Chapter 1: L'Ultime Bataille et la Renaissance
Chapter Text
La terre tremblait sous l'impact des explosions, chaque onde de choc soulevant des volutes de poussière et de cendres. Le ciel, autrefois d'un bleu éclatant, n'était plus qu'une voûte grisâtre, voilée par la fumée et les flammes des jutsus destructeurs. L'odeur âcre du sang et du métal en fusion emplissait l'air, alourdissant chaque inspiration.
Le champ de bataille, autrefois une étendue de verdure, n'était plus qu'un chaos ravagé par la guerre. Le sol, éventré par les combats successifs, ressemblait à une terre brûlée où seuls des cadavres jonchaient les ruines de ce qui fut jadis un terrain d'entraînement. Les corps des shinobi, alliés et ennemis confondus, gisaient sans vie, leurs visages figés dans une expression de douleur éternelle.
Chaque pas était un supplice, chaque mouvement lui arrachait un râle de souffrance. Sakura peinait à respirer, son corps meurtri par des heures de combat sans répit. Son souffle était rauque, ses muscles à bout, son chakra presque inexistant. Pourtant, malgré l'épuisement qui menaçait de l'engloutir, elle tenait encore debout, portée par un dernier sursaut de volonté.
Mais elle savait que la fin approchait.
Encore un peu... juste un peu plus longtemps, se répétait-elle en concentrant le peu de chakra qui lui restait dans son poing. Sa vision se troublait par moments, alternant entre des éclats de clarté douloureuse et des ombres inquiétantes.
— Tu ne tiendras plus longtemps à ce rythme, lui lança un shinobi ennemi avec un rictus moqueur. Abandonne, médic-nin.
Sakura serra les dents, son regard émeraude étincelant de détermination malgré la douleur.
— Tant qu'il me restera un souffle de vie, articula-t-elle entre deux respirations laborieuses, je protégerai les miens.
Elle frappa le sol de son poing, puisant dans ses dernières réserves. La terre se fissura sous l'impact, créant une diversion suffisante pour permettre à deux ninjas blessés de se replier. Une vague de vertiges la submergea aussitôt, et elle chancela.
Mon chakra... il est presque épuisé, pensa-t-elle en sentant la marque sur son front s'estomper progressivement. J'ai utilisé trop de réserves pour soigner les autres...
Autour d'elle, les cris des shinobi s'éteignaient un à un, comme des bougies soufflées par le vent. Les derniers survivants combattaient avec une détermination désespérée, mais face à la toute-puissance de Madara Uchiha et du Mugen Tsukuyomi, leur résistance n'était qu'une illusion.
Elle vit des amis tomber sous ses yeux, leurs corps disparaissant dans des éclats de lumière alors que l'illusion prenait possession de leur conscience. Un frisson d'impuissance lui parcourut l'échine. Elle voulait encore se battre, elle voulait continuer à protéger ceux qui restaient, mais son chakra s'amenuisait. Son corps, meurtri, refusait de suivre sa volonté.
— Je ne peux pas abandonner maintenant, murmura-t-elle en essuyant le sang qui coulait de sa tempe.
Tsunade-sama n'abandonnerait pas... Naruto n'abandonnerait pas…Le souvenir de son entraînement avec Tsunade lui revint brusquement. Les heures passées à perfectionner son contrôle du chakra, les leçons sur la persévérance, sur l'importance de tenir bon même quand tout semblait perdu. Elle avait juré de ne plus être celle qui regardait les autres se battre.
Plus jamais.
Un adversaire surgit sur sa droite. Par réflexe, elle pivota pour esquiver, mais ses jambes tremblantes ne suivirent pas le mouvement assez vite. La lame lui entailla le flanc, ajoutant une nouvelle blessure à la collection qui marquait déjà son corps. Une douleur fulgurante la traversa, lui arrachant un cri étouffé.
Trop lente... je deviens trop lente...
D'un geste automatique, elle pressa sa main auréolée d'une faible lueur verte contre la plaie, tentant de contenir l'hémorragie. Mais le chakra médical vacillait, instable, insuffisant.
— C'est inutile, souffla-t-elle, frustrée par ses propres limites. Je n'ai plus assez de…
Un éclair blond fendit son champ de vision. Naruto surgit à ses côtés, le visage marqué par l'épuisement et la rage. Son souffle était erratique, sa veste en lambeaux, son sang se mêlant à la poussière qui maculait son visage. Son regard, habituellement empli d'espoir, vacillait sous le poids du désespoir.
— Sakura-chan, tiens bon ! On va s'en sortir, je te le promets !
Elle le regarda, absorbant chaque détail de son visage. Même dans cette désolation, il y avait encore cette étincelle, cette indomptable volonté qui avait toujours défini Naruto Uzumaki. Mais elle voyait aussi ce qu'il essayait de cacher : la peur, l'épuisement, le doute.
— Tu mens très mal, Naruto, dit-elle avec un faible sourire. Tu l'as toujours mal fait.
Il parut désarçonné par sa franchise, puis son expression s'adoucit.
— Ouais, mais je ne mens pas quand je dis que je ne t'abandonnerai pas. Jamais.
— Je sais.
Un silence passa entre eux, lourd de tout ce qu'ils n'avaient jamais eu le temps de se dire. Dans le chaos environnant, cet instant semblait suspendu, presque irréel.
— Mon chakra est presque épuisé, avoua-t-elle finalement. J'ai essayé de... J'ai voulu être utile jusqu'au bout.
— Tu l'as toujours été, Sakura. Toujours.
Cette simple affirmation lui noua la gorge. Combien de fois avait-elle douté de sa valeur ? Combien de nuits avait-elle passées à se demander si elle méritait sa place aux côtés de Naruto et Sasuke ? Et voilà que maintenant, à la fin de tout, ces doutes semblaient tellement insignifiants.
— Regarde, dit-elle en montrant du menton l'horizon. Il est trop puissant...
Elle voulait y croire. Elle voulait se raccrocher à cette promesse, comme elle l'avait fait tant de fois auparavant. Mais cette fois-ci, il n'y avait pas d'issue. Elle voyait la fatigue dans les yeux de Naruto, cette lueur d'incertitude qu'il essayait de masquer sous un masque de détermination. Son chakra se consumait en vain, et l'ombre de la défaite s'étendait sur eux.
Elle se força à lever les yeux. Là, au loin, Madara Uchiha se dressait, impassible, insensible au massacre qui se déroulait sous ses ordres. Son regard écarlate brillait d'une lueur glaciale, implacable. C'était un monstre que rien ne semblait pouvoir arrêter.
— On aurait dû l'arrêter plus tôt, murmura-t-elle, une vague de regrets l'envahissant. Si seulement j'avais été plus forte…
— Ne dis pas ça, protesta Naruto. Tu as fait tout ce que tu pouvais.
— Ce n'était pas assez.
Une quinte de toux la secoua violemment, et elle sentit un goût métallique envahir sa bouche. Du sang. Ses organes internes étaient touchés, elle le savait. Son diagnostic médical était implacable : hémorragie interne, rupture de plusieurs vaisseaux vitaux, épuisement critique de chakra.
État critique.
Ironie du sort, pensa-t-elle amèrement. Je peux diagnostiquer ma propre mort, mais je ne peux pas l'empêcher.
— Naruto… murmura-t-elle, le souffle court. Je suis désolée…
Ses jambes cédèrent sous son poids et elle s'effondra. Naruto la rattrapa de justesse, serrant son corps tremblant contre lui. Le sol était froid sous ses doigts, la chaleur de la vie s'échappait lentement d'elle.
— Sakura-chan ! cria-t-il, l'horreur déformant ses traits.
Elle voulait lui dire tellement de choses. Lui dire qu'elle avait toujours admiré sa force, qu'elle croyait en lui, qu'elle était fière d'avoir combattu à ses côtés. Lui dire qu'elle aurait voulu que tout se termine autrement. Mais les mots lui manquaient, sa voix s'étranglait dans sa gorge.
— Je... j'ai toujours voulu être comme toi, articula-t-elle péniblement. Ne jamais abandonner... toujours aller de l'avant…
— Et tu l'as fait ! répliqua-t-il avec véhémence. Tu es devenue incroyable, Sakura. Tsunade-baachan serait fière de toi... je suis fier de toi !
Le regard de Sakura se perdit un instant dans le vague. Les souvenirs affluaient en vagues désordonnées : son enfance à l'Académie, sa rivalité avec Ino, sa première rencontre avec Naruto et Sasuke, les missions de l'équipe 7, les moments de joie, de peur, de tristesse qu'ils avaient partagés. Tout ce chemin parcouru... pour en arriver là.
— Tu te souviens de notre première mission ? demanda-t-elle faiblement. Au Pays des Vagues…
— Bien sûr, sourit-il tristement. Tu étais la seule à avoir grimpé à l'arbre du premier coup.
— Contrôle parfait du chakra, murmura-t-elle avec un fantôme de fierté dans la voix. À quoi ça me sert maintenant que je n'en ai plus ?
Naruto secoua la tête, refusant d'accepter l'inévitable.
— Non… ne dis pas ça ! On va te soigner, tu vas t'en sortir !
Sa voix se brisa sur les derniers mots, étranglée par l'urgence et le déni. Ses mains tremblaient alors qu'il serrait Sakura contre lui, refusant de la lâcher, refusant de voir la réalité se dessiner sous ses yeux. Mais ils savaient tous les deux que c'était un mensonge.
Je vais mourir, réalisa-t-elle avec une étrange clarté.
Cette pensée aurait dû la terrifier, mais elle ressentait surtout une immense tristesse. Tristesse de devoir abandonner Naruto dans cette lutte. Tristesse de ne pas voir la fin de cette guerre. Tristesse de partir sans avoir pu dire au revoir à tous ceux qu'elle aimait.
— Sasuke... est-il...? demanda-t-elle, laissant sa question en suspens.
L'expression de Naruto s'assombrit.
— Je ne sais pas. La dernière fois que je l'ai vu, il combattait contre les clones de Zetsu.
Elle hocha faiblement la tête. L'équipe 7, dispersée jusqu'à la fin...
— Il faut que tu tiennes, Sakura-chan, insista Naruto. Kakashi-sensei va arriver, et ensemble, on pourra…
— Naruto, l'interrompit-elle doucement. Ne te mens pas à toi-même. Mon corps... il est en train de lâcher.
Sakura vit ses mâchoires crispées, la rage impuissante tordant ses traits. Son regard d'azur, autrefois incandescent d'espoir, vacillait comme une flamme sous l'orage. Il voulait croire qu'il pouvait encore la sauver, qu'il restait un miracle à arracher au destin. Mais il n'y en avait plus.
— J'aurais dû être plus rapide, marmonna-t-il, la culpabilité transparaissant dans chaque syllabe. J'aurais dû te protéger…
— Non, souffla-t-elle. C'était mon choix. Je suis un ninja médical... protéger les autres est ma mission.
Une explosion retentit non loin, illuminant brièvement leurs visages d'une lueur orangée. Quelque part, la bataille continuait. Implacable. Indifférente à leur drame personnel. La lumière autour d'elle s'amenuisait, les ombres s'étendant lentement à la lisière de sa conscience. Le vacarme de la guerre devint un écho lointain, un murmure indistinct perdu dans le tumulte de la mort.
Elle inspira faiblement, chaque souffle une bataille de plus contre l'inévitable. Son bras, aussi lourd qu'une pierre, se souleva dans un dernier effort. Ses doigts, froids et tremblants, vinrent effleurer la joue de Naruto, y laissant une traînée rougeâtre de sang mêlé à la poussière.
— Ne t'en veux pas, murmura-t-elle. Je ne regrette rien... pas une seule minute passée avec toi... avec notre équipe.
Son ami ferma les yeux un instant sous ce contact, comme s'il voulait le graver à jamais dans sa mémoire.
— Ne perds pas espoir… murmura-t-elle. Sa voix n'était plus qu'un souffle fragile, un battement d'aile sur le fil du néant.
Je crois en toi, Naruto. Je l'ai toujours fait, même quand je prétendais le contraire, pensa-t-elle, incapable désormais de formuler ces mots à voix haute.
Elle vit une larme rouler sur la joue de Naruto. Une seule, silencieuse, qui traça une ligne claire sur sa peau couverte de poussière et de sang. Il ne pleurait jamais. Il était celui qui souriait malgré la douleur, celui qui portait sur ses épaules l'espoir du monde, celui qui, même dans les ténèbres les plus profondes, trouvait toujours un éclat de lumière à suivre. Mais à cet instant, face à son impuissance, même Naruto ne pouvait plus masquer l'évidence.
— Ne pleure pas pour moi, voulut-elle dire, mais seul un faible gémissement franchit ses lèvres.
Sakura voulut lever la main, essuyer cette larme comme elle l'aurait fait en d'autres circonstances. Lui dire qu'elle croyait en lui, qu'il survivrait, qu'il ne devait pas se laisser briser par cette guerre. Lui dire qu'il était leur dernier espoir. Qu'elle était fière de lui.
Mais elle n'en eut pas le temps. Ses forces l'abandonnèrent, son souffle s'amenuisa, et dans le tumulte de la bataille, son monde s'évanouit. Un dernier battement de cœur, un dernier soupir et puis… Le silence.
Tout devint noir.
Plus de douleur, plus de cris, plus de corps meurtris. Plus de ciel en flammes ni de terre déchirée. Juste un vide absolu, flottant, insondable, sans repères ni limites. Elle ne sentait plus rien. Son être, réduit à un fragment d'existence, dérivait dans l'obscurité, incapable de se mouvoir, incapable de comprendre.
Elle chercha ses mains, voulut toucher son visage, mais il n'y avait rien. Pas de corps, pas de membres, pas de peau. Juste une conscience perdue dans l'immensité du néant. Chacune de ses pensées résonnait dans le vide, comme un écho lointain qui se perdait dans l'infini. Était-ce cela, la mort ? Une errance éternelle, privée de sensations et d'attaches, figée dans une nuit sans fin ?
Elle avait toujours imaginé quelque chose d'autre – une lumière peut-être, un passage, ou le visage souriant de ceux qui l'avaient précédée. Mais il n'y avait rien. Juste ce vide oppressant qui consumait peu à peu les derniers fragments de son identité.
Elle tenta d'appeler Naruto, mais aucun son ne franchit le néant. Son nom se dissipa dans l'obscurité, avalé par le silence oppressant qui l'entourait. Elle essaya de se souvenir de son visage, de ses yeux d'un bleu céruléen, de son sourire éclatant, de cette détermination inébranlable qui l'avait toujours défini. Elle s'accrocha à cette image comme à une bouée de sauvetage dans cet océan d'obscurité.
Naruto, Sasuke, Kakashi-sensei... m'entendez-vous ?
Des bribes de souvenirs flottaient dans sa conscience. Le village de Konoha baigné par le soleil couchant. Les entraînements sous la chaleur écrasante de l'été. Les missions accomplies, les combats gagnés et perdus. Le rire de ses amis autour d'un bol de ramen. Les larmes versées pour ceux qu'elle n'avait pu sauver.
Tout ce qui avait constitué sa vie semblait maintenant si lointain, si fragile, comme des fragments d'un rêve sur le point de s'effacer.
Le temps perdit toute signification.
Une seconde, une éternité. Impossible à dire. Tout ce qui avait existé n'était plus qu'un lointain souvenir, un écho vacillant dans le néant. Plus de guerre. Plus de douleur. Plus d'espoir non plus. Seulement un vide immense et insondable qui l'engloutissait, une obscurité glacée qui dissolvait son être peu à peu.
Elle se sentait disparaître. Ou peut-être qu'elle n'avait jamais existé.
La sensation était étrange, comme si l'essence même de son âme s'effilochait, fil par fil, se délitant dans l'immensité. Tout semblait se diluer dans le néant, comme de l'encre dans l'eau. Des fragments de sa personnalité se détachaient, emportés par un courant invisible. Son nom même – Sakura Haruno – commençait à perdre de sa substance, à s'évanouir comme une empreinte dans le sable balayée par la marée.
Est-ce ainsi que tout finit ? pensa-t-elle, alors qu'elle sentait les derniers vestiges de son être s'effriter. Est-ce ainsi que je disparais, sans laisser de trace ?
Une tristesse indicible l'envahit. Non pas pour elle-même – car que restait-il d'elle ? – mais pour ceux qu'elle laissait derrière. Pour Naruto qui avait juré de protéger tout le monde. Pour Sasuke qui avait finalement trouvé son chemin de retour. Pour ses parents qui attendraient son retour en vain. Pour tous ceux qui continueraient à vivre dans un monde qu'elle ne verrait plus jamais.
Pardonnez-moi, souffla-t-elle dans le vide. Je n'étais pas assez forte.
Puis, au cœur de ce néant silencieux, une vibration. Infime. Fragile. Une pulsation.
D'abord hésitante, comme un murmure perdu dans l'abîme. Puis plus nette, plus insistante. Une cadence régulière, rythmée, qui s'accrochait à l'existence. Comme un fil ténu reliant son être dispersé à quelque chose d'autre, quelque chose de vivant, de tangible. Un battement de cœur. Le sien.
Non, pas exactement le sien – différent, plus rapide, plus léger. Mais étrangement connecté à elle, comme si ce cœur qui battait était intimement lié à sa conscience. Elle tenta de se concentrer sur cette pulsation, de s'y raccrocher comme à une ancre dans la tempête. À chaque battement, elle sentait une force inconnue la tirer, l'attirer vers une destination qu'elle ne pouvait encore percevoir.
La pulsation s'accéléra, devint plus puissante, plus présente. D'autres sensations vinrent s'y mêler – une chaleur diffuse, un mouvement ondulant, des sons étouffés mais réguliers. Des voix, peut-être ? Des mots qu'elle n'arrivait pas à saisir, des intonations qu'elle ne reconnaissait pas. Quelque chose craqua, une faille invisible s'ouvrit dans l'obscurité.
Une force inconnue la happa violemment vers l'avant. Elle fut précipitée dans un flot de sensations brutes, trop intenses après ce vide absolu. La transition fut si brutale qu'elle aurait hurlé si elle avait eu une voix. C'était comme être arrachée à un état d'inexistence pour être projetée dans une réalité trop vive, trop dense, trop... présente.
Un cri perça l'obscurité. Son cri. Mais ce n'était pas sa voix. C'était un cri aigu, primitif, celui d'un être qui n'a pas encore appris à modeler les sons. Un cri qui venait de ses entrailles mais qu'elle ne reconnaissait pas comme sien. Un souffle court, paniqué. Une sensation de chaleur moite, d'enfermement. L'air était différent, épais, pesant. Un poids écrasant sur sa poitrine l'empêchait de respirer correctement.
Son corps… quelque chose n'allait pas. Il était là, elle le sentait, mais il lui semblait étranger, comme un vêtement qui n'aurait pas été à sa taille. Elle essaya de bouger, mais ses membres étaient lourds, engourdis. Ses mouvements, qu'elle avait autrefois maîtrisés avec la précision d'une kunoichi d'élite, étaient désormais désordonnés, chaotiques, comme si elle devait réapprendre les bases les plus élémentaires de la coordination.
Trop petits. Trop faibles. Cette réalisation s'imposa à elle avec une clarté terrifiante. Ce corps n'était pas celui qu'elle avait connu. Ces membres n'étaient pas ceux qu'elle avait entraînés pendant des années. Ces mains n'étaient pas celles qui avaient soigné des blessures, lancé des kunais, formé des signes pour concentrer son chakra.
La panique monta en elle, une vague implacable qui menaçait de la submerger. Où était son corps ? Qu'était-il advenu de sa force, de ses compétences, de tout ce qu'elle avait bâti au fil des années ?
Sakura ouvrit les yeux, mais tout était flou, indistinct.
Une lumière tamisée dansait au-dessus d'elle, filtrée par des draps soyeux qu'elle ne reconnaissait pas. Sa vision, autrefois aiguisée par l'entraînement, était maintenant trouble, incapable de distinguer les détails, les contours, les couleurs avec précision. Comme si ses yeux étaient neufs, inutilisés, devant encore s'adapter à la perception du monde.
Des silhouettes bougeaient lentement autour d'elle, des ombres qui semblaient vastes, immenses. Des géants peut-être, ou des créatures d'un autre monde ? Son esprit oscillait entre la rationalité et la terreur, incapable de donner un sens à ce qu'elle percevait.
Puis des voix.
Graves, douces, étrangères. Des voix qui parlaient une langue qu'elle comprenait et pourtant qui semblaient appartenir à un autre monde, à une autre réalité que celle qu'elle avait connue.
— C'est une fille.
Ces mots simples résonnèrent en elle comme un glas. Une fille. Comme si son identité se résumait désormais à ce seul fait, comme si tout ce qu'elle avait été – Sakura Haruno, élève de Tsunade, ninja médecin de Konoha, membre de l'équipe 7 – n'existait plus, effacé au profit de cette nouvelle définition : une fille.
Un frisson la traversa, la secouant de l'intérieur. Elle sentit son cœur s'emballer, un battement affolé qui résonnait jusque dans sa poitrine minuscule. L'angoisse lui noua la gorge, serrant sa trachée comme un étau invisible. Chaque souffle était un combat, chaque inspiration une victoire arrachée contre cette terreur qui menaçait de la paralyser.
Où était-elle ? Que s'était-il passé ?
La dernière chose dont elle se souvenait clairement, c'était la bataille. Le ciel déchiré par des éclairs, la terre tremblant sous l'impact des jutsus dévastateurs. Sa voix criant des ordres, des avertissements. Puis cette douleur lancinante, cette sensation de vide qui l'avait envahie alors que la vie s'échappait d'elle, goutte à goutte, comme un sablier dont le temps s'écoule inexorablement. Et maintenant... ceci.
Ce corps minuscule, impuissant. Cette réalité qui n'était pas la sienne. Elle chercha à parler, à prononcer un mot, à comprendre, mais sa bouche refusa de lui obéir. Sa langue était trop lourde, ses muscles incapables de répondre à ses ordres. Ses lèvres, autrefois capables d'articuler des jutsu médicaux complexes, ne pouvaient désormais former que des sons informes, primitifs, dénués de sens.
Elle voulut lever une main, sentir son visage, vérifier qu'elle était toujours elle-même… mais son bras, frêle et maladroit, ne fit qu'un geste faible, insignifiant. Une bouffée de panique la submergea, un raz-de-marée d'émotions brutes qui balaya le peu de contrôle qu'elle tentait de maintenir. Son chakra... où était son chakra ?
Cette énergie qui avait coulé en elle, qu'elle avait appris à maîtriser avec tant de précision, semblait avoir disparu. À sa place, il n'y avait qu'un vide béant, une absence qui la laissait plus vulnérable qu'elle ne l'avait jamais été. Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-elle pas bouger comme avant ? Pourquoi tout lui semblait si démesuré, si… étranger ?
Pourquoi son propre corps lui semblait-il être une prison plutôt que l'instrument affûté qu'elle avait forgé au fil des années ?
— Elle est magnifique, Kaito, murmura une voix faible, mais teintée d’une chaleur douce et apaisante.
— Elle a le regard d’une guerrière, Hanae.
Un rire discret.
— Elle ne les a même pas ouverts.
— Mais elle les ouvrira bientôt.
Un murmure de tissu froissé, un mouvement qu’elle devina lent et précautionneux.
— Laisse-moi la porter.
Sakura sentit des bras la soulever, avec une douceur qu’elle n’aurait jamais crue possible. Un battement de cœur, fort et régulier, vibra contre elle alors qu’elle était enveloppée dans une étreinte protectrice. L’odeur qui l’entourait était inconnue, mais familière à la fois. Chaleureuse. Sécurisante.
Mais la fatigue était plus forte qu'elle. Un poids invisible l'écrasait, l'empêchant de lutter davantage. Sa respiration se calma malgré elle, bercée par cette chaleur douce et inconnue qui l'entourait. Son corps cédait aux exigences de sa nouvelle condition, même si son esprit se révoltait.
Des bras la soulevèrent. Un contact rassurant, étrangement familier. Un battement de cœur tout proche, lent, posé, comme le tic-tac d'une horloge ancestrale.
Une odeur indéfinissable, mais instinctivement apaisante – un mélange de chaleur humaine, de parfum léger et de quelque chose d'autre, quelque chose qui parlait directement à ses instincts les plus profonds.
Son esprit, lui, continuait de refuser d'accepter l'évidence. Il se débattait contre cette nouvelle réalité, cherchant désespérément une explication, une échappatoire. Un genjutsu peut-être ? Une illusion créée par un ennemi pour la déstabiliser ? Ou peut-être était-elle tombée dans une technique spatio-temporelle, un jutsu interdit qui l'avait projetée dans ce corps étranger ?
Mais alors que son corps cédait à l'épuisement, une seule certitude s'imposa, implacable et terrifiante dans sa simplicité. Elle était vivante… Mais plus rien n'était pareil. La réalité telle qu'elle l'avait connue n'existait plus. Ou peut-être était-ce elle qui n'appartenait plus à cette réalité ?
La frontière entre le possible et l'impossible s'était effacée, laissant place à cette nouvelle existence qu'elle ne comprenait pas encore, qu'elle n'était pas prête à accepter.
— Sakura… bienvenue parmi nous.
Elle tenta une fois de plus d'ouvrir les yeux, puisant dans ses dernières réserves d'énergie. Cette fois, ses paupières s'entrouvrirent légèrement. Une lumière douce filtrait à travers ses cils, dessinant des ombres floues devant elle. Des silhouettes indistinctes se penchaient au-dessus d'elle.
— Regarde, Kaito, elle est réveillée, murmura la voix féminine, Hanae.
Sakura voulut parler, mais seul un gargouillement informe franchit ses lèvres. Sa gorge refusait de lui obéir, comme si elle n'avait jamais appris à former des mots. La panique l'envahit à nouveau, glaciale et paralysante.
— Doucement, petit bourgeon, dit Kaito. Tu as tout le temps.
Ces mots, prononcés avec tant de tendresse, la figèrent. Petit bourgeon ? Personne ne l'avait jamais appelée ainsi. Seuls ses parents avaient utilisé des surnoms affectueux, et c'était il y a si longtemps…
Elle essaya de bouger ses membres, mais ils semblaient lourds, maladroits, comme si elle ne savait plus comment les contrôler. Ses doigts se replièrent instinctivement, formant un petit poing, et ce simple mouvement parut demander un effort surhumain.
— Elle est forte, sourit Hanae.
— Comme sa mère, répondit Kaito.
Sa mère ? Mais sa mère était...
La vérité la frappa alors avec la violence d'un coup de kunai en plein cœur. Ce corps. Ces sensations. Cette impuissance. Cette absence totale de chakra circulant dans ses veines. Cette sensation d'être complètement neuve, vierge de toute technique ou entraînement. Elle n'était plus dans son corps de kunoichi aguerrie. Elle était...
— Notre fille, murmura Hanae en caressant sa joue d'un doigt léger comme une plume. Notre magnifique petite Sakura.
Le monde s'effaça à nouveau autour d'elle, emporté par une vague d'obscurité. Mais cette fois, alors qu'elle sombrait dans l'inconscience, une seule pensée résonnait dans son esprit : elle était revenue au commencement. D'une manière qu'elle ne pouvait comprendre, elle était redevenue un nouveau-né. Et quelque part, dans les replis les plus profonds de son âme, une question silencieuse : était-ce une seconde chance... ou une punition ?
Les jours qui suivirent se déroulèrent comme dans un brouillard pour Sakura.
Une succession d'états de conscience et d'inconscience, de moments où ses pensées étaient claires comme le cristal et d'autres où elle n'était qu'un amalgame confus de sensations primaires. Le cycle infernal du nourrisson : dormir, pleurer, manger, recommencer.
Son corps minuscule exigeait constamment d'être nourri, changé, bercé. Aucun contrôle. Aucune dignité. Elle qui avait maîtrisé des jutsus médicaux complexes, qui avait soigné des blessures mortelles d'un simple toucher, était désormais incapable de tenir sa tête droite.
Cette nuit-là, allongée dans son berceau en bois clair, Sakura fixait le plafond de ses yeux nouveaux, encore incapables de distinguer nettement les contours. La lune projetait des ombres dansantes à travers les rideaux légers. Dans ce moment de calme, son esprit adulte prenait le dessus.
Comment est-ce possible ? se demandait-elle pour la centième fois. Suis-je morte ? Est-ce l'au-delà ? Une technique de réincarnation ?
Mais surtout : Les Uchiha ? Comment puis-je être née dans le clan des Uchiha ?
Elle avait scruté chaque indice qui pourrait lui indiquer où – et quand – elle se trouvait. Les vêtements de ses nouveaux parents portaient l'emblème de l'éventail rouge et blanc. Des armes étaient accrochées aux murs, visibles même à travers sa vision trouble de nouveau-né. L'atmosphère était tendue, alerte.
Elle avait entendu des bribes de conversation : "patrouille de Senju", "embuscade", "Butsuma prépare une attaque"... Des noms qu'elle ne connaissait que par les livres d'histoire.
— Elle ne dort toujours pas, murmura Hanae en entrant dans la chambre.
La silhouette de sa mère se pencha au-dessus du berceau. Ses longs cheveux noirs, caractéristiques des Uchiha, formaient un rideau soyeux autour de son visage fin. Dans la pénombre, Sakura distingua son Sharingan activé, deux tomoe tournoyant lentement dans chaque œil. Hanae scrutait constamment les alentours, sur ses gardes même dans l'intimité de leur demeure.
— Tu réfléchis trop, petit bourgeon de cerisier, chuchota-t-elle en caressant sa joue. Je vois ces yeux qui pensent, qui cherchent. Tu es une vieille âme, n'est-ce pas ?
Le cœur de Sakura s'emballa. Pouvait-elle savoir ? Le Sharingan permettait-il de voir au-delà des apparences, de détecter cette anomalie qu'était son esprit adulte dans ce corps de nourrisson ?
Hanae la souleva doucement et la berça contre sa poitrine. Sous les couches de vêtements de protection, Sakura sentit la dureté d'une armure légère.
— Ton père dit que tu es spéciale. Que ton chakra ne ressemble à celui d'aucun autre enfant Uchiha. Il croit que tu pourras peut-être éveiller le Sharingan plus tôt que n'importe lequel de nos enfants.
Elle rit doucement, mais c'était un rire teinté d'inquiétude.
— Tajima-sama lui-même s'est déplacé pour te voir à ta naissance. Le chef du clan ne fait jamais cela, sauf…
Elle s'interrompit.
— Sauf pour les enfants prometteurs qui pourraient changer le cours de cette guerre interminable.
La porte s'ouvrit à nouveau, laissant entrer Kaito. Grand, les épaules larges, il portait la tenue de combat traditionnelle des Uchiha. Son Sharingan était activé, trois tomoe parfaitement développés tournoyant dans chaque œil. Contrairement à sa femme, ses traits étaient marqués, son visage buriné par le soleil et les batailles. Des mains de guerrier, calleuses à force de manier le katana. Ses yeux, lorsqu'il désactivait le Sharingan, révélaient une profonde couleur noire, caractéristique du sang pur des Uchiha.
— Elle ne dort pas ? demanda-t-il en s'approchant.
— Elle contemple les mystères de l'univers, sourit Hanae.
Kaito s'accroupit près d'elles et posa une main calleuse sur la tête minuscule de Sakura.
— J'ai terminé de préparer l'autel pour la cérémonie de reconnaissance, dit-il doucement. Tajima-sama et les Anciens viendront demain.
— Si tôt ? s'inquiéta Hanae. Elle n'a que deux semaines.
— Le prêtre et l'Oracle ont été clairs. Plus nous attendons, plus il sera difficile de cacher son potentiel aux Senju. Butsuma a des espions partout. Sakura sentit la tension soudaine dans le corps d'Hanae.
— Tu crois vraiment qu'elle peut être l'enfant de la prophétie ? Celle qui apportera le Mangekyō Sharingan sans connaître la perte ?
— Ce ne sont pas des superstitions, coupa Kaito, la voix soudain plus grave. Tu as vu comme moi les signes. Le cerisier qui a fleuri en plein hiver dans le sanctuaire d'Indra. Le corbeau blanc qui a survolé notre maison pendant sa naissance. Et son chakra... Il se tut, fixant intensément Sakura avec son Sharingan.
— Son chakra qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissons. Même le jeune Madara n'a pas cette... étrangeté.
Un frisson parcourut l'échine de Sakura. Madara ? Le nom résonna dans son esprit comme un glas. Madara était encore un enfant ? Cela signifiait qu'elle était revenue à l'époque des guerres de clans, bien avant la fondation de Konoha, dans une ère où les Uchiha et les Senju s'entretuaient sans merci.
— Que crains-tu exactement ? demanda Hanae en serrant Sakura plus fort contre elle. Kaito resta silencieux un long moment, son regard perdu vers la fenêtre et la nuit au-delà.
— Je crains que notre fille ne soit trop précieuse pour le clan, Hanae. Tajima-sama voudra la placer sous sa protection directe... l'élever avec ses propres fils. Il baissa la voix encore plus.
— J'ai entendu les anciens parler. Ils veulent la fiancer à Madara dès qu'elle aura cinq ans. Hanae étouffa un cri.
— C'est un enfant ! Il doit avoir à peine…
— Dix ans, compléta Kaito. Mais il est déjà le plus prometteur de sa génération. Ils croient qu'une union entre lui et une enfant potentiellement aussi spéciale que Sakura pourrait engendrer une lignée d'Uchiha invincibles.
Il posa sa main sur l'épaule de sa femme.
— Mais ce n'est pas le pire. Si le don de Sakura s'avère aussi exceptionnel qu'ils le pensent, les Senju feront tout pour l'enlever. Ou l'éliminer.
Sakura sentait son cœur battre à tout rompre. Elle était tombée dans la période la plus sombre de l'histoire des shinobi. Et pire encore, elle était considérée comme une arme potentielle, un atout dans une guerre sans merci.
— Nous la protégerons, affirma Hanae, son Sharingan tournoyant plus rapidement sous l'effet de l'émotion. Personne ne touchera à notre fille.
Kaito acquiesça gravement, mais son regard trahissait son inquiétude.
— Demain, après la cérémonie, je dois rejoindre le front sud. Les Senju ont attaqué l'un de nos avant-postes.
— Si tôt ? Tu viens d'en revenir…
— Tajima-sama mène lui-même l'offensive. Il emmène Madara et son frère Izuna pour leur première grande bataille.
Il s'agenouilla et posa son front contre celui de sa fille, désactivant son Sharingan pour la regarder avec ses yeux d'un noir profond, identiques à ceux que l'enfant avait hérités.
— Je me battrai pour un monde où tu n'auras pas à connaître la guerre, petit bourgeon. Je le jure sur mon sang d'Uchiha.
Sakura sentit une larme couler sur sa joue minuscule. L'ironie était cruelle. Elle qui avait lutté aux côtés de Naruto et Sasuke pour mettre fin aux conflits, se retrouvait projetée à l'origine même de cette spirale de haine et de violence. Mais peut-être... peut-être était-ce là sa mission ? Changer le cours de l'histoire ? Empêcher que la rivalité entre Madara et Hashirama ne dégénère en cette obsession destructrice ? Une chose était certaine : elle ne serait jamais l'arme que le clan Uchiha espérait.
Elle utiliserait cette seconde chance, ce pouvoir inattendu, pour tenter d'infléchir le destin. Si elle devait être élevée avec Madara, elle ferait tout pour influencer le futur chef des Uchiha. Pour planter dans son cœur la graine qui, peut-être, empêcherait la naissance de l'organisation qui détruirait tout : l'Akatsuki.
Pour la première fois depuis sa renaissance, Sakura sentit une détermination familière l'envahir. Elle n'était plus seulement une victime du destin. Elle était Sakura Haruno – non, Sakura Uchiha désormais – et elle trouverait un moyen de maîtriser ce nouveau corps, ce nouveau pouvoir. Le monde shinobi dépendait peut-être de ce moment précis.
