

 

Quand il y pense, il est surpris de réussir à rester dans la légalité, avec le resto, mais Joséphine est une femme droite. Elle l'a souvent influencé à faire le bon choix, dernièrement.



"Hello Devon !" Lance Tim en entrant dans le restaurant. "Bonjour Joséphine, comment vous le allez ?" 

 

Il approche, avec un sac en bandoulière dans le dos et une arme attelée à son épaule. 

 

“Bonjour Tim, quel plaisir de vous voir !” répond Joséphine avec engouement. Devon sourit et s’approche de Tim pour glisser un bras autour de ses épaules et l’attirer tout contre lui. 

 

“Alors, c'était comment avec le Fab ?”

 

Tim rougit immédiatement, et il se penche pour murmurer quelque chose à l’oreille de Devon qu’il ne saisit pas, parce que le souffle chaud de Tim et ses lèvres lui effleurent l’oreille, et ça fait battre son cœur trop vite et trop fort contre ses tempes. Ça le fait frissonner, mais Devon est un maître en matière de camouflage. “Haha, sois pas si timide, ça fait longtemps que vous vous êtes pas vu après tout. Pas vrai Madame Josephine ?”

 

Joséphine est déjà en route pour sortir du restaurant, et elle se retourne en leur souriant affectueusement. “Profitez de votre jeunesse, parfois tout s'arrête sans que l’on s’y attende.”

 

Devon rit, surpris. Ils la suivent, alors qu’il lui demande "Ça veut dire quoi ça Josephine ? Tu dis ça parce qu’un connard t’as plaqué quand t'étais jeune ? si c'était moi je t’aurais traité comme une reine, tu sais ?”

 

Il tient toujours Tim par les épaules, et celui-ci rit doucement, avant de murmurer, “Tu es le pas possible Devon, tu aimes vraiment le femmes vieilles ?”

 

Ca fait rire Devon à gorge déployée, et tandis qu’ils sortent à l'extérieur, Devon amène une main contre la bouche de Tim, et fait mine de regarder Joséphine avec des yeux de hiboux. “Qu’est ce qu’il raconte, t’es pas vieille Joséphine, t’es encore bien fraîche !”

 

Ça fait rire Tim, ça fait sourire Joséphine, et ça rend Devon heureux de les voir comme ça. Il espère pouvoir passer un moment génial, en chassant avec eux.

 

C’est Joséphine qui conduit, parce qu’elle refuse de laisser Tim griller tous les feux et faire sauter ses points a chaque radar, et qu’elle est persuadée que Devon conduit comme un pied. 

Ça ne le dérange pas, Devon, qu’on pense qu’il conduit mal, c’est un atout pour les courses poursuites - il a pris plusieurs officiers par surprise, comme ça. 

 

Il fait beau dehors, c’est le temps idéal pour chasser. Il n’y a pas un nuage dans le grand ciel bleu qui s'étale devant eux alors que Joséphine les conduit vers le Nord, dans les montagnes qui surplombent Los Santos. 

 

Tim et elle sont à l’avant et discute des derniers projets du pasteur, de ses absences étranges et de plus en plus longues, mais Devon n’y prête pas trop attention. Il reçoit des sms par dizaines, comme toujours, de Curtis, de Joker, d’Edwin, d’autres mecs qui veulent travailler. Certains lui demandent des contacts chez les verts, mais Devon s’arrange pour les convaincre de se tourner vers Lenny, plutôt.

 

Ou vers Haylie, en ce moment. 

 

Le probleme, c’est que beaucoup cessent de répondre quand Devon leur dit qu’ils auraient plus d’avantages à bosser chez les Jaunes. Et ça arrive de plus en plus souvent.

Le fait que le seul mec assidu, dernièrement, c’est Joe Liqueur, ça l'inquiète.

 

“... Eut une altercation avec le 3pac, c’est la folle qui est avec le Dr Cox et qui avait carjack le moi, mais ça le va.”

 

Devon est tiré de ses pensées lorsque Joséphine se gare un peu maladroitement sur un petit parking sauvage au pied d’une montagne. Il a ramené son taser au cas où. 

 

“Attend quoi, tu t’es encore fait victimiser mon Tim ?” demande-t-il en descendant de la voiture et en récupérant son fusil de chasse. 

 

“Je le suis pas le victime ! Je devais juste faire le escorte de elle à la prison, et elle a essayé de attaquer le moi ! Mais Panis a arrêté elle tu vois ?”

 

Josephine récupère une glacière dans son coffre, mais s’immobilise en entendant le récit de Tim. Elle presse une main contre sa poitrine, l’air outré. "Ça aurait pu très mal se finir, comment se fait-il que vous ayez été affecté à une mission si dangereuse, Tim ? Faites attention à ne pas rejoindre Dieu trop tôt tout de même !”

 

“Oulah no, cela le risque pas Joséphine. Et puis, si il arrive quelque chose à le moi, j’ai le ami qui aidera le moi, pas vrai Devon ?”

 

“Mais oui, si elle fait trop la folle on lui cassera les dents.”

 

“Nous devrions nous y mettre, messieurs.” presse Joséphine, et ça les fait ricaner comme des idiots. Parfois Devon se demande si elle les voit comme des enfants turbulents.

 

Le trio grimpe lentement l’une des faces de la montagne en silence, et bientôt se retrouve confronté à des cerfs, des sangliers, et autres faisans parfait pour leur session de chasse.

 

“On se fait un petit concours ? Celui qui rapporte le plus de viande consommable se fait inviter au resto par les deux autres, ça vous dit ?”

 

Tim sort aussitôt son fusil et tire, avant de sourire de toutes ses dents. “Je vais le gagner c’est sûr ! Je vais écraser le vous !”

 

Devon ricane; Tim est vraiment bon en chasse, presque aussi bon qu’en conduite. Il espère qu’il l’emportera - Tim rayonne toujours si fort, quand il gagne. 

 

“Ma foi, que d’entrain ! Je ne me laisserais pas abattre !” s'esclaffe Joséphine, avant de s'éloigner elle aussi, fusil en joue. 

 

Devon les regarde faire, un petit sourire sur les lèvres. 

 

Quand il se retrouve seul, avec son fusil sur l’epaule, et son gilet jaune trop etroit qui l’empeche de bouger comme il faut, il sort son telephone et tente d’appeller Lenny. 

Ça sonne, mais Lenny ne décroche pas. 

 

Un étrange sentiment plane sur lui, alors qu’il est seul au milieu des plaines entourées de Monts rocailleux, bercé par les tirs de chasse de ses amis. 

Quelque chose de mauvais se prépare. Il le sent. Ca serait le moment idéal pour tout plaquer et partir de Los Santos, parce qu’une noirceur se propage lentement dans les rangs des gangs, même les plus petits gangs le ressentent, et Devon a de plus en plus de mal à garder contact avec ceux qui autrefois n’hesitaient pas a lui donner la moindre information contre des produits ou de l’argent. 

 

C’est suffocant, comme impression. Comme si quelque chose allait lui tomber dessus à tout moment. 

Mais ce n’est pas pour lui qu’il s'inquiète. Devon est jeune, il n’a que 23 ans, mais il sait déjà comment ça marche, dans un gang. La menace pèse bien plus sur les épaules du boss, surtout depuis que tous les regards se sont tournés vers lui, à la mort de M.T.

 

Devon il l’aime bien, le boss, il l’aime beaucoup même, il veut que Lenny continue à garder une main ferme sur la nuque de Los Santos, parce qu’il autorise Devon à prendre le contrôle de beaucoup de filières, et ça lui donne le sentiment d'être important. 

 

Il n'a pas toujours été important pour qui que ce soit, Devon. 

Y a qu’a regarder comme son daron l’a jeté hors de chez lui d’un coup de pied au cul.

 

Il s’avance parmi les arbres maigres d’un petit bois qui couvre sans nul doute des chevreuils ou des cerfs effrayés par le bruit des tirs. L'atmosphère est calme, même si le silence à peine entrecoupé par les échos des tirs est épais. 

Devon se saisit de son fusil, le souffle discret, alors qu’il évolue sans un bruit au milieu des branches noueuses qui s'étirent vers lui comme des doigts sinueux prêts à l’attraper. 

 

Il est presque sûr que c’est en rapport avec les verts, tout ce qui se trame. Il essaye de faire parler Joker, à ce propos, mais Joker a presque l’air d’avoir peur , et c’est quand même foutrement hors caractère pour lui. 

 

Une branche craque, quelque part à sa gauche, et Devon s’immobilise, fusil en joue.

Son doigt est sur la gâchette, et il se tourne lentement, très lentement vers la source du bruit.

 

La, devant lui, une biche. 

Elle est magnifique, grande, élancée, le regard vif.

Son œil brille, alors qu’elle dévisage Devon, aux aguets. 

Prête à bondir pour s’enfuir.

 

Pendant un instant, Devon se dit qu’il ne devrait pas la tuer, qu’elle ne mérite pas de finir dans un burger ARC. 

Juste un instant. 

Car l’instant suivant, il tire. 

 

La belle biche tombe, lourdement, sur le sol parmi les feuilles. 

 

Devon abaisse son fusil, les sourcils froncés. 

C’est drôle, ça ne devrait pas lui faire aussi mal, d’avoir abattu une biche. Il l’a fait des centaines de fois, avant. 

 

C’est drôle, parce que les branches semblent s'étendre et s'éloigner, alors que le sol se rapproche à vive allure. 

Quand il touche le sol, s'écrase lourdement parmi les feuilles, Devon se rend compte que ce qui lui fait mal, ce n’est pas d’avoir tiré sur la biche.

Il a mal parce qu’on lui a tiré dessus.

 

Son regard se noie dans celui de la biche, en face de lui, qui s'éteint lentement, brillant mais lointain, un miroir qui reflète son propre état.

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Derrière lui, à des mètres de là, Joséphine continue à fixer Devon à travers le viseur de son fusil. Elle aussi à le regard brillant, celui de la fierté du travail bien fait, et aux aguets. 

Quand Devon ne bouge plus, Josephine abaisse son arme, la cale contre son bras et sort son téléphone de l’autre.

 

Elle appelle un numéro qui n’est pas dans son répertoire, et dès qu’on décroche, elle murmure, “C’est bon.”

 

Son interlocuteur raccroche, et Joséphine range son téléphone. Son expression est impassible, vide de toute émotion, puis elle ouvre grand la bouche et se met à hurler, à pleins poumons. 

De grosses larmes perlent sur ses joues alors qu’elle appelle Tim, feignant parfaitement la panique, et dès que le jeune homme accourt, lui demande ce qu’il se passe, elle pointe le corps plus loin, effarée, effrayée, déboussolée - ou du moins, elle le paraît. 

 

Tim se met à hurler lui aussi, appelle les secours, la détresse évidente dans sa voix alors qu’il s’approche de Devon et le prend dans ses bras, met ses empreintes partout autour de lui et sur lui.

 

Et Joséphine le regarde, l'œil brillant.



//



Daniel; Vendredi, 19h54 : 

 

Ça fait déjà plus d’une semaine depuis la disparition d’Antoine. 

Maintenant, c’est sûr. Il a été enlevé. 

 

Il ne donne plus de nouvelles à personne. Des recherches et des battues ont été menées par le commissaire Boid et le co-commissaire Kuck pour tenter de retrouver son corps, au cas où. Cette simple déclaration a envoyé Daniel dans une série de crises d’angoisse qui ne se sont calmées que lorsque Donatien l’a pris dans ses bras, a la fin de l’horrible journée qu’ils avaient tous les deux passé. 

 

Les enregistrements de l'hôpital ont disparu, entre le moment où le sergent Panis les a déposés en traitement au commissariat, et celui où le commissaire Boid a tenté de les récupérer pour les visionner. 

Quand elles ont réapparues, à peine quelques heures plus tard, elles étaient complètement corrompues. Les images sont déformées, rayées de bruit, et on voit à peine quelqu’un s’en prendre à quelqu'un d’autre sur les images. 

C'était suffisant pour que Boid ouvre l’affaire et donne une conférence de presse. Tout le pays cherche désormais Antoine Croûte, vivant, ou mort. 

 

Panis s’en est tellement voulu, d’avoir laissé une opportunité aux coupables d’atteindre les bandes qu’il a demandé à être mis à pied pour son erreur. Boid a refusé, lui a demandé de se ressaisir, lui a dit que plus que jamais, le petit Daniel avait besoin d’eux pour retrouver son frère, euh, son cousin.

 

Tout ça, Daniel l’a vécu comme hors de son corps. 

 

Il y était, à la conférence de presse qui annonce que son cousin est porté disparu, enlevé par une ou plusieurs personnes, aveuglé par les centaines de flashs dirigés sur lui, alors que chaque photo prise craquait comme un fouet à ses oreilles. 

Il y était, dans le bureau du commissaire, alors que Panis, silencieux, tendait son badge  à son supérieur, les yeux baissés, les sourcils froncés, l’air sincèrement coupable. 

Il y était, quand le lendemain, finalement, Donatien s’est décidé à montrer au commissaire le SMS de Cox, et de lui faire part de ses soupçons.

Il y était, quand il a entendu Boid prononcer ces mots, sur un ton qui prouvait que même lui, avait besoin de s’en convaincre.

 

“Nous n’avons aucune preuve tangible qu’il s’agit là d'un acte perpétré par le Docteur Cox, Monsieur de Mon…truc. Montazac.”



Daniel se souvient de la façon dont, vert de rage, Donation s’est cabré et a hurlé sur le pauvre commissaire. 

Il était debout, à côté de son propre corps assis, qui fixait la scène sans vraiment la voir. 



Et maintenant, Daniel attend.

Il reste assis sur un canapé moelleux et confortable, il reste allongé dans un immense lit dont il n’arrive pas a sortir, il reste debout devant une immense baie vitrée à regarder la vie continuer sans Antoine, dehors. 

Donation l’a emmené s’installer dans son appartement, parce qu’il est immense et qu’il est clairement fait pour accueillir plus de monde. 

Ces derniers jours, probablement parce que Monsieur Don Telo essaye lui aussi de ne pas faire face au désarroi qu’ils sont forcés de subir, il n’a pas arrêté de ramener des jeux, des consoles, des livres et de quoi s’occuper à Daniel.

C’est tres gentil, Daniel pense, et ça l’aide un peu parfois a oublier qu’il n’arrive plus a respirer, mais la plupart du temps, tout ce que Daniel arrive a faire, c’est de s’asseoir dans le canapé, s’allonger dans le lit, ou se tenir debout devant la baie vitrée. 

 

La plupart du temps il flotte, inerte, dans cet espace alors que le temps passe, et parfois il pense a Antoine, l’imagine seul, souffrant, dans le noir et dans le froid, torturé ou pire, et dans ces moments la, Daniel suffoque, les larmes menacent de le noyer, et plus rien n’a de sens. Rien, pas même Donatien ne saurait le consoler. 

 

Chaque jour qui passe fait sombrer Daniel dans une léthargie qu’il ne contrôle plus. Il n’a pas envie de sortir - et de toute façon, même s'il le voulait, il est assigné à résidence, au cas où la personne qui aurait enlevé Antoine voudrait enlever Daniel aussi - il n’a pas envie de manger, il est trop épuisé pour pleurer ou parler, alors, même quand Donatien s'assoit à côté de lui dans le canapé, même si Vanessa vient lui tenir la main quand il est allongé dans son lit, et même si parfois Johnny, Lucy, Gontran et Chloé l’appellent au téléphone, alors qu’il fixe la rue à l’extérieur par la baie vitrée, Daniel ne réponds plus.



Hier,  Monsieur Donation est venu déposer une nouvelle console sur sa table basse, avant de lui caresser les cheveux un peu maladroitement (il s’est emmêlé les doigts dans ses cheveux) et de quitter la pièce.

Daniel a mis de longues heures avant de tendre le bras vers la console et de l’allumer.

C’est une Nintendo Switch, avec une ribambelle de jeux installés dessus.

Minecraft, Ace Attorney, Animal Crossing…

 

Pendant les heures qui suivent, Daniel essaye un peu tous les jeux. Il se perd sur Minecraft, suit quelques chapitres d’Ace Attorney, puis il commence à construire son île sur Animal Crossing.

C’est doux, c’est confortable, et juste assez frustrant pour lui donner envie de continuer.

Pour lui donner un but, aussi ridicule semble t-il. 

 

Oui, c’est idiot, mais Daniel s’y prend, à ce jeu. Il en avait beaucoup entendu parler bien sur, mais Antoine et lui ne pouvaient pas s’offrir de consoles avant, et pendant les vacances, eh bien… Disons qu’ils avaient beaucoup trop de choses à faire et à vivre pour s’attarder sur ce genre de détails. 

 

C’est le milieu de la nuit lorsque le ventre de Daniel grogne si bruyamment qu’il l'empêche de se concentrer sur sa quête d’attraper des mygales. 

Pour la première fois depuis des jours, Daniel décide de se lever, et d’aller prendre à manger dans le frigo pour se nourrir lui-même. Vanessa serait fière de lui. 

Alors qu’il descend les multiples escaliers, et se rend à la cuisine, il passe par le salon, et la lumière attire son attention. Un feu ronronne dans la cheminée, et la télé marmonne de façon inaudible. Sur la table trône une bouteille de vin rouge, vide, et en face, endormi, les joues et le nez rouge, Donation. Il a le chapeau et les lunettes de travers en équilibre sur son nez.

 

Il est étalé étrangement sur le canapé, un bras par-dessus le dossier, une jambe étendue sur la table, et il ronfle. 

 

Il doit être épuisé, lui aussi. Non seulement il court partout en aidant aux battues, mais il doit continuer à travailler, et il trouve quand même du temps pour venir voir Daniel, même s’il ne lui répond jamais. 

 

Daniel se pince les lèvres, et il s’approche lentement, en avisant les alentours. 

Il y a un plaid sur l’un des fauteuils, alors Daniel le prend et le déplie, pour le poser sur Donation. Il lui retire ses lunettes et son chapeau, en faisant attention de ne pas le réveiller, puis il éteint la télé. 

 

Don Telo a l’air si paisible, comme ça, même si ses sourcils sont froncés, et que sa moustache remue de temps à autre. Daniel se rend compte qu’il a de la chance, mais ça le rend encore plus triste pour Antoine. C’est injuste, c’est toujours Antoine qui souffre, et Daniel qui s’efface. Il aimerait pouvoir partager le fardeau avec Antoine, pouvoir lui donner l’occasion de s’effacer un peu, et de moins souffrir. 

 

Daniel soupire et se rend dans la cuisine en murmurant “Bonne nuit, M’sieur Donation.” 

 

Quand il revient dans sa chambre, un petit voyant lumineux clignote sur sa console. 

Il s’assoit sur son lit et l’attrape, la bouche pleine d’un burger ARC. 

 

Comme il ne connaît pas la console, ça lui prend de longues minutes avant de trouver d'où vient la notification. C’est une demande d’ami. 

Daniel est si curieux qu'il ne lit pas la petite mention sous la demande d’ami qui notifie que la demande d’ami est parvenue via secteur. 

 

Elle vient d’un compte inconnu.

 

Mais un petit message y est rattaché.

 

Daniel ?

 

Notes:

Magnifique petite bd par Wismer

 

Superbe fanart par Spotty : Deviantart

Chapter 7

Notes:

J'ai decidé que ce chapitre va s'appeller Frustration.

Parce que c'est tout ce que je ressens.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Lenny; Dimanche, 08h06:

 

La nuit avait été mouvementée. 

M.T. s'était réveillé en hurlant à cause de douleurs fantômes, et Vanessa ne répondait pas à ses appels. Ca avait pris plusieurs heures à Lenny pour réussir à calmer M.T., en pressant un linge humide et frais contre sa peau cicatrisée, parce qu’il refusait de prendre de la coke.

Okay, c’est un peu radicale, mais ça avait très bien marché quand M.T. était dans les vapes. Lenny en prend tout le temps ! Pas de problème !

 

M.T. avait fini par se rendormir, et se réveiller quelques heures plus tard comme si rien ne s'était passé. 

Ce qui a réveillé Lenny à ce moment-là, alors que M.T. rentrait dans la pièce, humide et torse nu, c'était un sms d’Haylie. Un sms qu’il n’aurait jamais voulu recevoir.

Devon est à l'hôpital, entre la vie et la mort. 

 

Ce n'était pas le moment. 

 

D'après Haylie, il s'agissait d'un accident de chasse, et Tim Lambert était en garde à vue, tandis que Joséphine de Beaucollier était elle aussi à l'hôpital, en état de choc.

Lenny était tellement sous le choc de la nouvelle qu’il n’arrivait pas à réagir. 

Aujourd’hui était le grand jour, et cette nouvelle ne pouvait pas être une coïncidence. 

 

“T’as l’air constipé.”

 

Lenny lève les yeux de son téléphone pour regarder M.T.

Il porte les nouveaux vêtements que Lenny est parti lui acheter l’avant-veille, après son passage à l'hôpital. C’est un simple pull large gris sombre sur un cargo beige et des baskets blanches. Il porte un dog tag en argent qui attire l'œil, sur sa poitrine. Tout lui va parfaitement alors Lenny ne peut pas s'empêcher d'être fier d’avoir deviné sa taille. 

 

“Et toi t’as l’air d’un civil.” Il se redresse et se lève de son pouf - son corps entier le lance, à force de dormir sur ce pouf plutôt que sur son lit, chez lui, dans son quartier. "Ça te va bien.”

 

M.T. lève les yeux au ciel et attrape sa casquette verte. Lenny le voit hésiter, avant qu’il ne la jette sur le coussin devant lui. “On part quand ?”

 

Ce simple geste pèse lourd sur leurs deux épaules. C’est ce qu’il faut faire, être incognito, même si désormais la vrai raison de leur grande échappée, Lenny la garde pour lui.

 

“J’vais prendre une douche et on s’en va.”

 

M.T. ne répond pas, mais Lenny sait qu’il a hâte de partir. Cette chambre est sûrement une prison, pour lui.

Lenny se dirige vers la porte lorsqu’il sent une main lui attraper le poignet. Par réflexe, il tire sur son bras, et l’emprise sur son poignet cede. Il se retourne et voit M.T. regarder sa propre main, les sourcils froncés. “C’est un de tes potes ?” demande- t-il, et ça prend à Lenny quelques secondes pour comprendre de quoi il parle.

 

“Devon.”

 

M.T. lève les yeux sur lui, les sourcils toujours froncés, et ce qu’il répond bouleverse Lenny. "Désolé pour toi, refré. Il s'arrêtera pas avant de t’avoir.”

 

“Tu parles de Liam là ?”

 

“Qui d’autre.”

 

Lenny soupire, et tend la main pour claquer la paume de M.T. comme pour un check, “Il pourra pas nous faire tomber tous les deux, pas vrai ? On va lui apprendre c’est qui les patrons.”

 

Le regard de M.T. change et devient plus intense, alors qu’il sourit en coin, ses lèvres tordues là où sa brûlure l’effleure. “Ca c’est ma p’tite tarte au citron.”

 

Lenny grogne et se détourne en marmonnant un Ta gueule qui fait rire M.T., alors qu’il quitte la pièce. 

 

Une vingtaine de minutes plus tard, ils se retrouvent tous les deux à l'arrière de la résidence, devant une Sanchez blanche que Haylie est partie lui chercher cette nuit. Ils n’ont rien empaquetés, à part des armes que M.T. garde dans un sac sur son dos. 

 

“Tu sais qu’ils vont nous suivre, pas vrai ?” demande M.T. en enfilant des gants en cuir, lentement, l'œil aux aguets. 

 

Lenny hausse les épaules. “J’en doute. J’ai quelques hommes qui vont faire diversion.”

 

“Tu parles de celui qui vient de tomber ? Ou de celui qu’est couché depuis des semaines ?”

 

Lenny se tend et s’apprete à mordre, lorsqu’une jeune femme debarque sur le petit parking, enveloppée dans un chale jaune que Lenny reconnait aussitot. C’est un châle qu’il a aidé Matéo a acheter, des années plus tôt. 

 

“Lenny ?”

 

“Sara…” 

 

C’est la sœur de Matéo.

C’est elle, que Lenny évite depuis des semaines. 

 

Elle s’approche, un petit sourire timide sur les lèvres, puis son regard se pose sur M.T., et elle se fige. Quand elle regarde Lenny a nouveau, c’est avec incompréhension. “Qu’est ce que tu fais ? J’ai entendu dire que tu vivais de nouveau ici.”

 

Elle parle en espagnol, c’est emmerdant parce que Lenny doit lui répondre en anglais, devant son pire ennemi. 

"C'était éphémère. Je repars, là, en fait.”

 

Sara acquiesce, et elle ouvre la bouche mais se ravise un première fois, avant de lui demander, “Est-ce que tu vas me dire ce qu’il lui est arrivé ?”

 

L’ambiance est déjà terriblement gênante et pesante, mais c’est encore pire, maintenant que Sara lui demande son dû. 

Comment lui dire ? 

 

Lenny sent son besoin de bouger devenir insupportable, alors il croise les bras sur son torse. “Ecoutes Sara, c’est pas trop le moment pour ça là–”

 

“C’est jamais le moment Lenny, avec toi ou tes gars du quartier qui me traitent comme si j’étais trop fragile pour savoir ce qui est arrivé à mon frère ! Je sais qu’il est mort ! Les flics me l’ont dit ! Tu te rends compte ? Je l’ai appris des flics, plutôt que du meilleur ami de mon frère !”

 

Lenny serre les dents. Il espère que ce n’est pas Boid qui est venu parler à Sara, parce que là, ça serait la goutte d’eau en trop.

 

Sara s’approche, son visage est tordu par diverses expressions, la tristesse, la colère, la trahison, et elle n’a jamais autant ressemblé à Matéo. “Ca fait des nuits et des nuits que je prie pour que son âme trouve le chemin du paradis, mais je sais, je sais parfaitement qu’il a voulu suivre tes traces, et que tu l’as entraîné dans tes magouilles de gang.”

 

Lenny a envie de lui répondre qu’il a jamais voulu ça pour Matéo, qu’il n’a pas eut le choix parce que personne d’autre voulait s’occuper de lui, mais il sait que Sara s’est tuée à la tâche chaque jour sans repos depuis qu’ils sont petits, et que c’est grace a elle si Matéo pouvait manger et dormir sous un toit, la plupart du temps. 

 

C’est injuste, pour elle, pour Lenny, pour Matéo. 

 

“Je suis désolé, Sara.” murmure Lenny, parce que c’est tout ce qu’il peut lui donner, après tout. Il ne peut pas lui dire comment Matéo a été descendu par un flic après une mission kamikaze, probablement parce qu’il comptait trahir Lenny, vu ce que M.T. lui a dit, la dernière fois. 

Il ne veut pas que la dernière image que Sara ait de Matéo soit celle d’un traître, désoeuvré, perdu.

“Il voulait nous sauver de la prison. T’as raison, c’est ma faute, s’il est mort. J’aurais dû t'en parler.”

 

Le regard de Sara se remplit de larmes, son visage se tord de douleur, et bientôt elle pleure, les mains serrées sur la lanière de son sac à main. Elle semble tiraillée, mais elle finit par baisser les yeux et se détourner pour s'éloigner. 

 

Lenny ne peut pas s'empêcher de répéter, “Je suis désolé."

 

Il n’est pas sûr que Sara l’entende, mais il ne sait pas comment réagir autrement. Il sait qu’il à l’air de s’en foutre, alors qu’il est désemparé, perdu, il sait qu’il n’arrive pas a exprimer ce qu’il veut. 

Le pire, c’est qu’il est forcé dans ses retranchements, poussé hors de sa zone de confort devant la personne qui pourrait se servir de cette faiblesse contre lui. 

 

De longues secondes passent, le silence à peine brisé par le bruit de la ville qui s'éveille alentour. Lenny est prisonnier de ses pensées, de ce fardeau qu’il traîne depuis des mois et qui vient de lui exploser en pleine face - ah.

 

Une main se pose sur sa nuque et presse, le sort de ses pensées abrasives alors que la présence imposante de M.T. apparaît dans son champ de vision. “On devrait y aller, refré.”

Sa main disparaît aussi vite qu’elle est venue, et Lenny la regrette, parce qu’elle lui a permis de garder les pieds sur terre, ne serait-ce que pour une seconde. 

 

Lenny ne peut pas se permettre d'être distrait. M.T. a raison, ils doivent y aller.



//



Gontran Santé; Dimanche, 09h12 : 

 

Gontran est un homme simple.

Il aime les choses simples, comme les pâtes au beurre, les films romantiques et les balades à pied. 

Bien sûr, la vie n’a pas toujours été simple pour lui - surtout lorsqu’il vivait en France, dans la Creuse profonde - et encore moins depuis qu’il a rencontré Johnny Monnay. 

Mais Gontran se raccroche à ce que la vie peut lui offrir de plus simple quand tout devient trop compliqué. 

 

C’est pour ça qu’aujourd’hui, Gontran marche, les mains dans le dos, lentement pour profiter du beau temps tandis que le jour est jeune et que la ville s’affaire.

Il prévoit de s’arrêter dans un parc après être passé par une boulangerie pour y acheter un gâteau (hors de question de manger les croissants d’ici, ils sont faits avec de la pâte brisée ??) qu’il dégustera assis sur un banc.

 

Simple.

 

Sauf qu’à Los Santos, rien n’est jamais simple. 

Gontran s'apprête à traverser la rue, il regarde à gauche - personne, pas un chat - puis à droite - personne non plus, décidément, la rue est bien vide pour une artère principale.

Il commence donc à traverser, lorsque soudainement une petite voiture jaune et noire passe à quelques centimetres de lui, comme une fusée, et la voix aigue d’une femme qu’il a deja entendu hurle “Attention !!”

 

Gontran hurle de surprise et recule d’un pas, mais il n’a pas le temps de se remettre qu’un énorme quatre quatre vert flanqué d’une étoile lui fonce droit dessus, et Gontran ne peut que se jeter vers le trottoir pour ne pas se faire écraser. 

 

Il aurait juré entendre une exclamation québécoise - ou peut-être belge ? - provenir de la grosse voiture, mais la rue est déjà de nouveau vide lorsque Gontran se redresse, sur les fesses et le coude égratigné.

 

“Mais vous êtes des grands malades hein !!” hurle-t-il, et quelques passants le regardent d’un air morne.

 

Alors voilà, même si Gontran est un homme normal, sa vie est bien loin de l’être, et parfois, il se demande franchement ce qu’il fait là. 



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Bill Boid; Dimanche, 09h34 :

 

Il est tôt, mais Bill a dormi, cette nuit. Il a passé la soirée avec Francis et Panis, à discuter des prochaines étapes de l’enquête Croute. 

C’est peut-être parce que Francis lui a apporté un nouveau plaid qu’il a si bien dormi, cette nuit, sur son canapé, dans son bureau.

Ce matin, il a même pris une douche et un café dans les locaux, sans croiser la moindre ombre douteuse.

 

Alors il est là, sur le parvis du commissariat, avec son café brulant en main, noir, sans sucre, et une barbe fraichement rasée. Il sourit - enfin, comme le commissaire Bill Boid sourit, jamais avec ses lèvres, seulement avec son aura. 

 

Il se dit qu’il rentrera quand les cadets et les officiers commenceront à prendre la relève, mais c’est étrange, certains auraient déjà dû arriver.

 

C’est très calme ce matin.

Trop calme, peut-être. 

 

Bill essaye de ne pas laisser l’impression que les ombres rampent dans son dos pour venir l'étouffer à nouveau prendre le dessus. 

Ils avancent quant à l'enquête Croute - 3pac a parlé, elle aurait laissé entendre que c’est Juan Carlos, son acolyte, qui aurait enlevé Antoine et qu’il l’aurait découpé en morceau pour jeter ses restes dans le lac. Boid sait qu’elle ment, mais ça leur donne déjà deux indices : Antoine est vivant, et Juan Carlos va sûrement jouer le leurre. Donc, pour Bill comme pour Francis, ça confirme toutes les suspicions qu'ils n’arrivent pas à prouver. Le coupable ne peut être que Cox.

 

Panis est le seul à émettre des doutes, mais ça aussi, c’est bizarre. Il n’essaye pas de les contrer avec des preuves et des arguments, on dirait seulement qu’il aimerait qu’ils prennent plus de temps avant d’explorer cette piste.

Boid ne lui en veut pas, c’est parce que Panis est méticuleux que Bill en a fait le premier Lieutenant. 

 

Francis, lui, n'est pas de l’avis de Bill. Dernièrement, il regarde Panis d’un drôle d’air.

Bill n’a pas eut le temps de lui demander ce qu’il se passait, parce que Francis est vite rentré voir sa femme, donc Boid et Panis ont explorés d’autres pistes ensembles. 

 

Ce matin, pourtant, Bill ne pense qu’à une chose. 

Joséphine de Beaucollier.

Peine lui a confirmé un rendez-vous téléphonique demain, parce que Bill aurait dû recevoir plus d’informations, mais Peine a tout gardé parce que lui aussi veut résoudre cette affaire. 

 

Bill n’a qu’une hâte, c’est d’avoir cette réunion avec Franck.

 

Il porte son gobelet à ses lèvres lorsque le bruit des sirènes, familières, se fait entendre au loin. 

Bill s’immobilise, alerte.

Les sirènes se rapprochent, et avec elles, le bruit de plusieurs pneus qui crissent sur le bitume. 

 

“Unités au rapport, statut sur la course poursuite ?” demande-t-il à sa radio, avant de se rendre compte que le commissaire n’a plus de radio, c’est vrai, c’est un pousse papier après tout…

 

Pas besoin de reponses, cela dit, parce qu’un Tauros noir arrive a toute allure dans la rue qui longe le comico, poursuivit par une petite nero verte barrée de bandes blanches. La Nero est dans un très sale état, comme si le Tauros avait eu raison d’elle plusieurs fois. 

 

A leur suite, deux voitures de police les pourchassent, taser en main. 

 

Bill fronce les sourcils. Il connaît cette Nero, c’est l’une des voitures des Families. Les verts sont donc de nouveau en mouvement. Pourquoi personne ne l’a prévenu ? 

 

Bill se souvient soudainement d’une affaire qu’il a complètement mise de côté.

Celle dont le dossier était étiqueté Families, et mise sous la pile de dossiers non prioritaires sur son bureau.

 

L’affaire de la mort de Twain Logan. 

 

Soudainement, Bill Boid se sent vraiment trop con.

Il n’est pas sûr de pourquoi, mais quelque chose à propos de sa mort lui semblait dérangeant. Il s'était persuadé, à l'époque, que c'était simplement parce que malgré leurs querelles, Boid avait fini par apprécier Logan - du moins autant qu’on puisse apprécier cette tête de con et son ego mal placé (un vrai miroir pour Boid). La communication était quand même bien moins compliquée avec lui, qu’avec l’énergumène qui le précédait.

 

Évidemment, ça ne peut pas avoir d’incidence sur ses autres affaires, mais Bill a comme une mauvaise impression.

 

Et cette mauvaise impression ne fait que grandir. 

Il n’est pas sûr de la façon dont les verts se sont réorganisés, mais ce qu’il sait c’est que d’habitude les gangs aiment nommer leur nouveau leader avec de grandes parades à base d’explosifs et de voitures de flics cramées pour instaurer leur nouvelle autorité. 

 

Pourquoi est-ce que les Families n’ont pas fait d’entrée en grande pompe pour leur nouveau leader ?

Est-ce qu’ils ont besoin de faire profil bas pour une raison particulière ?

 

Surtout… Au niveau des policiers ?

 

Les ombres reviennent entourer Bill, plus pesantes que jamais, et les formes se précisent.

 

Il se détourne et lentement, se replie jusque dans son bureau.

 

Cette nouvelle donnée change tout.  



//



M.T.; Dimanche, 10h29 :



Lenny avait tout prévu. Des leurres, pour occuper ses anciens bras droits ainsi que la police, un départ tôt, rapide, sur un véhicule vulnérable mais qui se faufile là où les autres ne pourraient pas. 

 

Sortir de Los Santos avait été plutôt simple, en incognito, personne ne leur avait prêté attention, et M.T. s'imaginait que les hommes de Lenny qui restaient avaient occupé Liam et les autres. 

 

Une fois dans le Nord, les voitures se faisaient plus rares, et malgré les paysages désertiques peu pratiques pour se cacher, la route avait été plutôt agréable. 

Il faisait bon, assez pour rouler en simple pull, et le soleil les baignait juste agréablement de sa lumière, alors que le vent les assiégeait sans relâche.

La poussière sablée de Sandy Shore se collaient sur leurs visières, M.T. avait presque envie de soulever la sienne pour jeter un dernier œil à ces plages qu'il venait visiter avec sa mère, bien avant que la maladie ne l'accable. 

 

Il peut presque la voir, la, sur cette plage, en train de marcher les pieds dans l'eau, le voile léger de sa jupe qui se soulève à cause du vent agréable, tandis que Twain tentait de courir dans le sable, ou s'y affairait à chercher des coquillages et des crabes. 

 

Il finit par détourner le regard et aviser les vaches et les porcs qui défilent, plus nombreux que les habitants, ici.

 

Une fois arrivés à la délimitation de l'île, tout au Nord, un peu à l'Est, ils empruntent un immense pont nervuré d'autoroutes qui relie les îles de San Andreas à la côte du continent américain. 

 

C'est presque intime d'être sur cette moto avec Lenny, de le tenir de son bras enroulé autour de sa taille, de le garder tout contre lui comme si c'était M.T. qui contrôlait le véhicule. Son autre main, celle qui est brûlée, tient la petite rampe prévue à cet effet à l'arrière de son siège. C'est difficile, parfois il a des crampes, alors il la lâche, mais ils sont sur des lignes droites, il peut se le permettre. Et puis Lenny conduit pas trop mal.

 

L'autoroute devant lui défile, au-dessus d'une mer scintillante qui semble ne jamais en finir et s'étire à perte de vue, à gauche, à droite; et devant eux, Los Angeles se profile, glorieuse et imposante.

 

Parfois son casque s'entrechoque à celui de Lenny, et quand ça arrive trop souvent, Lenny lui donne un petit coup en retour, avant d'accélérer. 

 

C'est quand il accélère que M.T. se sent partir en arrière et qu'il s'agrippe à lui plus fort, l'attirant totalement contre lui. 

Il sent que Lenny lutte pour rester sur le siège avant, et ça le fait rire. Bien fait pour lui.

 

M.T. déteste être passager sur une moto. Il a toujours conduit, mais c'est compromis, désormais, vu comme son bras brûlé lui fait un mal de chien, juste en l'utilisant pour se tenir. C'est pas sa peau, qui lui fait mal, ce sont ses muscles, qui d'après la doc vont subir les dommages de l'explosion jusqu'à la fin de la vie de M.T. s'il ne fait pas sa rééducation correctement. 



"On nous suit." crie Lenny par-dessus le vent qui fouette leurs casques, et tire M.T. hors de ses pensées. 

 

M.T. sent sa nuque se couvrir de chair de poule, alors qu'il se penche contre Lenny et passe sa tête par-dessus son épaule. Ça fait depuis qu'ils se sont engagés sur le pont qu'il a cette sale impression, lui aussi. 

 

Dans le rétroviseur, il peut voir une Italy GTO vert sombre qui les suit de loin, discrètement. 

 

Il sait que c'est elle parce qu'il connait cette voiture. Il reconnaîtrait ce nacrage rouge n'importe où. Le souvenir de ses premières suspicions envers ses propres gars remontent en lui comme une coulée de lave. 

 

Lenny n'attend pas sa réponse, il accélère, et la Sanchez peine et râle sous leur poids combiné, mais elle fend l'autoroute sur laquelle ils sont avec aisance. M.T. entend le moteur de la GTO vrombir pour les suivre - les prendre en chasse et confirmer leurs soupçons. 

 

Hah, celui qui se trouve derrière le volant n'a jamais été patient pendant les missions de filature, c'est bien un de ses points faibles, qu'il compense par son efficacité. 

 

Lenny vire soudainement à gauche et emprunte une sortie, qui plonge directement dans les entrailles d'une partie de la ville aux rues étroites. Los Angeles a pourtant de grandes plages, mais Lenny, comme M.T. connaît les quartiers les plus propices aux activités de gangs, les rues dans lesquelles perdre les flics - ou ceux qui les suivent. 

 

C'est un avantage évident qu'ils ont sur leur assaillant. M.T. le sait. Il n'a jamais eu le temps d'envoyer ses gars en mission sur le continent.

 

Le moteur de l’Italy vrombit plus fort aux oreilles d’M.T. maintenant que le vent marin ne le fouette plus, et il se permet de jeter un œil par-dessus son épaule. Il grimace, ça tire sur toutes ses cicatrices, mais il le voit, la, derrière son volant, concentré.



Marcello. 



M.T. se bat contre la sensation de brûlure dans son cou pour aviser le siège d’à côté. 

Marcello est venu seul, ça aussi, c’est une erreur, mais il suppose que Liam n’a toujours pas plus d’effectif que lui. 

 

Lenny vire soudainement à droite puis à gauche dans une ruelle piétonne et il coupe le moteur, laisse la bécane rouler sur quelques mètres en silence. M.T. se retourne vers lui. Pendant quelques secondes, c’est le silence, et le corps de M.T. se détend juste un peu, son bras glisse un peu plus bas contre le ventre de Lenny. 

Il est sûr que Marcello va les voir, mais ça semble faire l’affaire, parce qu'il passe à toute vitesse dans la rue principale; alors Lenny rallume le moteur et accélère à nouveau. M.T. tombe presque à la renverse et il grogne de douleur. Il s’agrippe à Lenny de ses deux mains, attrape sa taille pour ne plus risquer de tomber en arrière, mais Lenny manque de déraper, et une nouvelle crampe de douleur lui brûle le flanc et le cou. 

 

“Fais gaffe putain !” 

 

“Ta gueule !” crache Lenny en retour, “C’est pas fini, accroche toi !”

 

M.T. n’a pas besoin qu’il le lui demande deux fois, il enroule ses bras autour de sa taille - pourquoi ce connard a la taille si fine ?! M.T. est tout recroquevillé contre lui, on dirait la coquille d'un escargot posé sur sa limace - alors que celui-ci s’enfonce dans un nouveau labyrinthe de dédales. 

 

La tension monte, à chaque virage que Lenny emprunte, c'est un risque de tomber nez à nez avec leur poursuiveur. Ils remontent une longue rue qui va déboucher sur l’une des artères principales de L.A. pour essayer de se noyer dans le trafic, lorsqu’en face d’eux l’Italy GTO verte déboule soudainement d'une ruelle sur la gauche, ses pneus crissent sur le bitume avec fureur. 

 

M.T. a dès lors l’impression dérangeante d’être un torero démuni face à un taureau vraiment très en colère, alors que la voiture fait brûler la gomme de ses pneus puis fonce droit sur eux. Lenny continue lui aussi à rouler droit sur la voiture, comme s'il pensait que ça n'était qu'une feinte.

M.T. sent un drôle de sentiment l’envahir, comme de la panique alors que les cris des badaux alentours commencent à se relever, mais Lenny sort un glock de sa main gauche et le pointe droit sur la tête du conducteur.

 

Pendant une seconde, le temps semble ralentir. 

 

Il peut voir le regard de Marcello s'écarquiller derrière son volant, alors qu’il se rapproche à toute allure; et malgré lui, sans pouvoir s’en empêcher, M.T. attrape le bras de Lenny pour le dévier. Le coup part et plusieurs balles ricochent contre le par choc blindé de l’Italy. Certaines se fichent dans ses portières et l'une d'elles crève sa roue, alors que Marcello braque brusquement pour cartonner l'arrière de la Sanchez. 

 

La douleur du choc est insupportable, M.T. se sent tourner de l'œil, mais il se mord la lèvre presque à sang comme pour se réveiller. Il manque de lâcher prise sur Lenny alors que celui-ci récupère difficilement le contrôle de la moto. La sanchez s'engage dans une rue, Lenny tente d'éviter les passants qui continuent à hurler en le voyant armés, mais il ne parvient pas à esquiver des sacs poubelles et des cartons qui traînent près des lampadaires. 

 

"Bordel de merde, il a defoncé le garde boue, ca nique la roue !" hurle Lenny, mais M.T. ne peut rien faire, il n'est que douleur, et s'il bouge, s'il se tord et tire sur ce putain de garde boue, la douleur va l'emporter. 

 

S'il le pouvait, il se sentirait faible et frustré, mais il essaye de ne pas tomber et de ne pas gêner Lenny encore plus. 

Il est incapable de reflechir, il voudrait juste pouvoir… Trouver… Une solution…

 

Derrière eux, les cris s'accentuent alors que l'Italy GTO s'engage dans la rue, en tanguant à cause de sa roue crevée, probablement - mais il va les rattraper, Marcello, sans soucis, maintenant que la Sanchez est ralentie par le garde boue.

 

"Merde !" S'exclame Lenny, et M.T. le sent bouger avec force. Il baisse la tête, juste assez pour le voir essayer de cogner dans le garde roue de son pied droit. 

 

Il doit l'aider.

Sinon, ils sont foutus. 

 

M.T. repose tout son poids contre Lenny - oui, encore plus - et si Lenny grogne et se plaint, M.T. ne l'entend pas, comme il déplie sa jambe, se concentre, et puise dans toutes ses forces restantes pour donner un violent coup dans la garde boue, qui cède et tombe au sol avant de virevolter plus loin.

 

Lenny reprend de la vitesse et tente désespérément de remettre de la distance entre l’Italy et eux, en vain. Il supporte le poids d’M.T. sans broncher, et M.T. se prend à penser qu’encore une fois, Lenny est invincible. 

 

Pourquoi est-ce qu’il va si loin pour lui ?

 

Il aurait juste à larguer M.T., ici et maintenant, le livrer à Marcello pour qu’il finisse le travail, et tout rentrerait à la normale. 

 

Lenny lui a expliqué son raisonnement, simplet et franchement idiot, mais cette excuse lui semble de moins en moins valable, parce que rien ne justifierait allez aussi loin juste pour une faveur. 

M.T. a presque envie de se laisser tomber, pour voir ce que Lenny va faire.

Pour voir s’il est assez fort pour continuer à se débattre contre ce qui va inévitablement arriver à M.T.

Pour voir s’il irait aussi loin, juste pour M.T., quand personne ne l’a jamais fait avant lui. 

 

“La !” Lenny tente de se redresser, alors qu’ils approchent ce qui s'apparente à un cul de sac. M.T. essaye de se redresser lui aussi, la douleur s’est un peu calmée, jamais il n’admettra que c’est parce que Lenny l’a laissé se reposer contre lui. 

 

Cet idiot va les faire foncer droit dans le mur s’il continue, et l’Italy pense surement la même chose parce qu’elle ralentie, alors qu’elle s’engage dans la petite allée. Il n’y a que la porte de sortie d’un petit restaurant et un enchaînement de poubelles ici, mais Lenny continue et tourne soudainement à gauche, et M.T. se rend compte qu’il y a un petit passage poussiéreux en forme d'entonnoir qui débouche sur l'artère principale qu’ils visaient tout à l'heure.

 

L’Italy ne pourra y passer sans quelques dégâts, mais la Sanchez peut le traverser en un clin d'œil et sans encombre.  

 

Lorsque Marcello s’y engage en accélérant, pensant à tort qu’il aura la place de manoeuvrer, probablement surpris de l’existence de ce passage lui aussi, il heurte directement l’un des murs au bout de quelques mètres seulement, et l’Italy cale, prise au piège entre les deux façades.



Échec et Mat.

 

Lenny accélère, prêt à sortir de ce foutu passage qui est quand même bien étroit, mais M.T. tire sur sa veste, “Attend refré.”

 

L’autre freine, et tourne la tête pour le regarder avec un drôle d’air. “T’as ton arme, on peut récupérer des infos, il est en position de faiblesse la.”

 

"T'es malade ou quoi ? Il est surement en train de nous viser avec une AK la ! Il veut ta peau connard, qu'est ce que tu comprends pas dans on se casse de Los Santos pour qu'ils puissent pas te mettre la main dessus ??"

 

M.T. fronce le sourcil, et comme Lenny est à l'arrêt, il descend de la Sanchez, avec quelques difficultés qu'il essaye d'amortir quitte à se faire encore plus mal. Les suspensions s'élèvent d'un coup en l'absence de son poids et font tressauter Lenny sur son siège. 

 

"M.T., reviens ! Bordel…" 

 

M.T. s'est déjà retourné, et Marcello ne le pointe pas avec une AK, il tente tant bien que mal de s'extirper de sa voiture, uzi en main. 

Il se prend à penser qu'il espère que la protection est activé parce que Marcello va se tirer dessus au moindre geste brusque. 

Il faut dire qu'il a vraiment l'air à côté de la plaque, ça ne lui ressemble pas, d'être mal coiffé, dépareillé, comme s'il avait passé la nuit dans sa bagnole… À les attendre. 

 

Quelque chose ne va pas bien avec M.T., Lenny lui dirait sûrement qu'il a besoin d'un psy, pour penser à ses gars comme si rien ne s'était passé, comme s'ils n'avaient pas tenté de le tuer, et comme s'ils n'essayaient pas encore. 

C'est pas comme si M.T. en avait vraiment eu quelque chose à foutre, avant son accident.

 

Quand Marcello lève les yeux et que MT croise son regard, à travers la visière teintée de son casque, et qu'il avance vers lui de cette démarche lente qui lui est propre, la sensation de trahison, de déception, et la colère sont bien là, elles gonflent avec chaque pas qu'il prend en direction de Marcello. 

 

Ils se figent, tous les deux, alors que Lenny le rejoint, visière relevée et uzi en joue. "Tu bouges pas !" Hurle Lenny, et M.T. tourne la tête vers lui, déstabilisé. 

 

Lenny se place devant lui.

 

Qu'est ce qu'il fout ? 

Et si Marcello tire ? 

Est ce que Lenny pense vraiment faire barrage ?

 

Pour M.T. ?

 

Il est tellement décontenancé qu'il ne remarque pas quand Marcello lève les mains. Il avance d'un pas et Lenny arme son uzi, un cliquetis assourdissant raisonnant contre les murs qui les entourent. 

 

M.T. redirige son attention vers Marcello, et il se rend compte qu'il a les yeux écarquillés, comme s'il n'en croyait vraiment pas ses yeux. 

Il avance encore et Lenny s'énerve, "J'hesiterais pas a te faire mordre la poussiere putain, arrete d'avancer !" mais Marcello l'ignore, et a la place, il demande, la voix hésitante, "M.T. ?" 

 

La, M.T. se rend compte que Marcello n'a non seulement jamais eu de preuves qu'il était en vie, mais aussi qu'il veut le voir. 

Il veut être sûr que c'est lui.

Il veut savoir si M.T. est bel et bien en vie. 

Si M.T. n'est pas qu'une rumeur, une hallucination, un mirage. 

 

M.T. lève les mains et défait la lanière de son casque. Il s'avance à la hauteur de Lenny, qui lui lance un regard incrédule. 

 

Si Marcello veut le voir, il va voir

 

M.T. retire son casque, doucement, lentement, comme tout ce qu'il a toujours fait, et il imagine Marcello retenir son souffle. 

 

Quand sa main retombe contre sa cuisse, son casque tenu entre ses doigts par la lanière, il repose son œil sur Marcello. 

 

Son expression change. L'horreur de la situation se peint sur son visage, et l'espace d'une seconde, il a l'air d'avoir vu un véritable fantôme. 

 

Plusieurs fois sa bouche s'ouvre et se referme, lui donnant l'air d'un poisson hors de l'eau.

 

M.T. ne peut pas s'en empêcher, il sourit, de son sourire tordu, et Marcello pâlit. 

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"C'est vraiment toi…" murmure t-il en ayant l'air de rapetisser, et il baisse les bras dans un geste de pur dépit. 

Pour la seconde fois en l'espace de quelques minutes, M.T. est pris de court.

C'est étrange. Marcello a toujours été très droit sur lui, et on dirait presque qu'il...

 

C'est Lenny qui exprime ses pensées. 

"Bah quoi, t'as l'air déçu de l'voir. Il est pas assez mort pour toi ?" 

 

Pour la première fois depuis qu'il est sorti de sa voiture, Marcello semble remarquer Lenny, et la surprise se peint sur son visage.

Il ouvre la bouche, puis la referme encore, comme s'il savait que ses questions n'obtiendraient aucune réponse. 

 

Il repose le regard sur M.T., et cette fois c'est une détresse plus que visible qui se lit sur ses traits. "Ecoute M.T., j'ai jamais voulu de tout ça, moi, j'étais prêt à crever cette nuit-là, tu comprends ? Même si c'était pas raisonnable, j'ai bien compris ce que tu voulais, et maintenant Liam, il jure que par ça , il a complètement débloqué." 

 

Lenny semble surpris par la facilité avec laquelle Marcello parle. Il abaisse même un peu son uzi, déstabilisé. 

C'est l'effet que font les cicatrices d'M.T., sûrement. 

 

"Comment ça il a débloqué ? C'est lui le boss maintenant ? Comment vous avez su que votre boss était encore en vie ?"

 

Evidemment, Lenny ne peut pas s'empêcher d'être agressif et envahissant avec ses questions à la con, puisqu'il mord toujours avant de discuter; et le moment se brise. M.T. peut voir Marcello se refermer instantanément. 

 

Il lève les bras et utilise cette gestuelle qui lui est propre, alors qu'il dit d'une voix beaucoup plus suave, beaucoup moins sincère, "Dis Padre , si tu veux les réponses à tes questions, t'as qu'à me suivre, hein ? On va discuter gentiment autour d'un caramel macchiato."



M.T. pouffe malgré lui, et ça fait sourire Marcello en coin. 

Ah, le voilà, son Marcello. Celui qu'il a vu rapidement se modeler en un gangster charismatique, sans pitié, dangereux.

 

Non.

Pas son Marcello .

Il n'a jamais été son ami, il n'a jamais été qu'un membre de son gang, en qui il n'a jamais eu une complète confiance. 

 

M.T. s'en fout.

 

Ca n'est qu'un homme parmi tant d'autres, qui l'a trahi, qui lui a tourné le dos, envoyé pour le descendre. 

 

"Ça t'fait rire fils de pute ?" Lenny lance, agacé, et M.T. sait que c'est pour lui. "Tu vas dire a ton nouveau boss qu'il a qu'à essayer de nous chercher lui-même s'il veut discuter." 

 

M.T. fronce les sourcils. Lenny demande à Marcello de persuader Liam de les suivre. De les traquer. A quoi il joue ? Est-ce qu'il est pas censé dissuader Marcello de continuer à les pourchasser ? 

 

Est ce qu'il est pas censé protéger M.T. d'eux ?

 

Pourquoi est ce qu'il a la soudaine impression d'être un appât secoué devant le nez de ceux qui veulent sa peau ?

 

Pourquoi est-ce que Lenny se donne tout ce mal à sauver son cul, si c'est pour l'offrir en pâture aux verts et leur dire de se ramener avec des renforts ?

 

Ça n'a aucun putain de sens. 

M.T. préfère se détourner, et grogne "On s'casse."

 

Avant de s'avancer vers la Sanchez, il lance un dernier regard à Marcello par-dessus son épaule, et il est frappé par la façon dont il le regarde à nouveau, comme désespéré.

"Rentre, Luigi. Tu fais pas le poids." 

 

Il doute que ça suffirait à dissuader Marcello de continuer à les suivre, puisqu'il n'est plus l'homme d'autorité qu'il était avant pour lui, mais avec sa bagnole coincée comme ça, il ne risque pas de pouvoir rouler avant un moment. La partie s'arrête là pour Luigi.   

 

Il entend Lenny reculer pas à pas avec lui, leurs chaussures piétinent la poussière rocailleuse avec rythme, alors qu'il rejoint la moto, et Lenny n'arrête de pointer Marcello de son uzi que lorsque M.T. a remis son casque et est monté sur la bécane en fragile équilibre sur sa béquille.

 

"La prochaine fois que tu fais pas ce que j'te dis, j'te balance mon poing dans la gueule, trou du cul." marmonne Lenny, avant de remonter sur la sanchez. 

 

"Commence pas a m'donner des ordres, mon frère, j'fais c'que j'veux." répond M.T. d'une voix sèche en agrippant la rampe de son siège de ses deux mains avec force, quitte à ce qu'il doive utiliser ses muscles douloureux un peu plus pour se maintenir en position. 

 

Lenny grommelle mais n'ajoute rien. Il démarre d'un coup de kick, et ils déboulent du petit passage en manquant de renverser un couple de passants qui hurlent de surprise.  

 

La moto file et zigzag entre les voitures, s'éloigne rapidement de Marcello et son Italy GTO coincée. 

 

M.T. a l'estomac lourd, une nausée qui n'a rien à voir avec la façon dont ses nerfs brûlent sous les cicatrices de son bras le ronge, alors que Los Angeles les avale sans plus attendre. 

 

Notes:

Sublime fanart par Wismer

Chapter 8

Notes:

Haha, vous connaissez le mot self indulgent ? Ben 50% du chapitre c'est vraiment que ça.

Formez un cercle de priere pour que mon syndrome de l'imposteur arrete de me faire douter a chaque publication svp............

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Lenny; Dimanche, 23h59 : 

 

"Deux chambres." 

 

"Bonsoir, messieurs dames, est-ce que vous avez réservé ?"

 

"Nan. Donnez-moi ce qui vous reste." 

 

"Je suis désolé Monsieur mais nous ne–"

 

"J'ai dit, donne moi ce qui t'reste." 

 

Lenny dépose une énorme liasse de billets sur le comptoir, et l'homme en face de lui, qui n'avait même pas pris la peine de les regarder, lève enfin les yeux, surpris par la familiarité de Lenny. 

Sa réaction est immédiate, et Lenny a beau avoir l'habitude d'inspirer la peur, la façon dont le réceptionniste fixe M.T. lui donne envie d'agir avec violence. 

 

M.T. a tiré sa capuche sur son visage, mais ça ne suffit pas à masquer complètement sa cicatrice, apparemment. 

 

"Oh, c'est ici que ça se passe !" Lenny frappe de la paume sur le comptoir et l'homme sursaute, avant d'écarquiller les yeux devant la liasse. 

 

"Milles excuses, je vous fait préparer nos deux meilleures chambres sans plus tarder." 

Le ton est devenu mielleux, le sourire, faux, tort les traits du réceptionniste, mais il tient parole et quelques minutes plus tard, Lenny ouvre la porte d'une immense suite qui donne une vue directe sur les plages de Santa Barbara. L’argent fait vraiment des miracles.

 

Il referme la porte derrière lui et se laisse aller contre le panneau de bois, essaye de ne pas penser a M.T., seul, dans la pièce d'à côté. 

 

Aujourd'hui avait été un putain de fiasco, et Lenny avait pourtant tout prevu. Y compris être suivi. 

Mais il n'avait pas prévu d'être déstabilisé si tôt le matin, ni qu'M.T. soit aussi imprévisible, après tout.  

 

Il baisse les yeux sur ses mains, fronce les sourcils. 

 

Il était prêt à tuer Marcello, pour M.T., mais M.T. l'en a empêché. 

Comme s'il ne voulait pas que Lenny interfère avec ce qui doit lui paraître inévitable. 

Il n'a pas compris que Lenny ne le laissera pas crever. Quoi qu'il en coûte. C'est devenu personnel il y a longtemps. 

 

Lenny inspire profondément, et il se penche en avant pour s'efforcer à traverser la chambre. Il en a vu, des chambres d'hôtels, plus ou moins luxueuses, à ses débuts. 

Mais ça fait un bail qu'il n'a pas pris du temps pour lui, qu'il n'est pas parti en vacances et  qu’il n’a pas mis les pieds dans un hôtel. 

 

C'est pas vraiment des vacances, de traîner son ex-rival hors de l'île pour le protéger de ceux qui veulent mettre fin à sa vie. 

 

Entre autres. 

Parce que, oui, il y a une autre raison à cette décision que Lenny a prise, et c’est pour ça, qu’ils sont dans un hôtel, au lieu de continuer à rouler et de dormir à la belle étoile. Lenny laisse des traces. 

Il n'en a pas parlé a M.T. parce qu'il n'est pas sûr de lui faire totalement confiance, pour l'instant. Surtout pas après les cabrioles qu'il lui a faites devant Marcello.



Lenny a vraiment besoin de vacances. 

 

Derrière les baies vitrées, baignés de lumières factices et colorées, de longs palmiers fins se balancent très légèrement au gré d'une brise que Lenny a très envie de sentir sur sa peau, la, tout de suite. 

Il ouvre la fenêtre, la fait glisser sur le côté et sort sur le balcon. 

 

Ca pue la mer, mais c'est une odeur très familière. Il a grandi avec cette odeur, même s'il n'a jamais mit les pieds dans l'eau. 

Lenny n'a jamais eu confiance en l'eau, elle est capable d'engloutir des camions entiers et elle sert de cimetière a bien trop de cadavres. 

 

Personne ne lui a jamais appris à nager, et de toute façon, il n'a jamais voulu. C'est une immense faiblesse, bien sûr, une manière de l'éliminer servie sur un plateau d'argent à ceux qui voudraient sa peau - mais c'est un secret bien gardé. 

Pourtant, depuis quelque temps…

Depuis quelque temps la mer l'appelle.

Depuis qu'il a regardé Lucy partir sur ce bateau, l'eau n'est plus juste un sujet d'anxiété, de peur de l'inconnue et des abysses. Elle le rend curieux. Il est presque tenté.

 

Beaucoup de choses ont changé chez Lenny, depuis les vacances. 

Beaucoup de choses qu'il pensait haïr sont devenues le sujet principal de ses pensées. 

 

Il glisse ses doigts dans ses cheveux, le gel commence à s’y effriter, il n’a même pas eu le temps de s’en occuper depuis hier. La repousse sur le bas de son crâne est rèche, et il ne peut pas s'empêcher de la gratter doucement du bout des ongles. 

 

Ils sont au dixième étage de l'hôtel, s’il sautait, la chute serait fatale, et il n’a pas de parachute avec lui, mais qu’est ce qu’il donnerait pour se retrouver sur la plage, la, tout de suite. Qu’est ce qu’il donnerait pour une soirée autour d’un feu de camp avec Miguel, Haylie, Inigo et les autres. Inigo pourrait parler et l'assommer jusqu’à ce qu’il ne puisse plus penser. 

 

Lenny est interrompu dans ses pensées par son téléphone qui vibre dans sa poche.

C’est vrai qu’il n’a pas pu jeter un seul coup d'œil à celui-ci depuis ce matin, et il attend de nombreuses nouvelles. Il se penche et s’accoude au parapet en verre du balcon, prêt à en découdre.

 

A sa grande surprise, il n’a qu’un sms et un appel manqué. Ça lui serre un peu le cœur, parce que Miguel et Devon le harcelaient de sms et d’appels, et depuis avant-hier, son téléphone est étrangement silencieux. 

 

Le sms est d’Haylie. Il est court et très concis.

 

Opération réussie, pas de pertes, Pichon en cellule. Bon courage.

 

L’appel manqué est d’Inigo, et il lui a laissé un long message vocal.

 

Si Jefe, je pense que je mérite une promotion, parce que la le kiwi, c’est plus kiwi 1, c’est le kiwi 32, si tu vois ce que je veux dire, parce qu’ils étaient deux dans la p’tite voiture et ils ont kiwité le tauros, tu comprends, comme ratatatata sur le blindage, c'était le gars avec les cheveux orange comme les oranges (rires), et le conducteur c’est le gars que je le connais pas trop celui la mais je crois qu’il était à la police, en tout cas je leur ait fait une sacré course poursuite hahaha, en fait non ils ont juste arrêté de nous poursuivre est ce que tu sais pourquoi Jefe ? Quand est-ce que tu reviens ? La Rosita elle te fait des bisous et Kim dit de pas t’en faire et que Miguel est entre de bonnes mains, mais je sais pas les mains de qui, salut patron ! 

 

Quand Lenny raccroche son téléphone, il sourit en coin, parce que cet idiot réussit toujours à le faire sourire, quand il ne lui donne pas un mal de crane. 

 

“Souris pas trop, on va finir par croire que t’es un gentil, mon frère.”

 

Lenny se redresse et manque de lâcher son téléphone. Il tourne la tête à sa gauche, et M.T. est là, lui aussi accoudé au balcon, dos à la mer, un joint entre les lèvres. Lenny ne peut voir que son côté défiguré, d’ici. 

Il s'est changé, il porte un sweat à capuche que Lenny lui a donné aussi. C'est drôle, parce que c'est le sien et qu'il ne lui va clairement pas, il est beaucoup trop petit. 

 

“Qu’est ce que tu fous, tu devrais aller dormir et récupérer plutôt que de m'épier comme un creep.”

 

“Qui épie qui là, j’en ai rien a foutre de ce que tu fais refré, redescend.”

 

Lenny s'apprête à retorquer, mais il sait, depuis le temps, que ca ne sert à rien. Plus on pique M.T., plus il pique en retour. 

 

"Où est-ce que t’as eu ça ?” demande Lenny en pointant le joint du menton et en s’approchant de l’autre balcon lentement. Ils sont à peine séparés par une vitre en verre à hauteur de hanche. 

 

“Dans ta table basse, j’sais pas depuis combien de temps ça trainait la mais putain…” il tousse un peu et ricane, “Elle est bonne.”

 

Lenny croise les bras en fronçant les sourcils, tandis que le silence s’installe. M.T. tire sur le joint, le bruit du papier qui brûle grésille agréablement.

"Ça m'fait du bien.” murmure M.T., “Beaucoup plus que les médocs de la doc.”

 

Les cicatrices de M.T. ont pellé de leurs croûtes, ces derniers jours, pour ne laisser qu’une sorte de peau blanche, rosée, laiteuse et soyeuse, parfois encore nervurées de sillons irréguliers. Lenny a envie de les toucher. 

 

“Beaucoup plus que ta merde de coke, aussi.” M.T. tourne la tête vers lui, le sourcil haussé. “Tu veux m’rendre accro c’est ça ? Histoire d’avoir un nouveau client ?”

 

Lenny ricane, et détourne le regard, parce qu’il ne supporte pas son intensité. Parfois M.T. le regarde comme s’il ne savait pas que Lenny sent son regard sur lui, c’est pas quelque chose dont Lenny à l’habitude, être scruté. 

 

“Ouais alors calme toi, t’es pas le genre de client que j’vise, j'préfère les familles riches qui vivent sur la façade de Vinewood.”

 

“Meilleure thune, j’comprends.”

 

M.T. lui tend son joint en se penchant vers lui, par-dessus la vitre en verre. Lenny refuse, et M.T. hausse un sourcil à nouveau, mais il n’insiste pas.

 

“Disons plutôt que j’ai aucun remords à leur fournir de quoi se foutre en l’air vu qu’ils ont aucun remords à foutre en l’air les gens de mon quartier.” 

 

M.T. hume en tirant à nouveau sur son joint. Il relâche la fumée qui s'échappe en large volutes au-dessus de lui pour se perdre dans l’obscurité de la nuit. Ça attire l'œil de Lenny, et la même envie de plonger le reprend, comme plus tôt. 

 

Cette fois-ci l'envie est pressante, elle fourmille dans ses doigts, sous sa peau, jusque dans ses lèvres, alors il regarde M.T. comme si M.T. ne sentait pas son regard sur lui, et il dit, “On sort ?”

 

M.T. baisse l'œil sur lui, visiblement surpris, mais il sourit en coin, de son sourire un peu tordu, et il acquiesce. 



//



Daniel; Lundi, 00h30 :



Ce soir, les étoiles brillent fort pour Daniel. Il est assis sur l’herbe, entre deux sapins, les pieds dans le vide. Devant lui, la mer se balance lentement d’avant en arrière, le bruit est rassurant, et une petite musique le berce.

 

Soudain, une étoile traverse le ciel, filante, brillante, et Daniel tend le bras pour la toucher. 

Demain, elle sera là, sur le sable de sa belle plage, et il pourra la récupérer. 

Il est minuit trente dans la vraie vie, mais il est 2h15 sur son île. Daniel attend la visite d’un autre joueur avec impatience. 

Ce soir, après des jours d'échanges de messages par boîte aux lettres dans Animal Crossing, Daniel va revoir Antoine.

 

Enfin.

 

Il est conscient de ce que ça pourrait être - un piège, une arnaque, une manipulation - mais Daniel s’en fiche. Il est sûr et certain qu’il s’agit vraiment d’Antoine, il écrit toujours de cette manière quand il envoie des sms, et personne ne pourrait l’imiter aussi bien, à part lui même. 

 

Tous les deux se sont mis d’accord pour garder ces interactions secrètes, à la demande d’Antoine, et parce que Daniel sait que Monsieur Donation a déjà beaucoup trop de choses auxquelles penser, en plus du fait qu’il soupçonne fortement Cox d’être derrière tout ça. 

 

Antoine refuse de répondre à ses questions, quand il lui envoie des courriers avec un nouveau canapé, une télé, un ballon ou une tenue customisée, mais il lui assure qu’il va bien et que Daniel ne doit pas s'inquiéter. 

 

Ça fait plusieurs jours qu'ils s'envoient des courriers sur le jeu, toujours aux mêmes heures. Daniel s'inquiète même si Antoine lui demande de ne pas le faire. Antoine a toujours été un gros dormeur, pour compenser son immense dose d'énergie quand il est réveillé; sauf que les courriers sont tous datés et il n'y a jamais plus de 6h entre chaque. 

 

C'est étrange. 

 

Et puis Antoine a l'air triste, toujours. C'est normal, Daniel se dit, il est kidnappé, seul, effrayé sûrement, et ce depuis plus de deux semaines, maintenant. Ça commence à faire vraiment long. 

C'est pas faute de lui avoir demandé où il se trouvait, de lui avoir dit qu'il viendrait le sauver, mais Antoine ne répond jamais à ces questions ou ces allégations. 

 

Et puis il y a eu ce dernier courrier, qui lui proposait de se rencontrer sur l'île de Daniel. 

Daniel est aussi excité que s'il allait revoir Antoine pour de vrai. 

Il faut dire que ce jeu l'aide, bien plus qu'il ne veut l'admettre, et c'est aussi son seul lien direct avec son cousin. 

 

Daniel n'a pas perdu espoir, mais ça devient dur quand on lui interdit d'aider aux recherches parce que lui aussi est en danger et qu'on lui cache de plus en plus de choses. 

 

Et puis il peut seulement se distraire autant que possible, mais les journées se font longues. Il a l'habitude de l'adversité et des problèmes qui s'enchaînent, maintenant, pas de cette léthargie qui n'a aucune date limite de consommation. 

 

Hier, Vanessa est venue le voir, et elle a tout de suite vu que Daniel était différent. Il pense qu'elle en a parlé à monsieur Donation, parce qu'il est venu voir Daniel aujourd'hui et lui a tapoté la tête en lui disant que lui aussi avait l'impression d'entendre Antoine parfois, qu'il avait l'impression qu'il était juste là. 

C'est horrible.

 

Daniel s'en veut parce qu'il a souri à Vanessa, mais personne ne peut comprendre, personne ne peut savoir que c'est parce que ce soir, il va revoir Antoine, lui, même si c'est pas vraiment en face à face. 

 

Daniel y travaille. 

 

Bientôt, il ramènera Antoine à la maison, et monsieur Donation pourra sourire lui aussi. 



La console de Daniel s'illumine soudainement alors qu'une nouvelle animation que Daniel n'a jamais vu avant apparaît devant ses yeux. 

Un voyageur arrive sur son île. 

 

Daniel cesse de respirer alors que le petit avion s'approche de plus en plus. 

L'écran s'efface tandis qu'un petit personnage passe les portes de son aéroport. 

 

Le visage de Daniel se décompose alors qu'il avise le personnage. 

Le personnage, qui est chauve, porte un costard et une cravate rouge. 

 

Daniel jette sa switch sur le lit devant lui, comme si elle venait de le brûler.

 

Pendant un instant, Daniel envisage d'éteindre sa switch, de tout annuler, et de tout dire à Donatien. 

 

Mais l'écran s'efface à nouveau pour revenir sur son propre personnage désormais debout, face à lui. 

Il attend que Daniel le contrôle. 

Il attend que Daniel aille chercher des réponses. 

 

Alors Daniel inspire, longuement, puis il récupère sa console. Allez Daniel, tu peux le faire, tu savais qu'il y avait une possibilité… Que ce ne soit pas Antoine. 



Lentement, Daniel traverse son île, mais lorsqu'il arrive devant l'aéroport, il n'y a personne. Il fronce les sourcils et enclenche la messagerie directe qui s'affiche pour tous les joueurs sur son île. 

 

Il y a quelqu'un ?

 

La réponse ne se fait pas attendre. 

 

Chez toi Daniel!

 

L'estomac de Daniel se contracte. 

Si c'est Cox, il imite un peu trop bien Antoine.

 

Il est chez lui, donc. 

Cette simple pensée donne des frissons d'effroi à Daniel, mais il se dirige vers la partie de son île qui abrite la maison de son personnage.  

 

A peine arrive-t-il devant que quelqu'un en sort, et cette fois, le personnage ressemble à Antoine. Il a son tee shirt, ses cheveux, son pantalon et même des baskets brillantes. 

Daniel se fige. 

Pendant une seconde il a l'impression que ses entrailles tombent, et tombent, et tombent, alors que ses yeux se remplissent de larmes.

 

Il inspire subitement puis un sanglot s'échappe ses lèvres. "Antoine…" Il appelle, en vain, parce que Antoine ne peut pas l'entendre, mais il est là, devant lui, dans un jeu. Daniel a besoin d'y croire.

 

Daniel? C'est toi Daniel c'est toi c'est vraiment t

 

Le message semble s'arrêter comme si l'émotion l'avait emporté lui aussi. 

 

"Antoine !" Daniel appelle plus fort, en approchant la console de son visage, comme si sa voix allait porter à travers. Les larmes se font plus grosses alors qu'elles perlent sur ses joues pâles. 

 

Daniel?

 

Il s'empresse de répondre, Antoine !!!!!! puis il avance et déclenche l'animation câlin pour le prendre dans ses bras.

 

Une petite bulle apparaît au-dessus d'Antoine qui coupe à nouveau le souffle de Daniel. 

 

Pardon Daniel je peux pas rester longtemps mais il fallait que tu vois je t'aime tu me manques Daniel tu me manques

 

Daniel s'empresse de répondre aussitôt, les doigts tremblant, les larmes ravalées, parce qu'il n'a pas le temps.

 

Non attends ! Antoine s'il te plait reste !!

 

Le petit bonhomme d'Antoine fait une mimique d'excuse, puis une mimique de bisou, et un dernier message s'élève au-dessus de lui, Pardon Daniel , avant qu'une nouvelle animation obscurcisse l'écran de la console. 

 

La session de partage est interrompue. 

 

"Non, Antoine, Antoine revient !!" hurle Daniel en fixant sa console avec désespoir. Il court partout sur son île, parce que le petit personnage d'Antoine n'est plus là, il est nul part, même pas dans l'aéroport. 

 

Daniel a attendu ce moment si longtemps, avec tant d’espoir, et pour quoi ? 

 

Les larmes reprennent, le désespoir gonfle, et c'est comme quand il s'est réveillé à l'hôpital trois semaines plus tôt, et qu'on lui a annoncé la disparition d'Antoine. 

 

La même sensation de perte, sauf que cette fois, Antoine était presque au bout de ses doigts, inatteignable mais juste la

 

Il crie sans s'en rendre compte, le nom d'Antoine sur les lèvres, encore et encore alors que l'angoisse pèse de plus en plus lourd sur sa poitrine. 

 

Il rejette sa couverture et sa console pour essayer de sortir de son lit, alors qu'il manque d'air - tout est flou, la chambre bouge au ralenti autour de lui, et ça sonne dans sa tête et contre ses tempes, alors qu'il continue d'appeler Antoine. 

 

Sa porte s'ouvre brusquement et pendant un petit instant, Daniel croit que ses prières sont entendues, c'est Antoine qui revient, enfin, enfin , mais c'est Donatien qui débarque dans sa chambre en disant quelque chose qu'il n'entends pas. Encore une fois, le désespoir reprend le dessus et s'abat sur Daniel comme une espèce de massue qui le rend cathatonique, alors que les bras de Donatien s'enroulent autour de lui et l'empêchent de tomber sur le sol alors que ses genoux le lâchent. 

 

Les larmes coulent mais plus aucun son ne passe ses lèvres, alors qu'il fixe sa porte grande ouverte en attendant qu'Antoine la franchisse. Il n'entend pas ce que Donatien lui dit, il ne le voit pas quand il cherche son regard. 

 

Daniel ne sent plus rien. 

Il s'est éteint. 



//



Donatien; Lundi, 00h30 :

 

"Oui Fab. Bien sûr, c'est comme ca qu'on fait des affaires, tu le sais bien. Mais non ne t'en fais pas. Je sais, je sais que tu as hâte d'aller voir notre cher Tim, je suis sûr que le Commissaire Boid te laissera y aller très bientôt. Tout de même cette histoire c'est terrible, pauvre Devon. Je ne le portait pas tellement dans mon cœur mais tout de même ! Hic~ Quoi ? Mais pas du tout enfin je te l'ai déjà dit mon petit Fab, le sang des Montazac est composé a 99% de vin, je ne suis pas bourré !" 

 

Donatien regarde la bouteille bien entamée sur la table basse devant le canapé qui a pris la forme de son corps à force qu'il y passe ses nuits. 

 

"Mais oui. D'accord Fabien, à demain alors, je suis sûr que Daniel sera raaavi de te voir. C'est ça. Et bisou bien sur." 

 

Donatien raccroche avant que Fab ne puisse mettre en doute sa sobriété un peu plus. 

Heureusement qu'il est là, Fab, son pilier, son associé, son acolyte, sa moitié - de travail, bien sûr. Sans lui, les affaires seraient encore en train de stagner. Kiddy est un bon gars mais il n'a pas vraiment le sens des affaires comme Fab et lui. Il n’a pas leur charisme, ce magnétisme qui pousse les gens à revenir même s’ils se font entuber et que c’est toujours plus gros. Il y a une certaine beauté dans la façon dont Donatien entourloupe ses clients, c’est tout un art, et ça fait partie de la prestation. 

 

Un gros bruit sort Donatien de ses pensées. Ça vient de sa droite, un drôle de bruit, comme quelque chose qui a frappé le mur, et des paroles étouffées. Donatien ne se fait pas trop confiance, peut être qu'il imagine tout ça, mais ça fait déjà quelques jours que ces bruits arrivent, surtout de nuit.

 

Il se lève et s'approche alors que d'autres bruits sourds passent à travers l'épaisse cloison du mur. 

 

C'est assez déstabilisant parce que Donatien connaît - de loin - tous les habitants de l'immeuble et il sait que celui juste à côté du sien est inhabité, acheté par un couple de personnes âgées qui ne viennent ici qu'en été apparemment. 

 

Il devrait aller voir un de ces quatres. 

 

"Eh des squatteurs, surement, je suis sûr qu'ils seraient prêt à débourser leurs derniers cents pour une bonne bouteille de champagne Montazac Torez." dit Donatien au mur en face de lui, celui contre lequel son coffre fort est posé. 

 

Vanessa lui a dit que c'était sûrement le stress qui lui faisait entendre des bruits fantômes, et ça lui a fait froid dans le dos, s'il y a bien quelque chose que Donatien ne veut jamais voir, c'est un fantôme…

Et puis, ça serait un comble pour Donatien de Montazac d'entendre des choses à cause du stress. 

 

Non, il préfère se dire qu'il a l'alcool très imaginatif. 

 

Il lève la bouteille qu'il ne se rappelle pas avoir emmené avec lui, pour porter un toast à ce drôle de mur bruyant, puis il boit, en son honneur. 

 

Il se retourne pour rejoindre son canapé - Daniel doit dormir a cette heure, depuis quelque temps il passe ses journées à jouer à des jeux sur console, parfois il vient montrer ses petites avancées a Donatien sur la télé, et même si Donatien ne pige rien à ces trucs de jeunots, c'est plaisant. 

 

C'est plaisant, et en même temps, nostalgique. Donatien sait que Daniel aimerait que Antoine soit là. 

Et pour être franc, Donatien aimerait ça, aussi. 



Dernièrement ça devient dur pour Donatien de rester ici, de passer ses journées au téléphone, à organiser des recherches avec Panis et le lieutenant - non, le co-commissaire Kuck - ou à négocier des ventes et des informations. Il veut que tout redevienne comme avant, même si rien n'est et ne sera jamais comme avant. Désormais, il doit prendre soin de Daniel comme de son fils, et retrouver Antoine avant tout.

 

Cela dit, il veut quand même reprendre le travail, la confection et les livraisons. Tout le monde fait son maximum pour retrouver Antoine après tout et Donatien n'est jamais qu'un seul homme, même si, quel homme !

 

Il se demande ce que Daniel penserait, si Donatien reprenait le travail. 

 

En parlant de Daniel, Donatien a le besoin soudain urgent de vérifier qu'il va bien. Ça le prend comme une envie de pisser, alors il y va, et quand il approche des escaliers, il entend un hurlement qui lui glace le sang. 

 

Il reconnaît la voix de Daniel, il reconnaît cette détresse qui suinte de son cri, elle est un peu trop familière. Donatien lache la bouteille et ignore la facon dont elle tombe et roule pour se vider sur le tapis blanc qu'elle tache de son contenu rouge.

 

Il s'élance dans les escaliers et repousse la porte de la chambre pour aussitôt débarquer dans la pièce. 

 

“Daniel ??”

 

Daniel est là, à moitié debout, à moitié assis sur le lit, et quand il voit Donatien il pâlit tellement qu'on dirait qu’il a vu un fantôme, lui aussi…

 

C’est pas raisonnable, mais pendant un instant, Donatien s’est imaginé que Cox avait trouvé un moyen de rentrer dans cette chambre pour mettre la main sur son deuxième Croûte. 

Daniel titube, et Donatien le rattrape avant qu’il ne tombe.

Il l’enlace avec force, parce que Daniel est là.

 

"Ça va aller mon petit Daniel, hein, allez, ça va aller, je sais qu’il te manque mais on va le retrouver.”

 

Donatien se sent démuni, parce qu’il ne sait pas quoi dire d’autre pour calmer Daniel, qui pleure et appelle Antoine dans une litanie de plaintes; il aimerait que Vanessa soit là, ou même Josephine, Kiddy, n’importe qui qui sait parler aux petits. 

 

Mais Daniel semble se calmer tout seul. Il fond, dans les bras de Donatien, il cesse de trembler et de s’agiter, mais il devient étrangement lourd et immobile. 

 

“Daniel ?”

 

Donatien tente d’accrocher son regard en se reculant légèrement, mais les yeux de Daniel restent obstinément rivés sur la porte, vides.

 

Ça lui glace le sang, à Donatien. On dirait que l’âme de Daniel a quitté son corps.

On dirait que Daniel s’est éteint. 

 



//



M.T.; Lundi, 00h58 : 

 

La soirée est douce, presque trop chaude.

M.T. transpire sous son sweat trop petit, la capuche couvre à peine sa tête mais c'est assez pour distraire les gens de ses cicatrices. 

Il n'a pas envie d'être perçu, il n'a pas envie que les gens le regardent, et comme il ressemble a un monstre tout droit sorti d'un cauchemar, il sait que tout le monde va le fixer et M.T. n'a pas envie d'exister , ce soir. Donc il garde le sweat, et la capuche.



Pourtant l'ambiance de la soirée est festive, on ne croirait pas que dans quelques heures, la plupart des gens se lèveront pour aller travailler, sûrement. 

Lenny l'a emmené dans un quartier que M.T. n'a jamais vraiment fréquenté, et qui est pourtant énormément fréquenté. Il y a des gens partout, sur les trottoirs, sur la route, dans les magasins et les restaurants. C'est enchaînement de rues et ruelles bondées, aux parfums épicés, avec des stands de bouffe tous les dix mètres, des gens qui parlent, qui crient, qui chantent et qui rient, et surtout de la musique, comme celle qui jouait tous les jours dans l'appartement adjacent à la petite chambre où M.T. est resté cloîtré ces dernières semaines. 

 

Bien sur que Lenny allait l'emmener dans un putain de quartier latino, apres l'avoir fait tourné en rond pendant presque une heure pour être sur de pas être suivit. 

 

M.T. ne sait même pas pourquoi il a accepté de sortir avec cet enculé de Vagos, il pensait vraiment qu'ils allaient acheter de quoi se défoncer ou aller dans un club de strip-tease peut-être, mais non, à la place Lenny pousse une barquette en carton remplie de nourriture entre ses mains gantées en pouffant qu'il a commandé un plat qui se bouffe au petit dej, des chilaquiles et que le vendeur l'a trop mal regardé. Il lui dit qu'il a essayé de parler espagnol et que la abuela qui lui a servi son pambazo a beaucoup ri en lui frappant la joue avec affection, mais il a aucune idée de ce qu'est un pambazo , il a pris ça parce que ça sentait bon.

 

M.T. comprend que dalle, en plus il est encore un peu high, mais il n'arrive pas à se détendre donc le high n'est pas vraiment un bon high. 

Ca le fait se sentir bizarre, tout ça, comme s'il était encore moins à sa place que d'habitude - exactement comme au premier jour de son règne en tant que nouveau boss des Families. 

Seulement cette fois, ça le rend nostalgique, en plus. 

 

Ca lui fait penser à ces rares fois ou ses tantes et ses oncles venaient à la maison, avec son grand père, ses cousins, et que tout le monde cuisinait ensemble, la musique n'avait pas grand chose à voir avec celle qui résonne sans cesse dans son oreille depuis des jours, si ce n'est pour les tam tam rythmiques et les chants mélodieux.  

 

C'est un temps révolu qui lui manque même s'il semble n'avoir jamais réellement existé tant il l'a enfoui il y a très, très longtemps, très, très loin dans les abysses de ses souvenirs. Depuis que la Mort a pris sa mère et que sa "famille" n'a jamais essayé de les aider dans ces terribles moments; ces gens sont morts, aussi. Du moins ils le sont pour lui. 

 

Tous ces sourires, toute cette joie, toutes ces couleurs, tout cet amour, tous ces liens n'avaient été que factices, Twain l'a vite compris, quand personne n'a décroché le combiné alors qu'il appelait à l'aide.

 

Il a appris, à ce moment-là, qu'il ne pourrait jamais faire confiance à qui que ce soit. Que n'importe qui se retournera toujours contre lui le moment venu. 

Et jusqu'ici… La Vie ne lui a jamais prouvé le contraire. 

 

"'tenchion trou du cul !"

 

M.T. se fige sur place, tiré hors de ses digressions comme un bras se presse soudainement contre son estomac pour l'empêcher d'avancer plus. 

Lenny se tient à côté de lui, une sorte de sandwich… ou de brioche... en bouche, et il regarde à gauche et à droite tandis que des voitures leurs passent juste devant. 

 

Ils sont juste devant un passage piéton qui traverse l'artère principale de Santa Barbara longeant la mer, qu'M.T. n'avait même pas remarqué tant il était dans ses pensées. 

 

L'odeur du sel le frappe de plein fouet, mélangée à celle des différentes épices et viandes qui sont en train de cuir et de frire dans la rue derrière eux.

 

M.T. baisse les yeux sur le bras de Lenny, sur sa main qui agrippe son sweat comme pour être sur que M.T. ne va pas se jeter sous les roues de la prochaine bagnole qui passe. 

 

M.T. lève l'œil sur Lenny, tiraillé. 

Il est incapable de savoir s'il ressent de la colere parce que c'est pas un gosse et qu'il a pas besoin d'être protegé par un putain de Vagos, s'il est amusé parce que Lenny peut pas s'empecher de faire ce genre de choses, meme pour M.T .; ou s'il est destabilisé. 

 

Vu la façon dont son estomac se tord, il sait que c'est la dernière option, mais il préfère l'ignorer. N'importe quoi, frère. 

 

Il baisse un peu la tête, se camoufle à nouveau de la vue du reste du monde, et il lève sa main libre pour attraper celle de Lenny contre son estomac. Il l'abaisse et la place bien entre ses jambes. 

 

La réaction de Lenny est immédiate; il la retire comme s'il venait de se brûler, en regardant M.T. avec de grands yeux scandalisés. On dirait un hibou, avec son pain fourré dans la bouche. 

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"Tu veux pas me tenir par les couilles non plus ?" ronronne M.T. avec un sourire en coin, puis il lui propose sa propre main en remuant doucement ses doigts gantés, "Ou m'aider à traverser peut-être ?" 

 

Lenny lui frappe aussitôt l'épaule, avec force, et M.T. rit, parce que ça frustre Lenny encore plus et il traverse à grand pas, sans lui. 

 

Dommage, M.T. se prend à penser. Il fronce le sourcil. 

Dommage de quoi ? 



Il traverse à la suite de Lenny, même si la distance se creuse entre eux. Il fixe sa nuque, de loin, alors que Lenny s'engage sur la plage.

Lenny a une drôle façon de marcher, pense M.T., alors que ses yeux se perdent sur le reste de son corps. Il peut déjà entendre Liam râler que lui n'est pas mieux avec sa démarche de paresseux trop fier. 

 

La pensée lui tord l'estomac, désagréablement. 

 

Lenny s'arrête, au milieu du sable, assez loin de l'eau. M.T. le rejoint et le bouscule légèrement quand il le dépasse. Il continue à marcher vers la mer, et après quelques pas il jette un œil par-dessus son épaule pour sourire à Lenny d'un air mutin. 

Sans raison.

Il aime juste trop faire chier Lenny. Ça va vite devenir son "nouveau" passe-temps favori.

 

Et comme Lenny ne se laisse jamais faire - il lui fait un doigt d'honneur - M.T. continue. 

 

M.T. se détourne à nouveau pour aviser la mer calme devant lui. Les remous sont lents, paresseux, eux aussi. 

 

Il décide d'enfin goûter ce qu'il y a dans sa barquette, et il s'avère que c'est du poulet avec des morceaux de tortillas et pleins d'autres trucs. C'est vachement bon, pour un petit-dej. 

La barquette ne fait même pas la taille de sa paume mais elle déborde de bouffe. 

Ça n'empêche pas M.T. de la finir en quelques secondes. 

Il se rend compte qu'il est affamé, parce qu'ils ont pas graillé depuis hier. 

 

Lenny l'a habitué à le gaver comme une oie avec la nourriture de sa daronne. 

 

Comme par réflexe il presse une main contre son ventre et grogne. Pourquoi les muscles c'est si chiant à gagner et si facile a perdre ?

 

Des pas prudents s'approchent, lentement. 

 

"J'aime pas la mer." marmonne Lenny. 

 

M.T. est encore pris de court par cette déclaration. 

 

"Okay, mec." 

 

Lenny arrive à sa hauteur et claque sa langue contre son palais. "J'essaye de faire la conversation, fais un effort non ? Oh."

 

"Quoi, tu sais pas nager, c'est pour ça que t'aimes pas la mer ?" 

 

"Quoi ? N'importe quoi, ta gueule."

 

"Attends sérieusement frère tu nages pas ?" 

 

Lenny sort son cran d'arrêt de sa poche et joue avec, l'expression particulièrement neutre derrière ses lunettes de soleil. 

 

M.T. sourit en coin. 

Il sourit beaucoup, ce soir. 

 

"Si tu veux te battre, fais-le à la loyale, Vagos." 

 

L'appellation glisse sur sa langue comme une insulte, c'est voué a être comme ça entre eux, même quand M.T. essaye de rester bon enfant. 

Mais l'insulte ne semble pas effleurer l'autre homme. 

 

Il range son cran d'arrêt et se tourne vers lui pour l'aviser par-dessus ses lunettes. Puis il croise les bras sur son torse et lève une main. 

 

"Un, tu sais que j'ai aucun remords à frapper les grands brûlés quand ils jouent aux cons; deux, par contre moi j'suis pas con, connard, une gifle et tu m'envoies voler. Tu m'prends pour un bleu ou quoi ?"

 

M.T. sent son ego faire des loopings, fragile une seconde, puis gonflé à bloc la suivante. 

 

C'est sa poitrine qui gonfle quand il se redresse de toute sa hauteur. 

Il ne fait jamais qu'une tête de plus que Lenny mais ça le rend fier comme un paon. Comme le fait que Lenny reconnaisse sa force physique.  

 

Ce genre de conneries, il s'en fout d'habitude. 

 

"Au moins tu l'reconnais refré." Il répond, et comme Lenny soutient son regard, M.T. a la terrible envie de le lui faire baisser, d'effacer cette confiance sur son visage. Mais il a aussi envie que Lenny continue à lui tenir tête. 

 

M.T. a connu Lenny bien avant la descente de Forum Drive, mais il n'était jamais qu'une autre petite main d'un gang rival qui n'était même pas à la hauteur, à l'époque. 

 

Il l'a croisé, a échangé insultes et menaces avec lui plus d'une fois, mais ils n'étaient personne l'un pour l'autre. Pourtant, M.T. l'a vu évoluer, de loin, mais il l'a vu. 

Maintenant qu'ils sont quelque chose - ennemis jurés et destinés à se descendre l'un l'autre - il le voit, de près, et sous un jour différent. 

Les Vagos ont pris le dessus et Lenny est devenu tout ce que M.T. aurait dû être. 

 

Il l'a sauvé, s'est occupé de lui, et le protège. 

 

Une pièce manque au puzzle. 



Lenny renifle bruyamment. 

M.T. se concentre à nouveau sur son visage, et il remarque que le regard de Lenny se fait fuyant. 

 

"Quoi ? J'ai un truc sur le visage ?" dit-il en levant une main pour caresser sa cicatrice du bout de ses doigts gantés.  

 

Lenny laisse échapper un bruit entre un rire et un souffle en détournant la tête pour regarder la mer à la place.  

 

"Ça t'arrives souvent de fixer les gens comme si t'allais les bouffer ? C'est quoi comme technique d'intimidation ça." 

 

M.T. pourrait se sentir gêné, prit la main dans le sac, mais il est beaucoup trop intrigué par la réaction de Lenny. 

 

Il s'approche d'un pas et sourit en coin, "Ça t'gêne ?" Il sait qu’il surplombe Lenny comme ça, il espère que c’est menaçant, suffoquant, et que Lenny va rapetisser et céder. 

 

Lenny lève les yeux juste une seconde pour l'aviser, sur ses gardes, toujours, mais il jauge toujours très rapidement la situation, et il sait que M.T. cherche juste à le faire chier, encore. 

 

"Ouais, t'es gênant, les gens vont finir par croire que t'es amoureux, dugland." 

Il ne cède pas.

 

C'est au tour de M.T. de rire en soufflant du nez. "T'aimerais."

 

"Non merci."

 

"C'est toi qui fait la pucelle parce que j'te regarde, mon frère, j'pense que personne pensera que j'suis celui qu'est amoureux, la."  

 

"J'vais te casser la gueule si tu continues." 

 

"Drôle de façon de montrer ton amour, j'plains tes exs." 

 

"Ferme la."

 

"Ou quoi ? Tu vas me planter et m'abandonner sur cette plage après tous ces efforts pour que j'me retrouve devant toi aujourd'hui ?"

 

Ca sort de nul part, même M.T. se fait la réflexion, et il regrette ses paroles parce qu'il sonne vraiment peu assuré. 

 

Lenny semble se refermer d’un coup, comme toutes ces fois où M.T. dépasse les bornes. 

 

Il lui jette un dernier regard avant de s'éloigner en direction de la ville. 

M.T. sent la frustration le gagner, qu'est ce qu'il fout, putain ? Tout se passait bien, à peu près, ce connard de Vagos essayait même d’être agréable. 

Pourquoi ça l'énerve autant, de voir Lenny s'en aller sans s'arrêter ni plus lui lancer un seul regard ?

 

Ça lui rappelle un souvenir vraiment mal venu.

 

Liam et Marcello, qui s'éloignent, sous la pluie, dos à dos. 



M.T. sent une rage incontrôlable le saisir et il balance soudainement sa barquette sur le sable en grognant de frustration. "Putain !"

 

Ça ne sert à rien d’essayer, pourquoi est-ce que Lenny s'entête, même ? Jamais un chien et un chat ne pourront s’entendre, c’est dans leur nature, voués à se détester et à se chasser l’un l’autre.

 

Peu importe combien Lenny essayera de se battre contre leur destinée, M.T. sait que ce sera en vain. Un Families et un Vagos ne pourront jamais devenir amis, ils seront toujours amenés à s'entre-tuer.

 

C’est inévitable.




Notes:

Magnifique petit comic par Norpad

Chapter 9

Notes:

Dans le chapitre precedent :

Lenny et M.T. sont a Santa Barbara et recuperent de leur course poursuite contre Marcello.

Daniel a finalement eut son rendez vous avec Antoine sur AC, pendant que Donatien boit sur le canapé du salon.

Je me souviens plus du reste deja donc voila mdr 🖐🏼

Chapter Text

Lenny; Jeudi, 11h56:

 

4 jours.

Ils sont restés 4 jours, à Santa Barbara, avant que Lenny ne reçoive un sms de Haylie qui lui donne le top.

 

Le top, c'est le signal pour lui annoncer que les verts quittent la ville. 

Le top, c'est le moment pour Lenny de bouger avec M.T.

 

Tant mieux, parce que Lenny étouffe. 

Il fait encore plus chaud qu'à Los Santos, mais surtout, M.T. et lui s'évitent, alors il s'ennuie vite. 

 

Lundi soir, Lenny est venu toquer à la porte de sa chambre juste pour voir s'il était encore là, et après quelques longues secondes d'un silence gênant à se regarder dans les yeux, Lenny est retourné dans sa propre chambre. 

 

Il a déjà oublié pourquoi il lui donne le traitement du silence, mais s'il y a bien une chose que Lenny est, c'est borné.

Même s'il pardonne vite - trop vite, aussi. 

 

Ce matin, après 3h de trajet sur leur Sanchez en direction de Montero, Lenny s'est arrêté à un Diner près de l'autoroute. 

Ils avaient roulé en silence, M.T. agrippé aux rampes d'accrochage derrière son siège, un espace calculé entre eux qu'il n'arrivait pas à maintenir entre leurs cuisses. 

 

A chaque fois qu'il accélère, M.T. serre les cuisses autour de lui, c'est presque déstabilisant. Et drôle. Un peu.

Parce que... M.T. a toujours l'air si solide, même maintenant.

 

Ils sont allés faire du shopping le troisième jour - enfin, Lenny y est allé, et il est tombé sur M.T. dans la meme putain de boutique. C'était presque comique. Lenny ressortait de la cabine pour se regarder dans le miroir à pleins pieds au moment où M.T. faisait de même. 

 

M.T. s'est rhabillé en vert, du coup juste pour lui tenir tête, dans cette petite guerre silencieuse, Lenny a changé de tenu et remit du jaune. 

 

Il porte une casquette, jaune, une chemise, jaune, qu'il garde ouverte, et un pantalon qui s'apparentrait a du cuir, et des tongs, parce que ca lui manquait un peu et qu'il fait chaud. 



Ils entrent dans le Diner et Lenny retire sa casquette, même si ses cheveux ne sont plus du tout aussi bien coiffés qu'avant. Il a la même coupe, mais il ne prend plus le temps de les plaquer en arrière avec du gel. 

 

Lenny se demande comment M.T. supporte la chaleur, alors qu'il porte un putain de beanie vert foret sous sa nouvelle veste vert pastel et son jogging en coton blanc qu'il remonte sur ses mollets pour exhiber ses nouvelles nikes montantes, vertes elles aussi. 

 

Tout ça pour la discrétion. 

 

Ils sont vraiment des cibles ambulantes tous les deux. 

A ce stade, M.T. doit avoir compris qu'ils sont le ver au bout de l'hameçon qui sert à pêcher le gros poisson.

Surtout que deux chefs de gangs en mouvement, ça n'attire pas que l'attention de Liam et ses gars. 

 

Forcément. 

 

M.T. est celui qui lui a signalé, d'une pression de ses cuisses contre les siennes, la voiture pas du tout discrète, rouge, qui les suivait, quelques minutes après leur départ de Santa Barbara. 

 

Elle les a filé pendant plus d'une heure, jusqu'à ce qu'elle ne se retourne sur l'autoroute en défonçant quelques poteaux en plastiques qui séparaient les deux voies. 



M.T. s'assoit lourdement sur l'un des canapé du box le plus éloigné de la porte d'entrée. Dos au mur. 

 

Lenny hésite avant de s'asseoir à côté de lui. 

Ils ont le même réflexe, après tout, de ne jamais tourner le dos à de potentiels ennemis. 

Le souvenir de M.T. qui descend de leur moto pour s'avancer vers Marcello dans toute sa fierté, en laissant Lenny, armé, derrière lui, lui revient soudainement.

 

Le souvenir de M.T. qui s'avance vers les remous calmes de la mer de Santa Barbara, qui se retourne juste pour lui sourire, une invitation à continuer leur petite déconnade comme s'ils avaient fait ça toute leur vie, lui revient aussi. 

 

Et un dernier souvenir remonte, toujours, un souvenir qui le brûle, où M.T. ferme les yeux pendant que Lenny frotte sa peau et que l'eau glisse contre la porcelaine de la baignoire pour disparaître en tourbillon dans le siphon. 



Il se laisse tomber à côté de M.T. sur le siège rembourré, et leurs genoux se cognent, leurs épaules aussi. 

M.T. ne fait aucun effort pour prendre moins de place.

Il exsude une chaleur presque suffocante. 

 

Lenny ne compte pas céder à cette bataille territoriale silencieuse. Il croise les bras sur son torse, espère prendre plus de place mais son biceps se presse contre un mur de muscle. 

 

Ça l'énerve un peu de pas réussir à faire bouger M.T., et en même temps, ça le frustre, parce que c'est ridicule et qu'au fond, ça le fait rire. 



Il lève sa main gauche pour attirer l'attention d'une serveuse qui arrive aussitôt, ses grands yeux bleus curieux se fixant aussitôt sur la capuche d'M.T.

 

"Bonjour, qu'est ce que j'vous sers ?" 

Elle a la voix qui peine à se faire entendre, Lenny parie que c'est une fumeuse de très longue date. 

 

"Je sais pas vous avez quoi ?" 

 

La femme detache son regard d'M.T. pour le poser sur Lenny, et glisser aussitôt sur son torse et ses tatouages. Il lui donne 10 minutes pour appeler les keufs. 

Pas qu'ils puissent arriver vite, ici, c'est un Diner paumé sur le rebord d'une route encore plus paumée qui longe l'autoroute en direction de San Francisco. 

 

"On fait des brunchs 24/24 sauf le mardi, vous avez d'la chance. Sinon aujourd'hui on a un spécial H, haricots, harengs fumés, hot dogs, et en dessert une tarte au sucre." 

 

Elle se détend alors qu'elle récite l'horrible menu que le Diner sert. 

 

"Puis sinon c'est à la carte mon chou." 

 

Lenny se hérisse au surnom. Pourquoi est ce que cette femme est un cliché ambulant des serveuses des années 80, avec ses grosses boucles de permanente et ses sourcils dessinés au khôl ? Il laisse passer, parce qu'il est en train de négocier. 

Un petit jeu silencieux, avec à la clé une promesse de se tenir tranquille, des deux côtés. 

 

Il se force à sourire, et à jouer de son charme, même s'il est vraiment mauvais à ce jeu là. 

 

"On va prendre le brunch, pour deux, avec du café." 

 

Il donne un coup de coude a M.T., qui grogne d'approbation - du moins il l'interprète comme ça. 

 

"Ouais, deux cafés. Et pis vous avez qu'à en rajouter un pour vous ma p'tite dame, hm ?" 

 

La serveuse lui sourit avec délice, le regard beaucoup moins curieux. Elle dépose un papier devant Lenny puis se détourne et s'éloigne, enfin. 

 

Le silence pèse, presque plus confortable que l'idée de devoir se parler. 

 

Lenny se triture l'esprit, il essaye de trouver comment briser cette glace qu'il a laissé s'installer parce que M.T. est un abruti et que lui-même est… Lui-même. 

 

Au moment où il se tourne vers M.T., M.T. se tourne vers lui et se penche en avant, une expression déterminée sur le visage. 

 

"Dis moi la vérité."

 

Pendant une seconde, le visage de M.T. est si proche qu'il peut voir les éclats verts dans son iris gris. 

 

Il peut voir les quelques rides légères au coin de son œil.

 

"On va où, Lenny ?"

 

Lenny déglutit et détourne le visage, juste pour ne plus avoir à faire face à celui de M.T. 

Il le sent le regarder, encore, même s'il est de profil maintenant. 

Ça le rend peu sûr de lui. Est ce qu'il a un double menton ? 

Est ce que son nez est bizarre ?

 

Est ce que M.T. peut arrêter de le dévorer du regard aussi intensément, à chaque fois ?

 

Lenny regarde droit devant lui, mais tout ce qu'il voit c'est M.T. dans sa périphérie. 

 

"Je sais pas. J'pensais visiter le pays."

 

"Tu sais pas refré. Tu m'traines dans ta merde et tu sais pas ou tu vas." 

 

M.T. se recule et lève un bras pour le poser sur le dossier de la banquette. Lenny sent la chaleur que dégage sa main juste derrière sa nuque. 

 

"T'es le pire chef de gang que j'ai jamais vu."

 

"C'est toi qui parles ?" Siffle Lenny.

 

"Justement, frère. Pose toi des putains de questions. Comment t'as réussi à tenir et à réussir si longtemps ? J'vais finir par croire que c'est ton bras droit qui t'portais."

 

Lenny frappe sur la table du poing, "Ta gueule." 

 

Il voit quelques clients leur lancer un regard en coin, et la serveuse qui plisse les yeux. 

 

Lenny inspire longuement, ferme les yeux et porte une main à son visage pour se pincer l'arête du nez.

 

"Okay, okay. J'admet, j'ai rien préparé. J'avais qu'une idée en tête, c'était de m'barrer de la bas."

 

M.T. le fixe toujours. Il attend que Lenny continue. 

 

Lenny soupire à nouveau, et il tourne la tête pour l'aviser. 

Hah. M.T. a un petit double menton. 

 

"Tu veux la vérité ? J'essaye d'éloigner tes gars des miens. Ils m'ont prit Miguel, déjà, et je vis avec la peur perpétuelle de pas réussir à protéger les autres. Quand Devon est tombé j'ai vrillé. J'avais un plan, un vrai, j'allais t'emmener au Mexique, te laisser avec mes gars la bas, revenir, m'occuper de Liam, et te faire revenir. Ou pas, peu importe ce que t'aurais voulu faire. Alors maintenant, la seule chose que j'peux faire c'est laisser Liam et Marcello nous renifler juste assez pour que mes gars soient en sécurité et aient le temps de se préparer. Voila. Tu l'as, ta vérité, trou du cul."

 

M.T. sourit en coin, toujours aussi tordu même si la peau brûlée est lisse au coin de ses lèvres. 

 

"Bah voila ma p'tite tarte au citron. Tu vois ?" Une main brûlante se pose sur sa tête et frotte ses cheveux. Qu'est ce qu'il est, un chien ?! "Quand tu veux, tu peux." 

 

Lenny frappe le poignet de M.T. pour le faire arrêter, mais la main de M.T. glisse dans sa nuque, a la place, et il l'attire soudainement en avant. 

A nouveau, Lenny peut voir les flocons de vert qui parsèment le gris de l'œil de M.T.

 

"C'était de la connerie, mais j'comprends ton mouv, Vagos. J'dis pas que j'aurais fait pareil, mais peut-être bien que si. Maintenant on va pouvoir réfléchir à où on va les attirer, en espérant que Lili morde à ton hameçon." 

 

"C'est toi, l'hameçon." Lance Lenny sans réfléchir, et M.T. sourit un peu plus. 

 

Il le lâche, parce que la serveuse arrive avec une multitude d'assiettes et une carafe de café qu'elle a réussi à balancer parfaitement entre ses deux mains. Elle leur sert deux tasses, puis leur sourit d'une drôle de manière, "Ça sera tout mes jolis ?"

 

Lenny sent M.T. gronder à côté de lui, mais il sourit a la serveuse, et lui demande, "Dites, vous auriez pas une carte routière ?" 

 

"J't'emmène ça mon beau." 

 

Elle repart et M.T. gronde encore, mais il se sert et commence à manger. Ou plutôt à dévorer sa nourriture. 

 

Lenny meurt de faim aussi, il a l'impression de n'avoir rien bouffé de vraiment consistant depuis qu'ils ont quitté la maison de sa mère. 

 

La serveuse revient pour déposer la carte devant eux sans un mot quand Lenny commence a lui aussi attaquer sa nourriture. 

C'est gras, c'est lourd, mais c'est bon, et c'est exactement ce dont il avait besoin. 

 

M.T. attrape la carte avec ses doigts gras et la tire vers lui. Il la déplie comme s'il avait fait ça toute sa vie. 

La carte est une carte de la Californie. Elle est immense, très détaillée, prend toute la place sur la table. 

 

"Tu vas en foutre partout abruti." Marmonne Lenny. M.T. l'ignore, cherche dans ses poches, en vain. 

 

"T'as pas un stylo refré ? Sinon va falloir mémoriser."

 

"On va mémoriser, va." 

 

"T'as intérêt."

 

"Connard."

 

"Suce ma bite."

 

"Ta gueule."

 

M.T. rit et s'enfile une tranche de bacon avant de glisser son doigt sur un endroit de la carte. 

"On vient de là, et on est allé là. Logiquement on devrait continuer tout droit jusqu'à San Francisco. Si c'est ce que j'pense, c'est ce que Liam va penser. Mais il va aussi penser qu'on va dévier pour le semer. Donc c'est exactement c'qu'on doit faire."

 

Lenny regarde la carte avec intérêt, en tartinant un bagel avec une espèce de crème distraitement. "Faut faire ça juste avant une grande ville alors. Genre, la. C'est quoi ?"

 

"Monterey. On a qu'a sortir de Cali par le Nevada."

 

"Tu crois vraiment que c'est une bonne idée d'aller dans le désert et de leur offrir de nous y descendre sur un plateau d'argent ?" 

 

M.T. baisse les yeux sur lui, et hausse son épaule droite. "J'ai toujours voulu faire la route 66 de L.A. à Chicago, j'me suis dit qu'on pouvait joindre l'utile à l'agréable, t'en penses quoi refré ?" 

 

Lenny lève les yeux au ciel. "Agréable, avec toi ?"

 

Il se penche sur la carte. "On devrait éviter les grandes villes non ?" 

 

"Tu veux qu'ils nous suivent non ? Faut que des gangs nous voient. C'est pas dans la campagne de l'Utah que des mecs vont se faire passer le mot." 

 

"J'utiliserais ma carte bleue, sinon."

 

"Nan, c'est cramé si tu fais ça. T'es pas n'importe qui, ils sauront que tu les appâtes si c'est trop évident." 

 

Lenny pose son coude sur la table et sa joue contre sa paume. Il regarde M.T. avec un petit sourire. 

 

"Tu veux quoi, baisse les yeux frère." M.T. s'énerve, en déviant le regard. 

 

"J'aime bien quand t'admet que j'suis l'meilleur c'est tout." 

 

"J'ai jamais dit ça mon frère mets pas des mots dans ma bouche."

 

"Si si, tu l'as dit." 

 

M.T. préfère enfourner des pommes de terre dans sa bouche plutôt que de répondre. Il regarde les rebords de la carte sans vraiment la voir. 

 

Lenny continue de le regarder. 

C'est drôle de voir M.T. à sa place, frustré, et incapable de répondre a ses taquineries. 

Quelque chose gonfle en Lenny, alors que M.T. lui lance un regard en coin. M.T. lui balance un morceau d'œuf dessus mais il tombe entre ses jambes puis sur le sol dans un bruit peu ragoutant. 

 

"T'es un idiot, Twain Logan."  

 

M.T. souffle par le nez dans un petit rire ironique. 

 

Lenny rabaisse son bras et baisse les yeux sur la carte à son tour. Il veut lui dire quelque chose et c'est trop dur a dire en le regardant. 

 

"J'aurais dû t'en parler avant." 

 

C'est aussi proche de désolé que ce Lenny puisse donner. Il doute que M.T. comprendra, vu comme ils sont incapable de communiquer. Mais bon.

 

"T'aurais dû, mais comme j't'ai dit, j'comprend pourquoi t'as fait ça. J'sais pas si ça peut te consoler mais j'ai jamais demandé à Lili et Luigi de s'en prendre à Miguel. J'suis pas sûr que ce soit eux, honnêtement, mais si c'est des verts ils prendront la responsabilité." 

 

M.T. se redresse et passe à nouveau son bras derrière Lenny sur le dossier de la banquette. 

 

"Tu peux m'promettre un truc ?" 

 

Lenny acquiesce sans réfléchir, le regard de M.T. se fait encore intense sur lui, et Lenny veut le fuir. 

 

"Quand Liam nous trouvera, t'interpose pas." 

 

Lenny sait parfaitement ce que M.T. veut dire par là. 

Si Liam me trouve, laisse le finir le travail. 

 

Lenny pioche une pièce de bacon dans l'assiette face a M.T., puis il récupère la carte et la plie, toujours sans le regarder. 

 

"On verra."



//

 

Tim; Jeudi, 16h29 :



C'est un cauchemar. 

Ça fait des jours qu'il est là, dans cette cellule qui pue la pisse, sans avoir le droit de voir quiconque sauf son avocat.

 

Il a de la chance d'être friqué, et d'avoir décroché le meilleur avocat de Los Santos. Il a évité le pénitencier en attente de l'évaluation du dossier. 

 

Une personne aurait cité son nom comme étant la dernière personne à avoir vu Devon, et ses empreintes auraient été trouvées partout sur la scène de l'accident. 

Tim sait que c'est Madame Joséphine mais il ne lui en veut pas. Elle ne savait surement pas que la police allait enfermer Tim dans une cage comme un chien galeux. 

 

Et puis Tim s'en fout. Tout ce à quoi il pense, c'est Devon. 

Chaque jour il prie, à genoux devant le lit qui n'est qu'une planche de métal avec une couverture sale posée dessus. Il prie pour que Devon se réveille, pour que Devon s'en sorte sans séquelles. Il prie pour Joséphine, pour qu'elle dorme, sans cauchemars, et il prie pour lui-même. 

 

Ses prières ont surement été entendues, parce que ce matin, en pleine nuit, Devon s'est réveillé.

La première chose qu'il a demandé, c'était Tim. 

 

C'est son avocat qui lui a dit ça. Il lui a aussi dit que Devon avait immédiatement demandé à faire sa déposition même si les médecins le déconseillaient, quand il a appris que Tim était en cellule, en attente de la mise en examen. 

 

L'avocat a raconté à Tim que Devon avait affirmé que Tim ne pouvait pas avoir tiré sur lui, parce que Tim se trouvait en face de lui, à quelques mètres, à ce moment-là. Devon a affirmé avoir eu Tim en visuel en face de lui, de dos, au moment où on lui a tiré dessus. 

 

Du coup, le dossier a pris une tournure différente. Grâce à ce témoignage direct de la victime, Tim peut recevoir des visites, et il a été informé qu'il serait relâché lorsque les médecins auront testé la fiabilité du témoignage. 

 

Tim n'a pas été excité par la nouvelle. 

 

Soit Devon n'a pas toute sa tête, soit il a menti. 

Tim est arrivé à droite de Joséphine, qui elle-même était derrière Devon. Ils avaient évolué en chevron, même si Joséphine aurait dû être devant Devon, mais Devon était plus rapide, s'était dit Tim. 

 

Tim se demande pourquoi Devon a menti. 

Tim n'a pas tiré sur Devon; les preuves auraient fini par le prouver. 

 

"Monsieur Lambert ? Ah, Tim, c'est toi. Bon sang j'arrive pas a croire que tu sois encore ici… Tu sais Lindsay elle m'a dit, mais moi j'y croyais pas."

 

Tim se lève de son banc qui lui sert de lit et se dirige vers les barreaux de sa cellule. Devant lui, un visage familier. "Tu es le stagiaire. C'est bon de voir le toi, j'ai vu que les agents qui parlaient pas a le moi sauf pour me le engueuler…" 

 

"Tu peux m'appeler Julien tu sais, après tout ce qu'on a vécu. Je sais, c'est pas cool, mais on avait pas le droit de descendre en cellule, ordre du capitaine. Tu sais qu'on a un nouveau capitaine ? Un gars qui était parti en congés santé après le truc avec les Families. Enfin tu vois peut être pas, mais du coup c'est plus le iench. Et le capitaine et son équipe la, ils rigolent pas hein ! Le commissaire on le voit plus depuis qu'il est là…" 

 

"Eeeuw, Julien, est ce que tu venais dire quelque le chose a moi ?" Le coupe Tim, même s'il aimerait continuer à discuter avec lui, juste parce que ça fait des jours qu'il reçoit le traitement du silence et que la seule personne qui lui parle, c'est son avocat. 

 

"Ah oui, ohlala t'es pressé toi. Je venais te dire que t'as une visite, et c'est pas ton avocat. On va t'emmener en salle de visite, mais faut que j'te passe les menottes, enfin, tu connais maintenant." 

 

Tim n'arrive pas à répondre. 

Son cœur bat la chamade, parce qu'il sait exactement qui l'attend dans la salle de visite. 

Il tend ses mains sans plus hésiter pour que Julien lui enfile les menottes. 

L'officier continue à parler, mais Tim ne l'écoute pas. 

Il le suit, dans le dédale de couloirs du commissariat, et il répond avec des onomatopées peu engagées à chaque fois que Julien finit sa phrase par "Tu vois ?" 

 

Son coeur bat plus vite et plus fort a chaque mètre qu'il franchit, et quand il arrive devant la porte, enfin, et qu'il voit ce visage familier par la fenêtre de la porte, Tim manque de s'évanouir. 