Le temps s'écoula différemment pour Sakura dans sa nouvelle vie. Les premiers mois furent une succession frustrante de sommeil, d'alimentation et d'impuissance. Son esprit adulte était prisonnier d'un corps qui refusait de lui obéir, développant chaque capacité avec une lenteur exaspérante. À six mois, elle parvint enfin à s'asseoir seule. À huit mois, elle commença à ramper, explorant la maison sous le regard attentif d'Hanae. À dix mois, ses premiers pas incertains furent accueillis par les exclamations de joie de ses parents.
— Elle est précoce, remarqua Kaito un soir, regardant sa fille se déplacer déjà avec une détermination inhabituelle.
— Elle est spéciale, répondit simplement Hanae.
Sakura comprenait tout ce qui se disait autour d'elle, absorbant chaque information sur ce monde qu'elle n'avait connu que par les livres d'histoire. Elle apprit que le clan Uchiha était continuellement en mouvement, établissant des campements temporaires dans les forêts du Pays du Feu, toujours sur ses gardes contre les attaques des Senju et d'autres clans.
Les premières années de sa vie furent paradoxalement paisibles malgré le contexte de guerre. Kaito partait régulièrement au combat, revenant parfois blessé mais toujours vivant, pour le plus grand soulagement de Sakura et d'Hanae. Sa mère, elle-même kunoichi accomplie, veillait sur elle tout en participant aux tâches défensives du clan.
À deux ans, Sakura prononça ses premiers mots, choisissant avec soin "chichi" (père) et "haha" (mère) plutôt que les habituels babillages enfantins. Ses parents échangèrent un regard surpris, puis fier.
À trois ans, alors que la plupart des enfants commençaient à peine à former des phrases complètes, Sakura s'exprimait déjà clairement, avec un vocabulaire qui dépassait largement celui attendu de son âge.
— Comment connais-tu ce mot ? lui demanda un jour Hanae, après que Sakura ait utilisé le terme "stratégie" lors du dîner.
— J'écoute, répondit-elle simplement.
Et c'était vrai. Elle passait ses journées à écouter, à observer, à apprendre tout ce qu'elle pouvait sur ce clan qui était désormais le sien. Elle apprenait les noms, les lignées, les techniques spécifiques aux Uchiha. Mais surtout, elle apprenait à se fondre dans son rôle d'enfant. À ne pas paraître trop éveillée, trop consciente. Car elle avait vite compris que sa différence attirait déjà suffisamment l'attention.
Le jour de ses quatre ans, alors que le printemps verdissait à nouveau les forêts, Kaito revint d'une mission avec un petit présent : un ensemble de kunai d'entraînement, aux pointes émoussées.
— Il est temps de commencer, déclara-t-il avec un mélange de fierté et d'appréhension. Tajima-sama a donné son accord.
Hanae fronça les sourcils.
— Elle est si jeune, Kaito.
— Madara a commencé à trois ans, répondit-il doucement. Izuna aussi. Et tu sais ce que l'Oracle a dit.
Sakura prit les petites armes dans ses mains, sentant leur poids, leur équilibre. Son corps était différent, plus petit, moins fort que celui qu'elle avait connu. Mais ses souvenirs musculaires étaient intacts, enfouis quelque part dans son esprit.
— Merci, chichi, dit-elle en s'inclinant respectueusement.
L'entraînement commença dès le lendemain. Chaque matin, avant même que le soleil ne se lève, Kaito l'emmenait dans une petite clairière à l'écart du campement. Là, il lui enseignait les bases du taijutsu, adaptées à son jeune âge.
Sakura devait constamment se rappeler de ne pas révéler trop de connaissances. Elle devait apprendre à tâtonner, à commettre des erreurs, à progresser à un rythme qui semblerait naturel pour une enfant prodige, mais pas pour une kunoichi adulte réincarnée.
— Ta posture, Sakura, corrigeait doucement Kaito. Les Uchiha ne s'abaissent pas à frapper comme des brutes. Nos mouvements sont précis, élégants, mortels.
Elle acquiesçait, ajustait sa position, recommençait.
Jour après jour, semaine après semaine, elle réapprenait les bases du combat, mais dans le style caractéristique des Uchiha : rapide, fluide, axé sur la prédiction des mouvements adverses, même sans le Sharingan.
Le soir, c'était Hanae qui prenait le relais. À la lueur des lanternes, elle lui enseignait les premiers rudiments du contrôle du chakra.
— Ferme les yeux, Sakura. Sens l'énergie qui coule en toi. Pour nous, les Uchiha, le chakra est comme une flamme. Il attend d'être nourri, guidé, libéré.
Sakura obéissait, fermant les yeux et se concentrant sur son flux de chakra. C'était à la fois familier et étranger. Dans sa vie précédente, son chakra avait été parfaitement contrôlé, précis comme un scalpel. Celui-ci était plus sauvage, plus puissant, mais moins docile.
— Concentre-toi sur ta respiration, continuait Hanae. Inspire le feu, expire la fumée.
Ces exercices rappelaient à Sakura ses premiers entraînements avec Kakashi, puis avec Tsunade. Mais ici, la philosophie était différente. Là où les médecins-nin cherchaient l'harmonie et l'équilibre, les Uchiha embrassaient la nature destructrice de leur chakra.
Le temps passa, et à cinq ans, Sakura maîtrisait déjà les bases du taijutsu et du contrôle du chakra à un niveau qui impressionnait même les Anciens du clan. Un jour, alors qu'elle s'entraînait seule à lancer ses kunai sur une cible qu'elle avait fabriquée, une voix la fit sursauter.
— Ta technique est bonne, mais ton poignet est trop rigide.
Sakura se retourna vivement pour découvrir Madara Uchiha, désormais un adolescent de quinze ans, l'observant avec un intérêt non dissimulé. Il avait grandi, ses traits s'affinant pour ressembler davantage à l'homme qu'elle avait connu dans son ancienne vie. Mais ses yeux n'avaient pas encore cette dureté, cette amertume qui les caractériseraient plus tard.
— Madara-sama, s'inclina-t-elle respectueusement, se rappelant son statut d'héritier du clan. Il s'approcha, prenant un kunai de sa main.
— Regarde, dit-il en le lançant d'un mouvement fluide. Le poignet doit rester souple jusqu'au dernier moment, puis se bloquer juste avant le lâcher.
Le kunai se ficha parfaitement au centre de la cible.
Sakura observa attentivement, gravant le mouvement dans sa mémoire.
— Essaie, ordonna-t-il en lui tendant une autre arme.
Elle s'exécuta, reproduisant le mouvement avec une précision qui sembla le surprendre. Le kunai atterrit à quelques millimètres du sien.
— Impressionnant, concéda-t-il. L'Oracle avait raison à ton sujet. Sakura se figea.
C'était la première fois qu'elle se retrouvait seule avec celui qui deviendrait un jour l'un des ninjas les plus puissants et les plus terrifiants de l'histoire.
— L'Oracle dit beaucoup de choses, répondit-elle prudemment.
Un léger sourire étira les lèvres de Madara, une expression qu'elle n'avait jamais vue sur le visage de sa version adulte.
— En effet. Elle a dit que tu possédais un talent naturel qui ne se manifeste qu'une fois par génération. Que ton approche du chakra pourrait ouvrir de nouvelles voies pour notre clan.
Il s'approcha, la scrutant de ses yeux noirs perçants.
— Es-tu vraiment si spéciale, Sakura Uchiha ?
La question la prit au dépourvu. Face à ce Madara adolescent, pas encore corrompu par la haine et le désespoir, elle sentit une opportunité s'ouvrir. S'il y avait une personne dont le destin pouvait changer toute l'histoire shinobi, c'était bien lui.
— Je ne sais pas si je suis spéciale, Madara-sama, répondit-elle lentement. Mais je sais que notre clan mérite mieux qu'une guerre éternelle.
Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent légèrement, surpris par la maturité de cette réflexion venant d'une enfant de cinq ans.
— Tu parles comme Hashirama, dit-il à voix basse, presque pour lui-même.
Le nom résonna en Sakura comme un coup de tonnerre. Hashirama Senju, futur Shodai Hokage, celui qui fonderait Konoha avec Madara. Dans cette époque, il devait être un adolescent lui aussi.
— Qui est Hashirama ? demanda-t-elle, feignant l'ignorance.
Madara sembla hésiter, puis secoua la tête.
— Personne dont tu doives te préoccuper. Continue ton entraînement, petite cousine. Peut-être qu'un jour, tu seras suffisamment forte pour comprendre.
Il tourna les talons et s'éloigna, la laissant avec ses pensées tourbillonnantes. Cette brève interaction avait confirmé ce qu'elle soupçonnait : à cette époque, Madara et Hashirama se connaissaient déjà, peut-être même avaient-ils déjà formé leur amitié secrète.
Elle se remit à l'entraînement avec une détermination renouvelée. Si elle voulait avoir une chance d'influencer le cours des événements, elle devait devenir plus forte, plus compétente. Elle devait gagner le respect des Uchiha, et particulièrement celui de Madara.
Les mois passèrent, et sa réputation au sein du clan grandit. On murmurait sur son passage, parlant de son talent précoce, de sa maîtrise inhabituelle du chakra. Le jour de ses six ans, alors qu'elle s'exerçait à une technique de katon simple sous la supervision de son père, l'impensable se produisit.
Une vague de chakra différente, plus intense, parcourut son corps, se concentrant dans ses yeux. Sa vision changea soudainement, devenant plus nette, plus précise, les mouvements autour d'elle semblant ralentir. Kaito s'immobilisa, stupéfait.
— Sakura... tes yeux…
Elle porta instinctivement la main à son visage, sentant la chaleur qui émanait de ses pupilles. Elle n'avait pas besoin de miroir pour comprendre : elle venait d'éveiller le Sharingan. À six ans. Sans traumatisme. Sans perte. Exactement comme l'Oracle l'avait prédit.
La nouvelle de l'éveil précoce du Sharingan de Sakura se répandit dans le clan comme une traînée de poudre. En l'espace d'une journée, elle passa du statut d'enfant prodige à celui de phénomène, attirant l'attention de tous les Uchiha, des plus jeunes aux Anciens.
Kaito emmena immédiatement sa fille voir Tajima, comme l'exigeait la tradition. Le chef du clan était assis dans sa tente de commandement, entouré de cartes et de rapports de mission. Ses yeux se levèrent lentement lorsque père et fille entrèrent, s'inclinant respectueusement.
— Alors c'est vrai, murmura Tajima en observant Sakura. Approche, enfant.
Sakura s'avança d'un pas assuré, malgré la nervosité qu'elle ressentait. Elle avait délibérément désactivé son Sharingan, attendant la permission de le montrer.
— Active-le, ordonna Tajima.
Elle ferma brièvement les yeux, se concentrant sur cette sensation nouvelle qu'elle avait ressentie plus tôt. Canaliser son chakra vers ses yeux était étrangement intuitif, comme si son corps Uchiha savait instinctivement comment procéder. Lorsqu'elle rouvrit les paupières, le monde apparut à nouveau avec cette clarté surnaturelle, chaque détail devenant plus net, chaque mouvement plus prévisible.
Tajima se leva et s'approcha, s'agenouillant pour être à sa hauteur. Il activa son propre Sharingan, trois tomoe parfaitement formés tournoyant dans ses iris écarlates. Les deux doujutsu se fixèrent l'un l'autre, dans une connexion que seuls les Uchiha pouvaient vraiment comprendre.
— Un tomoe dans chaque œil, observa-t-il. Parfaitement formés. Et à seulement six ans.
Il se tourna vers Kaito.
— A-t-elle subi un choc ? Une peur intense ? Une perte ?
Kaito secoua la tête. — Non, Tajima-sama.
Elle s'entraînait simplement à la technique du Katon que je lui enseigne. Son chakra a fluctué, et ses yeux ont changé.
Tajima reporta son attention sur Sakura.
— Que ressentais-tu à ce moment précis, enfant ?
Sakura réfléchit soigneusement à sa réponse. Elle ne pouvait pas révéler que son esprit adulte, avec toutes ses expériences passées, avait probablement facilité cet éveil précoce.
— Je pensais à protéger notre clan, Tajima-sama, répondit-elle avec la déférence appropriée. À devenir assez forte pour que personne ne puisse nous faire de mal.
Ce n'était pas un mensonge. En s'entraînant, elle pensait effectivement à son nouveau rôle, à la façon dont elle pourrait peut-être infléchir le destin des Uchiha.
Un rare sourire étira les lèvres du chef de clan.
— Intéressant. La plupart des Uchiha éveillent leur Sharingan par la perte ou la peur. Mais toi... c'est par détermination. Par volonté.
Il se releva, sa décision visiblement prise.
— À partir de demain, ton entraînement sera intensifié. Tu viendras chaque après-midi au dōjō principal. Mes fils et moi-même superviserons personnellement ton développement.
Kaito s'inclina profondément.
— C'est un grand honneur, Tajima-sama.
— Ce n'est pas un honneur, Kaito, corrigea Tajima. C'est une nécessité. Le clan Uchiha ne peut se permettre de gaspiller un tel potentiel.
Il congédia Kaito d'un geste, mais retint Sakura d'une main sur son épaule.
— Désactive ton Sharingan maintenant, ordonna-t-il doucement. Tu dois apprendre à l'utiliser avec parcimonie. Il consomme beaucoup de chakra, surtout pour quelqu'un de ton âge.
Sakura obéit, laissant le flux de chakra se détourner de ses yeux. Sa vision redevint normale, mais la fatigue la frappa soudainement, ses jambes vacillant légèrement.
— Tu vois ? Une enfant ordinaire se serait évanouie après avoir maintenu le Sharingan si longtemps. Tu es exceptionnelle, Sakura Uchiha. Ne l'oublie jamais.
Sur ces mots, il la laissa rejoindre son père qui l'attendait à l'entrée de la tente.
***
Ce soir-là, la maison des Uchiha Kaito et Hanae fut plus animée que jamais. Des membres du clan, proches et éloignés, vinrent présenter leurs respects et observer la jeune prodige. Pour une famille de rang intermédiaire comme la leur, cette attention soudaine était à la fois gratifiante et intimidante.
Assise sur son futon, après que le dernier visiteur fut parti, Sakura sentit l'épuisement l'envahir. L'éveil et l'utilisation du Sharingan avaient drainé ses réserves de chakra encore immatures. Mais plus que la fatigue physique, c'était le poids des attentes nouvelles qui pesait sur ses épaules.
Hanae vint s'asseoir près d'elle, brossant doucement ses cheveux noirs.
— Comment te sens-tu, mon petit bourgeon ?
— Fatiguée, haha. Et... effrayée.
Hanae arrêta son geste, surprise par cette honnêteté.
— Effrayée ? De quoi ?
Sakura tourna son visage d'enfant vers sa mère, y mettant toute la vulnérabilité qu'elle ressentait réellement.
— De ne pas être à la hauteur. De décevoir le clan.
C'était une crainte authentique. Malgré son expérience passée, elle restait prisonnière d'un corps d'enfant, avec ses limitations. Et les attentes du clan Uchiha étaient impitoyables. Hanae l'attira contre elle dans une étreinte protectrice.
— Écoute-moi bien, Sakura. Tu n'as pas à porter ce fardeau seule. Ton père et moi serons toujours là pour te guider, te protéger. Quoi que le clan attende de toi, notre amour, lui, est sans condition.
Ces mots touchèrent Sakura plus profondément qu'elle ne l'aurait cru possible. Dans sa vie précédente, elle avait été adulte si longtemps qu'elle avait presque oublié ce sentiment : être un enfant aimé, protégé.
— Et puis, ajouta Hanae avec un sourire malicieux, je doute que tu puisses décevoir qui que ce soit. Tu as déjà accompli l'impossible.
Sakura sourit faiblement.
— Est-ce si rare ? D'éveiller le Sharingan si jeune ?
Hanae hocha gravement la tête.
— Les archives du clan mentionnent seulement trois cas similaires dans toute notre histoire. L'un d'eux était Madara-sama lui-même, qui l'a éveillé à sept ans. Et toi... à six ans. Sans traumatisme.
Elle caressa doucement la joue de sa fille.
— C'est pour cela que Tajima-sama s'intéresse tant à toi. Tu représentes peut-être une nouvelle voie pour notre clan, une façon d'obtenir la puissance du Sharingan sans passer par la souffrance.
Ces paroles firent réfléchir Sakura.
Dans sa vie précédente, elle avait connu la tragédie des Uchiha : un clan presque entièrement massacré, ne laissant que Sasuke et Itachi comme derniers héritiers. Et tout avait commencé ici, dans cette ère de guerres incessantes, où le pouvoir était valorisé au-dessus de tout. Pouvait-elle vraiment changer cela ? Offrir aux Uchiha une voie différente ?
— Repose-toi maintenant, murmura Hanae en bordant son futon. Demain sera un grand jour.
Sakura ferma les yeux, mais le sommeil tarda à venir. Son esprit bouillonnait de questions, de plans, de possibilités. Une chose était certaine : elle devait maîtriser ce nouveau pouvoir aussi rapidement que possible. Non pas pour devenir l'arme que le clan espérait, mais pour avoir la force nécessaire pour influencer son destin.
***
L'entraînement intensif commença dès le lendemain. Comme promis, Tajima attendait au dōjō principal, accompagné de ses deux fils aînés. Madara, désormais âgé de quinze ans, et Izuna, treize ans, observèrent Sakura avec un mélange de curiosité et de scepticisme lorsqu'elle entra, vêtue d'un simple gi d'entraînement aux couleurs du clan.
— Approche, Sakura, ordonna Tajima. Aujourd'hui, nous verrons ce que ton Sharingan peut réellement percevoir.
La séance fut éprouvante. Pendant deux heures, Sakura dut maintenir son Sharingan activé tout en suivant les mouvements de plus en plus rapides que Tajima et ses fils exécutaient. L'objectif était de développer sa perception visuelle, première étape essentielle dans la maîtrise du doujutsu.
— Les Uchiha sont des observateurs avant d'être des combattants, expliqua Tajima. Notre force réside dans notre capacité à voir ce que les autres ne peuvent percevoir. À anticiper. À mémoriser.
Sakura s'efforçait de suivre, ses yeux captant chaque détail avec une acuité surprenante. Le Sharingan lui permettait de distinguer les plus infimes variations dans les flux de chakra, les micro-expressions faciales, les tensions musculaires précédant un mouvement. Vers la fin de la séance, alors que sa réserve de chakra s'épuisait dangereusement, Tajima fit signe à Madara de s'avancer.
— Montre-lui la différence entre un Sharingan à un tomoe et un Sharingan pleinement développé, ordonna-t-il.
Madara hocha la tête et se plaça face à Sakura. Ses yeux virèrent au rouge, trois tomoe parfaitement formés apparaissant dans chaque iris. Il exécuta ensuite une série de mudras à une vitesse stupéfiante, si rapide que même avec son Sharingan à un tomoe, Sakura peina à suivre.
— Tu vois ? dit Tajima. À chaque tomoe supplémentaire, ta perception s'affinera jusqu'à ce que même les mouvements les plus rapides te semblent au ralenti.
Sakura hocha la tête, fascinée malgré elle. Elle avait déjà vu le Sharingan de Sasuke et Kakashi en action, mais en faire l'expérience elle-même était tout autre chose. À la fin de l'entraînement, ses jambes cédèrent sous elle, son chakra presque entièrement épuisé.
Madara fut à ses côtés en un instant, la rattrapant avant qu'elle ne s'effondre.
— Tu en as fait trop pour ton premier jour, dit-il, sa voix étrangement dénuée de jugement.
— Je voulais... prouver ma valeur, haleta Sakura.
Un sourire presque imperceptible étira les lèvres de l'adolescent.
— Tu n'as rien à prouver, petite cousine. Ton Sharingan parle pour toi.
Il l'aida à se relever et la soutint jusqu'à ce que Kaito vienne la chercher. Ce geste de gentillesse, venant du futur adversaire de Hashirama, du futur fondateur de l'Akatsuki, la surprit profondément. Ce Madara-là n'était pas encore le shinobi amère et vengeur qu'il deviendrait. Il était simplement un jeune homme talentueux, fier de son clan, soucieux de protéger les siens.
Rentrant chez elle ce soir-là, portée sur le dos de son père, Sakura eut l'impression qu'une porte s'ouvrait devant elle. Si ce Madara pouvait encore faire preuve de compassion, peut-être n'était-il pas trop tard pour influencer sa trajectoire. Pour lui montrer une voie où la puissance ne signifiait pas nécessairement isolation et ressentiment.
Mais pour cela, elle devait d'abord gagner sa confiance. Devenir non pas seulement une curiosité au sein du clan, mais une alliée, une confidente.
Les jours suivants suivirent le même schéma : entraînement matinal avec Kaito, séances au dōjō principal l'après-midi avec Tajima et ses fils, puis soirées consacrées à l'apprentissage théorique avec Hanae.
Chaque jour, Sakura poussait ses limites un peu plus loin, adaptant son corps d'enfant aux exigences de l'entraînement Uchiha. Un mois après l'éveil de son Sharingan, lors d'une séance particulièrement intense, elle sentit une fluctuation dans ses yeux. Le monde devint soudain encore plus net, les mouvements plus prévisibles. Madara, qui l'affrontait dans un exercice de taijutsu limité, s'immobilisa.
— Ton œil droit, dit-il, une note de surprise dans la voix. Regarde. Izuna lui tendit un petit miroir métallique.
Sakura y vit son reflet : dans son œil droit, un second tomoe était apparu, tournoyant lentement autour de sa pupille.
Une vague de murmures parcourut le dōjō. Développer un second tomoe si rapidement était presque sans précédent. Tajima s'approcha, son visage habituellement stoïque trahissant une satisfaction évidente.
— Impressionnant, murmura-t-il. À ce rythme, tu auras un Sharingan pleinement mature avant tes huit ans. Il se tourna vers ses fils.
— Observez bien, Madara, Izuna. Voici la preuve que notre sang peut encore se renforcer. Que le clan Uchiha n'a pas encore atteint les limites de son potentiel.
Sakura, épuisée mais fière malgré elle, regarda Madara. Pour la première fois, elle y vit non pas de la simple curiosité, mais un véritable respect. Et peut-être, quelque chose d'autre. Un intérêt plus personnel.
Cette nuit-là, alors qu'elle méditait avant de s'endormir comme Hanae le lui avait enseigné, Sakura réfléchit à tout ce qui s'était passé depuis son arrivée dans cette nouvelle vie. Les coutumes des Uchiha, leur dévotion au clan, leur quête incessante de puissance - tout cela commençait à prendre un sens différent, vu de l'intérieur.
Elle comprenait mieux pourquoi Sasuke avait été si profondément marqué par son héritage. Les Uchiha n'étaient pas simplement un clan parmi d'autres ; ils étaient une famille liée par le sang, la tradition et une vision commune. Une vision que Madara, dans sa version adulte, pousserait jusqu'à l'extrême. Si elle voulait changer cela, elle devait offrir une alternative. Non pas rejeter la force que les Uchiha valorisaient tant, mais montrer qu'elle pouvait servir à autre chose qu'à la guerre éternelle.
"Un pas à la fois," se dit-elle en s'endormant, épuisée mais déterminée. "Un jour après l'autre."
Ce qu'elle ignorait encore, c'est que le destin avait prévu de mettre son engagement à l'épreuve bien plus tôt qu'elle ne l'imaginait.
***
Les semaines suivant l'éveil de son Sharingan ne furent pas aussi triomphales que Sakura l'avait imaginé. Contrairement à ce que Tajima avait prédit, le développement de son doujutsu ne suivit pas une progression régulière.
Après l'apparition du second tomoe dans son œil droit, ses progrès stagnèrent. Chaque séance d'entraînement devenait une lutte contre les limites de son corps d'enfant. Si son esprit connaissait les techniques, ses muscles, eux, n'avaient pas la mémoire ni la force nécessaires. Sa réserve de chakra, encore immature, ne lui permettait pas de maintenir le Sharingan plus d'une heure sans ressentir des vertiges et des nausées.
Un après-midi particulièrement difficile, alors qu'elle s'entraînait avec Izuna au dōjō, sa vision se brouilla soudainement et elle s'effondra, son Sharingan se désactivant brutalement.
— Tu en fais trop, observa Izuna en l'aidant à s'asseoir. Même les prodiges ont leurs limites.
Sakura essuya la sueur qui perlait sur son front, frustrée par sa faiblesse.
— Je dois devenir plus forte, plus vite, murmura-t-elle.
Izuna, habituellement plus réservé que son frère, s'accroupit à son niveau.
— Pourquoi cette précipitation, petite cousine ? Tu as à peine six ans. Même Madara et moi avons mis des années à maîtriser pleinement notre Sharingan.
— Parce que…
Elle s'interrompit, incapable d'expliquer qu'elle savait ce qui attendait le clan si rien ne changeait. Qu'elle connaissait le destin tragique qui guettait les Uchiha.
— Parce que le clan a besoin de guerriers forts, finit-elle par dire.
Izuna sourit tristement.
— Le clan a surtout besoin de guerriers vivants, Sakura. À quoi bon développer ton pouvoir si c'est pour t'épuiser au point de ne plus pouvoir combattre ?
Cette remarque la frappa plus qu'elle ne l'aurait cru. Dans sa vie précédente, Tsunade lui avait enseigné une leçon similaire : un médecin-nin mort ne peut plus soigner personne.
— Je vais te montrer quelque chose, proposa Izuna en l'aidant à se relever.
Il la conduisit hors du dōjō, à travers le campement Uchiha, jusqu'à un petit ruisseau qui coulait à la lisière de leur territoire. S'asseyant sur une pierre plate, il l'invita à faire de même.
— Regarde l'eau, dit-il en pointant le courant. Que vois-tu ? Sakura observa attentivement.
— Un ruisseau. De l'eau qui coule.
— Observe plus attentivement. Utilise ton Sharingan, mais pas pour analyser. Juste pour voir.
Hésitante, elle activa son doujutsu et fixa l'eau. Au début, elle ne vit rien de particulier. Puis, progressivement, elle commença à distinguer les motifs complexes que formait l'eau en contournant les rochers, les petits tourbillons qui se créaient et se défaisaient, la danse infinie des courants.
— L'eau trouve toujours son chemin, expliqua doucement Izuna. Elle ne force pas les obstacles ; elle les contourne. Elle ne se précipite pas ; elle s'adapte. Et pourtant, à terme, elle peut éroder même la roche la plus dure.
Il désactiva son propre Sharingan et la regarda sérieusement.
— Notre pouvoir visuel est un don, Sakura. Mais comme l'eau, il doit s'écouler naturellement. Le forcer ne fait que créer des remous inutiles.
Cette leçon inattendue, venant du frère que Madara chérirait au point de sombrer dans la folie après sa mort, toucha Sakura profondément. Elle comprit qu'elle avait abordé son entraînement avec l'impatience d'une adulte, oubliant les limitations physiques réelles de son corps d'enfant.
— Merci, Izuna-sama, murmura-t-elle, sincèrement reconnaissante. Il ébouriffa ses cheveux avec une affection fraternelle qui la surprit.
— Appelle-moi simplement Izuna. Après tout, nous sommes une famille.
Cette conversation marqua un tournant dans son approche. Les jours suivants, au lieu de pousser son corps au-delà de ses limites, elle commença à travailler avec plus de méthode, plus de patience. Elle alternait les périodes d'utilisation du Sharingan avec des phases de repos, écoutant davantage les signaux de fatigue que son corps lui envoyait.
Hanae remarqua ce changement et en fut soulagée.
— Tu sembles plus... posée, observa-t-elle un soir alors qu'elles préparaient ensemble le repas.
Sakura, concentrée sur la découpe des légumes (une tâche qui demandait une précision frustrante avec ses petites mains), sourit.
— Izuna m'a donné un conseil utile.
— Ah ? s'étonna Hanae. Le jeune Izuna ? Il parle si peu d'habitude.
— Il a dit que je devais être comme l'eau. Patiente. Adaptable.
Hanae sourit, une expression nostalgique traversant son visage.
— Sa mère disait la même chose. Elle était une femme sage.
Mais avant que Sakura ne puisse en apprendre davantage, le son d'une corne retentit à travers le campement. Trois notes longues suivies de deux courtes. Un code que Sakura n'avait encore jamais entendu. Le visage d'Hanae se figea.
— Attaque imminente, murmura-t-elle en posant précipitamment son couteau. Elle attrapa Sakura par le bras et l'entraîna vers un coffre dissimulé sous le tatami. L'ouvrant d'un geste rapide, elle en sortit son équipement de combat : armure légère, tantō, pochette de shurikens.
— Reste ici, ordonna-t-elle. Quoi qu'il arrive, ne sors pas avant que ton père ou moi ne venions te chercher.
— Mais je peux aider ! protesta Sakura, son instinct de kunoichi prenant le dessus.
— Non ! Le ton d'Hanae était sans appel. Tu es encore une enfant, Sharingan ou pas. Ta place n'est pas sur le champ de bataille.
Dehors, les cris et les ordres se multipliaient. Des pas précipités résonnaient dans toutes les directions.
Kaito fit irruption dans la maison, déjà équipé pour le combat, son Sharingan activé.
— Les Senju ont franchi la ligne ouest, annonça-t-il brièvement. Une force importante. Butsuma lui-même mène l'attaque.
Hanae hocha la tête, terminant d'ajuster son armure.
— Combien sont-ils ?
— Au moins cinquante. Peut-être plus.
Un échange de regards entre les deux adultes, chargé d'une intensité que Sakura n'avait encore jamais vue. Puis Kaito s'agenouilla devant elle.
— Écoute-moi bien, Sakura. Si un ennemi entre dans cette maison, cache-toi. N'utilise pas ton Sharingan sauf en dernier recours ; sa lueur pourrait te trahir dans l'obscurité.
Il sortit un petit kunai de sa manche et le lui tendit.
— Seulement pour te défendre. Tu comprends ?
Sakura hocha gravement la tête, serrant l'arme dans sa petite main. L'ironie de la situation ne lui échappait pas : elle, qui avait combattu Madara Uchiha et des dieux extraterrestres dans sa vie précédente, réduite à se cacher comme une enfant effrayée. Mais elle comprenait aussi la réalité : dans ce corps, avec cette réserve de chakra limitée, elle ne serait qu'un fardeau sur le champ de bataille.
Ses parents échangèrent un dernier regard, puis partirent rejoindre le combat.
Le silence retomba dans la maison, pesant, oppressant. Sakura pouvait entendre au loin les bruits d'affrontement : explosions de jutsus, cris de guerre, chocs métalliques des armes. Elle s'approcha de la fenêtre, écartant légèrement le rideau.
La nuit commençait à tomber, mais l'horizon ouest rougeoyait – non pas du coucher de soleil, mais des techniques Katon que les Uchiha déployaient contre leurs ennemis. Pendant ce qui sembla une éternité, Sakura resta là, impuissante, écoutant la bataille faire rage. Chaque cri, chaque explosion lui rappelait la réalité brutale de cette époque : la guerre incessante entre clans, la mort omniprésente.
Puis, le bruit d'une porte qui s'ouvre la fit sursauter. Des pas légers, presque inaudibles. Pas ceux de ses parents. Serrant son kunai, Sakura se glissa sous le kotatsu, retenant sa respiration.
Un intrus était entré.
Une silhouette apparut dans l'embrasure de la porte, scrutant la pièce principale. À travers l'obscurité, Sakura distingua un homme de taille moyenne, portant l'armure caractéristique des Senju. Son visage était partiellement masqué, mais ses cheveux argentés luisaient faiblement dans la pénombre.
"Un éclaireur Senju," comprit Sakura.
Probablement chargé de trouver des informations ou des documents dans les habitations pendant que la bataille principale détournait l'attention. L'homme s'avança, ses mouvements calculés, silencieux. Il commença à fouiller méthodiquement la pièce, vérifiant chaque recoin avec une précision qui trahissait son expérience.
Sakura savait qu'il finirait par la trouver. Le kotatsu n'offrait qu'une cachette provisoire. Elle devait prendre une décision : rester cachée en espérant qu'il parte, ou agir. Prenant une profonde inspiration, elle choisit la seconde option. Son corps d'enfant était limité, mais son esprit, lui, avait l'expérience d'une kunoichi accomplie.
Elle activa son Sharingan, ignorant l'avertissement de son père. Immédiatement, sa perception s'accrut, lui permettant de distinguer clairement les mouvements de l'intrus malgré l'obscurité. Attendant le moment où il lui tournait le dos, elle émergea silencieusement de sa cachette et lança son kunai – non pas pour tuer, mais pour désarmer.
L'arme siffla dans l'air et frappa la main de l'homme, lui faisant lâcher le rouleau qu'il venait de trouver. L'intrus pivota instantanément, ses réflexes de shinobi prenant le dessus. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement en voyant qu'il avait affaire à une enfant.
— Un bébé Uchiha, murmura-t-il avec un mélange de surprise et de dédain.Et avec le Sharingan, en plus.
Il fit un pas vers elle, mais Sakura ne recula pas. Elle se mit en garde, dans la posture défensive que Kaito lui avait enseignée.
L'homme eut un rire bref.
— Tu as du cran, petite. Mais tu n'es pas de taille. À une vitesse que même son Sharingan peina à suivre, il forma une série de mudras. Sakura reconnut la séquence : un jutsu Suiton de base, mais suffisamment puissant pour immobiliser un enfant.
Dans sa vie précédente, elle aurait contré avec un jutsu de terre ou esquivé facilement. Mais ici, ses options étaient limitées. Son corps manquait de vitesse, ses réserves de chakra étaient insuffisantes pour un contre-jutsu efficace.
L'eau surgit de nulle part – probablement extraite de l'humidité ambiante, une technique caractéristique des Senju – et fonça vers elle comme un fouet liquide.
Par réflexe, Sakura concentra le peu de chakra dont elle disposait dans ses pieds et bondit sur le côté, évitant de justesse l'attaque. Le fouet d'eau frappa le mur derrière elle, fissurant le bois.
— Intéressant, observa l'homme, visiblement surpris par sa mobilité. On dirait que les rumeurs sur un prodige Uchiha étaient fondées.
Il s'approcha, cette fois sortant un tantō de son dos.
— Rien de personnel, enfant. Mais un Uchiha capable d'éveiller le Sharingan si jeune est une menace que les Senju ne peuvent ignorer.
Sakura recula, comprenant avec horreur que l'homme avait l'intention de l'éliminer. Pas simplement de l'incapaciter ou de la capturer, mais de la tuer. La réalité brutale de cette ère la frappa de plein fouet. Ici, les enfants n'étaient pas épargnés. Ils étaient des cibles comme les autres, surtout s'ils montraient du potentiel.
Elle chercha frénétiquement une issue, mais l'homme bloquait la seule porte.
Son Sharingan lui permit d'anticiper la première attaque – un coup de tantō visant son épaule – mais l'esquive l'épuisa davantage.
"Je ne peux pas tenir longtemps comme ça," réalisa-t-elle. Son corps tremblait déjà, son chakra s'épuisant rapidement. L'homme le sentit aussi et sourit sous son masque.
— Ton doujutsu te vide de ton énergie, constata-t-il. C'est l'inconvénient du Sharingan : il demande plus qu'un enfant ne peut donner.
Il leva son arme pour un coup final, et Sakura sut qu'elle ne pourrait pas l'éviter. Son corps atteignait ses limites. Au moment où la lame s'abaissait, la porte vola en éclats. Une silhouette s'interposa entre Sakura et l'attaquant, parant le coup avec une force qui fit vibrer l'air.
— Touche à ma fille et je t'arrache le cœur, Senju, gronda la voix de Kaito, son Sharingan brillant d'une fureur meurtrière.
L'intrus recula précipitamment, reconnaissant visiblement la menace que représentait un père Uchiha protégeant son enfant.
— Kaito l'Éclair Rouge, murmura-t-il. Je ne savais pas que c'était ta maison.
— Maintenant tu le sais. Et ce sera la dernière chose que tu apprendras.
Ce qui suivit fut trop rapide pour que Sakura, malgré son Sharingan, puisse vraiment le percevoir.