 

"... et je vais te démenotter, mais tu seras fouillé en revenant en cellule ok ? Essayez de pas trop vous déshabiller, c'est déjà arrivé et on a dû euh, enfin tu vois quoi. A tout à l'heure Tim." 

 

Tim ne répond même pas, le moment où les menottes glissent de ses poignets, il pousse la porte et se met a courir vers la personne qui se tient là, debout au centre de la pièce. Tim sent les larmes monter. 

 

"Fab !" 

 

"Tim…" 

 

Les bras de Fab se referment autour de lui avec force, et la seconde suivante, ses lèvres se pressent contre les siennes. 

Tim a l'impression de retrouver la chaleur qu'il avait perdu ces derniers jours. 

Ses mains sales et égratignées attrapent le visage de Fab pour le garder tout près, alors qu'il l'embrasse de toutes ses forces. Les lèvres de Fabien sont une bouteille d'oxygène, Tim les mords doucement et les lèchent comme pour y récupérer son souffle. 

 

"Doucement minot…" murmure Fab entre deux baisers, "Doucement." 

 

Ses mains agrippent les hanches de Tim pour le repousser légèrement. "Laisse moi te regarder." 

 

"Pardonne le moi, c'est juste…" 

 

Fab lève une main et glisse ses doigts dans les cheveux toujours si bien coiffés de Tim. Il caresse son visage, prends son menton entre deux doigts et l'embrasse à nouveau, du bout des lèvres. "T'as l'air épuisé Tim… Dès que tu sors, tu viens chez moi, et je m'occuperais de toi, okay ?" 

 

Tim acquiesce, parce qu'il est épuisé, et qu'il veut se perdre dans les bras de Fab, il veut le retrouver, se retrouver lui-même, mais le rire de Devon tinte dans son esprit comme la clochette d'un rappel à la réalité. 

 

"Non, attends, il faut que je aille chercher le Devon. Il faut que je vois lui, Fab, il a dit à le police que…" 

 

Fab l'embrasse à nouveau, avale ses mots. 

Tim sent la frustration gonfler légèrement en lui, mais Fab enroule ses bras autour de ses épaules pour l'attirer dans une étreinte étroite. 

"Je sais, Tim. J'étais avec lui, juste avant." murmure t-il tout contre son oreille. "Tim, va falloir se la jouer pro. Tu te tiens a sa version des faits, hein. Il a quelque chose a te dire mais il peut pas faire ca n'importe ou."

 

Tim sent un frisson d'effroi lui parcourir l'échine. Il imagine très bien ce que Devon va lui dire. 

 

Devon sait probablement qui lui a tiré dessus. 

 

Tim comprend mieux son mensonge. 

 

"Eukay… Est ce que tu dois le partir déjà ?" Tim demande en agrippant le haut de Fab comme pour l'en empêcher. 

 

Fab sourit, "Non, t'inquiètes, mais… On m'a pris mon tazer."

 

Tim le regarde avec quelques secondes d'incompréhension, puis il pouffe de rire, même si l'appréhension et la curiosité le grignotent de l'intérieur. 

 

"Je suis le triste, j'aurais bien aimé taser le toi, tu vas devoir le attendre encore…"

 

Ils s'assoient tous les deux, mais Fab prend sa main et entrelace leurs doigts. "Va falloir me distraire maintenant. Raconte-moi comment ça va, tu tiens le coup ?" 

 

Tim veut lui demander à propos de Devon plutôt, mais il a compris le message : mieux vaut ne pas en parler ici.  

 

"C'est le terrible, je peux le doucher que dans le douche avec les autres détenus, et le lit est inconfortable, le food est disgusting aussi, mais c'est le pire de pas le pouvoir parler avec les amis de moi." Tim soupire, serre la main de Fab plus fort. Sa chaleur le réconforte, il n'a pas envie de retourner dans sa cellule miteuse. "Tu sais que y a le nouveau pouleys partout, et ils sont vraiment pas sympa comme le équipe qu'il y avait à le LSPD pendant le vacances. C'est le bizarre non ?" 

 

Fab semble réfléchir, il regarde alentour comme pour s'assurer que personne ne les écoute. "Tu sais quoi, je m'suis dit la même chose, Tim. Et Bill m'appelle plus. Même quand j'étais en France, il a arrêté de m'envoyer des sms d'un coup. C'est bizarre, mais j'pense pas qu'on puisse y faire quoi que ce soit. J'voulais en parler à Miguel, mais il dort toujours."

 

Les derniers mots de Fab sont prononcés avec une émotion mal contenue. 

Tim sait que ce sujet met Fab dans tous ses états, ils en ont longuement parlé quand Fab est revenu, durant leur première nuit ensemble. 

Ils n'ont pas fait que parler bien sûr, ils se sont découverts, se sont beaucoup tasés, mais au bout de la nuit, ils continuaient à discuter, de la raison pour laquelle Fab était rentré, et de la raison qui l'a poussé à revenir bien avant la date prévue. 

 

"Tu peux appeler Haylie no ?" 

 

Le regard de Fab se pose dans le sien. "Je lui demanderais des infos, oui."

 

C'est une réponse bien brève pour Fab. Tim se souvient de ce que Fab lui a dit, à son sujet. Ils ont eu une longue discussion téléphonique, la veille du départ de Fab pour la France, durant laquelle Haylie lui a expliqué que Fab avait mal interprété ses sentiments, et qu'elle voulait être sûre que Fab comprenne qu'il était un très bon ami. Cette discussion avait fait suite à des messages inhabituellement agressifs de la part d'Haylie qui lui reprochaient d'être parti alors que Miguel venait de tomber dans le coma. 

 

Fab avait eu beaucoup de mal à s'en remettre. 

 

Tim ne savait pas comment se placer dans cette histoire, alors il a simplement offert un soutien électrique à Fab. 

 

Ca lui avait fait du bien, alors Tim était satisfait. 

 

"Tu m'as manqué, Tim."

 

"Toi aussi, le Fab. J'ai vraiment hâte de sortir de le ici."

 

Il caresse la paume de Fab de son pouce, alors que la nervosité commence à monter. Il redoute réellement le moment où il devra lâcher cette main. 

 

"Ow, est ce que tu as les news de Joséphine ?"

 

L'expression de Fab change du tout au tout, et prend Tim de court. Son regard s'assombrit, et il regarde alentour à nouveau. "On en parlera quand tu rentreras, okay ?" 

 

L'estomac de Tim lui donne l'impression de soudainement peser une tonne. 

 

Oh




//



Donatien; jeudi, 23h31 : 



Donatien n'est pas un homme qui met souvent la main à la pâte. 

Disons qu'il sait travailler, il estime juste que ce n'est plus à lui d'accomplir les tâches ingrates. 

 

Seulement là, il en a besoin.

 

Les mêmes images tournent en boucle dans sa tête; Daniel, qui se tord et hurle le prénom d'Antoine, complètement sous le choc. 

Donatien n'a aucune idée de ce qui a provoqué cette crise de panique chez Daniel, il a cherché, longtemps, en vain. 

 

Le docteur Madame est arrivée très vite, quand elle a su qu'il s'agissait de Daniel. 

Donatien était au bord de la rupture, lui aussi, quand il s'est rendu compte que Daniel ne bougeait plus, ne répondait plus, et qu'il ne montrait aucun signe de vie autre que sa respiration et ses yeux, fixes et vitreux. 

 

Il lui a tapoté gentiment les joues, l'a supplié de parler, lui a même dit bisou, en face , mais rien n'a ramené Daniel a lui. 

 

Quand le docteur Madame est arrivée, et après avoir ausculté Daniel durant de longues, interminables minutes, elle lui a expliqué que Daniel avait subi un choc émotionnel si violent qu'il était entré en catatonie quasi complète.

 

Donatien n'avait aucune idée de ce que ça voulait dire, on aurait dit un nom de ville du sud de l'Italie. 

Docteur Madame lui a expliqué que Daniel ne répondait plus aux stimulis externes ou internes, qu'il était là, sans être là, et qu'il allait avoir besoin d'être surveillé.

 

Donatien lui a parlé du fait qu'il n'allait pas pouvoir assumer la tâche à 100%, qu'il avait des ventes, que le vin n'attendait pas, et le docteur Madame lui a sourit avec une compassion qui ressemblait à s'y méprendre à de la pitié. 

 

"On s'en occupera, Montazac, mais c'est important que vous soyez là pour lui, aussi, vous comprenez ?" Lui avait-elle dit, et Donatien ne comprenait pas, mais il avait un devoir envers ce Croute désormais. 

 

Même si, ce soir, il met la main à la pâte, et ça lui permet de mettre de l'ordre dans son esprit. 

 

Derriere lui, dans son camion Montazac & Torez, il y a une montagne de bouteilles vides qu'il remplit petit à petit de vin rouge, vin blanc, vin rosé et champagne selon le cru.

Il place ensuite les bouteilles pleines dans des cagettes, et il recommence. 

 

C'est manuel, mais c'est automatique, pas besoin de réfléchir. Il se vide la tête, même si certaines pensées parasitent ses gestes précis. 



La dernière chose que Daniel lui a dite, c'était le soir même, quelques heures avant sa crise. Il était debout, devant les baies vitrées, et il regardait le ciel étoilé, pour une fois. 

 

" Vous pensez qu'Antoine voit le même ciel que nous, M'sieur Donation ?

 

Il avait sa console en main, éteinte, pour une fois. 

Donatien avait déjà quelques verres dans le nez, mais il lui avait répondu avec panache, " J'en suis sûr, mon petit Daniel. Allez, viens manger un morceau ." 

 

Donatien ne regrette pas sa réponse, il le pensait, mais il regrette de ne pas avoir été sobre a ce moment-là, pour apprécier ce que sous-entendait réellement Daniel. 

 

Il regrette de ne pas avoir apprécié le fait que Daniel discutait avec lui. 



Donatien manque d'échapper une bouteille qu'il remplit juste un peu trop, alors il se sermonne lui-même, "Fais attention mon vieux, on pourrait croire que tu perds la main !" 

 

Il sort de ses pensées, se concentre. Il laisse la machine bouchonner sa bouteille, puis il se retourne, mais la bouteille lui échappe définitivement des mains et s'explose au sol lorsqu'il se retrouve nez à nez avec un mirage. 

 

"Bonsoir Donatien."

 

C'est forcément un mirage. 

 

"Toi…" 

 

Donatien a les chaussettes tachées de vin, et le verre craque sous ses claquettes lorsqu'il s'avance et attrape Joshua Cox par le col. 

 

"C'est toi !" Hurle t-il, alors que la colère s'empare des dernières miettes de sa sanité.

 

Cox sourit, il sourit toujours, dans les souvenirs de Donatien, quand il lui a demandé de briser les os d'Antoine, quand il l'a poussé à faire tomber Daniel dans le coma….

 

Cox sourit, et Donatien veut effacer ce sourire avec toute la violence dont il est capable. 

 

"Allons Donatien, je sais que t'es heureux de me voir mais emmène moi prendre un café d'abord–" 

 

Donatien ne peut pas s'en empêcher. Son poing part malgré lui, pour s'écraser contre la mâchoire de Cox. 

 

"Ou il est ??" hurle-t-il en levant le poing à nouveau. 

Cox rit, même s'il grimace, et il attrape son poing avec une facilité déconcertante. Il tire Donatien à lui, et l'enlace comme s'ils s'apprêtaient à danser une valse. 

 

"De quoi tu parles Donatien ? Je suis juste venu te faire un petit coucou. Pourquoi tu refuses de m'embrasser ? Allez, embrasse-moi."

 

Ça surprend Donatien qui titube vers l'arrière et le repousse d'un geste brusque. 

Il tire son bras vers lui pour briser tout contact entre eux comme le dégoût remplace la colère.

 

"Arrête, Cox, je sais que t'es pas homme à réfléchir hein, mais tu sais très bien de quoi je parle. Tu as encore enlevé Antoine ! Rends le moi !"

 

"Te le rendre ?" Cox écarte les bras. 

Il a l'air bien plus imposant qu'avant. C'est déconcertant, mais pas assez pour que Donatien ne perde le Nord. 

Il glisse une main dans la poche de sa longue veste, et son doigt appuie à l'aveuglette sur les touches qu'il connaît par cœur. 

 

Il a un raccourci sur son téléphone pour envoyer une alerte aux flics, a force de se faire kidnapper. 

 

"Antoine n'est pas un objet voyons, je pense qu'il a sa propre volonté. Je ne l'ai pas enlevé, Donatien, tu fais fausse route." 

 

Cox s'approche d'un pas, et Donatien recule. Leur danse ne se terminera jamais, il réalise. Il relève les poings, comme prêt à se battre.

 

"C'est ça, je ne te crois pas une seconde, Cox. Je te préviens si tu touches a un cheveux d'Antoine je te tuerais de mes propres mains, cette fois. Je le ferais !" Il titube légèrement.

 

Il essaye de se convaincre lui-même. 

 

Pourquoi les flics ne sont pas encore là ? 

Comment est ce que Cox est a pu venir ici si facilement, sans même que Donatien s'en rende compte ?

Est-ce que Donatien hallucine ? Il n'a quasiment pas bu pourtant…

 

"Ahh… Dona, Dona… Tu tiens a peine debout, regarde toi, t'es une épave." Cox avance encore, et Donatien recule mais son dos se heurte à la cuve de vin. Il aurait dû garder le taser que Fab lui a acheté. 

 

Bientot Cox n'est plus qu'à quelques centimètres de lui. 

 

Il pue l'eau de Cologne bon marché, la sueur et la cigarette. 

"T'avais l'air heureux pourtant, quand t'as adopté le deuxième Croute. Ça te suffit pas ? Vous avez l'air d'une vraie petite famille, avec lui et ton idiot d'associé." 

 

"Ta gueule, Cox. Où il est, Antoine ?" 

Donatien essaye de lui tenir tête alors que la colère et le dégoût se mue en une intenable tristesse parce que l'image de Daniel, éteint, apathique, qui regarde la porte de sa chambre sans même cligner des yeux, lui revient. Non, ils ne sont pas heureux. Loin de la.

 

Mais Cox est trop proche. Donatien frappe son torse et le repousse de toutes ses forces. Il ne lui cédera pas. 

 

"Allons Donatien. Pourquoi tu continues à me repousser ?" Demande Cox alors qu'il ne bouge pas d'un pouce. C'est devenu un vrai mur. Qu'est ce qui se passe ? "Toi et moi on pourrait conquérir le monde et être heureux tu sais ?" 

 

"Mais enfin qu'est ce que tu racontes Cox, tu te rends compte des conneries que tu debites ? J'ai appelé les flics, casse toi tant que tu le peux encore, parce que je te préviens, quand je te retrouverais, que je retrouverais Antoine, c'en sera fini de toi !" 

 

Cox recule d'un pas et le regarde avec une expression de pure délice.

 

"T'entends, Donatien ?" 

 

Donatien est surpris par le changement de conversation. Il tend l'oreille, même s'il veut continuer à essayer de lui soutirer des informations sur la location d'Antoine. 

Maladroitement.

Pathétiquement.

 

Ressaisis toi, Donatien. 

 

"J'entends rien, t'hallucines mon pauvre Cox."

 

"Exactement, tu n'entends rien, parce que les flics ne viendront pas, mon pauvre Donatien. Plus personne ne viendra plus. T'es tout seul mon bon Dona. Tu–" 

 

Alors que le sang de Donatien se met à cogner contre ses tempes avec violence, une voiture arrive soudainement, et défonce la grille du complexe. 

 

Cox sursaute, il jure violemment et se recule de plusieurs pas aussitôt alors que la voiture freine à quelques mètres d'eux, la gomme des pneus crissant bruyamment en laissant des traces sur le bitume. 

 

La voiture est jaune et noire.

 

Donatien est soulagé avant même que la portière ne s'ouvre. 

Haylie en sort, casquette a l'envers et uzi pointé droit sur Cox. 

 

"Tu bouges pas !" Elle hurle, mais Cox se met immédiatement à courir et passe derrière le camion pour disparaître ensuite derrière la barrière.

 

Donatien malgré le danger de la situation s'élance à sa poursuite, et il entend Haylie râler derrière lui alors qu'elle le suit.  

 

Cox a dû sauter par-dessus le muret qui délimite la zone du complexe, parce qu'il n'est nul part en vue.



"Merde !" crie Donatien en frappant du poing contre le béton du muret. Il regrette aussitôt. 

 

"Tout va bien ?" Haylie arrive à sa hauteur, elle a l'air épuisée, mais Donatien n'a jamais été aussi heureux de la voir. 

 

"Oui, merci, il est juste venue me faire sa… Parade nuptiale ou que sais-je." Marmonne t-il en secouant sa main.

 

Haylie le regarde, interloquée. 

 

Donatien secoue la main, "Cherchez pas, cet homme est fou. Comment… Qu'est ce que vous faites la ma petite Haylie ?"

 

La jeune femme regarde autour d'eux, s'assure que personne n'est la pour les epier ou pour les mettre en danger, peut être.

Son uzi est pressé contre sa cuisse, son poing ferme autour de son manche. Elle est aux aguets.

 

Quand elle pose son regard morne sur Donatien, elle a l'air encore plus fatiguée. "Le Jefe a quitté la ville pour une durée indéterminée. C'est moi qui assure votre sécurité maintenant. Je vous ai suivi en voyant que vous vous déplaciez, et j'ai bien fait visiblement." 

 

C'est beaucoup d'informations d'un coup pour Donatien. Il a une confiance absolue en Haylie, mais l'absence de Miguel et maintenant de Lenny ne le rassure pas, mais alors pas du tout. 

 

"Attendez… Ça veut dire que c'est vous qui vous chargez de la ville ? Toute seule ? Bon sang mais que se passe t-il à la fin ?" 

 

Haylie sourit légèrement. "Je suis pas seule, vous en faites pas. Vous avez terminé avec votre cargaison ? Vous voulez de l'aide ?"

 

"Toujours aussi serviable. Je vois pourquoi notre Fabien vous apprécie." 

 

Le silence lui répond, alors qu'ils se dirigent vers la cuve ou Donatien remplissait ses dernières bouteilles. 

Le verre éclaté au sol lui rappelle ce qu'il vient de se passer. 

 

Il fronce les sourcils, tandis que Haylie attrape une pleine cagette de bouteilles vides et s'évertue à les remplir rapidement. 

Donatien sort son téléphone et remarque que son appel au LSPD a été pris, mais il n'y a toujours personne. Et personne n'a tenté de l'appeler.

 

"Dites, pourquoi les flics ne sont pas venus ? Cox semblait savoir qu'ils n'allaient pas venir." 

 

Haylie hume, comme si elle réfléchissait à ce qu'elle allait lui dire.  

"Je pense que l'ancienne équipe est pas aussi intègre que la nouvelle. On a eu plusieurs personnes qui sont venues nous voir pour nous raconter que des flics les avaient malmenés, ignorés ou minimisés ce qui leur étaient arrivés. Je suis pas sûr de ce qui se passe, Boid nous a dit que l'équipe était sérieuse mais j'ai l'impression qu'il y en a qui sont corrompus - et pas par nous."

 

Elle se retourne vers Donatien, quatre bouteilles pleines et étiquetées parfaitement dans les mains. "On pense que c'est les Verts qui foutent le bordel. Mais ils peuvent pas être seuls, ils sont toujours pas aussi nombreux que nous." 

 

Donatien la regarde ranger les bouteilles et en attraper d'autres vides pour les remplir. 

"Les Verts ? Mais M.T. est mort, ils sont finis, pas vrai ?" 

 

Le silence lui répond à nouveau. Donatien sent une sueur froide couvrir son échine. 

"Ne me dites pas que c'est l'irlandais fou qui les dirige maintenant." 

 

Il vise clairement dans le mille, parce que Haylie ne répond toujours pas. 

 

"Et Lenny a décidé de quitter la ville ? Mais qu'est ce qui lui a pris ?!" 

 

"Vous en faites pas, on gère. Il ne vous arrivera rien, je vous le promets. On va s'occuper de retrouver le Croute, et tout va rentrer dans l'ordre." lui assure Haylie. Elle a l'air si sûre d'elle; malgré ses cernes, ses yeux brillent d'une lueur de détermination qui rassure Donatien aussitôt. 

 

Il acquiesce, tandis qu'elle étiquette les dernières bouteilles. 

 

"Et pour Cox, qu'est ce qu'on fait ?" 

 

Haylie porte la cagette pleine de bouteilles remplies comme si elle ne pesait pas une tonne, et quand elle saute du camion en se frottant les mains, elle sourit en coin. 

 

"On va lui tendre un piège, ça vous dit ?" 

 

Donatien sent une nouvelle flamme d'espoir et de motivation s'allumer en lui à ces mots.

 

"Et comment !" 

Chapter 10

Notes:

Chanson pour ce chapitre :

 

https://music.youtube.com/watch?v=RRxbaciC69A&feature=share

Si vous voulez boire en meme temps, prenez un shot a chaque fois qu'il est ecrit le mot "regard" j'vous garantis une bonne gueule de bois demain.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Lenny & M.T.; Vendredi, 13h43 : 



Il pleut.

 

Ça n'aurait pas été un problème si la pluie n'avait pas décidé de tomber au moment même où Lenny quittait le garage de l'hôtel un peu miteux du Cap Conception. 

 

Le nom de l'hôtel avait fait ricaner M.T., et Lenny avait mis des heures avant de comprendre pourquoi. 

 

Hotel Conception.

 

Ca l'avait fait rouler des yeux dans son lit. 

 

Ils avaient quitté l'hôtel après y avoir déjeuné, et cela faisait maintenant plus d'une heure qu'ils roulaient sous la pluie. 

Elle était fine et légère au début, et maintenant c'était une vraie giboulée qui les trempait jusqu'à l'os. 

 

Les mains d'M.T. sont sur ses hanches, probablement parce que la rampe du siège glisse. 

Lenny s'en tape.

 

Oh qu'il s'en tape.

 

Il s'en tape totalement, que les mains d'M.T. soient glissées sous sa chemise, pressées à même sa peau. Le cuir de ses gants lui donne l'impression que les paumes de M.T. sont moins brûlantes qu'il sait qu'elles le sont vraiment. 

 

Parfois M.T. ajuste sa poigne sur ses hanches, et ça lui arrache un frisson, mais il s'en tape. 

M.T. pourrait très bien le tenir par-dessus sa chemise - vu comme elle lui colle à la peau, maintenant. Mais Lenny ne veut pas imaginer M.T. lui tenir la taille. Le bout de ses doigts s'effleureraient sûrement. 

 

Lenny manque de glisser avec la Sanchez alors qu'il double une voiture qui les klaxonne bruyamment. 

 

"Putain de connard de merde, apprend a conduire bordel !" 

 

M.T. enroule un bras autour de sa taille et Lenny le voit faire un doigt d'honneur au conducteur. 

Sauf que Lenny, lui, manque de les faire tomber à nouveau, alors qu'il sent le corps de son passager se presser contre lui. 

 

Merde. 

 

Bon, ok, peut-être qu'il ne s'en tape pas. 

Peut être que ça lui fait quelque chose, quand M.T. glisse à nouveau ses mains contre sa peau, en soulevant sa chemise de façon plus qu'évidente. 

 

C'est de sa faute, aussi, il le cherche c'est sûr. Et si Lenny réagit, c'est seulement parce que ça fait longtemps qu'il n'a pas été touché. 

 

"Arrête toi refré, on va finir par s'éclater au sol si on continue !" S'exclame M.T. par dessus la pluie qui se fait encore plus virulente. 

 

A ce stade la Sanchez va rendre l'âme. 

Elle commence déjà à tousser, alors qu'ils s'approchent d'une zone forestière. Le moteur vrombit mais il commence à perdre en puissance. 

 

M.T. tend son bras libre et pointe ce qui s'apparente à un cabanon en ferraille qui abrite un stand de légumes déserté, sur le bord de la route. Lenny se rabat immédiatement sur le côté et gare la moto sous le cabanon. Il n'y a rien d'autre que deux tréteaux très épais et quelques cartons épars sur le sol, déjà humides.

 

M.T. descend aussitôt, et quand il se décolle de lui le bruit est presque cocasse. 

 

"La vache ! C'est quoi ça ?!" Geint Lenny en retirant son casque puis sa chemise. Il l'a tord dans tous les sens pour l'essorer et elle déverse une quantité d'eau astronomique. M.T. retire le sac qu'il a dans le dos et le pose lourdement sur l'un des tréteaux qui se trouve là. Le métal des armes tinte doucement. 

 

Lenny le regarde faire, alors que M.T. retire son casque d'une main et sort une cigarette électrique de sa poche de l'autre. Quand ils étaient à Santa Barbara, M.T. a réussi à se procurer du CBD. Lenny lui a demandé comment, et M.T. lui a répondu de se détendre, que ça se vendait en boutique, ici, en Californie. Pas de gangs impliqués. 

 

Lenny lui avait dit que c'était putain de responsable de sa part de prendre ca plutot que de la weed, et M.T. avait haussé les épaules, " Ça me met trop mal, la redescente de la weed ." 

 

Du coup, M.T. allume sa cigarette en appuyant sur un bouton, et il tire dessus, avant de laisser échapper une volute de fumée claire qui s'évapore aussitôt à cause de l'humidité. 

 

"Tu devrais retirer tes trucs, là, tu vas choper la mort." Dit Lenny en agitant sa main vers lui d'un geste évasif.

 

M.T. sourit en coin. De ce côté, Lenny ne peut pas voir ses brûlures. 

"Dis, va falloir que tu te calmes à essayé de m'foutre à poile tous les quatre matins."

 

Lenny grogne aussitôt, et il écarte les bras. "C'est toi qui voulais me voir à poil la dernière fois, hein ? Bah voilà, c'est bon, la, non ?"

 

M.T. se retourne vers lui et pose sa cigarette électronique sur le tréteau. 

Il le fixe de son oeil brillant, et il retire sa veste, lentement, toujours en souriant en coin.  

Lenny sent tous les poils de son corps se hérisser. 

Il voit très bien la façon dont M.T. fait rouler ses muscles saillants sous sa peau alors qu'il retire son débardeur, sans jamais le lâcher des yeux. 

 

Lenny jette sa chemise mouillée sur le tréteau. "Tu veux d'l'argent, papì ?" Il mords, parce que M.T. a définitivement mis le doigt sur l'une de ses faiblesses, celle qui le fait se braquer et partir au quart de tour. 

Celle que Lenny enfouit depuis bien trop longtemps parce qu'elle s'apparente à un manque de virilité, et parce que pour un chef de gangs c'est trop scandaleux.

M.T. ne sait pas que les racines de cette faiblesse vont si loin, si profondément; lui il voit sûrement juste à quel point Lenny est tout rouge a chaque fois qu'il roule des mécaniques et montre un peu de peau. Un homme prude.

 

"Apprécie le show et ferme la, ma p'tite tarte au citron." 

M.T. gonfle sa poitrine, alors Lenny se retourne, et il essaye de gonfler sa propre poitrine parce que M.T. commence aussi à le faire complexer. 

Lenny aussi est musclé, et lui est couvert de tattoos. 

 

Une rafale de vent l'enlace soudainement et le fait frissonner de froid. Il croise les bras et se replie sur lui-même - il n'aura pas fait le malin bien longtemps. 

 

Il frissonne à nouveau.

La pluie frappe fort contre le métal du cabanon. A sa droite, la départementale s'étend et s'enfonce dans une forêt éparse. A sa gauche, la mer se déchaîne contre les roches à quelques mètres de là, sous la pluie torrentielle qui s'acharne sur elle. 

 

La chaleur de son appartement lui manque. Son quotidien lui manque.

 

"Hey." 

 

Il entend M.T. s'approcher et une boule de tissu chaud et sec se presse contre sa poitrine. 

 

"Mets ça."

 

Le tissu sent la weed et le musc, la chaleur. Lenny l'attrape et le déplie. C'est son vieux pull, que M.T. a porté quand ils sont partis de Los Santos. 

Il se retourne vers M.T. qui porte un tee-shirt vert bouteille juste un peu trop grand pour lui. 

 

"T'as pas froid ?" Lenny demande, et il se rend compte qu'il a les dents qui commencent à claquer. 

 

M.T. secoue légèrement la tête. "J'suis pas un putain de mexicain frileux comme toi."

 

Lenny enfile le pull et essaye désespérément d'ignorer qu'il sent comme M.T.

Il lève les yeux au ciel à sa remarque cinglante. "C'est quoi le rapport. Y a des mexicains qui sont pas frileux, dugland."

 

M.T. hausse les épaules et sourit en coin. Il lève les mains et attrape la capuche du pull pour la tirer sur la tête de Lenny. Il tire aussi sur les lacets de la capuche, et Lenny ressemble maintenant à un idiot. 

 

"Tu prends un peu trop la confiance, Families. J'serais toi j'ferais gaffe, j'te rappelle que j'ai la gâchette facile."

C'est un mensonge, du moins, il n'a plus la gâchette aussi facile qu'à ses débuts. Quand Miguel, Niño et lui tiraient à vue sur les badeaux malchanceux qui s'aventuraient dans leur quartier.

 

M.T. tire sur les lacets à nouveau, forçant Lenny a s'approcher d'un coup sec. Il lève le menton en guise de provocation. "Ah ouais ? Tu vas faire quoi mon frère, vas-y, montre moi." 

 

Il tire un peu plus sur les lacets et fait un nœud rapide pour sceller le visage de Lenny dans la capuche. Il a juste la bouche qui dépasse et il marmonne, "T'es un homme mort, Logan." 

 

"Ah ouais, chaud, on utilise les noms de famille maintenant, Johnson ." Rit M.T., mais il est coupé par Lenny qui attrape l'ourlet de son tee-shirt, le tire soudain vers le haut puis vers l'arrière par-dessus sa tête pour l'y coincer.

 

M.T. rit plus fort, et a l'aveuglette il lève son bras et l'enroule autour du cou de Lenny pour l'attirer en avant et venir lui frotter le crâne de son autre poing. "Tu peux rien contre moi, vagos." 

 

M.T. ronronne presque, sa voix trop grave fait vibrer sa cage thoracique alors que la joue de Lenny est écrasée contre sa poitrine; ça lui donne envie de le faire taire, par tous les moyens. Mais le ponçage de crâne qu'il reçoit le distrait assez, et il décide de passer à l'offensive. Il pince le côté de M.T., en espérant obtenir une réaction, et bingo, M.T. sursaute, alors Lenny l'assène de petits coups sournois du bout des doigts entre les côtes. 

 

M.T. beugle, "Arrête refré !" Entre deux gloussements, et il ressert son bras, un peu trop, au point où Lenny tapote son bras comme s'il abandonnait sur le tapis d'un dojo. 

 

M.T. le relache en grognant un "Merde…" etouffé entre deux rires, mais Lenny en profite et le tacle, sans voir où il le pousse. 

L'autre tombe à la renverse sur les tréteaux dans un grondement sonore à peine recouvert par la pluie, mais il n'a clairement pas dit son dernier mot, vu comme il attrape Lenny pour essayer de le faire tomber avec lui. 

 

Ils luttent comme s'ils étaient au catch en essayant de s'immobiliser l'un l'autre, aveugles, pendant de longues secondes sur les tréteaux qui eux aussi, luttent pour rester debout et supporter leurs poids. 

Leurs casques et la cigarette électronique de M.T. tombent au sol, mais il l'ignore, trop occupé à essayer de chatouiller Lenny en retour. A force de se pousser et de s'attraper, de se pincer et de se repousser, ils tombent tous les deux au sol, lourdement, les jambes entremêlées; et ils arrêtent, enfin, à bout de souffle. M.T. ricane, et Lenny le suit, il se met à pouffer, parce qu'ils sont ridicules.

 

C'est la première fois qu'ils se battent sans essayer de se faire mal. 

 

Lenny écarte les pans de sa capuche pour voir à nouveau, et respirer à pleins poumons. 

Il transpire, son crâne et son dos le tuent, mais il ne s'est pas senti aussi léger depuis un bon bout de temps. 

 

Et ils ont vraiment l'air de deux idiots, à rire comme des gamins, par terre, enchevêtrés sur le sol, mais à ce moment-là, plus rien ne compte.

 

Lenny est allongé sur le dos, les bras en croix sur le sol humide et poussiéreux du cabanon. La pluie s'est calmée, redevenue bruine. Il fixe le plafond en tôle, un sourire aux lèvres. 

"Bah putain, si j'avais su que t'étais chatouilleux j't'aurais mis K.O. le premier jour." 

 

M.T. renâcle, "Ah ouais… Le blem c'est que tu fais toujours pas le poids, Lenny. J'te plie en deux quand tu veux."



La façon dont son prénom glisse sur la langue de M.T. fait tomber son sourire. 

Il se redresse, et amène une main à sa capuche pour la repousser en arrière. 

 

"J'en doute." Il frappe la cuisse de M.T. - la droite, au cas ou - avant de s'appuyer dessus pour se relever, en y mettant toutes ses forces. "Allez, bouges Ronflex, il pleut plus faut qu'on trouve un garage." 

 

M.T. grogne, et il s'accroche au short de Lenny pour se relever. Lenny braille parce que M.T. va déchirer son short avec sa force et qu'on va finir par voir son cul, et M.T. recommence a rire comme un idiot. 

 

Ils ne quittent l'endroit qu'une bonne dizaine de minutes plus tard.



//



La moto rend l'âme à quelques kilomètres du garage. Dieu merci, il ne pleut plus. M.T. fume pendant que Lenny cherche le numéro du garage le plus proche. Il se trouve que c'est un concessionnaire. 

Parfait. 

 

Ils poireautent sur le bord de la route, quelques voitures les klaxonnent, et Lenny s'efforce d'avoir l'air menaçant. M.T. n'essaye pas, il sait qu'il fait peur, surtout sans son bonnet, sans sa capuche pour le camoufler. 

Ça sert plus a rien de faire les mecs, ici ils ne sont personne, mais au cas où on voudrait leur chercher des noises, c'est mieux d'avoir l'air d'apporter des problèmes.

 

"T'as encore mal ?" lui demande Lenny, sans le regarder. 

 

M.T. tire sur sa cigarette électronique.

"Ça va. Juste la nuit, un peu."

 

La nuit, M.T. passe des heures à se tordre et à se tendre dans son lit en silence, à prier pour que son bras se détache, pour que son œil arrête de voir des formes et des mouvements qui ne sont pas là. 

Il a déchiré plus d'un drap à Santa Barbara, a force de les mordre pour taire sa douleur. 

 

Il finit toujours par s'endormir d'épuisement, comme s'il tombait dans les pommes, délivré. 

La CBD aide, beaucoup, mais il se réveille encore en pleine nuit, fiévreux, avec l'impression que la peau de son visage est en train de fondre. 

 

Il se souvient que la doc, Vanessa, lui avait parlé de douleurs fantômes qui s'estomperaient avec le temps s'il prenait le bon traitement, mais qu'il fallait qu'il lui signale. 

 

Et il ne l'a pas fait. 

Dommage. 



"Hm." 

 

Lenny croise les bras sur son torse, et le muscle de sa mâchoire se met à travailler. 

M.T. se dit que Lenny est un vrai livre ouvert pour quiconque prend le temps de le regarder. 

Ou bien c'est peut être juste lui qui passe trop de temps à l'étudier. 

C'est un vieux réflexe, M.T. ne peut pas s'en empêcher. 

 

Lenny n'arrête pas de le surprendre, qu'il le veuille ou non, mais M.T. n'aime pas ça. Il n'aime pas l'idée que ce soit son pire ennemi qui, une par une, abat ses défenses, et se fait une place là où personne n'a réussi à pénétrer depuis de longues années. 

 

C'est risible. 

C'est n'importe quoi.

Les anciens le buteraient juste pour le simple fait qu'M.T. tolère Lenny. 

Un jaune. 

C'est pire que de fraterniser avec n'importe quel autre gang. 

 

M.T. ne sait pas ce qui se passe, mais M.T. n'est pas du genre à réfléchir à ce genre de choses. La seule chose qu'il attend d'une relation, c'est l'inévitable trahison. 

Quelle que soit la relation. 

Il suppose que, venant de son pire ennemi, c'est joué d'avance, aussi. 

 

Même si Lenny continue à lui prouver… Quoi ? Sa sincérité ? Sa loyauté ? Envers M.T . ?

 

M.T. ne comprend toujours pas pourquoi Lenny fait ça, mais il le fait. Pour une fois, ce n'est pas l'intention qui compte. 



"Ils sont là. C'est quoi ça ? On va vers bouseux-ville ou quoi ?"

 

Une dépanneuse arrive, minuscule et couverte de rouille. Elle a l'air sur le point de tomber en panne à chaque tour de roue. Le plateau est plutôt comme la benne d'un pick-up, juste un peu plus large.

M.T. hausse son sourcil. Il n'est même pas sûr de pouvoir rentrer dans la cabine conducteur. 

 

"On dirait un O'neil." marmonne-t-il, alors que l'homme se gare devant eux et les salue familièrement. 

Lenny renifle et murmure "T'es con." Et ça fait sourire M.T.

 

Encore. 

 

L'homme sort et invite M.T. et Lenny à grimper à l'arrière, avec la moto. 

Ils l'aident même à la charger sur le plateau de la dépanneuse et à l'y attacher. 

 

"Installez vous messieurs !" L'homme remonte au volant du véhicule et démarre aussitôt. M.T. préfère s'asseoir, il se cale dos contre la cloison du plateau, et Lenny l'imite, en s'asseyant en face. Leurs jambes s'enchevêtrent parce qu'ils n'ont pas beaucoup de place et le genou de M.T. est déjà pressé contre la roue de la Sanchez. 

 

Lenny le regarde, comme s'il le mettait au défi de dire quelque chose, alors que le pied d'M.T. est pressé contre l'intérieur de sa cuisse, à quelques centimètres de son entrejambe. 

Peut être qu'il le met au défi de tenter un geste qu'il pourrait regretter.

 

M.T. lui lance un sourire en coin, comme pour lui signifier qu'il pourrait très bien relever ces défis, mais la réaction de Lenny n'est pas du tout celle à laquelle il s'attend.  

Le visage de Lenny se détend et il lui offre un petit sourire, avant de dévier le regard et d'écarter les bras pour les poser sur la rambarde du plateau. 

Il penche un peu la tête en arrière et regarde la route défiler. 

 

L'estomac de M.T. fait un bond dans son ventre, alors que son regard se fixe sur les lignes encrées qui dansent le long du cou de Lenny.

Des mots qui se pressent contre sa jugulaire et disparaissent sous le col de son pull. 

 

Son œil remonte pour regarder la façon dont ses cheveux ébouriffés par le vent, et dont Lenny ferme les yeux, alors que le soleil d'après tempête caresse son visage. 

 

M.T. se demande si quelqu'un d'autre a déjà vu Lenny comme ça. 

 

Le véhicule ralentit, et sans savoir pourquoi, M.T. remue légèrement la jambe, assez pour que son mollet se presse un peu plus contre la cuisse de Lenny. Aussitôt son attention se repose sur lui. 

 

M.T. regarde ailleurs. 

 

"Allez-y Messieurs, vous pouvez descendre."

 

Ni l'un ni l'autre ne se fait prier. En quelques secondes ils sont sur leurs pieds, le sol poussiéreux formant quelques volutes sous leurs pas. 

 

Lenny s'approche du dépanneur et discute avec lui, mais l'attention d'M.T. est happé par le bâtiment en face d'eux. C'est un petit pied à terre avec un grand espace qui abrite plusieurs voitures neuves. 

Il y entre, sans voir le regard choqué que lui porte l'une des femmes à l'accueil. 

 

Il y a différents modèles, de différents standings, de la citadine à la sportive, en passant par le pick-up. 

 

Une vieille américaine qui brille comme un sous neuf attire aussitôt son attention. Une Chevrolet Impala noire décapotable qui lui fait très vite de l'œil. Il s'imagine traverser le Nevada au bord de cette merveille, avec Lenny sur le siège passager. Il se demande s'il supporterait de conduire, même un peu. S'il utilise son bras droit, ça devrait aller. 



"C'est pas mal, ça." 

 

La voix de Lenny le sort de ses pensées, et M.T. se retourne pour lui dire qu'il a toujours rêvé de traverser les Etats-Unis avec cette caisse mais il voit Lenny fixer le gros van gris à côté de l'Impala. 

 

"Ils ont dit que la Sanchez était morte, il y a plus d'une pièce à changer. Ça prendrait la semaine."



"Tu veux acheter une caisse ?"

 

"J'ai pas assez de cash." 

 

M.T. le regarde avec intensité. "Ils vont te tracer si t'utilises tes cartes mon gars." 

 

"C'est ce que j'veux." 

 

"Hmm." 

 

M.T. se retourne vers le van, au moment où un vendeur apparaît devant eux. M.T. ne l'a pas vu approcher tant il était petit. L'homme n'a plus de cheveux sur le haut du crâne, qui brille comme s'il avait été lustré. Il porte une cravate rose criarde, et un costume mal taillé marron. A son poignet, une montre très coûteuse.

Intéressant.  

 

"Bienvenue Messieurs, je vois que vous êtes intéressés par notre magnifique Caddy dernière génération ? Un beau van pour les déménagements ou les voyages en famille. Idéal pour les futurs enfants !" 

 

Et l'homme a même l'audace de leur lancer un clin d'oeil. 

M.T. gonfle comme un ballon de baudruche, prêt à éclater ce fils deup' qui ose sous-entendre, à voix haute, des choses qu'eux même n'oseraient pas admettre à voix basses. 

 

Lenny se rapproche d'un pas et glisse un bras autour des épaules du vendeur. Il le serre avec une force presque surprenante, et il l'emmène vers l'Impala, avant de dire, d'une voix presque chantante mais clairement menaçante : "Mon frère est plutôt décapotable, voyez c'que j'veux dire ?"

 

M.T. se dégonfle et s'avance vers la caisse lui aussi, de son pas traînant. C'est lui qui avait mal interprété le mot Famille, surprenamment. 

 

"Mais moi j'préfère les vans, parce que j'me dit que c'est plus facile pour transporter un corps, au cas où, si il nous arrive un pépin grosso merdo. Pas vrai mon frère ?"

 

M.T. ne répond pas, même si ça le fait rire la façon dont l'homme pâlit, et qu'il desserre sa cravate. 

 

"J'sais pas mon frère , elle est grave plus classe quand même, celle-ci, les meufs elles kiffent bien non ?" 

 

Lenny émet un petit rire. 

 

"J-je vous la conseille dans ce cas là, sans hésiter… Vous allez toutes les tomber !"

 

M.T. pose son œil perçant sur le vendeur qui semble se recroqueviller sur lui-même.

 

"C-cela dit, le caddy est idéal lui aussi, il a une bien meilleure résistance aux intempéries et une longévité accrue comparé à ce modèle d'Impala." 

 

"C'est bon, cassez vous." Lenny le lâche et l'homme titube un peu avant de s'éloigner sans s'attarder. 

 

Lenny croise les bras et continue à aviser les deux voitures. M.T., lui, contourne l'Impala et ouvre la portière. Il s'installe sur le siège conducteur, et pose une main sur le volant. 

 

Lenny s'approche et se pose devant la voiture. 

Il regarde M.T., comme s'il l'imaginait en train de conduire. 

Comme s'il se remémorait quelque chose.

 

"Ça te va bien. En noir comme ça, classe." 

 

M.T. sent son estomac faire des bonds à nouveau. Il se mord la lèvre inférieure dans un ancien réflexe, avant d'écraser le klaxon de sa paume.  

Tout le monde sursaute, même Lenny. 

 

"T'es con putain !" 

 

"Bouges refré tu vas t'faire écraser."

 

Lenny lève les yeux et les bras au ciel, exaspéré, avant de contourner la voiture et de monter côté passager. 

 

"Je sais pas si c'est une bonne idée. C'est un veau, cette caisse, et si on se fait pit, on part dans l'décor." Dit Lenny, tandis que certaines personnes continuent à les regarder d'un air hautain en passant près de l'Impala. 

 

M.T. se demande pourquoi il y a autant de gens dans ce concessionnaire de ville paumée de la côte ouest. 

 

"Ouais mais pourquoi on ferait attention, d'façon ils nous attraperont un jour. Imagine mec, traverser les states avec cette petite beauté. Ca sera jamais mieux qu'avec mon Riata mais c'est tout c'qu'ils ont ici t'as vu."

 

Lenny reste silencieux de longues secondes. Il ouvre la boite a gant, appuie sur des boutons, comme pour se donner contenance. 

 

"J'veux pas qu'ils nous rattrapent." 

 

M.T. le regarde triturer un interrupteur qui chauffe les sièges. "On pourra pas fuir éternellement." 

 

"J'ai juste besoin de temps."

 

"Pour quoi faire ?" 

 

Lenny ne répond pas.

Il ouvre la portière et sort. 

M.T. l'observe se diriger vers le van et caresser la portière de ses doigts. "On va prendre le van, c'est plus sûr. Puis c'est la saison des pluies de toute façon." 

 

M.T. le regarde, impassible. C'est Lenny qui a la thune, c'est pas comme s'il pouvait acheter l'Impala de toute façon. 

 

Il klaxonne à nouveau, juste pour faire chier Lenny qui râle et l'insulte, avant de sortir et de le regarder acheter le van sans plus un mot. 



//



"C'est une putain de blague."

 

M.T. se tient devant les portes de l'hôtel principal de Monterey. Il y a un gros panneau d'affichage qui indique que l'hôtel est fermé pour cause d'infestation de vermines. 

 

"Tu veux rire ? Tous les autres hôtels sont complets du coup." 

 

M.T. se retourne vers Lenny qui est penché sur son téléphone. Il se glisse derrière lui et regarde par-dessus son épaule, le sourcil froncé. 

"C'est tendu la refré, on fait quoi, on continue à rouler ?" 

 

Il fait bientôt nuit, le soleil est en train de se coucher lentement, et l'air marin se fait plus frais. 

"J'peux acheter le petit hôtel qu'est à quelques rues sinon."

 

M.T. renifle, et il pose l'œil sur la nuque de Lenny, à quelques centimètres de lui. 

"Et tu vas les foutre ou les gens qui y dorment déjà ? Après moi j'm'en tape si faut les dézinguer j'les dézingue t'as vu."

 

"Hm." 

 

Lenny penche la tête sur le côté, et le regard d'M.T. glisse le long de la colonne de son cou. 

 

"On dort sur la plage c'est pas grave mon frère. Le luxe attendra la prochaine ville." 

 

La peau de Lenny se couvre de chair de poule. M.T. se demande pourquoi, mais Lenny se détourne et s'approche de leur nouveau van. "J'dors pas sur le sable on va en avoir jusque dans la raie du cul et ça va mal tourner." 

 

M.T. éclate de rire avant même de s'en rendre compte. 

Ça le prend comme un séisme qui secoue tout son corps. 

Ça fait mal, mais ça fait aussi un bien fou. 

 

"Arrête de te foutre de ma gueule là, t'as déjà dormi sur la plage trou du cul ?" 

 

"Bah ouais refré, plus d'une fois, j'ai jamais eu d'problèmes. Faut pas dormir a oualp sur le sable ma p'tite tarte au citron."

 

Lenny remonte dans le van, et lui fait un doigt d'honneur. M.T. rit encore et le suit, s'installe côté passager. "J'pense pouvoir rouler toute la nuit, au pire." 

 

"Sois pas con. T'as acheté ce truc, on a qu'à dormir dedans." 

 

Lenny lui lance un drôle de regard, le sourcil haussé. "T'es pas con toi des fois. On peut rabaisser les sièges arrière." 

Il passe un bras derrière la tête du siège d'M.T. pour regarder l'arrière de la voiture. 

"On va trop mal dormir. Tu sais quoi j'vais aller acheter du matos on va s'mettre bien." 

 

M.T. secoue légèrement la tête. 

 

"T'es insupportable tu sais ça ? Dépose moi à la plage refré, flemme de faire les courses encore." 

 

"Ouais ouais, tu m'remercieras quand t'auras passé la meilleure nuit de ta vie grâce à moi."

 

M.T. s'empêcher de répondre à ça, alors que son estomac fait des bonds, encore.

 

Lenny démarre et quelques minutes plus tard, il s'arrête près de la plage. "A toute, te fais pas bouffer par un requin."

 

M.T. descend, et avant de fermer la porte, il lui montre les dents, la bouche tordue par sa cicatrice. 

 

"C'est moi, l'requin."



//



M.T. a fait un feu, en attendant Lenny.

Il ne sait pas pourquoi, mais ça l'excite. 

 

Le feu.

Pas M.T.

C'est peut être un instinct primal qui résonne en lui, alors qu'il se laisse tomber le sable encore chaud juste à côté du feu, près d'M.T., et qu'il grogne de plaisir. 

 

Devant eux, la mer brille sous la lumière de la lune, des étoiles, du feu qui projette quelques ombres à sa surface. 

La nuit est belle, le bruit du va et vient des remous est comme une berceuse.

 

Lenny se rend compte qu'il ne pense plus à rien. 

 

"J'arrive pas a croire que t'ai installé une vraie chambre la d'dans. Cozy et tout." hume M.T. en regardant par dessus son épaule difficilement. Lenny peut voir comme il a du mal à tenir la position. 

 

Il a acheté deux matelas de voyages assez épais, qu'il a posés sur des tapis de yoga, pour garder la chaleur. Il leur a acheté des couettes, des oreillers, des trucs encombrants comme pas possibles mais qui s'encastrent parfaitement dans le fond de leur van. 

 

Une vraie chambre de luxe. 

 

Pour deux. 

 

La simple idée de dormir à côté d'M.T. commence à lui faire peur. 

A chaque moment M.T. peut sortir un de leurs crans d'arrêt et l'égorger dans son sommeil. 

 

La mort lui fait peur à nouveau, dernièrement, la sensation froide de l'angoisse le hante, souvent, surtout lorsqu'il est seul. 

 

(Est ce que c'est vraiment la mort, qui lui fait peur dans cette situation, il n'en est pas sûr, mais il préfère s'en persuader.)

 

"Enfin l'vrai coup de maître c'est le KFC mon frère. Ah ouais."

 

Ah, oui, Lenny a rapporté ça, aussi. 

 

M.T. lui tend le bucket plein à craquer, alors Lenny se sert. 

 

Quand ils mangent, au gré du clapotis des vagues et du feu qui craque devant eux, ils discutent, presque trop facilement. C'est étrange, d'avoir des discussions si légères avec M.T., alors qu'ils s'insultaient sans cesse à peine un mois auparavant. 

 

Les flammes projettent des ombres qui dansent sur sa peau et font scintiller ses cicatrices. Il fixe le feu comme s'il s'en méfiait, mais avec une certaine fierté plutôt évidente accrochée à ses traits. Lenny l'imagine déclarer qu'il vaincra le mal qui le ronge en essayant de faire prendre le brasier. 



M.T. lui parle de baseball - il n'avait aucune idée qu'M.T. aimait le baseball, mais quand Lenny lui a répondu qu'il suivait la NBA, M.T. n'a pas eu l'air surpris. Il lui demande qui sont ses joueurs préférés, lui parle de certains matchs qui ont eu lieu à Los Santos, comme s'il savait pertinemment que Lenny y avait assisté.

 

M.T. lui raconte un souvenir d'enfance, des frites plein la bouche, alors que Lenny essaye d'attaquer un épi de maïs beurré. Lenny lui raconte alors que lui aussi, a presque le même souvenir d'enfance, et c'est dingue mais ils finissent par se rendre compte qu'ils ont déjà fait du skateboard ensemble au skatepark de la plage de Vespucci. 

 

Ça rend Lenny nostalgique.

Ca lui fait ressentir quelque chose comme du regret, aussi.  

Il se demande ce qu'ils auraient pu être, s'ils s'étaient rapprochés avant. 

Il se demande s'ils auraient rejoint le même gang. 

 

Puis M.T. lui parle de sa mère. Il lui parle de sa mère parce que Lenny lui parle de la sienne. 

M.T. lui pose plein de questions sur sa famille, et dès que Lenny lui fait remarquer, l'accuse de jouer les investigateurs, M.T. lui répond qu'il en a rien à foutre. Lenny a peur qu'il se braque mais M.T. lui parle de sa mère.  

 

Le bucket, les boissons, et le reste sont terminés. Les emballages gisent près du feu, luisants de gras. Il n'y a plus de vent, l'air est frais, et les étoiles scintillent de toutes les forces au-dessus de l'étendue infinie de l'océan. 

 

"Elle me disait toujours de vivre ma vie comme je le voulais. Elle me disait que je devais pas avoir peur d'être différent. Tch, comme si j'étais si spécial. Elle était si sûre de ça. Elle me disait que j'avais une lumière ou j'sais pas quoi, là." Il frappe sa poitrine de sa paume. "J'avais l'impression qu'elle voyait quelque chose que personne d'autre voyait quand elle me r'gardait, c'est con, hein ?" 

 

Il lève une main et presse ses lèvres contre le bec de sa cigarette électronique. Le geste capte totalement l'attention de Lenny. Ses lèvres sont pleines, Lenny ne peut pas détourner les yeux, il est prisonnier du mouvement de cette bouche. 

 

Il veut en savoir plus, qu'il continue de parler.

 

"Quand elle est morte, j'ai compris deux choses. Un, j'pouvais plus vivre la vie que j'voulais. Deux, j'pouvais pas laisser qui que ce soit voir ce qu'elle voyait." 

 

Il baisse les yeux sur Lenny, le regard dur, et provocateur, comme s'il le mettait au défi de faire exactement ce que d'autres avaient dû faire, même si M.T. avait fini par dresser tant de barrières pour se protéger. 

 

A ce moment-là, Lenny a l'impression qu'il peut le voir aussi, M.T., Twain , derrière ces barrières. 

Vulnérable et nu, véritable et sans putain d'armure pour cacher ce qui est inadmissible. 

 

Mais il ne voit pas que Twain. 

Il s'y voit, aussi, un reflet terrible qu'il a réussi à étouffer et enterrer profondément durant tant d'années, ce reflet qu'il a ignoré dans le regard de ceux qui osaient parader autour de lui avant qu'il ne les abatte comme des colombes en plein vol. 

 

"Tu peux pas comprendre." Murmure M.T.

Ça sonne presque comme une question. 

Son œil brille à la lueur des flammes, et Lenny a l'impression qu'il va s'y brûler s'il se penche pour répondre à cette question. 

Son cœur bat la chamade, sûrement parce qu'il a peur, soudainement, de la décision qu'il a prise sans même se consulter. 

 

Son corps lui communique que cette décision est un danger imminent et incendiaire, sa respiration s'accélère, ses pupilles se dilatent, sa température augmente jusqu'à lui donner les mains moites, et son cœur bat si fort que ses oreilles sifflent. 

 

Il pourrait détourner le regard, changer de sujet, se lever, partir. 

Mais M.T. le cloue au sol de son regard et l'empêche de s'enfuir. Lenny pourrait remettre la faute sur ses épaules, prétendre que c'est lui qui le force à répondre à sa question muette. 

 

Il va s'y brûler les ailes. 

 

Mais Lenny se penche quand même. 

M.T. est si beau, la, tout de suite, baigné par la lumière des flammes, et quand Lenny s'approche, son regard change du tout au tout. 

Il lui renvoie la peur de Lenny. 

 

Pourtant, plus que jamais Lenny y voit Twain. 

 

Alors Lenny ferme les yeux, parce qu'il a l'impression de voir quelque chose qu'il ne devrait pas. 

 

Quand ses lèvres touchent celles d'M.T., il s'attend à ce qu'il le repousse, qu'il le frappe, que lui aussi rejette la faute sur Lenny. Il l'espère, presque. 

 

Quand ses lèvres touchent celles d'M.T., il ne s'attend pas à ce qu'il lève la main pour la glisser dans sa nuque et l'attirer plus près. 

 

C'est comme un incendie qui se propage rapidement dans tout le corps de Lenny, ce touché, ce baiser. C'est lui qui a jeté la première allumette, mais c'est lui qui finira consumé - et il le savait .

 

L'obscurité les enveloppent, c'est peut être pour ça qu'ils se laissent aller à s'embrasser, comme s'ils n'étaient pas des chefs de gangs ennemis, mais seulement Twain et Lenny. 

 

Et Twain l'embrasse comme s'il était soulagé que Lenny ait décidé de répondre à sa question, je te comprend , alors que Lenny l'embrasse parce que putain, il en creve d'envie depuis bien trop longtemps, en fait. Il avait si peur de l'admettre; depuis le début, c'était ça dont il avait peur. 

 

C'est un baiser doux, sous ses airs désespérés. Lenny ne cesse de caresser les lèvres d'M.T. des siennes, M.T. ne cesse de glisser sa langue contre la sienne, ils prennent le temps de se savourer. 

 

Quelle audace.

 

Peut-être parce qu'ils savent qu'ils n'en auront plus l'occasion, le moment où leurs lèvres se séparent, et que le brasier ardent devra s'éteindre.

 

C'est sûrement pour ça que la main d'M.T. se fait si pressante contre sa nuque, et c'est sûrement pour ça que Lenny l'embrasse plus profondément. Son bras s'enroule autour des épaules d'M.T., c'est un geste qui se veut chaleureux et rassurant, même s'il n'est pas sûr de savoir qui il veut rassurer.

 

Quand ils brisent leur échange, à bout de souffle, M.T. marmonne, "Putain…", la voix brisée, et Lenny l'attire encore plus proche, ses doigts s'enfouissant dans les cheveux courts d'M.T. pour guider son visage contre son cou. 

M.T. se laisse aller tout contre lui, presque trop docilement. Ça lui fait des choses, à Lenny. 

 

"Shhh…" 

 

M.T. agrippe son pull, s'y accroche comme à une bouée, et Lenny peut sentir la panique suinter hors de lui. "Ca va, M.T., ça va." Il murmure dans un souffle, ses lèvres pressées contre son crâne. 

C'est plus facile de gérer la panique de quelqu'un d'autre, que de faire face à ses propres angoisses.

SPOILER-IMG-0461



Ils restent comme ça de longues secondes, tandis que leurs souffles s'apaisent, que la tension dans leur corps se relâche, et que la lune continue son ascension. 

Aucun d'entre eux n'ose briser le moment. 

 

Ils savent, que celui qui le brise devra reporter la faute sur l'autre, faire montre de violence pour se dédouaner de ce moment de faiblesse, puisque c'est une faiblesse



L'océan face à eux n'en a que faire de leur conflit intérieur. Il continue a rouler lascivement sur la plage de sable blanc, a s'etirer et a les narguer, libre. 



Ce qui brise le moment, finalement, c'est la première goutte de pluie. Celle qui s'écrase sur le front de Lenny. 

 

"Merde." Grogne-t-il, et sa main sur l'épaule d'M.T. presse gentiment pour lui signaler qu'il est temps. "Me dit pas qu'il va encore pleuvoir ?! C'était vraiment ma meilleure idée, ce putain de van, hein."

 

Juste comme ça, Lenny leur offre une nouvelle porte de sortie. 

Une nouvelle alternative, viable, pour tous les deux, sans humiliation, sans violence. 

 

Il offre à M.T. la possibilité de prétendre qu'il ne s'est rien passé.

 

M.T. saisit l'opportunité. Il se redresse, et se relève, sans un mot.  

Il offre même sa main saine à Lenny, pour l'aider à se relever. 

 

Lenny cherche son regard, timidement, juste pour être sur - mais en vain - M.T. se dirige déjà vers le van. 

 

Peut être que cette porte de sortie était une erreur.



Lenny le suit, alors que la pluie s'intensifie, et il grimpe dans le van quand M.T. ouvre les portes. Il retire ses chaussures, et s'installe sur l'un des matelas. M.T. monte à sa suite, et ferme les portes arrière. 

 

La pluie frappe doucement la tôle du toit de la voiture. Les fenêtres des portes arrière sont assez larges pour leur offrir une vue sur la mer, leur feu, les étoiles. 

C'était vraiment une bonne idée, ce van. 

 

M.T. reste figé, devant les portes, à genoux, dos à Lenny. 

On dirait qu'il fixe l'extérieur, comme s'il avait vu quelque chose ou quelqu'un. 

 

"Qu'est ce qu'il y a ?" Demande Lenny, en pensant avec horreur que des gens passaient devant leur van, après avoir assisté à toute la scène. 

 

Mais M.T. presse son front contre l'une des vitres, et soupire longuement. 

Lenny sait, avant même qu'il ne lui réponde, ce que M.T. va lui dire. 

 

"T'embrasses comme un pied." 

 

Nope.

C'était pas du tout ce qu'il imaginait. 

Il s'attendait a, on doit jamais en parler à qui que ce soit , ou, on pourra plus jamais faire ca , ou encore, il s'est rien passé sur cette foutue plage, refré

 

Non seulement M.T. a refusé sa porte de sortie, mais il l'a complètement oblitérée. 

 

Lenny ne sait pas quoi répondre. 

Il reste coi, bouche bée, a fixer l'arrière de la tête d'M.T. 

 

"J'ai avalé ta langue ou quoi ?" 

 

M.T. se retourne et le regarde avec cette même intensité que Lenny réussissait à ignorer jusqu'à maintenant. 

La, tout de suite, Lenny a l'impression d'être une souris, sous le regard perçant d'un chat affamé. 

Il peut pas être sérieux.

 

"Tu déconnes, là, j'espère." Siffle Lenny. Il est en colère, soudainement, mais il ne sait pas pourquoi. "Moi, j'embrasse comme un pied ?? Même mes pieds embrassent mieux que toi dugland !" 

 

"Ah ouais ?" 

 

"Ouais !" 

 

Lenny ne sait pas comment, mais la seconde suivante, M.T. est sur lui, a l'embrasser, encore. 

 

M.T. vient de leur offrir une autre option, celle que Lenny n'aurait jamais ne serait-ce qu'espérer envisager - celle qui va raviver le brasier, nourrir cet incendie, et les consumer tous les deux jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des cendres; celle qui va les mettre en danger. M.T. lui dirait sûrement qu'ils sont déjà en danger, de toute façon, alors…



A quoi bon résister.

Notes:

Et joyeuse st valentin bien sur.

Magnifique fanart par Norpad

Chapter 11

Notes:

Ahah quelle angoisse.
J'ai pris 3 semaines de vacances et j'ai enfin reussi a ecrire ce chapitre.
Sachez qu'on entre dans la phase 2 de Tour d'Ivoire, et que le coup de burn out que jme suis pris apres le dernier chapitre a ete tres violent.

Je sais pas quel rythme j aurais desormais, les choses bougent tres vite IRL donc... J'espere que vous saurez tenir la distance.

Merci a toustes celleux qui continuent de me lire, j'aurais aimé vous donner un chapitre DE FOLIE QUI FAIT EXPLOSER VOS CERVEAUX mais bon djwkek voila bonne lecture, merci Norpad pour ton aide 🙏🏼

Chapter Text

Devon; Vendredi, 18h21 : 



A: Lenny Vagos

 

Salut Jefe, j'ai quelques infos à te donner sur tu sais qui, j'ai pas pu avant parce que j'étais un peu occupé à survivre à un coma mais j'ai gagné ! Faut qu'on se voit, si t'es pas trop loin, sinon j'irais voir Haylie, tiens moi au jus.

Comment tu vas ?

 

Message Lu.




"Tim ! T'as pas l'air de sortir de prison c'est dingue !"

 

Tim arrive, chez Fab, et c'est plus facile de sourire. 

C'est plus facile d'ignorer qu'il ne sent rien.

 

Fab l'aide à se lever, et dès que le regard de Tim s'assombrit, Devon sent sa volonté fléchir. Il titube, s'accroche à son déambulateur, mais la main de Fab dans son dos le maintient. 

 

Tu marches, lui dit Tim, et Devon répond que bien sûr, il marche ! Même s'il ne sent quasiment plus ses jambes, et qu'une grosse poche est en permanence fixée a sa vessie.

 

Il lui répond que Maison est optimiste, que dans quelques mois il pourra enfin refaire la roue, et Fab lui demande s'il sait vraiment faire la roue. 

 

Quand Devon répond que non, tout le monde rit, et Devon reprend du poil de la bête. 



Tim lui raconte sa semaine en détention, Fab leur raconte comment il est rentré parce que Dona est dans la merde, encore , et qu'il doit bosser pour deux. Devon raconte à Tim comment la balle a explosé sa vessie et éraflé l'une de ses vertèbres, endommageant ses nerfs qui sont comme dans un coma, pour l'instant. Il va surement boiter toute sa vie mais heh, au moins il la vivra, sa vie. 

 

Devon s'y accroche, à cette façon de voir les choses, parce que très vite, dans l'obscurité de la nuit, la solitude lui murmure qu'il n'y arrivera jamais, qu'il est foutu, qu'il aurait du crever et que son corps est gâché, maintenant. 

 

Les mots de Maison tournent en boucle dans sa tête, à quelques millimètres près, Devon ne marchait plus jamais. Le coup avait été incroyablement précis, pour un tir au fusil de chasse.

 

Quelle douche froide, hein. 

 

"Mais attends minot, t'as pas tout entendu. Assis toi Devon, assis toi." 

 

Il l'aide à s'asseoir - Fab l'aide depuis qu'il s'est réveillé, c'est assez inattendu, Devon s'attendait à devoir appeler Curtis, ou même Edwin. Mais non, Fab est là, comme si Devon signifiait plus qu'une simple tension sexuelle, comme il l'avait si bien précisé.

 

"Je vais chercher de quoi boire les gars, vous prenez quoi ?" 

 

Devon lève les yeux vers Fab, le regard pétillant. "Une vodka le Fab, comme ça on va voir si ça ressort dans ma poche !" 

 

Fab lève les yeux au ciel, et Devon est conscient que Tim se demande quand est ce que ces deux-là sont devenus si proches, alors que Fab se penche et presse l'épaule de Devon. "De l'eau pour toi, minot." Il le relâche et se redresse quand Tim lui demande un verre de vin.

 

Tim s'assoit près de lui, et Devon en profite pour passer son bras autour de ses épaules et l'attirer contre lui. 

Tim l'enlace, "Je suis le désolé, j'ai pas été là pour protéger le toi…" 

 

Fab s'éloigne pour disparaître dans la cuisine, alors Devon se laisse l'enlacer en retour. "Qu'est ce' tu racontes Tim, t'allais faire quoi, te mettre devant moi ?" ricane-t-il. 

 

Tim ne répond pas, mais il recule, et Devon déplore sa chaleur.

 

"Fab l'a dit que tu avais quelque chose à le dire a moi ?" Demande Tim, le visage clairement inquiet. "About Joséphine ?"

 

"About ?" Se moque Devon, mais son petit ricanement ne couvre pas la soudaine amertume qui inonde sa gorge. Le silence plane, jusqu'à ce que Fab revienne avec de quoi boire. 

 

"Tu veux que je lui dise ?" Propose Fab, mais Devon secoue sa main. 

 

"T'inquiète le Fab, je peux encore parler." Devon lui sourit, et Fab acquiesce en ouvrant une bouteille de vin et une petite bouteille d'eau. 



Il inspire longuement, caresse sa moustache du bout des doigts, puis il se lance. 

 

"Je venais de me réveiller. L'impression que toute la ville m'était passé dessus, même les bus. J'étais mal en point mais avec un peu de morphine ca allait vite mieux. Et c'est vrai j'ai pas mal ! Nul part ! Mais ça m'a rendu vaseux. L'après-midi même on vient m'annoncer que j'ai une visite mais j'étais presque comateux avec les médocs. Un vrai high j'pense que ca s'vendrait pas mal tu vois c'que j'veux dire ?"

 

Tim acquiesce, on dirait qu'il redoute la suite. 

 

"Entre Madame Joséphine, avec son grand chapeau et un mouchoir à la main. J'me sentais mal de pas réussir à ouvrir les yeux mais j'étais trop mort. Au final faut croire que j'étais pas assez mort, haha." Il renifle. "Elle s'est assise à côté de moi, et elle a commencé à dire qu'elle regrettait de me voir ainsi, qu'elle n'en dormait plus la nuit, que c'était terrible, qu'elle se demandait comment t'avais pu faire ça, Tim. C'était bizarre parce que j'avais envie de lui dire qu'évidemment, c'était pas toi, mais j'ai préféré faire semblant de dormir, je sais pas comme une intuition tu vois ! La elle arrête de parler et j'l'ai entendu taper sur son téléphone, et elle pleurait plus du tout. Ça a duré genre quelques secondes et après elle a recommencé à pleurer ! Sur commande quoi ! Avant de partir, elle a arreté de pleurer d'un coup encore, et j'l'ai senti se pencher tout contre moi la, j'me suis dit Damn Step Bro, elle va m'embrasser la coquine ! Pas du tout. Elle a commencé à prendre le coussin sous le coussin sous ma tête, parce qu'on a toujours deux coussins à l'hôpital c'est cool," Tim laisse échapper un pfff, mais Devon reprend, "et la Fab revient. Elle remet le coussin et elle lui dit qu'elle essayait de me mettre plus à l'aise." 

 

Fab se racle la gorge, pour signifier qu'il n'y croit pas une seconde. 

 

"J'avoue j'ai un peu flippé là hein… et j'me suis dit attend, réfléchis Devon, tu la connais bien Madame Joséphine, y a rien de bizarre, pas besoin de paniquer, genre je sais pas, elle allait pas t'étouffer avec un coussin on est pas dans un film ! Et puis elle pense sûrement que c'est Tim à cause des flics ! C'est une femme bien, elle est venue me voir et tout… Même si elle avait l'air d'insister sur le fait que c'était toi le coupable, et puis bon ses pauses louches la on va pas s'mentir… Et qu'en y repensant c'est une très très bonne chasseuse, étrange pour une femme de son statut non ? Puis, en y repensant vraiment , elle nous a jamais parlé d'elle à part pour nous dire que son mari est mort. La j'me dis que j'la connais pas en fait. C'est ma co-patronne j'la connais pas frère. Et j'me souviens aussi qu'elle voulait partir chasser qu'avec moi. Et la j'ai pas arrêté de me souvenir de trucs a la con comme quand elle nous disait que la vie ça s'arrête sans qu'on sache quand ou un truc comme ça. Du coup ben… Je sais pas trop."

 

Tim le regarde avec des yeux comme des soucoupes. 

 

Pendant un instant, Devon se dit qu'il ne va pas le croire. Il sait que Tim connaît le côté pieux de Joséphine, il va sûrement refuser d'admettre que toutes ces coïncidences sont étranges.

 

Rien de pire ne peut arriver, la tout de suite. Quand il en a parlé à Fab, celui-ci lui avait déjà émis plus d'un doute, mais il avait fini par admettre que c'était étrange - et impossible que Tim ait vraiment tiré sur Devon. 



Tim se retourne sur le canapé, pour faire face à la table basse et il attrape le verre de vin pour le boire cul sec. 

Devon a envie d'en rire mais sa langue est de plomb et pèse une tonne. 

 

"Ouwlah…" bafouille Tim, "J'avais oublié que le vin tape le fort…" Il repose le verre et plonge son visage dans ses mains. 

 

Devon lance un regard paniqué à Fab, mais Fab lui lance l'exact même regard. 

 

"Le première chose que je le ai pensé quand j'ai vu le toi sur le sol, et Joséphine était là, pas très le loin, fusil dans le main de elle, mais pas comme si elle venait de tirer lui, elle criait très le fort et j'ai quand même pensé… C'est elle, elle a fait cela, et elle vient pas aider le moi." 

 

Devon soupire de soulagement - même si c'est terrible, pour Tim, probablement. 

Tim se redresse, et les regarde, désemparé. 

 

"Mais ca peut pas être le possible right ? Elle est le femme de Jesus, elle est pure et j'ai vu elle s'occuper de les Croutes, elle peut pas être si vil ? Right ?"  

 

"Peut être qu'on se trompe, Tim, faut pas non plus qu'on mette la charrue avant les sangliers, hein ?" Dit Fab en levant ses mains devant lui.

 

"Ouais c'est même sur, pourquoi Madame Josephine voudrait me tuer ? A part qu'elle a insisté pour faire elle-même les papiers d'héritage des parts de l'autre pour le resto en cas de décès, haha." 

 

C'est une vraie blague, et il rit sincèrement, mais le regard terrifié de Tim et celui interloqué de Fab le coupe en plein rire. 

 

"Arrêtez les gars vous me faites flipper ??" 

 

"C'est toi tu avais fais le blague qu'elle avait tué le mari de elle !! C'est peut être pour le argent ! ARC est le bonne entreprise…"

 

"A cause de moi ! Sans moi le resto est pété. Ca serait carrément con d'sa part, tu vois c'que j'veux dire ?"

 

"C'est peut-être vraiment pas elle ? Mais dans ce cas pourquoi toi ?" Demande Fab.

 

"Et surtout qui ? Qui aurait réussi à nous suivre et à me tirer dessus sans que Joséphine le voit ? Maison a été clair, c'est bien une balle de fusil de chasse, et franchement y avait personne d'assez près pour viser dans le but d'me rendre–"

 

La voix de Devon s'éteint malgré lui et son regard cherche aussitôt Tim. 

Dis quelque chose Tim.

Dis quelque chose.

 

"Hey tu le marches, Devon. Tu dois toujours le romantic diner pour le Fab et moi, alors crois pas que tu vas te le tirer comme cela…" 

 

Devon sourit.

Tim lui fait du bien, même s'il a le cœur comprimé dans sa cage thoracique. 

 

"T'as raison, le Tim."

 

"Alors c'est forcément Josephine, pas vrai ?" Demande Fab, il a l'air pâle, comme si cette conclusion le peinait.

 

"Y a peut être autre chose. Peut-être qu'elle a fait ça à la demande de quelqu'un." Devon fronce les sourcils. Il n'est pas sûr de vouloir mêler Tim et Fab à cette histoire. "Enfin ça change rien, qui embaucherait Joséphine ??"

 

"Il faut qu'on fasse parler elle pour être le sur." Dit Tim. "J'ai le idée. Elle aime le vin de le Montazac et Torez, je peux faire boire elle et la faire parler." 

 

Devon se laisse aller dans le canapé après avoir saisi la bouteille d'eau. 

Il boit parce qu'il a la gorge sèche comme du papier de verre après toute cette discussion. 

 

"Je sais pas si c'est une bonne idée Tim. Imagine si elle essaye de t'tuer." 

 

"Elle a pas le raison de tuer le moi." 

 

"Si elle a tué quelqu'un je doute qu'un corps en plus ça lui importe." Marmonne Devon.

 

"J'suis pas fan de l'idée, Tim…"

 

"J'peux peut-être demander aux Vagos en vrai. Faut vraiment que je les vois d'façon." Propose Devon.

 

Au moment même où il propose ça, son téléphone sonne. 

Devon manque de faire tomber sa bouteille d'eau, Tim et Fab se jettent presque au même moment en avant pour essayer de la rattraper. 

Ils se retrouvent tous les trois à tenir la bouteille comme des idiots, alors Devon la lâche pour se saisir de son téléphone. 

 

Tim glousse et Fab ricane alors qu'ils reposent la bouteille mais Devon n'a pas le temps de se pencher sur la sensation amer au fond de sa gorge. 

 

"C'est le commissaire." 

 

"Décroche, c'est peut être le important."

 

Devon lance un regard a Tim avant de décrocher. 

 

"Allo ?" 

 

"Oui allo." 

 

"M'sieur Boid ? Ça va ?"

 

"Oui, euh… Monsieur le restaurateur la, faudrait que vous veniez au comico la. Faut qu'on parle. Vite."

 

"Ah ouais ? Vous voulez m'voir pour quoi m'sieur le commissaire ? Vous pensez que j'me suis tiré dans le dos tout seul ?" Il sourit en coin, parce que ça fait longtemps qu'il n'a pas pu enquiquiner le commissaire.

 

"Vous êtes con ou quoi ? Vous pouvez venir ?"

 

"On va dire que je peux pas venir en courant mais j'devrais pouvoir passer, vous voyez c'que j'veux dire ?"

 

"Ouais, ben venez dès que vous pouvez, je suis au comico jusque tard." 

 

"Vous allez me dire pourquoi ou pas ?"

 

"Hmm. C'est à propos de Joséphine de Beaucollier. Grouillez vous de venir." 

 

Le commissaire raccroche avant que Devon n'ait pu répondre, mais il dit quand même, "Ah ouais ?" puis il baisse son téléphone. 

 

Les deux autres le regardent dans l'expectative. 

 

"Bon ben, j'crois qu'on a notre réponse, pas vrai ?"



//



Bill Boid; Vendredi, 18h59: 



"Vous êtes con ou quoi ?" Bill lance un regard noir par la fenetre, "Vous pouvez venir ?"

 

Le restaurateur est un idiot, mais c'est un bon gars. Bill n'est pas bête, il sait que Devon Denis trempe dans des magouilles mais il a réussi à faire tourner la ville a lui tout seul avec ses produits, puisque les Pagnolesses ont déjà abandonné le navire. Bill n'est pas quelqu'un de corrompu, lui , mais il aime entretenir de bonnes relations avec les magnats de cette ville. 

Comme les Vagos. 

 

"Grouillez vous de venir." Dit-il, puis il raccroche, parce qu'il a déjà assez perdu de temps.

 

"Comment ça Madame de Beaucollier, elle a des soucis ?"

 

Bill se retourne vers son bureau. 

 

Devant est assis Donatien de Montazac, et appuyé contre l'un des meubles se tient Panis. 

Tout est propre et rangé, parce qu'hier Francis est venu passer la journée avec lui. Enfin, enfin il le croit, maintenant, pour Beaucollier. Il aura fallu attendre un accident de chasse, avec un blessé grave plongé dans le coma pour que son co-co daigne enfin partager la tache avec lui. 

 

Kuck est efficace, mais il s'est vite cantonné à la paperasse et satisfait d'un quotidien qu'il abhorrait avant de rencontrer sa femme. Bill se souvient encore de la façon dont Francis gémissait qu'il voulait prendre tout cette ville aux côtés de son capitaine, quand ils vivaient ensemble. 



A son bureau, assis courbé comme une branche d'arbre qui ploie sous le poids de fruits trop lourds, l'autre con de Donatien le regarde avec surprise. 

 

Pourquoi est-ce que tout le monde agit comment c'était si surprenant ? Une femme vénale qui tue son vieux mari pour accelerer le processus d'heritage, c'est la moyenne, pour Bill. Elles sont toutes les mêmes. 

Il lance un regard a Panis qui hausse légèrement les épaules, l'air un peu inquiet.

 

"Ça vous regarde pas, vous êtes de la maison M'sieur de Monmachin ?"

 

La moustache de Donatien frémit alors qu'il marmonne quelque chose. Bill se rapproche et se rassoit sur son siège, face à lui. 

Il n'a jamais vu cet homme aussi misérable. 

Le teint cireux, des cernes brunes et creuses sous ses yeux éteints.

Lui qui brillait par son charisme et son avarice, brûlant d'hypocrisie et d'un talent dangereux, il ne semblait plus être que l'ombre de lui-même. 

 

Terrifiant, ce que cette ville pouvait faire à un homme. 

 

"Vous la connaissez bien ?" Demande Panis, un peu plus doux. 

 

Bill sait que l'homme est assez brisé pour pas qu'il en rajoute sur son épine dorsale fragile. Panis est toujours une bonne aide, pour gérer ce que Bill ne sait pas gérer. 

 

"Ecoutez je n'dirais pas que je la connais si bien que ça mais c'est une grande cliente et consommatrice de Montazac et Torez." Répond Donatien en tressaillant légèrement alors qu'il lève difficilement les yeux sur le lieutenant.

 

Bill hume et croise les bras sur son torse. "Je vois, hm. Et elle vous a jamais parue louche ?" 

 

Donatien lâche un petit ricanement, "Enfin monsieur Boid, tout le monde est bien un peu louche dans cette ville." 

 

"Ouais, non mais la on parle de meurtre, m'sieur Montazac, si vous avez rien a me donner j'ai pas de temps a perdre, on a 5 enlevements, 3 meurtres, 12 fleeca et 45 courses poursuites la." 

 

Panis se racle la gorge. 

 

"Et je vous rappelle que l'un des enlèvements est exactement ce pour quoi je suis là, monsieur Boid enfin !" 

 

"Bon alors." Bill renifle, le ton haussé, juste parce qu'il aime avoir le mot de la fin. "Vous me disiez que vous étiez en train de faire du vin quand Cox a surgit de nul part pour vous embrasser c'est ça ?" 

 

"Hmouais, pour m'agresser, mais j'ai l'impression que pour vous c'est un peu la même chose commissaire." 

 

"Comment ça ?" 

 

"Et bien, vous savez, quoi." Donatien se racle la gorge. 

 

"Je pense que ce que Monsieur Montazac veut dire c'est que vous êtes un homme euh…" Panis tente de venir en aide à Donatien, et tous les deux se regardent en panique, et ça fait rire Bill, à l'intérieur.

 

"Mais toujours est-il qu'il est là, c'est lui c'est sur ! Il faut faire quelque chose pour l'arrêter, je dois absolument retrouver mon petit Antoine ! Ça fait des semaines qu'il a disparu, son cousin est dans un état lamentable." 

 

Bill attrape le dossier d'Antoine Croute, enfin, de son enlèvement, et il soulève la première feuille qui liste les infos du garçon. 

 

Au même moment, on toque à sa porte, et la sensation d'oppression habituelle fait son chemin au creux de l'estomac du commissaire. 

La porte s'ouvre et le capitaine - l'ancien, parti en repos obligatoire après la descente a Forum Drive - qui a remplacé le Iench se glisse dans l'entrebaillement. 

C'est un homme aux traits banals, qui inspirait presque la confiance à quiconque ne saurait pas que ce commissariat est pourri jusqu'à la moelle. 

 

"Bonsoir Commissaire, on a une prise d'otages a Little Seoul, je vais avoir besoin du lieutenant Panis." 

L'homme se penche et fait signe à Panis de le rejoindre. 

Donatien se retourne et le salue, lui propose une bouteille de vin, que le capitaine refuse. 

 

"Allez-y." Dit Boid d'une voix sèche, et le Capitaine lui lance un regard avant de ressortir, suivit de Panis qui lui lance un dernier signe de tête. 

Bill inhale subitement et tousse pour couvrir son dédain. 

 

Il se force à reprendre son entretien avec Donatien, déstabilisé.

"Dites, vous avez pas vu des trucs étranges se produire dernièrement ? Genre des courses poursuites, avec des voitures vertes, ou des gens blessés dans votre entourage, d'autres disparitions ?" 

 

"Qu'est ce que ça peut bien avoir à faire avec Antoine et Cox ?" S'impatiente Donatien, et comme il hausse le ton, les effluves de son haleine l'atteigne, et il empeste le vin. 

 

Bill se penche en avant et pose son avant-bras sur le bureau. "Vous buvez." 

 

Sa voix se fait dure et intimidante, alors qu'il se saisit de cette information pour se forcer à reprendre le contrôle de la situation qu'il a l'impression d'avoir perdu. 

 

Donatien tressaille. 

Pathétique. 

Il lui fait presque pitié. 

Il lui fait presque de la peine.

 

Il lui fait presque penser à lui. 

Sauf que son vin, c'est Francis. 

 

"J'ai bien le petit Devon qui a fini à l'hôpital mais je crois que c'était un accident. J'ai également…" 

 

Et la Donatien se coupe dans son élan. Bill sait que l'information est là. Celle qui manque à son puzzle. 

 

"Si vous détenez des informations que vous refusez de communiquer, j'peux vite vous enfermer pour ça. J'vous tiendrais responsable pour non assistance à personne en danger" il tapote le dossier entre ses mains, "envers Antoine Croute. J'ai appris que vous aviez adopté son frère la, vous faites quoi, vous en vouliez qu'un c'est ça ? Vous regrettez Monsieur Montazac ?" 

 

Donatien le regarde avec des yeux pleins de douleur et d'outrage. Bill sait qu'il a frappé fort, mais il n'a pas le temps. Ce grand con de vigneron n'a aucune idée de ce qui se trame. 

 

"Vous êtes bien misérable, commissaire. Vous savez parfaitement que je vous dirais tout, je pensais que vous aviez compris que je ne me cachais pas d'être une poucave. Surtout si je peux aider pour cette enquête. Sachez que je tiens à Antoine, autant qu'à Daniel, qui est son cousin, d'ailleurs." 

 

Bill ne dit rien. Francis serait peut-être fier de lui, d'avoir fait trembler le vigneron, mais lui ne s'en sent pas mieux. 

 

"Lenny, le chef des Vagos, est aux abonnés absents. J'ai appris qu'il avait quitté la ville. C'est tout ce que je sais." 

 

Bill est déçu par cette information. Ca n'est clairement pas la pièce manquante de son puzzle. 

 

Tout ça, pour ça. 

 

Bill blesse les gens, il a toujours été acerbe et virulent, un vrai porc-épique, mais il aime prendre soin de ceux auxquels il tient. Il n'aime pas particulièrement Donatien mais il ne méritait pas que Bill s'acharne sur lui de cette façon. 

 

Depuis qu'il est enfermé dans sa tour d'ivoire, comme Vanessa aime appeler son bureau, Bill est devenu encore moins patient. Encore plus tranchant. 

 

Il soupire. 

"Bon. C'est étrange d'accord, mais je pense pas que ca soit lié." 

Il bouge les dossiers devant lui, celui d'Antoine, celui de Beaucollier, et le troisième dossier. 

 

Celui de Liam Dunne. 

 

Bill lève les yeux sur Donatien, qui tangue légèrement, les sourcils froncés. 

"Attendez. Vous êtes au courant pour les Verts ?" 

 

Donatien dévie le regard aussitôt mais il gonfle sa poitrine, et pendant un instant il récupère de sa superbe, Bill revoit l'homme sur le point de devenir Maire. 

 

"Bien sûr que je suis au courant, Bill, enfin je suis Donatien de Montazac après tout !" 

 

"Vous avez été en contact avec Monsieur Dunne ?"

 

"Non, sachez que je ne traite pas avec ces gangsters des rues."

 

Bill croise les bras sur son torse et se laisse aller dans son siège. 

"Bien, voilà ce à quoi je pense. Je pense que votre affaire est un leurre. Je pense qu'on essaye d'éloigner la police de certains dossiers, et de certaines opérations peut être en cours."

 

"Un leurre ? Mais c'est très grave pour un leurre vous vous rendez compte ? On parle de l'enlèvement d'un adolescent !"

 

Bill hume, "Justement, vous voyez ? Parce que ça vous touche vous , et que donc ça va non seulement faire du bruit mais ça va aussi occuper les Vagos." 

 

Donatien a l'air scandalisé, mais il ne rajoute rien. 

 

"Je vais vous donner une information, mais c'est tout ce que j'ai pour l'instant. On a enfermé la folle qui trainait avec Cox, mais on a apperçu son second s'entretenir avec Monsieur Capone, dans le Nord." 

 

Les couleurs quittent le visage de Donatien. Lui aussi doit faire le rapprochement avec tout ce qui se passe. "Ce ne sont que des suppositions pour l'instant, mais si vous avez plus d'informations, d'autres contacts avec Cox, j'espère que vous ne jouerez pas aux cons et que vous viendrez m'en parler."

 

Il se penche à nouveau par-dessus son bureau et regrette la façon dont Donatien se recule, méfiant. "Ecoutez, je sais que vous avez l'impression que je ne donne rien sur votre affaire mais c'est faux. Grâce à votre dépôt de plainte on va pouvoir lancer une opération de ratissage dans la ville. Je vais vous aider à retrouver Antoine Croute, et cette fois on fera tomber Cox." 

 

Donatien récupère son chapeau, qu'il avait posé sur ses genoux afin de le replacer sur sa tête. 

"Comptez sur moi commissaire. Il faut que j'y aille." 

 

Bill se lève de sa chaise, il sait déjà ce qui va se passer ensuite. Il prédit un coup de fil aux Vagos.

 

Il raccompagne Donatien à sa porte, et une fois qu'il la refermé, il se dirige à l'autre bout de son bureau et presse son oreille contre le mur qui donne sur le couloir. Il l'entend très clairement, alors que Donatien s'adresse à quelqu'un que Bill ne peut pas voir. 

 

"Oui Haylie, c'est Donatien de Montazac, au téléphone, il faut que je vous vois…"  

 

Il n'entend pas la suite, mais Bill sort son téléphone et envoie un message a Panis. 



//



Lenny; Samedi, 06h01: 



Lenny se réveille. 

Non pas parce qu'il a assez dormi, parce qu'il a besoin de pisser, ou parce qu'il a fait un cauchemar, mais parce que le vent et la pluie s'abattent sur le van avec vigueur. 

 

Du moins, c'est ce qu'il pense, mais quand il ouvre les yeux, le dos d'M.T. est la première chose qu'il voit, et il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que quelque chose ne va pas. 

 

M.T. est courbé d'une drôle de manière. 

Il ne porte plus de haut, alors Lenny peut voir sa peau se tendre par dessus ses muscles qui spasment. C'est forcément douloureux. 

 

Et vu comme sa respiration rapide rebondit contre les parois du van, Lenny sait que M.T. souffre.

 

M.T. grogne, soupire - mais il pleut et vente quand meme, dehors, et ca explique tout ce bruit qui l'a reveillé.

 

M.T. est allongé à quelques centimètres de lui, à demi nu, un maigre pan de couverture recouvre sa hanche.

 

Lenny se force à délaisser la torpeur du sommeil confortable duquel il vient d'être tiré pour presser sa paume contre le dos d'M.T.

 

Il a la peau brûlante. Agréablement brûlante. 

Lenny veut enfouir son visage contre son dos.



La main fraîche de Lenny semble tirer M.T. de son sommeil, parce que sa respiration change de rythme. Elle s'apaise un peu, et M.T. remue, juste assez pour que son dos n'ait plus l'air complètement courbé.

 

Si Lenny n'avait pas autant la tête dans le cul, il n'aurait peut-être pas eu l'impression que M.T. venait de se relaxer, sous son toucher.

Mais Lenny en a l'impression, alors il glisse sa main le long de son dos dans un doux frottement qu'il espère apaisant. 

 

Lenny n'est jamais si doux , a vrai dire, c'est définitivement parce qu'il a la tête dans le cul, ok ?

Lenny est un homme violent et calculateur, un homme de pouvoir et de contrôle. 

Ok ?

 

S'il est doux, si sa main vient doucement caresser son bras cicatrisé, ce n'est pas parce que ca le rassure de voir qu'M.T. continue à se relaxer, que sa respiration ralentit malgré quelques sursauts, et surtout pas parce que quelques heures plus tôt, M.T. lui caressait le visage avec tout autant de douceur, ses lèvres contre les siennes. 

 

Rien à voir.

 

Lenny se hisse légèrement en avant pour venir frotter son front puis sa joue contre le dos d'M.T., entre ses omoplates. 

Il se rend compte qu'il a froid, et la chaleur d'M.T. le réchauffe agréablement. 

 

M.T. grogne, marmonne quelque chose, et Lenny n'est finalement pas assez endormi pour penser qu'il est réveillé. 

M.T. dort, malgré la peine. Il lui avait dit, que certaines nuits étaient plus clémentes que d'autres. 



Maintenant qu'M.T. a cessé de bouger et de haleter de douleur, Lenny est laissé seul avec ses pensées, et la preuve de ce qu'il se passe entre eux. 



Il enlace un autre homme.

Il est allongé, dans un lit, tout contre un autre homme.

 

Mais pas n'importe quel autre homme. 

Il aurait pu s'en tirer, en enlaçant un homme lambda, un homme sans importance. 

Non.

 

Il enlace le chef d'un gang, adverse, un homme contre qui il menait une guerre, un mois plus tôt. 

 

Tout ça lui semble si loin. 

Tout ça lui semble si irréel.

Tout ça, ce qu'il vit maintenant, lui semble n'être qu'un rêve. 

 

Un rêve qu'il a déjà fait, avant, mais qu'il a enfoui quelque part dans les limbes de son conscient pour ne plus s'en rappeler. 



Les yeux de Lenny se referment, tandis que la pluie et le vent continuent à s'acharner sur le van; bercé par le souffle régulier d'M.T., enveloppé par sa chaleur, il se laisse sombrer lentement dans les méandres du sommeil.

 

L'odeur d'M.T. lui fait revivre ces rêves, ces baisers, ces embrassades, ces moments volés, au milieu d'un chaos - causé par eux même. 

 

Qu'est ce que tu fais, Jefe ?



Les yeux de Lenny s'ouvrent subitement à nouveau, et toute la réalité de sa situation lui retombe dessus, d'un coup. La pluie a cessé de tomber, le soleil illumine tout le van. Depuis combien de temps est-ce qu'il somnole ?

 

Il se redresse et s'éloigne rapidement du corps pressé contre le sien, alors que son souffle s'emballe. 

La torpeur du sommeil s'évapore comme de la fumée devenue diaphane.

Son dos se presse contre la paroie du van, mais il n'est pas assez loin de l'objet de ses tourments. 

 

Lenny appuie une paume contre ses lèvres, alors qu'il se souvient très clairement de la façon dont il a embrassé M.T. hier. 

 

Mais qu'est ce qu'ils ont foutu ?

S'embrasser, en public, a la vue de tous, comme s'ils n'étaient pas déjà des cibles ambulantes ?

 

Si ça se sait–



Quelque chose de mou lui frappe mollement le visage. 

Lenny rattrape le coussin qui vient de lui être jeté en pleine figure. 

 

"J't'entends ruminer d'ici mon frère, mets la en veilleuse."

 

La voix d'M.T. est rocailleuse, le sommeil sous-jacent dans ses paroles, et la façon dont elle se brise a la fin de sa phrase fait monter la température de Lenny de manière incontrôlable.

 

M.T. s'étire lentement, precautionneusement devant lui, on dirait un gros chat paresseux, et Lenny veut enfouir son visage contre son ventre–

 

"Faut qu'on parle." Il se coupe lui-même dans ses pensées dangereuses. 

 

M.T. se redresse en grognant, on dirait qu'il revient d'entre les morts. Ses cheveux partent dans tous les sens, ils redeviennent complètement crépus. Lenny veut y glisser ses doigts. 

 

Il est sur le point de se gifler lui-même. On dirait un putain d'ado libidineux incapable de controler ses hormones, bordel ! 

 

"Si tu regrettes, on en parle plus, refré, pas la peine de se la jouer telenovela." 

 

Et juste comme ça, le poids sur les épaules de Lenny s'envole, mais il refuse de laisser son angoisse disparaître aussi facilement. 

Ça n'a jamais marché comme ça, dans la vie. Les choses n'ont jamais été aussi simples. 

Comment est ce qu'M.T. pouvait agir comme si c'était aussi simple ?

 

Lenny ouvre la bouche, mais M.T. lève une main, et Lenny referme la bouche.

 

"Commence pas ma p'tite tarte au citron, j'connais un moyen plutôt efficace de t'la faire fermer maintenant." 

 

Lenny sent ses oreilles chauffer, mais aussi son ego se briser un peu. "Fais gaffe, Géant vert, qu'est ce que j't'ai dit."

 

M.T. ricane, et il se redresse pour s'étirer à nouveau en murmurant heh, Geant vert, tendu refré...  

Lenny est au bord du malaise, tout son corps essaye de se battre avec son esprit pour affirmer sa dominance et se jeter sur ce corps qui provoque toutes ses envies. 

 

M.T. grimace et masse son côté gauche. "J'suis sérieux, Lenny. Pas besoin d'en faire un problème. On en a d'ja assez comme ça."

 

Il se retourne légèrement vers lui, son regard clair assombri par quelque chose qui ne présage rien de bon. 

 

"Il faut que j'appelle la doc. Ça va pas." 

 

Lenny sent son estomac peser plus lourd, soudainement. Il croise les bras sur son torse, pour s'empêcher de s'approcher plus près et être déjà hors caractère. 

"Fais-le. On la fait venir, s'il faut." 

 

M.T. hausse son sourcil, "Ils vont la suivre refré, tu veux vraiment la mettre en danger pour moi ? Chaud, ça va un peu vite là non ?" 

 

Le corps entier de Lenny se crispe et M.T. rit, avant d'attraper sa cigarette électronique d'une main tremblante.

 

Même s'il prend une taffe, même si ses épaules se détendent un peu, et qu'il ferme les yeux, Lenny peut voir que la douleur persiste. 




Ils quittent la plage pour trouver un endroit où se rafraîchir et manger un bout, et M.T. appelle Vanessa depuis le portable de Lenny. 

Leur discussion, c'est principalement Vanessa qui parle et M.T. qui grogne. 

 

Elle lui dit qu'il a besoin de sa rééducation, et elle passe près d'une demi heure à décrire les mouvements exacts et les différents massages à appliquer avec certaines crèmes sur ses cicatrices.

 

C'est un putain de mic mac, et dans tout ça, M.T. doit surtout bouger. 

Ça tombe bien, se dit Lenny, parce qu'ils doivent bouger. 

 

Sur l'écran du téléphone de Lenny, le nom de Marcello s'affiche. Il raccroche directement. 

 

"On part dans le Nevada, j'connais un coin." 



//



Haylie; Samedi, 14h12 : 



Le vignoble n'est pas un endroit comme les autres. 

Ici, on respire bien, mais ça pue.

 

C'est un endroit à découvert, avec pourtant énormément d'endroits discrets pour se planquer. 

 

Et dernièrement, il a un peuple monstre - de cyclistes et de sangliers. 

Mais Haylie est la seule à venir passer la plupart de son temps libre au vignoble. 

 

Elle a un emploi du temps bien huilé, quand elle vient ici. 

Elle arrive, se gare dans le garage du vignoble, puis elle fait le tour de l'intérieur du manoir, avant de grimper sur les hauteurs et de surveiller les travailleurs qui récoltent le raisin. 

 

Depuis qu'il est rentré, Fab passe quand elle est là, il lui fait la conversation et Haylie l'écoute d'une oreille alors qu'elle gère les nombreux sms de Devon, Inigo, Rose, Kim, et toutes les petites mains qui dealent et cambriolent pour eux. 

 

Elle envoie aussi ses rapports à Lenny, même si elle sait qu'il déteste quand il y a des traces écrites. 

 

Il a qu'à décrocher, quand elle l'appelle bon sang. 

La seule chose qu'il lui a répondu, c'est une photo d'M.T. de dos en train de tomber d'une espèce de pont en bois et dans une petite rivière, et franchement, Haylie le prend mal. 

Alors juste pour tenir tête silencieusement à Lenny, elle enregistre la photo avant de supprimer le message comme ils font toujours depuis que Lenny est parti. 



Le bruit de roues qui écrasent le gravier du parking du domaine tire Haylie de ses pensées. 

C'est Donatien, avec son énorme hummer couvert de billets. 

 

A l'arrière, Haylie peut discerner la forme recroqueviller du cousin croute aux cheveux clairs. 

 

C'est un exploit, que Dona ait réussi à faire sortir Daniel. De ce que Fab lui a raconté, le petit est dans un sale état. 

 

Donatien est une épave lui même, a l'image de son nouveau fils. 

Il titube hors de la voiture et se redresse autant que possible en se dirigeant vers Haylie. 

 

"Aaaah ma p'tite Haylie, j'suis content d'vous voir. Vous aviez parfaitement raison, le commissaire ne va rien faire du tout c'est lamentable ! Mais je lui ai dit ce que vous m'aviez dit de dire. Il pense que tout est lié aux verts."

 

Haylie sent son téléphone vibrer. Elle le sort et un nom qui lui donne une bouffée de rage s'affiche sur son écran. 

 

"Tiens c'est marrant y a Capone qui m'appelle."

 

Donatien tressaille, alors elle raccroche. "Vous en faites pas, Donatien, il vous approchera pas."

 

Elle sort son uzi, juste pour faire bonne impression, et Dona semble se regonfler comme ces spaghettis gonflables sur le trottoir près d'un concessionnaire. 

 

"Alors, comment on fait pour piéger Cox ?" 

 

Haylie regarde alentour, avant de poser les yeux sur Dona. 

"J'pense qu'il mordra pas si vous l'appelez pour un rendez-vous. La dernière fois, vous êtes sorti travailler, je pense qu'il doit surveiller certaines zones ou vous avez l'habitude d'aller. Ce qui veut dire que soit il vous espionne, soit il vous a espionné. Je doute qu'il surveille cette zone, je sais que personne n'y est." 

 

Donatien regarde alentour d'un œil vitreux. Elle lui dirait bien de se calmer sur la vinasse, mais de un, elle n'est pas sa mère, et de deux, il fait bien ce qu'il veut, tant qu'il est assez lucide pour ne pas entraver Haylie. 

 

"Ecoutez… A part le magasin de gros qui me reprend mes bouteilles et l'usine de traitement, je ne travaille pas ailleurs que sur mes vignes !" 

 

Haylie acquiesce. 

 

"Je posterais quelqu'un à cet endroit. Si dans les prochains jours on a pas de nouvelle on passera à l'étape supérieure."

 

"Ah oui ? Comment ça ?" 

 

Haylie pose les yeux sur la voiture de Dona, et plus précisément sur le jeune homme assis sur le siège arrière qui fixe un sanglier par la fenêtre sans cligner des yeux. 

 

Dona suit son regard. 

Le silence s'installe tandis que le vigneron traite l'information.

 

"Non… Vous n'oseriez pas." Gronde Donatien d'une voix bien plus grave que d'habitude. 

 

Haylie ne cille pas. Haylie ne cède jamais. 

La seule personne pour qui elle reculerait est partie loin de Los Santos.

 

"Vous voulez sortir le gamin de son etat ? Donnez lui un but, Donatien. Faites moi confiance. Je sais ce que je fais."

 

C'est faux, mais c'est comme ca qu'elle a toujours marché, c'est comme ca qu'elle s'en est toujours sorti, et qu'elle a toujours convaincu les autres qu'elle savait exactement ce qu'elle faisait. 

 

Fake it 'til you make it. 



Le regard de Donatien s'endurcit. 

 

"S'il me le prend, vous me le paierez." 

Chapter 12

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Marcello; Samedi, 19h12: 

 

Il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il a eu le droit au silence. 

Il ne se souvient pas de la dernière fois que Liam s'est tu pour réfléchir. 

 

Depuis cette nuit-là, à Forum Drive, il n'arrive plus a supporter le silence, et quelque chose a changé dans le regard de Liam. 

 

Marcello reconnaît ce changement, parce qu'il rencontre ce même regard a chaque fois qu'il est face au miroir. 

A chaque fois qu'il est face au miroir, il voit ce vide, impossible à remplir, qui les rongent tous les deux depuis cette nuit-là, à Forum Drive.  

 

Ils en ont vécu, des trucs de merde, mais jamais rien ne les a aussi profondement meurtri que cette phrase qu'M.T. leur a dit, cette nuit-là, à Forum Drive. 

Une vie pour une vie. 

Une demande impossible à combler. 

 

Parfois, Marcello se dit qu'M.T. savait parfaitement ce qui allait se passer. Que par ces mots, il leur a demandé de mourir. 

M.T. savait parfaitement que Marcello etait incapable de les tuer, ni l'un, ni l'autre, de prendre cette decision. 

Il savait, et Marcello aussi, que Liam préférerait la Mort que de tuer Marcello. 

 

Il se demande si M.T. aussi, a pensé que Liam allait se suicider. C'est peut être au moment où Liam a dû choisir, entre sa vie et la sienne, ou celle d'M.T., que Liam a perdu son âme. 

 

Et c'est face à ce sacrifice, causé par sa propre lâcheté, que Marcello a perdu la sienne. 



Ce soir, Marcello voit pour la première fois Liam s'éteindre. C'est une baisse d'intensité passagère, il le sait, mais c'est rassurant- juste un peu. 

Il se laisse tomber dans le canapé d'un salon qui n'est pas le leur, contre lui, et il se laisse aller, inerte, sa tête contre l'épaule de Marcello. 

Ca fait des semaines, depuis cette nuit-là, à Forum Drive, que Liam a pris feu comme la mèche imbibée d'un cocktail molotov, incandescent, et qu'il brûle tout sur son passage. Les rares fois où il s'éteint, c'est seulement pour s'enflammer encore plus vivement le lendemain, déterminé à tout ravager autour de lui. 

 

Il a explosé, hors de contrôle, et maintenant, il atteint le point de non retour. 

 

Liam n'a jamais été fait pour être le chef d'un gang stable et durable, comme l'est Lenny Johnson. 

Liam est comme M.T.

Il est fait pour briller, fort et douloureusement, se consumer magnifiquement dans un vacarme retentissant, avant d'exploser pour ne laisser derrière lui que les traces de bitumes cramées par ses nuits d'excès. 

Un passage intense mais éphémère. 



Marcello sait que Liam est sur le point d'exploser. Il sait, alors que Liam enfonce son visage contre son cou et agrippe sa veste pour la lui faire retirer, en murmurant Luigi, Luigi dans une litanie sourde, qui meurt contre ses lèvres quelques secondes après, que Liam atteint ses limites. 

 

Ce soir la, ils font une erreur, une erreur qu'ils font… plutôt régulièrement, et qu'ils regrettent à chaque fois, parce qu'elle met leur amitié en danger. 

Cette erreur, la première fois qu'ils la font, c'est en prison. 

 

Ils viennent de se rencontrer, le temps passe, un soir Liam dégote de l'alcool et les choses dérapent. Liam murmure qu'il est pas pd, qu'il est pas comme ça, qu'il a juste besoin d'chaleur. Marcello répond en italien que c'est un abruti.

 

La seconde fois, c'est quand ils se retrouvent à Los Santos. Alors la, ils s'installent ensemble et ca derape sans arrêt. Dans le lit, sur le canapé, dans la douche - surtout sous la douche. 

 

C'est que des erreurs, donc pas besoin d'en parler. Pas besoin de mettre des mots là dessus. 

C'est toujours la même chose, Liam dit qu'il est pas pd, qu'il est pas comme ça, et Marcello l'insulte en italien. Puis il lui dit, on en parle plus stupido , et ils n'en parlent plus. 

 

Tant qu'ils n'en parlent pas, l'info ne fuitera jamais. Meme M.T. avec ses blagues de merde ne s'en ait jamais douté. 



Ça ne dure pas très longtemps, ils sont tous les deux à cran, et Liam est particulièrement désespéré. Marcello sait que les choses ne vont pas comme il le voudrait, rien ne se passe comme ils le voudraient, depuis le début. 

 

"Oh Lili."

 

Liam est affalé sur lui, sa tête enfouie contre son torse. Il n'en a rien a foutre que Marcello soit recouvert de sueur. Il a les yeux fermés, et il respire profondément. 

 

Marcello le regarde, longuement. Quand il pense à tout ce qu'il a fait dernièrement, Liam n'est plus le Liam qu'il a connu en prison. 

 

Il l'a regardé éventrer de sang froid une fille qui avait eu le malheur de refuser de bosser pour eux. 

Il l'a vu refourguer de la drogue a des gamins en échange d'infos. 

Il a perdu la tête. 

 

"Lili." 

 

Pas de réponse, Liam inspire profondément. 

 

"M.T. est vivant." 

 

Liam dort. 

Comme à chaque fois qu'il essaye de lui dire. 

Et il essaye, il le jure. 

Peut être qu'inconsciemment, il attend toujours que Liam soit endormi. Peut être. 

 

Peut-être qu'il a peur de voir Liam exploser trop tôt quand ses suspicions se confirmeront. 



Marcello lève les yeux au plafond, laisse ses pensées divaguer vers des souvenirs plus légers. 

Il attend que Liam grogne et marmonne quelque chose avant de  glisser sur le côté; pour pouvoir s'extirper de sous lui. 

 

Là, il se retrouve confronté à ce salon, a moitié saccagé, dans lequel Liam passe la plupart de son temps. 

Marcello le traverse, lentement, à moitié nu, et regarde les murs et les meubles, à la recherche de preuves, d'un dernier vestige de l'ancien propriétaire. 

 

Tout ce qu'il reste de lui, c'est une batte de baseball. 

 

Marcello se penche et la ramasse. C'est plus lourd qu'il n'y paraît. 

La batte est vieille et usée, et pourtant, Marcello ne l'a jamais vue en action. 

 

Sur le manche est gravé une inscription. Pour M.T.

 

Un vieil autocollant vert orne la batte, sur lequel on lit "Longue vie aux Families."



Marcello resserre ses doigts autour de la batte et assume la position, manche sur l'épaule. 

Il swingue, comme dans les matchs et les films qu'il a vu, mais c'est plus dur qu'il ne le pensait et il lâche la batte qui tombe sur le sol dans un bruit lourd.

 

Marcello siffle entre ses dents et se retourne vers Liam, mais il continue à dormir, la bouche grande ouverte, un leger ronflement qui s'en échappe. 

Liam ne dort plus, les cernes sous ses yeux et son teint diaphane en sont la preuve. 

C'est rare, quand il trouve le sommeil. 

Marcello comprend. 

Lui non plus ne sait plus comment se laisser enlacer par les bras de Morphée. 



Il ramasse ses affaires et se rhabille, avant de sortir. 

Il suffoque, ici. 

Marcello déteste venir dans cet appartement, l'appartement de M.T. 

Mais c'est ici que Liam vient pour laisser sa frustration exploser. 

C'est ici que Liam vient laisser la façade s'écrouler, qu'il cesse de jouer les Caïds intransigeants et les tueurs de sang froid. 

 

C'est ici que Marcello regarde Liam sombrer et se consumer, une folie qu'il ne contrôle pas gangrenant son esprit et le faisant sombrer encore plus vite. 



Il sort, descend des escaliers, salue les gars qui traînent sur le trottoire en s'échangeant les stocks de drogue que Liam a réussi à faucher aux Ballas. Les hommes le saluent respectueusement en retour, et Marcello trottine jusqu'à l'appartement qu'il partage avec Liam. 

 

C'est seulement une fois qu'il a verrouillé derrière lui qu'il sort son téléphone, et qu'il rappelle Haylie.

 

Il est 21h, et elle décroche.

Enfin.

 

"Quoi."

 

Elle est si froide, elle l'a toujours été, avec lui, et c'est tout ce qu'il mérite, lui avait dit Liam, à l'époque. C'est vrai que Marcello avait pas vraiment pris des pincettes avec Haylie. 

 

"Ah allo, Haylie. Merci d'avoir répondu, j'ai essayé de joindre ton boss toute la journée mais il répond pas."

 

Un lourd silence pèse entre eux pendant quelques secondes. 

 

"Tu te fous de ma gueule c'est ça ?" Lui demande Haylie, d'un ton un peu trop neutre, mais Marcello sait qu'il ne la dupe pas. 

 

Il soupire. "Okay okay, je suppose qu'il t'a dit pour la dernière fois. Mais je t'assure qu'on essayait rien, fallait juste que je sache si les rumeurs étaient vraies." 

 

"Pourquoi tu m'appelles, Luigi ?" Haylie insiste, le ton acerbe. 

 

Marcello hésite. Il se dirige vers la fenêtre de l'appartement et regarde la cour ou deux femmes donnent une arme à une fille bien plus jeune. 

 

"J'ai besoin de parler à ton boss."

 

"Pourquoi ?"

 

"J'ai…" 

 

Marcello amène ses doigts à sa bouche et ronge ses ongles déjà bien attaqués. 

 

"J'ai besoin de voir M.T." 

 

De nouveau le silence pèse entre eux. Seulement cette fois, Marcello sent les rouages tourner chez son interlocutrice. 

 

"Je sais pas si t'es assez con pour croire que j'vais te vendre leur position ou si t'es sincère et que tu crois vraiment que j'ai envie de t'aider." Répond Haylie un peu sèchement mais Marcello sent qu'elle est déstabilisée. 

 

"Tu veux savoir comment on l'a su, pas vrai ? Je te donne l'info si tu dis a ton boss de me repondre au telephone." 

 

"Ça m'apporte rien cette info."

 

"Arrête Haylie, tu sais très bien que je sais que tu veux avoir le nom de la personne qui nous a dit que M.T. était là." 

 

C'est au tour de Haylie de soupirer. "Je lui enverrais un sms, mais pas avant d'avoir le nom."

 

"Pas de soucis ça, je m'en tape moi, c'est Grine, le gamin du comico, il a donné l'info a son pote de chez nous. Je compte sur toi Haylie, me la fout pas à l'envers, je pense pas que tu puisses te le permettre, pas vrai…" 

 

Quand Haylie raccroche sans plus un mot, Marcello se dit qu'il a peut-être bel et bien fait une connerie. Mais la sensation de désespoir qui prend toute la place dans sa cage thoracique s'en retrouve juste un peu soulagée, à l'idée qu'Haylie tienne parole, et qu'éventuellement Lenny réponde à son appel. 

Et qu'encore plus hypothétiquement, il accepte sa requête. 

 

Marcello ne se fait pas de faux espoirs, il sait que c'est perdu d'avance - et le moment où il a la position de Lenny, de toute façon, il la donnera à Liam, puisque Liam s'est mit en tête de…



Le téléphone de Marcello tinte, il a reçu un sms. 

D'Haylie. 

C'est un screen, d'un échange de sms avec Lenny. 



Luigi veut te parler.

 

?

 

C'est à propos de ton colis.




Il n'y a pas de réponse, le sms d'Haylie est laissé sur vu. 




//




M.T.; Samedi, 22h31 : 



M.T. avait appelé Vanessa. 

 

Honnêtement, il avait repoussé l'inévitable depuis leur départ, mais la nuit avec Lenny l'avait décidé. 

La CBD n'est plus assez, et M.T. avait passé deux bonnes heures a se mordre le poing pour ne pas hurler de douleur et réveiller Lenny, tandis que la sensation de flammes qui lèchent sa peau le torturait lentement. Il avait fini par s'endormir difficilement, d'un sommeil agité, puis étrangement d'un sommeil profond. 

 

Quelque chose n'allait pas, c'était insoutenable, et ça empirait. 

 

Il avait décidé d'appeler Vanessa, donc, parce qu'il fallait que ça cesse. Ou du moins qu'il trouve un moyen de soulager sa douleur sans passer par la case hôpital. 

Ce n'était pas qu'il refusait de se montrer vulnérable face à Lenny - ce gars l'avait vu avec la peau a vif, a moitié mort, il lui avait donné son bain .

 

Non, c'était pas ça le problème, M.T. n'avait plus d'honneur à défendre, depuis quelque temps maintenant. 

 

Seulement, il avait la sensation que leurs petites vacances n'allaient pas durer longtemps. Et même s'il commençait à croire Lenny quand il lui disait qu'il ne veut pas lui nuire, M.T. ne voulait pas dépendre de lui quand il s'agissait de sa sécurité. 

La, c'est une question de fierté. 

 

Et puis cette douleur, elle commence à impacter son appétit, son sommeil, sa libido, aussi, bref, M.T. n'est pas vraiment en forme. Il n'est même plus sûr d'être le même homme. 

 

Il n'est plus trop sur de qui il est, dernièrement. 

 

C'est peut-être pour ça qu'il baisse sa garde face à Lenny. Ou peut-être parce qu'il a déjà tout perdu, que le gars l'a vu a poil et lui a fait sniffer de la coke.

 

Il l'a vu à son pire, alors M.T. lui a montré encore pire, en s'ouvrant et en  l'embrassant sur cette plage. 

Seulement Lenny l'a suivi, comme si son pire n'était pas si pire . Et maintenant…

 

Maintenant Lenny est déstabilisé. 

C'est fun.

C'est mignon.

Ça réveille un gros chat en M.T. qu'il n'est pas sûr de savoir contrôler. 

Pas qu'il sache comment le contrôler, ni qu'il le veuille. 

 

Ce qui se passe entre Lenny et lui, c'est pas quelque chose qui les suivra s'ils rentrent, M.T. sait que c'est pas fait pour durer, alors pourquoi lutter ? 

 

Pourquoi lutter, surtout quand Lenny fond si facilement sous ses doigts et qu'il frémit dès que M.T. prononce son prénom. 



Vanessa avait été très claire. 

Si les brûlures d'M.T. avaient si bien guéries, et qu'aucune boursouflure, irritation ou rougeur ne se manifestait, ces douleurs étaient des symptômes post-traumatiques. 

Autrement dit, tout était dans sa tête, mais la doc avait insisté : c'est pas parce que c'était dans sa tête que la douleur n'était pas réelle. Le problème c'était qu'il n'existait aucun traitement médicamenteux qui puisse le soulager, a part des anxiolytiques puissants. 

 

Quand M.T. lui a demandé les effets du truc dont elle parlait, il avait eu l'impression que Vanessa lui décrivait un zombie. 

Pas moyen, du coup, qu'il prenne ce truc - et encore moins qu'il aille voir un psy, comme elle le lui avait conseillé.

 

M.T. n'a pas besoin d'un psy. Il a beau s'être montré vulnérable, il est pas fragile, ok ? 

 

Devant son refus catégorique et véhément, Vanessa avait alors suggéré des stimulus physiques, comme de l'exercice physique et des massages avec des crèmes qui pourraient l'aider à apaiser les tensions musculaires causées par les symptômes. 

 

M.T. avait aussitôt soumis l'idée que Lenny lui prodiguerait ces massages, et Lenny l'avait entraîné sur un chemin de randonnée à la place. 

 

Quand Lenny lui avait dit qu'ils allaient au Nevada, M.T. s'imaginait déjà à Vegas, à jouer tout l'argent de Lenny à la roulette ou au blackjack. 

À la place, il se retrouve à Reno, la version naze de Vegas.

 

Lenny semblait bien connaître les alentours, parce qu'il s'était garé sur un parking au pied d'une petite montagne, après avoir fait le pleins de boissons et de nourriture à une supérette à l'entrée de la ville. 

Il avait appâté M.T. hors du van avec une bouteille de coca qu'il lui avait lancé sans cérémonie avant de lui dire de le suivre. 

 

Quelle torture ça avait été.