Les deux shinobis s'engagèrent dans un combat d'une violence et d'une rapidité surhumaines, détruisant une partie de la maison dans leur affrontement. En quelques secondes, c'était terminé. L'intrus gisait au sol, un kunai profondément enfoncé dans sa gorge, ses yeux déjà vitreux. Kaito se tourna immédiatement vers sa fille, l'examinant avec anxiété.
— Tu es blessée ? demanda-t-il, sa voix trahissant une peur qu'elle ne lui avait jamais entendue.
Sakura secoua la tête, incapable de parler. L'épuisement et le choc la submergeaient. Son Sharingan se désactiva involontairement, et elle sentit ses jambes céder. Son père la rattrapa et la serra contre lui, son corps encore tremblant d'adrénaline.
— J'ai senti ton chakra fluctuer, expliqua-t-il. J'ai su que tu étais en danger.
Il jeta un regard au corps de l'homme.
— Tu as bien fait d'utiliser ton Sharingan. Sans lui, il t'aurait... Il ne termina pas sa phrase, la serrant plus fort.
— Où est haha ? parvint à demander Sakura.
— Elle combat encore. Ne t'inquiète pas, ta mère est l'une des meilleures kunoichi du clan.
Mais malgré ces paroles rassurantes, Sakura perçut l'inquiétude dans sa voix. Le combat n'était pas terminé, et le danger demeurait. Kaito la conduisit rapidement hors de la maison, évitant les zones de combat actif. Le campement Uchiha était méconnaissable. Des maisons brûlaient, des corps jonchaient le sol – Uchiha et Senju mêlés dans la mort comme ils ne l'avaient jamais été dans la vie.
Ils atteignirent un abri souterrain où d'autres enfants et quelques adultes blessés s'étaient réfugiés.
Kaito confia Sakura à une femme âgée.
— Veille sur elle, ordonna-t-il avant de se tourner une dernière fois vers sa fille. Reste ici. Je vais chercher ta mère.
Puis il disparut dans la nuit, retournant au combat.
Sakura resta là, assise parmi les autres enfants apeurés, ses yeux fixés sur l'entrée de l'abri. Pour la première fois depuis sa renaissance dans ce monde, elle réalisait pleinement l'horreur et la brutalité de l'ère des guerres de clans.
Ce n'étaient plus des récits historiques ou des légendes. C'était sa réalité. Une réalité où même les enfants étaient des cibles, où la mort pouvait frapper à tout instant, où chaque jour pouvait être le dernier. Et surtout, une réalité où son corps d'enfant, malgré tout son savoir antérieur, restait vulnérable et faible. Où ses connaissances futures ne suffisaient pas à compenser les limitations physiques de son âge.
Les heures passèrent, interminables. Les bruits de combat s'estompèrent progressivement, remplacés par des cris de recherche, des appels à l'aide pour les blessés. Finalement, l'aube pointa, et Kaito réapparut à l'entrée de l'abri. Son armure était couverte de sang, son visage marqué par l'épuisement. Mais ce qui glaça Sakura, ce fut l'expression dans ses yeux. Une expression qu'elle avait déjà vue, dans sa vie précédente, sur le visage de trop nombreux shinobis.
Le regard de quelqu'un qui a perdu un être cher.
— Où est maman ? demanda-t-elle, sa voix d'enfant trahissant sa peur. Kaito s'agenouilla devant elle, posant ses mains tremblantes sur ses épaules.
— Ta mère... a combattu avec honneur, commença-t-il, sa voix vacillante. Elle a protégé le clan jusqu'au bout. Sakura sentit son monde s'effondrer.
Pas Hanae. Pas sa mère, si douce et si forte à la fois. Pas cette femme qui l'avait accueillie dans sa nouvelle vie avec tant d'amour.
— Non, murmura-t-elle, les larmes coulant sur ses joues. Non, haha…
Kaito la serra contre lui, et pour la première fois, elle sentit des larmes mouiller ses cheveux.
Son père, ce guerrier stoïque, pleurait lui aussi.
— Elle a affronté Butsuma Senju lui-même, souffla-t-il. Pour protéger un groupe d'enfants piégés. Elle... elle a réussi à les sauver. Mais le prix…
Il ne put terminer, submergé par le chagrin.
Sakura s'accrocha à lui, son petit corps secoué de sanglots. La douleur était trop grande, trop réelle. Elle avait connu la perte dans sa vie précédente, mais jamais aussi personnelle, jamais aussi déchirante. Hanae était partie. Sa mère dans cette nouvelle vie, la femme qui l'avait élevée ces six dernières années, qui lui avait appris à être une Uchiha, qui l'avait aimée sans condition, n'était plus.
Ce jour marqua Sakura plus profondément que n'importe quel entraînement, n'importe quelle leçon. Ce jour lui enseigna ce que signifiait vraiment vivre dans cette ère de conflits incessants. Et au milieu de sa douleur, une conviction se forma, plus forte que jamais : ce cycle de haine et de vengeance devait cesser.
D'une manière ou d'une autre, elle trouverait un moyen de changer le destin des Uchiha, des Senju, et de tous les clans pris dans cette spirale destructrice.
Mais pour l'instant, elle n'était qu'une enfant en deuil, pleurant dans les bras de son père, au milieu des ruines fumantes de ce qui avait été leur foyer.
Chapter 2: Cendres et nouveaux commencements
Chapter Text
Les jours qui suivirent l'attaque des Senju se déroulèrent dans un brouillard de douleur et de rituels. Le clan Uchiha honora ses morts avec la solennité caractéristique de leur lignée - des bûchers funéraires s'élevant dans la nuit, les flammes illuminant les visages stoïques des survivants. Hanae fut célébrée comme une héroïne. Son sacrifice avait permis de sauver huit enfants Uchiha pris au piège par l'offensive de Butsuma Senju.
Pourtant, toute cette gloire posthume n'apportait aucun réconfort à Sakura. Debout aux côtés de son père, vêtue du noir traditionnel du deuil Uchiha, elle fixait les flammes qui consumaient le corps de celle qui avait été sa mère dans cette nouvelle vie.
C'est injuste, pensait-elle, ses petits poings serrés si fort que ses ongles marquaient ses paumes. J'ai déjà vécu tant de pertes. Pourquoi encore ?
Kaito restait silencieux, son visage figé dans une expression impénétrable que seuls ses yeux trahissaient - vides, hantés. Sakura savait ce regard. Elle l'avait vu sur trop de visages pendant la Quatrième Grande Guerre dans sa vie précédente.
Le clan ne s'attarda pas longtemps près des ruines de leur ancien campement. Trois jours après les funérailles, Tajima Uchiha donna l'ordre de déplacement. Les Senju connaissaient désormais leur position ; rester serait suicidaire.
— Nous partons vers le nord, annonça-t-il lors du conseil de guerre. Les forêts denses nous offriront une meilleure protection, et l'hiver approche. Le froid sera notre allié contre les Senju qui préfèrent les terres plus chaudes.
Cette nuit-là, Sakura aidait Kaito à rassembler leurs maigres possessions rescapées de l'attaque. Leur maison, comme la plupart du campement, n'était plus que cendres. Ils avaient trouvé refuge temporaire sous une tente commune partagée avec deux autres familles endeuillées.
— Est-ce que nous reviendrons un jour ? demanda-t-elle doucement, pliant un kimono qui avait appartenu à Hanae, l'un des rares souvenirs qu'ils avaient pu sauver.
Kaito marqua une pause dans son inventaire d'armes.
— Non, répondit-il simplement. Les lieux ne sont rien pour les Uchiha. Seul le clan compte.
Il la regarda, et pour la première fois depuis les funérailles, l'ombre d'une émotion traversa son visage.
— Tu dois comprendre cela, Sakura. Notre force n'est pas dans les murs que nous construisons, mais dans les liens qui nous unissent. C'est pourquoi nos ennemis nous craignent. Nous pouvons tout perdre, et pourtant rester invaincus.
Ces paroles résonnèrent étrangement en Sakura.
Dans sa vie précédente, Konoha était l'incarnation même de la permanence, un village dont les racines s'enfonçaient profondément dans l'histoire. Mais ici, dans cette ère de conflits perpétuels, les Uchiha étaient nomades, définis non par leur territoire mais par leur identité de clan.
Le voyage vers le nord fut éprouvant pour le clan affaibli. Une semaine de marche à travers des forêts denses et des cols montagneux, toujours sur le qui-vive. Les enfants et les blessés ralentissaient leur progression, mais un Uchiha n'abandonnait jamais les siens. C'était une loi aussi ancienne que le clan lui-même.
Sakura observait tout avec des yeux nouveaux. Son corps d'enfant peinait sous l'effort, mais son esprit adulte cataloguait chaque détail : les formations de combat qu'adoptaient naturellement les guerriers Uchiha lors des déplacements, les techniques de survie en milieu hostile, la façon dont les guetteurs utilisaient leur Sharingan pour scruter l'horizon à la recherche de pièges ou d'embuscades.
C'était une éducation qu'aucun livre d'histoire n'aurait pu lui offrir : observer le légendaire clan Uchiha à son apogée, avant les tragédies qui marqueraient son déclin.
Le troisième jour du voyage, Sakura marchait aux côtés de son père quand Madara apparut soudainement près d'eux. À quinze ans, il était déjà un guerrier accompli, participant aux patrouilles de reconnaissance avec les adultes.
— Kaito-san, salua-t-il respectueusement. Mon père souhaite te voir à l'avant.
Kaito hocha la tête et, après une hésitation presque imperceptible, se tourna vers Sakura.
— Reste avec Madara-sama, ordonna-t-il avant de s'éloigner d'un pas rapide.
Un silence inconfortable s'installa entre l'adolescent et l'enfant. Sakura continua de marcher, consciente du regard curieux que Madara posait sur elle.
— Tu ne pleures pas, remarqua-t-il finalement.
Sakura leva les yeux, surprise par cette observation directe.
— Mon père ne pleure pas non plus, répondit-elle prudemment. Un sourire fugace traversa le visage de Madara.
— C'est vrai. Les Uchiha ressentent profondément, mais gardent leur douleur à l'intérieur. C'est ce qui rend notre Sharingan si puissant.
Il ralentit son pas pour s'adapter à ses petites jambes.
— Mais tu es différente, ajouta-t-il. La plupart des enfants de ton âge seraient brisés après ce que tu as vécu. Pourtant, tu marches comme si tu portais déjà le poids du monde sur tes épaules.
Sakura sentit un frisson la parcourir.
Madara était bien plus perceptif qu'elle ne l'aurait cru. Devait-elle jouer le rôle de l'enfant effrayée ? Ou risquer d'être honnête, dans les limites du raisonnable ?
— Je ne peux pas me permettre d'être brisée, répondit-elle finalement. Haha est morte en protégeant d'autres enfants. Si je m'effondre, son sacrifice n'aura servi à rien.
Les yeux de Madara s'élargirent légèrement, comme s'il réévaluait la petite fille marchant à ses côtés.
— Ton père a raison, murmura-t-il. Tu as vraiment le cœur d'une guerrière.
Ils continuèrent en silence pendant un moment, gravissant une pente douce qui serpentait à travers des pins centenaires. L'air devenait plus frais à mesure qu'ils prenaient de l'altitude.
— As-tu déjà perdu quelqu'un, Madara-sama ? demanda soudain Sakura, curieuse malgré elle de connaître ce jeune Madara, si différent du monstre qu'il deviendrait.
Le visage de l'adolescent s'assombrit.
— Trois frères, répondit-il simplement. Deux sur le champ de bataille. Le troisième de maladie.
Sakura savait par ses cours d'histoire que Madara avait eu quatre frères, mais seul Izuna avait survécu jusqu'à l'âge adulte, pour finalement succomber face à Tobirama Senju. C'était cette perte qui avait définitivement brisé Madara et l'avait envoyé sur la voie de la vengeance.
— Je suis désolée, dit-elle avec une sincérité qui sembla le surprendre.
— Ne le sois pas, répliqua-t-il. La mort fait partie de notre monde. Les Senju nous prennent les nôtres, nous prenons les leurs. C'est ainsi depuis des générations. Sakura secoua la tête, incapable de contenir l'indignation qui montait en elle.
— Ça ne devrait pas être ainsi. Ce cycle est insensé.
Dès que les mots quittèrent sa bouche, elle craignit d'être allée trop loin. Mais au lieu de la réprimande attendue, Madara laissa échapper un rire étrange, presque amer.
— Tu parles exactement comme lui, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle.
— Comme qui ? osa demander Sakura, bien qu'elle suspectât déjà la réponse. Madara sembla hésiter, puis secoua la tête.
— Peu importe. C'était quelqu'un que j'ai connu autrefois. Un idéaliste, comme toi.
Avant qu'elle ne puisse insister, Kaito réapparut, mettant fin à leur conversation.
Il hocha respectueusement la tête vers Madara.
— Merci de l'avoir surveillée, Madara-sama.
— Ce n'était pas une corvée, répondit l'adolescent, son regard s'attardant sur Sakura avec une curiosité nouvelle. Ta fille est... intéressante.
Sur ces mots énigmatiques, il s'éloigna pour rejoindre l'avant-garde.
Kaito observa sa fille avec une expression indéchiffrable.
— De quoi parliez-vous ?
— De la guerre, répondit honnêtement Sakura. Et des personnes que nous avons perdues.
Son père soupira, passant une main fatiguée sur son visage.
— Madara-sama n'est pas comme les autres héritiers du clan. Il réfléchit trop. Comme toi.
Il y avait quelque chose dans son ton – était-ce de l'inquiétude ? De la fierté ? Sakura n'aurait su le dire.
— Est-ce mal de réfléchir ? demanda-t-elle innocemment.
— Non, répondit Kaito après un moment. Mais c'est dangereux dans notre monde. Les penseurs remettent en question ce qui est. Or, pour un Uchiha, accepter ce qui est constitue notre force et notre survie.
Sakura ne répondit pas, tournant ces paroles dans son esprit. Son père venait sans le savoir d'identifier précisément ce qui avait conduit les Uchiha à leur perte dans sa ligne temporelle originale : leur incapacité à évoluer, à remettre en question leur place dans un monde changeant.
***
Dix jours après leur départ, le clan Uchiha atteignit enfin sa destination. Au cœur d'une vallée étroite, protégée par d'imposantes falaises sur trois côtés, s'étendait une forêt dense d'arbres aux feuillages rougeoyants. Une rivière aux eaux claires traversait la vallée, offrant une eau pure et l'opportunité de pêcher. C'était un emplacement stratégique parfait : facile à défendre, riche en ressources, et suffisamment isolé pour leur permettre de se reconstruire.
— Nous établirons le campement au centre de la vallée, annonça Tajima lors du conseil de guerre improvisé. Les familles au cœur, les guerriers en périphérie. Je veux un système de surveillance permanente, avec des relais de Sharingan couvrant chaque angle d'approche.
Le campement prit forme avec une efficacité remarquable. En deux jours à peine, des tentes structurées remplacèrent le chaos du voyage, des zones communes furent délimitées, et des patrouilles organisées.
Les Uchiha avaient manifestement l'habitude de ces déplacements forcés.
Kaito et Sakura se virent attribuer une tente modeste mais privée, un privilège accordé en reconnaissance du sacrifice d'Hanae. Leur nouvel espace était spartiate : deux futons, un petit brasero pour les nuits froides, et une malle contenant leurs rares possessions.
Le soir de leur installation, Sakura observait son père qui, assis en tailleur, nettoyait méthodiquement ses armes - un rituel qu'il effectuait chaque soir, comme si la routine pouvait tenir à distance la douleur.
— Chichi, commença-t-elle doucement. Qu'allons-nous faire maintenant ?
Kaito leva les yeux de son katana, semblant surpris par la question.
— Nous survivons, répondit-il simplement. Nous nous renforçons. Et nous attendons.
— Nous attendons quoi ?
Un éclair de quelque chose – peut-être de la culpabilité ? – traversa son regard avant qu'il ne se reconcentre sur la lame qu'il polissait.
— La prochaine bataille, admit-il. Les Senju ne nous laisseront pas en paix bien longtemps. Et nous devons être prêts à les repousser.
Sakura acquiesça lentement, bien que son cœur se serrait à cette perspective. Encore plus de morts, encore plus d'orphelins comme elle. Le cycle sans fin de la haine.
— Mais en attendant, poursuivit Kaito avec une douceur inattendue, nous devons aussi vivre, Sakura. Ta mère n'aurait pas voulu que nous ne fassions qu'attendre la mort.
Il posa son arme et, dans un geste rare depuis la mort d'Hanae, tendit la main pour caresser les cheveux de sa fille.
— Demain, ton entraînement reprendra. Plus intensif qu'avant. Non pas parce que le clan l'exige, mais parce que je ne supporterais pas de te perdre aussi.
Sakura sentit les larmes lui monter aux yeux, mais les retint. Cette vulnérabilité soudaine chez son père la touchait profondément.
— Je ne te décevrai pas, chichi, promit-elle, sa voix d'enfant chargée d'une détermination adulte. Je deviendrai forte.
Ce qu'elle ne dit pas, c'est pour quelle raison elle voulait cette force. Pas pour perpétuer le cycle de haine, mais pour avoir une chance de le briser. Pour protéger ceux qu'elle aimait dans cette nouvelle vie, mais aussi pour changer le destin tragique qui attendait les Uchiha – et Madara en particulier.
Cette nuit-là, allongée sur son futon, Sakura contempla le plafond de toile de leur tente, écoutant la respiration régulière de son père endormi. Un plan commençait à se former dans son esprit. Un plan audacieux, peut-être impossible, mais qui pourrait, si elle réussissait, altérer le cours de l'histoire.
Pour cela, elle aurait besoin non seulement de force, mais aussi d'influence. Et le chemin vers l'influence commencerait par gagner le respect des membres les plus puissants du clan. À commencer par le jeune héritier qui, sans le savoir, portait déjà en lui les graines de la destruction qui définirait un jour son nom : Madara Uchiha.
***
Les premières lueurs de l'aube filtraient à travers la toile de la tente lorsque Sakura fut réveillée par son père. Sans un mot, il lui tendit un petit paquet enveloppé dans un tissu usé.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle, encore ensommeillée.
— Ouvre-le, répondit-il simplement.
À l'intérieur, elle découvrit une tenue d'entraînement neuve, aux couleurs traditionnelles du clan – bleu nuit et noir, avec le symbole de l'éventail cousu soigneusement dans le dos. Le tissu était résistant mais souple, conçu pour le combat.
— C'était censé être ton cadeau d'anniversaire, expliqua Kaito, une pointe de tristesse dans la voix. Ta mère l'avait commandé il y a des mois.
Sakura caressa doucement le tissu, imaginant Hanae en train de choisir méticuleusement le matériau, de prendre ses mesures pendant son sommeil pour que la surprise soit complète.
— Elle est parfaite, murmura-t-elle, la gorge serrée.
— Mets-la, dit Kaito. Aujourd'hui, tu commences un nouvel entraînement.
Tandis qu'elle enfilait la tenue, Sakura remarqua qu'elle était légèrement trop grande pour elle.
— Tu grandiras dedans, affirma son père, comme s'il lisait dans ses pensées. Hanae a toujours eu un don pour anticiper l'avenir.
Une fois habillée, Sakura suivit son père à travers le campement qui s'éveillait progressivement.
Quelques Uchiha étaient déjà actifs, préparant des repas, affûtant des armes, ou méditant silencieusement. Plusieurs d'entre eux inclinèrent respectueusement la tête sur leur passage – un hommage à la veuve d'Hanae et à sa fille.
Ils atteignirent une petite clairière à la lisière du campement, suffisamment isolée pour s'entraîner sans être dérangés, mais assez proche pour rester en sécurité. À leur grande surprise, quelqu'un les y attendait déjà.
— Madara-sama, salua Kaito avec une surprise évidente.
L'adolescent se tenait au centre de la clairière, les bras croisés. Ses cheveux noirs en bataille contrastaient avec sa peau pâle dans la lumière matinale.
— Kaito-san, répondit-il avec un hochement de tête. J'espère que ma présence ne dérange pas.
— Bien sûr que non, mais... puis-je demander la raison de votre visite ?
Madara tourna son regard vers Sakura, l'observant avec une intensité qui lui rappelait étrangement le Madara adulte qu'elle avait affronté.
— J'ai parlé à mon père de ta fille, expliqua-t-il. De son Sharingan précoce et de sa... perspective unique.
Il fit une pause, semblant choisir soigneusement ses mots.
— Tajima-sama pense, et je suis d'accord, qu'un talent comme le sien mérite une attention particulière. Avec votre permission, j'aimerais superviser une partie de son entraînement.
La stupéfaction figea Kaito un instant.
C'était un honneur sans précédent – l'héritier du clan offrant personnellement son tutorat à une enfant qui, bien que prometteuse, n'appartenait pas à la branche principale des Uchiha.
— C'est... nous sommes honorés, Madara-sama, finit-il par articuler. Mais puis-je demander pourquoi ?
Un sourire énigmatique étira les lèvres de Madara.
— Disons que j'ai mes raisons, répondit-il. Alors, acceptez-vous ? Kaito regarda sa fille, puis l'héritier Uchiha, visiblement partagé entre la fierté et une inquiétude diffuse.
— Ce n'est pas à moi de décider, dit-il finalement. C'est à Sakura.
Tous les regards se tournèrent vers la petite fille qui, intérieurement, n'en était pas une.
Sakura comprenait parfaitement l'importance de ce moment. C'était une opportunité inespérée de se rapprocher de Madara, de comprendre ce qui le façonnerait, et peut-être, d'influencer son chemin. Mais c'était aussi dangereux. Plus elle passerait de temps avec lui, plus elle risquait de révéler sa véritable nature – ce savoir du futur qui ne devait jamais être découvert. Le risque en valait-il la peine ?
Pour changer le destin du clan Uchiha, pour éviter la tragédie que je connais, je dois prendre ce risque, décida-t-elle.
Sakura s'inclina profondément devant Madara, dans un geste formel qui surprit les deux hommes.
— Ce serait un honneur d'apprendre de vous, Madara-sama, dit-elle avec toute la solennité dont une enfant de six ans pouvait faire preuve.
Les yeux de Madara brillèrent d'une lueur approbatrice, presque amusée.
— Bien, déclara-t-il. Nous commencerons par évaluer tes capacités actuelles. Montre-moi ce que tu sais faire.
Tandis que Sakura se mettait en position de combat, elle sentit une étrange excitation monter en elle. Son corps était celui d'un enfant, mais son esprit contenait les techniques et l'expérience d'une kunoichi d'élite. Elle devrait marcher sur une ligne fine – montrer suffisamment de talent pour justifier l'intérêt de Madara, mais pas au point d'éveiller les soupçons.
Un jeu dangereux commençait, un jeu où l'enjeu n'était rien de moins que l'avenir du monde shinobi. Et peut-être, au fond d'elle-même, Sakura admettait-elle une autre motivation : la simple curiosité de connaître ce Madara d'avant la chute, ce garçon qui, selon la légende, avait un jour rêvé de paix aux côtés de Hashirama Senju.
— Commence par me montrer ta position de base, ordonna Madara, se tenant au centre de la clairière, bras croisés.
Sakura prit une profonde inspiration. C'était le moment d'être stratégique. Elle adopta la posture de combat classique des Uchiha que Kaito lui avait enseignée – jambe droite légèrement en retrait, poids équilibré, mains positionnées pour former rapidement des mudras. Elle y intégra délibérément quelques imperfections : une légère tension dans les épaules, un angle un peu trop prononcé du coude gauche. Madara l'observa avec un œil critique, circulant lentement autour d'elle.
Sans prévenir, il donna un coup léger sur son coude.
— Trop rigide ici, commenta-t-il. Et tes épaules sont trop hautes. Tu gaspilles de l'énergie.
Il se plaça derrière elle, ajustant sa posture avec une précision étonnante. Ses corrections étaient efficaces mais pas condescendantes – il la traitait comme une élève sérieuse malgré son jeune âge.
— Mieux, approuva-t-il après quelques ajustements. Maintenant, montre-moi comment tu lances un kunai.
Sakura prit l'arme que lui tendait son père. Le poids lui semblait différent de ceux qu'elle avait maniés dans sa vie précédente – plus lourd, plus brut. Les kunai de cette époque n'avaient pas la finition standardisée de ceux de Konoha.
Elle visa un arbre à dix mètres et lança. Le kunai se ficha dans le tronc, pas exactement au centre mais suffisamment proche pour démontrer une précision inhabituelle pour une enfant de six ans.
Le regard de Madara s'attarda sur le kunai, puis revint sur elle avec une curiosité renouvelée.
— Ta coordination œil-main est remarquable, observa-t-il. Même sans activer ton Sharingan.
— Mon père m'a beaucoup entraînée, répondit Sakura, jetant un regard reconnaissant à Kaito.
— Hmm. Et tes jutsus ? Que maîtrises-tu déjà ?
C'était une question délicate. Dans sa vie précédente, Sakura avait maîtrisé de nombreuses techniques, certaines d'un niveau jōnin. Mais une enfant de six ans, même prodige, aurait à peine commencé à manipuler son chakra pour les jutsus les plus basiques.
— Je peux produire une petite boule de feu, affirma-t-elle avec une humilité calculée. Pas aussi grande que celle des adultes, mais…
— Montre-moi, l'interrompit Madara.
Sakura forma les mudras du Katon Goukakyuu no Jutsu, la technique emblématique des Uchiha. Elle modula consciemment son chakra, réduisant son flux pour produire une boule de feu modeste mais bien formée, qui s'éleva dans les airs avant de se dissiper.
À sa surprise, Madara sourit – un sourire sincère qui le rajeunissait considérablement.
— Intéressant, dit-il. La plupart des enfants de ton âge produisent à peine de la fumée à leur premier essai. Ton affinité avec le feu est forte.
Il se tourna vers Kaito.
— A-t-elle commencé l'entraînement aux genjutsus ?
— Pas encore, répondit Kaito. Je pensais attendre qu'elle développe davantage son Sharingan.
Madara secoua la tête.
— C'est une erreur commune chez les nôtres. Le Sharingan amplifie notre aptitude naturelle aux illusions, mais cette aptitude doit être cultivée d'abord. Sinon, quand le doujutsu atteint sa maturité, le genjutsu reste sous-développé.
Il se tourna vers Sakura.
— Nous travaillerons sur les bases du genjutsu. Ton affinité avec le chakra est prometteuse, et avec ton second tomoe déjà présent, tu pourrais progresser rapidement.
L'adolescent se redressa, adoptant une posture plus formelle.
— Voici comment nous procéderons : ton père continuera ton entraînement quotidien de base. Deux fois par semaine, en fin d'après-midi, tu me rejoindras ici pour des sessions spécifiques sur le Sharingan et les techniques avancées.
Kaito s'inclina respectueusement.
— C'est plus que généreux, Madara-sama.
— Ce n'est pas de la générosité, corrigea Madara avec une franchise déconcertante. C'est un investissement pour le clan. Des temps difficiles nous attendent, et nous aurons besoin de chaque Uchiha talentueux.
Son regard s'attarda sur Sakura avec une intensité qui la mit mal à l'aise.
— Surtout ceux qui voient le monde... différemment.
Sur ces paroles énigmatiques, il prit congé, laissant Kaito et Sakura seuls dans la clairière.
— Eh bien, soupira son père après un long silence. Il semble que tu aies fait une impression sur l'héritier Uchiha.
— Est-ce une bonne chose ? demanda Sakura, sincèrement incertaine.
Kaito caressa pensivement sa barbe naissante.
— Je ne sais pas, admit-il. L'attention des puissants est une lame à double tranchant. Mais refuser aurait été un affront.
Il s'agenouilla pour être à son niveau, posant ses mains sur ses épaules avec une gravité inhabituelle.
— Écoute-moi bien, Sakura. Madara-sama est l'avenir de notre clan. Son talent est... extraordinaire. Terrifiant, même. Mais il est aussi imprévisible. Apprends tout ce qu'il peut t'enseigner, mais garde toujours une part de toi-même en réserve. Comprends-tu ?
Sakura hocha solennellement la tête, surprise par cet avertissement à peine voilé. Son père, loyal au clan jusqu'à la moelle, venait implicitement de la mettre en garde contre l'héritier Uchiha.
— Oui, chichi. Je comprends.
— Bien, sourit-il, ébouriffant ses cheveux. Maintenant, reprenons là où nous nous étions arrêtés avant... tout cela. Cinquante flexions, puis nous travaillerons sur tes enchaînements de taijutsu.
***
Les jours se transformèrent en semaines, et un rythme s'installa dans la vie de Sakura. Chaque matin, elle s'entraînait avec son père, perfectionnant les bases du ninjutsu et du taijutsu. Les après-midis étaient consacrés aux tâches quotidiennes du clan – aider à la cuisine commune, apprendre les plantes médicinales avec les femmes plus âgées, ou écouter les anciens raconter l'histoire des Uchiha aux enfants rassemblés.
Ces moments ordinaires lui offraient des aperçus précieux de la vie quotidienne du clan, bien loin des récits sombres qui dominaient les livres d'histoire de sa vie précédente. Les Uchiha n'étaient pas seulement des guerriers redoutables ; ils étaient aussi des artisans habiles, des conteurs passionnés, et des familles unies par des liens plus profonds que le simple sang.
Deux fois par semaine, comme convenu, elle rejoignait Madara pour des sessions d'entraînement spéciales. Ces moments étaient devenus à la fois les plus stimulants et les plus périlleux de sa nouvelle existence. Un après-midi particulièrement chaud de la fin de l'été, ils travaillaient sur la perception visuelle améliorée du Sharingan.
Assis face à face dans la clairière devenue leur espace d'entraînement habituel, ils avaient chacun activé leur doujutsu.
— L'erreur la plus courante avec le Sharingan, expliquait Madara, est de trop dépendre de sa capacité à percevoir le mouvement. Le véritable pouvoir réside dans sa capacité à voir le chakra lui-même. Il forma un mudra simple, produisant une petite flamme sur sa paume.
— Regarde au-delà du feu. Que vois-tu ? Sakura plissa les yeux, concentrant son Sharingan immature. Autour de la flamme, elle distinguait des filaments bleutés – le chakra pur qui alimentait le jutsu.
— Je vois... des lignes de chakra, comme des fils tissés autour de la flamme.
— Bien, approuva Madara. Maintenant, concentre-toi sur le motif. Chaque jutsu a une signature unique, une empreinte de chakra que le Sharingan peut mémoriser et reproduire.
Sakura observa attentivement, captant les subtilités du flux énergétique. C'était fascinant – dans sa vie précédente, même en travaillant aux côtés de Sasuke, elle n'avait jamais compris si intimement le fonctionnement du Sharingan.
— C'est comme une... danse, murmura-t-elle, absorbée par sa vision. Le chakra change constamment, mais suit toujours le même motif de base. Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Madara.
— Exactement. C'est cette compréhension qui nous permet de copier les techniques ennemies. Mais aussi…
Il fit un geste brusque de la main et la flamme se transforma soudainement, passant du rouge-orange au bleu pâle.
— ...de les modifier, de les améliorer. Le Sharingan ne se contente pas de copier ; il comprend, et ce qui est compris peut être transformé.
Sakura écarquilla les yeux, sincèrement impressionnée. Cette application subtile du doujutsu n'était mentionnée dans aucun des textes qu'elle avait étudiés à Konoha.
— Est-ce ainsi que les Uchiha ont développé tant de variations du Katon ? Demanda-t-elle.
Madara éteignit la flamme, la regardant avec une approbation évidente.
— Tu poses les bonnes questions, Sakura. Oui, c'est l'une des façons dont notre clan a affiné ses techniques au fil des générations. Nous observons, nous comprenons, nous adaptons.
Il désactiva son Sharingan, signalant une pause dans l'entraînement.
Sakura fit de même, sentant le soulagement habituel quand la pression sur ses réserves de chakra diminuait.
— Tu progresses plus vite que je ne l'avais anticipé, commenta-t-il en lui tendant une gourde d'eau. Ton second tomoe est maintenant pleinement développé dans ton œil droit, et je vois les prémices du premier dans ton œil gauche.
Sakura but une longue gorgée, consciente de l'honneur implicite dans ces paroles. Pour les Uchiha, le développement du Sharingan était la mesure ultime du potentiel.
— J'ai un bon professeur, répondit-elle simplement.
Madara l'observa avec une expression indéchiffrable.
— Tu sais, dit-il après un moment, tu me rappelles quelqu'un.
— Qui ça ? demanda-t-elle, curieuse malgré sa prudence habituelle.
L'adolescent sembla hésiter, comme s'il regrettait d'avoir ouvert cette porte.
— Mon plus jeune frère, Takuma, finit-il par répondre. Il aurait à peu près ton âge maintenant. Il posait toujours des questions qui déstabilisaient les adultes.
Sakura sentit son cœur se serrer. Elle n'avait jamais entendu parler d'un frère nommé Takuma dans les récits historiques. Un autre nom effacé par le temps et les tragédies.
— Qu'est-ce qui lui est arrivé ? osa-t-elle demander, bien qu'elle suspectât la réponse.
Le visage de Madara se ferma, une ombre passant sur ses traits.
— Fièvre hivernale. Il y a deux ans. Les médecins n'ont rien pu faire.
Il se leva brusquement, tournant le dos à Sakura.
— Ça suffit pour aujourd'hui. Demain, nous commencerons les bases du genjutsu. Prépare-toi : ce sera exigeant.
Sans attendre sa réponse, il s'éloigna à grands pas, la laissant seule avec ses pensées.
Sakura resta assise un moment, méditant sur cette révélation. Ce bref aperçu de vulnérabilité chez Madara était précieux. Le futur adversaire d'Hashirama, l'homme qui déclarerait un jour la guerre au monde entier, était encore capable de s'émouvoir au souvenir d'un petit frère perdu. Elle comprenait mieux maintenant pourquoi il avait accepté de l'entraîner – elle lui rappelait un être cher disparu.
Cette connexion émotionnelle pourrait être sa meilleure chance d'influencer le cours de son destin. Mais à mesure qu'elle se rapprochait de lui, une question troublante germait dans son esprit : et si, en essayant de changer Madara, c'était elle qui finissait par changer ? Si elle commençait à voir le monde à travers les yeux des Uchiha, à ressentir leurs pertes et leurs rancœurs comme les siennes ?
Où s'arrêterait l'acte et où commencerait la vérité ?
***
L'automne transforma la vallée en un kaléidoscope de rouges et d'ors. Le campement Uchiha s'était progressivement organisé en une structure semi-permanente – les tentes remplacées par des cabanes en bois pour l'hiver approchant, des zones d'entraînement clairement délimitées, et des routines établies pour la chasse, la garde et l'entraînement.
Un matin frais d'octobre, Sakura aidait à la cuisine communautaire, préparant des provisions pour les équipes de patrouille, quand un tumulte soudain attira son attention. Des cris et des ordres retentissaient près de l'entrée principale du campement.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle à Naori, une femme d'âge moyen qui supervisait la cuisine.
— Des éclaireurs reviennent, répondit celle-ci, fronçant les sourcils en direction du bruit. Et vu l'agitation, ils ne rapportent pas de bonnes nouvelles.
Sakura s'essuya les mains et, prétextant un besoin de chercher plus d'eau, se dirigea vers la source du tumulte.
Au centre d'un cercle de guerriers Uchiha se tenaient trois éclaireurs, leurs vêtements déchirés et couverts de sang séché. L'un d'eux était soutenu par ses compagnons, visiblement incapable de tenir debout seul.
— Une embuscade, expliquait le plus âgé des trois à Tajima Uchiha. À la passe Est. Nous étions six. Seuls nous trois avons survécu.
— Les Senju ? demanda Tajima, son visage impassible mais ses yeux brillant d'une fureur contenue. L'éclaireur secoua la tête.
— Non, Tajima-sama. C'étaient des Hagoromo.
Un murmure surpris parcourut l'assemblée.
Sakura, cachée derrière un groupe de guerriers, sentit son cœur s'accélérer. Le clan Hagoromo – elle connaissait ce nom par ses études historiques. Un clan mineur mais ancien, spécialisé dans les techniques de terre et les armes à longue portée.
— Les Hagoromo n'ont jamais représenté une menace sérieuse, déclara un Ancien avec dédain. Pourquoi nous attaqueraient-ils maintenant ?
— Ils étaient équipés d'armes Senju, intervint le blessé, sa voix faible mais claire. Et ils portaient des armures forgées dans un style qui n'est pas le leur.
Tajima plissa les yeux, comprenant immédiatement les implications.
— Butsuma a engagé les clans mineurs contre nous, conclut-il.
Une tactique lâche, mais efficace. Il espère nous épuiser sans risquer ses propres hommes.
Il se tourna vers son fils aîné, qui se tenait silencieusement à ses côtés.
— Madara, prépare une équipe de frappe. Dix guerriers, pas plus – nous devons rester rapides et discrets. Les Hagoromo doivent comprendre le prix de leur trahison.
— Je veux mener l'attaque, père, répondit Madara, son Sharingan s'activant sous l'effet de l'émotion.
Tajima considéra brièvement la requête, puis hocha la tête.
— Soit. Prends Izuna avec toi. Partez à la tombée de la nuit.
Alors que l'assemblée se dispersait, Sakura resta immobile, le sang glacé dans ses veines. Elle connaissait la réputation des « équipes de frappe » Uchiha de cette époque. Ce n'étaient pas des missions de combat ordinaires – c'étaient des purges, des massacres destinés à terrifier les ennemis du clan. Et Madara, à seulement quinze ans, allait diriger l'une d'elles.
Sans réfléchir, elle se précipita à sa suite, le rattrapant alors qu'il se dirigeait vers l'armurerie.
— Madara-sama ! Il se retourna, surpris par son apparition soudaine.
— Sakura ? Je dois me préparer. Notre séance d'entraînement est annulée pour aujourd'hui.
— Ce n'est pas pour l'entraînement, répondit-elle, respirant profondément pour calmer les battements frénétiques de son cœur. Je... j'ai entendu parler de la mission.
Son expression se durcit immédiatement.
— Tu ne devrais pas écouter aux portes. Ce sont des affaires de guerriers.
— Les Hagoromo ont des enfants, lâcha-t-elle abruptement. Des enfants comme moi.
Madara fronça les sourcils, visiblement déstabilisé par cette remarque inattendue.
— Cela n'a aucune importance. Ils ont fait leur choix en s'alliant aux Senju.
— Les enfants n'ont pas choisi, insista-t-elle, consciente qu'elle marchait sur une ligne dangereuse. Ils ne sont pas responsables des décisions des adultes.
Un silence lourd s'installa entre eux.
Madara l'observait avec une expression indéchiffrable, quelque part entre la colère et la confusion.
— Pourquoi me dis-tu cela ? demanda-t-il finalement, sa voix étrangement calme.
Sakura chercha ses mots avec soin. Ce moment pourrait être crucial – elle ne pouvait pas se permettre de simplement plaider pour la pitié, qui n'aurait aucun poids dans ce monde brutal. Elle devait parler le langage que Madara comprendrait.
— Parce que vous m'avez dit que le véritable pouvoir du Sharingan est de comprendre, pas seulement de détruire, répondit-elle lentement. Si vous tuez leurs enfants, vous créerez une nouvelle génération qui nous haïra, comme nous haïssons les Senju. Le cycle ne finira jamais.
Madara la fixa intensément, son Sharingan toujours activé, comme s'il essayait de lire au-delà de ses paroles.
— Tu parles comme une adulte, Sakura, pas comme une enfant de six ans.
Elle soutint son regard, acceptant le risque.
— J'ai vu ma mère mourir. Cela fait grandir rapidement.
Quelque chose dans l'expression de Madara changea – une fissure infime dans son masque d'héritier impitoyable.
— Que suggères-tu alors ? Que nous laissions l'attaque des Hagoromo impunie ?
— Non, répondit-elle fermement. Mais punissez ceux qui ont pris la décision, pas ceux qui n'ont pas eu leur mot à dire. Ce serait... stratégiquement plus judicieux.
À sa grande surprise, un sourire lent étira les lèvres de l'adolescent.
— Stratégiquement plus judicieux, répéta-t-il, presque amusé. Tu as un esprit intéressant, petite Uchiha.
Il s'accroupit pour se mettre à son niveau, son Sharingan se désactivant pour révéler ses yeux noirs habituels.
— Je ne peux pas promettre que cette mission sera sans sang, Sakura. C'est la guerre, et notre clan doit démontrer sa force. Mais…
Il hésita, semblant lutter intérieurement.
— Je considérerai tes paroles. Les enfants Hagoromo ne sont pas notre cible principale.
C'était une concession mineure, presque insignifiante dans le contexte brutal de cette époque. Pourtant, Sakura sentit un frisson d'espoir la parcourir. C'était un début – infime, fragile, mais un début néanmoins.
— Merci, Madara-sama, murmura-t-elle, s'inclinant profondément.
Il se redressa, reprenant son masque de chef implacable.
— Ne parle à personne de cette conversation, ordonna-t-il. Pas même à ton père. Compris ?
Elle acquiesça solennellement.
— Compris. Il lui tourna le dos, reprenant sa marche vers l'armurerie, mais s'arrêta après quelques pas.
— Sakura, appela-t-il sans se retourner. Quand je reviendrai, nous travaillerons sur ton genjutsu. Ta compréhension du monde... mérite d'être développée.
Sur ces paroles ambiguës, il s'éloigna, laissant Sakura seule avec la sensation troublante d'avoir peut-être, pour la première fois, légèrement infléchi le cours du destin. Mais à quel prix ? En révélant une maturité qui ne correspondait pas à son âge apparent, elle venait d'éveiller davantage la curiosité de Madara. Ses soupçons grandiraient inévitablement avec le temps.
Chaque victoire a son coût, pensa-t-elle, regardant la silhouette de l'adolescent disparaître au détour d'une cabane. Je dois juste espérer que le prix final ne sera pas trop élevé.
***
Trois jours passèrent sans nouvelles de l'équipe de frappe. Le campement fonctionnait normalement en apparence, mais une tension sous-jacente était palpable. Les patrouilles avaient été doublées, et les entraînements des jeunes guerriers intensifiés.
Sakura poursuivait sa routine quotidienne, mais son esprit restait focalisé sur Madara et sa mission. Avait-il tenu compte de ses paroles ? Ou les avait-il oubliées dès qu'il avait quitté le campement, emporté par la frénésie guerrière des Uchiha ?
Le soir du troisième jour, alors qu'elle aidait son père à préparer leur modeste repas, des cris d'alerte retentirent à l'entrée du campement. Kaito se leva d'un bond, main sur son katana.
— Reste ici, ordonna-t-il avant de se précipiter dehors.
Sakura attendit exactement trente secondes avant de le suivre discrètement. Si ses années en tant que kunoichi lui avaient appris une chose, c'était que l'information était aussi vitale que le chakra.
Un attroupement s'était formé près de la porte principale. Se faufilant entre les jambes des adultes, elle parvint à apercevoir la source de l'agitation : l'équipe de Madara était de retour. Les dix guerriers, tous présents, portaient les marques du combat – vêtements tachés de sang, armures cabossées – mais aucune blessure grave n'était visible. Et au centre, marchant côte à côte, Madara et Izuna, leurs visages impassibles masquant toute émotion.
— Rapport, exigea Tajima, qui s'était avancé pour accueillir son fils.
— Mission accomplie, répondit sobrement Madara. Le clan Hagoromo a reçu notre message.
— Pertes ennemies ?
— Vingt-trois guerriers confirmés. Leur chef, Hagoromo Tenma, est parmi les morts.
Un murmure approbateur parcourut l'assemblée. C'était une victoire significative – éliminer le chef d'un clan, même mineur, était un coup dévastateur.
— Aucun des nôtres n'est tombé, poursuivit Madara. Deux blessés légers, déjà traités sur place.
Tajima hocha la tête, satisfait.
— Bien. Très bien. Tu as honoré ton clan, mon fils.
La foule commença à se disperser, les guerriers étant accueillis par leurs familles soulagées. Sakura, toujours cachée dans l'ombre, observait attentivement Madara. Quelque chose dans son attitude lui semblait... différent. Une tension subtile, une rigidité inhabituelle dans sa posture.
Alors qu'il passait près de sa cachette, leurs regards se croisèrent brièvement. Il ralentit imperceptiblement, et dans ce moment fugace, elle crut voir une ombre passer dans ses yeux – non pas la satisfaction d'un guerrier victorieux, mais quelque chose de plus complexe, de plus troublé. Puis il détourna le regard et poursuivit son chemin, escorté par un groupe d'Anciens qui le félicitaient pour son succès.
Ce n'est que tard dans la nuit, alors qu'elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, que Sakura entendit un léger grattement à l'entrée de leur cabane. Se levant silencieusement pour ne pas réveiller son père, elle entrouvrit la porte. Sur le seuil se tenait Izuna, le jeune frère de Madara.
À treize ans, son visage portait déjà les marques de la guerre – non pas des cicatrices physiques, mais cette dureté prématurée dans le regard qui caractérisait les enfants-soldats.
— Madara-nii veut te voir, chuchota-t-il. Maintenant.
— Pourquoi ? murmura-t-elle en retour, surprise par cette convocation nocturne. Izuna haussa les épaules.
— Je ne pose pas de questions quand mon frère donne des ordres. Viens, et ne fais pas de bruit.
Jetant un regard à son père endormi, Sakura enfila rapidement un manteau et suivit Izuna dans la nuit. Il la guida à travers le campement silencieux, évitant habilement les patrouilles, jusqu'à une petite clairière isolée en bordure du territoire Uchiha. Madara s'y tenait seul, assis sur un rocher, contemplant le ciel étoilé. À leur approche, il fit un léger signe de tête à son frère, qui disparut aussitôt dans les ombres.
— Tu voulais me voir, Madara-sama ? demanda Sakura, incertaine de la conduite à tenir.
Il ne répondit pas immédiatement, continuant de fixer les étoiles.
— Sais-tu pourquoi les Uchiha sont si puissants, Sakura ? demanda-t-il finalement, sa voix étrangement douce dans le silence nocturne.
— À cause du Sharingan ? répondit-elle, bien que suspectant que la question était plus profonde qu'elle n'y paraissait.
— Non, secoua-t-il la tête. Le Sharingan n'est qu'une manifestation. Notre véritable force vient de notre capacité à ressentir profondément – l'amour, la haine, le chagrin. Plus nous ressentons intensément, plus notre chakra devient puissant.
Il tourna enfin son regard vers elle, et Sakura fut frappée par la vulnérabilité qu'elle y percevait – quelque chose qu'elle n'aurait jamais associé au Madara de sa ligne temporelle.
— Lors de notre mission, commença-t-il lentement, nous avons attaqué le campement Hagoromo au crépuscule. Comme prévu, nous avons ciblé leurs guerriers, leurs chefs. Une victoire rapide, efficace.
Il fit une pause, semblant chercher ses mots.
— Mais avant notre départ, j'ai entendu des pleurs. Des enfants cachés dans une structure souterraine. La plupart de mes hommes voulaient incendier l'endroit – c'est notre façon habituelle de s'assurer qu'aucun ennemi ne survive pour se venger.
Sakura sentit son cœur s'arrêter. Avait-il... ?
— Je les en ai empêchés, poursuivit-il, sa voix à peine audible. J'ai ordonné que la structure soit laissée intacte. Certains de mes hommes n'ont pas compris. Izuna non plus, d'ailleurs.
Il tourna son visage vers elle, ses yeux reflétant la lumière des étoiles.
— Je ne comprends pas moi-même pourquoi je l'ai fait. Les paroles d'une enfant de six ans ne devraient pas influencer les décisions d'un chef de guerre.
Sakura resta silencieuse, comprenant l'importance de ce moment. Madara Uchiha, futur leader du clan, venait d'agir contre les traditions guerrières des Uchiha – des traditions vieilles de générations.
— Peut-être, osa-t-elle finalement, que vous avez écouté votre propre cœur, pas seulement mes paroles.
Un sourire triste effleura ses lèvres.
— Mon cœur ? Les Uchiha ne sont pas censés écouter leur cœur au combat. Seulement leur fureur, leur haine. C'est ce que mon père m'a enseigné.
Il se leva, faisant les cent pas devant elle, visiblement troublé.
— Ce qui me perturbe, c'est que je ne regrette pas ma décision. Nous avons accompli notre mission, vengé nos morts, mais sans créer une nouvelle génération d'orphelins qui nous maudiront.
Il s'arrêta brusquement, se tournant vers elle avec une intensité qui la fit presque reculer.
— Comment une enfant comme toi peut-elle comprendre des choses que des guerriers trois fois plus âgés ne saisissent pas ?
C'était la question que Sakura redoutait depuis le début – cette reconnaissance de son anomalie, de la dissonance entre son apparence enfantine et sa sagesse intérieure. Elle devait naviguer avec la plus grande prudence.
— Peut-être que c'est justement parce que je suis une enfant, répondit-elle doucement. Les enfants voient le monde tel qu'il est, pas tel que la tradition dit qu'il devrait être.
Cette réponse sembla l'apaiser, ou du moins lui donner matière à réflexion. Il s'assit à nouveau sur le rocher, lui faisant signe de le rejoindre. Sakura s'installa à ses côtés, contemplant avec lui les étoiles qui parsemaient le ciel d'automne.
— J'ai connu quelqu'un, autrefois, qui parlait comme toi, dit-il finalement. Un garçon d'un autre clan qui rêvait d'un monde sans guerres incessantes.
Sakura sentit son cœur s'accélérer.
Hashirama.
Il parlait d'Hashirama Senju, son futur rival et partenaire dans la fondation de Konoha.
— Qu'est-il arrivé à ce garçon ? osa-t-elle demander. Le visage de Madara s'assombrit.
— La réalité s'est produite. Nous avons découvert que nous étions censés être ennemis. Que nos familles s'entretuaient depuis des générations.
— Mais vous étiez amis malgré tout, n'est-ce pas ? insista-t-elle, sachant qu'elle s'aventurait en territoire dangereux.
Madara la fixa longuement, comme s'il cherchait à déterminer comment elle pouvait être au courant de cette amitié cachée.
— Nous pensions pouvoir changer le monde, admit-il finalement, sa voix teintée d'un regret que Sakura n'avait jamais entendu chez le Madara adulte. Nous étions jeunes et naïfs.
— Peut-être n'étiez-vous pas naïfs, suggéra-t-elle doucement. Peut-être étiez-vous juste... en avance sur votre temps. Un rire sans joie lui échappa.
— En avance sur notre temps ? Ou complètement déconnectés de la réalité ? La paix n'est qu'un rêve d'enfant, Sakura. Le monde shinobi est fait de sang et de trahison. C'est une leçon que j'ai apprise à mes dépens.
Sakura pouvait sentir le fil ténu de l'espoir qui subsistait en lui – cet idéalisme qui, enterré sous des couches de cynisme et de douleur, attendait encore d'être ravivé. Le Madara assis à côté d'elle n'était pas encore l'homme rongé par la haine qu'elle avait affronté. Il hésitait encore entre deux chemins.
— Les rêves d'enfants deviennent parfois la réalité des adultes, dit-elle simplement. Si suffisamment de personnes y croient.
Madara la contempla avec une expression indéchiffrable, quelque part entre l'incrédulité et une curiosité presque affamée.
— Tu es étrange, Sakura Uchiha, déclara-t-il finalement. Je n'arrive pas à déterminer si tu es naïve au point d'en être dangereuse, ou sage au point d'en être inquiétante.
Il se leva, signalant la fin de leur conversation nocturne.
— Garde pour toi ce que je t'ai dit ce soir. Et retourne te coucher – nous avons une séance d'entraînement demain, et je ne serai pas clément si tu manques d'énergie.
Sakura s'inclina respectueusement.
— Oui, Madara-sama. Merci de m'avoir fait confiance.
Alors qu'elle se tournait pour partir, il l'arrêta avec une dernière question.
— Sakura... crois-tu vraiment qu'un monde sans guerres de clans soit possible ? Ou n'est-ce qu'un conte pour apaiser les enfants la nuit ?
Elle le regarda par-dessus son épaule, mesurant soigneusement sa réponse.
— Je crois que ce n'est pas la guerre qui est naturelle, mais la paix. Nous sommes nés pour construire, pas pour détruire. C'est la peur qui nous pousse à combattre, pas notre nature profonde.
Sur ces paroles, elle s'éloigna dans la nuit, laissant Madara seul avec ses pensées et le poids de ses choix.
***
Le premier gel de l'hiver déposa un voile blanc sur la vallée, transformant le campement Uchiha en un paysage cristallin. La vie s'était adaptée au froid – les entraînements se déroulaient désormais dans des espaces couverts, les missions étaient réduites au strict nécessaire, et les nuits s'allongeaient, remplies de récits autour des feux communs.
Pour Sakura, ces trois mois depuis son arrivée dans le nouveau campement avaient été une période de croissance et d'adaptation. Son corps de six ans, bien que toujours limité, avait gagné en force et en agilité grâce à l'entraînement intensif. Son Sharingan s'était développé plus rapidement que prévu – son œil droit arborait maintenant deux tomoe parfaitement formés, tandis que son œil gauche en possédait un.
Mais plus significatif encore était le changement dans sa relation avec Madara. Depuis cette nuit sous les étoiles, une compréhension tacite s'était établie entre eux. Il la traitait moins comme une simple élève et davantage comme une confidente – dans les limites de ce que permettait leur différence d'âge et de statut, bien sûr.
Ce matin hivernal, alors qu'elle s'exerçait à une technique de genjutsu dans la petite cabane qui servait maintenant de dōjō pour les enfants, Izuna fit irruption, son visage habituellement calme marqué par l'excitation.
— Sakura, mon frère te cherche. Tout de suite.
Elle dissipa sa technique, intriguée par cette urgence.
— Que se passe-t-il ?
— Kagami-san est rentré de mission, répondit-il avec une lueur inhabituelle dans les yeux. Et il a demandé à te rencontrer.
Intriguée, elle le suivit à travers le campement jusqu'à la grande structure centrale où Tajima tenait ses conseils. À sa surprise, Izuna ne l'emmena pas à l'intérieur mais la conduisit vers un petit bâtiment adjacent, servant habituellement au stockage des armes précieuses.
Madara l'y attendait, accompagné d'une figure qui fit presque trébucher Sakura sous le choc de la reconnaissance. Un homme grand, aux longs cheveux noirs et au visage marqué par des années de combat, mais portant une expression plus douce que celle de la plupart des guerriers Uchiha. Ses yeux, profondément noirs, reflétaient une sagesse tranquille qui semblait en décalage avec l'époque brutale dans laquelle ils vivaient.
Kagami Uchiha.
L'un des rares Uchiha qui, dans sa ligne temporelle d'origine, était resté loyal à Konoha et avait servi directement sous les ordres du Nidaime Hokage, Tobirama Senju.
Un homme que Sakura n'avait jamais rencontré personnellement, mais dont Tsunade parlait parfois avec un respect évident.
— Sakura, je te présente Kagami Uchiha, annonça Madara. Il revient d'une mission de reconnaissance qui a duré près d'un an.
Elle s'inclina respectueusement, cachant son trouble.
— C'est un honneur, Kagami-sama.
L'homme lui sourit, un geste rare chez les Uchiha de haut rang.
— Alors c'est elle, la jeune prodige dont tu m'as parlé dans tes messages, Madara ? J'avoue que tu n'as pas exagéré – son regard est remarquable, même pour une Uchiha.
Madara hocha la tête, un éclair de fierté traversant son visage.
— Sakura a éveillé son Sharingan à six ans, sans traumatisme déclencheur. Et son développement depuis lors a été... exceptionnel. Kagami s'approcha, s'agenouillant pour être au niveau de Sakura.
Contrairement à la plupart des adultes qui la traitaient avec condescendance, il s'adressait à elle comme à une égale.
— Madara m'a expliqué que tu t'intéresses particulièrement aux applications défensives du Sharingan. C'est inhabituel pour un Uchiha si jeune.
Sakura jeta un regard surpris à Madara. Elle n'avait jamais formulé explicitement cette préférence, bien qu'elle ait effectivement orienté ses questions et ses entraînements vers les aspects protecteurs plutôt qu'offensifs du doujutsu.
— Notre pouvoir peut servir à protéger autant qu'à détruire, répondit-elle prudemment.
— Une perspective sage, approuva Kagami. C'est exactement pourquoi j'ai demandé à te rencontrer. Il se redressa, se tournant vers Madara.
— Tu avais raison de me parler d'elle. Cette enfant a une compréhension qui dépasse son âge.
— Une compréhension pour quoi ? osa demander Sakura, de plus en plus intriguée.
Madara et Kagami échangèrent un regard, comme s'ils évaluaient jusqu'où ils pouvaient se confier.
Finalement, ce fut Madara qui prit la parole.
— Kagami-san et moi-même, ainsi que quelques autres membres du clan, partageons certaines... perspectives qui ne sont pas toujours en accord avec la vision dominante des Uchiha.
— Des perspectives sur quoi ? demanda-t-elle, bien qu'elle commençât à deviner.
— Sur l'avenir de notre clan, répondit Kagami sans ambages. Sur la possibilité d'une existence qui ne serait pas définie uniquement par la guerre perpétuelle.
Cette révélation stupéfia Sakura, non pas tant par son contenu que par l'identité de ceux qui la partageaient. L'histoire officielle qu'elle avait apprise à Konoha n'avait jamais mentionné que Madara lui-même, avant sa rupture avec Hashirama, avait activement cherché des alternatives à la guerre au sein même de son clan.
— Mais... Tajima-sama l'approuve ? demanda-t-elle, incrédule.
Un sourire ironique étira les lèvres de Kagami.
— Disons qu'il tolère nos discussions tant que nous restons discrets et que nous continuons à être utiles au clan sur le champ de bataille. J'ai développé des techniques de barrière et de protection inégalées, et même Tajima reconnaît leur valeur.
Izuna, qui était resté silencieux jusqu'alors, intervint avec une pointe d'impatience.
— Nous ne sommes pas ici pour parler politique clanique. Kagami-san a quelque chose à proposer à Sakura.
Kagami acquiesça, son expression devenant plus sérieuse.
— En effet. Durant ma mission, j'ai recueilli des rouleaux anciens appartenant à notre clan, perdus depuis des générations. Des techniques rares, principalement défensives, qui complètent notre arsenal traditionnel. Tajima-sama m'a autorisé à former un petit groupe d'étude pour les déchiffrer et les maîtriser.
Il regarda Sakura avec une intensité nouvelle.
— Madara pense que tu devrais faire partie de ce groupe. Malgré ton jeune âge, ton contrôle du chakra et ta compréhension du Sharingan te qualifient.
Madara croisa les bras, son visage révélant une tension inhabituelle.
— Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, Sakura. Ces séances d'étude s'ajouteraient à ton entraînement quotidien. Ce serait exigeant, peut-être trop pour quelqu'un de ton âge.
— Mais potentiellement très enrichissant, compléta Kagami. Ces techniques ont été développées à une époque où les Uchiha n'étaient pas seulement des guerriers redoutables, mais aussi des protecteurs.
Le cœur de Sakura battait à tout rompre. Une chance inespérée s'offrait à elle – apprendre des techniques anciennes qui pourraient s'avérer cruciales pour son projet de changer l'avenir du clan, tout en se rapprochant d'un cercle intime incluant Madara et visiblement ouvert à des idées alternatives.
— Ces séances... qui d'autre y participerait ? demanda-t-elle, curieuse de connaître la composition de ce groupe dissident.
— Quelques jeunes prometteurs, répondit Kagami. Et deux Anciens qui partagent notre... curiosité intellectuelle. Un groupe restreint, réuni dans la discrétion.
— Et ton père, bien sûr, ajouta Madara. Kaito-san a accepté de participer également. Cette information la surprit. Son père, si loyal à la tradition du clan, s'impliquant dans un groupe qui semblait remettre en question certains de ses principes fondamentaux ?
— Chichi aussi ?
— La mort de ta mère l'a changé, expliqua doucement Madara. Comme ce genre de perte change chacun d'entre nous.
Une ombre passa sur son visage, rappelant à Sakura les nombreux frères qu'il avait déjà perdus. Kagami s'agenouilla à nouveau devant elle, son expression sérieuse mais bienveillante.
— Écoute-moi bien, petite. Ceci n'est pas seulement une opportunité d'apprentissage. C'est aussi un engagement. Ce que nous étudions, ce que nous discutons parfois... ce n'est pas quelque chose que tous les Uchiha approuveraient. Tu devras faire preuve de discrétion.
— Et de loyauté, ajouta Izuna, parlant pour la première fois directement à Sakura. Envers ceux qui te font confiance.
La mise en garde était claire.
Elle était invitée dans un cercle restreint, presque secret, au sein même du clan. Un privilège rare, mais qui comportait des risques.
— Je comprends, répondit-elle solennellement. Et j'accepte.
Kagami sourit, se relevant.
— Bien. Nous commencerons après-demain, à l'heure du crépuscule. Viens à ma cabane, à l'extrémité est du campement.
Il posa une main légère sur l'épaule de Madara.
— Cette enfant est spéciale, Madara. Veille à ce que son esprit ne soit pas étouffé par nos traditions les plus rigides.
Sur ces mots, il quitta la pièce, suivi par Izuna qui semblait soulagé de mettre fin à cette conversation peu orthodoxe.
Sakura resta seule avec Madara, incertaine de ce qu'il pensait réellement de cette situation. Avait-il délibérément organisé cette rencontre ? Quel était son véritable objectif ?
— Tu te demandes pourquoi je ne t'ai pas parlé plus tôt de Kagami et de notre... cercle, devina-t-il, lisant son expression.
Elle acquiesça silencieusement.
— Parce que j'ignorais moi-même si tu étais prête, admit-il. C'est seulement après notre conversation sous les étoiles que j'ai su que ton esprit était suffisamment ouvert pour y participer sans danger.
Il s'assit sur une caisse en bois, l'invitant à faire de même.
— Notre clan est puissant, Sakura. Mais cette puissance nous a enfermés dans un cycle de haine et de vengeance qui semble sans fin. Certains d'entre nous se demandent s'il existe une autre voie.
— Et vous, Madara-sama ? osa-t-elle demander. Qu'en pensez-vous vraiment ?
Un sourire énigmatique traversa son visage.
— Je pense que tu apprendras des choses précieuses avec Kagami, répondit-il, évitant habilement sa question. Ses techniques sont... uniques. Certaines remontent aux origines mêmes de notre clan, avant que nous ne nous concentrions presque exclusivement sur l'aspect offensif du Sharingan.
Il la regarda droit dans les yeux, avec une intensité qui lui rappela momentanément le Madara adulte de sa ligne temporelle.
— Mais n'oublie jamais que quelles que soient les idées que tu découvres dans ce cercle, notre loyauté ultime va au clan tout entier. Pas seulement à ceux qui pensent comme nous.
Cette mise en garde, prononcée avec une solennité inhabituelle, rappela à Sakura la complexité du personnage qu'était Madara.
Même dans sa recherche d'alternatives à la guerre, il restait profondément attaché à son clan, à son identité d'Uchiha.
— Je comprends, Madara-sama. Le clan passe avant tout.
Il se leva, posant une main sur sa tête dans un geste presque fraternel.
— Bien. Maintenant, retourne à ton entraînement. Nous avons encore une séance cet après-midi, et je ne serai pas plus indulgent parce que tu as été choisie pour le groupe de Kagami.
Sur ces paroles, il quitta la pièce, laissant Sakura seule avec le poids d'une nouvelle responsabilité et l'excitation d'une opportunité inattendue.
***
L'hiver s'installa pleinement sur la vallée, recouvrant le campement Uchiha d'un épais manteau blanc. Malgré le froid mordant, la vie du clan suivait son cours – entraînements, missions, conseils de guerre et, pour Sakura, une nouvelle routine qui incluait désormais les séances avec le groupe de Kagami.
Deux fois par semaine, à la tombée du jour, elle se rendait discrètement à la cabane de Kagami, située à l'extrémité est du campement.
Là, un petit groupe se réunissait pour étudier les rouleaux anciens qu'il avait rapportés de sa mission. Le groupe était étonnamment diversifié : Kagami lui-même, bien sûr ; son père, Kaito ; Naori, la femme qui supervisait souvent la cuisine communautaire mais qui, Sakura le découvrit, était aussi une spécialiste des sceaux de protection ; deux Anciens aux visages sévères mais aux yeux curieux ; et occasionnellement, Madara ou Izuna, selon leurs disponibilités.
Ce soir-là, alors que la neige tombait doucement à l'extérieur, ils étaient penchés sur un rouleau particulièrement ancien, sa calligraphie presque effacée par le temps.
— Ce passage décrit une technique de barrière qui, contrairement à nos méthodes actuelles, ne vise pas à bloquer l'ennemi, mais à dévier son intention hostile, expliquait Kagami, son doigt suivant les caractères à demi effacés. L'auteur la compare à l'eau qui contourne la pierre plutôt que de tenter de la briser.
— Cela semble inefficace, grommela l'un des Anciens, Takeo. Une barrière doit être infranchissable ou ne pas être.
— Pas nécessairement, intervint Sakura, oubliant momentanément son statut d'enfant supposée être vue mais pas entendue.
Tous les regards se tournèrent vers elle, certains surpris, d'autres intrigués.
Kagami lui fit un signe encourageant.
— Continue, Sakura. Quelle est ta pensée ?
Elle déglutit, rassemblant son courage.
— Si l'ennemi est déterminé, il finira toujours par trouver un moyen de briser une barrière conventionnelle, quel que soit sa puissance. Mais s'il ne réalise pas que son intention a été détournée, il pourrait ne jamais comprendre qu'il a été manipulé.
Un silence suivit sa déclaration, brisé finalement par le rire appréciateur de Kagami.
— Par les ancêtres, cette enfant a une compréhension instinctive des principes fondamentaux du genjutsu défensif ! C'est exactement ce que décrit ce rouleau – une technique qui, plutôt que d'opposer une résistance directe, influence subtilement la perception et l'intention de l'adversaire.
Naori observait Sakura avec un intérêt accru.
— Ces concepts ne sont généralement pas enseignés avant l'adolescence. Où as-tu développé cette compréhension, petite ?
Sakura sentit un frisson d'alarme. Elle devait être prudente – sa connaissance des principes avancés du genjutsu venait de sa formation avec Tsunade et Kakashi, dans une vie qui n'existait pas encore.
— J'écoute beaucoup, répondit-elle simplement. Et j'observe.
Kaito intervint, une fierté évidente dans sa voix.
— Ma fille a toujours eu une intelligence inhabituelle. Même avant l'éveil de son Sharingan, elle comprenait des concepts que la plupart des enfants ne saisissent pas avant des années.
Cette explication sembla satisfaire le groupe, et l'attention se reporta sur le rouleau.
Mais Sakura surprit le regard pensif de Madara, assis dans un coin de la pièce. Il l'observait avec une intensité troublante, comme s'il essayait de résoudre une énigme particulièrement complexe.
La séance se poursuivit, passant de la théorie à la pratique. Sous la guidance de Kagami, ils tentèrent de reproduire les signes complexes décrits dans le rouleau, adaptant l'ancien jutsu aux techniques modernes des Uchiha.
— L'essence de cette méthode, expliquait Kagami tout en formant une série de mudras, est de fusionner notre contrôle du genjutsu avec la manipulation physique du chakra pour créer une barrière qui n'est pas seulement matérielle, mais aussi psychique.
Sakura observait attentivement, son Sharingan activé pour mémoriser chaque détail. Cette technique ressemblait étrangement aux barrières protectrices que Konoha utiliserait un jour – un mélange de défense physique et d'altération perceptive qui rendait le village presque invisible aux yeux hostiles.
Était-il possible que ces techniques anciennes des Uchiha aient été la base des protections futures de Konoha ? Une autre pièce du puzzle historique que les livres avaient omise ? Après deux heures d'étude et de pratique, la séance toucha à sa fin.
Les membres du groupe se dispersèrent discrètement, retournant à leurs quartiers par petits groupes pour ne pas attirer l'attention.
Alors que Sakura s'apprêtait à partir avec son père, Madara l'arrêta d'un geste.
— Sakura, reste un moment. J'aimerais te parler.
Kaito hésita, mais un regard de Madara le convainquit de laisser sa fille.
— Ne rentre pas trop tard, dit-il simplement avant de sortir dans la nuit neigeuse.
Une fois seuls, Madara s'assit en face d'elle, son expression indéchiffrable à la lueur vacillante des lanternes.
— Tu sembles très à l'aise avec ces concepts avancés, observa-t-il. Presque trop à l'aise.
Sakura sentit son cœur s'accélérer. Avait-elle été trop audacieuse ? Trop révélatrice de ses connaissances ?
— J'essaie d'apprendre du mieux que je peux, répondit-elle prudemment.
— Hmm. Il ne s'agit pas seulement d'apprentissage, Sakura. Il s'agit de compréhension intuitive. Comme si ces idées te semblaient... familières.
Il se pencha en avant, ses yeux plongés dans les siens.
— Dis-moi, as-tu déjà eu l'impression de connaître des choses que tu n'as jamais apprises ? De comprendre instinctivement ce que d'autres mettent des années à saisir ?
La question frôlait dangereusement la vérité de sa situation. Sakura choisit ses mots avec un soin extrême.
— Parfois, admit-elle lentement. Certaines choses semblent... évidentes, alors que je sais qu'elles ne devraient pas l'être.
Au lieu de la suspicion qu'elle redoutait, une lueur de compréhension s'alluma dans les yeux de Madara.
— C'est ce que je pensais, murmura-t-il. Les Anciens ont une théorie sur ce phénomène. Ils l'appellent "la mémoire du sang".
— La mémoire du sang ? répéta-t-elle, sincèrement intriguée.
— L'idée que certaines connaissances, certaines compréhensions, sont si profondément ancrées dans le sang des Uchiha qu'elles peuvent parfois se manifester spontanément chez ceux dont le lien avec nos ancêtres est particulièrement fort.
Il sourit légèrement en voyant son expression surprise.
— Les rouleaux que Kagami étudie ne sont pas nouveaux pour notre clan, Sakura. Ce sont des techniques que nous avons perdues, oubliées au fil des générations de guerre. Mais le savoir reste, quelque part, dans notre sang.
Sakura saisit immédiatement l'opportunité que cette croyance lui offrait – une explication parfaite pour ses connaissances anachroniques.
— Vous pensez que c'est ce qui m'arrive ? Que je... me souviens de choses que je n'ai jamais apprises ?
— Je le crois, confirma Madara. Et c'est précisément pourquoi ta présence dans notre groupe est si précieuse. Tu possèdes une connexion aux aspects les plus anciens, les plus purs de notre héritage Uchiha.
Il se leva, mettant fin à leur conversation.
— Continue à suivre ton instinct, Sakura. N'aie pas peur de ces connaissances qui semblent venir de nulle part. Elles sont un don, pas une malédiction.
Alors qu'elle s'apprêtait à partir, il ajouta une dernière chose qui la figea sur place.
— Et peut-être qu'un jour, ce que tu nous aides à redécouvrir changera le destin même de notre clan.
Ces paroles, prononcées avec une conviction tranquille, résonnèrent profondément en elle. Car c'était exactement son intention – changer le destin des Uchiha, mais pas de la façon dont Madara l'imaginait probablement.
Cette nuit-là, alors qu'elle rentrait à travers le campement endormi, Sakura sentit un mélange d'espoir et d'appréhension. La "mémoire du sang" était une explication parfaite pour sa connaissance inhabituelle, un bouclier contre les soupçons. Mais plus elle s'intégrait au clan, plus elle formait des liens véritables avec ses membres – Kaito, Madara, Kagami, et les autres – plus il devenait difficile de maintenir la distance émotionnelle nécessaire à sa mission.