 

Ils s'étaient engagés sur un sentier pavé de planches en bois clouées sur des rochers à peine taillés qui longeaient une petite rivière gargouillant paresseusement sous le soleil, et qui s'enfonçait parmi les roches du décor aride du mont Tahoe. Au loin, des pins se dressaient et promettent une ombre salvatrice. 

 

Lenny lui racontait des anecdotes sur la montagne, sur la rivière, sur sa premiere fois a prendre de la coke, alors qu'il prenait des photos à tout va. 

M.T. l'a même vu prendre des photos de lui, quand il pensait qu'il ne le regardait pas. 

Sa nuque scintillait de sueur, il avait les joues un peu roses sous ses lunettes de soleil, et ses cheveux frisaient sur son crâne. 

 

Ok, peut-être que ca n'avait pas vraiment été de la torture. 

 

Surtout après les quelques heures de marche tranquille qui brûlait ses mollets et faisait picoter ses cicatrices a cause de la sueur, alors que son corps commençait à lui signaler des courbatures et qu'il se plaignait sans arrêt, juste pour voir la lueur d'inquiétude dans les yeux de Lenny alors qu'il râlait en retour. 

 

A la fin du chemin de randonnée se trouvait un paysage époustouflant. 

 

M.T. avait toujours cru être insensible à la beauté du monde, il avait vécu dans la grisaille et la crasse de Forum Drive, et toute la beauté du monde qu'il voyait à travers les images de sa télé cathodique, enfant, à travers le minitel, puis l'ordinateur, ado, et enfin sur les réseaux sociaux, adultes, n'était que fadeur depuis qu'M.T. avait côtoyé la Mort. 

 

Là, devant lui s'étendait un lac à perte de vue, dont l'eau complètement claire scintillait sous le soleil couchant qui baignait la scène d'une magnifique lumière orangée, tandis que le ciel se teintait de rose et de violet. Tout autour du lac se dressaient des pins aussi hauts que des buildings, dont la cime se balançait au rythme de la douce brise qui rafraîchissait l'atmosphère. 

 

M.T. avait déjà vu la mer, s'était déjà perdu dans son immensité, alors que sa mère lui tenait la main, la première fois qu'ils s'étaient rendu a Sandy Shore, mais ça n'avait rien à voir avec la vue que lui avait offert Lenny. 

 

M.T. avait senti son regard sur lui, attentif, comme pour se nourrir de cet émerveillement qui ne nous saisit que la première fois qu'on est confronté à la beauté d'un paysage.  

 

Ils étaient restés là durant de longues minutes, assis sur un banc comme deux vieux devant le crépuscule. 

M.T. avait pris la main de Lenny dans la sienne, sans trop y penser, et Lenny l'avait laissé faire. 

 

Même s'il avait la main moite. 

 

Après ça, ils étaient revenus au parking, et le chemin avait été étrangement rapide. M.T. s'était vite rendu compte que le parking se situait à quelques mètres du lac, et que le chemin de randonnée faisait le tour de la montagne. 

Frustrant.



Maintenant qu'il est étalé de tout son long sur son lit d'hôtel cinq étoiles, le corps agréablement détendu mais courbaturé, M.T. commence à se dire que l'idée de Lenny n'a pas été si mauvaise. 

 

Il a pris une longue douche dans une cabine avec des jets massants, et s'est commandé un gros repas avec le service de chambre. 

Dommage que Lenny ait décidé de prendre deux chambres séparées, surtout qu'il se retrouve à l'étage sous celui d'M.T., à l'autre bout de l'hôtel. Il faut dire que Lenny n'a pas hésité un instant quand il a pris ces deux chambres.

 

C'est l'occasion parfaite pour lui de fuir M.T. et ce qu'ils ont fait hier.



M.T. suçote le bout de sa cigarette électronique, en fixant le plafond, alors que la TV écran plat blablate sur des incidents survenus dans la ville à cause d'un nouveau gang.

Il n'a presque plus de produit pour sa vapoteuse, mais il a vu un petit magasin pas trop loin de leur hôte à l'entrée d'une ruelle. Il ira, après manger. Il ira peut-être dans un casino, aussi. 

Enfin, si son corps proteste pas trop et s'il s'endort pas avant. 



Il peut comprendre Lenny, en vrai. 

Quand M.T. repense à la façon dont il s'est penché vers Lenny, en lui avouant cet horrible secret qui le ronge depuis des années, il a le poil qui s'hérisse. 

 

Il se souvient de la façon dont Lamar l'avait attrapé par le col en lui promettant de l'égorger et d'autres menaces bien plus dérangeantes, si M.T. continuait à le regarder comme ça.  

Il se souvient de la façon dont il haïssait le toucher de ces femmes tellement plus vieilles que lui, mais il se souvient surtout de la façon dont il s'est forcé à prétendre qu'il aimait ça, qu'il en voulait plus, qu'il enchaînait les meufs juste pour que le regard de Lamar arrête de l'assassiner sur place. 

 

Quand il est devenu le nouveau boss des Families, il a eu l'impression d'avoir réussi à se duper lui-même. Les filles du Unicorn venaient toujours glousser autour de lui et M.T. avait envie de sentir leur toucher, même si ça avait un arrière-goût acide de punition. 

 

Et puis Lenny a pris soudainement encore plus de place dans sa vie. 

C'était déjà dur de l'ignorer avant, vu la façon dont Lenny avait brillé, vite et fort, en prenant la tête des Vagos aussi jeune. 

Non seulement avait-il été le chef de gang le plus jeune de l'histoire de Los Santos, mais il avait aussi réussi à redresser les Vagos au point de foutre la famille de M.T. dans la merde. 

 

L'existence d'M.T. était désormais vouée à renverser cet homme, cette tendance, et le pouvoir des Vagos sur Los Santos, comme il l'avait murmuré à Liam, le jour où ils ont tenté de contre braquer les Vagos a la sortie de la Pacifique.  



Cette attirance pour Lenny, elle s'était faufilée sous sa peau depuis plus longtemps qu'il n'aimerait se l'avouer. Ça avait été facile de la piétiner et de la transformer en une jalousie passive et déterminée.



M.T. se retourne sur le ventre et enfouit son visage dans les couvertures du lit de l'hôtel. 

A la télé, il y a des pubs qui parlent d'incontinence et d'assurance vie. 

M.T. se demande comment il réussit à mettre tant de choses derrière lui, comment il a réussi à laisser Lenny clore cet infime espace entre leurs lèvres sans le frapper, sans le tuer, sans essayer d'effacer les preuves de ce pour quoi on lui promettait la Mort, avant qu'il ne meurt.



Il se cambre et agrippe les draps pour enfoncer son visage plus loin contre le matelas alors qu'un frisson agréable secoue tout son corps, avant qu'il ne se fige, hanches pressées contre le matelas. 

 

La douleur revient.



Il pensait ce qu'il a dit à Lenny. 

Ça ne sert à rien d'en faire un problème. 

Ça ne durera pas. 

Autant en profiter.

 

Avant que M.T. ne meurt à nouveau. 



Toc Toc.

Room service. 

 

Parfait, il va pouvoir s'en foutre plein la panse et oublier, pendant quelques secondes, cette situation si improbable dans laquelle il se trouve. 

C'est vrai quoi, putain. 

Ca sert a quoi de se braquer contre ce qui se passe entre eux alors qu'M.T. a survécu à un pain de C4 avec un œil et la moitié du visage en moins, qu'il a été sauvé par son pire ennemi, et qu'ils sont maintenant tous les deux en road trip pendant que LS est sûrement à feu et à sang.

 

Au point où ils en sont.  

 

M.T. dégomme son steak, et, repu, se décide finalement à sortir. 

Il admet qu'il est curieux quant à ces incidents qui se passent en ville. Il ne connaît pas les gangs, ou les organisations criminelles, ici, mais…

Il admet que ça lui manque. 

Ça lui manque de tenir un glock en se baladant dans sa zone. 

 

Ça lui manque, les courses poursuites, avec Marcello qui emmerde Liam et Liam qui beugle comme un dératé avant de rire alors qu'ils se font pit n'importe comment par les petits nouveaux de la LSPD. 



Dehors, les lumières sont vives et de toutes les couleurs. C'est pas digne des images que M.T. a vu de Vegas, mais c'est pas mal quand même.

Ça lui défonce assez l'œil pour lui donner le tournis et occuper son esprit.

Quand il ressort du magasin de CBD, il y a deux types qui discutent à voix basse et s'échangent un truc rapidement. C'est presque discret. 

L'un d'eux est presque roux, et l'autre porte un chapeau. C'est assez pour le faire sourire. 

 

 

"Yo refré." Il s'approche d'eux, il porte son beanie sous sa capuche encore, mais les mecs spottent direct son œil mort, et l'un d'eux sort un cran d'arrêt. 

Aah. 

Si seulement il avait son AK dans le dos.

 

"T'es qui, tu veux quoi ?" 

 

M.T. lève ses mains gantées, un petit sourire tordu sur les lèvres. Ils n'ont jamais été aussi virulents avec ceux qui les approchaient, eux…

Pas vrai ?

 

"Relax mec, j'voulais savoir si vous aviez d'la dope." 

 

Les deux gars se regardent, et celui avec le chapeau se retourne vers lui, le menton levé, en sortant lui aussi un couteau, plus petit.  

"Tu nous as pris pour qui, fils d'eup' ?"

 

M.T. laisse l'insulte filer, mais il s'approche en gonflant le torse. Ils sont plus petits, il a au moins cet avantage. "J'te d'mande juste si t'as d'la weed frère, redescend."

 

"T'es flic ?" Siffle le second, et M.T. ricane.

 

"Bah ouais, ça s'voit pas sur ma gueule ?" 

Pour l'emphase, il retire sa capuche et son beanie d'un geste, mais le roux est déjà contre lui, son cran d'arrêt pressé contre son flanc. 

Il se fige quand il est face à la cicatrice d'M.T. dans toute sa splendeur. 

 

Ça se voit, il est décontenancé, alors M.T. en profite pour le pousser avec plus de force qu'il ne l'aurait voulu. La tête de l'homme cogne un peu trop fort contre le mur qu'il heurte, et il tombe au sol, sonné. 

 

M.T. lève les bras légèrement en se tournant vers son pote, dont la rage se lit facilement sur son visage, tordu et vilain. 

"Oops." 

 

Il sourit en coin, même s'il voit l'autre s'élancer vers lui, la lame d'un couteau suisse entre les doigts comme s'il s'agissait d'un poing américain. 

 

M.T. a la décence de se dire qu'il est dans la merde, et il se protege de son bras brulé, en le levant devant son visage, pret a prendre le coup - il a merdé, il doit en payer les consequences, surtout qu'il sait tres bien qu'il n'est pas en etat de se battre. 

Même s'il vient de mettre un gars K.O. juste en le poussant. 

 

Un corps le bouscule, mais aucune douleur ne vient tandis qu'un grognement retentit dans la petite ruelle. M.T. se redresse aussitôt et fronce les sourcils quand son œil se pose sur une nuque qu'il connaît bien. 

 

La chemise jaune ne laisse aucun doute. 

"Dégages." Grogne Lenny d'un ton autoritaire qui résonne et rebondit contre les murs des bâtiments alentour. 

 

L'homme décampe sans demander son reste, en laissant son pote derrière lui, alors M.T. imagine que Lenny tient un flingue dans la main. 

Quand il se retourne, une colère froide marque les traits de son visage. 

Il tient bien un deagle dans sa main droite, mais celle-ci est ensanglantée. 

L'oeil d'M.T. remonte jusqu'à la source du petit fleuve rouge. 

Une entaille peu profonde tache l'épaule de la chemise jaune. 

 

"Qu'est ce que tu fous ?" 

M.T. est surpris quand c'est sa propre voix qu'il entend prononcer ces mots. 

Il saisit le poignet de Lenny alors qu'il sent sa colère le contaminer et enfler en lui comme un ballon de baudruche sur le point d'exploser. 

 

"J'suis à deux doigts d'te foutre un pain, alors lâche moi." Siffle Lenny, "Ose me redemander ce que je fous quand j't'empêche de te faire buter comme un crétin parce que t'as clairement laissé ton cerveau en Californie, et j't'achève." 

 

Son regard brille d'une fureur incertaine, comme s'il était troublé, encore. 

M.T. déteste ce regard. Il ne veut pas que Lenny perde sa colère contre lui juste parce qu'il l'a embrassé. Il le lâche, et Lenny range son deagle dans son dos. 

 

Lenny l'agrippe par le coude et le traîne dans l'artère principale qui mène à l'hôtel, mais M.T. le force à s'arrêter en se figeant sur le trottoire. 

"Pourquoi t'as fait ça ?" 

 

Il y a pleins de passants autour d'eux, des touristes qui se rendent aux casinos ou dans des bars. Les lumières roses et bleues qui illuminent la scène rendent l'atmosphère nocturne presque irréelle. Lenny lui donne encore envie de l'embrasser, avec son regard brûlant et ses lèvres qui remuent comme s'il voulait dire quelque chose mais qu'il n'y arrivait pas. 

 

"On s'en fout, non ?" Il finit par dire, et M.T. sait qu'il a raison quand il ajoute, "La vraie question c'est pourquoi toi t'as fait ça, tête de nœud ?"



Les gens rient et s'esclaffent autour d'eux, certains sont déjà ivres, de la musique retentit d'un des bars de l'autre côté de la rue. 

Malgré tout, M.T. ne ressent pas l'ambiance. 

 

Il ne sait pas quoi répondre. 

Quoi qu'il dise, ça ne satisfera pas Lenny, il le sait. 

 

Alors Lenny soupire et plonge sa main dans sa poche. Il en sort un téléphone, et gromelle : 

 

"Marcello veut t'parler." 



//



Daniel; Dimanche, 02h13 : 



Les jours passent. 

Les heures aussi, mais Daniel ne les discerne pas. 

Parfois la lumière lui brûle les yeux, parfois l'obscurité l'avale tout entier. 

 

Souvent le bruit ne l'effleure pas, il n'entend rien, parfois le bruit l'agresse et tout devient si fort qu'il voudrait disparaître.

 

Parfois l'eau frappe son corps et la nourriture passe ses lèvres, mais Daniel n'a pas envie de se laver ni de manger.

 

En fait, Daniel n'a aucune envie.

Pour Daniel, le temps ne passe pas, donc il n'a pas faim, soif, ni besoin de quoique ce soit, vraiment. 

Parfois, quand tout devient insupportable autour de lui, Daniel se demande qui il est.

Où il est.

Pourquoi il est là.

 

Et puis parfois Daniel retourne dans son corps, cesse de voir le monde de l'extérieur. 

Parfois il regagne juste assez conscience pour observer et écouter. 

Comme toutes ces fois où il allume sa switch, par habitude, pour lancer son jeu, et qu'il regarde le paysage, ou qu'il lit les lettres d'Antoine. 

 

Il s'inquiète, lui demande pardon sans savoir pourquoi comme d'habitude, mais n'accepte jamais quand Daniel lui demande de revenir, les rares fois ou Daniel reussit a taper ces quelques mots avec la switch. Il évite ce s1ujet comme la peste, mais il lui dit des choses comme " t'en fais pas Daniel, toi et moi on sera bientôt réunis, j'te promets ! " ou " Je te dirais où je suis dès que je serais sûr que tu risques rien " comme s'il devait protéger Daniel, alors que c'est lui qui est en danger.

 

Quel idiot.

 

Daniel ne ressent rien - il en est incapable, ni deception, ni tristesse, ni joie, ni soulagement, quand il se rend compte qu'il est sur que c'est Antoine, maintenant. 

 

C'est bête, mais dans ses lettres, il lui parle toujours de choses que seul Antoine peut savoir, comme le plat préféré de Daniel, le rappel d'injection de testostérone qu'ils ont loupé tous les deux il y a quelques jours, le fait que Daniel ne veut plus jamais retourner en France ou encore ce qu'ils ont prévu de faire pour l'anniversaire de Donatien. 

 

Quelque part dans sa tête, Daniel s'est rendu compte qu'Antoine cherchait à lui prouver son identité. 

Il n'est pas sûr de savoir pourquoi. 

 

Peut-être qu'il connaît Daniel à ce point. Qu'il sait que Daniel aurait douté, après qu'Antoine soit arrivé en Cox sur son île. 

 

Mais Antoine est bête des fois. 

C'est un de ses défauts, de croire que Daniel est bête, des fois, lui aussi. 

Daniel a bien compris, dès qu'Antoine est apparu, qu'il lui avait montré qui l'a enlevé

 

Daniel aurait pu le dire à Donation. 

A la police. 

Aux Vagos.

À Vanessa. 

 

Mais les adultes n'écoutent rien. 

Ils s'en fichent. 

Ils pensent toujours tout savoir, et Daniel n'est que Daniel, sans Antoine. 

 

Qui le prendrait au sérieux, s'il leur disait qu'il avait résolu l'enquête sur Animal Crossing ?



Tous les adultes sont des cons, Daniel le ressent au plus profond de lui, dans cette partie infime qui veut s'échapper de la prison dans laquelle il s'est lui-même enfermé après avoir vu Antoine partir pour la seconde fois. 

Il a entendu Donation marmonner que les flics ne prennaient pas l'affaire au sérieux parce que c'était arrivé trop de fois, et monsieur l'agent Panis quand il est venu lui dire qu'il était désolé et qu'il aimerait pouvoir faire bouger les choses, comme si c'était pas lui l'agent de police censé faire avancer l'enquête. 

Vanessa lui a presque prit sa switch en le voyant accroché à l'écran en fixant l'aéroport en attendant qu'Antoine revienne, sans comprendre que c'était son seul lien avec Antoine, juste parce qu'elle pensait que c'était peut être à cause d'un jeu vidéo que Daniel avait perdu pied avec la réalité. 

 

Elle ne l'a pas fait, parce que Vanessa n'est pas bête non plus, mais si elle avait écouté , elle aurait cherché dans le jeu. 

C'est peut être égoïste de la part de Daniel, de placer autant d'attentes sur les adultes, mais à force d'être déçu par eux, Antoine avait arreté d'avoir de l'espoir, la ou Daniel avait des exigences impossibles.



La porte de sa chambre s'ouvre. Daniel est assis contre la tête de son lit, il fixait le mur en face de lui à cause des bruits de grattement répétitifs qu'il entend depuis quelques jours, comme une mélodie qui ressemble à la chanson qu'Antoine lui a chanté alors qu'il était dans le coma, pendant les vacances. 

 

Daniel ne tourne pas la tête, il sait que c'est Donatien, sa silhouette titube jusqu'à lui et l'odeur âcre de vin lui remplit les narines. Ça le réconforte presque, cette odeur familière. 

 

Donatien s'assoit sur le lit, tout prêt de Daniel. 

Daniel sait ce qu'il va se passer. 

M'sieur Donation va l'appeler, deux fois, puis lui demander s'il peut le toucher. Daniel va s'efforcer a acquiescer, et Donation va lui prendre la main et le mener à la salle de bain pour les wcs, ou la douche, ou un verre d'eau. 

 

C'est exactement ce qui se passe, sauf que quand Daniel acquiesce, Donatien le prend dans ses bras. 

Il hoquette et sert Daniel avec force. 

Il pleure, Daniel s'en rend vite compte, parce que le bruit de ses pleurs envahit tout l'espace, tout son monde, tout son être, et ses larmes qui coulent contre sa tempe semblent le tremper.

 

"Mon petit Daniel, t'en fais pas, on va ramener Antoine, on va le retrouver, trouver Cox, et récupérer notre Antoine, je te promets. J'ai juste, je vais avoir besoin de ton aide, mais j'ai peur de te perdre, toi aussi, si j'accepte ce qu'Haylie m'a demandé. S'il te prend toi aussi…"

 

Toutes les informations remplissent la tête de Daniel a la place des pleurs de Donatien. 

Il n'entend pas la suite de sa tirade. 

 

Le souvenir de la veille lui revient, la voiture, l'odeur de vin et de pins, le bruit du moteur qui ronronne, les cris des sangliers, le jaune de la veste d'Haylie, son air triste et fatigué. 

 

Daniel n'est pas bête.

Il fait vite le rapprochement. 

Haylie veut qu'il aide, lui, Daniel. 

Enfin, un adulte qui l'écoutera peut être. 



Daniel repousse Donatien de ses maigres forces mais l'homme se recule aussitôt, surpris, soudain muet. 

Il a le regard alcoolisé et les traits marqués, alors que le dessous de ses yeux est devenu rouge. 

 

Daniel est surpris, lui aussi. 

Il a l'impression de voir Dona pour la première fois depuis des jours. 

 

Interloqué, il dit, "Vous avez une tête horrible." Mais sa voix est rauque et cassée, comme s'il n'avait pas parlé depuis des jours. 

 

Tiens.

Qu'est ce qui s'est passé ces derniers jours ? Depuis combien de temps il dort ? 

 

Non, non, concentre toi, Daniel. 

 

Il regarde Donatien avec une nouvelle détermination. 

"Je veux aider. Je veux retrouver Antoine, coûte que Croute. S'il vous plaît." 

 

Il sourit un peu maladroitement, et ajoute, "Vous avez vu, j'ai fait un trait d'esprit."



La façon dont Donatien se décompose devant lui lui fend le cœur, il a l'impression d'avoir laissé tomber Donatien en choisissant de disparaître, et il regrette, mais il n'est pas trop sûr de comment faire pour réparer les dégâts. 

 

Donatien pleure à chaudes larmes, c'est très bizarre de voir ce si grand homme si petit.

Daniel se penche et enroule ses bras autour de lui à son tour. 

Il ne veut plus le voir pleurer, jamais. 

 

"Allez, m'sieur Donation, eh, ca va bien se passer, et la c'est moi qui vous le promet." 

 

C'est peut être l'idée de pouvoir enfin faire quelque chose, d'activement aider à retrouver Antoine qui lui donne des ailes, mais Daniel se dit qu'il peut tout faire. 

Il va enfin reprendre le contrôle de lui-même, et il va tirer Donatien de son horrible état. 

 

Peu importe si c'est naïf et utopique, Daniel le sait. Ils vont retrouver Antoine, livrer Cox aux Vagos, et tout rentrera dans l'ordre.

 

Coûte que Croute. 

Notes:

Sachez que j'ai longuement etudié la Catatonie et ses causes et symptomes ainsi que ses traitements et j'pense avoir evité quelque chose d'assez lourd a Daniel.

Chapter 13

Notes:

Ahah, salut salut, wow, j'ai eu du mal a ecrire ce chapitre, sachez que je l'ai recommencé 5 fois, et qu'il devait y avoir une scene de cul, finalement c'est annulé, voila vous pouvez respirer.

Chapter Text

Donatien; Mardi, 9h04 : 



La prison se profile comme un bâtiment lambda devant lui. 

Certes, les barbelés, les grillages, les gardes armés jusqu'aux dents et les détenus qui le sifflent quand il passe n'ont rien d'anodin, mais Donatien est déjà venu ici, comme il est déjà venu à la Mairie. 

Un bâtiment dans lequel il n'aura jamais sa place. 

 

Sans alcool dans les veines pour alléger ses peines de coeur, il n'est pas sur qu'il aurait réussi à lever le menton aussi haut, pourtant. 

 

A ses côtés, Fabien se triture les doigts; lui n'a jamais mis les pieds ici. 

Il a l'air nerveux, mais il est quand même dans un bien meilleur état que lui. 

 

"Tié sur que c'est une bonne idée que je vienne, Dona ?"

 

Donatien grogne en manquant de trébucher sur le pas d'une porte qui mène à l'accueil, dernier rempart avant les visites. 

Fab lui agrippe le bras et l'empêche de tomber, mais le chapeau de Donatien rebondit quand même au sol, à quelques mètres de là. 

 

"Bien sur mon p'tit Fab, on fait tout ensemble non ?" 

 

Cette question est accueillie par un silence. 

C'était peut être une pique, mais Fab devait s'y attendre. 

 

Donatien sait très bien que ce n'est plus le cas. Quand bien même Fab est devenue sa famille en très peu de temps, après cette annonce bancale et mensongère sur Linkedin, leurs chemins se sont éloignés, sans jamais vraiment se séparer. Malgré tout, ils ne font plus rien ensemble, à part leur business. 

Fab reste la figure chaleureuse et familière, bon vendeur de Montazac et Torez. Sans lui, l'entreprise n'aurait pas la même saveur, Donatien le sait. 



Dans la voiture, sur le chemin jusqu'à la prison, l'ambiance avait été, comme souvent dernièrement, étrange et inconfortable. 

Kiddy conduisait la limo, silencieux, Fab était sur son téléphone, à envoyer des sms à Tim, et Haylie probablement, et Donatien passait son temps à fixer la route qui défile, puis son certificat d'adoption, qu'il gardait précieusement dans son portefeuille sous la photo du Forbes de l'année dernière dont il faisait la couverture. 

 

Ça lui manquait, leurs discussions idiotes sur les dérives sexuelles de Dona avec sa voiture, ou les échecs sentimentaux de Fab. 

Peut être que tout redeviendra comme avant, une fois qu'Antoine rentrera. 



"Je sais même pas pourquoi tu veux la voir, minot."

 

"Ah ça, c'est sûr que tu saurais si t'en avais quelque chose à faire de ce qui se passe en ce moment." Crache Donatien en époussetant son chapeau avant de l'enfoncer sur son crâne, et il regrette un peu. Être acide avec Fab n'a jamais mené qu'à deux situations. Soit Fab va pas comprendre, soit il va penser que Dona veut l'entuber. 

 

"Comment ça ce qui se passe ? Y a beaucoup de choses qui se passent en ce moment, hein."

 

"Oh j't'en pris, rien ne se passe pour ton petit club d'accros au taser." 



Fab frappe du poing soudainement sur le comptoir, et l'un des gardes derrière la grille le met aussitôt en joue. 

Fab lève les bras, et crie, "Pardon, mollo, moooollo, ça va, tout baigne hein." 

Il se retourne dos au comptoir quand le garde abaisse son arme et il croise les bras sur son torse. 

 

Fab est immense, mais il a cette façon de se rendre tout petit qui surprend toujours Donatien. 

"C'est le problème avec toi Dona. Tu crois toujours que tout tourne autour de toi, et que tes problèmes sont plus importants que ceux des autres."

 

Donatien n'est pas d'accord avec cette affirmation. 

Il a souvent laissé ses propres problèmes de côté pour les autres. Pour les Croutes, notamment. 

Et puis c'est un peu fort de la part de Fab d'oser lui balancer ça. 

 

"J'te rappelle quand même que Devon, un de nos plus grands acheteurs, a fini dans le coma, et si tu m'avais demandé, tu saurais qu'il peut plus marcher et que j'm'occupe de changer la poche qu'il va sûrement garder a vie et qui lui sert de couche ambulante ! Mais non, tu m'as pas demandé Dona. Parce que si c'est pas a propos de ton Cox ou de tes gosses, ça t'intéresse pas."

 

Donatien ouvre la bouche, pris de cours, avant de la refermer.

Ca lui fait quelque chose, de savoir que Devon était dans un tel état. Un petit quelque chose, c'est vrai, ça ne lui donne pas envie de se démonter au rosé comme à chaque fois qu'il pense à Antoine ou qu'il rejoue les hurlements de Daniel dans sa tête. 

 

"Par ici." Leur dit une femme derriere le comptoire, avant de leur ouvrir la porte qui mene a un long couloir blanc aseptisé. 

 

On les amène devant une porte en leur disant qu'Hayley patiente derrière. Une fois qu'ils passeront la porte, ils auront cinq minutes, pas plus, à la demande de la détenue.

 

Une fois qu'ils sont seuls devant la porte, Donatien fixe le bois blanc.

Il y a une trace de doigt juste la. 

Une question tourne en boucle dans sa tête, depuis tout à l'heure. 

 

"Est ce que tu détestes les croutes, Fabien ?"

 

Ca semble frapper exactement là où il faut, parce que Fab lève une main pour se frotter le visage et soupire. 

"Pourquoi tu dis ça, Dona ? C'est pas eux le problème. C'est juste… Tu trouves pas que ça va un peu trop vite ton histoire d'adoption la ?"

 

Donatien fronce les sourcils et serre le poing. 

Il ne va jamais trop vite. La preuve, c'est lui qui les a menés au top des ventes de vins en allant trop vite .

 

Il ouvre la porte plutôt que de répondre, et là, l'ambiance change du tout au tout. 

Le petit malaise confortable devient un lourd sentiment d'oppression dès que son regard croise celui de 3pac.

 

Elle sourit comme une maniaque, et ses poings se serrent visiblement sur la table, ou de grosses menottes en ferrailles la lie à la table elle aussi en métal. 

 

La pièce est grise et froide.

Donatien a envie de boire du champagne pour disparaître. 

Mais il repense au regard déterminé de Daniel, et il se redresse. 

C'est à lui de jouer, puisqu'il est persuadé que les flics ne veulent plus l'aider, et qu'il a besoin de réponses avant de se lancer dans le plan incertain d'Haylie. 



Cette femme lui fout les jetons comme pas permis, mais elle est prisonniere, dans cet endroit qui ne la laissera pas s'echapper de si tot. 

Si Donatien n'a pas sa place ici, elle, se fond parfaitement dans l'austérité glauque des couloirs sales et l'ambiance malsaine qui se dégage de ces murs. 



Il s'assit sur l'une des chaises en face d'elle, et Fabien reste planté derrière lui, debout, droit comme un piquet. 

Hayley sourit de toutes ses dents et ça leur arrache un frisson commun. 

 

"Je savais que tu finirais par venir me voir, mon doux Dona. Tu ne peux plus te passer de moi, pas vrai ? Ça te manquait trop de ne plus avoir cette menace permanente derrière ton cul pour te rappeler de vivre comme si c'était ton dernier jour ?" 

Elle se lèche les lèvres en ricanant doucement. 

Donatien se demande pourquoi il est venu, déjà. 

 

Il n'a jamais su comment lui parler, a cette femme, et ca n'a pas changé. 

 

Il se racle la gorge, et se redresse autant qu'il le peut, même si son chapeau vacille sur sa tête. Sa moustache est dans un état déplorable, il le sent, elle le chatouille un peu, lui qui la taillait au millimètre près chaque matin, avant.

 

Hayley renâcle. 

"Putain, c'que t'as une sale gueule. J'ai presque pitié pour toi."

Elle continue à sourire de toutes ses dents, comme si elle savait. 

 

"Où est-il ?" Demande Donatien, parce qu'il ne sait plus trop pourquoi il est là, mais c'est forcément en rapport avec Cox, pas vrai ? 

Si seulement il n'avait pas bu, cette nuit, au lieu de dormir, il aurait peut-être eu les idées claires. 

 

Hayley hausse un sourcil.

 

"Vraiment, Dona. Moi qui savait que t'étais pas futé, mais qui avait quand même quelques espoirs." 

 

Elle lève une main pour glisser ses doigts dans ses cheveux emmêlés, difficilement à cause de ses lourdes menottes. "Putain, t'es vraiment au fond du trou hein ? Dire que je manque toute l'action." 

Hayley sourit en coin, le regard soudain brillant. "Alors ? Est ce qu'il a finalement réussi a te faire du mal ? Est ce que c'est lui qui t'as mis dans cet état ?" 

 

Elle met son coude sur la table et essaye de poser son menton dans sa main, mais à cause de la courte chaîne des menottes, elle est toute tordue vers l'avant en faisant ça. Et elle sourit comme un prédateur. 

Comme si Donatien venait pour la nourrir. Un frisson d’effroi court le long de l'échine du vendeur de vin.

Mais autre chose attire son attention.

 

"Attends… T'es au courant de rien ?" 

 

Le visage d’Hayley se tord aussitôt en une expression proche de la rage et du mécontentement, ses traits sont tirés, lui donnent l’air d’avoir plusieurs années de plus. Ça arrache un frisson de peur à Donatien qu’il réprime comme il peut. L’alcool aide.. 



“Je suis au courant de ce dont je dois être au courant. C’que je sais, Donatien, c’est que toi t’es dans la merde et que t’as laissé tes gosses sans surveillance, encore.”

 

Elle sourit, redevient la femme sulfureuse mais si effrayante qu’elle a toujours été, malgré ses cernes et son teint cireux. 

“C’est presque comme si t’en avais rien a foutre d’eux. Tu les secoues devant notre nez comme des appâts pour qu’on leur fasse du mal.”

 

Donatien entend Fabien s’avancer d’un pas derrière lui. 

“Ou bien on pensait que vous étiez tous hors du pays et que tout le monde allait se comporter comme des gens normaux et ne pas vouloir s’en prendre à des gamins de 16 piges, hein.”

 

On .

Lui et moi, se dit Donatien.

Quand Fab échappe des mots qui lui tiennent trop à cœur, son accent ressort comme jamais. Donatien a appris à l'entendre, avec le temps. 

C’est la première fois que Fab émet un intérêt quelconque pour les croutes, et leur relation à tous.

 

“Depuis quand tu l’ouvres toi ? J’t’ai sonné ? T’es pas juste là pour faire beau et attirer tous les mecs tordus au domaine et les seduire pour les forcer a t’acheter ta vinasse de merde ?” aboie Hayley, et Fab tressaille visiblement derrière Donatien. 

Donatien sent la colère monter en lui - la seule personne autorisée à tacler Fab, c’est lui. 

Mais Hayley ne s'arrête pas là. 

“Regarde toi, à faire semblant que t’en as quelque chose à foutre, alors que tu passes ton temps à lecher la face de tes petits copains. On t’a même pas vu dans les parages, depuis que le doc a pris le gosse.”

La respiration de Donatien se coupe. Elle vient de l’admettre, dans une pièce filmée. Il pourrait donner ça à Boid…

“Tu m’degoutes, t’as toujours été un poids pour tout le monde, incapable et inutile, je sais meme pas pourquoi le doc daigne t’inclure dans son plan genialement diabolique !”

 

Le silence pèse après cette déclaration, un peu trop passionnée.

Quelque chose cloche.

Hayley n’a pas tord, Fabien n’a jamais été un élément clé dans l’affaire qui oppose Cox à Dona, et il a tendance à séduire les clients pour qu’ils achètent, mais ça n’a jamais été très loin, et il n’a aussi jamais été impliqué plus qu’avec les Vagos. Pendant un instant, Donatien se demande si elle fait référence à leur petite réunion interrompue par le commissaire Boid, à l’époque où il était encore capitaine. Celle ou Fab était totalement ivre et sous la garde de Kiddy.

 

Fab ne semble pas être aussi perturbé par cette attaque. Il se penche légèrement en avant, et demande d’un ton placide et mielleux, et pourtant venimeux, comme seul lui sait si bien le faire, “Dis moi, minot…e, t’es sure que tu parles pas de toi même la ?”

 

Et, c’est dingue, mais ça frappe Donatien comme une bonne grosse gifle.

Outre le fait que Fab semble bien courageux, tout d’un coup, la haine dans les propos de Hayley sonne comme si elle visait à côté, et maintenant qu’il y pense, Fabien a raison. 

 

A nouveau, le visage de Hayley se tord d’une horrible manière.

Elle fait véritablement peur, et à cet instant Donatien est soulagé de la savoir loin des Croutes. 

Et pourtant… Même si elle fait se hérisser tous ses poils sur ses avants bras et les cheveux sur sa nuque, la, tout de suite, elle semblait être la plus censée, à l'époque. 

 

“J’vais te tuer, toi, et toi aussi, j’vais tous vous buter.” Elle frappe violemment sur la table en métal, et encore une fois, ses cheveux tombent devant ses yeux, alors que sa peau se tache de plaques rouges. “Pourquoi est-ce qu’il a fallu que tu reviennes, pourquoi ?!” hurle-t-elle, et elle frappe encore, sans s'arrêter sur la table. A chaque coup, sa paume frappe la chaîne et sa peau s'écorche et se contusionne.

Donatien se recule dans sa chaise et la main de Fab se pose sur son épaule. 

Il est partagé entre la terreur sourde qu’elle lui fait ressentir comme à chaque fois, et de la pitié, bien qu’il se doute qu’elle n’en ait que faire. La peur bout en lui, mais Dona lui a fait face tant de fois, il n’a pas peur de lui faire face une nouvelle fois. 

 

“Enfin 3pac ressaisissez vous.” murmure t-il, et il agrippe fermement sa main avant qu’elle ne frappe du poing à nouveau. Elle résiste, avant de se rendre compte de ce qu’il fait, et elle se fige, en le fixant avec de grands yeux déments a travers ses mèches folles. “Vous m’faites peur, j’admet, mais enfin, je pensais que vous aviez au moins un peu d’empathie pour les enfants.” 

Il la lâche, comme s’il s'était brûlé, en se rendant compte de ce qu’il vient de faire.

signer son arrêt de mort, probablement, et il tremble, comme une feuille, ses tongs qui couinent doucement contre le sol en sont la preuve.

Un peu de vin le fera oublier.

 

La main de Fab se resserre sur son épaule. 

 

“Vous me reprochez d’avoir abandonné les petits, ou que sais-je, mais vous voyez bien qu’on ne peut pas dire mieux de votre soi-disant nouvelle figure paternelle, le docteur Cox, bien sûr.”

 

“Commence pas, Dona.” 

Elle baisse la tête, et la laisse reposer contre ses avant-bras. “Cassez vous. Je sais même pas pourquoi t’es venu m’voir, j’ai rien pour toi.”

 

Donatien lance un regard à Fab par-dessus son épaule, et Fab acquiesce, l’encourage à continuer. Il a compris que le vent tournait. A défaut de lui soutirer des informations, ils peuvent peut-être la faire changer d’avis.

 

“Mademoiselle 3pac, je sais à quel point vous êtes loyale a Cox, alors, contrairement à lui je ne vous demanderais pas de le trahir, de vous retourner contre lui, même si c’est assez courant dans cette ville; mais j'espère que vous n’oublierez pas cette affection dont vous avez fait preuve pour Antoine et Daniel.”

 

C’est un nouveau silence qui accueille les paroles de Donatien.

Il tremble toujours, mais il espère, aussi. Et sa tête commence à lui faire mal.

Il a vraiment besoin de vin.

Même si la main de Fab sur son épaule le garde ancré dans la réalité.

Et le rassure, aussi.

Il se rappelle de pourquoi il a gardé Fab près de lui malgré leurs différences, après les premiers jours au domaine.

Sa présence le rassure, de manière générale. C'était toujours compliqué, quand il n'était pas là, et le suivre en France n’a même pas été un doute dans son esprit, ça avait semblé naturel.

 

Fab n’est pas parfait, loin de la, et plus d’une fois Donatien a eut envie de l’attraper par le col et le secouer et lui en foutre une mais il est aussi la première personne à qui il a envie de parler, chaque jour quand il se lève, et celui en qui il a le plus confiance.

 

“J’les aime bien, mes petites croutes. J’vais être honnête avec toi, Donatien.” Elle ne bouge pas, garde son front contre ses avant-bras. “Je déteste ce que le Doc leur a fait subir, ce qu’il veut leur faire subir. C’est pas drôle, de s’en prendre a des gens qui peuvent pas se défendre." Elle se redresse et le regarde d’un œil sombre, à travers ses cheveux. “Pas vrai, Donatien ?”

 

Il baisse les yeux, parce que c’est un peu trop vrai. C’est moins drôle de pomper le fric des moins riches, et pourtant, Donatien le fait. 

 

La porte de la pièce s’ouvre soudainement et deux gardes, masculins, entrent avant de se diriger vers 3pac. 

Donatien se lève, mal à l’aise. Pendant un instant, il veut protester, il a encore beaucoup trop de choses à demander à cette femme, mais Fabien lui attrape lepoignet et l’attire vers la sortie.

“Allez, Dona.”

 

“A bientôt, Donatien.” ronronne Hayley, et elle a ce masque qu’elle porte à chaque fois et qui arrache un frisson d’effroi a Donatien. 

Et elle rit. 

De ce rire grave et lent qui s'infiltre sous la peau de Dona et prend toute la place jusqu'à ce que toutes ses défenses se relèvent et qu’il ne balance une remarque mordante bien placée. 

 

Pas cette fois.

Cette fois, il se retrouve dans la Montazac mobile, Fab et Kiddy discutant à voix basse, pendant qu’il fixe son certificat d’adoption sans trop les entendre. 

Le rire d’Hayley continue de résonner dans ses oreilles, elle le pousse à prendre cette décision qu’il ne voulait pas prendre.



“Dona ?”

 

“Hm ?” Il referme son portefeuille et lève les yeux sur Fab. Il s’est rapproché de lui. 

 

“Tout à l’heure, tu m’as demandé si je détestais les croutes.”

 

Dona soutient son regard, par-dessus ses lunettes . “C’est le cas ?”

 

Fab a l’air blessé, mais son visage s’adoucit. “Mais non, pourquoi tu penses ça ? Justement c’est…” 

Il soupire et se frotte le visage. Il a l’air bien plus fatigué qu'à l'accoutumé. 

"Ça me fait peur, okay ? C’est arrivé si vite mais, c’est même pas ça le problème. Ce qui m’fait peur, c’est à quel point ça m'a semblé normal, quand tu me l’a dit. Ça m'a vraiment paru évident, comme prochaine étape de notre vie. Mais j’suis pas un bon père moi, je sais pas m’occuper d’un minot, je sais vendre du vin, et prendre des coups de taser, hein !”

 

Donatien rit, malgré lui. 

“Et qui donc t’as demandé d’être père ? Je te voyais plutôt comme l’oncle cool qui leur donne beaucoup trop d’argent à dépenser pour des bêtises de leur âge, bien sûr."

 

La façon dont le visage de Fab s’illumine fait sourire Dona comme avant. 

 

“Ah ça je sais faire, Dona. T’as raison, c’est le plan parfait. Comme ça je peux les gâter comme jamais et te laisser les problèmes à gérer." rit Fab. 

Donatien lève les yeux au ciel. Typique Fabien Torez. 

 

“Je vais laisser Haylie utiliser Daniel comme appât." lâche Donatien.

 

La voiture freine aussitôt et manque de le faire tomber de son siège. Kiddy se retourne et lui lance un regard incrédule. “T’es pas sérieux, Dona.”

 

Donatien replace son chapeau sur la tête. 

Il soupire.

"Très sérieux."



//



Lenny; Mardi, 14h53: 



"J'arrive pas a croire que tu m'fasses faire ça." 

 

Lenny se penche en avant pour appuyer plus fort contre le dos de M.T. 

Ici, les cicatrices continuent à s'étendre comme des éclairs qui essayent de rejoindre le ciel.

Surtout, fais bien pénétrer la crème, Lenny, le massage est la partie la plus importante , avait dit Vanessa de façon insistante au téléphone. Alors Lenny le fait, méticuleux et sérieux, comme dans tout ce qu’il entreprend.

 

Lenny avait déjà massé sa mère plus d'une fois, à l'époque, avant qu'il ne puisse plus trop traîner à la maison, alors il avait quelques bases - mais masser M.T. était différent. 

Déjà, M.T. était bien plus massif. Alors non seulement fallait-il qu'il y mette plus de force pour qu'M.T. ressente les bienfaits de la chose, mais ça voulait aussi dire que Lenny pouvait y mettre toute sa force. 

C'était carrément cathartique. 

 

Et puis, les grognements qu'M.T. lâche quand Lenny travaille un nœud qui se trouvait là, sous un muscle, lui donnent particulièrement envie de continuer. Sans raison particulière.

 

"Gh, t'es un naturel refré, tu sais dans quoi te reconvertir." Marmonne M.T. contre son oreiller. 

Lenny renâcle alors que ses doigts effleurent la croix tatouée sur le dos d’M.T.

 

Ils sont dans leur van, garés sur le rebord de la route en plein désert, portes ouvertes sur une étendue sans fin. C'était vraiment le pire endroit pour s'arrêter, mais la nuit était très fraîche ici, et c'était bien plus agréable d’y dormir que d’y rester en plein jour, malgré le confort incongru que ce van leur offre. 

Aujourd’hui, de gros nuages se profilent à l’horizon, et Lenny sait que la météo prévoit de la pluie.

 

M.T. se tend soudainement alors que les mains de Lenny s’approchent de son côté gauche. Lenny se recule un peu et en profite pour ajuster le coussin sous ses genoux.

Il serait bien mieux installé s’il grimpait sur M.T., mais la simple idée de s’asseoir sur ses fesses le rend incapable de penser correctement.

C’est complètement con.

Lenny est un adulte, pourquoi est-ce qu’il a des réactions d’ado en pleine puberté ? 

 

Il reprend son massage, plus doux, et regarde M.T. se détendre lentement sous ses doigts.

 

“J’peux t’poser une question ?” murmure M.T.

Ça le prend de court, mais Lenny acquiesce, avant de se rendre compte que M.T. ne peut pas le voir. 

 

"Ça te ressemble pas de demander la permission pour quelque chose.”

 

M.T. ricane légèrement. 

 

Après quelques secondes de silence, M.T. demande : “La fille, devant chez ta daronne. C’est quoi l’histoire ? Une ex ?”

 

La question plonge Lenny dans une sorte de spirale infernale et soudaine. 

Pourquoi est ce que M.T. veut revenir sur ce sujet que Lenny avait enfin réussi à mettre sous le tapis ? 

Il appuie un peu plus fort sur la peau cicatrisée et M.T. se tend mais ne bronche pas. Il prend la punition sans un mot. 

 

“C’est la sœur de Niño. Raccoon. Pourquoi tu m’demandes ça maintenant ?”

 

“Hm, j’men suis douté. Il m’a parlé d’elle tu sais ? Ton gars.”

 

Lenny se fige. Ses paumes brûlent contre la peau tiède de M.T. Il n’a pas du tout répondu à sa question.

 

“Juste vite fait. Il m’a dit qu’il avait plus rien, même pas elle, qui le retenait chez vous.”

M.T. se retourne sur le dos, et la main de Lenny caresse son ventre dans le mouvement. Il aurait senti la chaleur se propager jusqu’au creux de son ventre s’il n'était pas en train de vivre exactement la situation qu’il essayait d’enterrer depuis tout ce temps. “Tu le savais, non ? Qu’il essayait d’vous trahir.”

 

Lenny ne répond pas. Sa langue pèse une tonne.

Il a même la nausée. C’est pas souvent qu'il a la nausée. 

M.T. est étalé là, devant lui, à demi nu les bras derrière la tête. C’est horrible, ce qu’il lui fait subir. Ce mélange confus entre la panique et l’excitation - mais la panique prend le dessus, évidemment.

 

“Tu… Veux pas en parler ?”

 

Lenny ravale la grosse boule qui s’est formée dans sa gorge. “Pas vraiment.”

Il lève les yeux pour le regarder, la détresse probablement étalée sur son visage, vu comme elle se reflète dans l'œil de M.T. “Je sais pas…?”

 

M.T. se redresse sur ses coudes et ça fait gonfler ses pectoraux et vraiment ? Vraiment. 

Lenny détourne le regard, parce que c’est trop d'information pour son cerveau, et son entrejambe, et c’est vraiment pas le moment. Il sent une goutte de sueur glisser le long de sa tempe, et il ne saurait même pas dire si c’est à cause d’M.T. ou à cause de la chaleur du désert. 

Ou bien encore à cause des horribles images qui lui reviennent en tête, celles de Raccoon qui hurle en s'élançant sur les flics alors qu’il tire en l’air. Merde.

 

“On peut en parler une autre fois, refré. On a le temps, maintenant.”

 

Ça ne ressemble pas a M.T. non plus, ça, de ne pas essayer absolument de mettre Lenny au pied du mur. Lenny plisse les yeux. Et puis, est-ce qu’ils ont vraiment le temps ? Lenny à l’impression que c’est la façon qu’a M.T. de le rassurer, parce qu’ils savent tous les deux qu’ils ne l’ont pas, ce temps.

 

“Et qu’est ce que tu veux faire, à la place ?”

 

M.T. sourit en coin. 

La chaleur revient à la charge en puissance au creux du ventre de Lenny. “Trou d’balle.” Il grommelle et frappe l'épaule d’M.T. joueusement. “T’essayes de faire quoi, la ? C’est pas comme ça que la pilule passera plus facilement.”

 

M.T. se redresse encore un peu pour s’asseoir, et il s'étire, prend toute la place, son odeur enveloppe Lenny et pendant un instant, il oublie le poids sur ses épaules et l’acide dans sa gorge. 

 

“Il était pas clair, quand il m’a appelé. Pas lui même, tu vois ce que j’veux dire, refré ?”

M.T. est si proche, Lenny peut sentir son souffle contre sa joue, mais ses mots font vriller son cerveau. “J’ai toujours su qu’il avait un grain ou, j’sais pas comment faut l’dire mais, il était mal, et il était sûr que vous le preniez pas au sérieux en tant que Vagos. Il était prêt à tout pour vraiment appartenir. J’pense que tu comprends ça, pas vrai ?”

 

Lenny reste silencieux, les yeux baissés sur la main d’M.T., celle qui n’a aucune cicatrice.

 

“J’lui ai demandé s’il était sûr de savoir ce qu’il était en train de faire. J’lui ai dit…”

M.T. rit doucement, pour lui-même. “Si Liam avait appris ça, il m’aurait fait péter avant. J’lui ai dit qu’il allait tout perdre s’il faisait cette connerie, et qu’il risquait sa vie, et de perdre ta confiance. J’lui ai demandé s’il était sûr de vouloir ça. J’lui ai fait comprendre que j’voulais pas de lui, qu’il avait de la chance que toi tu veuilles de lui, qu’il était en train de flinguer sa place dans ton groupe. Il m’a promis qu’il travaillait dur, qu’il avait des contacts, de l’argent et j’l’ai cru, mais bon. J’lui ai dit… On tourne pas le dos à sa famille comme ça.”

 

Lenny lève les yeux et se retrouve plongé dans le regard trop clair d’M.T.

“Pourquoi t’as fait ça ? Pourquoi t’en as pas profité.”

 

M.T. hausse son sourcil. “Trop facile. Pas drôle de te tuer quand c’est donné comme ça. Puis il m’aurait trahi, le moment où il avait les idées claires.”

 

“Ouais.”

 

La main de M.T. glisse vers la sienne, et leurs doigts s’entrelacent. Lenny ferme les yeux. “Il me manque putain.” 

Sa voix tremble. Ça fait un mal de chien, juste de prononcer ces mots, de l’avouer, et de se l’avouer à lui-même, mais c’est sorti tout seul. Foutu M.T.

Depuis le début, il a cette façon de s’insinuer sous sa peau, et de le faire s’ouvrir sans qu’il ne s’en rende compte. 

Ca le fait flipper putain, et ça lui fait mal, aussi.

 

C’est drôle, maintenant qu’il y pense.

Miguel lui faisait ressentir la même chose, mais Miguel ne l'écoutait pas, c'était plus facile, du coup, de se déverser dans le néant de leurs conversations. 

 

Lui aussi, il lui manque.

 

M.T. lève un bras et l’attire à lui, guide son visage contre son épaule, et lui offre un endroit où se cacher, du monde et de lui-même.

Il fait chaud, l’air est poisseux et lourd d’humidité, alors que les nuages à l'extérieur s'amoncèlent rapidement au-dessus du désert.

La première goutte frappe le sol, rapidement suivie par une myriade d’autres, et c’est plus facile pour Lenny de laisser la pluie couler sur ses joues, même à l’abri du van.

 

La main d’M.T. sur sa nuque se fait douce, caresse, réconfort. C’est encore plus intime que cette fois, sur la plage, pour Lenny, en tout cas, et il se rend compte que c’est lui, maintenant, qui est complètement exposé à la vue de M.T.

Est-ce qu’il devrait l’embrasser ?

Non, pas quand il a probablement la morve au nez et les yeux rouges. 

Et puis, sa poitrine lui fait un mal de chien. P’t’être qu’il fait une crise cardiaque. Le besoin de tout laisser sortir devient de plus en plus étouffant, et ça le fait de plus en plus flipper.

Mais la main sur sa nuque se fait plus pressante, quand son souffle devient court.

 

Elle l’encourage, silencieusement, tendrement, a tout lacher.

“Il me manque tellement, et j’ai tout foiré, avec lui. Je sais pourquoi il t’a appelé. Je l’sais, et j’sais qu’on a merdé, et qu’il avait besoin d’aide et que j’ai décidé de faire comme s’il pouvait s’en sortir tout seul, parce qu’il était fort, il a toujours réussi à s’en sortir, quoi qu’on… Quoi que je le laisse subir. C’est d’ma faute putain,” il frappe le torse d’M.T. du plat de sa main, avec force, mais M.T. ne bronche pas, il prend et reste en place, sa main toujours douce sur sa nuque, “C’est a cause de moi s’il a cru qu’il avait plus sa place, qu’il avait besoin de prouver quelque chose… C’est de ma faute s’il est mort, et j’pourrais jamais, jamais lui pardonner–”

 

Sa voix meure dans sa gorge quand il se rend compte de ce qu’il dit. 

Non, c’est lui le fautif, c’est lui qu’il ne pardonnera jamais.

 

Les doigts d’M.T. se resserre sur sa nuque, lentement, jusqu’à ce que ses ongles courts ne s’enfoncent dans sa peau. Il ne dit rien, et Lenny suppose qu’il n’y a rien a dire. Il lui en est reconnaissant, en fait, de ne rien dire. Chacun a sûrement son opinion sur le sujet, mais Lenny ne veut pas les entendre. Il veut continuer à penser qu’il mérite de souffrir de cette mort inutile, qu’il aurait pu et dû éviter. 

 

Il ne veut pas entendre que c'était inévitable, et il ne veut pas qu’on lui rappelle qu’il le savait, bien avant que ça n’arrive. 

 

Alors c’est le silence qui s’ensuit, a peine dérangé par la bruine qui tombe doucement dehors, et rafraîchit l'intérieur du van. 

Les larmes se tarissent rapidement, et bientôt la boule dans la gorge de Lenny se rétracte, même s’il respire toujours aussi mal.

 

Il regrette de s’être laissé aller ainsi, regrette de se sentir aussi soulagé, d’avoir pu ne serait-ce qu'évoquer ces sentiments qui le rongeaient de l'intérieur. 

Il regrette de se sentir mieux.

Il regrette que ce soit M.T. qui lui permette de se sentir un peu mieux.

Il regrette de se sentir aussi libre face à son pire ennemi.

 

Le poids sur sa poitrine ne disparaît pas. Il continue de l'écraser, et même s’il ne chiale plus comme un gosse, vulnérable, la tempête qu’M.T. a déclenché dans sa tête continue à faire des ravages. 

 

“Lenny…” grogne M.T., comme un avertissement.

Il sait, il faut qu’il se calme, mais c’est la faute d’M.T., après tout, c’est à lui d’en subir les conséquences. Alors il lui mord l'épaule, assez fort pour faire mal, mais encore une fois, M.T. ne bronche pas.

Il déteste qu’M.T. soit si fort, pourquoi est-ce qu’il n’arrive pas à le faire réagir ? Il y arrivait si facilement, avant. Avec ses mots. 

 

Il se recule et lève les yeux sur lui, le menton levé en guise de challenge. Il se frotte le nez et efface les dernières preuves de son moment de faiblesse d’un revers de main. 

 

La façon dont M.T. le regarde fait gonfler les tourbillons de confusion dans sa tête. Il s’attendait à de la pitié, de la moquerie même, de la suffisance peut-être. A la place, M.T. le regarde avec cette intensité qu’il a toujours dans le regard dès qu’il le pose sur lui.

Ça l'électrise, ça lui arrache un frisson, et ça l'énerve, M.T. a aucun droit d’être meilleur que lui, la, tout de suite. 

 

“Tu veux t’battre ?” siffle Lenny, sans trop savoir pourquoi - c’est ses instincts qui parlent pour lui, les vieilles habitudes, tourner un désir de contact en une déclaration de guerre. 

Et puis, ça a le mérite de prendre M.T. de court, de le déstabiliser. Même s’il a l’audace de rire, et d'écarter les bras.

 

“J’te prends quand tu veux, refré.”

 

C’est la dernière rambarde de Lenny qui tombe, quand il se jette sur lui et le plaque contre les matelas. Celle qui tient maigrement mais obstinément face à chaque sous entendu que M.T. lui lance depuis des jours, celle qui tient parce qu’il est encore tourmenté et hanté par ses fantômes du passé, et qui finit par se briser à cause d’eux. 

 

Et puis merde, hein. Pas moyen que M.T. le prenne . Pas moyen. Ils vont se battre pour cette dominance, et rien que cette idée fait frissonner Lenny. Une nouvelle vague d'endorphines s’abat sur lui quand il grimpe su M.T., et qu’il attrape ses poignets et les bloquent au sol de toutes ses forces et–

Et M.T. se laisse faire.

Il sourit.

Avec douceur.

Comme s’il avait gagné. 

 

Lenny se rend compte qu’il sourit aussi, et ça lui fait perdre son sourire, avant qu’il ne se penche d’un coup pour embrasser M.T. a pleine bouche. 

C’est encore lui qui l’embrasse, donc peut être que M.T. a gagné, mais il s’en fiche.

 

Ses lèvres se détachent vite des siennes, pour picorer sa joue, glisser le long de sa mâchoire, et déposer une myriade d’autres baisers dans son cou, même si la barbe naissante de M.T. irrite sa peau. Il va lui montrer, il va gagner, il va se perdre dans le corps d’M.T. et tout oublier, tout, Matéo, Miguel, les Vagos, le travail, Los Santos, les Families, les problèmes, tout. 

 

Enfin, c’est sans compter M.T.

 

“Faut que j’appelle Marcello.”

 

Alors, évidemment, Lenny s'arrête, et roule sur le côté pour s'éloigner aussi vite que possible, piqué. 

Il est vexé.

Il pensait que la même tempête traversait M.T., que lui aussi brûlait de ce besoin d’oublier, mais il est là, à lui parler d’un autre gars, alors que Lenny se frotte à lui comme une vulgaire pute en chaleur.

 

Il rougit, honteux, et se promet de ne plus jamais poser la main sur M.T.

Plus jamais. 

 

M.T. ça le fait rire, et il a encore une fois l’audace de venir se coller à lui. Lenny a envie de le repousser, mais M.T. embrasse son cou, puis son oreille, et il lui mordille le lobe et peut être bien que Lenny est misérable et en chaleur, en fin de compte, parce qu’il fond contre lui.

 

“Tu boudes, ma petite tarte au citron ?” 

 

Lenny veut râler et faire comme s’il était en pleine possession de ses moyens mais M.T. lui agrippe la taille et le manipule pour le faire se retourner avec cette facilité qui lui grille plusieurs neurones à la fois. 

“Tu veux plus ?”

 

M.T. à l’air incertain.

Toute sa confiance en lui, toute cette stabilité qu’il avait jusque-là envolée. 

 

Lenny à l’impression qu’il va glisser le long de la spirale infernale à nouveau, mais non. Non.

 

“De quoi ? Je veux plus quoi ? C’est toi qui, qui…”

Il se rends compte que M.T. ne parle pas de sexe. 

 

“Ouais, mais j’veux entendre ce qu’il a à dire.”