Car comment changer le destin de personnes que l'on commence à aimer comme sa propre famille, sans être transformé soi-même par ces liens ? C'était la question qui la hantait désormais, alors que l'hiver s'installait sur le campement Uchiha et que son intégration au cœur même du clan se renforçait jour après jour.
***
L'hiver s'installa pleinement sur la vallée, transformant le campement Uchiha en un monde de blanc et de silence. Les missions diminuèrent, la mobilité étant restreinte par la neige abondante, offrant au clan un rare moment de répit dans leur existence guerrière perpétuelle.
Pour Sakura, cette saison devint une période d'intense apprentissage, divisée entre ses entraînements réguliers avec son père, ses séances avec Madara, et maintenant les études clandestines avec le cercle de Kagami. Mais ce n'était pas seulement dans les arts ninjas qu'elle progressait. Pour la première fois, elle s'immergeait véritablement dans la vie quotidienne du clan Uchiha – non pas comme une étrangère observant à travers le prisme des livres d'histoire, mais comme un membre à part entière partageant leurs traditions hivernales.
Un matin particulièrement froid, elle se retrouva avec les autres enfants du clan, rassemblés autour d'un Ancien qui leur enseignait l'art de tisser le hikage-ami – un motif traditionnel de l'artisanat Uchiha, destiné à créer des vêtements qui pouvaient dissimuler subtilement le chakra de celui qui les portait.
— Les fils doivent s'entrecroiser exactement sept fois, expliquait patiemment l'Ancien, ses doigts déformés par l'âge et les combats manipulant les fibres avec une dextérité surprenante. Chaque croisement représente une des sept émotions fondamentales qui nourrissent notre Sharingan.
Sakura, assise parmi une dizaine d'enfants, observait attentivement. Cette technique n'existait plus à son époque – un autre savoir perdu après la tragédie du clan. Dans ses mains, les fils s'emmêlaient constamment, sa coordination encore insuffisante pour reproduire le motif complexe.
À sa gauche, une petite fille aux cheveux ébouriffés réussissait beaucoup mieux qu'elle, ses doigts volant avec assurance sur son ouvrage.
— Tu tiens ton fil trop tendu, lui chuchota la fillette, remarquant sa frustration. Il faut qu'il reste souple, comme un serpent qui ondule.
— Merci, murmura Sakura, ajustant sa technique suivant le conseil.
La petite fille sourit, révélant une dent manquante.
— Je m'appelle Hikari. Mon grand-père dit que je suis douée pour le tissage parce que j'ai des mains de guérisseuse, pas de guerrière.
— C'est aussi important que de savoir combattre, répondit Sakura, touchée par cette rencontre. Je m'appelle Sakura.
— Je sais qui tu es, gloussa Hikari. Tout le monde parle de toi. La fille qui a éveillé le Sharingan sans avoir peur.
Sakura se figea, surprise par cette réputation.
— Ce n'est pas tout à fait…
— C'est ce que mon frère a dit, coupa Hikari avec l'innocence caractéristique des enfants. Il dit que tu es différente des autres Uchiha. Que tu ne regardes pas les autres avec des yeux froids.
Cette simple observation la troubla. Était-ce ainsi que les enfants la percevaient ? Comme une anomalie dans le clan ? Ou peut-être, espéra-t-elle, comme un signe que les Uchiha n'étaient pas tous condamnés à la froideur et à l'isolement émotionnel qui les caractériseraient à l'époque de Konoha.
Leur conversation fut interrompue par l'arrivée de Tajima lui-même dans la salle. Immédiatement, les enfants se turent et s'inclinèrent respectueusement. Le chef du clan balaya le groupe du regard, avant de s'arrêter sur Sakura.
— Toi, dit-il simplement. Viens avec moi.
Le cœur battant, Sakura posa son tissage inachevé et suivit Tajima qui sortait déjà de la salle.
Derrière elle, elle pouvait sentir les regards inquiets des autres enfants – être convoqué personnellement par le chef du clan n'était généralement pas signe de bonnes nouvelles.
Tajima marchait rapidement à travers le campement, sa silhouette imposante fendant la neige avec autorité. Il ne dit pas un mot, et Sakura n'osa pas demander où ils se rendaient. Finalement, ils arrivèrent devant une structure que Sakura n'avait encore jamais eu l'autorisation d'approcher : le sanctuaire ancestral des Uchiha, un bâtiment modeste mais soigneusement entretenu, situé au cœur du campement.
— Entre, ordonna Tajima, écartant le rideau qui en masquait l'entrée. L'intérieur était plus spacieux qu'il n'y paraissait de l'extérieur. Des lanternes à la flamme perpétuelle éclairaient l'espace d'une lueur chaude. Sur les murs étaient affichés des éventails Uchiha anciens, certains portant des traces de bataille, d'autres ornés de calligraphies complexes. Au centre, un petit autel sur lequel brûlait de l'encens.
Avec surprise, Sakura constata que Madara était déjà présent, agenouillé devant l'autel, ainsi qu'un troisième Uchiha qu'elle reconnut comme étant l'un des Anciens les plus respectés, Shinoru. Madara lui jeta un regard bref mais intense, comme pour lui signifier silencieusement de rester calme.
L'Ancien Shinoru l'observait avec une curiosité non dissimulée.
— Agenouille-toi, ordonna doucement Tajima.
Elle obéit, prenant place à côté de Madara, face à l'autel. Un silence oppressant régnait dans le sanctuaire, rompu seulement par le crépitement doux des flammes.
Finalement, ce fut l'Ancien Shinoru qui prit la parole.
— Sakura Uchiha, commença-t-il, sa voix craquante mais puissante. Sais-tu pourquoi tu as été amenée au sanctuaire ancestral ? — Non, Shinoru-sama, répondit-elle respectueusement.
Le vieil homme échangea un regard avec Tajima, puis poursuivit.
— Ce sanctuaire n'est normalement ouvert qu'aux membres du clan ayant accompli leur douzième année, ou à ceux qui ont prouvé leur valeur sur le champ de bataille. Ta présence ici est... inhabituelle.
Sakura sentit une goutte de sueur froide couler le long de son dos. Avaient-ils découvert quelque chose sur elle ? Sur sa véritable nature ?
— Cependant, continua Shinoru, les circonstances inhabituelles appellent parfois des exceptions.
Il fit un signe à Tajima, qui sortit un petit coffret en bois laqué d'une niche dans le mur. Le chef du clan l'ouvrit solennellement, révélant un rouleau ancien, sa surface jaunâtre témoignant de son grand âge.
— Ce que tu vois ici est la Chronique d'Indra – l'un des textes les plus sacrés de notre clan, expliqua Shinoru. Il contient les enseignements originels de notre ancêtre, Indra Ōtsutsuki, ainsi que les prophéties concernant l'avenir du clan. Sakura retint son souffle.
Indra Ōtsutsuki – le fils aîné du Sage des Six Chemins et l'ancêtre direct du clan Uchiha. Dans sa ligne temporelle d'origine, ces textes avaient été perdus lors de la destruction du clan.
— Normalement, poursuivit Shinoru, seuls les héritiers directs du clan et les Anciens ont le droit de consulter ce rouleau. Mais Madara-sama a plaidé pour une exception.
Surprise, Sakura jeta un coup d'œil à Madara, qui gardait son regard fixé sur l'autel, son expression indéchiffrable.
— Kagami-san nous a rapporté tes... intuitions lors de vos séances d'étude, intervint Tajima, parlant pour la première fois depuis leur entrée. Ta compréhension de techniques que tu n'as jamais apprises. Ce phénomène est mentionné dans la Chronique.
L'Ancien Shinoru déroula partiellement le parchemin, révélant une calligraphie ancienne que même Sakura, avec son éducation avancée, peinait à déchiffrer entièrement.
— Ici, dit-il en pointant un passage spécifique. "Il viendra un temps où les enfants du clan porteront dans leur sang la mémoire des anciens jours. Leurs yeux verront ce qui fut et ce qui pourrait être, au-delà des limitations du temps. Ces enfants guidés par la mémoire du sang seront à la fois un rappel de notre origine et un présage de notre destin."
Sakura sentit un frisson la parcourir. Cette prophétie semblait décrire exactement sa situation – bien que dans un sens totalement différent de la réalité. Elle n'était pas guidée par une mystique "mémoire du sang", mais par les souvenirs bien réels d'une vie future.
— Les Anciens et moi-même pensons que tu pourrais être l'un de ces enfants décrits dans la prophétie, déclara Tajima. Un réceptacle de la mémoire ancestrale des Uchiha.
Il y avait dans sa voix une nuance qu'elle n'avait jamais entendue auparavant – quelque chose qui ressemblait presque à du respect.
— Cette... cette théorie explique-t-elle pourquoi j'ai éveillé mon Sharingan sans traumatisme ? demanda-t-elle, jouant prudemment le jeu.
— Précisément, acquiesça Shinoru. Le texte suggère que pour ces enfants particuliers, le Sharingan n'est pas tant éveillé que... rappelé. Comme si tes yeux se souvenaient de ce qu'ils ont toujours été destinés à devenir.
L'explication était fascinante, et dans un sens ironiquement proche de la vérité. Ses yeux avaient effectivement une "mémoire" – celle de son esprit adulte qui connaissait déjà le potentiel et les secrets du Sharingan.
— Si cette interprétation est correcte, intervint Madara, parlant pour la première fois, cela signifie que Sakura pourrait avoir accès à des connaissances perdues depuis des générations. Des techniques, des perspectives que même nos archives les plus anciennes ne contiennent plus.
Tajima hocha gravement la tête.
— C'est pourquoi nous avons pris une décision exceptionnelle. À partir d'aujourd'hui, Sakura Uchiha, tu seras autorisée à consulter les textes sacrés du clan, sous la supervision de l'Ancien Shinoru ou de mon fils.
La portée de cette autorisation était vertigineuse. On offrait à une enfant de six ans l'accès à des connaissances normalement réservées à l'élite absolue du clan.
— Je ne sais pas... si je suis digne d'un tel honneur, murmura-t-elle, sincèrement impressionnée par la confiance qu'on lui accordait.
— Ce n'est pas une question de mérite, répliqua Tajima avec une certaine dureté. C'est une question d'utilité pour le clan. Si tu peux interpréter ces textes d'une façon que d'autres ne peuvent pas, alors c'est ton devoir de le faire.
L'Ancien Shinoru tempéra ces paroles sévères d'un sourire bienveillant.
— Ne vois pas cela uniquement comme un devoir, enfant, mais aussi comme un privilège. Peu d'Uchiha ont l'opportunité de communier si directement avec la sagesse de nos ancêtres.
La cérémonie se conclut par un rituel bref mais solennel, où Sakura dut prêter serment de ne jamais révéler le contenu des textes sacrés à quiconque n'y était pas autorisé. Puis Tajima et l'Ancien Shinoru les laissèrent seuls, Madara étant chargé de lui montrer quelques-uns des textes qu'elle serait autorisée à étudier.
Une fois qu'ils furent seuls, Sakura se tourna vers lui.
— Pourquoi avez-vous fait cela pour moi ? demanda-t-elle doucement. Plaider ma cause auprès de votre père et des Anciens…
Madara considéra sa question un moment, ses doigts effleurant distraitement le rouleau sacré.
— Parce que je crois que tu vois le monde d'une façon que les autres Uchiha ont oubliée, répondit-il finalement. Et parfois, pour avancer, nous devons nous souvenir de ce que nous étions avant que la guerre ne devienne notre seule identité.
Il déroula partiellement un autre parchemin, plus petit que la Chronique d'Indra, mais tout aussi ancien.
— Ce texte décrit la philosophie originelle des Uchiha, avant que nous ne devenions principalement un clan guerrier. Sais-tu ce que signifie véritablement notre emblème, l'éventail ? Sakura secoua la tête. Cette symbolique spécifique n'était pas mentionnée dans les livres d'histoire de Konoha.
— L'éventail attise les flammes, expliqua Madara. Mais pas seulement celles de la destruction. Il s'agissait à l'origine d'attiser la flamme de la connaissance, de la vérité. Nos ancêtres étaient d'abord des gardiens du savoir, avant de devenir des maîtres de la guerre.
Il la regarda intensément, comme s'il cherchait quelque chose dans ses yeux.
— Quelque part au fil des générations, nous avons perdu cet équilibre. Nous n'attisons plus que les flammes de la haine et de la vengeance. Mais toi, Sakura…
Il s'interrompit, semblant chercher ses mots.
— Je crois que tu portes encore cette flamme originelle. Et c'est pourquoi je veux que tu aies accès à ces textes – pour comprendre ce que nous étions, ce que nous pourrions redevenir.
Ces paroles, prononcées avec une conviction tranquille, résonnèrent profondément en Sakura. Était-il possible que Madara lui-même, des années avant sa rencontre avec Hashirama, aspirait déjà à un autre destin pour son clan ? Que les graines de la vision qui mènerait à la fondation de Konoha existaient déjà en lui ?
— Je ferai de mon mieux pour honorer cette confiance, promit-elle, sincèrement émue.
Un sourire rare apparut sur le visage habituellement sévère de Madara.
— Je n'en doute pas un instant. Maintenant, examinons ces textes avant que mon père ne revienne et ne décide que nous avons passé trop de temps à philosopher.
***
Les semaines qui suivirent apportèrent une nouvelle dimension à la vie de Sakura au sein du clan. En plus de ses entraînements physiques et de ses séances avec le cercle de Kagami, elle passait maintenant plusieurs heures par semaine dans le sanctuaire ancestral, étudiant les textes anciens sous la supervision alternée de Madara et de l'Ancien Shinoru.
Ces moments d'étude devinrent précieux, non seulement pour les connaissances qu'ils lui apportaient, mais aussi pour les conversations qui en découlaient. Particulièrement avec Madara, ces séances dépassaient souvent le simple cadre académique pour toucher à des questions plus profondes sur la nature du clan, sa mission, et son avenir.
Un après-midi, alors qu'ils étudiaient un texte particulièrement cryptique sur les différentes manifestations du Sharingan, Madara lui posa une question qui la prit au dépourvu.
— Si tu pouvais changer une chose dans notre clan, quelle serait-elle ? Sakura leva les yeux du parchemin, surprise par cette interrogation soudaine.
— Pourquoi me demandez-vous cela ?
Il haussa les épaules, son regard fixé sur les flammes des lanternes.
— Simple curiosité. Tu as une perspective... différente. Je me demande ce que tu vois que je ne vois pas.
C'était une opportunité unique – Madara lui-même l'invitait à partager ses pensées sur la transformation possible du clan. Mais elle devait rester prudente, ne pas révéler trop de sa connaissance du futur.
— Je changerais peut-être... la façon dont nous définissons la force, répondit-elle lentement.
— Explique-toi, l'encouragea-t-il, visiblement intéressé.
— Le clan mesure la force principalement par notre capacité à détruire, à dominer nos ennemis. Mais les textes anciens parlent d'autres formes de puissance – la capacité à protéger, à créer, à unifier. Elle pointa un passage spécifique du rouleau qu'ils étudiaient.
— Regardez ici – cette description du Sharingan ne le présente pas comme un outil de combat, mais comme un moyen de "voir la vérité au-delà des illusions du monde". Comme si sa fonction première était la perception, pas la destruction.
Madara resta silencieux un long moment, méditant sur ses paroles.
— Ce serait un changement profond, dit-il finalement. Presque une révolution dans notre façon de penser.
— Est-ce impossible ? demanda-t-elle doucement.
— Difficile, mais pas impossible, répondit-il. Le principal obstacle n'est pas tant la résistance de notre clan que la réalité du monde qui nous entoure. Comment cultiver la paix quand nos ennemis ne respirent que la guerre ?
— Peut-être faut-il commencer quelque part, suggéra-t-elle. Un petit changement, un geste, qui pourrait en inspirer d'autres. Un sourire énigmatique apparut sur les lèvres de Madara.
— Comme épargner des enfants ennemis lors d'une mission punitive ?
Elle acquiesça, reconnaissant la référence à sa décision concernant les enfants Hagoromo.
— Exactement comme cela. Des choix qui rompent le cycle, même momentanément.
Il referma le rouleau qu'ils étudiaient, signalant la fin de leur séance.
— Tu donnes matière à réflexion, Sakura Uchiha. Plus que tu ne le réalises peut-être.
Alors qu'ils quittaient le sanctuaire, il ajouta une dernière remarque qui la suivrait longtemps.
— Tu sais, dans ces textes anciens, il est aussi écrit que parfois, le plus grand changement commence par la plus petite des actions. Peut-être que ton influence sur notre clan a déjà commencé, sans que nous le sachions encore.
Ces paroles résonnèrent en elle comme une promesse – l'espoir que ses efforts, aussi modestes soient-ils, pourraient vraiment infléchir le cours de l'histoire.
***
L'hiver céda finalement sa place aux premiers signes du printemps. La neige commença à fondre, révélant progressivement la terre sombre en dessous. Dans le campement Uchiha, l'activité s'intensifiait avec la saison – les missions reprenaient, les entraînements extérieurs recommençaient, et une énergie nouvelle semblait parcourir le clan.
Pour Sakura, maintenant âgée de sept ans, ce printemps marquait aussi une étape importante. Son Sharingan avait continué à se développer, son œil gauche possédant désormais aussi deux tomoe. Ses progrès en ninjutsu et en taijutsu étaient remarquables, bien que toujours limités par les capacités physiques de son jeune corps.
Mais plus significatif encore était le changement dans sa position au sein du clan. Elle n'était plus simplement "l'enfant prodige" ou "la fille de Kaito et Hanae". Elle avait forgé sa propre identité : disciple de Madara, membre du cercle de Kagami, et maintenant l'une des rares personnes autorisées à accéder aux textes sacrés du clan.
Chapter 3: Racines et Croissance
Chapter Text
Le printemps était enfin là, porteur d’une énergie nouvelle qui faisait frémir les feuilles des arbres et vibrer le campement Uchiha d’une effervescence discrète mais tangible. Sakura aurait aimé s'en imprégner pleinement, ressentir cette vitalité, ce renouveau, et s'en servir pour avancer. Mais la réalité était bien plus frustrante.
Elle était bloquée.
Son corps ne lui obéissait pas comme elle l’aurait voulu.
Bien sûr, Sakura comprenait parfaitement qu’être une enfant impliquait certaines limites naturelles. Elle savait aussi que la patience était une vertu essentielle, que le temps était un allié nécessaire pour développer pleinement ses capacités. Pourtant, chaque jour qui passait lui rappelait douloureusement ce qu'elle n'avait plus. Son esprit était mature, aiguisé par des années d'expériences et d'entraînements passés, mais il se heurtait sans cesse aux barrières de son corps encore jeune et fragile.
Ce matin-là, l’entraînement avec son père se déroulait dans une clairière isolée, non loin du centre du camp. Le soleil matinal réchauffait timidement la terre encore fraîche de la nuit. L'herbe humide collait à ses pieds nus, lui rappelant constamment son ancrage dans ce corps trop jeune.
— Encore une fois, ordonna Kaito d'une voix ferme mais douce.
Sakura inspira profondément, raffermissant sa prise sur le kunai dans sa main tremblante. Elle enchaîna la série de mouvements avec détermination, chaque geste étant exécuté avec soin. Mais l’équilibre n’était pas parfait, son corps manquait de coordination, de rapidité. Elle sentait chaque muscle protester sous l'effort, chaque articulation encore trop fragile pour les exigences qu'elle lui imposait.
Une fois encore, elle chuta, ses jambes fléchissant sous la fatigue. La frustration la submergea immédiatement, brûlante comme une lame chauffée au rouge.
— Pourquoi est-ce si difficile ? lâcha-t-elle, les yeux fixés sur le ciel bleu, ses poings serrés crispés par l'impuissance.
Kaito s'accroupit silencieusement près d'elle, ses yeux sombres emplis d'une compréhension patiente mais intransigeante.
— Parce que tu n'as que sept ans, Sakura. Tu ne peux pas ignorer ce fait.
Elle détourna les yeux, ses lèvres pincées en une ligne frustrée. Kaito tendit sa main, un geste doux mais autoritaire auquel elle répondit à contrecœur, saisissant cette aide pour se relever.
— La force véritable, expliqua-t-il doucement tout en l'aidant à se remettre debout, ne s'obtient pas en quelques mois. Elle demande des années. Ton esprit veut aller plus vite que ton corps ne le permet, mais cette impatience risque de te faire commettre des erreurs.
Elle se releva lentement, évitant toujours son regard.
— Que suis-je censée faire alors ? Attendre sans rien faire ?
Kaito posa une main ferme sur son épaule, la forçant à relever la tête vers lui. Son expression sévère s'était adoucie d'une tendresse rare qu'elle n'avait vue qu'à quelques rares occasions depuis la mort d'Hanae.
— Non, Sakura. Tu dois utiliser ce que tu possèdes déjà. Ton intelligence, ta détermination, ton instinct. Le reste viendra naturellement, avec le temps.
Elle le fixa enfin, croisant son regard calme, profond, protecteur. Le poids de sa frustration s'atténua légèrement, remplacé par une étrange douceur. Elle pouvait voir, dans ce regard qu'elle connaissait si bien désormais, toute l'affection silencieuse que son père lui portait depuis la perte de Hanae.
— Je comprends, finit-elle par murmurer, même si l'acceptation serait une autre bataille.
— Bien, répondit-il simplement en lui ébouriffant légèrement les cheveux. Maintenant, reprenons depuis le début. Doucement, cette fois.
Avec un soupir résigné mais déterminé, Sakura se remit en position, ses pieds trouvant lentement leur équilibre. Cette fois, elle fit attention à chacun de ses gestes, à chaque respiration, à chaque mouvement précis mais mesuré.
Et, pour la première fois, elle sentit son corps lui obéir vraiment.
Peut-être que son père avait raison après tout. Peut-être que la vraie force ne venait pas seulement du corps, mais aussi de cette capacité à accepter ses limites et à travailler avec elles plutôt que contre elles.
C'était une leçon qu'elle n'avait pas encore totalement assimilée, mais qui, doucement, commençait à prendre racine dans son esprit.
Peut-être qu'être une enfant n'était pas seulement une contrainte, mais aussi une chance de réapprendre à vivre différemment. Une chance d'apprendre, pas à pas, comment devenir plus forte sans se briser dans le processus.
— Encore, ordonna Kaito avec douceur.
Et cette fois, Sakura sourit presque, laissant sa frustration s’évanouir peu à peu, remplacée par l’espoir ténu que, finalement, le temps était peut-être exactement ce dont elle avait besoin.
Après cette matinée exigeante passée à s'entraîner avec Kaito, Sakura avait été autorisée à rejoindre les autres enfants du campement. L'air, imprégné des parfums printaniers, portait avec lui les rires clairs et joyeux des plus jeunes, lui rappelant, presque douloureusement, son propre âge. Un âge qu'elle oubliait trop souvent dans ses pensées et ses attentes.
Elle trouva rapidement le petit groupe avec lequel elle avait pris l’habitude de passer du temps. Hikari, avec son sourire contagieux, était penchée sur une couronne de fleurs, les doigts habiles tressant soigneusement chaque tige. Daichi, silencieux mais attentif, taillait un morceau de bois avec précision, comme toujours fasciné par les détails les plus minutieux. Renji, le plus turbulent, courait après un papillon, éclatant de rire à chaque fois que l'insecte échappait à ses doigts impatients.
— Sakura ! s’exclama Hikari en levant les yeux. Viens, je vais t’apprendre à faire une couronne !
Elle hésita un instant avant de s’asseoir à ses côtés, observant d'abord avec une curiosité distante le geste fluide de son amie. Ses propres doigts semblaient maladroits, presque trop rigides après les longues heures passées à manier des armes.
— C’est simple, lui assura la petite fille en voyant son hésitation. Laisse juste tes mains faire le travail. Ne réfléchis pas trop !
Ne pas réfléchir. Un concept étrange et presque inconcevable pour Sakura, habituée à analyser chaque situation. Pourtant, elle prit les fleurs que lui tendait son amie et tenta d'imiter ses gestes. Ses premières tentatives furent maladroites, incertaines, mais elle continua malgré tout, sentant étrangement la tension accumulée lors de son entraînement se dissoudre peu à peu.
— Tu vois, c'est bien mieux quand tu ne forces pas les choses, commenta Hikari en hochant la tête avec satisfaction.
Sakura observa la petite couronne imparfaite dans ses mains, un sourire discret étirant enfin ses lèvres.
— Peut-être que oui…
À quelques pas de là, Daichi releva la tête de son ouvrage, l'observant avec son calme habituel.
— Mon père dit que ton entraînement est différent du nôtre. Que tu apprends déjà à te battre comme les grands, murmura-t-il avec une curiosité prudente.
La remarque attira immédiatement l’attention de Renji, qui avait fini par abandonner son papillon pour s’approcher, les joues rosies par l’effort de sa course.
— C’est vrai, Sakura ? Tu apprends vraiment des techniques secrètes ? demanda-t-il avec une fascination non dissimulée.
Elle détourna les yeux, un peu gênée par cette attention soudaine, mais finit par hausser les épaules.
— Je ne sais pas si c’est secret, murmura-t-elle lentement. C’est juste... difficile.
Hikari pencha la tête sur le côté, observant Sakura avec douceur.
— Ça doit être fatigant, non ? De toujours s’entraîner avec les adultes.
Sakura hésita, surprise par cette compassion spontanée.
— Parfois, admit-elle finalement. Mais je veux devenir forte. Assez forte pour protéger ceux qui comptent pour moi.
Renji la fixa un moment, les yeux écarquillés de surprise avant de sourire largement, dévoilant toutes ses dents.
— Alors, quand tu seras forte, tu devras nous protéger aussi, d’accord ? lança-t-il joyeusement.
Les autres enfants éclatèrent de rire, mais Sakura sentit une étrange chaleur se répandre dans sa poitrine. Ce sentiment d’appartenance, cette simplicité, était quelque chose qu’elle n’avait jamais vraiment ressenti auparavant.
— D’accord, murmura-t-elle en hochant doucement la tête. Je vous protégerai aussi.
Elle ne réalisa que lorsqu’elle sentit la main d’Hikari sur son épaule qu’elle souriait vraiment, pour la première fois depuis longtemps. Un sourire simple et sincère, différent de ceux qu'elle avait appris à feindre pour rassurer les adultes.
Ce moment léger et innocent fut toutefois interrompu par l’approche discrète de Naori, dont la silhouette familière attira immédiatement l’attention du petit groupe. La femme sourit doucement aux enfants avant de poser son regard doux et ferme sur Sakura.
— Sakura, pourrais-tu venir m’aider pour préparer les provisions ? demanda-t-elle calmement. Ton père m'a dit que tu avais fini ton entraînement pour aujourd'hui.
Sakura se leva rapidement, inclinant respectueusement la tête.
— Bien sûr, Naori-san.
Les enfants la saluèrent chaleureusement avant de reprendre leurs activités, et Sakura suivit la femme vers la cuisine commune du campement. Le trajet se fit en silence, mais Sakura apprécia cette tranquillité bienveillante, loin des attentes exigeantes qui entouraient souvent ses interactions avec les adultes du clan.
La cuisine était déjà animée par plusieurs femmes affairées, dont les mains expertes préparaient les provisions qui permettraient au clan de tenir durant les prochaines semaines. Naori lui tendit une poignée d'herbes médicinales à trier avec un sourire discret.
— Tu sais, dit-elle d’une voix posée alors qu’elles travaillaient côte à côte, il est important que tu passes du temps avec les enfants de ton âge. Ton père pense que ton entraînement physique est essentiel, mais grandir au sein du clan signifie aussi apprendre à vivre ensemble, à tisser des liens avec les tiens.
Sakura hocha la tête, son regard fixé sur les herbes entre ses doigts.
— Parfois, j’ai l’impression de ne pas être comme eux, murmura-t-elle doucement, osant enfin avouer cette pensée qui la tourmentait depuis longtemps.
Naori l'observa avec compassion, posant doucement une main sur son épaule.
— Être différent n’est pas une mauvaise chose, Sakura. Ce sont nos différences qui nous rendent précieux au sein du clan. Mais ce n’est pas parce que tu es spéciale que tu dois t’isoler. Laisse-les t'accepter telle que tu es, pas seulement pour ce que tu peux devenir.
Cette affirmation, simple et douce, résonna profondément en Sakura, apaisant une anxiété qu’elle n’avait pas pleinement réalisée jusqu’ici. Peut-être était-il possible d'être elle-même, avec toutes ses différences, et pourtant d'appartenir entièrement à ce clan, à ces gens qui devenaient peu à peu sa nouvelle famille.
Les heures passèrent rapidement, le travail et les échanges paisibles avec Naori créant une atmosphère presque méditative. Lorsque vint finalement le crépuscule, elle retrouva Kaito qui l'attendait non loin, observant silencieusement le campement plongé dans la lumière dorée du soir.
— As-tu passé une bonne journée ? demanda-t-il simplement alors qu’elle le rejoignait.
Sakura leva les yeux vers lui, se permettant enfin de sourire, pleinement et sincèrement, en hochant lentement la tête.
— Oui, répondit-elle doucement. C’était une bonne journée.
Et pour la première fois depuis longtemps, elle en pensait chaque mot.
Kaito la contempla un instant, son regard sombre s'adoucissant légèrement face au sourire sincère de sa fille. Il semblait hésiter, cherchant les mots justes, avant de finalement détourner le regard vers l’horizon où le soleil disparaissait lentement derrière les montagnes, teintant le ciel d’orangé et de pourpre.
— J'en suis heureux, murmura-t-il doucement, sa voix résonnant d'une émotion contenue mais perceptible. Tu sais, ta mère disait souvent qu'une vie sans sourires n'en était pas vraiment une.
Sakura sentit sa poitrine se serrer doucement au souvenir d’Hanae, mais pour la première fois depuis longtemps, l'évocation de sa mère lui apporta une sensation chaleureuse plutôt qu'un vide douloureux. Elle hocha silencieusement la tête, son regard suivant celui de son père vers l’horizon embrasé.
— Je crois qu'elle avait raison, finit-elle par répondre doucement. Mais parfois, il est difficile de sourire sincèrement.
— Oui, admit Kaito, les bras croisés sur sa poitrine dans une posture à la fois détendue et vigilante. Surtout pour les gens comme nous.
Elle tourna la tête vers lui, intriguée par sa remarque.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Kaito soupira légèrement, laissant tomber son masque d'impassibilité pour une rare franchise.
— Nous portons beaucoup d'attentes sur nos épaules, Sakura. Toi, plus que la plupart. Le clan entier t'observe, non seulement pour ce que tu es aujourd'hui, mais pour ce que tu pourrais devenir demain. Cela peut parfois te priver de la simplicité du moment présent.
Il la regarda finalement, ses yeux brillants d’une tendresse habituellement voilée par la retenue naturelle d’un guerrier Uchiha.
— Mais il est important que tu apprennes à vivre pour toi-même aussi. Pas seulement pour le clan ou les attentes des autres. Parfois, le plus grand défi est d’être simplement toi.
Sakura sentit une chaleur profonde envahir sa poitrine. Depuis sa renaissance, elle avait instinctivement porté le poids d’un destin qu’elle seule comprenait réellement, mais cette simple vérité énoncée par son père lui rappelait que, malgré tout, elle restait une enfant. Un enfant entouré par un père aimant, par des amis, et par un clan dont elle commençait à saisir pleinement les nuances.
— Je vais essayer, promit-elle d’une voix douce, sincère. Vraiment.
Kaito sourit légèrement, inclinant doucement la tête vers elle en signe d'approbation silencieuse.
— Bien. Et maintenant, rentrons. Il commence à faire frais, et tu as besoin de repos pour ton entraînement avec Madara-sama demain matin.
Ils reprirent lentement le chemin vers leur maison, passant devant les feux qui s’allumaient les uns après les autres dans le campement, chaque lumière douce symbolisant une famille, une histoire, un destin entrelacé au sien. Les murmures et les rires lointains les accompagnaient, soulignant encore davantage cette sensation d'appartenance qui se faisait plus tangible jour après jour.
Lorsqu’ils franchirent enfin le seuil de leur maison, Sakura ressentit une fatigue agréable peser sur ses épaules, une fatigue née non seulement de son entraînement physique, mais aussi des émotions douces et complexes vécues durant cette journée ordinaire mais précieuse. Elle s'installa silencieusement pour manger avec son père, savourant cette routine simple, ce rituel quotidien devenu une ancre rassurante dans le flot tumultueux de ses pensées.
Alors qu'elle allait finalement se coucher, allongée sur son futon, Sakura contempla le plafond obscur, son esprit vagabondant vers les paroles de son père. Être simplement elle-même… c'était à la fois une promesse séduisante et un défi intimidant. Mais dans le silence paisible de la nuit, elle sentit ses doutes s’atténuer doucement, remplacés par une détermination calme, une résolution profonde.
Demain, elle reprendrait l’entraînement. Demain, elle affronterait à nouveau les attentes, les défis, les limites de son corps. Mais ce soir, elle se permettait d'être simplement Sakura, une enfant parmi les siens, sous le regard bienveillant des étoiles silencieuses qui semblaient lui promettre, à leur manière mystérieuse, que tout irait bien.
Le lendemain, Sakura se leva avant même que l’aube ne colore l’horizon de ses premières lueurs.
Le silence du matin lui apportait toujours un sentiment particulier, comme si le monde tout entier retenait son souffle, attendant le commencement d'une nouvelle journée. Elle enfila rapidement sa tenue d'entraînement, observant brièvement le symbole Uchiha cousu soigneusement sur le tissu sombre. Ce simple emblème représentait tant de choses désormais : un héritage, un poids, mais aussi, progressivement, une fierté qu’elle apprenait à accepter.
En sortant de la maison, elle inspira profondément, emplissant ses poumons de l’air frais et piquant du matin. Quelques silhouettes silencieuses se déplaçaient déjà dans le campement, les guerriers du clan prenant leur relève sur les patrouilles nocturnes. Sakura les salua discrètement d’un signe respectueux de la tête, recevant en retour des regards approbateurs teintés de curiosité. Elle savait qu’elle était observée, scrutée même, mais cela ne la dérangeait plus autant qu'avant. Elle commençait à s’y habituer, lentement mais sûrement.
Madara l’attendait déjà dans leur clairière habituelle, debout, le visage tourné vers l’est où le ciel commençait à s’embraser doucement d’orange et de rouge. En s’approchant, Sakura ralentit légèrement le pas pour observer son mentor sans être remarquée. Même de dos, la simple présence de Madara imposait le respect. Il dégageait une aura à la fois intimidante et étrangement rassurante, une force tranquille dont elle comprenait désormais mieux la complexité.
— Tu es ponctuelle, comme toujours, constata-t-il sans se retourner, semblant percevoir sa présence avec une aisance déconcertante.
Sakura s’approcha finalement, venant se placer à ses côtés, son regard suivant le sien vers l'horizon coloré.
— Je ne voudrais pas vous faire attendre, répondit-elle simplement.
Un léger sourire effleura les lèvres de Madara, une expression subtile mais sincère qu’il réservait rarement à d’autres personnes. Il posa sur elle son regard sombre et pénétrant, la détaillant un instant avant de prendre la parole.
— Comment te sens-tu après la journée d’hier ?
La question la surprit légèrement, non par son contenu, mais par l’attention discrète qu’elle révélait. Elle haussa doucement les épaules, s’autorisant un sourire tranquille.
— Bien, admit-elle simplement. J’ai eu l’occasion de me reposer et de passer du temps avec les autres enfants.
— Bien, répéta-t-il en hochant lentement la tête. C’est important. L’équilibre est aussi essentiel pour un shinobi que la maîtrise du chakra ou les techniques de combat. Tu ne dois jamais négliger ces aspects, Sakura.
— C’est aussi ce que m’a dit mon père, répondit-elle avec un sourire doux.
Madara leva légèrement un sourcil, une lueur amusée traversant son regard.
— Ton père est un homme sage. Plus sage qu’il ne l’admet lui-même, je pense.
Sakura acquiesça en silence, touchée par le respect discret que Madara semblait porter à Kaito. Un respect mutuel, elle le savait, même s’ils n’en parlaient jamais ouvertement.
— Aujourd’hui, poursuivit-il d’un ton plus sérieux, je veux travailler davantage sur ton Sharingan. Tes progrès sont bons, mais tu as encore tendance à hésiter lorsque tu dois réellement t’appuyer dessus.
Sakura hocha gravement la tête, comprenant parfaitement ce qu’il voulait dire.
— Je comprends, répondit-elle avec détermination. Je suis prête.
Sans plus attendre, Madara activa son propre Sharingan, les trois tomoe parfaitement formés dans ses yeux. L’intensité de son regard augmenta immédiatement, et Sakura sentit instinctivement la pression familière que dégageait le puissant doujutsu de son mentor. Elle inspira profondément, laissant son chakra affluer naturellement vers ses propres yeux. Le monde autour d'elle devint soudainement plus clair, plus net, plus vivant.
Madara adopta une posture offensive, sa voix calme mais ferme résonnant dans la clairière.
— Anticipe mes mouvements. Ne laisse pas tes pensées te ralentir. Réagis avec ton instinct, fais confiance à tes yeux.
Il se lança vers elle avec une vitesse maîtrisée mais impressionnante. Sakura se concentra pleinement, analysant chaque geste, chaque variation subtile du chakra de Madara, cherchant à prévoir ses actions tout en essayant de répondre en conséquence. Les échanges devinrent rapidement plus intenses, chaque mouvement parfaitement calculé par Madara pour la pousser juste au-delà de ses limites sans jamais la submerger totalement.
Pourtant, malgré ses efforts, Sakura finit par perdre l’équilibre, trébuchant légèrement sous une attaque particulièrement rapide. Elle se retrouva au sol, essoufflée mais étrangement satisfaite de ses progrès.
Madara s’arrêta immédiatement, se penchant légèrement vers elle, son regard analytique détaillant sa posture et sa respiration.
— Mieux, déclara-t-il finalement avec un hochement de tête approbateur. Tes réflexes s’affinent, même si tu doutes encore trop souvent.
— Je sens ce que je dois faire, répondit-elle doucement, encore haletante. Mais mon corps ne suit pas toujours.
Un sourire discret étira à nouveau les lèvres de Madara, une expression presque indulgente qui lui était inhabituelle.
— C’est précisément pour cela que tu es ici, Sakura. Pour apprendre à harmoniser ton esprit et ton corps. La force du Sharingan ne réside pas uniquement dans tes yeux, mais aussi dans ta capacité à utiliser pleinement ce qu'ils te montrent.
Il lui tendit une main pour l'aider à se relever, un geste bref mais significatif venant de lui. Elle accepta silencieusement cette aide, se remettant debout et ressentant à nouveau cette étrange chaleur au creux de la poitrine, une émotion complexe et encore difficile à nommer.
— Merci, murmura-t-elle simplement.
Ils restèrent un instant silencieux, Madara semblant réfléchir à quelque chose d’important. Finalement, il reprit la parole, d’une voix plus basse mais tout aussi claire.
— Ce soir, le cercle de Kagami se réunit à nouveau. J’aimerais que tu sois là. Kagami pense avoir trouvé quelque chose d’important dans les rouleaux anciens, quelque chose qui pourrait te concerner directement.
La curiosité éveillée, Sakura hocha immédiatement la tête.
— J’y serai.
Il l’observa une dernière fois, son regard sombre semblant percer jusqu’à l’âme même.
— Je sais que tu seras à la hauteur, Sakura, murmura-t-il finalement avec une gravité inhabituelle. Ne doute jamais de cela.
Sur ces mots, il fit demi-tour pour rejoindre le campement, la laissant seule dans la clairière, le cœur battant étrangement vite. Ces paroles, si rares et précieuses venant de Madara, avaient un poids qu’elle ne pouvait ignorer.
La journée passa lentement, rythmée par les tâches quotidiennes du clan et ponctuée de moments paisibles que Sakura avait appris à apprécier. Après son entraînement avec Madara, elle retourna aider Naori et les autres femmes du clan aux tâches communautaires. Ces moments simples, loin de la pression des combats et des attentes guerrières, avaient pris une valeur précieuse à ses yeux.
C’était l’occasion d’apprendre autrement, d’observer, d’écouter, de comprendre comment le clan fonctionnait au-delà des champs de bataille.
Ce jour-là, elle participa aux préparatifs des herbes médicinales destinées aux guerriers blessés. Naori, toujours patiente, lui enseignait à distinguer les plantes bénéfiques des nuisibles, ainsi que leurs propriétés respectives.
— Cette plante, expliquait la femme en montrant une feuille verte pâle, apaise la douleur lorsqu’elle est broyée et appliquée sur les plaies. Elle réduit l’inflammation et accélère la guérison.
Sakura hocha la tête, mémorisant attentivement chaque détail, chaque nuance des explications de Naori. Alors qu’elle observait les gestes précis et confiants de la femme, une sensation étrange la traversa : un mélange d’amusement et de frustration, lié au contraste saisissant entre son esprit, qui maîtrisait parfaitement ces notions avancées de médecine, et son corps d’enfant, maladroit et inexpérimenté, qui peinait à les exécuter correctement.
En vérité, elle connaissait parfaitement chacune de ces plantes, leurs propriétés, leurs dangers, ainsi que les méthodes optimales pour les préparer. Ces connaissances provenaient de son ancienne vie.
Mais aujourd’hui, elle devait se montrer prudente, ne jamais révéler trop clairement cette maîtrise médicale inhabituelle chez une enfant de sept ans. Elle se contentait donc de poser des questions discrètes, de montrer juste assez de curiosité pour faire honneur à son esprit vif, tout en dissimulant soigneusement la véritable profondeur de son savoir.
— Cette fleur mauve, continua Naori en soulevant délicatement les pétales violets, apaise efficacement les fièvres, mais il faut doser très précisément. Trop peu, et l'effet sera nul. Trop, et elle devient toxique.
Sakura dut retenir un sourire nostalgique à cette explication familière. Elle connaissait parfaitement cette plante sous le nom d’aconit : elle l'avait utilisée d’innombrables fois pour soigner des shinobi blessés sur les champs de bataille, dans une autre époque. Pourtant, elle hocha simplement la tête, exprimant un intérêt calme mais attentif.
— Comment sais-tu exactement quelle quantité est suffisante ? demanda-t-elle doucement, gardant une innocence maîtrisée dans sa voix.
Naori sourit patiemment en la regardant.
— Par l’expérience, principalement. Et par le savoir que nous avons reçu de ceux qui nous ont précédés. L'art de la médecine est subtil ; il demande autant d’instinct que de connaissances.
Ces mots rappelèrent intensément à Sakura les enseignements de Tsunade. Combien de fois la Cinquième Hokage lui avait-elle répété exactement la même chose ? Que la médecine n’était pas simplement une question de technique, mais aussi d’instinct, d’écoute attentive, et d’expérience accumulée dans la douleur et l’effort.
— Je comprends, murmura-t-elle doucement en reprenant la préparation des herbes avec soin, ses gestes lentement plus assurés, reprenant un rythme presque naturel.
Pendant un court instant, elle laissa glisser une infime partie de son savoir, dosant instinctivement la préparation avec une précision qui impressionna discrètement Naori.
— Très bien, commenta la femme avec une pointe de surprise. Tu apprends vite.
Sakura détourna les yeux en souriant légèrement, consciente d'avoir approché trop près des limites de son secret.
— Tu sais, Sakura, reprit calmement Naori après un court silence, maîtriser ces plantes demande du temps et de la prudence. Mais cela te donne aussi une grande responsabilité : celle de protéger et de soigner. Ce savoir n’est pas moins important que les techniques de combat que tu apprends auprès de Madara-sama.
Sakura releva la tête, intriguée par l’éclat de sagesse tranquille dans les yeux de Naori. Elle acquiesça doucement, reconnaissant silencieusement cette vérité essentielle.
— Les guerriers se battent, poursuivit Naori, mais nous sommes celles qui les maintiennent en vie. Sans nous, le clan perdrait beaucoup plus que des batailles. Il perdrait son cœur.
Ces mots firent profondément écho en Sakura.
Dans sa vie précédente, elle avait combattu sur le front et avait tenu la vie de ses camarades entre ses mains. Aujourd’hui, elle retrouvait ce rôle de guérisseuse sous une forme différente, dans un contexte totalement nouveau. Mais la vérité fondamentale restait inchangée : le cœur du shinobi médecin était de préserver la vie, même au milieu des pires tourments de la guerre.
— Je comprends l'importance de ce que nous faisons ici, répondit-elle finalement d’une voix douce, mais étonnamment mature pour une enfant de son âge. Je ferai tout pour être à la hauteur de cette responsabilité.
Naori lui adressa un sourire chaleureux, chargé de respect et d’affection sincère.
— Je n’en doute pas, Sakura.
Lorsqu’elle quitta finalement la tente, Sakura sentit une paix étrange l’envahir. Même si elle devait cacher ses véritables compétences, ces moments lui permettaient de reconnecter silencieusement avec une partie essentielle d’elle-même : Sakura Haruno, disciple de Tsunade, shinobi médecin de Konoha. Et maintenant, Sakura Uchiha, apprenant à manier ce savoir dans l’ombre prudente des traditions d’un clan guerrier, tout en conservant l'équilibre subtil qui définissait désormais son existence.
Marchant lentement sous le soleil désormais haut dans le ciel, Sakura rejoignit Kaito près de la zone d'entraînement des archers, ressentant une douce sérénité née de ces moments ordinaires, mais profondément précieux. Elle savait qu’elle devrait continuer à dissimuler prudemment son passé et ses connaissances, mais désormais, cette nécessité lui paraissait moins lourde, compensée par la satisfaction tranquille de savoir exactement qui elle était, même si personne d'autre ne pouvait encore pleinement le comprendre.
Lorsqu’elle rejoignit Kaito près du terrain d'entraînement des archers, Sakura prit place silencieusement à ses côtés, observant Daichi avec admiration. Le jeune garçon tenait son arc avec une précision impressionnante, chacun de ses mouvements maîtrisés avec un calme qui contrastait avec son jeune âge.
— Daichi possède un don rare, remarqua calmement Kaito en la sentant arriver. Il a l’œil du faucon et la patience d'un sage. Avec le temps, il deviendra sans doute l'un de nos meilleurs tireurs.
Sakura acquiesça doucement, son regard toujours fixé sur Daichi. Elle savait, mieux que quiconque, que la force d'un shinobi ne se résumait pas uniquement aux techniques flamboyantes ou à la maîtrise spectaculaire du chakra. Parfois, la véritable puissance résidait dans la précision subtile, dans le silence d'une flèche bien tirée ou dans les gestes délicats d'un médecin soignant ses compagnons sur le champ de bataille.
— Daichi a aussi l’esprit calme, observa-t-elle finalement. Il ne laisse pas ses émotions prendre le dessus. C'est un atout précieux, surtout sur le champ de bataille.
Son père hocha lentement la tête, pensif.
— Tu as raison. Nous devons tous apprendre à contrôler nos émotions pour survivre. Mais parfois, les émotions peuvent aussi être une arme puissante, si elles sont bien dirigées.
Il tourna légèrement son visage vers elle, son regard pénétrant plongeant directement dans ses yeux.
— C’est quelque chose que tu apprendras avec Madara-sama. Il est l'un des rares à maîtriser parfaitement cette capacité : utiliser ses émotions sans jamais être dominé par elles.
Sakura sentit une étrange chaleur envahir sa poitrine à l’évocation de Madara. Depuis son arrivée dans ce passé lointain, leur relation était devenue plus complexe, évoluant lentement de maître et élève vers quelque chose de plus subtil, plus personnel, même si elle ne savait pas encore précisément comment le définir.
— Je ferai de mon mieux pour apprendre cette maîtrise, murmura-t-elle finalement, le regard tourné vers l’horizon lointain. Je sais combien elle est importante.
Kaito esquissa un léger sourire, une expression rare qui adoucissait subtilement ses traits habituellement sévères.
— Je n’en doute pas un instant, Sakura. Tu portes en toi une maturité qui dépasse de loin ton âge. C’est pourquoi les Anciens du clan te surveillent avec autant d’attention. Ils sentent instinctivement que tu n'es pas comme les autres.
Elle sentit son cœur s’accélérer légèrement à ces paroles, à la fois flattée et anxieuse. Sakura savait que Kaito n'avait aucune idée à quel point il avait raison. Personne ne pouvait imaginer à quel point elle était différente, combien son esprit recelait de connaissances et de souvenirs qu'elle devait constamment réprimer.
— Est-ce... un problème ? demanda-t-elle finalement, incapable de cacher totalement son inquiétude.
Kaito posa une main rassurante sur son épaule, sa prise ferme mais réconfortante.
— Pas du tout, répondit-il doucement mais sérieusement. Cela signifie simplement que tu as une responsabilité supplémentaire, une attente particulière à remplir. Mais tu n’es pas seule dans cette tâche. Ton mentor, tes amis, Naori, et moi-même, nous sommes tous là pour te guider.
Sakura sentit une émotion intense monter en elle face à ces mots simples mais puissants. Cette sensation d’appartenance, cette certitude d’être soutenue et protégée, était quelque chose qu’elle n'avait jamais pleinement ressenti dans sa vie précédente à Konoha. Là-bas, elle s'était souvent sentie en retrait, devant prouver constamment sa valeur aux côtés de Naruto et Sasuke. Ici, elle commençait à réaliser qu’elle pouvait être appréciée et reconnue pour ce qu’elle était déjà, sans avoir à se comparer constamment à quiconque.
Après quelques instants supplémentaires à observer les archers, Sakura sentit une présence familière s’approcher discrètement. Lorsqu’elle tourna la tête, elle vit Izuna s'avancer vers eux, son visage habituellement impassible marqué par une légère inquiétude.
— Kaito-san, Sakura, salua-t-il sobrement avant de s’arrêter à leurs côtés.
— Izuna-sama, répondit Kaito en inclinant légèrement la tête avec respect. Que pouvons-nous faire pour vous ?
Le jeune frère de Madara posa un regard hésitant sur Sakura, semblant choisir soigneusement ses mots avant de parler.
— Mon frère m’a demandé de te rappeler la réunion du cercle de Kagami ce soir, Sakura. Il souhaite vraiment que tu y assistes, précisa-t-il avec un sérieux inhabituel.
— J’y serai, assura-t-elle calmement, intriguée par la gravité qu’elle percevait chez Izuna. Est-ce que tout va bien ?
Il hésita encore, jetant un regard prudent vers Kaito avant de répondre lentement.
— Kagami-san a trouvé quelque chose d’étrange dans les rouleaux anciens. Quelque chose qui pourrait te concerner directement, Sakura. Mon frère estime que tu devrais absolument être présente pour entendre cela toi-même.
Cette révélation éveilla une vive curiosité en elle, mêlée d’une pointe d’appréhension. Elle échangea un rapide regard avec Kaito, percevant dans ses yeux une prudence qui faisait écho à sa propre inquiétude.
— Je comprends, murmura-t-elle finalement, sérieuse et déterminée. Je viendrai.
Izuna sembla soulagé par sa réponse, hochant brièvement la tête avant de tourner les talons pour repartir aussi discrètement qu’il était arrivé.
Lorsque Sakura reporta son attention sur Kaito, elle remarqua la lueur de préoccupation qui avait momentanément traversé son regard.
— Sois prudente, lui recommanda-t-il doucement, presque à voix basse. Les secrets anciens des Uchiha ne sont pas à prendre à la légère. Ils portent parfois des vérités difficiles à entendre.
— Je serai prudente, chichi, promit-elle sérieusement, percevant clairement la gravité de son avertissement.
La journée poursuivit alors son cours, rythmée par ces échanges silencieux et ces interactions ordinaires mais importantes. Sakura passa une grande partie de l’après-midi à jouer avec Hikari et Renji, profitant pleinement de ces moments simples où elle pouvait se comporter naturellement, sans se soucier des attentes ou des responsabilités pesantes.
Ce n'est que lorsque les ombres du soir s’allongèrent finalement sur le campement, plongeant progressivement le monde dans une pénombre douce, qu’elle prit congé de ses amis. Elle se dirigea alors lentement vers la cabane isolée où Kagami organisait discrètement ses réunions. En traversant le campement désormais silencieux, Sakura sentit son cœur s’accélérer légèrement, consciente de l’importance de ce moment.
Lorsqu’elle arriva enfin, elle trouva Kagami et Madara déjà présents, ainsi que quelques membres du cercle qu’elle connaissait bien. Kagami lui adressa un sourire chaleureux, contrastant avec la tension palpable dans l’air.
— Bien, nous sommes au complet, déclara-t-il finalement, invitant tout le monde à s’asseoir. Je suis désolé d'avoir provoqué tant de mystère autour de cette réunion, mais ce que j’ai découvert mérite notre attention la plus sérieuse.
Le silence attentif du petit groupe entourait Sakura, tandis que Kagami déployait lentement le rouleau ancien devant elle. À la lueur tamisée des lanternes, les symboles tracés à l’encre sombre semblaient prendre vie, leur mystère renforcé par la solennité respectueuse du moment.
Kagami prit finalement la parole, sa voix douce mais claire, empreinte d’une gravité sereine :
— Comme vous le savez déjà, la mémoire du sang permet à certains membres du clan de bénéficier d’un héritage subtil venu de leurs ancêtres. Cependant, ce passage apporte une nuance importante que nous n’avions pas encore découverte auparavant.
Un silence intrigué accueillit ses paroles. Sakura sentit les regards attentifs se poser sur elle, mais resta immobile, son visage calme dissimulant habilement son anxiété discrète.
Kagami poursuivit lentement :
— Selon ce texte, les individus dotés de cette mémoire ancestrale possèdent également un contrôle inné particulièrement fin de leur chakra. Ce contrôle naturel, hérité des ancêtres, permet un éveil précoce du Sharingan, sans forcément passer par le traumatisme émotionnel généralement nécessaire. En d'autres termes, l’éveil de leurs pupilles ne dépend pas uniquement de la douleur ou de la perte, mais aussi et surtout d’un équilibre instinctif parfait entre leur chakra et leurs émotions.
Madara écoutait avec une intensité calme, ses yeux sombres ne quittant pas Kagami. Lorsqu'il prit finalement la parole, son ton était posé et analytique :
— Cela expliquerait pourquoi Sakura a éveillé son Sharingan sans événement traumatique. Son contrôle avancé du chakra lui permet de canaliser naturellement ses émotions, créant ainsi les conditions idéales pour l’apparition précoce du doujutsu. Cela reste exceptionnel, mais ce n’est pas illogique.
Il tourna lentement son regard vers Sakura, l'observant avec attention, mesurant soigneusement ses mots :
— Cependant, ce contrôle inné ne signifie pas que ton potentiel soit illimité, Sakura. Il signifie simplement que tu bénéficies d’un avantage initial significatif. Cet avantage devra être cultivé et perfectionné par un entraînement constant. Le fait que tu sois douée naturellement ne t’exempte pas d'efforts. Au contraire, cela augmente les attentes placées en toi.
Sakura acquiesça avec sérieux, soulagée que l’on ne lui attribue pas un pouvoir irréaliste, mais consciente de la responsabilité accrue que cette découverte impliquait.
— Je comprends parfaitement, Madara-sama. Je ferai tout pour rester digne de cette attente.
Madara inclina légèrement la tête, approuvant silencieusement sa réponse. Son visage resta impassible, mais Sakura perçut malgré tout une légère satisfaction discrète dans son regard.
Kagami enroula délicatement le rouleau ancien avant de conclure d’une voix tranquille :
— Il nous reste beaucoup à comprendre sur les subtilités de cette mémoire du sang. Je suggère que Sakura continue à explorer cet aspect avec prudence, tout en gardant en tête que ce don ancestral, aussi précieux soit-il, n'est qu'une base sur laquelle elle devra construire activement ses compétences futures.
Les membres du cercle échangèrent quelques murmures approbateurs avant de se disperser lentement.
Sakura sentit son esprit s’apaiser peu à peu. La précision offerte par ce texte lui permettait désormais de mieux comprendre la particularité de sa situation sans pour autant révéler quoi que ce soit qu’elle préférerait encore garder caché.
Lorsqu’elle sortit finalement, accompagnée silencieusement par Madara, celui-ci ralentit légèrement son pas pour s’adresser à elle sans être entendu des autres :
— Cette découverte est importante, Sakura, mais rappelle-toi toujours que l’excès de confiance est le plus grand danger pour un shinobi talentueux. Ton contrôle naturel du chakra est une force, mais il ne remplace jamais l’expérience ni la discipline.
Elle hocha lentement la tête en réponse, consciente de la sagesse contenue dans ces paroles.
— Je ne l’oublierai pas, Madara-sama.
Sans rien ajouter, il disparut calmement dans la pénombre, la laissant seule face à cette vérité précieuse qu’elle venait de recevoir : son don n’était pas une fin, mais un commencement, un chemin à suivre avec prudence et humilité, sous le regard attentif et discret d’un mentor aussi exigeant qu’intrigué par elle.
Les semaines se succédèrent sans accroc majeur, s’écoulant lentement comme une rivière paisible sous un soleil doux. Après les révélations du rouleau ancien, la vie reprit son cours habituel dans le clan Uchiha, presque étrangement sereine malgré la tension silencieuse toujours présente au-delà des frontières.
Le printemps, puis l'été défilèrent tranquillement, teintant la vallée de couleurs vives, puis l'automne survint, déployant une toile de rouges et d’oranges sur les arbres alentours.
Pour Sakura, ces saisons qui s’écoulaient lentement offraient un précieux répit, un temps propice à la réflexion et au perfectionnement de ses capacités. Chaque matin, elle poursuivait rigoureusement ses entraînements avec son père, Kaito, qui se montrait désormais plus attentif que jamais aux progrès subtils de sa fille.
Leur relation, autrefois empreinte de réserves dues aux blessures du passé, devenait de plus en plus fluide et naturelle. Entre les exercices quotidiens de taijutsu, les leçons minutieuses sur le maniement des armes et les longues séances de méditation silencieuse, Sakura ressentait profondément cette complicité nouvelle, née du temps et du respect mutuel.
Parfois, alors qu'ils prenaient un bref repos, Kaito partageait avec elle ses souvenirs d'Hanae, sa voix calme et grave teintée d'une affection infinie pour sa défunte épouse.
— Ta mère avait toujours ce sourire tranquille, disait-il doucement, ses yeux fixés vers un horizon lointain. Peu importe ce qui arrivait, elle était toujours capable d’apporter de la paix à ceux qui l'entouraient.
Sakura l'écoutait attentivement, ressentant une chaleur discrète dans sa poitrine. Chaque récit, chaque souvenir partagé renforçait le sentiment profond d'appartenir véritablement à cette famille, malgré son secret et son identité d’autrefois. Ces moments intimes étaient précieux, renforçant le lien invisible qui unissait désormais père et fille.
Ses entraînements avec Madara prirent, eux aussi, un nouveau rythme plus subtil et introspectif. La distance rigide qui les séparait initialement devint moins marquée, remplacée peu à peu par une confiance mutuelle discrète mais profonde. Sakura percevait chez son mentor une forme de respect silencieux, teinté d’une curiosité réservée qu’il ne formulait jamais directement, mais qu'elle devinait à travers ses regards rapides et ses rares questions personnelles.
Lorsqu'ils s’entraînaient ensemble dans la clairière à l'écart du campement, elle sentait souvent l'attention silencieuse de Madara posée sur elle, évaluant chaque geste avec une précision presque clinique. Parfois, il interrompait les exercices pour lui prodiguer un conseil pragmatique, toujours prononcé avec son calme distant mais étrangement encourageant.
— Ton contrôle du chakra s'affine, notait-il sobrement, mais tu dois garder tes émotions sous contrôle. Une maîtrise excessive ne suffit pas. La stabilité émotionnelle est tout aussi cruciale.
Sakura accueillait ces conseils avec humilité, consciente de l’importance profonde que Madara accordait à l’équilibre entre force et sérénité. Elle apprenait de lui cette patience stratégique, cette manière subtile d’évaluer chaque situation sans précipitation inutile.
— Sakura, dit-il simplement un soir après une séance d’entraînements. Marche avec moi.
Elle hocha silencieusement la tête et le suivit à travers les allées du campement, la neige fraîche crissant doucement sous leurs pieds. Après quelques pas, il reprit calmement :
— Tajima-sama assistera à notre prochaine réunion diplomatique avec les Hagoromo. Il veut s’assurer personnellement que cette alliance potentielle ne nous expose à aucun danger caché. Cela signifie que ta présence sera également requise.
Sakura releva les yeux vers lui, surprise mais restant attentive, consciente de l’importance de cette décision :
— Tajima-sama autoriserait une enfant à assister à une réunion diplomatique de cette importance ?
Madara répondit d’une voix toujours aussi posée, sans se départir de son sérieux :
— Oui. J'ai plaidé ta cause auprès de lui, non parce que tu es différente, mais parce que tu comprends instinctivement les nuances subtiles des interactions. Tu sais observer, analyser, et retenir l’essentiel. C’est une qualité rare et précieuse, même parmi les adultes. Mon père l’a compris.
Elle hocha lentement la tête, touchée par cette reconnaissance discrète mais réelle.
— Merci, Madara-sama. Je ferai tout pour honorer cette confiance.
Il ralentit légèrement, se tournant vers elle avec une intensité discrète mais tangible :
— Je compte sur toi pour rester attentive, Sakura. Observe bien chaque détail, chaque mot prononcé, chaque geste. Les Hagoromo semblent sincères, mais la diplomatie est une guerre silencieuse où chaque erreur se paie durement.
— Je ferai attention, Madara-sama, promit-elle sérieusement. Je ne vous décevrai pas.
Ils poursuivirent en silence jusqu'à la maison de Sakura. À l’entrée, Madara s’arrêta brièvement :
— Bonne nuit, Sakura. Prépare-toi bien pour demain.
Sans attendre de réponse, il s’éloigna silencieusement, laissant Sakura réfléchir seule à l’importance des responsabilités qui lui incombaient désormais.
Les jours suivants, elle se prépara intensément à cette rencontre diplomatique. Elle passa beaucoup de temps avec Kaito, discutant longuement des traditions diplomatiques, des coutumes à respecter, et de la façon dont elle devait se comporter pour honorer à la fois le clan et l’éventuelle alliance. Kaito se montrait patient et rassurant, répondant calmement à chacune de ses questions, lui offrant une précieuse stabilité émotionnelle au milieu de cette pression grandissante.
Quand enfin la réunion arriva, Sakura ressentit une nervosité subtile mais profonde. Tajima était là, imposant et respecté, assis silencieusement à la tête du groupe Uchiha. À sa droite se tenait Madara, impassible et concentré, et derrière lui, Kaito et elle-même, observateurs silencieux et attentifs.
Les émissaires Hagoromo arrivèrent ponctuellement, s’installant calmement face aux Uchiha, visiblement tendus mais déterminés. Leur chef actuel, un homme au visage jeune mais marqué par les responsabilités récentes, prit lentement la parole :
— Notre clan souhaite remercier les Uchiha pour avoir épargné nos jeunes. Ce geste inattendu nous a montré que même au cœur de la guerre, il est possible de choisir une voie différente.
Tajima hocha lentement la tête, ne laissant transparaître aucune émotion :
— Votre ouverture à une alliance prouve votre bonne volonté. Mais comprenez que cette collaboration doit être solide, durable, et mutuellement profitable.
Madara poursuivit avec prudence :
— Notre geste passé était sincère. Mais une alliance nécessite davantage que de simples paroles. Il faudra établir une confiance solide.
Les échanges se poursuivirent avec calme, ponctués par les interventions précises et courtes de Tajima. Sakura, discrète, observait attentivement chaque réaction, chaque subtilité dans les regards échangés entre les Hagoromo et les Uchiha. Elle percevait clairement le respect profond que les Hagoromo portaient à Madara, dont l'acte d'épargner les enfants avait eu un écho bien plus important que prévu.
La réunion dura longtemps, jusqu’à ce qu’une entente provisoire soit établie. Tajima accepta une alliance prudente, conditionnée par plusieurs rencontres ultérieures, afin de bâtir lentement une confiance mutuelle. Aucun accord précipité, seulement un début prometteur.
Lorsqu’ils rentrèrent finalement au campement après le départ des Hagoromo, Sakura remarqua l’expression songeuse de Madara, qui semblait méditer silencieusement les résultats de cette rencontre.
— Êtes-vous satisfait du déroulement des négociations ? demanda-t-elle doucement alors qu’ils marchaient côte à côte sous un ciel sombre.
Il resta silencieux un instant avant de répondre calmement :
— C’est un début acceptable. Mais l’alliance reste fragile. Elle dépendra beaucoup de notre prudence et de notre capacité à gérer habilement chaque échange futur.
Il tourna légèrement la tête vers elle, son expression à la fois sérieuse et intriguée :
— As-tu remarqué quelque chose en particulier pendant la rencontre ?
Elle réfléchit un instant avant de répondre avec prudence :
— Oui. Ils vous respectent beaucoup, Madara-sama. Je pense que votre geste envers leurs enfants a eu un impact profond, peut-être même plus que ce qu’ils admettent ouvertement.
Madara acquiesça lentement, un léger sourire fugace et subtil apparaissant brièvement sur ses lèvres :
— Tu es observatrice. Ce respect est une arme à double tranchant. Il peut nous aider, mais il peut aussi devenir une faiblesse si nous nous reposons trop sur lui.
Elle hocha la tête en silence, comprenant parfaitement ce qu’il voulait dire. Madara appréciait clairement sa capacité à saisir rapidement ces subtilités diplomatiques, tout en restant prudent et vigilant.
La soirée s'acheva paisiblement. Sakura se glissa dans son lit avec l’esprit empli de réflexions profondes sur ce qu’elle avait vécu, mais également rassurée par cette nouvelle preuve de confiance de Madara envers elle.
Le temps continua ainsi à s’écouler lentement, rythmé par les entraînements quotidiens, les rencontres diplomatiques occasionnelles et les discussions avec son père et Madara. Chaque jour qui passait, Sakura grandissait, évoluait, apprenait un peu plus sur elle-même et sur les autres, consciente que chaque petit choix, chaque interaction discrète contribuait lentement à façonner son avenir et celui de tout le clan.
Et peu à peu, sans que ni elle ni Madara ne s'en rendent vraiment compte, leur relation prenait subtilement une dimension nouvelle : respectueuse, intriguée, mais aussi empreinte d’une affection profonde et réservée qui, lentement, silencieusement, commençait à prendre racine entre eux.
Quelques jours plus tard, Sakura fut à nouveau convoquée par Madara. Cette fois, ce fut Izuna qui vint la chercher alors qu'elle s'entraînait avec Kaito.
— Sakura, mon frère requiert ta présence immédiatement, annonça-t-il, son expression habituellement calme laissant transparaître une légère tension.
Kaito fronça les sourcils, essuyant la sueur qui perlait sur son front.
— Un problème, Izuna-sama ?
Izuna hésita brièvement.
— Rien de grave. Une délégation Hagoromo est arrivée plus tôt que prévu. Mon frère pense que la présence de Sakura serait... utile.
Sakura échangea un regard rapide avec son père, qui hocha imperceptiblement la tête. Sans un mot, elle suivit Izuna à travers le campement. Le jeune homme marchait d'un pas vif, sa posture reflétant une vigilance constante.
— Les Hagoromo semblent agités, murmura-t-il sans ralentir. Quelque chose s'est produit à leur frontière est. Ils parlent de mouvements suspects des Senju.
Cette information fit naître une inquiétude sourde dans l'esprit de Sakura. Si les Senju manœuvraient près du territoire Hagoromo, cela pourrait signifier qu'ils avaient découvert les négociations en cours avec les Uchiha.
Lorsqu'ils arrivèrent à la tente principale où se tenaient les réunions diplomatiques, Sakura perçut immédiatement l'atmosphère tendue qui y régnait. Tajima se tenait debout, imposant et sévère, tandis que Madara était assis face aux trois représentants Hagoromo. Parmi eux, elle reconnut leur chef, Hagoromo Ryusei, dont le visage habituellement composé affichait une inquiétude manifeste.
— Ah, la voici, dit simplement Madara en la voyant entrer. Sakura, viens t'asseoir.
Elle s'avança silencieusement et prit place à côté de lui, consciente des regards curieux que lui lançaient les Hagoromo. Il était inhabituel qu'une enfant soit invitée à participer à de telles discussions, mais personne ne remit en question la décision de Madara.
— Comme je le disais, reprit Ryusei en se tournant vers Tajima, nos éclaireurs ont repéré un groupe important de Senju se déplaçant à moins d'une journée de marche de notre village principal. Ce n'est pas leur route habituelle, et leur nombre est trop important pour une simple patrouille.
— Combien ? demanda Tajima, son visage impassible masquant parfaitement ses pensées.
— Au moins trente guerriers, peut-être plus. Dirigés par Tobirama Senju lui-même.
Sakura sentit un frisson la parcourir à la mention de ce nom. Tobirama, le frère cadet d'Hashirama, futur Second Hokage. Un stratège redoutable et un adversaire implacable des Uchiha.
— Intéressant, murmura Madara, son regard se posant brièvement sur Sakura. Pourquoi pensez-vous qu'ils se dirigent vers votre territoire ?
Ryusei secoua lentement la tête.
— Nous ignorons leurs intentions exactes, mais la coïncidence est troublante. Peu après le début de nos négociations avec vous, les Senju se rapprochent dangereusement de nos terres.
— Vous suggérez qu'ils ont eu vent de nos discussions ? intervint Tajima, sa voix teintée d'une méfiance à peine voilée.
Le chef Hagoromo leva les mains en signe d'apaisement.
— Je ne suggère rien de tel, Tajima-sama. Notre discrétion a été totale. Mais les Senju ont toujours eu des moyens mystérieux d'obtenir des informations.
Un silence tendu s'installa dans la tente. Sakura observait attentivement chaque visage, chaque geste. Elle remarqua que l'un des accompagnateurs de Ryusei, un homme plus âgé aux traits tirés, évitait soigneusement de croiser le regard des Uchiha. Son chakra fluctuait légèrement, signe d'un inconfort ou d'une nervosité qu'il tentait de masquer.
Sans réfléchir, elle activa discrètement son Sharingan pendant une fraction de seconde, juste assez pour percevoir plus clairement les variations subtiles du chakra de l'homme. Ce qu'elle vit confirma ses soupçons : son énergie portait les traces caractéristiques d'une personne ayant récemment subi un genjutsu.
Madara dut percevoir son léger mouvement, car il lui lança un regard interrogateur. Sakura inclina imperceptiblement la tête vers l'homme plus âgé, espérant que Madara comprendrait son message silencieux.
— Avant de discuter de notre réponse à cette situation, dit calmement Madara, j'aimerais m'entretenir brièvement avec mon père et Sakura. Si vous voulez bien nous excuser un instant.
Les Hagoromo acquiescèrent, bien que visiblement surpris par cette interruption. Tajima suivit son fils et Sakura à l'extérieur, son visage n'exprimant rien mais son corps tendu comme un arc.
— Explique-toi, exigea-t-il dès qu'ils furent hors de portée d'oreille.
— L'homme plus âgé, à la droite de Ryusei, a été soumis à un genjutsu récemment, répondit Sakura à voix basse. Son chakra porte encore les marques distinctives d'une manipulation mentale.
Tajima leva un sourcil, visiblement sceptique.
— Et comment peux-tu en être si sûre, enfant ?
— Parce qu'elle l'a vu avec son Sharingan, intervint Madara avant que Sakura ne puisse répondre. Et elle a raison. J'ai perçu la même chose, mais je voulais une confirmation.
Le chef du clan observa Sakura avec une attention nouvelle, comme s'il réévaluait sa valeur.
— Si c'est vrai, alors les Senju ont déjà infiltré les Hagoromo. Ils pourraient connaître chaque détail de nos négociations.