 

Heureusement pour lui, M.T. est aussi con que lui, parfois. 

 

Lenny soupire, fait comme s’ils étaient totalement sur la même longueur d’onde depuis le début, et il se redresse pour attraper son téléphone. “Tu le mets en haut parleur.”

 

M.T. hoche la tête, mais il ne prend pas le téléphone que Lenny lui tend. Il hésite, ça se voit.

“Tu peux attendre encore, si t’as besoin, hein. Vu ce qui se passe la bas, entre la guerre des gangs et les enlèvements, grosso merdo, j’pense qu’il est pas à ça prêt." Merci Haylie.

 

M.T. ricane, “Il va finir par s'énerver et nous chasser jusque dans ce désert, j’crois que tu l’connais pas bien, mon frère."

 

"Arrête de m'appeler comme ça."

 

‘Ca te gêne parce que j’t’embrasse et que j’vais te glisser ma–”

 

“Tiens, ça sonne.” Lenne force le téléphone entre les mains de M.T. en ignorant la façon dont la rougeur de ses oreilles vient s'étaler sur sa nuque. 

 

M.T. sourit en coin, mais il prend le téléphone et enclenche le haut-parleur. 

 

Le bip lent de la sonnerie résonne dans le van, et au bout de la troisième fois, l’interlocuteur décroche, mais ne dit rien.

Et M.T. ne dit rien non plus. 

 

Au bout de quelques secondes, la voix de Marcello emplit le van. “M.T. ?”

Lenny a les yeux collés sur le visage de M.T., il veut tout voir, tout absorber de ses réactions. 

 

M.T. palit. 

Mais force un sourire en coin, tordu, sur ses lèvres. 

“Yo refré. Ca fait un bail, depuis notre dernière course poursuite.”

 

C’est dingue, mais M.T. parle différemment, quand il parle à Marcello. Lenny se demande si M.T. s’en rend compte.

Lenny se demande si Marcello se rend compte que M.T. parle différemment quand il s’adresse à Lenny.

 

“Ouais ouais.” Un silence. M.T. baisse l'œil, le sourcil légèrement froncé. “Dis, merci de m’avoir appelé, bo– M.T.”

 

M.T. ne répond pas. Il pâlit encore, sa peau se grise juste à peine mais c’est évident pour Lenny.

Marcello se racle la gorge et sa voix baisse considérablement.

 

“Faut que je te vois, M.T., faut vraiment qu’on se voit. S’il te plaît."

 

M.T. glisse une main dans ses cheveux, ses doigts accrochent à ses frisottis. Il a l’air… Nerveux.

“Pour que tu me plantes et m'ramène à Forum Drive ?”

 

“Dis pas de conneries, stu– Stupido.”

 

M.T. est surpris. Même Lenny est surpris, mais Marcello a prit en aplomb. “Si j’avais voulu te tuer, tu sais très bien que ça se serait fait la dernière fois. Soit toi, soit moi. Et comme j’suis encore là, je sais que, enfin, tu vois quoi, s’il te plait, boss. S’il te plaît."

 

“Hmm ? T’es si desesperé d’me revoir, Luigi ?”

 

Ah, cette voix, cette voix la, Lenny veut la prendre et l’engloutir et l’entendre encore et encore, même si elle lui tire un frisson qui frôle l’effroi. Et Marcello, silencieux, est la preuve de l’efficacité de la pression qu’M.T. sait si bien manier. 

 

“Liam a besoin d’toi, M.T., tu comprends pas.”

 

“Ouais ? C’est mon problème depuis quand ?”

 

“On..” Marcello se coupe, puis demande, d’une voix soudain plus acide. “T’es avec lui ?”

 

Lenny se dit qu’M.T. va pas répondre, laisser planer la pression sur Marcello, mais il réagit au quart de tour, “J’vais raccrocher refré.” 

 

“Laisse moi juste…” halète Marcello, “Tu me donnes un endroit, je viens seul, c’est promis.”

 

La mâchoire d’M.T. est tellement serrée que ses muscles roulent sous sa peau. 

Puis il lève l'œil sur Lenny, interrogateur. 

Lenny hésite.

Puis il acquiesce.

Ce temps, qu’il savait qu’il n’avait pas, vient de réduire considérablement.

 

“Je te donnerais le point de rendez-vous. Si tu tentes quoi que ce soit, Luigi, c’est la dernière chose que tu tenteras.”

M.T. raccroche alors que Marcello répond, au moment même où le premier éclair zèbre le ciel.

Chapter 14

Notes:

Woop ahah, attention scene de sexe, assez courte, elle sera mise entre les balises ** au debut et ** a la fin ppur celleux qui veulent l'esquiver.

Aussi y a une scene assez graphique d'etranglement vous etes prevenus.

Et bien entendu j'ai pas relu pitié soyez indulgent.es bisou

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

M.T.; Jeudi, 19h13 :

 

Quand Lenny lui a proposé Vegas, M.T. s’est senti comme un gosse.

Puis il a douté. Toute la nuit, il y a pensé, alors qu’il tenait la main de Lenny dans la sienne, et que Lenny ronflait doucement à ses côtés. Le toit panoramique du van lui montre de magnifiques étoiles qu’il n’a jamais vu avant.

 

Pas assez d’intimité, s’il doit tuer Marcello.

Justement, on y va pas pour le buter, murmure Lenny , dans sa tête.

Trop de distractions, si Marcello essaye de le buter, lui.

Parfait , murmure la voix de Lenny à nouveau. 

 

Il a déjà Lenny dans la peau, maintenant Lenny est dans sa tête. 

Lenny est partout, dans ses pensées, dans ses projets, dans ses souvenirs et dans ses rêves.

Si ça continue, ça pourrait devenir dangereux, pour de vrai. 

 

Peut-être qu’ils pourraient faire quelque chose, tous les deux, une fois à Vegas. 

Puisque M.T. n’a plus de vie, ça n’aura aucune incidence, s’il décide que pour la première fois de sa vie, il veut emmener quelqu’un en rendez-vous galant. Il fera tout pour ne pas y prendre goût et croire que tout ça c’est une nouvelle vie possible pour lui. 

 

M.T. a décidé que Vegas était une bonne idée. 

Quand il l’a dit à Lenny, Lenny a sourit en coin, brosse à dent en bouche, et M.T. s’est dit qu’il prenait ses mimiques. 

Du coup, il l’a embrassé, malgré le dentifrice qui moussait à ses lèvres, et Lenny l’a regardé avec des yeux comme des soucoupes pendant de longues secondes.

 

M.T. sait que c‘était la première fois qu’il embrassait Lenny de lui même, pour un baiser vraiment très domestique. 



Il est assit sur le rebord d’une immense fontaine qui s’illumine de mille feux, prise en photo par des centaines de putain de touristes à la minute, et il a le gout de la menthe sur les levres, même s’il l’a embrassé la veille. 

C’est probablement son propre dentifrice qu’il goûte sur sa lèvre inférieure, à force de la machouiller. 



Un gamin le fixe, telephone en main, il doit avoir quoi, huit ans.

Il a l’air stupide, avec un chapeau mickey mouse et un appareil dentaire trop grand pour sa propre bouche.

M.T. se rend compte qu’il doit avoir l’air d’un cauchemar, avec sa gueule de monstre.

Aouch. 

Il essaye de sourire, et le petit sursaute et lâche son téléphone avant de hurler et de partir en courant.

 

M.T grogne et tire sa capuche sur son visage.

 

Stupide gamin. 



“Wow. Okay, donc tu nous la joues Sasuke au beau milieu des photos et des lumières et des gens qui rient.” La voix de Lenny le tire de ses pensées qui dégringolent alors que ses cicatrices le tirent et commencent à lui faire mal. Il a envie de fumer. “Tiens, ton kebab, Sasuke.”

 

Un gros kebab qui sent absurdement bon trouve sa place entre ses mains, emballé dans du papier aluminium. 

M.T. lève l'œil et regarde Lenny, qui lui sourit, si sincèrement, sous ces lumières, et le bruit de l’eau qui coule derrière eux. 

Le cœur d’M.T. se serre, il n’est pas sûr de pourquoi, mais il a l’impression qu’il prend trop de place dans sa poitrine.

 

“Sasuke ? Vraiment ? J’savais pas que t'étais un tel weeb.”

 

Lenny rit, et il le pousse de son bras, en attaquant son propre kebab, qui fait la moitié de celui de M.T. mais dégouline de fromage par tous les recoins.

Dégueu. 

 

“Visiblement toi aussi. Mange, avant qu’il arrive et que ta faim ne disparaisse encore.”

 

Lenny sait que l'appétit de Twain est sur la sellette, à cause de la douleur perpétuelle, mais depuis qu’il a appelé Marcello, M.T. est trop occupé à penser sans arrêt pour laisser la douleur le faire souffrir quand il est éveillé. Alors Lenny en a profité pour le faire manger pour trois. 

M.T. s’en rend compte mais il ne dit rien. Il mange, et continue à penser. 

 

“J’ai jamais trop aimé Naruto.” marmonne Lenny en dévorant son atrocité. “Plus un fan de Saint Seiya.”

 

M.T. ricane et manque de s'étouffer avec de l’oignon et de la tomate. “ Saint Seiya ? Vraiment ?...Weeb.”

 

Lenny lui donne un coup de coude dans le flanc. “J’regardais pour les armures.”

 

“Hmhm, les armures ouais.” M.T. sourit, la peau cicatrisée sur le coin de sa bouche s'étirant douloureusement. 

 

Lenny a les oreilles qui rougissent, alors qu’il essaye de s’occuper les mains en récupérant du fromage avec une de ses frites. 

Ah. Le cœur d’M.T. recommence à se serrer dans sa poitrine.

“Lenny.” 

 

Lenny lève les yeux sur lui, et M.T. se penche, pour lui voler un baiser.

 

Tout le monde les voit.

Certains les regardent, il sent le poid de leur regard sur eux - il peut presque pas leur en vouloir, ils ont l’air de deux caïds, tous les deux, avec leurs cheveux complètement défaits, leurs vêtements débraillés, et leurs airs de chefs de gangs qui leur collera aux basques toute leur vie.  

Deux thugs, qui s’embrassent, kebab en main, en plein Vegas. 

 

Personne ne s’y attarde. 

 

Personne, sauf cet homme, dans son imper et son chapeau vert, qui les fixe avec de grands yeux, et les traits graves.

M.T. se rend compte de sa présence quand Lenny lui frappe la cuisse joueusement après ce petit baiser, et qu’il regarde ailleurs parce qu’il ne veut pas voir si quelqu’un les juge, dans la foule de gens qui se meuvent proches d’eux. 

 

Quand son œil accroche l’imper familier, M.T. sent ses entrailles tomber à ses pieds, et pendant l’espace d’un instant, il a l’impression de se retrouver face au regard haineux de Lamar. Ce jugement qu’il craint, il le voit briller dans les orbes sombres de son ancien bras gauche, l’espace d’un instant. 

 

M.T. se redresse, il se durcit, dans son expression, dans son attitude, comme il l’a toujours fait, même si c’est trop tard: on l’a vu céder à cette immondice qui lui colle à la peau depuis toujours. 

Il pose sa main sur le bb gun que Lenny a enfoncé sous la ceinture de son jogging, avant qu’ils ne quittent leur hôtel pour venir à cette fontaine, celle ou M.T. a donné rendez-vous à Marcello pour 20h.

 

La grosse horloge numérique qui clignote et tourne dans tous les sens au-dessus d’un casino avoisinant lui indique qu’il n’est que 19h31.

Il ne devrait pas être surpris.

C’est tout Marcello, ça. 



L’homme en vert s’approche, lentement mais déterminé. 

Il ouvre son manteau, juste pour leur montrer qu’il n’est pas armé, mais M.T. se dit qu’il n’a pas fait cette connerie.

Ou alors Marcello est désespéré à ce point.

 

Lenny se racle la gorge à côté de lui une fois que Marcello est assez près d’eux pour qu’il le remarque, et M.T. se redresse et lève le menton, impose son statut même s’il n’en a plus. Il lâche son flingue, mais il n’en reste pas moins sur ses gardes.



Marcello fait tache, au milieu de tous ces couples, ces touristes et ces familles qui s’extasient sur la fontaine et les lumières et les casinos et les hôtels tout autour d’eux. 

Quelques personnes murmurent entre elles en lui lançant de drôles de regards.

Il se tient là, devant M.T., et il le fixe avec tant d'émotions que M.T. n’est pas sûr de ce qu’il est censé lui dire. Il recherche cette haine, ce dégoût, cette déception qu’il craint tant, mais s'il ne la trouve pas, il peut l’imaginer.

 

Marcello ouvre la bouche, puis la referme.

Il pose les yeux sur Lenny, puis il regarde alentour discrètement.

 

"Ça te ressemble pas trop, cet endroit, M.T.” dit Marcello en jouant de ses mains. “T’étais plutôt du genre discret pour les rendez-vous.”

 

"J'étais, c’est le mot clé, mon frère." M.T. mord dans son kebab avant de le poser sur le rebord de la fontaine et de se laisser glisser au sol. Il mâchonne avec la même intensité qu'il a pour tout ce qu'il fait, on lui a déjà dit qu'il faisait peur, même quand il mangeait. 

 

Lenny attrape aussitôt sa veste dans son dos pour l'empêcher de s'éloigner. M.T. ne bouge pas, et fixe Marcello.

Marcello lui, regarde le bras de Lenny.

Il claque sa langue contre son palais, et fronce les sourcils.

 

“Tu me fais quoi, la, M.T. ? J’ai besoin qu’on parle, je vais pas t’assommer et te mettre dans mon coffre. J’aurais jamais la force.” il s'efforce de rire, ça s'entend, mais M.T. ne mord pas à l'appât pour laisser l'atmosphère s'alléger. 

Mais il est d'accord. Maintenant qu'il est à peu près sûr que Marcello est seul, il veut plus d'intimité. 

 

"T'as pris quoi comme caisse ?" 

 

La question semble prendre Marcello de court. Il ne comprend pas la question, mais il répond tout de même, "La Revolter. Pourquoi ?"

 

M.T. tend la main vers Marcello. "Donne tes clés refré." 

 

Marcello n'hésite pas, c'est comme si ces dernières semaines n'étaient pas passées, et qu'il avait toujours la totale mainmise sur son lieutenant. Il prend ses clefs et les pose au creux de la paume gantée d'M.T.

 

Il les jette par-dessus son épaule et Lenny les attrape en vol, par réflexe, mais il ne se lève pas. 

 

"Pourquoi j'dois conduire ?" Grogne-t-il, "Pas fini mon kebab."

 

M.T. se retourne et hausse son sourcil. Il tape la cuisse de Lenny du dos de sa main et fait signe de la tête pour qu'il les suive. 

 

"Après toi." Il murmure à Marcello, de sa voix grave qu'il sait pesante. "On va faire un tour."

 

Il peut voir à quel point Marcello est mal à l'aise, à quel point il flippe, mais il peut aussi voir à quel point il est devenu bon à jouer l'homme qui sait ce qu'il fait.

 

Comme toujours avec lui, c'est son regard qui le trahit. Ses traits sont parfaitement contrôlés en une expression de confiance en soi solide, mais ses yeux dépeignent une espèce de détresse que M.T. met sur le compte de Liam. 

Puisque c'est tout ce dont Marcello veut lui parler. 

 

Marcello se détourne et commence à s'éloigner, mais Lenny retient M.T. 

 

"T'es sur de toi ?" 

 

M.T. hausse les épaules, "C'est toi qui voulait que je l'appelle." 

 

Lenny l'imite, hausse les épaules, et le lâche avant de passer devant lui. "Ouais. Tu…" 

 

Sa nuque rougit un peu, sous le regard de M.T. alors qu'ils traversent la foule environnante pour rejoindre Marcello vers un parking souterrain. "Tu crois qu'il a vu ?" 

 

M.T. se rend compte qu'il est trop tendu pour lever la main et toucher Lenny, le réconforter, et rechercher le réconfort en lui. Il ne répond pas, se perd dans ses pensées, alors qu'ils arrivent devant une Revolter noire nacrée vert.

Ça pue Liam a des kilomètres, cette caisse. 

 

La nuit est épaisse, mais il y a tant de lumières qu'on a jamais vraiment l'impression qu'il fait nuit, sauf quand on s'approche des abords de la ville. 

Lenny conduit de façon très fluide, lentement, il arpente les rues, et le moteur ronronne agréablement. 

Si ce n'était qu'eux deux, M.T. serait sûrement en train de somnoler, avec l'envie de mettre sa main sur la cuisse du conducteur. 

 

Mais il est à l'arrière, aux côtés de Marcello.

 

L'atmosphère est extrêmement pesante, Marcello s'empêche clairement de jouer avec la ceinture de son imper. 

 

Il finit par se racler la gorge, M.T. gagne la bataille. "C'est bon de te revoir, M.T." Il semble hésiter et marmonne, "T'as l'air en forme, Padre." 

 

Lenny ne répond pas - il avait prévenu M.T., il n'existerait pas, pendant leur discussion, peu importe à quel point M.T. insistait pour qu'il l'accompagne. Il adore faire comme si ce n'était pas du tout lui qui avait insisté pour rester auprès d'M.T…

 

Il pose son œil sur Marcello, attend qu'il croise son regard. 

Et Marcello obéit à son ordre silencieux.

 

M.T. veut qu'il le regarde. 

Qu'il le dévisage. 

De près.

Qu'il voit, qu'il se rende compte des dégâts qu'ont laissé Liam et leur petit duel sur son visage et son corps.

Il veut qu'il prenne conscience que M.T. n'est plus que l'ombre de lui-même, à cause de lui

 

C'est faux, bien sûr, ni lui, ni Liam ne sont fautifs, M.T. a choisi sa propre mort, mais Liam est le seul fautif du boulot mal fait. 

 

"Est ce que ça te fait mal ?" Demande Marcello, et M.T. sourit en coin, de son sourire tordu. Le visage de Marcello se tord légèrement en une expression peinée. 

 

"Pourquoi t'es là, Luigi ?" M.T. pose son coude contre la portière pour appuyer son visage contre son poing. "Pourquoi tu m'cours apres comme si j'etais ton lapin blanc ?"

 

Marcello fronce les sourcils. "Mon quoi ?" Mais il voit très vite que M.T. ne lui donnera pas la référence. "J'avais, j'avais besoin de te voir, tu peux comprendre ?" 

Il bouge les mains, quand il parle, c'est un geste familier qui réconforte M.T. plus qu'il ne l'aurait imaginé.

 

"Tu m'as vu, maintenant quoi, mon frère ?"

 

"Attend M.T., faut qu'on parle de Liam, mais je veux savoir comment tu vas, tu peux bien me donner ça non ?" Lui lance Marcello sur un ton accusateur. 

 

Lenny ralentit et s'arrête à un feu rouge. Il ne dit toujours rien. 

 

"Ah parce que j'te dois quelque chose ? J'te rappelle que vous m'avez trahi mon frère, vous m'avez trahi, vous m'avez buté, vous m'avez volé mon bizz." 

 

"T'aurais jamais dû nous demander un truc pareil, tu savais très bien qu'on allait pas t'obéir bordel M.T. !" 

 

Marcello hausse le ton, M.T. abaisse le sien. "Vous avez voulu rentrer chez moi, et chez moi c'est comme ça que ça se passe." 

 

Marcello fait un geste brusque des mains en claquant sa langue contre son palais d'exaspération.

"Ahia, mi rompi le palle, cazzo !"

 

"T'es sur de toi là, mon frère ?" Gronde M.T. gravement sans bouger. Son regard se fait plus intense, ca suffit a mettre un coup de pression à son ancien lieutenant. 

 

Celui-ci se racle la gorge, et il triture son chapeau qui repose sur ses genoux. "Ouais ouais, pardon boss. M.T." 

 

Les rides entre les sourcils de Marcello ne disparaissent pas. 

"Pourquoi t'es là ?" Répète M.T., plus sévèrement. 

 

Marcello se tend et lève les yeux sur M.T.

Il le dévisage, puis il murmure, "C'est Liam. Il a besoin de toi." Il lève une main, comme pour empêcher M.T. de le couper, "Je sais qu'on en donne pas l'impression mais tout est hors de contrôle. Et j'ai peur pour Liam."



"Tu m'as déjà dit ça. J'vois pas en quoi ça m'regarde." Ronronne M.T., en se réinstallant confortablement dans la voiture.

Il jette son regard par la fenêtre et sent la colère qui suinte de l'Italien peser sur lui. 

 

"Tu rigoles là j'espère, oh, M.T. !" Il lui agrippe l'épaule et M.T. se retourne d'un coup, toutes dents dehors, parce que Marcello a enfoncé ses doigts dans sa brûlure. 

Marcello sursaute et le lâche aussitôt.

 

"Je rigole de quoi, refré ? Vous m'avez fait péter au C4 !" Gronde M.T., et la tension monte aussitôt. 

 

Marcello se cambre contre cette pression, garde le menton haut, même si son regard exprime de la détresse. "Qu'est ce qu'on était censé faire d'autre, M.T. ?" 

 

"M'obéir." 

 

"C'est ce qu'on a fait."

 

"Vous m'avez tué."

 

"T'es encore en vie !"

 

"Ah ouais ? Regarde moi Marcello, regarde moi bien, et redis le moi en face." M.T. a l'air de gonfler alors qu'il se penche sur Marcello et l'attrape par le col de son haut. 

Mais Marcello ne se fait pas plus petit. 

Son regard est devenu noir de colere.

 

"C'EST TA FAUTE, M.T. !" 

 

Tout devient silencieux. C'est comme si le temps s'était arrêté. Même Lenny retient son souffle. 

 

M.T. a l'impression qu'il vient de se recevoir un seau d'eau glacé sur la tête. 

Trahi, encore une fois. 

 

Il lâche Marcello et le fixe, incrédule.

"Arrête la voiture." 

 

Lenny grogne, "Pas ton clebs." et continue à rouler. Fils de…

 

M.T. cogne sa portière de son poing, avant d'amener sa main a sa bouche.

Il a perdu son calme.

Devant l'ennemi.

 

"J'suis désolé M.T., mais tu nous as pas laissé le choix. Liam pouvait pas me tuer, tu comprendrais pas –"

 

Tu peux pas comprendre.



Le regard d'M.T. croise celui de Lenny dans le rétroviseur. Il est doux, rêveur, et un peu triste, M.T. se souvient du goût de ses lèvres. 



"-- Il m'a dit qu'il voulait… Il voulait pas que les choses se passent comme ça. Et maintenant, il perd les pedales."

 

M.T. continue à regarder Lenny dans le rétroviseur, même si Lenny s'est concentré sur la route. 

 

"Ecoute, je serais pas venu si j'étais pas sûr que tu sois ma dernière solution. En fait, j'étais même pas sûr que t'étais vraiment en vie, jusqu'à ce que je te vois." Marcello inhale puis exhale longuement. "Liam voulait être sûr que les rumeurs étaient vraies. J'devais juste descendre…"

 

Il devait juste descendre Lenny.

 

Lenny laisse échapper un ricanement, comme s'il avait tellement l'habitude de ce genre de choses que c'était anodin. 

 

"Vous saviez même pas que vous m'aviez loupé." Grogne M.T., avant de reposer l'œil sur Marcello. "Ecoute frère, j'vois toujours pas pourquoi t'es venu me chercher."

 

Marcello est celui qui dévie le regard, cette fois. "Et je commence à me rendre compte que j'avais peut-être tort." 

 

M.T. commence à s'énerver. "Ouais, t'as plus qu'a r'partir." 

 

Lenny claque sa langue contre son palais. "J'sais pas comment vous avez pu tenir deux semaines putain. Ecoutez vous, bande de cons." 

 

M.T. a envie de frapper dans son siège, mais il n'est pas derrière lui. 

Et puis Lenny le regarde à nouveau dans le rétroviseur, d'un regard lancinant qu'il n'a jamais utilisé jusqu'à maintenant. Ça déstabilise M.T. juste assez pour donner à Marcello l'avantage. 

 

"M.T., j'ai peur pour Liam. Il fait n'importe quoi. Il voit trop grand, il s'est rapproché des Ballas, d'un flic, et de psychopathes qui s'en prennent à des gamins. C'est contre ses principes, pourtant. Mais il a trop changé. Il fait n'importe quoi… et j'ai peur…"

 

"T'as pas peur pour lui, t'as peur de lui." Termine M.T.

 

Marcello ouvre la bouche, comme pour protester, mais il se ravise, et plonge son visage dans ses mains.

La colère d'M.T. est réduite en cendre, malgré lui. Il déteste cette facilité avec laquelle ses émotions lui échappent, dernièrement. 

 

"Quand vous êtes venu me voir, j'me suis dit que j'avais touché le jackpot. Un mec taré et un noob avide de faire ses preuves… Vous étiez les recrues parfaites. Je sais que ma p'tite tarte au citron s'en ai mordu les doigts d'vous avoir perdu à mon profit." Lenny lui lance un regard noir a travers le retroviseur. 

 

M.T. sourit en coin, sa bouche tordue s'étire jusqu'à lui donner l'air de grimacer.  

 

"Mais tu vois mon frère, c'qui faisait de vous des membres de gang de qualité c'est que Lili est une bombe à retardement toujours sur le point d'exploser, et que toi, mon p'tit Luigi…" Il lui tapote le dos, vivement, puis lui agrippe l'épaule. "Toi t'es comme son démineur. Tu l'désamorces à chaque fois, et lui il te pousse à prendre des risques en échange." 

 

Marcello relève la tête, le regarde avec un drôle d'air. "Qu'est ce que t'es en train d'me dire la ?" 

 

M.T. le regarde de son oeil fonctionnel, laisse le silence peser quelques secondes. Puis il se penche vers Marcello.

 

"J'suis en train d'te dire que vous aviez jamais eu besoin d'moi." 

 

Lenny prend un tournant et s'enfonce dans un petit tunnel qui mène au parking de tout à l'heure. 

Il se gare, et M.T. attend qu'il sorte de la voiture. 

 

Marcello ne répond pas, il fixe son chapeau. 

 

"Luigi." M.T. murmure, "Ta solution tu l'avais sous la main depuis le début. Maintenant va falloir que tu fasses un choix. Tu sais qu'il peut pas me laisser vivre."

 

Il glisse sa main dans son propre dos et attrape son flingue, avant de le tendre à Marcello. 

Et Marcello le regarde avec une colère et une tristesse qui lui semble familière. Comme ce jour pluvieux, ce dernier jour, pluvieux.

 

"Tu recommences, M.T." Marcello presse sa paume contre le poignet d'M.T., "Mais je l'ai pas dit à Lili. Descend."

 

M.T. l'avise avec surprise. 

Il commence à comprendre pourquoi Marcello est venu. Mais il campe sur sa position. 

 

Marcello repousse sa main encore un peu, gentiment. "S'il te plait, pars."

 

M.T. range son pistolet sous la ceinture de son pantalon, et il lance un dernier regard à Marcello, avant qu'il ne se retourne vers la porte. 

 

Mais Marcello lui agrippe la veste, et M.T. se fige, avant qu'il ne se retourne une nouvelle fois vers lui. Et Marcello le tire à lui, pour le prendre dans ses bras, la respiration rapide. 

 

"Reste en vie."



//



Tim; Jeudi, 21h14 : 

 

Ouvrir le carton, prendre une bougie, poser sur l'autel. 

Recommencer. 

 

La monotonie du geste aide Tim a oublier l'horrible angoisse qui lui tord les entrailles et le fait transpirer.

 

Cette nuit, Devon a fait une terreur nocturne. C'était la pire chose que Tim ait jamais vu : pas de cris, pas de grands gestes, pas d'yeux révulsés. 

Non.

Devon suait des litres, son corps entier était crispé, et il avait l'air de hurler silencieusement, a travers ses lèvres scellées, comme si quelque chose l'empêchait de se libérer. 

 

Tim avait été réveillé par une envie d'aller aux toilettes, et il avait vu Devon dans cet état, à côté de lui, dans le lit de Fab. 

Incapable de bouger, Tim avait reveillé Fab et le vigneron s'etait empressé de s'occuper de Devon. 



Il s'en veut.

Il est trop jeune pour avoir à s'inquiéter comme ça, lui a dit Lucie au téléphone, c'est pas sa faute si il ne sait pas gérer la situation. 

 

Tim a omit de lui preciser qu'il allait s'embarquer dans un plan elaboré pour faire admettre a une potentielle psychopathe sa tentative de meurtre envers son meilleur ami. 

Potentielle psychopathe que Tim pensait connaître, apprécier et admirer.

 

Ouvrir le carton, prendre une bougie, poser sur l'autel. 

Recommencer.

 

Un claquement résonne dans l'église, et Tim se retourne. 

Elle est là, Joséphine, dans toute sa splendeur. 

Elle dégage une classe discrète et respectable, qui donne envie de rester austère en sa présence. 

Son chapeau semble prendre de plus en plus de place au fur et à mesure que Tim croise la route de Madame de Beaucollier. 

 

Tim a l'impression qu'une enorme pelote de laine est coincée dans sa gorge, mais il salue Josephine, se dit que c'est impossible que cette femme soit une tueuse. 

Son visage s'éclaircit et elle sourit en joignant ses mains ensemble tandis qu'elle s'approche. 

 

"Comme c'est bon de vous revoir mon cher Tim ! On m'a raconté que vous étiez derrière les barreaux mais comme c'est horrible !"

 

Elle arrive à son niveau et se penche pour lui faire la bise. 

 

"C'est aberrant tout de même, j'espère qu'ils vont trouver le coupable."

 

Elle parle beaucoup. Comme si elle avait quelque chose à cacher, se dit Tim. Comme si ce n'était pas elle qui avait dit à la police que c'était Tim le coupable…

 

Non, il ne doit pas laisser les alertes rouges et les pensées noires gagner du terrain. 

 

"Vous venez préparer le messe ? Ca aide le moi à pas penser à le accident de Devon." Répond Tim en forçant un petit sourire.

 

"Tout à fait, j'ai ramené du vin de Montazac et Torrez, et du pain et du saucisson de chez les Pagnolesses ! Vous m'aideriez à décharger ?" 

 

Elle lui offre le vin sur un plateau d'argent. C'en est presque louche.

 

"Bien sûr, je pense que je le aimerais goûter tout cela, pour être sûr que c'est le qualité !" Il parvient même à rire, Fab serait fier de son jeu d'acteur, "cela dit à vous ?"

 

Josephine rayonne, mais elle emmène une main à ses lèvres pour rire poliment, "Enfin, Tim, Jésus va nous prendre pour des ivrognes… Mais c'est une bonne idée. Juste une bouteille !"

 

Tim acquiesce en souriant et termine de placer les bougies avant de suivre Joséphine à l'extérieur de la paroisse. 

 

Elle se tient droite et marche comme une femme pieuse, avec respect. Tim ne peut vraiment pas l'imaginer tirer sur Devon, ou essayer de le tuer d'une quelconque manière… Surtout pour quelque chose d'aussi vain que de l'argent !

 

"Dites, vous allez bien depuis le chasse ? C'était vraiment le terrible moment…" demande-t-il, pour entamer la discussion. S'il commence maintenant, il a des chances d'évoquer son mari après la première bouteille. 

 

Joséphine prend un petit carton dans le coffre du camion ARC et attend que Tim la suive avec trois d'entre eux pour retourner dans l'église. 

Ils les apportent dans l'arrière salle, puis retournent au camion ARC. 

 

"C'est très difficile pour moi d'en parler, Tim, si vous saviez le traumatisme que ça a été… Ça m'a rappelé lorsque j'ai perdu feu mon mari Victor. Quelle douleur…"

 

Timothé la laisse charger ses bras d'autres cartons. Il a l'impression qu'on lui a renversé de l'eau glacée sur le crâne. 

C'est trop étrange, Joséphine ne mentionne son mari que très rarement, et pourtant ce soir, quand Tim a prévu de lui tirer les vers du nez à son propos, elle l'amène d'elle-même sur le tapis. Est ce qu'elle sait ?

 

Ou est ce que ce n'est qu'une coïncidence ?



Il n'y a personne dans l'église, leurs pas résonnent, et si Tim criait, personne ne l'entendrait, une fois dans l'arrière salle. 

Il fait chaud, Tim se rend compte, parce qu'il transpire alors qu'il pose les cartons sur les autres, et aide Joséphine à poser le sien. 

Elle retire son chapeau et s'évente avec, sereine. 

 

"Buvons." Dit-il, parce que la c'est lui qui a besoin de courage liquide.

 

Un bruit soudain attire son attention, et il se retrouve nez à nez avec la lame d'un cutter, et Joséphine qui le regarde droit dans les yeux. Puis elle sourit et lui temps le cutter, pointe tournée vers elle-même. "Tenez, Tim."

 

Il prend le cutter et lui offre un petit sourire troublé en retour. 

L'ambiance est extrêmement pesante, mais Tim a peur que ce ne soit que lui, qui se fait des idées. 

 

Il ouvre un carton et sort deux bouteilles de vin Montazac et Torez. Il en tend une à Joséphine qui la prend avec un regard curieux. 

 

"Et vous Tim, comment allez vous ? Vous m'avez l'air bien plus troublé que d'habitude. Je suppose que ça a dû être terrible pour vous, de presque perdre votre meilleur ami, et de finir en prison à cause de ça… Pauvre enfant, cherchez refuge auprès du seigneur."

 

Tim sourit en coin, mais ça n'a rien de joyeux. Il débouche sa bouteille et la lève vers le ciel, avant de s'asseoir sur l'un des bancs de la remise dans laquelle ils sont. "Je me réfugie dans cette bouteille de le sang du Jesus !" 

 

Josephine ouvre sa propre bouteille et en descend quelques gorgées aussitôt. 

Ça surprend forcément Tim. Dans sa tete, c'est illogique qu'une personne qui cherche a fuir le meurtre de son mari risque de se rendre ivre et de potentiellement admettre quelque chose qu'elle ne devrait pas…

 

Quelque chose cloche.

Il prend une gorgée, qu'il laisse retourner dans la bouteille, pour ingérer le moins de vin possible. 

 

"Vous savez, je l'ai jamais vu le mort avant. C'est très le traumatisant pour moi. Je sais pas comment on peut faire pour ne pas devenir fou." Il secoue la tête, se tente à son meilleur jeu d'acteur. 

 

Joséphine semble mordre à l'hameçon. "Oh Tim… Vous êtes si jeune, ça ne m'étonne pas, et ça me soulage même de savoir que vous n'avez jamais perdu quelqu'un. C'est toujours… Toujours un tel ouragan dans une vie." 

 

Le silence tombe entre eux, et ils boivent à nouveau tous les deux; Tim ne boit pas vraiment, mais il a quand même le goût dans la bouche. Il va sûrement finir pompette. 

 

"Vous… Comment cela était, pour vous… ?"

 

"C'etait… Difficile, bien sûr. Je me suis sentie si seule, si isolée, délaissée, mais Jésus était là pour moi." 

 

Elle prend de nouvelles gorgées, garde la bouteille pressée contre sa poitrine comme s'il s'agissait d'un petit animal fragile. Elle non plus ne tient pas l'alcool, et le vin de Montazac & Torez est très fort, Tim l'a bien appris, à force. 

 

"Je suis peut-être un monstre, mais, je dois admettre que… Que j'étais soulagée, aussi." 

 

Elle boit encore, puis cache son visage derrière sa paume. Elle commence à avoir quelques rougeurs sur les joues. 

 

"Je regrette tellement de l'admettre, mais, j'étais enfin libre… après tant d'années à jouer la comédie devant nos amis, nos familles et tous ses collègues… Personne ne savait, personne n'imaginait ce que je subissais." 

 

Elle abaisse sa main, ose un regard envers Tim. Elle a les yeux brillants, remplis de larmes. "Vous êtes autorisé à me juger, je sais que je devrais pleurer mon mari. Mais je n'y arrive pas. Pas après qu'il ait passé toutes ces années à me forcer a faire ces choses dont je n'avais pas envie, sous prétexte que nous étions mariés et que je lui devais ces choses." 

 

A nouveau elle boit du vin, et cette fois, Tim ne peut pas s'empêcher de descendre la sienne lui aussi. Une nouvelle nausée s'empare de lui, lui tord les boyaux. Ce que Joséphine lui confie est horrible.

 

"N'ayez pas pitié, Tim, mais promettez-moi de ne jamais faire subir ce genre de choses à la personne que vous aimez. Soyez à l'écoute…" 

 

Tim acquiesce aussitôt. Il pense à Fab, il ne veut jamais, jamais le forcer à quoi que ce soit. "Cela est normal que vous soyez le soulagée. Je pense pas que vous êtes le monstre. Vous pouviez pas savoir que le mari de vous allait mourir." 

 

Il a envie de la prendre dans ses bras. 

Il ne peut pas imaginer avoir un jour pensé qu'elle puisse être une psychopathe meurtrière. 

 

"Oh Tim… Je le savais, parce que, parce que…" Elle sanglote bruyamment, de grosses larmes coulant sur ses joues. 

Le cœur de Tim se serre. 

 

"C'est moi qui lui ai donné la mort !" Elle s'exclame, et c'est la douche froide à nouveau. Elle boit de longues rasades de vin, et elle laisse la bouteille tomber dans un tintement sur le sol. "Je n'en pouvais plus ! Que Dieu me pardonne… Je n'en pouvais plus, et c'était si simple de lui mettre juste quelques doses de javel dans les capsules de ses médicaments pour le coeur !" 

 

Elle hoquette et plaque ses paumes contre ses lèvres, ses mains tremblent, et elle continue à pleurer, les yeux écarquillés. 

 

Tim est… Tétanisé. 

Josephine vient d'admettre le meurtre de son propre mari.

Et il n'est pas apeuré. Il n'est pas outré. Il n'est pas en colère. 

Il pense même… Qu'elle a eu raison de le faire. 

 

C'est un sentiment terrible, et nouveau, qui rend Tim complètement confus. 

 

Il a besoin de Devon; lui il sait faire la vraie différence entre le bien et le mal. 

 

"Josephine…" Il tente, et laisse sa bouteille sur le banc à côté de lui pour ensuite poser sa main sur son épaule.

 

Joséphine continue de pleurer, mais le contact de la main de Tim semble faire son effet, parce qu'elle se retourne et se penche sur lui pour l'enlacer, ses sanglots redoublent d'intensité. 

 

"Oh T-tim… Vous ne me détestez pas…?" Elle hoquette encore, et Tim reste coi, immobile. 

 

Comment peut-il la détester ? Il attend toujours de se sentir effrayé, en colère, rebuté, mais ça ne vient pas. 

 

"Je le déteste pas vous Josephine." Finit-il par dire, et il l'enlace en retour. Il faudra qu'il raconte tout a Fab, et a Devon, le plus vite possible. Joséphine a peut être tué son mari, mais c'était de la légitime défense, elle ne peut pas avoir essayé de tuer Devon.

 

L'étreinte de Joséphine se resserre, puis elle se recule légèrement. Ses mains glissent sur les épaules de Tim, remettent son col en place, et Tim remarque qu'elle ne pleure plus. 

 

"Quel dommage. Ça m'aurait rendu la tâche beaucoup plus facile." 

Sa voix est plus grave, elle ne tremble plus, elle n'a même plus l'air ivre. 

 

Quand ses mains se resserrent autour de sa gorge, Tim met de longues secondes avant de se rendre compte de ce qui se passe.

Son cerveau refuse de traiter l'information. 

 

Et Joséphine le fixe sans aucune expression sur le visage. 

 

Quand enfin l'instinct de survie de Tim pointe le bout de son nez, il agrippe les poignets de Joséphine, pour tenter de la repousser, alors que sa respiration peine à passer sa gorge écrasée, mais Joséphine est bien plus forte qu'elle n'en a l'air, Tim n'arrive pas du tout à la faire lâcher prise. 

 

Il tente de supplier, ses lèvres bougent mais en vain, les pouces de Joséphine écrasent sa trachée et le rendent muet. Tim tente alors de griffer son visage, de la frapper, mais il est déjà bien plus faible à cause du manque d'oxygène. 

 

Les bords de sa vision se troublent, deviennent sombres, alors que l'image de Joséphine, complètement dépourvue d'émotions reste la seule chose qu'il voit, gravée sur sa rétine. 

 

Il va mourir, tué par Joséphine.

 

"Vous êtes si naïf, mon bon Tim, Dieu vous accueillera les bras grands ouverts."

 

Les yeux de Tim se révulsent, ses mains tombent, inertes, à ses côtés, et Joséphine continue son oraison funèbre. 

 

"Il vous a toujours aimé, vous êtes quelqu'un de bien, mais vous aussi allez finir par échapper à Son regard et détruire une femme, un jour. Votre comportement avec Lorenza en est la preu–" 

 

Joséphine se tend soudainement et se mord la langue alors que ses yeux sortent de leurs orbites. Elle grogne de façon étouffée et ses mains lâchent la gorge de Tim. 

 

Elle tombe à la renverse et convulse au sol, le corps relié à la main de Tim par des fils qui lui envoient un courant électrique paralysant. Tim tient son taser fermement, et il reprend sa respiration difficilement en gardant le doigt appuyé sur sa gâchette jusqu'à ce que Joséphine perde connaissance. 

 

Il n'attend pas de savoir si c'est vraiment le cas pour tirer sur les fils de son taser et les rembobiner, puis se lever et tituber jusqu'à la porte de la remise. 

 

Il tousse, des larmes brûlantes perlent au coin de ses yeux, et il sent des bleus se former sur sa gorge, mais il n'a qu'une idée en tête, s'enfuir. S'enfuir vite, et rejoindre sa voiture, rejoindre Fab, qui l'attend, planqué dehors. 



//



Lenny; Vendredi, 02h53 : 



La façon dont M.T. le tient tout contre lui, lui coupe le souffle. Il est si fort, pourtant si fragile, et ses mains sont si larges contre ses hanches, contre sa poitrine, contre son cou. 

 

**

Dès qu'ils sont rentrés, M.T. l'a suivi jusque dans sa chambre, en silence, et l'a plaqué contre la porte pour l'embrasser. 

Son cerveau a grillé aussitôt, et tout ce qui s'est passé ensuite était plutôt flou, si ce n'était pas M.T.

Ses fringues ont disparu très vite, et il n'a pas eu le temps de se rendre compte qu'il était dans sa chambre, assis sur un meuble, les mains d'M.T. sous ses fesses.

 

Lenny aime avoir le contrôle, mais M.T. adore le lui arracher, et putain, Lenny adore ça aussi. Ça, il le découvre quand il caresse le torse d'M.T., laisse ses doigts descendre lentement jusqu'à ses hanches et plus bas encore, pour essayer de lui tirer un gémissement, un bruit, un halètement; mais M.T. l'en empêche, attrape ses poignets et les plaquent contre le mur derrière lui. Il l'embrasse a pleine bouche, et se presse contre lui, roule des hanches et se frotte à lui; et c'est Lenny qui gémit, malgré lui. Il perd cette compétition silencieuse qu'il avait lui même instaurer, mais c'est trop bon.

C'est trop bon de se perdre en M.T., de se noyer dans son odeur, dans sa peau, dans ses baisers et ses caresses, un peu trop brusques et qui laissent des marques. 

 

C'est vite trop, trop pour son cœur et son cerveau et son corps , parce qu'il jouit contre le ventre d'M.T. en griffant son dos et sa nuque, son prénom au bord des lèvres, Twain…

M.T. n'a pas besoin de plus pour le suivre dans son orgasme, et Lenny mentirait s'il disait ne pas être flatté et un peu soulagé - Vanessa a peut être mentionné un problème de libido. 

**

 

Ce qui le surprend, c'est la façon dont M.T. le tient tout contre lui, après. Lenny est dans le coltar, il tient à peine debout, mais il n'a pas besoin, vu comme M.T. l'enlace et le porte jusqu'au lit avant de s'y laisser tomber et de le garder contre lui. 

 

On dirait un gros koala. 

Un koala brûlant et sexy. 

 

Lenny enfouit son visage contre les cheveux d'M.T., il flotte encore sur ce nuage de complète béatitude, c'est facile de ne pas penser aux conséquences, à la suite, à ce que ça veut dire.  

 

Il est sur le point de s'endormir quand son téléphone émet un son. 

Une notification, celle d'un message. 

M.T. grogne et refuse de le laisser partir, mais Lenny lui pince l'épaule, entre deux cicatrices. 

 

L'étreinte du kraken se relâche et Lenny peut rouler sur le côté pour récupérer son téléphone. 

S'il avait su, il n'aurait jamais lâché M.T.



Lorsqu'il lit le nom qui s'affiche sur son écran, Lenny se redresse d'un coup, et fait tomber son portable qui s'explose au sol. 

 

M.T. se redresse à son tour, et son ton inquiet fait enfler la nausée soudaine de Lenny. 

 

"Lenny ?" 

 

Lenny presse une paume contre sa bouche, mais c'est trop tard, il se penche et déverse le contenu de son estomac sur les morceaux de son téléphone. 

Notes:

*fume une cigarette* alors, heureux.se ?

Chapter 15

Notes:

Bon, surprise et surprise !
J'ai adoré ecrire ce chapitre, mais pour autant je pense que la qualité de mon ecriture en a pris un gros coup parce que c'etait aussi beaucoup de meublage.
La premiere partie surtout, c'est dans ces moments que je me cogne a mes limites en matiere d'ecriture d'action haha

Enfin c'est pas grave mais comme toujours soyez indulgent.es svp 🖐

Chapter Text

Haylie; Dimanche, 22h50 : 

 

"Tu es sur de toi ?" 

 

Le petit Daniel est complètement immobile. Mais pas à cause de la catatonie, cette fois. 

 

Il est concentré, déterminé. "Je veux retrouver mon cousin."

 

Il porte la veste de Donatien, parce qu'il fait froid. 

Haylie est cachée derrière un générateur électrique, sur le toit, et elle parle à Daniel via une oreillette. 

 

Donatien, lui, travaille. Il décharge des cagettes et des cagettes de vin, tout seul.

Fab est encore absent, mais ils savent pourquoi, cette fois. 

Apparemment, Joséphine de Beaucollier a pété les plombs. 

Haylie ne la connait pas, mais elle est surprise, quand même. Cette femme avait l'air si… Riche et catholique. 

 

Enfin, ça ne serait pas la premiere femme a se reveler être un serial killer. 

Devon adore lui envoyer ses théories à ce sujet. Quand elle écoute ses messages vocaux elle a l'impression d'être devant une émission true crime de Victoria Charlton. 

 

 

"Dites, y a une voiture noire dans la rue la haut." Lui dit Daniel a l'oreillette. "Elle vient de se garer." 

 

Ils sont a l'endroit ou Donatien vend son vin en gros, dans l'espece de renfoncement derriere la terrasse multi commerces. Il y a deux entrées et sorties, sans compter celle du magasin où Donatien entre et sort avec le vendeur depuis tout à l'heure.

Il y a une pente montante qui donne sur une rue, et la voiture noire est garée la. 

 

Haylie fronce les sourcils. 

 

Son plan est simple, attirer Cox avec Daniel, et lui tomber dessus des qu'il se montre. Elle a deux gars planqués dans le magasin, un autre allongé sur un toit de l'autre coté de la terrasse pour surveiller les allers et venues, Kiddy caché dans le coffre du camion derrière les cagettes et Inigo en voiture, caché juste à l'entrée du magasin qui donne sur la rue ou la voiture noire est garée.

 

Elle reçoit un sms. C'est Inigo.

 

Families.

 

Elle se penche pour aviser la voiture et plisse les yeux. 

Sa main se resserre autour de son uzi. 

La voiture est une cyclone noire, mais elle a effectivement un nacrage vert. Les vitres sont teintées, mais à travers le pare-brise Haylie reconnaît quand même Jim, Baby Driver. 

 

Il est au telephone, et il regarde le toros d'Inigo. 

Il y a quelqu'un a l'arriere. 

 

C'est Liam, Haylie en est sure. Et si c'est Liam, alors ça craint. 

Pourquoi est ce qu'il est la ?

 

Haylie n'est pas idiote. C'est etablie, desormais, que Cox bosse avec les verts. Mais elle n'est pas vraiment sur que Cox a enlevé Antoine pour les verts. 

Elle pense plutot que les verts le sponsorise, parce que ca lui porte prejudice. 

 

Ca porte prejudice aux jaunes. 

 

"Dites j'crois bien que c'est les Families !" Lui murmure Daniel dans l'oreillette et elle serre la mâchoire. 

 

Il faut qu'elle appelle Donatien pour annuler le plan. Elle est parfaitement préparée pour tomber sur Cox et ses acolytes, même en cas de renforts, mais elle n'est certainement pas préparée pour Liam. 

 

Il sort de la voiture, et Daniel crie dans l'oreillette, mais Haylie ne peut pas s'occuper de lui, elle avance sur le toit et le met en joue, prête à tirer s'il avance. 

 

Seulement quelque chose ne va pas. 

Il est seul. 

Liam n'est jamais seul. 

Liam est toujours avec Marcello, sauf quand il l'envoie en mission quelque part. 

 

Haylie se retourne d'un coup, le doigt sur la gâchette. 

Tous ses poils se hérissent, mais il n'y a personne derrière elle. 

 

Pas de Marcello.

Vite.

Elle se retourne, Liam est au milieu de la route, AK47 en main. 

Il fume, un béret sur la tête.

Il a une expression d'orgueil si évidente que Haylie la voit d'ici. 

 

Elle pourrait tirer et l'abattre. 

Elle pourrait. 

 

Seulement les hurlements dans son oreillette lui reviennent. Ce n'est plus la même voix. C'est Donatien, lointain. 

 

Merde, merde, elle ne peut pas lacher Liam des yeux, pas quand il leve son AK, et qu'il vise… Il vise vers la cuvette. 

S'il a un visuel c'est la fin. 

 

"Rapport !" Elle crie dans son oreillette pour ceux qui sont dans le magasin.

Pas de réponse.

 

"C'est des verts, boss !" C'est le tireur qu'elle a embusqué sur les toits de l'autre côté, "Visuel !" 

 

"Le gosse ??" 

 

"Il est dans la ligne de mire, le vigneron aussi !" 

 

Liam rit, en bas, dans la rue, et avant qu'elle ne puisse réagir, ses yeux écarquillés, parce que Liam se retourne vers le toros et tire, une balle, qui traverse le pare-brise, point faible de la voiture. Puis Liam lève son arme et la vise, elle. 

 

L'AK n'a pas la portée de l'uzi, dieu merci, mais il fait bien plus de dégâts. 

 

"RAPPORT !" Elle hurle pour son oreillette, alors qu'elle entend les hurlements, en bas, et non plus en radio. 

 

"Deux verts à terre, mais ils sont trop nombreux, je peux pas tirer, boss !"

 

Elle déteste qu'il l'appelle comme ça, elle déteste qu'on la nomme remplaçante, comme si Lenny n'était plus le boss, le padre, le chef. 

Elle a tiré dans le pied d'un gars qui avait osé l'appeler Jeffe, et personne n'avait plus osé, mais certains étaient résilients à l'appeler comme leur supérieur.  

 

Elle n'a jamais voulu se retrouver là où elle se trouve.

Le problème, c'est qu'elle sait ce que personne d'autre ne sait. 

 

 

Son Jeffe lui a légué sa position exactement comme il l'a prise. 

Lui non plus n'avait pas le choix. 

Lui aussi est devenu le Jeffe parce que qui d'autre que lui aurait pu l'être ? Le gang se mourrait, victime de la tyrannie de son précédent chef, alors qu'il s'asseyait sur une mine d'or. 

Impossible de le laisser continuer à vivre, non. 

Lenny Johnson avait sacrifié sa vie pour sa famille, en devenant Le Jeffe. Celui qui a mené les jaunes a leur gloire actuelle. 

 

Et peut-être qu'il pensait lui léguer un cadeau, mais il l'a toujours su, cette position est un poison.

 

Enfin.

Il sait aussi que si ce n'est pas lui, la seule qui peut reprendre sa position, c'est Haylie. 

 

Mais elle n'est pas prête.

Elle n'est pas prête, elle n'est pas prête, elle n'est pas prete putain !!

 

 

Liam rit, à gorge déployée, puis il gueule, "Echec et Mat, Vagos !" alors Haylie tire.

 

Elle touche Liam en pleine épaule, et il hurle, il hurle de douleur, son hurlement se mélange à celui de Daniel, Donatien, et de leurs hommes qui se battent en bas.

Et puis son hurlement se transforme en rire, il crie, "Wouh !" comme s'il venait de se faire un shot de cocaïne. 

Il révèle son AK et tire, et les balles explosent le mur derrière lequel Haylie se cache, trop bas pour l'atteindre. 

 

Elle s'abaisse et en profite pour appeler Inigo, et s'éloigner pour revenir à l'échelle qui mène au camion, à la cuvette, au magasin et à la scène terrible qui doit s'y dérouler. 

Inigo ne répond pas.

Elle n'aurait sûrement pas dû quitter Liam des yeux. 

 

Quand elle regarde par-dessus le muret, elle voit une dizaine d'hommes qui encerclent les 3 siens, Donatien et Daniel. L'un d'eux tient Donatien en joue, a bout portant, contre sa tempe. On dirait… Le Joker.

 

Deux autres gars tiennent Daniel par les bras, il ne se débat pas - il est inerte, probablement assommé. 

 

Un sifflement attire l'attention du Joker. 

Haylie ne peut pas hésiter. 

Elle ne peut pas.

Elle a déjà fait ça.

Plus d'une fois. 

 

Elle l'a déjà fait…

Elle peut le refaire…

 

Elle pointe son uzi, vise, tire. 

La première balle atteint la tête du Joker, la seconde son épaule, la troisième se perd sur le bitume, quand l'homme tombe au sol. 

 

Aussitôt ses propres hommes tirent sur les verts, mais ils sont trop nombreux. 

Elle saute par-dessus l'échelle, s'y laisse glisser et atterrit au sol rapidement, le cœur battant à tout rompre. 

Elle ne peut pas réfléchir, même si une balle lui mord l'avant bras : elle se jette sur Donatien, le pousse, le fait tomber, rouler sous l'imposant camion. 

 

Quand elle se retourne, deux de ses hommes sont à terre, mais presque tous les verts le sont aussi. 

Presque.

Les deux qui tenaient Daniel ont disparu. 

 

Et Daniel aussi. 

 

A droite dans son champ de vision, un homme s'approche derrière les buissons, et elle tire, sans sommation. 

 

"RAPPORT ?" Elle hurle à nouveau, et son seul homme debout lui hurle une direction. 

 

Le silence est tombé, assourdissant, mais elle entend encore Liam rire. 

Elle l'entend encore, comme s'il était juste là, derrière le mur du bâtiment. 

 

Elle court, s'approche de la montée, mais Liam n'est plus là. Sa voiture a disparu. 

Le Toros aussi.

 

Haylie écoute, force son oreille à entendre par dessus l'orage de son pouls qui foudroie ses tempes.

 

Les voitures électriques font un bruit particulier quand elles accélèrent. 

Haylie l'entend. Elle est partie tout droit. 

 

Elle l'entend faire le tour du centre commercial. 

 

Elle baisse son flingue, se met a courir vers sa propre voiture, qui est garée dans l'espace carré des terrasses. 

 

Elle reprend son téléphone, appelle Inigo. 

 

"Sì, Haylie !! Je suis pas blessé je les suis la, avec le tauros je les tiens bien si !" 

 

Haylie grimpe dans sa voiture, une shafter v12, la voiture la plus rapide de Los Santos. 

 

"Position" elle grogne, alors qu'elle démarre en trombe et raccroche, en sortant de la place. 

Elle reçoit un sms, puis un autre, et encore un autre. 

Son GPS lui indique que les verts vont vers Mirror Park. 

Elle sourit en coin. Elle va les coincer là-bas. 

 

Elle envoie des sms à plusieurs vagos en attente spécialement pour apporter des renforts. 

 

Liam va s'en bouffer les doigts, elle le jure - elle aurait dû l'abattre, la bas, mais elle n'a pas pu.

Encore une fois.

Elle n'a pas pu, alors qu'elle aurait dû.

Elle a tué le Joker sans aucun remord, alors pourquoi ?

 

Elle retrouve la trace du toros, alors elle demande à Inigo de reculer, de suivre en backup. Son téléphone sonne alors qu'elle s'engage après la néon, c'est Kiddy. 

 

Elle décroche, concentrée. 

 

"Dis moi que tu l'as."

 

"En cours. Occupe toi de Montazac. Appelle Boid." 

 

Elle raccroche, et la Cyclone prend un virage en épingle à cheveux. 

Merde, ils ne vont pas a Mirror Park. Ils prennent la direction des autoroutes de l'aéroport. 

 

Haylie suit la cyclone, sa shafter avale les kilomètres entre eux en quelques secondes. 

 

Si seulement elle avait su tuer Liam, à ce moment la. 

Si seulement. 

 

Elle cogne l'arrière de la cyclone, tente de la faire déraper. En dernier recours, elle demandera au riata qui arrive en renfort de retourner cette foutue Cyclone, mais Daniel est à l'intérieur.

 

Tant pis, elle ne peut pas se permettre de le perdre. 

Tout dépend d'elle. Tout.

 

Elle fonce à nouveau dans la cyclone, mais la shafter est trop légère, et elle se fait drifter elle même alors que la cyclone perd en equilibre.

 

 

Un moteur vrombit, quelque part. Ce n'est pas la cyclone. Ni le riata. 

 

Haylie regarde dans le rétroviseur.

 

Une Néon blanche et verte. 

 

 

Tiens, c'est la bretelle d'où Miguel a été éjecté. 

Le choc est assez brutal pour déclencher son airbag, elle aurait sûrement dû s'attacher. 

 

Tandis que la voiture d'Haylie s'envole par-dessus la rambarde, cabossée, le temps se ralentit. 

 

Elle aurait dû savoir que Liam allait prévoir une course poursuite. 

Elle aurait dû.

Tout comme elle aurait dû abattre celui qui lui avait tendu la main, à son retour à Los Santos. 

 

Un souvenir lui traverse l'esprit. 

C'est fugace.

 

Elle se souvient d'M.T., allongé dans le lit de Lenny, qui pointe son flingue sur le Jeffe endormi. 

Il essaye, ça se voit, lui aussi se dit, je devrais.

Mais il n'y arrive pas. 

Elle se souvient que peu après, il n'a pas hésité a tiré sur elle, sans savoir qu'il était à vide. 

 

Ah.

Elle se demande pourquoi elle se souvient de ça, avant de perdre connaissance à cause du choc de la taule contre le bitume. 

 

 

//

 

 

Donatien; Lundi, 23h00 : 

 

Il est étendu sous le camion, sonné. Le ventre du camion tangue au-dessus de lui.

Il est trop ivre, trop essoufflé pour se bouger. Il a perdu une claquette.

Rien ne se passe comme prévu.

 

Evidemment, que rien ne se passe comme prévu.

Donatien aurait dû le savoir. 

Il aurait dû savoir que Cox ne viendrait probablement jamais, surtout pas après que Donatien ait vu 3pac. Elle a dû lui dire, qu'il était à l'affût, elle a dû lui dire qu'il cherchait quelque chose. 

 

Il avait espoir, mais ses espoirs sont toujours vains, depuis qu'il a quitté la France pour commencer une nouvelle aventure ici, à Los Santos. 

 

 

Ce n'est que lorsque le bruit de roues qui crament leur gomme sur le bitume le tire de ses pensées erratiques que Donatien se hisse difficilement hors de sa cachette. 

 

Il n'a que 32 ans, et tout son corps lui fait mal. Il sait, et ce depuis longtemps, qu'il est et sera sujet à l'arthrose, et ses aïeux traitaient la leur avec du vin. 

 

"Dona !" 

 

La voix de Kiddy lui vrille les tympans, et tout ce que Donatien peut répondre c'est "Daniel… Où est Daniel ?"

 

Il n'aurait pas dû boire, pourquoi est-ce qu'il a bu ? Ça n'était qu'une gorgée, avant la mission, puis une autre, dans le camion, et encore une autre, un peu plus goulue, quand Daniel en est sorti. 

Et peut-être quelques-unes bien avant ça, depuis qu'il a prit cette stupide decision.

 

"Dona…"

 

Le ton de Kiddy change mais Donatien connaît très bien ce ton. C'est celui que Kiddy utilise avec les croutes, quand il ne veut pas les décevoir mais qu'il n'a pas le choix. 

 

"Non." Donatien se retourne vers Kiddy, le vent s'engouffre sous sa chemise jaune, il n'a pas l'habitude de ne pas porter sa veste. Kiddy s'approche, le visage dépité, et une colère noire s'empare de Donatien. "Non."

 

Il se détourne, ou est Haylie ? Avec Daniel sûrement. Le monde tourne désagréablement autour de lui.

"HAYLIE ?" hurle-t-il, sa voix écorchée. 

 

Il y a des hommes en jaune et vert a terre un peu partout, il n'avait pas conscience qu'autant de gens s'etaient melés à cette rixe. 

Il les enjambe, trébuche, glisse dans une flaque de sang et tombe lourdement au sol. Ça fait mal, surtout à sa fierté.

Ou ce qu'il en reste.

 

"Dona !" 

 

Kiddy tente de l'aider à se relever, "Dona arrete ! Calme toi ! Ils sont plus là !" 

 

Donatien se retourne violemment en repoussant Kiddy, il titube, le monde tangue encore plus fort, mais il hurle encore, "NON !" 

 

Il refuse. 

Il refuse d'avoir été aussi con. 

Il refuse d'avoir été trop bourré et désespéré pour se rendre compte que le plan d'Haylie était merdique, de A à Z. 

 

Si seulement Lenny n'avait pas déserté, si seulement cet enfoiré avait tenu sa promesse ! Si seulement Miguel n'était pas dans le coma ! Si seulement Fabien avait été là, si seulement Devon n'était pas trop faible pour les défendre ! 

 

Si seulement les flics n'étaient pas aussi inutiles, si seulement Boid servait à quelque chose ! 

 

Le monde entier mérite de brûler, la, tout de suite. Au nom de Daniel et Antoine Croute.

 

Kiddy lui rattrape le bras, le force à tenir debout, tente de l'attirer contre lui, mais Donatien refuse d'être touché, il refuse d'être regardé, il refuse d'exister.

 

"Dona, calme toi, Haylie va les rattraper, tout est prévu."

 

Donatien lui lance un regard noir sous ses lunettes et son chapeau de travers. Une horrible sensation d'espoir, aigre, lui brûle l'œsophage. 

 

"Je l'appelle."

 

Et il le fait. Kiddy fait toujours ce qu'il dit, après tout. 

 

"Dis moi que tu l'as."

 

Donatien n'entend pas ce qu'elle dit après qu'elle ait décroché, mais Kiddy rabaisse son téléphone presque aussitôt, concentré. 

 

Il téléphone à nouveau. 

 

"Commissaire ? On a des hommes à terre ici, Vagos et Families, et une cargaison Montazac Torez entièrement ravagée."

 

Donatien écarquille les yeux. 

Qu'est ce qu'on en a a foutre des hommes a terre et de sa précieuse cargaison ?? Tout ce qui compte c'est Daniel, et Kiddy ne le mentionne même pas.

 

Donatien a l'impression que le monde continue à tanguer, de plus en plus, son sang frappe ses tempes, vite et fort. 

 

Il serre les poings, ouvre la bouche quand Kiddy raccroche enfin, et qu'il lui donne à nouveau ce terrible regard. 

 

"Il faut qu'on rentre, Dona. Je te raccompagne." 

 

"C'est une blague !" S'offusque-t-il, le souffle court. "Je ne rentre pas sans Daniel, Kiddy, il faudra me passer sur le corps !" 

 

"S'il s'échappe, tu crois qu'il va aller ou ?" 

 

Ça frappe Donatien et son cerveau imbibé d'alcool comme une logique imbattable. 

Soudainement, ça fait sens.

Tout est très clair. 

Kiddy a raison.

Si Daniel n'est pas là, il sera forcément au domaine. 

 

C'est la bas qu'ils se sont toujours retrouvés, après tout. 

 

Alors il se redresse et s'époussette, se redonne consistance. 

Il va même replacer son chapeau correctement sur sa tête, et lève le menton jusqu'à ce que Kiddy comprenne qu'il le suivra. 

 

Kiddy soupire et se détourne pour se rendre sur la place carrée au centre des commerces, où sa petite voiture les attend.  

 

L'esprit de Donatien est déjà au vignoble. 

Il faut que Daniel, lui aussi, y soit. 

 

Il le faut. 

 

 

Le trajet dure beaucoup trop longtemps, et les minutes s'étirent de façon lancinante. 

Bien vite son genou se met à remuer, et ses doigts tapotent la portière.

 

"Je suis sûr qu'Haylie et ses renforts réussiront à récupérer Daniel." 

 

La promesse de Kiddy lui fait de nouveau ressentir cet espoir acide dans la gorge. 

Il ne répond rien parce qu'enfin le vignoble se profile enfin devant eux.

 

Plus ils approchent et plus la lucidité reprend le dessus. 

Amer, pesante, écrasante même.

 

Kiddy se gare, la gorge de Donatien se serre. 

 

Devant lui, une voiture de police. 

Les gyrophares sont éteints, mais Donatien reconnaît l'homme appuyé contre le pare choc. 

 

Il sort en trombe de la voiture de Kiddy, étranglé par la ceinture parce qu'il oublie de la détacher, et quand il s'en libère en ignorant les paroles exaspérées et inquiètes de Kiddy, Donatien se rue sur Bill Boid. 

 

"Où est-il ?" 

 

"Calmez vous." 

 

Donatien lui assène un violent coup de poing et lui hurle qu'il ne va pas se calmer, que son fils a été enlevé par un gang, à cause de Cox et de lui.

 

Du moins, il le fait dans sa tête. 

A la place il serre ledit poing.

 

"Je ne vais pas me calmer Bill, ou est mon enfant ? Pourquoi vous etes la, vous devriez être en train de suivre ces chiens de Families." 

 

Il va regretter ces paroles, il le sait, d'une manière ou d'une autre. Le karma l'a toujours remis a sa place. 

 

Le commissaire se redresse, et croise ses bras sur son torse. 

 

"Je suis désolé, Donatien. Haylie James a été victime d'un accident. Les verts ont disparu, ainsi que Daniel Croute."

 

Il le dit comme s'il lisait une ligne du journal d'aujourd'hui. Il le dit comme si c'était juste un autre cas à Los Santos. 

Il le dit comme si Donatien ne venait pas de perdre une partie de lui.

 

Encore.

 

 

"Partez." 

 

"Donatien–"

 

"Partez, s'il vous plaît." 

Sa voix tremble.

 

Boid hésite, l'espace de quelques secondes, puis il acquiesce, et se détourne pour monter dans sa voiture, sans un autre mot. "Toi aussi, Kiddy."

 

"Quoi ? Non, je dois assurer ta sécurité et–" 

 

"Dans ce cas tu es viré. Vas-t-en."

 

"Dona…" 

 

 

Donatien ne lui répond pas. 

Kiddy n'est pas vraiment viré bien sûr, mais il a besoin d'être seul, la, tout de suite, et c'est urgent. 

Il ne veut surtout pas que qui que ce soit voit le monstre qu'il va laisser sortir - qui veut absolument s'échapper de son emprise et sa parfaite contenance.

 

Il entre dans le manoir du domaine, et il marche d'un pas déterminé jusqu'à la cuisine. 

Personne ne l'y a suivi.

 

Parfait.

 

 

Il ouvre son frigo à la volée, et y avise les dizaines de bouteilles. 

Des grands crus.

Des crus exceptionnels, d'après les critiques. 

 

Donatien en prend une, retire le bouchon avec aisance, et s'envoie une grande rasade de vin prestige. 

 

Il a la voix de Cox dans la tête qui lui répète sans arrêt qu'il a gagné, Donatien. Il espère que le crû aidera à le faire taire 

 

 

L'alcool lui brûle la gorge, brûle le reste d'espoir qui s'accrochait de toutes ses griffes à son estomac. 

 

Il manque de recracher une bonne partie de sa gorgée alors qu'un hoquet le secoue.

 

La rage, la peine, le désespoir et la honte l'engloutissent tout entier, d'un coup d'un seul. 

 

Il agrippe la bouteille plus fort, puis il la balance violemment contre le mur le plus proche. 

Elle explose, tâche le parpaing, puis la moquette. 

Il hurle de douleur et d'incompréhension. 

 

Donatien attrape une autre bouteille, une autre preuve de l'œuvre de sa vie, et il la balance elle aussi. 

Quel echec.

Chaque bouteille qu'il explose lui permet d'expier un peu plus de culpabilité. Cette mine d'or sur laquelle il s'assoit, aujourd'hui, elle ne vaut plus rien.

 

A quoi bon, s'il ne peut plus la léguer à ses héritiers. 

 

3, 4, 5 bouteilles volent en éclats. 

La sixième, lorsqu'elle explose, tinte comme le rire de Daniel. 

Donatien adore le rire de Daniel, et il adore le rire d'Antoine.

 

Pourquoi est-ce qu'il n'a jamais pris le temps de les faire rire plus souvent ? Si seulement, si seulement il avait pu avoir juste un peu plus de temps à leurs côtés…

 

Il enfonce ses bras dans son frigo, agrippe tout ce qui s'y trouve, pour tout balancer au sol. Il titube, alors que l'air lui manque, que sa voix s'éteint un peu plus à chacun de ses cris de rage et de désespoir.

 

Dire qu'il ne voulait même pas en être un à la base, et il aura quand même été le pire de tous les pères, pour la durée la plus courte de l'histoire de l'humanité.

 

Peut-être que son père avait raison, quand il murmurait, dans l'obscurité de ses rêves, qu'il ne ferait jamais mieux que lui, et qu'il était voué à les blesser, ses petits.

 

"Donatien."

 

Le vigneron se fige, tout se fige, son souffle, son coeur, le temps. 

Puis il se retourne, et face à lui, Haylie. 

 

Automatiquement, le regard de Donatien glisse autour d'elle.

 

En vain. 

 

Elle est seule. 

Et salement amochée.

 

"Mr Montazac…" elle murmure à nouveau, et sa voix s'étrangle dans sa gorge. 

 

Elle se tient la, solide, malgré tout, et Donatien se rend compte qu'elle était sa dernière chance. Qu'elle savait très bien ce qui pouvait se passer, mais qu'elle n'avait pas eu d'autre choix. Qu'elle avait pris la responsabilité de lui offrir cette dernière alternative.

 

Donatien se rend compte qu'elle vient payer le prix de sa défaite. 

 

 

Elle approche, lentement, retire sa casquette, la dépose sur le bar, alors qu'elle s'arrête devant lui. 

 

"Je suis désolée." 

 

Ses yeux cherchent les siens, mais Donatien n'arrive pas à la regarder. 

Il n'arrive pas à la haïr, quand bien même il en brûle d'envie. 

L'alcool le tourmente, rend sa vision floue, et fait tourbillonner l'idée qu'elle aussi, a été délaissée par son Padre, après tout. 

 

"Mais je n'ai pas menti. Je vais tout faire pour vous ramener les Croutes." 

 

 

Donatien est dévasté, mais il la croit. Il la croit, il n'a pas le choix de toute façon mais quand ses yeux réussissent finalement à s'accrocher à ceux de Haylie, la voix de Cox dans sa tête qui rit depuis tout à l'heure et se moque de lui, lui murmure qu'à cause d'elle, Daniel est en danger de mort, sous le joug des Families; pendant que lui est la à se saouler la gueule et à détruire des jours de travail, et qu'elle pisse le sang sur sa moquette. Libres de le faire. 

 

 

"Va-t-en." Murmure-t-il, et le regard d'Haylie brille comme si elle ne s'attendait pas à tant de clémence. 

Et Dieu merci, elle l'écoute. 

 

Peut être qu'elle aussi, n'a pas envie qu'il voit le monstre qu'elle va devenir. 

 

Donatien la regarde partir, et tout lui retombe dessus, encore, encore plus fort. 

Il n'arrive plus à respirer alors qu'un énorme sanglot lui échappe. 

Ah.

Ahah.

Pathétique, il pleure encore.

Il retire ses lunettes, fait tomber son chapeau, laisse les larmes couler sur ses joues comme des torrents qu'il ne contrôle pas. 

 

 

Tout est flou.

Sa vision.

Sa vie.

Le point de son existence.

Qu'est ce qu'il fait là, au final ? 

Depuis qu'il est dans cette ville, Donatien s'est perdu. 

Donatien n'est plus Donatien.

Il est devenu faible, fragile, émotif.

 

Et tout ça pour quoi ?

Tout ça pour être la coquille vide qui abritait autrefois un homme de carrière, intraitable, qui allait prouver à sa défunte famille qu'il valait la peine, après tout. 

 

 

Il se penche en avant, les mains sur les genoux, et il inspire, expire, tente d'arrêter les larmes et la pression qui écrase sa poitrine et l'empêche de penser - comme si son cerveau ne baignait pas dans l'alcool. 

Il aimerait que Fab soit là. 

C'est la seule personne qu'il peut tolérer, la, tout de suite. 

 

Il se redresse, prêt à remettre ses lunettes pour chercher son téléphone, mais devant lui se tient une forme floue qui n'était pas là tout à l'heure. 

 

Il pense à Haylie, peut-être qu'elle est revenue, mais la forme se meuve et s'approche, et Donatien se rend compte que ce n'est pas Haylie du tout. 

 

 

A nouveau le temps s'arrête, alors que ses doigts se referment sur ses lunettes et les ramènent lentement devant ses yeux. Sa respiration s'emballe. Il rêve, ça ne peut pas être autrement. 

C'est une hallucination, pour sûr. 

Un fantasme de son cerveau épuisé et abusé par l'alcool, qui lui montre ce qu'il a si désespérément besoin de voir.

 

La forme est jaune, et brune.

Ce n'est pas Haylie. 

Parce que même floue, Donatien reconnaîtrait cette forme n'importe où.

 

Il enfile ses lunettes. 

 

"... Antoine ?"

 

"Bonsoir, Don Telo."

 

 

// 

 

 

M.T., Lundi, 06h02 : 

 

 

3 jours.

Ça fait 3 jours que Lenny est dans sa chambre, et qu'ils passent leur temps a baiser, dormir, manger, baiser, dormir, manger. 

Au départ c'est lui, M.T., qui a refusé de le laisser partir, puis c'est Lenny qui l'a pratiquement attaché au lit pour l'empêcher de ne serait-ce que se décoller de lui.

 

Ils s'éclatent bien, M.T. se sent mieux que jamais, ici, à Vegas, dans leur hôtel de luxe, son corps engourdi par les massages à répétition de Lenny et toutes leurs heures passées à se battre pour dominer l'autre. 

Il gagne, la plupart du temps, il aura la fierté d'avoir reussi a posseder Lenny jusqu'au plus profond de son être, mais parfois Lenny montre encore plus de passion et ça lui monte à la tete putain, M.T. n'a jamais été aimé si profondément, lui non plus. 

 

Enfin.

Aimé.

 

M.T. n'est pas dupe.

 

Il sait très bien, meme s'il choisit de l'ignorer, que tout ce sexe, toute cette tendresse, tout ces baisers affamés et ces étreintes desesperées veulent dire.

 

Au début, c'était trop époustouflant pour qu'il s'en rende compte. Surtout parce que Lenny a quitté sa propre chambre durant de longues heures dans la nuit du jeudi au vendredi, après leur rencontre avec Marcello, l'y laissant seul à se demander ce qui venait de se passer, si Lenny regrettait, si M.T. avait manqué des signes de refus.

 

M.T. avait fini par quitter la pièce lui aussi, parce que ses blessures commençaient à lui faire de plus en plus mal - surement à cause de ce qu'ils venaient de faire. 

 

Impossible de dormir, M.T. avait ressassé les événements de la soirée dans sa tête toute la nuit, en tirant sans arrêt sur sa cigarette électronique, jusqu'à ce que les coups timides de Lenny retentissent contre sa porte. 

 

M.T. avait pris son temps pour venir lui ouvrir, traînant le pas parce qu'il n'avait pas hâte d'entendre ce que Lenny avait à dire. 

 

 

Heureusement, Lenny n'avait rien à dire. 

Lenny avait de la fougue, de la force, des baisers et des morsures, et beaucoup de lubrifiant et de capotes, à la place.

 

M.T. s'est laissé sombrer avec gratitude et soulagement, jusqu'à ce qu'à l'aube du deuxième jour, il se rende compte. 

Lenny avait pris la salle habitude de le mordre, presque à sang, comme s'il cherchait à marquer M.T. pour toujours, ou à être sur que M.T. ne l'oublierai pas, a chaque fois qu'il verrait les marques de son passage sur son corps. 

 

Devant le miroir, ce matin, il se dit que c'est ironique. 

Tous ceux qui lui ont été cher ont cherché à le marquer. 

Il touche les cicatrices complètement guéries sur sa hanche, sur son côté, le long de son bras et presse ses doigts contre son cou. 

 

Elles font partie de lui maintenant. 

M.T. ne s'imagine pas sans, il a oublié celui qu'il était avant. 

 

Et maintenant, son corps est parsemé de bleus et de morsures qu'il a reçu sans broncher, encore une fois, qu'il a même réclamé, pour certaines.

Et ça, c'est ce que Lenny lui laisse.

 

Ces marques, ce sont ses adieux. 

 

 

M.T. n'est pas con, loin de là. 

Ils savaient tous les deux, que leur petite aventure n'avait pas lieu d'être dans la vraie vie, et qu'elle ne pouvait exister que parce que le temps s'était arrêté pour eux.

 

Il se demande ce qui a signé l'arrêt de mort de ce qu'ils auraient pu continuer à être. 

Est ce que c'est Marcello ?

Ou bien ce sms que Lenny refuse de ne serait-ce que mentionner ?

 

Il pensait avoir plus de temps, il pensait qu'il allait devoir faire face à ce qu'ils font, ensemble, Lenny et lui, depuis qu'ils ont fui Los Santos, M.T. pensait avoir plus de temps pour comprendre qui il était devenu, désormais, il pensait avoir plus de temps pour explorer Lenny et continuer à se brûler un peu plus à chaque fois qu'ils se rapprochaient, mais c'était écrit d'avance, que le jour où tout s'arrête viendrait. 

 

Et ce jour, c'est aujourd'hui. 

 

Il est six heures du matin, et Lenny leur a booké deux billets d'avion sans lui dire où ils allaient. Los Santos, sûrement.

 

M.T. le regarde sortir de la douche derrière lui, ses yeux redessinent son corps une dernière fois, puisque c'est un au revoir. 

Il ne l'a pas loupé lui non plus, M.T. lui a laissé ses propres marques, et maintenant qu'il y pense, il se dit qu'il l'a bien roulé, cet enfoiré, à le provoquer pour qu'il laisse ses empreintes partout sur sa peau. 

 

Des souvenirs, éphémères. 

D'ici quelques semaines, c'est tout ce qui leur restera, des souvenirs.

S'ils sont encore là pour les revivre. 

 

 

Le corps de Lenny est comme lui, têtu, et M.T. aurait aimé avoir plus de temps pour apprendre à le faire trembler avec juste un toucher, mais c'est comme ça. 

 

Il a l'habitude après tout, de tout gagner pour tout reperdre. 

 

 

Lenny embrasse son bras brûlé du bout des lèvres, les yeux toujours mi-clos de fatigue. C'est un geste presque déplacé. 

M.T. s'est déjà fait à l'idée que c'était fini, depuis qu'ils sont sortis du lit. 

Mais Lenny continue à se montrer tendre et ça le déstabilise. 

 

Il ne sait pas comment réagir. 

Alors il ne réagit pas. 

Il le laisse entrelacer ses doigts aux siens alors qu'ils se brossent les dents comme deux cons devant l'immense miroir couvert de buée qui les rend flous, lointains. 

 

Ils se rasent, Lenny perd un temps monstre à se coiffer et pendant ce temps M.T. le regarde, tellement de pensées qui se bousculent dans sa tête qu'il ne pense pas, il fume, distraitement, assis sur le sol de la salle de bain. 

 

Il est loin, le temps où Lenny le voyait nu pour la première fois, dans la minuscule salle de bain de sa mère.

 

Quand ils s'habillent, Lenny presse encore un baiser contre sa nuque cette fois, et M.T. commence à redouter chacun de ses gestes d'affection. 

Parce que c'est sûrement le dernier, à chaque fois, et que ça lui fait encore plus mal que ses putains de brûlures d'y penser. 

 

Quand ils partent pour l'aéroport, dans leur taxi, Lenny lui prend la main, encore, et ne la lâche pas, jusqu'à ce qu'ils ressortent de l'avion, des heures plus tard, 5 heures plus précisément, dans un autre pays cette fois. 

 

Quand Lenny lui lâche la main, M.T. sent sa peau glisser contre la sienne, ça semble durer des minutes entières, ce petit geste de quelques millisecondes à peine. 

 

Cette fois, il sait que c'est la dernière fois, parce que Lenny est devant lui, de dos, la nuque tendue, la tête baissée.

Et M.T. commence à se douter de ce qui a mit fin à ce moment entre eux, qui aura duré trop longtemps et pourtant pas assez. 

Il commence à se douter quand Lenny ressemble de plus en plus à celui qu'il était en quittant Los Santos, et qu'il sort de l'aéroport pour s'engouffrer dans la chaleur étouffante du Mexique. 

 

M.T. ne sort pas tout de suite. 

 

Il regarde Lenny s'éloigner, ressent cette douleur pénible qu'il veut ressentir pleinement, cette douleur qui lui détruit le cœur, pour être sûr qu'il n'en reste plus rien - pour être sûr qu'il ne souffre plus jamais. 

Plus comme ça. 

 

Parce que c'est encore pire que de se réveiller dans le lit de son pire ennemi à moitié cramé. 

 

 

Quand il sort, quand il rejoint Lenny, et qu'il le voit avec un autre homme, M.T. se dit que, ah, il avait raison, alors.

 

Mais il n'a pas le temps de ressentir plus de peine parce que l'autre homme bouscule Lenny et s'approche de lui d'un pas décidé, l'air menaçant.

 

M.T. sourit, lève le menton, provocateur, et lance "Yo mec." même s'il sait ce qui va lui arriver. 

 

Il se prend un coup de poing en pleine mâchoire, il ne résiste pas, ne le pare pas, parce que toute douleur qui le distraierait de celle qu'il ressent à l'intérieur est bienvenue, mais le coup est faible, le fait à peine bouger. 

 

Ça n'empêche pas Lenny de crier de protestation. 

 

"Yo, M.T., alors toi aussi t'es increvable ?"

 

Miguel se tient devant lui, bel et bien vivant. Il est maigre, pâle, mais il se tient droit et fier comme avant, comme le Vagos qu'il est, meme s'il ne porte pas du jaune mais du blanc. 

 

C'est plus fort que lui, M.T. ne peut s'empêcher de rire. C'est un rire qui lui vient du ventre. 

Miguel s'approche de lui et lui agrippe le col, avec bien plus de force que son coup ne laissait présager, M.T. est offensé. 

 

"Qu'est ce qui te fait rire, connard ?" 

 

Tellement de putain de choses, pense M.T., la réaction de Lenny au sms prend tout son sens maintenant et ça lui fait encore plus mal de savoir que c'est à cause de ce fils de pute que Lenny s'est comporté comme ça ces trois derniers jours. Mais surtout, surtout…

 

"J'arrive pas a croire que Lili se soit loupé pas une, mais deux fois." Grogne M.T. de sa voix traînante, son visage ne montre pas du tout les traces de son rire. 

 

Miguel le regarde avec un drôle d'air. Lui aussi semble placer plusieurs pièces de son propre puzzle. 

 

Il le lâche, et glisse une main dans ses cheveux parfaitement coiffés. M.T. lance un rapide regard à Lenny, mais celui-ci fixe le sol obstinément, les sourcils froncés. 

 

"C'est Liam qui t'as fait ça…?" murmure Miguel en le regardant avec horreur. 

Toute l'horreur de la situation qui s'étale sur la peau brulée d'M.T. 

Il semble pris de court, comme si l'une de ses pièces ne voulait pas rentrer dans son puzzle. 

 

M.T. ne comprend pas. Ils ont sûrement loupé des choses depuis qu'ils sont partis, mais Miguel n'est visiblement pas réveillé depuis plus de quatre jours, il ne doit pas en savoir plus. 

Surtout s'il est ici, au Mexique. 

 

"M.T…" il gronde, de sa voix particulièrement grave, celle qui déclenche tous les instincts de combats de M.T., "C'est pas Liam qui m'a poussé de cette route." 

 

M.T. fronce les sourcils. 

 

Qui, alors ? 

 

Chapter 16

Notes:

OH. MON DIEU.

Je n'en PEUX PLUS de ce chapitre.
J'y travaille depuis des SEMAINES mdr, et vous savez quoi il fait 8k.

Donc la, c'est ni relu, ni... Ni relu. Et pour causes. Attention, GROS TRIGGER WARNINGS :

- Torture animale, canon compliantes a RPZ, mais detaillées !
- du coup y a pas mal de nausées et des descriptions non graphiques de vomissements.
- Cox. Cox est mon trigger warning.

Bref, je vais pas m'amuser a mettre des balises, c'est tout le chapitre qui est une immense scene de torture psychologique mais vous avez l'habitude si vous avez lu Timothé.

Je vous rappelle juste que j'ai pas relu et que je relirais jamais ce chapitre mdr

Et enfin, petit mots pour tous mes lecteurs qui me soutiennent encore malgré le temps que je mets a publier, vous etes geniaux.les ??? Je vous aime.
J'ai une santé mentale horrible en ce moment je vous avoue que TI aide pas MAIS publier un chapitre aide donc voila biSOUS

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Antoine; Lundi, 03h00: 

 

Antoine dort sur le canapé, quand il est réveillé par un bruit de porte qui claque soudainement. 

Il sursaute et se redresse. 

 

"Daniel ?" Appelle-t-il directement, avant que son cerveau n'ait le temps de se remémorer tout ce qui s'était passé. 

Et quand ça revient, c'est déjà trop tard. 

 

Un homme qu'il connaît très bien se tient à quelques pas de lui.

Il a le visage fermé, il n'est plus du tout aussi souriant et moqueur que ce qu'il était quand il se tenait près de 3pac. 

 

"Vous ? C'est vous. Euh, euh, Juan Carlos !" 

 

Antoine se lève du canapé, un sentiment entre la peur panique et le soulagement tournoie dans son estomac. 

Quand il remarque le regard dur et sombre de Juan Carlos, son estomac semble tomber à ses pieds. 

 

"Monsieur…?"

 

Antoine se voyait déjà crever d'ennui, seul dans ce paradis semblable à une prison. 

La, en voyant Juan Carlos s'approcher, le visage impassible, il se rend compte que c'était un rêve naïf. 

 

"Monsieur vous m'faites peur !!" 

 

"Tais toi." 

 

"Non ! Qu'est ce que vous allez me faire ?? Je veux retrouver Daniel !" 

Avant qu'il ne puisse continuer, Juan lui agrippe le bras avec un peu plus de force que nécessaire, et Antoine gémit de douleur, mais Juan ne fait que le traîner derrière lui.

 

"Arrêtez !!" 

 

"Tais toi, Antoine, me force pas à te faire taire." Siffle Juan, alors qu'il le tire dans les escaliers en direction de la chambre dans laquelle il s'était réveillé malgré l'anesthésiant. "Me fais pas porter la main sur toi, j'ai pas envie de frapper un gamin." 

 

Il a la voix basse, contrite; mais Antoine s'en fiche. "Vous avez qu' à me relâcher !!" 

 

Avant de répondre, Juan le pousse violemment dans la chambre, puis il claque la porte et la verrouille de l'extérieur. 

 

"A dans 20 minutes."

 

 

//

 

Juan Carlos revient exactement 20 minutes plus tard. 

 

Antoine avait fait les cent pas entre la porte et la fenêtre en attendant, essayant de forcer celle-ci à s'ouvrir, puis tambourinant contre la porte en hurlant et en appelant Juan Carlos à gorge déployée. Son regard s'est souvent perdu sur la perche et l'anesthésiant, un frisson le parcourant à chaque fois.

 

Il n'a pas compris pourquoi vingt minutes, mais Juan ouvre la porte et annonce que les vingts minutes sont passées. 

Il ne dit rien d'autre, mais il attend Antoine, sans le regarder.

 

"Pourquoi vous faites ça ?" Demande Antoine en restant au pied du lit. Il refuse de coopérer, hors de question qu'il joue au jeu de Cox. 

 

"Ramènes toi petit, y a quelqu'un pour toi en bas." marmonne Juan, mais Antoine est déjà en mouvement. 

 

"DANIEL ? DANIEL !!" 

 

Juan l'attrape au vol par le bras, a nouveau beaucoup trop fort pour la carrure maigrelette d'Antoine. 

 

"Calme toi hermano !" 

 

Antoine grimace et agrippe son poignet, et Juan le lâche aussitôt, comme s'il s'était brûlé. 

Drôle de réaction, qui n'est pas perdu chez Antoine.

Il titube, surpris, manque de dégringoler les escaliers, mais Juan tend à nouveau le bras comme pour l'attraper mais il se ravise quand Antoine se stabilise.

 

Ça aussi, Antoine le remarque. 

 

"Vous–"

 

"Descend, putain de merde." Aboie Juan, et il pousse Antoine a avancer.

 

Ils descendent, sans un mot - même quand Antoine essaye, en vain, d'ouvrir la porte d'entrée. 

 

Les épaules basses, il passe devant la cascade, jusqu'à ce qu'ils arrivent à la salle de jeux.

La, et contre toutes attentes, se trouve un sanglier.

 

Il marche lentement, alentour, comme un poisson rouge dans un bocal. 

Antoine est désarmé.

C'est la dernière chose à laquelle il s'attendait. 

 

Quand il se retourne, Juan est en train de verrouiller la porte. 

"Okay, il faut vraiment que je vous le dise, ça devient hyper bizarre et croyez moi j'en ai vu des trucs bizarres à Los Santos…" 

 

Mais ce n'est pas terminé.

 

Juan sort un couteau de sa poche, le même couteau que celui avec lequel le families jouait, ce jour où Daniel et lui ont traversé leur quartier. 

 

Antoine lève aussitôt les mains. Une nouvelle sensation de terreur qu'il avait réussi à enfouir en s'occupant la tête devant la télé plus tôt remonte comme une brûlure acide le long de son estomac jusque dans sa gorge. 

 

"S'il vous plait–"

 

"Ecoute gamin, je vais le dire une derniere fois, mais faut que tu la fermes. T'as une voix insupportable et… Et je veux pas l'entendre…" 

 

Quand il parle, Juan a cet air constipé qui terrifie Antoine. Et ses mots… Ils frappent droit dans son ego.

Wow.

Juan n'a jamais été aussi vil avec lui, depuis le début de cette histoire. 

 

Antoine baisse les bras. Il fixe Juan avec désillusion. 

Il a des flashbacks de ces nombreux moments où feu Earl Bailey lui hurlait de se la fermer, parce que sa voix était trop criarde.

C'est pas sa faute, et pourtant tout le monde lui dit toujours de se la fermer. 

 

Tout le monde, à part Donatien. 

Et Daniel, bien sûr. 

 

Ça fait toujours mal. 

Heureusement que Daniel lui dit souvent qu'il chante bien, qu'il a une belle voix, qu'il adore l'entendre. 

Ça lui redonne confiance en lui.

Il sert les poings et s'endurcit. 

 

"Vous etes vraiment pas obligé d'être aussi mechant, vous savez, nous on avait confiance en vous quand vous êtes venu vous infiltrer au domaine."  

 

Juan claque sa langue contre son palais, avant de sortir un second couteau de sa poche.

 

Il le lance a Antoine, et le regarde louper la réception, frapper le couteau avant de le faire tomber sur son propre pied. 

Antoine grimace et se penche aussitôt pour le ramasser. 

C'est là qu'il se rend compte qu'il a une arme en main. La terrible sensation qui pèse sur ses entrailles grossit. 

 

Est ce qu'il va devoir se battre contre Juan ??

 

 

"Allez gamin." 

Juan fait un mouvement de menton vers le sanglier, et Antoine comprend aussitôt. 

 

"Non !" 

Il jette le couteau et recule jusqu'à heurter une des bornes de jeux d'arcades. 

Le visage de Juan se tord en une grimace horrible et il s'avance très vite jusqu'à lui pour lui agripper le poignet avec force. 

 

"Tu vas faire ce qu'on te dit petit sinon c'est toi qui va finir planter !" 

 

Il pousse Antoine vers l'avant et Antoine tombe à genoux, douloureusement, juste à coté du sanglier qui vient lui renifler les cheveux. 

 

Antoine se redresse et se jette au cou du sanglier pour enlacer la pauvre bête. 

Son poil est rêche et il sent cette odeur forte et musquée qui plane au-dessus du vignoble d'habitude. 

"Jamais je lui ferais du mal ! Jamais !!" 

 

Il entend Juan jurer derrière, marcher en long en large d'un pas lourd, avant d'être tiré en arrière et de tomber à nouveau sur le sol dur et poussiéreux. 

 

"Puisque tu veux pas le faire je vais le faire moi, puta madre !" 

 

Devant les yeux impuissants de Antoine, Juan frappe le sanglier et le poignarde. 

Antoine hurle, il est figé, incapable de bouger, son corps est tiraillé entre attaquer Juan, proteger le sanglier, ou se cacher les yeux.

 

"A-arrêtez !" 

 

Il n'arrête pas. 

 

 

//

 

 

"20 minutes." Grogne Juan. 

 

Au début Antoine ne comprenait pas pourquoi est-ce qu'il se retrouvait enfermé dans sa chambre vingt minutes toutes les trois heures, et puis après des heures à devoir regarder Juan tuer des sangliers devant lui, à l'entendre hurler sur lui, à devoir courir en rond dans la salle de jeux, autour de flaques de sang qui sentaient beaucoup trop fort, Antoine comprend. 

 

Il est épuisé. 

Il a besoin de dormir. 

Il se laisse tomber sur le lit et essaye de laisser le sommeil l'emporter mais c'est un cocktail de sentiments pesants et d'images horribles qui se bousculent dans sa tête. 

 

Il meurt de faim.

 

Peut-être que Juan va finir par rentrer. Lui aussi a besoin de repos après tout. 

Oui.

Antoine en est sûr.

C'était juste pour aujourd'hui. 

 

Est-ce que Daniel va mieux ?

 

Sur cette pensée, Antoine s'assoupit. 

 

"Debout gamin ! Les 20 minutes sont finies, allez !!"

 

Antoine se réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre. Il se retourne sur le lit et regarde Juan avec confusion. Celui-ci sourit d'une manière terrifiante, comme s'il regardait Antoine de haut.

 

"Allez, debout, me force pas à te faire descendre."

 

Résigné, Antoine le suit, toujours déboussolé. 

Une fois devant le sanglier, il refuse encore, mollement, et il dévie les yeux quand Juan, inévitablement accompli son méfait. 

 

Pourquoi il fait ça ?

Est ce qu'il le torture ? Est ce que c'est ce que Cox veut faire maintenant ? Torturer Antoine ?

 

Si Antoine avait des doutes avant maintenant il savait pour sûr que Cox ne lui voulait pas du bien. 

 

Deux heures passent, Juan le fait déplacer les bornes d'arcades dans la pièce, Antoine est épuisé, mais enfin une bonne nouvelle. 

Juan le traîne jusqu'à la salle de bain et l'y laisse pendant trente minutes. Il peut enfin aller aux wcs et prendre une douche.

Son corps le tue, il a mal partout, mais la douche est bienvenue.

Et c'est un autre petit miracle quand Juan lui ordonne de descendre à la cuisine et de leur préparer à manger. 

Il n'est pas ravi de cuisiner pour l'homme mais il y a tellement de plats préparés que ça n'est pas très compliqué.

Il regarde Juan ricaner en machonnant son burger et en scrollant sur son téléphone encore et encore.

 

Cet homme a de sérieuses cernes, et un teint cireux. 

Antoine n'avait jamais remarqué, mais il a l'air vieux et fatigué.

 

Enfin, Juan lui ordonne de remonter dans la chambre et l'y enferme à double tour, comme à chaque fois.

 

Quand finalement son visage tombe à nouveau contre le matelas, il s'endort aussitôt. 

 

Seulement à nouveau Juan le réveille en trombe et cette fois Antoine a du mal à sortir du lit. 

"Laissez-moi dormir !!" crie Antoine mais Juan ne veut rien entendre. 

Il rentre dans la chambre et attrape Antoine par le bras pour le sortir du lit de force. 

 

Son bras commence à le faire franchement souffrir, et la douleur l'énerve, et la fatigue l'énerve, il commence à être irrité.

 

Quand Juan tue le sanglier cette fois, Antoine se jette sur lui et le frappe et lui tire les cheveux et Juan le repousse en riant qu'il est faible.

Les larmes montent, Antoine est si fatigué que la colère l'emporte mais il n'arrive pas à la gérer. Il tremble, halète, a du mal à tenir debout.

 

Les trois heures sont longues, insoutenables, mais pas pires que les suivantes. 

 

A chaque fois que Juan le réveille, Antoine finit par pleurer. Il est épuisé, et les efforts et les choses qu'il lui fait faire sont insoutenables.

 

Le seul changement s'effectue quand ce n'est pas Juan qui le réveille. 

C'est une voix doucereuse qui le tire aussitôt de son sommeil, et qui me fait sauter hors de son lit, si violemment qu'il tombe misérablement au sol. 

 

"Qu'est ce que vous faites là !! Partez !!" 

 

Joshua Cox s'approche, lentement, les mains derrière le dos.

Il porte sa chemise rose, et un air qu'il veut sûrement bienveillant.

Antoine se dit qu'il ressemble vraiment au pasteur, en fait, il aurait dû savoir que cet homme était mauvais. 

 

"Allons Antoine, n'ai pas peur. Je ne veux que ton bien." 

 

"Vous mentez ! Vous me faites torturer des sangliers je vous HAIS !" hurle Antoine. Il tente de se redresser mais il tremble comme une feuille, l'épuisement se faisant ressentir dans son corps. 

 

L'anesthésie semble l'avoir affaiblie plus qu'il ne le pensait, sa tête tourne et il doit se retenir au lit pour ne pas tomber à nouveau.

 

"Ecoute, non, je vais te dire une chose, moi j'étais pour te laisser tranquille mais c'est Juan, il pense que tu as besoin de t'endurcir, tu sais c'est un ancien membre de gang, il vit à la dure lui…" 

 

Antoine est pris de court. 

"Mais, mais c'est votre employé. C'est vous qui décidez, c'est vous qui lui dites !" 

 

"Non, tu vois Antoine, nous on est pas comme chez Donatien, on est tous égaux, on prend nos propres décisions, parfois ensemble, parfois pas."

 

Il se dirige vers la fenêtre et s'assit sur le petit canapé qui se trouve là. 

Il a même l'audace de croiser les jambes et de poser ses mains sur son genou. 

 

"C'est ce qui se passe quand on se respecte." 

 

Antoine reste debout, les bras ballants. 

 

"Oui, bah, si vous me respectiez vous me laisserez repartir ! Je veux mon téléphone !" Continue à crier Antoine. 

 

"Je te donnerais ce que tu veux, quand tu me donneras ce que je veux. C'est aussi ça le respect mon petit Antoine." 

 

Cox a cet air impassible, le regard sombre pointé droit sur lui comme s'il lisait en Antoine comme dans un livre ouvert. C'était très intimidant la première fois, mais maintenant, ça lui donne une impression de violation.

 

Alors il se retourne, et se laisse tomber sur son lit, assis dos à Cox. 

"Je vous donnerais jamais ce que vous voulez, ça suffit votre obsession bizarre pour Don Telo !" 

 

"Tu vois Antoine, je ne suis plus du tout intéressé par l'idée de blesser Dona. Par contre, je veux sincèrement que toi et ton cousin voyez la vérité. Qui cet homme est vraiment. Il m'a traîné dans la boue si facilement grâce à ses mensonges et à ses connections, et il fait pareil avec vous. Il vous utilise, même si vous continuez à vous convaincre que non."

 

Antoine fronce les sourcils. 

 

"Vous mentez, et vous savez quoi, moi j'ai fini de vous écouter, parce que vous dites que de la merde, et je suis fatigué je veux dormir."

 

Cox soupire derrière lui. 

"Je suppose que je pourrais essayer d'en toucher un mot à Juan, mais tu sais, si tu lui obéis pas il acceptera pas."

 

Antoine se retourne sur lui même pour lancer un regard noir a Cox. 

"Il veut que je tue un sanglier !! Jamais je ferais ça !!"

 

"Il veut que tu t'endurcisse, je suis sûr que ce ne sont même pas des sangliers du domaine."

 

Antoine humpfe et se retourne à nouveau, mollement. 

Il a la tête qui tourne.

 

"Pourquoi vous êtes là, je veux pas vous voir."

 

"Je suis là parce qu'il y a des choses qui se passent en ville et je pense que tu aimerais être au courant." 

 

Antoine hausse les épaules. Il a mal au crâne de fatigue.

Comme il ne repond pas, Cox continue : "Donatien est arrivé en ville. Il n'a pas demandé de tes nouvelles." 

 

Antoine leve les yeux au ciel. 

 

"Par contre il est allé voir Daniel directement. D'apres ma source il est resté quelques temps avec lui." 

 

Le sang d'Antoine ne fait qu'un tour dans ses veines. Il est tellement soulagé qu'il pourrait s'evanouir. 

Mais il rit, malgré lui. 

Il se frotte les yeux et il rit. 

 

"Vous etes vraiment bete Docteur Cox, ca me prouve juste que Don Telo est un grand homme et que mon cousin va bien !" 

 

Cox reste silencieux de longues secondes. Antoine a le cerveau qui vibre, il n'arrive pas a penser mais il sait que Cox va lui sortir encore d'autres idiocies. 

 

"C'est pas ce que je cherche a dire. Je suis juste… Surpris. Ils n'ont pas essayé de te chercher. Ils n'en ont meme pas parlé a la police." 

 

C'est faux.

Antoine sait que c'est faux.

C'est n'importe quoi. Et meme si c'etait vrai Docteur Maison aurait prevenu la police lui !!

 

"Je m'en fiche." Grogne Antoine.

 

Les trois prochaines heures sont une autre sorte de torture. 

 

 

//

 

 

A force d'être réveillé, brusqué, privé de ce dont il a besoin, Antoine perd la notion du temps. 

 

Il est épuisé, les 20 minutes de sommeil ne sont pas suffisantes, il a mal a la tête, il a du mal à réfléchir, tout ce qu'il veut c'est dormir. 

Même manger devient une épreuve, et il n'a pourtant eu droit d'accès à la cuisine que deux fois depuis la dernière fois. 

 

Combien de jours sont passés ?

 

 

Juan ne cesse de lui crier dessus, de vouloir le forcer à planter ce pauvre sanglier qui ne demande rien. Parfois le sanglier survit, et Antoine le retrouve après ses vingts minutes de sommeil, titubant, des marres de sang tachant la moquette.

Souvent, le sanglier tombe et ne se relève plus.

 

Antoine aimerait prendre le temps de faire son deuil, mais son cerveau est comme dans le coton, et ça ne s'arrange pas. 

 

Cox est venu le voir encore, pour lui parler, de Maison et des rumeurs qu'il propage, de Traoul et de sa trahison, de Vanessa et de ce qu'elle passait son temps à dire sur les Croute quand ils n'étaient pas la…

 

 

Il fait beaucoup pleurer Antoine, qui finit par admettre que oui, c'est vrai que Vanessa n'était pas tendre mais quand même… Elle les a aidés… Des fois.

 

C'est dur parce que Antoine a du mal a se battre contre les pensées negatives, apres cette session avec Cox. 

 

Et ca devient dur de tenir tête à Juan.

Antoine aimerait qu'il arrete de crier. 

 

 

La porte se referme a double tour derriere lui, et Antoine connait la manoeuvre maintenant, il se glisse sous les couvertures et s'attend a s'endormir aussitot, tant il est epuisé, mais il a atteint un stade où il n'arrive plus à dormir, tant il est fatigué. 

 

Il repense a tout, en meme temps, les pensées se bousculent dans son crane et vibrent contre ses tympans, le tiennent eveillé, alors que tout ce qu'il veut c'est dormir ! 

 

Ca le desespere, et il frappe le matelas du poing, avant que les larmes ne commencent à couler sur ses joues à nouveau. 

 

Pourquoi !!

Pourquoi ca lui arrive a lui tout ça !! C'est pas juste… Pas juste…

 

Il s'endort finalement.

 

Et se reveille quelques minutes plus tard, secoué gentiment par Docteur Cox. 

 

Antoine halete, une nausée lui agrippe l'estomac.

"Laissez moi dormir, je veux dormir…"

 

Cox ne le laisse pas dormir. 

Il glisse ses bras sous ceux de Antoine et le fait s'asseoir, avant de retirer les couettes de sur ses jambes et de l'entrainer hors du lit. 

 

"Allez Antoine, tu ne voudrais pas que Juan te punisse." 

 

Antoine tient a peine debout, mais il puise dans ses forces. 

Quand Cox lui dit qu'il a une bonne nouvelle, Antoine s'y accroche de toutes ses forces.

 

"Donatien a adopté Daniel. C'est un sacré evenement. Qu'est ce que tu en penses ?" 

 

Effectivement c'est une nouvelle incroyable. Geniale. 

Antoine est tellement heureux qu'il en a la tete qui tourne. "C'est, mais c'est genial !! Je suis trop content, j'suis trop content pour Daniel, j'suis…"

 

L'air lui manque et sa vision devient sombre, et Antoine tombe. 

Comme une syncope, il tombe au sol, le souffle court. 

 

Des mains solides le recuperent et l'assoient sur le matelas, le visage de Cox flotte devant ses yeux, famillier, malgré lui. 

 

"Antoine. J'ai une question a te poser." 

 

Il se recule, s'asseoit sur le canapé, croise les jambes. 

 

"Tu sais comment marchent les adoptions administratives ?" 

 

Antoine secoue la tete, negativement. 

 

"Eh bien je suis assez curieux d'une chose. Lorsque deux membres d'une meme famille sont adoptés, ils peuvent être reconnus ensemble, pour faciliter l'insertion des familles." 

 

Antoine commence déjà a decrocher. De quoi il parle ?

 

"Alors pourquoi n'adopter que Daniel ? Quand il aurait pu vous reconnaitre tous les deux ?" 

 

La bulle de bonheur d'Antoine éclate, mais il sait ce que Cox fait, il est encore conscient de ce qui se passe malgré la fatigue. 

 

"Peut être qu'il a pas pu, on a 16 ans apres tout !! C'est peut être pour ça, et puis le nouveau maire il me connait si ca se trouve je suis adopté aussi mais vous vous le savez pas !!" 

 

Ca l'epuise de parler, sa voix est beaucoup moins aigue et puissante que d'habitude. 

 

"Ah mais écoute Antoine, je ne fais que te rapporter les choses telles qu'elles sont."

 

"Non non non, vous voulez juste me monter la tête !!" 

 

"Comment tu te sens Antoine ? De savoir que Donatien préféré Daniel ? C'est pas la première fois qu'il te le prouve pas vrai ? Tu avais raconté à 3pac la façon dont Donatien passait toujours par Daniel pour les choses importantes… Une vraie marque de confiance." 

 

Antoine plonge ses mains dans sa tête. Il fixe la moquette, elle est bleue, molletonnée. 

Elle a l'air si confortable, Antoine pourrait s'y endormir. 

Il sait que Daniel y dormirait aussi.

 

Daniel lui manque.

 

"Je m'en fiche de ce que vous dites…" il renifle, glisse ses doigts dans ses cheveux. Aaah Daniel lui manque tellement, pourquoi est-ce que Donatien l'a adopté juste lui ? 

C'est injuste.

 

Cette seance est encore une réelle torture. 

 

//

 

Les séances passent. 

Il dort encore deux ou trois fois vingt minutes, son mal de tête ne s'arrête plus, la douche est une nouvelle torture, l'eau qui martelle son crane le rend dingue. 

 

C'est devenu un vrai zombie.

Il n'arrive presque plus a tenir le couteau que Juan Carlos lui pousse entre les mains. 

 

Au moins, Juan ne crie plus.

 

C'est tellement soulageant que Antoine envisage d'obéir juste pour que les choses restent comme ça. 

Il se laisse tomber à genoux devant le sanglier, qui vient lui renifler le visage, amical.

 

Le couteau tombe de ses mains. 

 

C'est plus fort que lui.

 

Antoine pleure encore et essaye de proteger le sanglier en vain, mais Juan hurle à nouveau, il jure en espagnol et essaye de tirer Antoine en arrière, mais il utilise ses dernières forces pour couvrir le corps du sanglier. 

 

Juan ne semble pas s'en preoccuper. 

Il abandonne l'idée de décrocher Antoine de la pauvre bête avant de l'éventrer.

 

La bête hurle, se débat contre Antoine, et son sang l'éclabousse. 

Le bruit du cri du sanglier se grave dans le crâne de Antoine pour toujours, un nouveau traumatisme pour couvrir tous les autres. 

 

Il ferme fort les yeux, garde le corps chaud dans ses bras même s'il ne bouge plus. Et il pleure.

En silence. 

 

Sous la douche, plus tard, il manque de s'endormir, mais il revoit le sanglier, ses cris le hantent. 

Il n'arrive pas à manger, et quand Cox revient le voir pour lui remplir la tête de mensonge, Antoine se sent vulnérable.

 

Il est à bout de force.

 

 

Il suppose que c'est pour ça qu'il n'arrive pas a ressentir de bonheur absolue la prochaine fois que Cox vient le voir et l'emmène dans une autre salle. Dans cette salle il y a un ordinateur avec trois écrans. Sur ces trois écrans, il y a des images de caméra de sécurité d'une autre maison, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle où Antoine est retenu prisonnier. 

 

Il y a deux personnes qui longent un écran, puis disparaissent pour réapparaître sur un autre écran.

 

C'est Daniel.

Et Donatien.

 

"C'est un appartement que Donatien a offert à ton cousin. C'est comme s'ils n'en avaient rien à faire de toi. Ils ne te cherchent même pas."

 

"N'importe quoi." Murmure faiblement Antoine, mais ça commence à ressembler à la vérité. 

 

 

//

 

 

Le temps passe.

Antoine ne s'habitue pas à ce rythme infernal. 

Regarder Juan tuer des sangliers, déplacer des meubles jusqu'à en perdre connaissance, toilette, manger, écouter Cox, c'est une routine insupportable qui se mélange pour ne plus donner que de vagues moments de conscience durant lesquels Antoine se demande pourquoi il vit ça, et pourquoi ceux qui l'aiment le laissent vivre ça… 

 

Il y a tout le temps de la lumière, dans tout l'appartement, sauf dans sa chambre, complètement dans l'obscurité, sauf quand Cox vient. C'est les seuls moments où il peut voir l'extérieur depuis sa propre fenêtre parce que Cox ouvre ses volets. 

C'est son seul repère dans le temps.

Cox devient, vite, son seul repère.

 

Aujourd'hui, il l'approche de cette façon doucereuse qui dégoûte Antoine, s'assoit près de lui et glisse un bras autour de ses épaules. 

Antoine est tendu, le regard vide fixé sur la tapisserie face à lui. 

 

"Antoine, il faut que tu vois quelque chose. Je sais que tu refuses de me croire, alors je vais te le montrer."

 

Antoine le suit, la tête dans le coton, même s'il commence à ressentir une profonde colère qui se mue en un épais reptile froid qui repose au fond de son estomac. 

 

Il laisse Cox l'asseoir devant les écrans, et il en allume un qui montre Daniel et Dona assis ensemble à table. Ils mangent, discutent, surtout Donatien, avec sa gestuelle et une bouteille de vin en main. 

C'est comme si…

 

Antoine n'existait pas.

 

Il se penche en avant et pose sa main contre l'écran, la ou Daniel se trouve, de dos. 

Daniel lui manque…

Pourquoi est-ce que ce n'est pas réciproque ?

 

Durant les vingt minutes de repos qui suivent, Antoine ne dort pas.

Il sent le reptile de rage dans son ventre grossir et glisser jusque dans sa gorge. 

Ça l'étouffe, mais il est incapable de bouger, il observe le plafond et serre les poings, alors que le serpent lui obstrue la cagr thoracique. 

Il a mal au cœur. 

 

Quand Juan vient le réveiller, il n'a même pas besoin de parler. Antoine se lève, le suit, tend la main vers lui une fois dans la salle de jeu. 

 

Juan semble surpris, et Antoine remarque son hésitation quand il pose le petit couteau dans sa paume. 

La salle sent tellement mauvais maintenant que Antoine en avait des hauts le cœur dès qu'il rentrait; mais aujourd'hui l'odeur ne le dérange pas. 

 

"Tu es prêt, hermano." Grogne Juan alors qu'il se recule pour s'appuyer contre le mur, son regard sombre dirigé vers Antoine. 

 

Antoine se dit que Juan a de sacrés cernes, s'il en croit Cox, il suit le même régime que lui. 

Et il a l'air solide.

Peut-être que Antoine pourrait être aussi fort que lui.

 

Il détourne les yeux, avise le sanglier.

Celui la ne ressemble pas aux autres. 

Celui la fait remuer le serpent dans ses entrailles. 

 

Antoine pense au fait que, pendant que lui subit la torture, son cousin vit la belle vie et en profite. 

Il lève la main, laisse la colère le saisir, mais le sanglier lève les yeux sur lui et Antoine se sent soudain démuni. 

 

Il ne peut pas le faire. 

 

Juan soupire, et prend la relève. 

Antoine est soulagé.

 

 

//

 

 

Juan l'attend à la sortie de la salle de bain. 

Antoine est fatigué mais il commence à s'habituer à la routine. 

Il apprend à s'économiser en restant silencieux, immobile, sauf lorsqu'il doit utiliser ses forces. 

Il a encore maigri, il s'en est rendu compte sous la douche, mais il a aussi gagné un peu de muscles. 

 

"On va pas déplacer les meubles hermano. Tu vas retourner voir le Docteur. Attends-moi ici."

 

Antoine acquiesce, alors Juan s'éloigne et descend les escaliers.

Antoine entend une discussion, avec une tierce personne, et aussitôt son corps se met en marche. Il s'approche de la barrière en verre et jette un œil à l'étage du dessous. 

 

La, face à Cox, se trouve un policier.

Un policier que Antoine reconnaît directement. 

 

Et ledit policier lève les yeux, croise son regard, et ne réagit pas. 

C'est Monsieur Panis. 

Il se retourne vers Cox et lui sert la main, avant de sortir. 

Antoine regarde la façon dont Cox ferme la porte, et la verrouille avec une clé qu'il glisse dans la poche de sa poitrine.

 

Juan et lui discutent rapidement à voix basse avant que Cox ne remonte les escaliers. 

"Ah, Antoine ! Excuse moi pour ça, mon bon ami venait me rendre visite pour m'informer du fait que la police avait clôturé ton dossier."

 

Antoine à l'impression qu'on vient de lui verser un seau d'eau glacé sur la tête. 

Il ouvre la bouche pour demander la verité, pour s'offusquer, parce que ça ne peut pas être possible.

 

Ça ne se peut pas. 

Mais il ne peut pas continuer à prétendre que Cox ment. 

Il vient d'avoir la preuve que Cox dit la vérité : Panis l'aurait emmené, sinon.

 

Antoine a été complètement abandonné.

 

 

//

 

 

Dans la vidéosurveillance que Cox lui a montré aujourd'hui, Antoine a dû regarder Daniel jouer à la switch sur le canapé pendant que Donatien buvait un verre de vin.

 

Pendant quelques secondes Antoine peut s'imaginer assis avec eux, heureux et confortable. 

Mais Cox recommence à lui susurrer des choses horribles à l'oreille, pendant que ses yeux creusent des trous dans cet écran.

 

Le serpent de la haine continue à prendre encore plus de place dans ses entrailles et sa poitrine et sa gorge. 

 

"Tout ça c'est votre faute Monsieur." murmure Antoine, la voix complètement cassée. 

 

La main de Cox se pose sur son épaule et la serre doucement. 

Antoine ne peut pas s'empêcher de baisser la tête. 

"Je sais, Antoine. La tâche de te faire ouvrir les yeux est douloureuse, même pour moi." 

 

 

//

 

Juan a laissé échapper une information cruciale, Antoine le sait mais il n'arrive pas à mettre le doigt dessus. 

Là, sous la douche, il ressasse leurs discussions, le crâne rempli de brouillard.

 

"Vas-y gamin, pousse les meubles, ils peuvent pas t'entendre de toute façon." 

 

 

//

 

 

"Allez hermano. C'est ton jour."

 

Juan lui donne le couteau. 

Antoine se sent vide, avec pour seule compagne une colère sourde qui vibre au bout de ses doigts et dans ses tempes. 

 

Le sanglier marche, agité, et Antoine se dit que de toute façon il va mourir. 

Quand il lève le bras et s'élance en avant, Antoine ferme les yeux. 

La lame s'enfonce, les cris retentissent et le sang gicle, tout recommence, seulement cette fois il sait que ça le hantera pour toujours. 

 

Dès que le corps inerte du sanglier tombe au sol, Antoine se relève et lâche le couteau, les mains tremblantes. 

Sa tête lui fait mal alors que les larmes essayent de monter mais rien ne sort. 

 

Pendant juste une seconde, il regrette et se demande pourquoi il a fait ça, mais Juan le félicite, sa voix se fait moins agressive, et juste pour ce silence, Antoine se dit qu'il a fait ce qu'il fallait. 

 

"Tu t'es bien débrouillé Hermano, tu vas pouvoir dormir un peu plus." 

 

C'est là qu'il la voit. Une console, la même que celle que tenait Daniel dans ses mains dans la vidéosurveillance. 