— Pas nécessairement, nuança Madara. Le genjutsu était subtil, probablement destiné à extraire des informations spécifiques sans que la victime ne s'en rende compte. Je doute que cet homme soit un traître conscient.
— Que suggères-tu ? demanda Tajima, son regard oscillant entre son fils et Sakura.
Madara réfléchit un instant avant de répondre.
— Nous devons maintenir l'alliance, mais avec une prudence redoublée. Si nous accusons les Hagoromo d'avoir divulgué des informations, nous perdrons leur confiance juste au moment où nous en avons le plus besoin.
— Et si c'était précisément ce que veulent les Senju ? intervint doucement Sakura. Créer de la méfiance entre nous et les Hagoromo?
Tajima et Madara se tournèrent vers elle, surpris par son intervention.
— Continue, l'encouragea Madara.
— Les Senju savent que vous avez épargné des enfants Hagoromo lors de votre dernière confrontation, expliqua-t-elle. Ce geste a changé la perception qu'ils avaient des Uchiha. Si Tobirama Senju est aussi stratège qu'on le dit, il pourrait chercher à saboter cette alliance naissante en nous faisant douter les uns des autres.
Un silence pensif suivit ses paroles. Tajima l'observait avec une expression indéchiffrable, tandis que Madara semblait méditer profondément sa suggestion.
— Une analyse intéressante, finit par dire Tajima. Que proposes-tu ?
Sakura prit une profonde inspiration, surprise qu'on lui demande son avis mais déterminée à ne pas décevoir cette confiance inattendue.
— Je pense que nous devrions renforcer l'alliance, pas la fragiliser. Proposons aux Hagoromo une protection immédiate contre la menace Senju, tout en envoyant nos propres éclaireurs vérifier leurs informations. Si nous montrons de la méfiance maintenant, nous ferons exactement ce que Tobirama espère.
Tajima et Madara échangèrent un long regard, communiquant silencieusement comme seuls un père et son fils pouvaient le faire. Finalement, Tajima hocha la tête.
— Nous procéderons ainsi. Mais, ajouta-t-il en se tournant vers Sakura, nous resterons vigilants. La naïveté n'a pas sa place dans la diplomatie.
Ils retournèrent auprès des Hagoromo, Tajima prenant les devants avec une assurance renouvelée. Sakura resta légèrement en retrait, aux côtés de Madara.
— Merci, murmura-t-il si bas qu'elle faillit ne pas l'entendre. Tu as vu ce que même mon père n'avait pas remarqué.
Elle inclina légèrement la tête, touchée par ce rare compliment.
— J'ai simplement observé, comme vous me l'avez appris.
Un sourire fugace traversa le visage de Madara.
— Tu apprends bien, Sakura Uchiha. Très bien, même.
La réunion reprit, Tajima proposant aux Hagoromo l'aide immédiate d'une escouade Uchiha pour surveiller les mouvements Senju. L'offre fut acceptée avec gratitude, et des plans concrets commencèrent à se former. Tout au long des discussions, Sakura resta silencieuse, observant attentivement chaque détail, chaque réaction.
Elle réalisait que ce moment marquait un tournant important. Pour la première fois, elle n'était plus seulement une élève ou une curiosité pour le clan. Elle était devenue une voix écoutée, respectée pour sa perspicacité plutôt que simplement tolérée pour son potentiel.
Et tandis que la réunion se poursuivait, elle se surprit à penser que peut-être, juste peut-être, elle commençait vraiment à influencer le cours des événements. Non pas comme une force étrangère imposant sa volonté, mais comme une partie intégrante du clan Uchiha, contribuant à façonner son destin de l'intérieur.
C'était un pas modeste, mais significatif, vers son objectif de changer l'avenir. Un avenir où les Uchiha ne seraient pas définis uniquement par la tragédie et la vengeance, mais peut-être aussi par la sagesse et l'alliance.
Lorsque la réunion prit fin, les émissaires Hagoromo quittèrent le campement Uchiha avec une escorte dirigée par Izuna, chargée de les raccompagner en sécurité et d'établir une première ligne de défense contre d'éventuelles incursions Senju. Sakura observa leur départ depuis l'entrée de la tente, ses pensées tourbillonnant comme des feuilles dans un vent d'automne. Elle sentait que quelque chose d'important venait de se produire, un point d'inflexion subtil dans la trajectoire du clan.
— Tu sembles préoccupée, remarqua Madara en s'approchant silencieusement d'elle.
Elle leva les yeux vers lui, surprise par sa perspicacité.
— Je réfléchissais aux implications de cette alliance, répondit-elle honnêtement. Si les Senju cherchent activement à la saboter, cela signifie qu'ils la considèrent comme une véritable menace.
Madara acquiesça lentement, son regard fixé sur l'horizon où les silhouettes des Hagoromo et de leur escorte disparaissaient progressivement.
— Tobirama Senju n'agit jamais sans calcul précis, dit-il d'une voix basse et grave. S'il se déplace personnellement, c'est qu'il considère cette situation comme prioritaire.
— Le connaissez-vous bien ? osa demander Sakura, curieuse d'en apprendre davantage sur cette relation complexe qui, dans sa ligne temporelle originale, avait tant influencé l'histoire du monde shinobi.
Une ombre passa sur le visage de Madara, trahissant une émotion profonde qu'il maîtrisa presque immédiatement.
— Assez pour savoir qu'il est aussi dangereux que brillant, répondit-il sobrement. Contrairement à son frère, il n'a jamais eu d'illusions romantiques sur la possibilité d'une paix entre nos clans.
Cette dernière remarque attira particulièrement l'attention de Sakura. C'était la première fois que Madara faisait directement allusion à Hashirama et à leur amitié passée devant elle. Elle hésita, puis décida de saisir cette rare ouverture.
— Son frère... Hashirama. On dit qu'il est différent des autres Senju.
Le regard de Madara se durcit légèrement, mais sa voix resta calme.
— Hashirama est... complexe. Un idéaliste au milieu d'un monde pragmatique. Il croit sincèrement que les Senju et les Uchiha pourraient un jour coexister pacifiquement.
— Et vous, qu'en pensez-vous ? demanda doucement Sakura, retenant son souffle après avoir posé cette question audacieuse.
Madara resta silencieux si longtemps qu'elle crut qu'il ne répondrait pas. Puis, avec un soupir presque imperceptible :
— Il fut un temps où je partageais cette vision. Mais la réalité nous a rattrapés tous les deux.
Il se tourna vers elle, son regard soudain perçant et intense.
— Pourquoi ces questions, Sakura ? Qu'est-ce qui t'intéresse tant dans ma relation avec les Senju ?
Elle déglutit, consciente qu'elle devait choisir ses mots avec une extrême prudence.
— Je cherche à comprendre, répondit-elle finalement. Vous m'avez toujours encouragée à observer, à analyser. Et je vois deux clans puissants qui se détruisent mutuellement depuis des générations, alors que séparément, ils sont déjà formidables. Ensemble, ils seraient... invincibles.
Une lueur étrange traversa le regard de Madara : surprise, nostalgie, peut-être même une pointe douloureuse de reconnaissance.
— Tu parles exactement comme lui, murmura-t-il, si bas qu'elle l'entendit à peine.
Il secoua légèrement la tête, comme pour chasser un souvenir importun, et reprit une expression plus neutre.
— La politique du clan est complexe, Sakura. Ce que nous désirons personnellement importe peu face aux siècles de sang versé et de vengeances accumulées. N'oublie jamais cela.
Sur ces paroles énigmatiques, il s'éloigna, la laissant seule avec ses pensées et ses espoirs prudents.
Cette brève conversation avait confirmé ce qu'elle soupçonnait déjà : le Madara qu'elle connaissait maintenant n'était pas encore l'homme amer et torturé qu'elle avait affronté dans sa vie précédente. Il y avait encore en lui cette étincelle qui avait un jour rêvé de paix aux côtés d'Hashirama.
Cette réalisation lui donna un regain d'espoir. Peut-être n'était-il pas trop tard pour influencer le cours des événements, pour empêcher que cette étincelle ne s'éteigne complètement.
***
Les jours qui suivirent furent marqués par une activité intense au sein du clan. Des patrouilles supplémentaires furent organisées, les entraînements s'intensifièrent, et même les enfants furent soumis à des exercices d'évacuation en cas d'attaque surprise. L'atmosphère au campement était électrique.
Un matin, alors qu'elle s'entraînait seule près de la rivière qui bordait le territoire Uchiha, pratiquant son contrôle du chakra en marchant sur l'eau, Sakura perçut une présence familière qui l'observait.
— Tu maîtrises remarquablement cette technique pour ton âge, commenta Kagami en sortant de l'ombre des arbres.
Elle sourit légèrement, continuant à maintenir sa concentration.
— Merci, Kagami-san. C'est un exercice que j'apprécie particulièrement.
Il s'approcha du bord de l'eau, l'observant avec attention.
— J'ai entendu parler de ton intervention lors de la réunion avec les Hagoromo. Repérer un genjutsu aussi subtil... peu d'adultes en auraient été capables.
Sakura haussa modestement les épaules, regagnant la berge d'un pas léger.
— Mon Sharingan m'a aidée, et puis Madara-sama l'avait également remarqué.
Kagami secoua lentement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres.
— Madara-sama ne l'avait pas remarqué avant que tu ne le lui signales discrètement. Il me l'a confirmé lui-même.
Cette révélation la surprit. Pourquoi Madara aurait-il prétendu avoir vu le genjutsu avant elle ?
— Je ne comprends pas…
— Il te protège, expliqua simplement Kagami. Au sein du clan, certains Anciens s'inquiètent de tes progrès rapides, de ta perspicacité inhabituelle. En laissant croire qu'il t'a guidée vers cette découverte, Madara-sama apaise leurs craintes tout en reconnaissant ta valeur.
Sakura resta silencieuse, assimilant cette information. La politique interne du clan était encore plus complexe qu'elle ne l'imaginait, et Madara semblait y naviguer avec une subtilité qu'elle n'avait pas pleinement appréciée jusqu'à présent.
— Je viens te chercher pour une raison précise, reprit Kagami. J'ai besoin de toi au cercle d'étude aujourd'hui. J'ai trouvé un nouveau rouleau qui pourrait répondre à certaines de nos questions sur la mémoire du sang.
Sakura acquiesça immédiatement, curieuse de cette découverte.
— Je vais prévenir mon père et je vous rejoins.
— Kaito est déjà informé, sourit Kagami. Il nous rejoindra plus tard. Viens.
Ils traversèrent le campement jusqu'à la cabane de Kagami, où plusieurs membres du cercle étaient déjà rassemblés, dont Naori et l'Ancien Shinoru. Madara, elle le remarqua, était absent.
Kagami déroula précautionneusement un parchemin visiblement très ancien, sa surface jaunâtre craquelée par endroits. Les caractères qui y étaient tracés étaient différents de l'écriture moderne, utilisant un style archaïque que Sakura reconnut comme antérieur même à la fondation des grands clans.
— Ce rouleau, expliqua Kagami, provient d'une époque où le clan Uchiha n'existait pas encore sous sa forme actuelle. Il décrit les origines du Sharingan et certaines manifestations rares liées à ce don.
Il pointa un passage spécifique, les caractères à peine visibles sous la patine du temps.
— Ici, il est fait mention d'enfants nés avec une "âme ancienne" : des individus qui semblent posséder des connaissances qu'ils n'ont jamais apprises, des talents qu'ils n'ont jamais cultivés. Le texte suggère que ces âmes portent en elles l'expérience de vies antérieures, spécifiquement liées au clan.
Sakura sentit son cœur s'accélérer légèrement. Cette description correspondait étrangement à sa situation, bien que la vérité soit bien plus complexe qu'une simple réincarnation.
— Ces enfants, poursuivit l'Ancien Shinoru, étaient considérés comme des guides potentiels pour le clan, des ponts entre le passé et l'avenir. Mais ils étaient aussi vus comme des anomalies dont le destin était souvent... troublé.
— Que voulez-vous dire par "troublé" ? demanda Sakura, incapable de masquer totalement son inquiétude.
Shinoru échangea un regard avec Kagami avant de répondre :
— Le texte mentionne que ces âmes anciennes étaient souvent tourmentées par la dualité de leur existence — tiraillées entre ce qu'elles étaient et ce qu'elles savaient qu'elles devraient être. Cette tension pouvait parfois les mener à des choix... difficiles.
Un frisson parcourut l'échine de Sakura. La description résonnait trop profondément avec ses propres luttes intérieures, avec ce sentiment constant de naviguer entre deux identités, deux loyautés, deux destins.
— Et comment le clan les traitait-il ? demanda-t-elle d'une voix qu'elle s'efforça de garder neutre.
— Avec révérence, mais aussi avec prudence, répondit Kagami. Ils étaient considérés comme des atouts précieux, mais potentiellement imprévisibles. Le texte conseille de leur offrir guidance et protection, tout en surveillant attentivement leur développement.
Naori, qui était restée silencieuse jusqu'alors, intervint d'une voix douce :
— Ce qui nous amène à toi, Sakura. Nous pensons que tu pourrais être l'une de ces âmes anciennes. Ta maîtrise instinctive du chakra, ton éveil précoce du Sharingan, ta compréhension intuitive de concepts que tu n'as jamais étudiés... Tout cela correspond aux descriptions de ce rouleau.
L'atmosphère dans la pièce se densifia, tous les regards convergeant vers elle. Sakura sentit le poids de leurs attentes, de leurs espoirs, mais aussi de leurs inquiétudes. Cette explication — qu'elle était une "âme ancienne" portant les souvenirs d'une vie antérieure — était bien plus proche de la vérité qu'ils ne pouvaient l'imaginer, tout en restant fondamentalement inexacte.
— Je... je ne sais pas, répondit-elle finalement. Je me sens souvent différente, c'est vrai. Comme si je connaissais des choses que je ne devrais pas connaître. Mais je ne me souviens pas avoir vécu une autre vie.
Ce n'était pas techniquement un mensonge. Elle ne se souvenait pas d'une vie antérieure — elle se souvenait d'une vie future, ce qui était conceptuellement très différent.
Kagami sourit avec compassion.
— Nous ne nous attendons pas à ce que tu aies des souvenirs clairs, Sakura. Selon le texte, ces connaissances se manifestent plutôt comme des intuitions, des talents naturels, une sagesse qui semble déplacée chez quelqu'un de si jeune.
— Exactement comme ce que tu nous montres jour après jour, ajouta Naori avec douceur.
L'Ancien Shinoru se pencha vers elle, son regard intense mais bienveillant.
— Si notre théorie est exacte, Sakura, tu portes en toi une partie précieuse de l'héritage des Uchiha.
Une connaissance qui pourrait aider à guider notre clan vers un avenir meilleur.
Ces mots, prononcés avec une solennité respectueuse, touchèrent Sakura plus profondément qu'elle ne l'aurait cru possible. N'était-ce pas précisément ce qu'elle espérait accomplir ? Utiliser sa connaissance du futur pour guider les Uchiha vers un destin différent, moins tragique que celui qu'elle avait connu ?
— Je ferai de mon mieux, murmura-t-elle, sincèrement émue. Si je porte vraiment cette... sagesse en moi, je veux l'utiliser pour aider notre clan.
Kagami posa une main rassurante sur son épaule.
— Nous ne te mettons pas ce fardeau sur les épaules seule, Sakura. Nous sommes là pour t'aider à comprendre et à développer ce don. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il était temps d'intensifier ton entraînement dans certains domaines spécifiques.
— Quels domaines ? demanda-t-elle, curieuse.
— Les techniques médicales avancées, pour commencer, répondit Naori. Tu as montré une affinité naturelle pour la guérison et le contrôle précis du chakra. Et puis…
Elle hésita, échangeant un regard avec Kagami qui compléta :
— Et puis les techniques de scellement. Les arts du fūinjutsu sont rares et précieux, même parmi les Uchiha. Mais ils pourraient être particulièrement adaptés à ton type de chakra et à ta... situation unique.
Le fūinjutsu — les techniques de scellement. Sakura connaissait leur puissance et leur complexité. Dans sa vie précédente, elle avait étudié les bases sous la direction de Tsunade, mais n'avait jamais pleinement exploré ce domaine. L'idée d'approfondir cette connaissance était intrigante.
— J'accepte avec gratitude, dit-elle simplement.
Le reste de la journée fut consacré à l'étude approfondie du rouleau ancien et à la planification de son nouveau programme d'entraînement. À mesure que les heures passaient, Sakura sentait grandir en elle un sentiment complexe — un mélange d'espoir, d'appréhension et de détermination renouvelée.
Cette théorie de "l'âme ancienne" lui offrait une couverture parfaite pour les connaissances qu'elle possédait, tout en lui permettant d'accéder à des enseignements qui pourraient véritablement l'aider dans sa mission.
C'était une opportunité inattendue, un cadeau du destin.
Quand elle quitta finalement la cabane de Kagami, le soleil se couchait déjà, peignant le ciel de teintes orangées et pourpres. Sur le chemin du retour, elle croisa Madara qui semblait l'attendre, adossé à un arbre, son expression indéchiffrable comme toujours.
— Kagami m'a informé de votre découverte, dit-il sans préambule. Et de votre décision concernant ton entraînement.
— Cela vous dérange? demanda-t-elle, soudain inquiète d'avoir peut-être outrepassé son autorité.
Madara secoua lentement la tête.
— Au contraire. Je l'ai approuvé. Les techniques médicales et le fūinjutsu correspondent parfaitement à tes aptitudes naturelles.
Il fit quelques pas vers elle, réduisant la distance qui les séparait.
— Mais je tenais à te dire personnellement que cet entraînement supplémentaire ne remplace pas nos sessions. Tu continueras à développer ton Sharingan et tes techniques de combat sous ma supervision.
— Bien sûr, Madara-sama, acquiesça-t-elle immédiatement. Je n'envisageais pas autrement.
Il l'observa un long moment, son regard scrutateur semblant chercher quelque chose dans ses yeux.
— Cette théorie de "l'âme ancienne"... qu'en penses-tu vraiment, Sakura ?
La question la prit au dépourvu par sa franchise directe. Elle choisit ses mots avec soin.
— Je pense qu'elle explique certaines choses que je ressens et que je ne comprends pas totalement moi-même. Cette impression constante d'être... différente. De voir plus loin, ou différemment.
Madara acquiesça lentement.
— J'ai toujours su que tu étais spéciale, Sakura. Dès notre première rencontre. Tu possèdes une sagesse qui dépasse de loin ton âge, une perspective que même certains Anciens n'ont pas.
Il fit une pause, semblant hésiter avant d'ajouter :
— Parfois, quand tu parles, j'ai l'impression d'entendre des échos d'une autre époque. D'un autre monde, peut-être.
Ces paroles firent naître en elle un sentiment étrange, mélange de peur et de profonde connexion. Se pouvait-il que Madara perçoive, même inconsciemment, une part de sa vérité ?
— Quel que soit le nom qu'on lui donne, mémoire du sang, âme ancienne, ou simple talent naturel, ce que tu possèdes est précieux, Sakura. Non seulement pour le clan, mais pour moi également.
Cette dernière admission, prononcée presque à contrecœur, la toucha profondément.
— Merci, Madara-sama, murmura-t-elle, incapable d'en dire plus tant l'émotion serrait sa gorge.
Il esquissa un geste léger, presque hésitant, comme s'il avait voulu poser sa main sur sa tête mais s'était ravisé au dernier moment.
— Va te reposer maintenant. Demain, nous reprendrons l'entraînement à l'aube.
Elle hocha la tête et s'éloigna vers la maison qu'elle partageait avec son père, le cœur étrangement léger malgré la complexité croissante de sa situation. Cette journée avait tissé de nouveaux fils dans la tapisserie de son existence au sein du clan Uchiha : des fils qui la liaient plus étroitement encore à ce passé qui, paradoxalement, représentait son avenir.
Et parmi ces fils, celui qui la reliait à Madara semblait désormais plus solide, plus brillant. Un lien qu'elle n'avait jamais anticipé, mais qui devenait progressivement central dans sa quête pour changer le destin.
Chapter 4: Alliés et Adversaires
Chapter Text
La fraîcheur de l'aube recouvrait encore la vallée d'une brume légère, conférant au campement Uchiha une aura presque mystique. Les premières lueurs du jour se déversaient lentement entre les arbres, traçant des chemins dorés sur la terre humide. Dans cette lumière naissante, une silhouette solitaire s'exerçait au centre d'une clairière, ses mouvements à la fois fluides et précis, témoignant d'années d'entraînement rigoureux.
Sakura avait désormais dix ans. Les années passées au sein du clan Uchiha avaient transformé la petite fille qu'elle était en une jeune kunoichi disciplinée dont les capacités suscitaient l'admiration et parfois l'envie.
Ses cheveux noirs, héritage de sa nouvelle famille, cascadaient maintenant jusqu'à ses épaules, généralement attachés en une queue de cheval stricte pendant les entraînements. Ses traits s'étaient affinés, conservant cette douceur enfantine tout en révélant les premières promesses de la femme qu'elle deviendrait.
Mais c'étaient ses yeux qui avaient le plus changé — son Sharingan, désormais pleinement développé avec trois tomoe parfaits dans chaque iris, lui conférait une perception et une précision redoutables.
Terminant une série complexe de katas, Sakura s'immobilisa, reprenant son souffle. Son corps avait gagné en force et en souplesse, mais restait encore celui d'une enfant, une réalité parfois frustrante lorsque son esprit se rappelait les capacités physiques qu'elle avait possédées dans sa vie antérieure.
Néanmoins, elle avait appris à transformer cette limitation en force, compensant sa stature modeste par une maîtrise exceptionnelle du chakra et une agilité surprenante.
Le craquement d'une branche attira son attention. Sans se retourner, elle sourit légèrement.
— Vous êtes matinal aujourd'hui, Madara-sama.
Il émergea des ombres, grand et imposant malgré ses dix-neuf ans. Madara avait également changé au fil des années, sa stature s'affirmant, son visage perdant les dernières traces de l'adolescence pour révéler les contours anguleux de l'adulte. Ses longs cheveux noirs, indomptables comme toujours, contrastaient avec la précision calculée de chacun de ses mouvements.
— Je pourrais dire la même chose de toi, répondit-il calmement. Le soleil vient à peine de se lever.
— Le sommeil me fuyait, admit-elle. J'ai préféré mettre ce temps à profit.
Madara l'observa un instant, son regard scrutateur semblant évaluer chacun de ses gestes, chacune de ses expressions.
— Tes progrès sont notables, commenta-t-il finalement. Ton kata final était presque parfait.
— Presque ? répéta-t-elle avec un sourire en coin, sachant parfaitement que Madara ne prodiguait jamais de compliments complets.
Un léger sourire effleura ses lèvres.
— Ta posture finale manquait d'équilibre. Ton pied droit était légèrement trop avancé.
Elle acquiesça, acceptant la critique avec la maturité qui la caractérisait désormais. Ces échanges étaient devenus une routine familière entre eux, un rituel confortable dans un monde autrement imprévisible.
Le visage de Madara retrouva son sérieux habituel.
— Tajima-sama convoque un conseil aujourd'hui. Ta présence est requise.
Cette annonce la surprit. Bien qu'elle assiste occasionnellement à certaines réunions diplomatiques depuis quelques années, les conseils de guerre restaient généralement réservés aux adultes et aux guerriers confirmés.
— Puis-je demander pourquoi ?
— Les éclaireurs sont revenus du territoire nord, expliqua Madara, son expression s'assombrissant. Les rumeurs étaient fondées. Les Senju amassent des forces significatives et semblent préparer une offensive majeure.
Sakura sentit son corps se tendre instinctivement. Depuis plusieurs mois, des murmures circulaient concernant d'importants mouvements de troupes chez les Senju. Ces nouvelles confirmaient leurs pires craintes.
— Et notre alliance avec les Hagoromo ? demanda-t-elle prudemment.
— Elle tiendra, répondit Madara avec une confiance mesurée. C'est d'ailleurs l'une des raisons de ta convocation. Ton rôle dans l'établissement de cette alliance n'a pas été oublié.
Cette explication était vraisemblable, mais Sakura soupçonnait d'autres motifs. Après toutes ces années, elle avait appris à déchiffrer les non-dits de Madara, les subtilités de ses intentions. Il y avait autre chose, quelque chose qu'il ne révélait pas encore.
— Le conseil se réunit à midi, ajouta-t-il. Termine ton entraînement et prépare-toi. Ce sera... politique.
Sur ces paroles énigmatiques, il s'éloigna, la laissant seule avec ses pensées et ses interrogations. Sakura reprit ses exercices, mais son esprit vagabondait désormais vers les implications de cette convocation et les possibles développements à venir.
Les années avaient peut-être passé, mais la menace de guerre restait omniprésente, comme une ombre permanente planant sur leur existence. Et aujourd'hui, cette ombre semblait plus dense, plus menaçante que jamais.
***
Le soleil atteignait son zénith lorsque Sakura se dirigea vers la grande tente du conseil, située au centre du campement. Vêtue de l'uniforme traditionnel Uchiha - un kimono bleu marine aux manches courtes et un hakama assorti, le tout frappé de l'emblème du clan - elle avait fait particulièrement attention à son apparence, consciente de l'importance de cette réunion.
Kaito l'attendait à l'entrée, son visage trahissant une légère préoccupation. Au fil des années, il était devenu non seulement un père aimant mais aussi un mentor précieux, guidant ses progrès avec une patience et une rigueur qui avaient forgé son caractère autant que ses compétences.
— Tu es prête ? demanda-t-il simplement.
Elle hocha la tête, appréciant silencieusement sa présence rassurante.
— Que sais-tu de cette réunion, chichi ?
Kaito jeta un regard prudent autour d'eux avant de répondre à voix basse :
— Les nouvelles du nord sont préoccupantes. Mais ce n'est pas uniquement la menace Senju qui provoque ce conseil. Un message est arrivé hier... directement d'Hashirama Senju.
Cette révélation la figea sur place. Hashirama avait envoyé un message au clan Uchiha ? C'était un développement significatif, peut-être même historique.
— Que contenait ce message ? osa-t-elle demander.
— Je l'ignore. Seuls Tajima-sama et Madara-sama en connaissent le contenu exact, mais les rumeurs circulent... certains parlent d'une proposition de trêve, peut-être même de paix.
Le cœur de Sakura s'accéléra. Une proposition de paix... était-ce possible que les événements s'orientent naturellement vers la fondation de Konoha ? Ou était-ce simplement une manœuvre stratégique des Senju ?
Avant qu'elle puisse réfléchir davantage, les gardes à l'entrée de la tente leur firent signe d'avancer. L'heure était venue.
L'intérieur de la tente était plus spacieux qu'il n'y paraissait de l'extérieur. Une grande table basse occupait le centre, entourée de coussins disposés selon une hiérarchie stricte. Tajima siégeait naturellement à la position d'honneur, avec Madara à sa droite. Les Anciens et les principaux chefs de guerre du clan occupaient les places principales, tandis que les conseillers et autres participants se tenaient légèrement en retrait.
Sakura et Kaito prirent place parmi ce second cercle, bien que Sakura nota avec surprise qu'un coussin avait été spécifiquement préparé pour elle à une position inhabituellement honorifique pour quelqu'un de son âge.
Le silence s'installa rapidement lorsque Tajima leva la main. Malgré les années qui avaient légèrement terni sa prestance physique, le chef du clan conservait une autorité naturelle qui imposait immédiatement le respect.
— Nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter de deux sujets critiques qui pourraient déterminer l'avenir de notre clan, commença-t-il, sa voix grave résonnant dans l'espace confiné. Premièrement, nos éclaireurs confirment que les Senju concentrent des forces significatives à notre frontière nord. Selon nos estimations, ils pourraient mobiliser jusqu'à cent cinquante guerriers, peut-être davantage.
Un murmure inquiet parcourut l'assemblée. Une force de cette ampleur représentait une menace existentielle, même pour un clan aussi puissant que les Uchiha.
— Notre alliance avec les Hagoromo nous assure environ quarante combattants supplémentaires, continua Tajima. Avec nos propres forces, nous pouvons aligner près de cent vingt guerriers. Le rapport de force n'est pas en notre faveur, mais notre supériorité technique pourrait compenser cette différence.
L'un des Anciens, Takeo, se racla la gorge avant d'intervenir :
— Ne pourrions-nous pas solliciter d'autres alliés ? Le clan Uzumaki pourrait-
— Les Uzumaki sont déjà alliés aux Senju, coupa sèchement Tajima. Nous ne pouvons compter sur eux.
— Qu'en est-il des Hyūga? proposa un autre conseiller. Ils n'ont jamais eu d'affinités particulières avec les Senju.
Madara secoua lentement la tête.
— Les Hyūga observent et attendent. Ils ne s'engageront pas dans un conflit où ils n'ont rien à gagner et tout à perdre.
Le débat se poursuivit ainsi, chaque proposition d'alliance supplémentaire étant minutieusement analysée et généralement rejetée pour diverses raisons stratégiques ou historiques. Sakura écoutait attentivement, notant les dynamiques politiques complexes qui unissaient ou opposaient les différents clans. C'était une véritable leçon d'histoire vivante, bien plus nuancée que ce qu'elle avait appris dans les livres de Konoha.
Après près d'une heure de discussions tendues, Tajima leva à nouveau la main pour ramener le silence.
— Ceci nous amène au second sujet de cette réunion, dit-il, son visage se durcissant visiblement. Nous avons reçu hier un message de Hashirama Senju lui-même.
La tension dans la tente s'intensifia immédiatement. Tous les regards étaient désormais fixés sur Tajima, dans l'attente de cette révélation cruciale.
Sans un mot, le chef du clan fit glisser un rouleau scellé vers le centre de la table. Le sceau, portant le symbole du clan Senju, avait déjà été brisé.
— Hashirama propose une rencontre, déclara-t-il simplement. Une rencontre pour discuter non pas d'une simple trêve, mais d'une paix permanente entre nos clans.
Le silence qui suivit cette annonce était si complet que Sakura pouvait entendre sa propre respiration. Puis, comme une vague, les réactions déferlèrent.
— C'est un piège ! s'exclama l'un des conseillers.
— Une manœuvre pour nous distraire pendant qu'ils préparent leur attaque, renchérit un autre.
— Nous ne pouvons faire confiance aux Senju, jamais ! cracha un troisième.
Tajima laissa les protestations se poursuivre quelques instants avant d'intervenir à nouveau :
— J'ai partagé mes propres réserves avec Madara. Cependant, il a insisté pour que nous discutions ouvertement de cette proposition au conseil.
Tous les regards se tournèrent vers Madara, dont l'expression restait impassible malgré l'attention soudaine.
— Hashirama ne propose pas seulement une paix entre nos clans, précisa-t-il calmement. Il suggère une alliance permanente, une cohabitation, peut-être même la création d'un village où Uchiha et Senju vivraient côte à côte, protégeant leurs familles ensemble plutôt que les uns contre les autres.
Sakura sentit son cœur manquer un battement. C'était exactement la vision qui avait mené à la fondation de Konoha dans sa ligne temporelle originale. Entendre Madara l'évoquer aussi directement, avec cette neutralité apparente, était bouleversant.
— Folie ! s'écria l'un des Anciens. Vivre aux côtés de ceux qui ont massacré nos frères et sœurs pendant des générations ? Jamais !
— La haine et la méfiance ne s'effacent pas avec de belles paroles, ajouta un autre guerrier, son visage marqué par d'anciennes cicatrices. Le sang appelle le sang.
Sakura observait attentivement les réactions, notant que si la majorité exprimait un rejet catégorique, certains restaient silencieux, pensifs. Kagami, notamment, échangeait des regards entendus avec quelques autres membres du cercle secret qu'elle fréquentait depuis des années.
Le débat s'enflamma rapidement, opposant les traditionalistes inflexibles aux rares voix plus modérées. Tajima observait ces échanges sans intervenir, son visage ne trahissant aucune émotion.
Madara, quant à lui, gardait un silence calculé, laissant les opinions s'exprimer pleinement.
Finalement, après que les arguments eurent été répétés et les positions fermement établies, Tajima reprit la parole :
— Avant de prendre une décision, j'aimerais entendre l'avis de celle qui nous a aidés à établir notre première alliance significative depuis des décennies.
Tous les regards se tournèrent vers Sakura, dont la surprise fut à peine dissimulée. Elle ne s'attendait pas à être sollicitée aussi directement, surtout sur un sujet d'une telle importance.
— Sakura Uchiha, dit formellement Tajima, ta perspective a prouvé sa valeur par le passé. Que penses-tu de cette proposition des Senju ?
Un silence expectatif s'installa tandis qu'elle rassemblait ses pensées. Elle était parfaitement consciente de l'opportunité extraordinaire qui se présentait, mais aussi des risques immenses que comportait chaque mot qu'elle prononcerait.
— Tajima-sama, commença-t-elle avec une déférence respectueuse, je pense que nous devons considérer cette proposition comme nous considérerions toute autre manœuvre stratégique : avec prudence, mais sans préjugés qui pourraient obscurcir notre jugement.
Elle fit une pause, mesurant soigneusement ses paroles suivantes.
— La guerre entre nos clans dure depuis des générations, et pourtant ni les Uchiha ni les Senju n'ont réussi à obtenir une victoire décisive. Chaque bataille gagnée engendre simplement la suivante, dans un cycle sans fin de violence et de vengeance.
Quelques froncements de sourcils accueillirent cette observation, mais elle poursuivit avec détermination.
— Si Hashirama Senju propose sincèrement une alternative à ce cycle, peut-être devrions-nous au moins écouter ce qu'il a à dire. Une rencontre, avec des garanties de sécurité appropriées, ne nous engage à rien mais pourrait nous révéler de nouvelles possibilités.
Elle se tourna légèrement vers Madara, cherchant inconsciemment son approbation alors qu'elle continuait :
— La force véritable d'un clan ne se mesure pas uniquement à sa capacité à détruire ses ennemis, mais aussi à sa capacité à protéger les siens et à s'adapter à un monde changeant. Peut-être que cette proposition, aussi inattendue soit-elle, représente une forme d'adaptation que nous n'avions pas envisagée jusqu'ici.
Un silence prolongé suivit ses paroles.
Certains membres du conseil la regardaient avec stupéfaction, d'autres avec une colère à peine contenue. Mais elle remarqua également des hochements de tête discrets parmi les moins expressifs, et le regard approbateur de Kagami.
Tajima l'observait avec une intensité troublante, comme s'il tentait de lire au-delà de ses paroles.
— Des mots sages pour quelqu'un de si jeune, commenta-t-il finalement. Ou peut-être est-ce cette fameuse "âme ancienne" qui parle à travers toi.
Cette allusion à la théorie développée au fil des ans sur sa nature particulière provoqua quelques murmures dans l'assemblée.
— Quoi qu'il en soit, reprit Tajima, la question reste entière : devrions-nous accepter cette rencontre proposée par Hashirama, ou la rejeter comme une ruse potentielle ?
Madara choisit ce moment pour intervenir, sa voix calme mais autoritaire captant immédiatement l'attention de tous.
— J'ai combattu les Senju plus que la plupart d'entre vous, dit-il, ses yeux balayant lentement l'assemblée. J'ai perdu trois frères à cause d'eux. Ma haine envers eux a été... profonde.
Il fit une pause, son regard se perdant brièvement dans le vide, comme s'il revisitait des souvenirs douloureux.
— Mais je connais aussi Hashirama mieux que quiconque ici. Sa puissance est incontestable, peut-être même inégalée. Et pourtant, il propose la paix plutôt que d'exploiter cette puissance pour nous anéantir.
Il se tourna vers son père.
— Je suggère que nous acceptions cette rencontre, mais avec des conditions strictes. Un lieu neutre, des garanties de sécurité, un nombre limité de représentants de chaque côté.
Tajima considéra son fils avec une expression complexe, mélange de fierté et d'inquiétude.
— Ta suggestion est notée, dit-il simplement avant de se tourner vers le reste du conseil. D'autres opinions ?