 

Il n'est pas trop sûr de savoir pourquoi, mais Antoine l'attrape et la glisse dans son sous-vêtement, aussi discrètement que possible, alors que Juan s'affaire à dépecer le sanglier derrière lui. 

 

Ça lui donne un peu l'impression d'être plus proche de Daniel, d'avoir la même console que lui.

C'est idiot, surement. 

 

Quand il le remonte dans sa chambre, Juan lui lance un drôle de coup d'oeil, puis il lui tapote le dos, avant de l'enfermer. 

 

Antoine est déboussolé. 

Juan ne lui a pas dit quand est-ce qu'il viendra le réveiller et une vague immense de soulagement le submerge.

 

Quand il s'allonge, il ne s'endort pas tout de suite. 

Le serpent enroulé dans son ventre et sa poitrine se love confortablement.

Il se sent un peu fier, au milieu de toute l'horreur qu'il ressent. 

 

Il soupire et ferme les yeux.

Il dort profondément, sans rêve, et se réveille de lui même plusieurs heures plus tard. 

 

 

//

 

 

Le lendemain, Antoine est encore plus fatigué qu'avant. Il aurait besoin de plusieurs nuits de sommeil comme celle-ci pour ne serait-ce que retrouver un peu de son énergie. 

Il a beau avoir fait une nuit complète, il l'a passé à faire des cauchemars atroces de sangliers torturés qui se transformaient en Daniel. 

 

 

Juan l'emmène à la salle de bain directement, et Antoine s'affaire, lentement, mollement. Il a l'impression de peser une tonne. 

 

Sous l'eau, il manque de s'endormir à nouveau, mais il se frotte les mains et le sang dessus ne part pas. 

 

En fait, le sang se propage. 

 

Les battements du cœur d'Antoine accélèrent alors qu'il commence à paniquer. 

Le sang coule dans le syphon de la douche mais Antoine à l'impression que toute l'eau n'est plus que liquide rouge maintenant.

 

Il halète et frotte sa peau, ses bras, son torse, mais le sang ne fait que s'étaler et s'imprégner. 

C'est le sang du sanglier qu'il a tué, le meurtre qu'il a commis de son plein gré, voué a être tatoué sur lui.

 

L'angoisse le saisit à la gorge et un gros sanglot dépasse ses lèvres alors qu'il ferme les yeux pour ne plus voir tout ce sang. 

Il titube et se presse contre le mur carrelé de la douche pour s'y laisser glisser, jusqu'à ce qu'il soit assis.

 

Il pleure, les regrets le submergent, et il reste de longues minutes sous l'eau à frotter sa peau jusqu'à ce qu'elle soit rougie. 

Quand il rouvre les yeux, il n'y a plus de traces de sang, mais la sensation reste. 

 

Si seulement Daniel était là, avec lui.

Si seulement tout pouvait s'arrêter…

Il agrippe ses cheveux et hurle, essaye de vider sa poitrine de toute cette tension pesante qui l'empêche de respirer. 

 

"Ils ne peuvent pas t'entendre."

 

La phrase de Juan lui revient, soudainement, et c'est comme une évidence pour Antoine. Les connexions se font enfin. 

 

Et si Daniel était juste à côté ?

 

Ils sont dans un appartement de luxe, ce qui veut dire qu'il y a d'autres appartements alentour.

 

C'est sûrement tiré par les cheveux; mais il y a une chance pour que Daniel soit juste là, peut-être même dans l'appartement juste à côté.

 

Cette nouvelle information, aussi fragile qu'elle soit, le remplit de détermination. 

Quand bien même il ressent une profonde jalousie pour la situation de son cousin, quelque chose ne changera jamais - son amour pour lui. Il veut le rejoindre, il doit le rejoindre, et il fera tout pour ça. 

 

Tout. 

 

Revigoré d'une nouvelle énergie, il se redresse et termine de se laver. 

Il est prêt à affronter la suite, tant qu'il ignore que sa petite découverte n'a sûrement aucune chance d'être réelle. 

 

 

//

 

 

Antoine comprend très vite que dès qu'il obéit, il reçoit des récompenses. 

Alors quand Juan lui demande à nouveau de tuer un sanglier, puis un autre, puis une dizaine d'autres, il le fait, sans broncher. 

Il peut désormais dormir six heures, puis avoir des pauses de vingt minutes toutes les trois heures. 

 

Pendant ses pauses, enfermé dans sa chambre, Antoine cherche à savoir si sa théorie est juste. 

Il presse son oreille contre le mur de sa chambre, ferme les yeux, se concentre. 

 

Il a l'impression d'entendre parler des fois, il pourrait même jurer qu'il a entendu la voix de Donatien. 

 

Ce n'est que lorsqu'il revient de la cuisine, le ventre plein, qu'il pense a quelque chose.

 

Antoine s'assoit sur son matelas, prêt à aller se coucher, quand il pose les yeux sur la console switch.

 

Peut-être qu'il peut vérifier sa théorie comme ça.

Il allume la console, et il a les yeux qui brillent, pendant quelques instants, il oublie presque la raison pour laquelle il l'a allumé.

 

Il a des dizaines de jeux, il ouvre minecraft, mine un peu, ouvre animal crossing, regarde quels villageois il reçoit, puis il se rappelle enfin de ce qu'il veut faire. 

 

Il va dans les paramètres, fait une recherche d'amis par secteur.

C'est dingue, cette switch est équipée de tout, même internet. 

 

La recherche charge, et charge, et deux petits noms apparaissent. 

 

L'un d'eux attire aussitôt son attention.

 

Daniel C.

 

Son cœur bat plus vite, et il regarde alentour comme pour vérifier que Cox ne viendra pas interférer avec son plan. 

Il demande Daniel C. en ami, et lui envoie un message par bonne mesure. 

 

Daniel ?

 

 

//

 

 

"Dépèce le." 

 

Juan lui demande quelque chose qu'Antoine ne pense pas pouvoir faire. 

Planter le cochon et détourner les yeux est une chose.

Le toucher et continuer à jouer avec son corps, c'est trop pour Antoine. 

 

Il refuse, et Juan crie à nouveau. 

Antoine pleure et quand Juan l'agrippe par le poignet pour le forcer à dépecer ce pauvre sanglier, Antoine manque de vider le contenue de son estomac.

 

Il entend la façon dont la voix de Juan déraille alors qu'il jure, plus le temps passe et plus Antoine se dit qu'il n'est pas le seul à subir tout ça. 

 

Ce n'est pas la première fois que Juan se retrouve à la place du bourreau malgré lui. 

 

Quand il le lâche enfin, Antoine tombe au sol et il sait d'avance que ça signifie la fin de ses privilèges. 

 

 

//

 

 

"Vingt minutes."

 

Antoine est épuisé, mais il doit voir si Daniel lui a répondu. 

Tant pis pour le sommeil. 

 

Daniel a accepté sa demande, et ils se mettent d'accord pour se connecter sur animal crossing. 

Aussitôt son cousin veut le visiter, mais Antoine n'a pas le temps. 

Il préfère lui envoyer des messages par la boîte aux lettres. 

 

Et comme les sessions s'enchaînent, et que Antoine continue à refuser de dépecer les pauvres sangliers, il ne peut pas se connecter à chaque vingts minutes qu'il a.

 

Il esquive les questions qu'il lui pose, une partie de lui est toujours envieux, jaloux, en colère, et une autre veut absolument protéger Daniel. Alors il lui répète que ça va. 

 

Lors d'une de ses sessions de jeu, Antoine trouve une tenue qui ressemble suspicieusement à celle que Cox portait, le fameux jour où il a réuni Donatien et les Croute. 

Antoine passe les vingt minutes à se demander si c'est une bonne idée de dire à Daniel qui l'a enlevé. 

 

Les flics sont du côté de Cox après tout, et s'il surveille Daniel, il va sûrement voir ce qu'Antoine a fait. 

Et Antoine a une peur bleue de Cox. 

 

Il a une peur bleue de ces moments avec lui, d'entendre la déception dans sa voix, et de la façon dont il commence à se sentir à l'aise en sa présence. 

 

 

Antoine prend la décision de changer le skin de son personnage, et de proposer à Daniel de se rencontrer, enfin. 

 

 

//

 

 

Rien ne va.

Antoine s'enfonce.

Cox lui a montré des images de Daniel qui fait une crise, change de stratégie et lui dit qu'Antoine doit absolument l'écouter pour lui permettre de récupérer Daniel parce qu'il est évident que Daniel est mal traité par Don Telo. 

 

Antoine veut penser que c'est faux mais il a vu Daniel faire une crise, et des heures plus tard, être toujours seul dans sa chambre. 

 

Il est tellement fatigué et traumatisé qu'il ne se dit pas que c'est monté de toutes pièces. 

Son cerveau ne peut pas toujours faire les bonnes connexions. Et puis, Cox devait savoir que Daniel était son point faible, il n'avait eu aucune chance. 

 

Le reptile qui s'était légèrement apaisé dans son ventre reprend soudainement toute la place. 

Il est plus véhément qu'avant encore, s'enroule autour du cou de Antoine pour lui murmurer à l'oreille avec la voix de Cox qu'il aurait dû le savoir, que Donatien les a toujours négligés. 

 

Quand Juan le réveille subitement après 20 minutes cette fois-ci, Antoine se lève sans broncher.

 

Il suit Juan, sans broncher.

Il prend le couteau, sans broncher. 

Il dépèce le porc, sans broncher. 

 

Quand Juan lui attrape gentiment la nuque et le félicite, Antoine ne ressent que de la fierté. 

Quand Cox lui sourit, et qu'Antoine se met à débiter toutes les choses terribles que Donatien leur a faites, et ça fait un bien fou.

Lâcher prise, finalement, et tout s'arrête, finalement. 

 

Les séances avec Juan sont réduites à trois heures par jour, Antoine peut dormir tant qu'il veut, manger quand il veut, et tous les soirs, avant de dormir, Cox lui rend visite. 

 

Et plus il lui parle, et plus ils connectent, de la pire des façons.

Antoine ressent encore ce sentiment, celui qu'il avait avant l'accident avec les Vagos quand 3pac a failli perdre la vie. 

 

Cox lui explique sans retenue, la voix haletante et brisée, combien de temps il a passé à pleurer sa chère fille adoptive, et qu'il était si heureux de la retrouver en vie… Mais ce bonheur a vite été entaché par la nouvelle que ceux qui leur ont fait ça s'en sont sorti sans problème. Il lui explique, les larmes aux yeux, qu'il a décidé de la venger, et que Donatien n'était qu'un pion dans cette vengeance. 

Bien sûr, la cible était bien plus grande, bien plus dangereuse. 

 

Joshua s'approche de lui, s'assit à ses côtés et passe un bras autour de ses épaules en lui assurant qu'il ne veut qu'atteindre sa cible, et que lui, docteur Cox, ne fera rien au vigneron. 

 

Antoine le croit, parce que c'est plus simple, d'aller dans ce sens. 

 

Le serpent est satisfait. 

 

 

//

 

 

Les messages d'Antoine se font plus pressants, plus urgents, et plus rassurants pour Daniel.

 

Cox continue à lui montrer des images de Daniel allongé, sans bouger, qui fixe son plafond, ou sa fenêtre, et Donatien, ivre, qui regarde la télé.

 

Il essaye de nouvelles choses, parfois il gratte au mur, parfois il chante doucement, par peur de se faire découvrir par Juan, mais il tente tout pour communiquer avec Daniel, qui, il est persuadé, se trouve de l'autre côté de l'un de ses murs. 

 

Juan commence à la faire déplacer des meubles plus lourds, qui se trouvent dans d'autres pièces, à toute heure du jour et de la nuit, et Antoine peut voir ses muscles gonfler maigrement sous sa peau.

 

C'est une étrange technique, mais ça marche. Antoine devient plus fort.

Parfois, pour le tester, il ramène à nouveau un sanglier, et Juan lui apprend où viser pour le tuer plus vite et sans douleur.

 

"Est-ce qu'il y a des endroits pour éviter de les tuer ?" Demande Antoine un matin, et Juan prend le temps de lui indiquer les endroits du corps du sanglier qu'il faut éviter pour ne pas simplement blesser les sangliers et les laisser se vider de leur sang en de longues heures d'agonies. 

 

La prochaine fois que Juan l'emmène dans la salle de jeux, Antoine se rappelle cet endroit et le dessine du bout du doigt sur la peau du sanglier avant d'accomplir son massacre. 

 

 

//

 

 

Antoine est perdu.

Il s'est perdu en lui-même.

Il erre dans des limbes qui ressemble à un labyrinthe totalement plongé dans l'obscurité. 

 

Il ne retrouve plus la sortie, pendant que son corps s'affaire à survivre. 

 

Sa seule source de lumière, c'est Daniel, amorphe sur ces images. 

 

Où est la sortie ?

Elle est pourtant juste là, devant lui, une porte simple qui n'est verrouillée que par une clé. 

 

Une clé.

Qui repose dans une poche.

 

 

//

 

 

"Comment tu te sens ?"

 

"Plutôt bien."

 

"Qu'est ce qui a changé, Antoine ?"

 

"J'ai ouvert les yeux. La première fois vous m'aviez déjà bien aidé à me rendre compte mais, c'est juste que… J'avais l'habitude de me raccrocher à Don Telo. A l'idée de la famille qu'on avait mit tant de temps et d'efforts à construire avec, vous voyez ? Et puis, et puis y a Daniel…"

 

"Comment tu te sens à propos de Daniel ? De la jalousie ?"

 

"Un peu… Mais surtout il me manque. On avait l'habitude de dormir toujours ensemble et sa tête me manque et sa voix me manque et ses câlins qui me réconfortent et qui font que je peux traverser chaque journée pleine de la diversité me manquent !!" 

 

"Tu sais Antoine, bientôt Daniel sera là avec toi. Tout ce que je veux c'est que vous en ressortiez heureux après tout ce que Donatien vous a fait vivre."

 

"Oui, oui… M'sieur j'ai hâte de revoir Daniel. Il me manque tellement et je supporte pas de le voir aussi mal traité !" 

 

"Je pense que tu as fait des progrès incroyables Antoine alors je vais te dire quelque chose. J'ai des amis qui vont m'aider à récupérer ton cousin très prochainement. À la base j'avais demandé de l'aide à Joséphine de Beaucollier parce qu'elle me devait un service mais elle a préféré s'occuper des parasites de l'église plutôt. Vous appréciez Joséphine, Daniel et toi n'est ce pas ?" 

 

"J… Josephine ?" 

 

"Ça va Antoine tu es un peu pâle. J'ai des médicaments si tu veux, c'est italien, la méthamphétaminé."

 

"Je veux bien, si ça peut m'aider a me sentir moin seul Monsieur. Je crois que je suis trop excité que vous rameniez Daniel, c'est quand ?" 

 

"Demain. Tu vas pouvoir tenir jusqu'à demain Antoine ?"

 

"Oui, franchement ça va. Dites, comment elle va 3pac ? Vous aussi vous devez vous sentir seul." 

 

"Écoute, elle va mieux mais elle est enfermée pendant que ses agresseurs sont tranquillement en train de se dorer la pilule hors du pays." 

 

"Ah bon ? Comment ça, qui est parti du pays ?" 

 

"Il paraît que le chef des Vagos soit si confiant qu'il laisse ses hommes sans surveillance." 

 

"Quoi ?? Monsieur Lenny est parti ??"

 

"Oui c'est terrible hein. Encore un homme qui néglige sa famille quand elle a tellement besoin de lui."

 

"Oui, vous vous négligez pas votre famille pas vrai m'sieur ? Je savais que vous teniez vraiment à 3pac. Vous méritez un calin ! Et j'en fais pas à n'importe qui !!"

 

"C'est vrai Antoine ? Ça me rend vraiment heureux que tu comprennes que je, que nous n'avions pas le choix de faire tout ça. Allez, viens la."

 

"Ohlala ça c'est du vrai câlin m'sieur faudra que vous en fassiez à Daniel aussi même si il aime pas trop qu'on le touche mais ça ira !!" 

 

"C'est d'accord Antoine, même si je pense que ton cousin aura besoin de temps pour comprendre comme toi tu en as eu besoin."

 

"Oui, vous avez raison monsieur !" 

 

 

//

 

 

Cette nuit-là, Antoine ne dort pas. 

Il chante sa chanson pour Daniel, un groupe, ça commence à deux, Daniel, tandis qu'il fixe la clé dans sa main.

 

 

//

 

 

Antoine a fait le tour de l'appartement.

Juan n'est pas là, Cox non plus. 

Il a estimé que Cox mettrait quelques heures à se rendre compte qu'il a remplacé sa clé par une des grosses vices de la salle de jeu, mais qu'au moment où il s'en rendrait compte, Cox saurait aussitôt où se trouve la clé.

 

Il doit partir, maintenant.

 

Son cœur bat à tout rompre, et il ne sait pas quoi prendre avec lui.

Par habitude, il garde son couteau sur lui, et le serpent dans sa poitrine lui susurre tendrement d'aller chercher Donatien, avant d'aller chercher Daniel. 

 

Il ne veut pas, mais c'est plus fort que lui, cette haine qu'il a laissé le gangrener le dirige, et il sort, aveuglé par des instincts qui ne sont pas les siens. 

 

Il ne ressent même pas d'excitation et de soulagement quand la poignée cède et qu'il se retrouve enfin en dehors de cet horrible appartement.

 

Il a peur, il tremble, il ressent même de l'anxiété à l'idée de sortir.

 

Devant l'ascenseur, il doute. Il se dit qu'il devrait peut-être revenir en arrière. 

Peut-être qu'il est enfin à sa place auprès de Cox et son équipe. Sa famille. 

 

Mais il a besoin de trouver Daniel avant Cox. Il a besoin de… De…

 

Il a besoin de régler les choses lui-même.

 

Avec Don Telo. 

 

 

//

 

 

Il attend.

De longues minutes.

Personne n'est au domaine.

Antoine est caché derrière l'une des portes qui donnent sur les escaliers qui mènent aux étages. 

 

Il attend, perdu à la sortie de son labyrinthe, toujours dans le noir, son corps aux commandes. 

 

Et puis, alors que ses jambes commencent à devenir insensibles à force de rester debout dans la même position à attendre, comme dans cette salle de jeux, Antoine entend quelqu'un entrer. 

 

Il reconnaît cette voix, mais ce qu'il ne reconnaît pas ce sont ces gémissements rauques et ces sanglots.  

 

Est ce que… Donatien pleure ?

 

Le reptile dans sa poitrine gonfle et tente de prendre toute la place, lui fait ouvrir la porte doucement et s'approcher de l'homme qu'il veut mordre.

 

Donatien est penché sur lui-même, comme s'il allait se déverser sur le tapis, mais il se redresse et quand il voit Antoine, son visage devient incroyablement pâle.

 

"... Antoine ?"

 

Antoine déglutit et sa main se resserre sur le manche de son petit couteau. 

"Bonsoir, Don Telo." 

 

Ce n'est pas sa voix.

 

Elle est rauque, brisée, tremblante, et bouillante de rage. 

Le serpent veut frapper, Antoine sait où viser pour faire un maximum de dommages, et où viser pour ne pas en faire du tout. 

Il a appris. 

 

Les hommes ne sont pas si différents des porcs après tout, Daniel dirait. 

 

Antoine se voit sortir de la pénombre et se ruer sur Donatien, enfoncer cette lame dans son ventre comme il l'a tant fait dernièrement.

Il peut sentir le sang gicler sur ses mains, les tacher pour toujours, mettre fin à toute sa souffrance.

 

Mettre fin à tout ça.

 

Mettre fin à leurs rêves, à Daniel et lui.

 

Et tandis qu'il s'imagine faire tomber l'epée de Damoclès de Cox sur Don Telo, Don Telo s'approche, sans tituber, jusqu'à lui, les bras écartés.

 

Il s'offre à sa lame. 

Il se sacrifie.

Il vient se planter lui-même sur sa lame.

 

Mais au moment ou les bras de Donatien s'enroulent autour de lui avec force, avec cette force dont Antoine avait besoin pour s'extirper de cet horrible état inconscient dans lequel il errait, Antoine lâche le couteau.

 

Il lâche prise.

Pour de bon, cette fois.

 

 

//

 

 

Donatien; Mardi, 02h00 :

 

 

Antoine dort. 

Il s'est littéralement évanouie d'épuisement dans ses bras, et Donatien l'a porté jusqu'au canapé du salon du manoir.  

 

Antoine était facile à porter.

Il ne pesait plus rien.

Il avait clairement beaucoup maigri pendant ces quelques semaines. 

 

Il est allongé sur le canapé, sa tête repose sur la cuisse de Donatien, et Donatien le regarde. 

Il ne le lâche pas des yeux.

 

 

Il ne le lâchera plus jamais des yeux. 

Son fils est rentré, enfin.

 

 

 

Notes:

Rappel : ce chapitre n'a pas ete relu, soyez indulgents svp snif merci j'ai grandement souffert moi aussi 😔🖐
Bisous !!

Chapter 17

Notes:

Eh beh, je sais pas si ce chapitre arrive vite ou pas mais j'ai adoré l'ecrire.

Je crois qu'on peut dire que LT m'avaient particulierement manqué....

J'ai pas relu, enfin pas tout quoi, soyez indulgents snif.
On entre officiellement dans la 3eme et derniere partie de cette fic et c'est la partie la moins preparée donc ca va surement devenir le chaos accrochez vous mdr bisou

Chapter Text

M.T.; Jeudi, 22h12 : 

 

 

San Luìs de la Paz.

Un nom de village que M.T. n'arrive pas à prononcer.

 

Il est au balcon d'une villa qui fait tache au milieu du désert parsemé de petites maisons, au beau milieu du Mexique, et ça sent le sable chaud.

Ce n'est pas le pire endroit où M.T. ait jamais été, mais la compagnie n'est pas vraiment la meilleure. Ils sont entourés de La Mano, une sous branche des Vagos qui visiblement est en train de prendre le dessus dans tout le Mexique.

 

Appuyé sur ses avants bras contre la rambarde, il fume. La beuh ici est horrible, elle l'arrache tellement qu'il ne sent plus sa peau, mais il n'est plus du tout sur ses gardes non plus.

 

C'est bon.

C'est tout ce dont il a besoin.

De ne plus rien ressentir.

 

Surtout quand ça fait trois jours que tout le monde parle espagnol autour de lui, que tout le monde porte du jaune autour de lui, et que Miguel passe son temps à toucher Lenny et à lui murmurer à l'oreille. Ça à l'air de plaire à Lenny parce qu'il ne le repousse pas. 

 

C'est quelle sorte de relation, même ? 

Lili aimait le taquiner, mais jamais il n'y avait autant de contacts entre eux. 

Lamar l'aurait tué, s'il avait permis ce genre de choses. 

 

 

M.T. se retourne et s'appuie dos contre la rambarde, tire sur son joint et souffle sa fumée en avisant l'intérieur. 

 

Il y a des hommes et des femmes en blanc, d'autres en jaunes qui s’affairent, et près de la fenêtre, il y a Lenny. 

Miguel à son bras autour de ses épaules, et il lui parle, très proche, sa main gesticulant sans arrêt devant eux. 

Lenny rit, lève les yeux sur Miguel, son sourire en coin donne des papillons au ventre de M.T., mais ça lui fait tellement mal, qu'il se détourne pour regarder le ciel. 

 

Ici on voit vraiment bien les étoiles, et elles sont différentes de celles qui brillent au-dessus du Nevada. 

 

 

Ça lui apprendra.

M.T. est censé être mort. 

Il n'aurait jamais dû céder à ses pulsions.

 

Il n’aurait jamais dû céder à Lenny. 

A ses yeux. A sa peau, à ses lèvres. A son corps.

 

Depuis qu’ils sont arrivés à Mexico, Miguel ne laisse pas M.T. approcher Lenny, et Lenny semble s’en contenter.

M.T. sait, que Lenny essaye aussi de garder ses distances.

S’ils se retrouvaient seuls, M.T. ne se donnerait pas une minute avant d’embrasser le chef des Vagos.

Miguel doit le savoir, lui aussi. 

 

 

M.T. est perdu dans ses pensées, il flotte, alors il ne sent pas s’approcher la personne qui se pose à côté de lui.

Son odeur est noyée par celle de la beuh, mais la façon dont il presse son coude à celui de M.T. lui indique que c’est Lenny.

 

Il ne lui accorde pas le moindre regard, ils sont sous surveillance après tout. 

 

“Tu boudes ?” 

 

M.T. soupire.

 

“Vraiment, refré ?”

 

Il tire sur son joint et le tend à Lenny, qui le prend et le place entre ses lèvres. 

M.T. pense au fait que sa salive est sur ce joint. 

 

“Tu m'évites comme la peste et c’est moi qui boude. T’aimerais.”

 

Lenny tousse et lui rend le joint. “Putain c’est fort.”

M.T. le voit se tapoter la poitrine du poing, et ça le fait rire.

Petite nature.

 

Il lui rend son joint et garde les yeux rivés sur le sable devant eux.

“C’est pas que je t'évite. C’est compliqué, en ce moment.”

 

M.T. hume et place à nouveau son joint entre ses lèvres. 

De toute façon, c’est mieux comme ça. Parler à Lenny sans pouvoir le toucher est une torture apres tout ce temps passé meler à son corps. 

 

Lenny se penche et s'appuie sur la rambarde lui aussi. Il soupire, il à l’air encore plus épuisé que d’habitude, a en dit long sur son état. 

M.T. essaye de faire abstraction de la faon dont il cherche son regard, mais tout son corps s’allume comme une putain de guirlande de Noel quand le pouce de Lenny effleure son avant-bras.

 

M.T. ferme les yeux et se penche légèrement vers lui, mais le contact ne dure qu’une seconde, parce que Miguel s'insère entre eux et glisse son bras autour des épaules de Lenny à nouveau.

 

“On va pouvoir repartir bientôt, patron. Haylie nous attend.”

 

M.T. se tend et se détourne pour s'en aller, avant que sa colère ne prenne le dessus, mais Miguel lui attrape le bras avec force.

 

La réaction d'M.T. est d'aussitôt retirer son bras et de balancer son poing vers le visage de celui qui l'agrippe, et Miguel l'esquive difficilement. C'est Lenny qui agrippe l'épaule de M.T. et qui l'empêche de continuer à attaquer Miguel. 

 

"Arrête." 

 

M.T. grogne mais c'est devenu un réflexe d'être docile sous la paume de Lenny. Ça l'emmerde. 

 

"Me touche pas fils de pute." Il grogne envers Miguel pour se donner consistance. 

 

"Dis, Families de pute, faut que t'apprennes à rester à ta place, surtout ici."

Miguel avance d'un pas, peu importe si Lenny est coincé entre eux, et ça aurait pu être drôle si M.T. n'était pas énervé, parce que Lenny est plus petit, et que Miguel et M.T. sont bien plus costauds. 

 

"Bon eh, ça suffit, reculez tous les deux, sinon j'vous descend." 

Ça sonne creux, mais Miguel obéit, en marmonnant quelque chose dans sa barbe en espagnol. 

"Calmez vos ardeurs hein, faut arrêter vos batailles de testostérone la."

 

M.T. trouve ça riche venant de Lenny; il adore les batailles de testostérone avec M.T., ils ont passé les deux semaines de son règne a ne faire que ça. Et peut-être les trois derniers jours avant de venir ici, sous les draps, aussi.

 

Putain, il lui manque.

Ses lèvres lui manquent.

 

Il a besoin de se casser, vite. "C'est bon, refré." Il lève ses mains, son bras gauche moins haut que le droit. "J'ai pas de quoi m'battre. J'me tire." 

 

"M.T."

 

"Laisse le partir, Jefe."

 

M.T. se détourne, et prend les escaliers à la volée, en ignorant la façon dont sa hanche le brûle à chaque marche qu'il dévale.

 

Quand ses pieds s'enfoncent dans le sable encore chaud, il se rend compte qu'il est pieds nus, et qu'il ne pourra pas aller aussi loin qu'il l'aimerait. 

 

Il entend la musique feutrée qui provient de la villa, les quelques rires et les cris en espagnol.

 

Devant lui se profilent des maisons en vieilles tôles, rouillées et à peine solides. 

Il y a des chiens qui aboient, et des hommes qui trainent du pied dans les ruelles qui deviennent petit à petit de la terre battue.

 

M.T. se fait héler, interpeller, mais il ne comprend rien. 

Ses doigts le démangent. 

Si seulement il avait son uzi, ou mieux, son AK.

 

Il marche et marche, regrette d'avoir retiré ses putains de chaussures, et quand il se retrouve au milieu des bois, il s'arrête. Ça doit bien faire une demi heure qu'il marche, et il n'a pas regardé où il allait. 

 

Super. 

Il est perdu.

 

Ça lui rappelle qu'il n'arrêtait pas de se perdre quand ils étaient encore tous en vie, et Lamar venait sans cesse le récupérer à l'autre bout de Los Santos. 

 

Les choses ont bien changé, et pourtant. 

 

 

Certaines choses ne changeront jamais. 

 

Quelque chose de froid se presse contre sa nuque et le clique familier d'un glock qui s'arme retentit. 

 

M.T. se fige. Son cœur manque un battement.

 

 

"Boom. T'es mort."

 

 

Le cœur de M.T. manque encore quelques battements quand il reconnaît cette voix.

Il se retourne, et Lenny lui attrape aussitôt le visage pour l'embrasser. 

 

M.T. a un premier réflexe, c'est de le repousser, mais dès que la langue de Lenny caresse sa lèvre, c'est un autre réflexe qui le saisit, et ses bras s'enroulent autour de la taille de l'autre homme avec force pour l'attirer plus près. 

Lenny le pousse de son corps jusqu'à ce que M.T. titube en arrière sans jamais briser le baiser, même quand son dos heurte un arbre. 

 

Les doigts de Lenny glissent dans ses cheveux, les tirent, puis glissent jusque sur sa poitrine.

La respiration de M.T. s'accélère, il tire sur la chemise de Lenny, il sent quelques boutons sauter et Lenny grogne et lui mord la langue. 

 

M.T. adore la façon dont Lenny se cabre dès que M.T. prend le dessus d'une quelconque façon, ça l'obsède souvent, il y pense la nuit, quand il est couché sur le canapé de la villa, ou sous la douche quand il frotte la peau morte de ses cicatrices avec un loofa jaune.

 

Il a trop envie de lui, mais bon, le bois dur commence à lui faire mal au dos, et puis Lenny se recule et se détourne en pressant ses paumes contre son propre visage, comme pour reprendre ses esprits.

C'est une erreur.

 

Ils ne doivent plus faire ce genre de choses, ils peuvent plus se le permettre. Si quelqu'un les voyait…

 

 

Qu'est ce que ça changerait, en vrai ? M.T. commence à se dire que tant qu'à vivre une demi vie, il aimerait autant la vivre à fond. 

 

"Faut qu'on parle de ce qui va suivre." Lenny marmonne en se léchant les lèvres alors qu'il se retourne vers M.T.

Il fait presque completement noir ici, mais il voit ses yeux briller dans l'obscurité.

"Tu penses pouvoir garder tes mains pour toi deux secondes ?" 

 

M.T. renifle, "Tu dis ça comme si tu venais pas de me sauter dessus refré." 

Il se penche et agrippe sa taille pour l'attirer en avant, tout contre lui. "J'suis sûr qu'on doit pouvoir discuter comme des adultes, peu importe la situation, pas vrai ? C'est ce qu'on fait, nous, les chefs de gangs."

 

Lenny pose une main contre la poitrine de M.T., mais il ne le repousse pas. M.T. peut presque l'imaginer sourire en coin. 

"Je suis pas le Jefe ici. Si on nous attrape, Twain, c'est fini." 

 

Ah…

Lenny a cette façon de murmurer son prénom quand il a particulièrement envie de lui, M.T. le sait maintenant, il a appris, pendant leur court séjour ensemble.

Qu'est ce qui l'empêche de se pencher et de l'embrasser à nouveau ?

Rien.

Alors il le fait, il embrasse Lenny, peut être qu'un jour les choses pourront être aussi facile. 

 

"M.T… Qu'est ce que tu vas faire pour Liam ?" Marmonne Lenny contre ses lèvres. 

M.T. soupire et presse son son front contre l'épaule de Lenny. 

 

"Ah gros je sais pas c'est plus mon dos toute cette merde."

 

"Dis pas de la merde, trou d'uc, tu peux pas laisser tes gars dans cette merde. Ils sont en train de se faire enculer par ce flic, tu sais très bien comment ça va finir, et si les verts tombent, compte pas sur moi pour pas en profiter. Faut que t'y retournes."

 

M.T. fronce le sourcil, mais il ne bouge pas. Lenny sent le sable chaud. 

"J'vois pas pourquoi c'est à moi d'aller régler les conneries de celui qui m'a buté." 

 

"J'veux juste pas que les flics aient la main mise sur LS. Boid j'peux bosser avec lui il est droit et on se donne du taff l'un l'autre."

 

Lenny inspire, expire.

 

"Ce flic, celui qui déteste les Vagos… Il est en train de foutre en l'air toute la dynamique qu'on avait mis en place."

 

M.T. se redresse, regarde alentour. Il ne voit rien.

"T'sais qu'il avait déjà appelé Liam ? Il voulait nous donner des infos pour qu'on vous nique. Il vous en veut vraiment mon frère." 

 

Lenny secoue la tête et se penche pour être celui qui presse son visage contre le cou d'M.T. 

C'est un moment intime, et c'est facile de discuter, comme ça. Les barrières sont toutes tombées. 

 

"Comment ton gars a su que c'était ce flic qui l'a poussé ?" 

 

"Il m'a dit que l'un des anciens officiers, qui est sergeant maintenant, est un pote à lui, qu'il s'est fait en allant en prison, et ce mec était en congé pendant… ton règne." Lenny enfonce son index dans la poitrine de M.T., avant de le glisser le long de son ventre. 

 

M.T. lève l'œil au ciel. Lenny sait comment faire passer ses piques plus facilement. 

 

"Et ce mec en revenant, il a entendu ce Panis dire à tout le monde dans les vestiaires que les Vagos allaient tomber, qu'il avait trouvé comment faire bouger les choses." 

Lenny se redresse et cherche le regard de M.T. "Apparemment il monte l'équipe contre les commissaires. Il dit à tous les anciens que Boid était un vendu et qu'il bossait pour toi et moi. Du coup ça fout la merde au comico et cette enflure peut faire ce qu'il veut. Miguel m'a dit que Boid peut même plus sortir de son bureau, grosso merdo ils sont en train de lui mettre cette pression là." 

 

M.T. renifle. Il commence à avoir la tête qui tourne et la nausée. Ça veut dire qu'il redescend de son high, et il regrette déjà de ne pas avoir un autre joint pour palier à ce qui va venir. 

 

"T'es en train de m'dire, la, que toute cette merde, ton mec dans le coma, mon gars qui pete les plombs, et donc probablement tous les trucs que ta seconde t'as rapporté, c'est à cause de ce Panis ?" 

 

Lenny hausse les épaules. 

 

"Peut-être bien. J'en saurais plus en rentrant."

 

M.T. prend son temps pour répondre. 

Il a l'impression que Lenny ne comprend pas trop la position dans laquelle il est, maintenant. 

Marcello a probablement annoncé la couleur à Liam. Donc tout le monde doit savoir que Lenny a aidé son ancien ennemi à échapper le pays. 

 

Et si Liam a pété les plombs à cause du flic, Lenny est en danger. Il est beaucoup trop confiant. Et M.T. devine que le retour de son bras droit est sûrement la raison de ce surplus de confiance. 

 

Mais M.T. a toujours vécu avec une épée de Damoclès qui lui effleure la nuque, et il se rend compte que Lenny ignore celle qui s'apprête à lui tomber dessus. 

 

"Lenny." Murmure t-il. "Viens on r'part. On prend le Van, on va à New York " 

 

Lenny ricane, comme si M.T. venait de dire quelque chose de vraiment très drôle. 

"On rentre M.T., et je vais buter ce flic." 

 

 

//

 

 

Kuck; Vendredi, 11h02 :

 

 

Francis Kuck-Martoni est perdu. 

Entre ses mains se trouvent une dizaine de documents sur des affaires rondement menées par l'Élite de la LSPD, et parmi elles, celle que Bill négligeait parce qu'il était si sûr que quelque chose de plus gros se tramait derrière.

 

L'affaire Antoine Croute.

 

Devant lui, sur la table basse de son salon se trouve un nouveau dossier à traiter. Qui porte le même nom.

 

Daniel Croute.

 

Comment l'affaire Croute peut-elle être résolue et s'ouvrir à nouveau sur un différent incident ? Classé bien plus urgent, d'ailleurs.

 

Francis Kuck-Martoni est perdu.

Comment l'affaire peut-elle être passée en priorité supérieure face à un enlèvement - certes, résolue, mais tout de même. Le Iench avait peut-être commencé a perdre la tête, lui aussi. 

 

"Vanessaaaa ?" Appelle-t-il, et Vanessa arrive dans le salon avec leur plateau habituel de thé au citron qui leur nettoie l'estomac avant le repas du midi. 

Vanessa lui rajoute toujours du miel parce qu'elle sait qu'il préfère quand c'est bien sucré.

 

"Qu'est ce qui t'arrives mon petit kuckinou ?"

 

Elle s'assoit contre lui et lui caresse l'arrière de la tête gentiment. 

 

"Tu as entendu parlé des frères Croute dernièrement ?"

 

"Antoine et Daniel ? Antoine a été enlevé par Cox non ? Vous l'avez retrouvé ?"

 

Francis fronce les sourcils en tendant le dossier d'Antoine, tamponné Closed. 

"Ils l'ont retrouvé au domaine Montazac Torez, mardi soir. Apparemment le petit s'est échappé, mais il a refusé de parler aux agents assignés à son cas. D'ailleurs Montazac refuse de les laisser approcher. Il aurait demandé à voir mon Commissaire et moi-même. J'aimerais que tu nous accompagnes, si tant est que le Commissaire réussisse à sortir de son bureau. De ce que les officiers ont relevé, Antoine était retenu en ville, et il aurait été torturé, il avait l'air mal nourri et épuisé." 

 

"Oh Antoine…" Vanessa murmure, puis elle se reprend, "Ben avec plaisir Francis, il faut vraiment que je vois Antoine. Ça me soulage que vous l'ayez retrouvé, même si je suis très inquiète maintenant. Si je retrouve Cox je lui fais la peau." 

 

Francis secoue la tête. "Panis n'a pas du tout réglé cette enquête. Ce n'est même pas lui qui a signé le rapport final. Lui qui refusait que les autres fassent sa paperasse à sa place… Tout de même ! Haaanw, on parle d'un gosse, enlevé ! Qui sait ce que ce pauvre petit a subi. Je me demande ce qui a poussé Panis à bâcler cette enquête ?"

 

Vanessa se rapproche de Francis, et pousse une tasse fumante entre ses mains. "Francis, il faut que je te dise quelque chose." 

 

Elle se replace, et entrelace ses doigts entre eux. Elle a toujours eu cette posture qui impressionne un peu Francis. 

 

"Tu sais que Traoul est relégué aux travaux de basse zone avec ce qui s'est passé à la fin des vacances."

Francis hume en classant le reste des dossiers. 

"Et on a eut un appel parce que une femme a trouvé un tas absolument enorme de cadavres de sangliers derriere le Tequila-la. Y a une sorte de… Garage, et on a été appelé parce que quelqu'un pensait que c'était un cadavre. Traoul y a été, et il a rencontré Panis la bas qui a essayé de le renvoyer à l'hôpital en lui disant qu'il s'en occupait."

 

Francis lève les yeux vers elle, un sourcil haussé. "C'est suspicieux ça." 

 

"Didier a fait mine de retourner à l'hôpital et il a fait le tour à pied, et il a vu Panis ouvrir le garage et c'est là que Didier a vu les sangliers. Il a pris une photo, attends, tiens. On voit même Panis au téléphone."

 

Vanessa sort son téléphone et cherche quelques secondes quelque chose qu'elle montre à Francis ensuite. Elle se penche tout contre lui et pointe Panis du petit doigt sur l'écran. Effectivement, on le reconnaît bien.

Et derrière lui, il y a une pile de sangliers morts dans différents états de décomposition. 

 

Dégueu.

 

"En effet c'est vraiment louche. Il faudra que j'en parle au commissaire. C'est dommage j'aimais bien Pénis mais c'est vrai qu'il était bizarre, dernièrement… Mais bon, c'est quoi le rapport avec les enquêtes Croute ?"

 

"Attends j'y viens justement ! Parce que… C'est pas tout Kuckinou. Écoute, bon, moi j'y crois pas trop, mais Didier a prétendu avoir entendu Panis parler avec Liam des Families, à ce moment-là. Mais faut savoir que Traoul a un beef avec les verts. Cela dit si c'est vrai, ça peut avoir un lien avec Panis, non ?" 

 

Francis lève les yeux sur Vanessa. 

 

"Tu sais ça serait pas si tiré par les cheveux. Pénis avait une drôle d'obsession pour les gangs, surtout celui des Vagos." Il se penche et l'embrasse doucement. Il prend une gorgée de son thé et repose la tasse et les dossiers sur la table basse. "Et puis si leur chef est en vie, et en cavale avec celui des jaunes… C'est qu'il y a quelque chose qui se passe. T'as des nouvelles de Lenny d'ailleurs ?" 

 

Vanessa secoue la tête. Elle avait fini par tout raconter, dans les détails, mais Francis n'avait pas pu en faire un rapport officiel. Et Vanessa refusait de trahir son secret médical devant un agent de police agrémenté. 

C'était un peu tard, si quelqu'un demandait l'avis de Francis, mais qui etait-il pour juger les décisions de sa femme ?

 

"Je vais appeler mon commissaire, il faut qu'on lui dise pour Pénis, et que je lui demande c'est quoi cette histoire avec Daniel Croute. Le dossier n'est pas du tout complet." 

 

Il sort son téléphone et laisse son doigt appuyé sur le 1 de son clavier tactile. Aussitôt 'Bill Boid mon commissaire' apparaît sur son écran, avec son numéro juste en dessous. 

 

Vanessa lève les yeux au ciel mais Francis prétend ne pas la voir. 

 

"Oui."

 

"Bonjour mon commissaire… Comment vous allez aujourd'hui ? Vous êtes sorti de votre bureau ?" 

Sa voix penche directement vers les aiguës, comme à chaque fois qu'il est au téléphone avec Bill Boid, et Vanessa croise les bras sur sa poitrine, puis ses jambes, sur ses gardes.

 

"Ouais. J'suis au bureau. Qu'est ce qu'il y a, tu passes ce soir ? T'es avec ta femme la ?"

 

"Oui, justement, je voulais vous parler de quelque chose mais je sais pas si c'est vraiment quelque chose dont on devrait discuter au poste. Comment vous vous sentez ? Vous voulez pas qu'on se voit en dehors du travail un peu ? Comme avant." Il lance un petit regard à Vanessa. "Juste vous et moi." 

 

Vanessa plisse le nez, le regard perçant.

Francis lui fait un petit sourire, comme si ça allait tout arranger. Vanessa lève les yeux au ciel et se détend.

 

Bill reste silencieux de longues secondes, Francis l'entend bouger et déplacer des choses. 

 

"J'ai pas envie de m'étaler sur des conneries, y a 60 fleeca et 12 guerres de gang en cours, crachez le morceau." 

 

Vanessa ricane, "Pas que tu sois concerné, tu sors plus de ton bureau Bill." 

 

Bill grogne contre le micro de son téléphone. "Bref, je parle avec mon co-co, là."

 

"Mais non mon commissaire, faut vraiment que vous écoutiez ce que Vanessa a à vous dire !" 

 

Et Vanessa raconte tout ce qu'elle vient de rapporter à Francis. 

Bien sûr Bill cherche des excuses à Panis au début, puis ils enchainent sur les affaires Croute, et Bill devient silencieux rapidement.

 

"Le rapport n'est pas signé par Panis ?" 

 

"Non, et le nouveau rapport est parfaitement incomplet ! Il est marqué top priorité mais je ne sais même pas pourquoi, il y a seulement décrit l'enlèvement de Daniel Croute, et c'est très vague. Aucun détail sur les ravisseurs, mais il y a bien précisé qu'il était en présence des Vagos." 

 

"Bordel mais c'est des incompétents c'est pas vrai !" S'exclame Bill, et ça fait sourire Francis. 

Il adore quand Bill hausse la voix, même s'il préfère quand il s'énerve envers les autres. Il a cette façon de terminer ses phrases qui lui donne de drôles d'envies. 

 

"Ça te dérange pas de compléter le dossier ? Je vais t'expliquer ce qui s'est passé." 

 

Francis l'écoute religieusement, note tout ce qu'il dit, ils ont fait ça tant de fois quand ils étaient tous les deux officiers. Francis a toujours été très bon avec la paperasse, même s'ils détestent tous les deux ça.

 

"Donc les Families sont à la tête de ce kidnapping cette fois. Qu'est ce qu'on fait pour Cox ? Vous avez des nouvelles du chef des Vagos ?"

 

"Non, pourquoi j'en aurais ?"

 

"Mon commissaire, si leur chef est en vie et que le chef des Vagos l'a emmené hors de Los Santos je pense pas que c'est pour rien. Je sais que vous aussi vous pensez que tout est lié. Il faudrait qu'on mette la main sur Cox, on pourrait lui soutirer des informations non ?"

 

"Ouais, vous réfléchissez parfois, co-co. J'ai une idée pour ça, je vous en parle quand on se revoit." 

 

"Et quand est-ce qu'on te revoit Bill ?" Ronronne Vanessa en se penchant vers le téléphone. Francis avait oublié qu'elle était là tant il était absorbé par sa discussion avec son commissaire. "Pourquoi tu viens pas passer la nuit ici ? La chambre d'ami n'attend que toi."

 

"Ouais, on verra. Allez."

 

Et Bill raccroche. 

 

Francis soupire longuement, et il sent Vanessa le regarder, il connaît le poids de ce regard, mais Francis a besoin d'un peu de temps pour lui, comme à chaque fois que son temps avec son meilleur ami est écourté. 

 

Vanessa le sait.

Elle pose un baiser sur sa tempe, se lève et retourne s'occuper dans la cuisine, pendant que Francis se laisse aller dans le canapé, thé entre les mains, le regard perdu dans le lointain.

 

 

//

 

 

Donatien; Vendredi, 18h34 : 

 

Il ne quitte pas Antoine des yeux.

Le jeune homme mange un plat que Devon lui a apporté, conduit par Fabien. 

C'est une assiette de sushis, frais et gras que Devon a fait lui-même. Apparemment, cuisiner l'aide à oublier les douleurs dans ses jambes, qui sont revenues en force en même temps que sa mobilité. 

 

Fabien a murmuré à l'oreille de Donatien ce qui s'est passé avec Tim et Joséphine, lui a dit que Joséphine est dangereuse, et qu'elle en veut à son partenaire commercial. 

 

Donatien l'avait regardé comme si une seconde tête avait poussé sur ses épaules. 

 

 

Antoine mange avec difficultés. 

Il n'arrive pas a manger trois fois par jour, mais il essaye, et Donatien est confiant, il arrivera à reprendre son rythme d'avant. 

Lui-même n'arrive plus a manger, depuis que Daniel a été enlevé par Liam Dunne. 

 

"Merci de m'accueillir, Monsieur de Montretonfiak." Lance Devon en s'approchant de lui, le bruit de ses béquilles étouffé par les tapis haut de gamme. 

Donatien pose le regard sur lui; quelle déchéance. Il se souvient quand Devon galopait partout autour de son domaine avec Tim Lambert. 

 

Maintenant il porte une poche en plastique qui, apparemment, ne le quittera pas de sitôt, et sa mobilité est largement réduite. 

 

Pour autant, il sourit toujours aussi brillamment à Donatien, sous sa moustache mal taillée. 

Comment il fait pour sourire, alors que sa vie est detruite ?

 

A cause de Josephine, qui plus est.

Si on le croit.

Si on les croit, tous les trois, Tim, Fabien, et lui. 

 

D'après Fabien, c'est simple : la seule chose qui anime Devon, c'est la vengeance. 

Il veut se venger, et ce, depuis toujours. 

Se venger de ses parents, se venger de ceux qui l'ont trahis, se venger de cet état qui lui a tourné tant de fois le dos, se venger des Verts, et se venger de Joséphine. 

 

Donatien est inquiet pour son partenaire commerciale, mais il a trop d'inquiétude pour sa propre famille pour l'instant, et il ne peut en accorder que trop peu au jeune homme moustachu face à lui.

 

"C'est une idée d'Haylie. Tous nous rassembler pour mieux nous protéger. Ou bien, tous nous rassembler pour leur faciliter le travail, bien sûr."

 

Devon rit, et sort un mini flingue de sous la poche plastique encore bien visible. 

Il tire même la langue, avant de tituber jusqu'au petit salon et de rejoindre Antoine. 

 

 

Donatien ne lâche pas Antoine des yeux. 

Et très régulièrement, Antoine le regarde en retour - parfois il ne reconnaît pas le regard qu'il lui lance, mais très vite cette admiration aveugle revient et le cœur de Donatien se serre d'une affection qu'il a pris du temps à reconnaître. 

 

Il n'y a pas eu de grandes effusions, quand Donatien a prévenu tout le monde de son retour. Ils se sont tous dit qu'Antoine avait besoin de repos et de récupérer - et son état physique en disait long sur ce qu'il avait probablement vécu. 

Peut être que Donatien avait réclamé à leurs amis de ne pas faire de vagues, aussi. Avec la disparition de Daniel…

 

 

Antoine n'a pas bien pris la disparition de Daniel bien sûr, mais il a surpris Donatien en le rassurant, lui, l'adulte, et en lui assurant que les Verts ne feraient rien à Daniel, tant qu'il était avec eux. 

Il ne peut que le croire. 

Antoine en sait plus que lui, après tout. 

 

"Dona ?" 

 

Fab entre, accompagné de Tim, et suivit de loin par un groupe de gens en jaune. 

Il est un peu décoiffé, et il tient la main de Tim avec fermeté, donc Donatien imagine très bien ce qu'ils devaient être en train de manigancer en attendant le retour d'Haylie.

 

Donatien lui fait un signe de tête, et les regarde se diriger vers le petit salon. Inigo, Rose et Kim les suivent, saluent Donatien au passage.

Kim est la seule qui s'arrête, et lui lance, "Miguel s'est réveillé de son coma, il vous salue Monsieur Montazac !"

Elle lui sourit, mais sans joie. Elle a l'air terriblement fatiguée, et Donatien devine que quelque chose se trame.

Kim rejoint sa sœur sans s'attarder, et Donatien la suit des yeux. 

 

Quand est-ce que son manoir est devenu un tel lieu d'accueil ?

 

Haylie entre en dernier, elle marmonne quelque chose dans un talki walkie, puis elle range son AK, le regard impassible.

 

Elle s'arrête devant Donatien, seul le comptoir les sépare. 

 

"Bonsoir, Dona." murmure-t-elle.

Son regard perd rapidement de son impassibilité. Elle essaye de garder la face, et Donatien apprécie énormément ses efforts, parce qu'il en a besoin, mais quelque chose essaye de se frayer un chemin d'entre ses lèvres, et Donatien commence à paniquer. 

 

"Dis-le, Haylie." Sa respiration s'accélère et il déglutit bruyamment.

 

Haylie secoue la tête et contourne le comptoir rapidement, "C'est pas ce que vous croyez. En fait c'est même l'inverse. J'ai planté un mouchard sur Daniel avant la mission et je pensais que les verts le trouveraient, mais apparemment non."

 

L'information prend son temps pour monter au cerveau de Donatien. 

 

"Tu veux dire…"

 

Elle sourit.

C'est le plus beau sourire que Donatien ait jamais vu. 

 

"Je sais où il est." 

 

Donatien ne peut pas empêcher le mouvement qui secoue tout son corps alors. 

Il s'avance et prend Haylie dans ses bras. 

Il la serre avec assez de force pour qu'elle émette un petit bruit d'inconfort, mais bien vite elle le serre en retour, aussi fort, peut-être même plus. 

 

"J'en ai pas parlé parce que si ça marchait pas ça servait à rien. Mais là je sais où ils sont, et, on va pouvoir aller récupérer Daniel."

 

Donatien lâche Haylie et agrippe ses épaules pour la faire se reculer juste assez pour pouvoir la regarder droit dans les yeux. 

 

"Maintenant ?"

 

Haylie secoue doucement la tête, sous sa casquette à l'envers. 

"Non, pas encore. J'attends…" 

 

Elle se penche légèrement et regarde la petite réunion qui se déroule dans le salon. 

Elle inspire longuement, redresse les épaules, et regarde Donatien droit dans les yeux. 

 

"Lenny revient. Miguel est parti le chercher." 

 

Encore une bonne nouvelle. Une très bonne nouvelle, même. Si bonne nouvelle que Donatien en a quelques papillons dans le ventre. Quand Lenny est là, rien ne peut aller de travers. 

Tout va rentrer dans l'ordre. 

 

"Ah ! Ça explique la petite mine de Mademoiselle Kim Dwight. Très bien Haylie ! Parfait, je vais m'entretenir avec lui dès son retour, je crois qu'il nous doit quelques explications !" 

 

Le visage d'Haylie se referme aussitôt, mais elle se détourne et se dirige vers le petit salon avant que Donatien ne puisse ajouter quoi que ce soit. 

 

 

Il reste derrière son comptoir quelques instants, et avise les portes d'entrées. 

Si seulement Daniel pouvait lui revenir, comme Antoine. 

 

Sa voix lui manque.

Comme celle d'Antoine lui manquait quand il était porté disparu.

Terriblement.

 

C'est drôle, quand il y pense.

Les petits ne lui avaient pas tant manqué, quand ils étaient partis en France, Fab et lui.

 

 

Donatien se redresse et replace son chapeau correctement sur sa tête. 

Il n'a pas bu une goutte d'alcool depuis le fiasco de la place marchande.

 

Il a l'impression d'être dans un perpétuel état de migraine et de nausée, tout l'irrite, surtout la voix suraigue d'Antoine mais il est trop heureux de l'entendre à nouveau alors il n'en a jamais assez de l'écouter parler. 

 

Le vigneron se dirige vers son petit salon, et s'assoit sur l'accoudoir du canapé à côté d'Antoine. 

Il est en train de raconter ce qu'il a dit à Donatien, dans les détails. 

Quand il en arrive au moment de la torture des sangliers, tout le monde est horrifié. 

 

"Ou est ce qu'il te détenait ?" Demande Haylie, et Donatien s'attend à entendre Je ne sais pas, comme il l'a entendu précédemment, mais à la place un silence gonfle entre eux. 

 

Donatien pose les yeux sur Antoine.

Antoine évite son regard. 

 

"Antoine ?" 

Sa voix se fait pressante.

 

Les poings d'Antoine sont serrés, si fort, sur ses genoux, que ses jointures sont encore plus pâles. 

 

"Désolé M'sieur. J'ai pas réussi à vous le dire… J'ai pas réussi !" 

La voix d'Antoine tremble, les trémolos d'un gros sanglot se font entendre dans ses mots. 

Donatien lève aussitôt sa main et la glisse dans les cheveux d'Antoine, pour l'attirer tout contre lui dans une étreinte protectrice. 

Pas un instant Donatien pense au fait qu'Antoine a été programmé pour le tuer. 

Pas un instant Donatien se méfie de lui.

Pas un instant comprend-il que si Antoine tremble si fort, c'est parce qu'il rejette ce besoin de blesser Donatien, pour ne jamais, jamais avoir à revivre ce qu'il a vécu. 

 

"Allez Antoine, tu es en sécurité maintenant, je ne laisserais plus personne s'en prendre à toi, jamais." 

 

Cette promesse, il l'a déjà faite, il l'a déjà brisée, mais maintenant, il a appris, et il ne quittera plus jamais ses fils du regard. 

 

Pas tant que Cox vivra. 

 

La main d'Antoine agrippe son bras faiblement. 

 

De longues secondes s'écoulent et Donatien se fait violence pour ne pas bousculer Antoine comme il l'a fait tant de fois.

 

Quand enfin Antoine parle, sa voix est plus grave qu'à l'accoutumé.

 

"M'sieur Don Telo…" il lève les yeux sur Donatien, "Vous devez pas y retourner ! L'appartement à côté du vôtre, c'était là… C'était là que j'étais. Il y a des caméras partout dans votre appartement m'sieur !! J'ai… J'ai essayé, j'ai essayé de vous faire des S.O.S., quand j'ai compris, mais-" sa voix se brise, et quand il reprend, il ne peut clairement pas empêcher les reproches qui résonnent dans ses propos, "vous écoutiez pas… vous avez pas entendu…" 

 

 

Une boule gonfle dans la gorge de Donatien, et il resserre son étreinte autour de la tête d'Antoine. Il devrait s'excuser, il devrait le dire à voix haute mais Donatien n'est qu'un homme, il ne deviendra pas parfait du jour au lendemain.

 

À la place il reste muet, et croise le regard de Fabien, qui acquiesce, lui donne sa validation. 

Tu fais ce qu'il faut.

 

C'est tout ce dont il a besoin.

 

 

//

 

 

Lenny; Vendredi, 02h34 :

 

Il n'avait pas posé les mots sur ce qui les attendait.

Il n'avait pas eu besoin de le faire, M.T. savait, aussi bien que lui, qu'une fois réuni avec Miguel, Lenny redeviendrait le chef des Vagos, et son pire ennemi. 

 

M.T. savait.

 

C'était visiblement Lenny, qui aurait eu besoin de l'entendre, de vive voix, qu'il fallait que ça s'arrête. 

M.T. avait essayé de le tenir à distance.

 

M.T. avait essayé de redevenir l'ombre qu'il aurait dû être, il s'était même jeté dans une drogue pour en oublier l'autre, celle qu'étaient les caresses de Lenny, ses baisers, son corps contre le sien. 

 

Lenny sait, parce qu'il est addict lui aussi.

 

C'est sûrement pour ça, que même après qu'il ait réussi à convaincre M.T. de revenir à la villa, de rentrer avec eux à Los Santos, et que M.T. ait tout fait, encore, pour le garder à distance, en allant s'enfermer dans l'une des chambres avec un autre joint; Lenny se retrouve à pousser la porte de cette chambre, quelques heures après, même si quelques hommes de La Mano sont encore levés et vaquent à leurs occupations. 

 

Il s'y faufile, et ferme la porte à clé. 

 

M.T. est nu, immobile, allongé sur le ventre, et la Lune éclaire son corps d'une lumière douce qui fait briller ses cicatrices. 

Lenny est comme en transe, alors qu'il s'avance. 

Il se rend compte, cette nuit-là, alors qu'il se glisse contre M.T. et qu'il presse ses lèvres contre sa nuque, sa main le long de la courbe de sa taille, qu'il n'y a pas de retour possible en arrière. 

 

Il ne pourra plus vivre sans ça. 

Sans M.T.

 

Il ne pourra plus vivre