Le débat reprit de plus belle, mais Sakura n'écoutait plus que d'une oreille. Son attention était fixée sur Madara, dont le bref discours l'avait profondément troublée. Elle avait perçu dans sa voix, dans son regard, quelque chose qu'elle n'avait jamais vraiment observé chez lui auparavant : un conflit intérieur, une hésitation presque imperceptible.
Pour la première fois, elle entrevoyait clairement le Madara qui avait un jour partagé un rêve de paix avec Hashirama, avant que les tragédies et les manipulations ne le transforment en l'être torturé qu'elle avait affronté dans sa vie précédente.
C'était à la fois une révélation et une confirmation de ce qu'elle avait toujours espéré : il y avait une chance, aussi mince soit-elle, de changer le cours des événements.
La réunion s'acheva finalement sans consensus clair, Tajima reportant sa décision finale à plus tard.
Alors que les membres du conseil se dispersaient, Sakura fut surprise de constater que la journée était déjà bien avancée, le soleil commençant sa lente descente vers l'horizon.
Elle s'apprêtait à rejoindre son père lorsqu'une main se posa légèrement sur son épaule. Se retournant, elle découvrit l'Ancien Shinoru, son visage ridé arborant une expression indéchiffrable.
— Marche avec moi un moment, jeune Sakura, demanda-t-il doucement.
Intriguée, elle acquiesça, adressant un bref signe à Kaito pour lui indiquer qu'elle le rejoindrait plus tard. Ils s'éloignèrent lentement de la tente du conseil, empruntant un chemin qui menait vers le petit sanctuaire où étaient conservés les textes sacrés du clan.
— Tu as parlé avec sagesse aujourd'hui, commença Shinoru après quelques instants de silence. Mais aussi avec une audace que peu au sein du clan oseraient manifester.
— Ai-je offensé les Anciens ? S'inquiéta-t-elle.
Un sourire fugace traversa le visage parcheminé du vieil homme.
— Offensé ? Non. Surpris, certainement. Inquiété, peut-être. Mais l'offense requiert une intention malveillante, et tes paroles, bien que provocatrices, étaient manifestement sincères.
Ils atteignirent le sanctuaire et Shinoru l'invita à entrer. L'intérieur était plongé dans une pénombre paisible, uniquement éclairé par quelques lanternes dont la flamme semblait brûler en permanence. L'odeur d'encens et de parchemins anciens créait une atmosphère presque mystique.
— Sais-tu pourquoi je t'ai amenée ici ? demanda l'Ancien, observant attentivement sa réaction.
Sakura secoua lentement la tête, bien qu'elle eût quelques soupçons.
Shinoru s'approcha d'une niche dissimulée dans le mur et en extraya avec révérence un rouleau visiblement très ancien.
— Ce texte est l'un des plus anciens que notre clan possède, expliqua-t-il en le déroulant précautionneusement. Il date d'une époque où les Uchiha n'étaient pas encore connus sous ce nom, où notre clan commençait à peine à comprendre la nature et les pouvoirs du Sharingan.
Il pointa un passage spécifique, les caractères à peine visibles sous l'effet du temps.
— Ici, il est fait mention d'une prophétie, ou peut-être d'une simple prédiction faite par l'un de nos ancêtres les plus vénérés. Elle parle d'un temps où "l'enfant aux yeux anciens" guidera le clan vers un carrefour crucial. Les choix faits à ce moment détermineront si les Uchiha prospéreront dans la lumière ou se consumeront dans leur propre flamme.
Sakura sentit un frisson la parcourir. Cette description semblait faire directement référence à la théorie de "l'âme ancienne" qu'on lui attribuait.
— Vous pensez que cette prophétie... me concerne ? demanda-t-elle prudemment.
Shinoru la considéra longuement avant de répondre :
— Je ne sais pas si c'est une véritable prophétie ou simplement les réflexions d'un ancien sage. Mais je sais reconnaître les signes lorsqu'ils se manifestent, Sakura. Ton arrivée dans notre clan, ton éveil précoce du Sharingan, ta sagesse inhabituelle... tout cela suggère que tu as un rôle à jouer dans notre destin collectif.
Il referma délicatement le rouleau.
— Le message d'Hashirama Senju représente peut-être ce carrefour dont parle le texte. Et aujourd'hui, tu as clairement indiqué quelle direction tu considères comme préférable.
— Je n'ai fait qu'exprimer mon opinion, murmura-t-elle, soudain consciente du poids immense que ses paroles pouvaient porter.
— Parfois, une opinion exprimée au bon moment peut changer le cours de l'histoire, répondit simplement l'Ancien. Particulièrement lorsqu'elle résonne avec des idées que d'autres nourrissent silencieusement.
Il rangea soigneusement le rouleau dans sa niche avant de poursuivre :
— Tu as remarqué, j'en suis certain, que Madara-sama a soutenu l'idée d'une rencontre avec Hashirama. Ce n'est pas une position qu'il aurait adoptée il y a quelques années.
Sakura hocha lentement la tête, repensant à l'évolution subtile mais significative de Madara au fil des ans, et à sa propre influence potentielle sur cette évolution.
— Sais-tu pourquoi je te révèle cela maintenant ? demanda Shinoru.
— Je crois que oui, répondit-elle après un moment de réflexion. Vous voulez que je sois consciente des implications possibles de mes paroles et de mes actions.
L'Ancien sourit, apparemment satisfait de sa perspicacité.
— Pas seulement cela. Je veux aussi que tu comprennes que tu n'es pas seule à porter ce fardeau. D'autres au sein du clan, même parmi les Anciens, commencent à questionner la sagesse d'une guerre perpétuelle. Ton rôle n'est pas de nous guider seule vers un nouveau chemin, mais peut-être d'articuler ce que beaucoup commencent à penser sans oser l'exprimer.
Cette révélation réconforta Sakura plus qu'elle ne l'aurait imaginé. L'idée qu'elle ne luttait pas seule contre un destin apparemment inéluctable, mais qu'elle faisait partie d'un mouvement plus large, plus organique, renforçait sa détermination.
— Je comprends, Shinoru-sama. Je ferai de mon mieux pour honorer cette confiance.
— J'en suis convaincu, acquiesça-t-il. Maintenant, il y a autre chose dont je dois te parler. Quelque chose de plus immédiat.
Son ton soudain plus grave alerta Sakura.
— Demain, le conseil des Anciens se réunira pour discuter de ton Genpuku.
Le Genpuku — le rituel traditionnel marquant le passage à l'âge adulte chez les Uchiha. Généralement réservé aux adolescents d'au moins treize ans, il était extrêmement rare qu'il soit envisagé pour quelqu'un de son âge.
— Mais je n'ai que dix ans, objecta-t-elle, surprise. C'est bien trop tôt.
— Normalement, oui, confirma Shinoru. Mais tes capacités et ta maturité ont largement dépassé celles de tes pairs. Et avec la menace Senju qui se profile, le clan a besoin de chaque guerrier capable.
Il posa une main rassurante sur son épaule.
— Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas encore décidé, et même si le rituel est approuvé, il sera adapté à ton âge. L'épreuve habituelle serait remplacée par une mission plus appropriée, mais tout aussi significative.
Sakura acquiesça lentement, assimilant cette nouvelle information. Le Genpuku représenterait un changement majeur dans son statut au sein du clan — une reconnaissance officielle de ses capacités, mais aussi de nouvelles responsabilités et attentes.
— Quelle serait cette mission ? Demanda-t-elle.
— Cela n'a pas encore été déterminé, répondit Shinoru. Mais je pense qu'il s'agirait de récupérer un artefact ancien dans l'un des temples abandonnés à la frontière de nos territoires. Une mission risquée, mais pas suicidaire, qui démontrerait ton courage et tes compétences.
Ils quittèrent le sanctuaire, retournant lentement vers le centre du campement alors que le crépuscule s'installait. Les révélations de Shinoru occupaient entièrement l'esprit de Sakura — la prophétie ancienne, son rôle potentiel dans le destin du clan, et maintenant ce Genpuku inattendu.
Avant de la quitter, l'Ancien ajouta une dernière réflexion :
— Quoi qu'il arrive dans les jours à venir, Sakura, rappelle-toi que le véritable pouvoir ne réside pas dans la force des techniques ou la puissance du chakra, mais dans la sagesse de reconnaître quand utiliser cette force et quand s'en abstenir.
Sur ces paroles énigmatiques, il s'éloigna, la laissant méditer sur les nombreux fils qui semblaient soudain converger vers un nœud crucial dans la tapisserie complexe de sa nouvelle existence.
***
Les jours suivants s'écoulèrent dans une atmosphère de tension croissante au sein du campement Uchiha. La décision concernant la proposition d'Hashirama restait en suspens, Tajima sollicitant l'avis des différentes factions du clan tout en envoyant des éclaireurs supplémentaires vérifier les mouvements Senju.
Comme Shinoru l'avait prédit, le conseil des Anciens approuva le Genpuku de Sakura, bien que la nouvelle ne fut pas immédiatement rendue publique. Elle apprit la décision par l'intermédiaire de son père, dont l'expression trahissait un mélange de fierté et d'inquiétude.
— Es-tu certaine d'être prête pour cela ? lui demanda-t-il alors qu'ils étaient seuls dans leur maison, partageant un repas simple à la fin d'une longue journée d'entraînement.
— Je crois que oui, répondit-elle avec plus d'assurance qu'elle n'en ressentait réellement. L'épreuve a été adaptée, après tout.
Kaito posa son bol, son regard sérieux fixé sur elle.
— Adaptée ou non, ce sera dangereux, Sakura. Les temples abandonnés sont souvent piégés, et parfois habités par des bandits ou des ninjas renégats. Sans parler du fait que tu seras accompagnée d'Izuna-sama et de jeunes guerriers qui, bien que talentueux, manquent encore d'expérience réelle.
Elle comprenait ses craintes. Depuis la mort d'Hanae, Kaito avait reporté toute son affection et sa protection sur elle, devenant à la fois plus attentif et plus anxieux quant à sa sécurité.
— Je serai prudente, promit-elle doucement. Et je ne serai pas seule. Izuna-sama est un guerrier accompli, et les autres membres de l'équipe ont été spécifiquement choisis pour leurs compétences complémentaires.
Kaito hocha lentement la tête, pas entièrement rassuré mais conscient qu'il ne pourrait pas la dissuader.
— Je suis fier de toi, Sakura, dit-il finalement. Ta mère le serait également. Mais n'oublie jamais que même les missions les plus simples peuvent devenir dangereuses en un instant. Fais confiance à tes instincts autant qu'à ton entraînement.
— Je le ferai, promit-elle.
Le jour suivant fut consacré aux derniers préparatifs pour la mission. L'équipe se réunirait à l'aube, et le voyage jusqu'au temple prendrait environ deux jours. Sakura vérifiait méthodiquement son équipement lorsqu'un messager l'informa que Madara souhaitait la voir immédiatement.
Elle le trouva dans la clairière où ils s'entraînaient habituellement, visiblement absorbé dans ses pensées. À son approche, il se redressa, son expression indéchiffrable comme souvent.
— Tu pars demain, constata-t-il simplement.
— Oui, Madara-sama.
— Cette mission marquera ton passage officiel au statut de guerrière du clan, poursuivit-il. Une étape importante pour quelqu'un de ton âge.
Elle acquiesça silencieusement, attendant qu'il révèle la véritable raison de cette convocation.
Madara sembla hésiter, puis sortit un petit objet de sa poche qu'il lui tendit. C'était un kunai, mais pas un ordinaire. Sa forme était légèrement différente, plus effilée, et le métal semblait luire d'une teinte bleutée inhabituelle.
— C'est un kunai de chakra, expliqua-t-il alors qu'elle l'examinait avec curiosité. Forgé spécifiquement pour canaliser et amplifier le chakra de son utilisateur. Il appartenait à mon frère aîné avant qu'il ne tombe au combat.
Sakura leva les yeux, stupéfaite par ce cadeau. Pour un Uchiha, offrir une arme ayant appartenu à un proche décédé était un geste d'une signification profonde.
— Madara-sama, je ne peux pas accepter quelque chose d'aussi précieux, murmura-t-elle.
— Tu peux, et tu le feras, répondit-il fermement. Un guerrier doit avoir les meilleurs outils à sa disposition, et ton affinité naturelle avec le chakra rendra cette arme particulièrement efficace entre tes mains.
Elle inclina respectueusement la tête, acceptant finalement le cadeau avec révérence.
— Merci. Je m'en montrerai digne.
Il hocha brièvement la tête, puis ajouta d'une voix plus basse :
— Une dernière chose. Le temple que tu vas visiter renferme plus que de simples reliques. Selon nos archives, il contient des textes sacrés liés aux origines du Sharingan, peut-être même aux premières manifestations de la mémoire du sang.
Son intérêt piqué, Sakura attendit qu'il poursuive.
— Si tu trouves des parchemins portant ce symbole, dit-il en traçant rapidement un motif dans la poussière — une spirale entourée de tomoe ressemblant étrangement au Rinnegan, bien que Sakura fut probablement la seule à reconnaître cette similitude — rapporte-les impérativement.
Cette requête troublait Sakura. Elle évoquait dangereusement les premières étapes de la quête obsessionnelle de pouvoir qui avait caractérisé le Madara de sa ligne temporelle d'origine. Pourtant, le jeune homme devant elle semblait sincèrement préoccupé, pas calculateur.
Elle hocha lentement la tête.
— Je vous fais confiance, répondit-elle finalement. Si je trouve de tels parchemins, je m’assurerai de les rapporter.
Il sembla se détendre légèrement.
— Bien. Sois prudente, Sakura. Ce temple existe depuis l'époque d'Indra lui-même. Qui sait quels secrets et dangers il renferme encore.
Sur ces paroles énigmatiques, il la congédia, la laissant avec plus de questions que de réponses et un kunai ancestral dont le métal semblait presque vivant contre sa paume.
***
L'aube pointait à peine lorsque l'équipe se rassembla à l'entrée est du campement. Izuna, à dix-sept ans désormais un guerrier redouté dont le Sharingan rivalisait presque avec celui de son frère, dirigeait naturellement le groupe.
Outre Sakura, trois autres jeunes Uchiha complétaient l'équipe : Hikaku, un adolescent taciturne spécialisé dans les techniques de feu ; Naoko, une kunoichi de quatorze ans reconnue pour ses talents en genjutsu ; et Setsuna, un garçon de douze ans dont la vitesse et l'agilité compensaient sa petite stature.
Kaito était venu lui faire ses adieux, son expression stoïque masquant mal son inquiétude. Il lui remit un petit pendentif en jade que Hanae avait toujours porté en mission.
— Pour te protéger, dit-il simplement.
Sakura l'attacha autour de son cou, touchée par ce geste.
Avant de partir, elle jeta un regard circulaire au campement, notant l'absence de Madara. Depuis leur conversation de la veille, il semblait s'être volatilisé, probablement parti en mission avec d'autres guerriers adultes.
Le voyage se déroula sans incident majeur les premiers jours. L'équipe progressait rapidement à travers les territoires familiers, Izuna imposant un rythme soutenu mais pas épuisant. Pendant les pauses, Sakura observait la dynamique entre ses compagnons, analysant leurs forces et faiblesses, habitude héritée de sa vie antérieure en tant que médecin-nin habituée à évaluer la condition de son équipe.
Le soir du deuxième jour, alors qu'ils installaient leur campement à quelques heures du temple, Izuna la prit à part.
— Tu es silencieuse, Sakura, remarqua-t-il. Une préoccupation particulière ?
— Juste concentrée sur la mission, répondit-elle prudemment.
Il sourit légèrement, un geste rare qui rappelait étrangement Madara.
— Mon frère m'a dit que tu étais exceptionnellement observatrice, dit-il. Quelles sont tes impressions sur notre équipe ?
Sa question la surprit, mais elle décida d'être honnête.
— Nous sommes bien équilibrés en termes de compétences. Hikaku et vous offrez une puissance offensive brute, Naoko apporte la subtilité du genjutsu, et Setsuna la mobilité. Quant à moi…
— Toi, tu es l'élément imprévisible, compléta Izuna. Jeune mais expérimentée, avec un contrôle du chakra que beaucoup d'adultes t'envient.
Elle accepta le compliment d'un hochement de tête, tout en se demandant où il voulait en venir.
— Il y a autre chose, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, percevant sa légère hésitation.
Izuna la regarda avec une intensité nouvelle.
— Mon frère t'a-t-il parlé du temple ?
— Seulement qu'il contient des reliques et des textes anciens, certains potentiellement liés aux origines du Sharingan.
— C'est la version officielle, acquiesça-t-il. Mais il y a plus. Ce temple se trouve dans une zone contestée, proche du territoire Senju. Si nos informations sont correctes, Tobirama Senju s'y est rendu récemment, probablement pour les mêmes raisons que nous.
Cette révélation alerta immédiatement Sakura. La mission simple venait soudain de se complexifier considérablement.
— Vous pensez que nous pourrions rencontrer des Senju ?
— C'est possible, confirma Izuna, son expression s'assombrissant. Si cela se produit, notre priorité reste la mission et notre sécurité mutuelle, pas l'engagement. Nous ne sommes pas là pour déclencher une bataille.
Elle acquiesça, comprenant l'implication. Izuna, comme Madara, semblait privilégier la prudence stratégique à la confrontation impulsive que l'on associait souvent aux Uchiha.
— Je comprends. Mais pourquoi ne pas en avoir informé toute l'équipe ?
— Parce que certains, malgré leur talent, manquent encore de discipline émotionnelle, expliqua-t-il.
Hikaku, notamment, a perdu sa sœur face aux Senju l'année dernière. S'il pense qu'il pourrait croiser ceux responsables de sa mort…
— Il pourrait agir impulsivement, compléta Sakura. Merci de votre confiance, Izuna-sama.
Il hocha la tête et retourna vers le groupe, la laissant méditer sur cette nouvelle complication. Si Tobirama était impliqué, la mission devenait exponentiellement plus dangereuse. Dans sa ligne temporelle d'origine, le futur Nidaime Hokage était réputé pour son génie tactique et sa puissance au combat, presque l'égal de son frère Hashirama.
Cette nuit-là, Sakura dormit d'un sommeil léger, la main jamais loin du kunai spécial que lui avait confié Madara.
L'aube les trouva déjà en route pour la dernière étape de leur voyage. Le temple se dressait au sommet d'une colline escarpée, partiellement envahi par la végétation mais toujours impressionnant avec ses colonnes massives et ses statues usées par le temps. L'architecture suggérait une époque antérieure même à la formation des grands clans, peut-être contemporaine du Sage des Six Chemins lui-même.
— Nous nous séparons ici, annonça Izuna alors qu'ils atteignaient l'entrée principale. Hikaku et Naoko, explorez l'aile est. Setsuna, tu prends les souterrains avec moi. Sakura, tu t'occupes de l'aile ouest, où se trouve la bibliothèque selon nos informations.
Sakura acquiesça, comprenant la logique de cette répartition. La bibliothèque contiendrait probablement les parchemins que Madara avait mentionnés, et Izuna lui confiait délibérément cette tâche cruciale.
— Soyez vigilants, ajouta Izuna. Ce lieu est ancien et a probablement été piégé à diverses époques. Nous nous retrouvons ici dans deux heures.
Ils se séparèrent, chacun prenant la direction assignée. Sakura progressa prudemment dans le couloir ouest, ses sens en alerte. La lumière filtrait faiblement à travers des ouvertures dans le plafond, illuminant des fresques complexes qui narraient l'histoire des premiers utilisateurs du chakra.
Elle détecta et désarma plusieurs pièges basiques — des dalles piégées, des fils presque invisibles reliés à des mécanismes de lancement de kunai — son expérience passée lui permettant d'identifier des motifs familiers dans ces systèmes de défense anciens.
Finalement, elle atteignit une grande salle circulaire dont les murs étaient entièrement couverts d'étagères remplies de rouleaux et de livres anciens. Au centre trônait un piédestal sur lequel reposait un coffret en pierre délicatement sculpté.
S'approchant avec précaution, Sakura examina le coffret sans le toucher.
Des symboles complexes l'ornaient, incluant le motif spécifique que Madara avait dessiné — la spirale entourée de tomoe. Un sceau de protection luisait faiblement autour de l'objet, un fūinjutsu ancien mais toujours actif.
Puisant dans ses connaissances, elle analysa méthodiquement le sceau, identifiant sa structure et ses points d'ancrage. Il s'agissait d'un type défensif qu'elle avait étudié avec Tsunade, conçu pour repousser ceux dont le chakra était jugé "impur" ou hostile. En théorie, son intention bienveillante devrait lui permettre de passer cette protection.
Concentrant son chakra avec précision, elle forma plusieurs mudras en séquence, créant une résonance harmonique avec le sceau plutôt que de tenter de le briser par la force. Progressivement, la lueur protectrice s'atténua, puis s'éteignit complètement.
Au moment où elle tendait la main vers le coffret, un frisson d'avertissement la parcourut. En une fraction de seconde, elle activa son Sharingan et pivota, juste à temps pour esquiver trois senbon qui se fichèrent dans le mur derrière elle.
— Impressionnant, commenta une voix masculine depuis l'entrée de la salle. Peu de personnes auraient pu désactiver ce sceau, et encore moins détecter mon attaque.
Sakura se figea, reconnaissant instantanément la silhouette élancée et l'armure caractéristique de l'homme qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Les cheveux blancs, le visage sévère marqué de lignes rouges, l'aura imposante de chakra contrôlé avec une précision chirurgicale : Tobirama Senju en personne.
Son cœur s'accéléra, mais elle maintint une posture calme, évaluant rapidement la situation. La porte était bloquée, et même avec son Sharingan, elle doutait de pouvoir surpasser la vitesse légendaire du futur Nidaime.
— Un enfant Uchiha, observa Tobirama, son regard analysant chaque détail. Avec un Sharingan complètement développé, qui plus est. Intéressant.
— Je ne souhaite pas combattre, déclara Sakura, maintenant une voix ferme malgré la tension. Je suis simplement venue récupérer un artefact de mon clan.
Un sourire presque imperceptible étira les lèvres de Tobirama.
— De ton clan ? Ce temple existait bien avant que les Uchiha ne se nomment ainsi. Ces artefacts appartiennent à l'histoire, pas à un clan spécifique.
Il fit un pas en avant, chaque mouvement calculé avec une précision militaire.
— Néanmoins, je ne suis pas non plus venu pour combattre. Surtout pas une enfant, aussi talentueuse soit-elle.
Sakura garda le silence, méfiante mais intriguée par son approche. Dans sa ligne temporelle d'origine, Tobirama était connu pour sa méfiance envers les Uchiha, une méfiance qui avait contribué à leur marginalisation progressive au sein de Konoha.
— Tu as désactivé le sceau plutôt que de le détruire, observa-t-il. Une approche inhabituelle pour un Uchiha. Votre clan préfère généralement les solutions plus... directes.
— Chaque approche a son moment, répondit-elle prudemment.
Il inclina légèrement la tête, comme pour approuver sa réponse.
— En effet. Les préjugés sont le luxe des esprits paresseux.
Un silence tendu s'installa, chacun évaluant l'autre sans faire de mouvement brusque. Finalement, Tobirama reprit la parole :
— Mon frère a envoyé un message à votre clan, n'est-ce pas ?
Cette question inattendue la désarçonna momentanément.
— C'est possible, répondit-elle évasivement.
— Et quelle a été la réponse de Madara ?
— Je ne suis pas autorisée à discuter des affaires internes du clan, surtout avec…
— Un ennemi ? compléta-t-il. Ne sommes-nous que cela ? Des ennemis par défaut, condamnés à perpétuer un cycle de violence initié par nos ancêtres ?
Ces paroles, si semblables à celles qu'elle avait elle-même prononcées lors du conseil, la frappèrent profondément. Était-il possible que Tobirama, malgré sa réputation d'intransigeance, partage réellement la vision pacifiste d'Hashirama ?
Avant qu'elle ne puisse formuler une réponse, un cri retentit au loin, suivi du son caractéristique d'un jutsu Katon. Le visage de Tobirama se durcit immédiatement.
— Il semble que d'autres n'aient pas notre retenue, dit-il sèchement. Mes hommes ont dû rencontrer tes compagnons.
La situation se détériorait rapidement. Sakura devait prendre une décision : tenter de récupérer le coffret ou rejoindre son équipe immédiatement. Tobirama semblait lire ses pensées.
— Prends-le, dit-il en désignant le coffret d'un geste du menton. Je n'ai pas besoin de son contenu. J'ai déjà trouvé ce que je cherchais ailleurs dans le temple.
Elle hésita, méfiante face à cette concession inattendue.
— Pourquoi cette générosité ?
— Ce n'est pas de la générosité, répliqua-t-il fermement. C'est un choix pragmatique. Un affrontement ici, maintenant, ne servirait aucun de nos objectifs à long terme.
Une explosion plus forte secoua le temple, faisant trembler le sol sous leurs pieds. Des fragments de plafond commencèrent à se détacher.
— Le temple s'effondre, constata-t-il calmement. Quoi que tu décides, décide vite.
En un éclair, Sakura saisit le coffret et l'assura contre sa poitrine. Tobirama disparut presque instantanément de son champ de vision, sa technique de téléportation lui permettant de se déplacer à une vitesse que même son Sharingan peinait à suivre.
Elle se précipita vers la sortie, naviguant à travers les couloirs qui s'effondraient peu à peu. Les bruits de combat s'intensifiaient à mesure qu'elle approchait de l'entrée principale. Surgissant dans la lumière du jour, elle découvrit un chaos absolu.
Izuna affrontait deux shinobi Senju tandis que Hikaku, visiblement blessé, se tenait aux côtés de Naoko qui maintenait un genjutsu défensif. De Setsuna, aucune trace.
Sans hésiter, Sakura plongea dans la mêlée, utilisant le kunai spécial de Madara pour canaliser son chakra en une lame tranchante qui força l'un des adversaires d'Izuna à battre en retraite. Son Sharingan activé, elle pouvait anticiper leurs mouvements avec une précision suffisante pour tenir sa position.
— Sakura ! cria Izuna. As-tu trouvé l'artefact ?
— Oui ! répondit-elle, évitant un shuriken qui frôla sa joue. Où est Setsuna ?
Une grimace traversa le visage d'Izuna.
— Piégé sous des décombres à l'intérieur. Naoko a créé une illusion pour le dissimuler aux Senju, mais nous devons le récupérer avant que tout ne s'effondre !
La situation était critique. Les Senju semblaient se regrouper pour une nouvelle offensive, et le temple continuait à se désagréger derrière eux.
— Je peux le retrouver, déclara Sakura avec détermination. Couvrez-moi !
Sans attendre l'approbation d'Izuna, elle se précipita de nouveau vers l'entrée du temple, le coffret toujours fermement maintenu contre elle. Utilisant son Sharingan pour anticiper les zones d'effondrement, elle progressa rapidement jusqu'à l'endroit où une accumulation de chakra résiduel trahissait la présence du genjutsu de Naoko.
Dispersant l'illusion d'un geste expert, elle découvrit Setsuna, à moitié enseveli sous des fragments de colonnes. Son visage était pâle, et une tache de sang s'élargissait sur son côté gauche.
— Tiens bon, murmura-t-elle en posant le coffret à côté d'elle pour libérer ses mains.
Évaluant rapidement la situation avec son œil médical, elle constata que plusieurs côtes étaient brisées, perforant possiblement un poumon. Sans intervention immédiate, il risquait de suffoquer dans son propre sang.
Avec une force surhumaine amplifiée par son contrôle précis du chakra, elle souleva les débris un à un, libérant progressivement le corps meurtri du jeune garçon. Une fois qu'il fut dégagé, elle commença immédiatement à appliquer les premiers soins, utilisant son chakra médical pour stabiliser les hémorragies internes.
— Je ne savais pas... que tu étais médecin, murmura faiblement Setsuna, ses yeux mi-clos fixés sur la lueur verte émanant des mains de Sakura.
— J'ai appris quelques techniques avec Naori, improvisa-t-elle, concentrée sur sa tâche. Ne parle pas, économise tes forces.
Lorsque son état fut suffisamment stable pour le déplacer, elle le hissa précautionneusement sur son dos, récupéra le coffret et entreprit le périlleux retour vers l'extérieur. Le temple s'effondrait désormais à un rythme alarmant, des sections entières disparaissant dans un nuage de poussière et de débris.
À sa grande surprise, lorsqu'elle émergea enfin à l'air libre, le combat semblait avoir cessé. Izuna se tenait debout, haletant mais indemne, tandis que les Senju avaient visiblement battu en retraite.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-elle en déposant doucement Setsuna près de Naoko qui s'empressa de poursuivre les soins.
— Ils se sont retirés soudainement, expliqua Izuna, son expression reflétant son incompréhension. Leur leader — c'était Tobirama lui-même — a simplement fait un signe et ils ont tous disparu.
Sakura garda le silence, se doutant que sa brève interaction avec Tobirama n'était probablement pas étrangère à cette retraite inattendue.
— Peu importe la raison, nous devons partir immédiatement, décida Izuna. Ce lieu n'est plus sûr, et Setsuna a besoin de soins plus avancés que ce que nous pouvons lui offrir ici.
Dans le chaos qui suivit, personne ne remarqua l'étrange lueur qui émanait momentanément du coffret que Sakura portait, ni le léger tremblement qui parcourut ses mains lorsqu'elle le remit en place contre sa poitrine.
Le voyage de retour fut beaucoup plus lent et tendu que l'aller. Transportant Setsuna sur une civière improvisée, l'équipe progressait avec prudence, consciente qu'une embuscade Senju restait possible malgré leur retrait inexpliqué.
La nuit tombée, alors qu'ils établissaient un campement provisoire pour permettre à Setsuna de se reposer, Izuna prit Sakura à part.
— Ce que tu as fait aujourd'hui était remarquable, dit-il sans préambule. Peu d'adultes auraient pu désactiver un sceau ancien, récupérer un artefact précieux, et sauver un camarade au milieu d'un temple qui s'effondre.
— J'ai simplement fait ce qui était nécessaire, répondit-elle modestement.
Il l'observa avec une intensité qui rappelait étrangement celle de son frère.
— Tu as rencontré Tobirama, n'est-ce pas ? Dans la bibliothèque.
La question la prit au dépourvu.
— Comment...?
— J'ai senti son chakra distinctif à proximité du tien pendant un moment. Ce qui m'intrigue, c'est que vous ne vous soyez pas affrontés.
Sakura choisit soigneusement ses mots, consciente des implications.
— Il semblait plus intéressé par la discussion que par le combat. Il a mentionné le message d'Hashirama à notre clan.
Izuna fronça les sourcils, visiblement troublé par cette information.
— Et tu as choisi de ne pas l'engager. Une décision sage, étant donné les circonstances, mais inhabituelle.
— La mission était prioritaire, se justifia-t-elle. Récupérer l'artefact et assurer notre sécurité, pas déclencher une guerre.
Un sourire énigmatique effleura les lèvres d'Izuna.
— Tu parles comme mon frère. Il dit souvent que les Uchiha doivent apprendre à voir au-delà de l'impulsion immédiate vers le conflit.
Cette observation la surprit. Dans sa ligne temporelle d'origine, Izuna était décrit comme un fervent partisan de la guerre contre les Senju, son influence ayant peut-être même contribué à la radicalisation ultérieure de Madara après sa mort.
— Et vous, Izuna-sama ? demanda-t-elle doucement. Que pensez-vous du message d'Hashirama ? De cette possibilité de paix ?
Son expression se durcit momentanément avant de s'adoucir en une mélancolie pensive.
— Je pense que la paix est comme un genjutsu séduisant, Sakura. Belle en théorie, mais potentiellement fatale si on s'y abandonne sans réserve.
Il fixa l'horizon, le regard distant.
— Pourtant... parfois je me demande à quoi ressemblerait un monde où nos enfants ne grandiraient pas en comptant les morts et en jurant vengeance.
Cette vulnérabilité inattendue d'Izuna toucha Sakura profondément. Peut-être existait-il une chance d'influencer non seulement Madara, mais aussi son frère, dont la mort prématurée avait été un catalyseur crucial dans la descente aux enfers du chef Uchiha.
— Un tel monde vaudrait peut-être la peine d'être envisagé, murmura-t-elle. Même si le chemin pour y parvenir est incertain.
Izuna la regarda longuement, comme s'il tentait de déchiffrer une énigme particulièrement complexe.
— Tu es vraiment unique, Sakura Uchiha. Je comprends maintenant pourquoi mon frère t'accorde tant d'importance.
Sur ces paroles énigmatiques, il retourna auprès du reste de l'équipe, laissant Sakura méditer sur cet échange révélateur.
***
Le campement Uchiha apparut finalement à l'horizon le quatrième jour de leur voyage de retour. Leur arrivée fut immédiatement remarquée, plusieurs sentinelles se précipitant pour aider à transporter Setsuna vers l'infirmerie. Malgré les soins continus de Sakura durant le trajet, son état restait préoccupant, nécessitant l'attention des guérisseurs plus expérimentés du clan.
Kaito fut le premier à l'accueillir, son soulagement évident alors qu'il l'étreignait brièvement mais fermement.
— Tu es revenue, murmura-t-il simplement, ces trois mots contenant toute l'anxiété qu'il avait dû ressentir pendant son absence.
— Comme promis, sourit-elle faiblement, épuisée mais heureuse de retrouver son père.
À peine avait-elle eu le temps d'échanger quelques mots avec lui qu'un messager les approcha.
— Sakura-san, Tajima-sama requiert votre présence immédiate pour votre rapport.
Elle hocha la tête, non surprise par cette convocation. Serrant une dernière fois la main de son père, elle suivit le messager vers la tente principale où l'attendaient non seulement Tajima, mais aussi Madara et plusieurs Anciens du clan.
— Entre, Sakura, l'invita Tajima d'un ton inhabituellement solennel. Izuna nous a déjà fait un rapport préliminaire sur votre mission. Il semble qu'elle ait été plus... complexe que prévu.
Elle s'inclina respectueusement avant de prendre place sur le coussin qui lui était désigné. Le coffret récupéré au temple reposait maintenant au centre de la table, attirant tous les regards.
— La mission a été accomplie, Tajima-sama, commença-t-elle formellement. Malgré l'interférence des Senju et l'effondrement partiel du temple, nous avons récupéré l'artefact demandé. Malheureusement, Setsuna a été gravement blessé dans le processus.
— Izuna nous a également informés de ta rencontre avec Tobirama Senju, intervint l'un des Anciens, son ton trahissant une suspicion à peine voilée. Une rencontre qui s'est apparemment conclue sans combat.
Sakura maintint son calme, consciente que sa réponse serait minutieusement analysée.
— En effet. Dans les circonstances, avec le temple qui s'effondrait et Setsuna piégé sous les décombres, engager un combat contre un adversaire de la puissance de Tobirama aurait compromis la mission et mis en danger la vie de mes camarades.
Madara, qui était resté silencieux jusque-là, prit finalement la parole :
— Une décision tactique judicieuse. La mission et la vie de nos guerriers doivent toujours primer sur la possibilité d'éliminer un ennemi, surtout lorsque les chances de succès sont incertaines.
Son intervention sembla apaiser quelque peu les Anciens, mais leurs regards scrutateurs ne quittèrent pas Sakura. L'un d'eux, Takeo, le plus âgé du conseil et connu pour son intransigeance, s'avança légèrement.
— Pourtant, selon Izuna, Tobirama t'a délibérément laissée partir avec l'artefact. Voilà qui est... inhabituel, pour ne pas dire suspect, de la part d'un Senju.
La méfiance dans sa voix était palpable. Sakura sentit la tension s'intensifier dans la tente, comme si l'air lui-même devenait plus lourd sous le poids des accusations implicites.
— Tobirama Senju avait ses propres priorités, répondit-elle avec une assurance calme. Le temple s'effondrait, et ses hommes étaient déjà engagés contre Izuna-sama et les autres. Nous étions tous confrontés à un choix : poursuivre le combat dans un bâtiment qui s'écroulait ou sauver nos compagnons.
Elle fit une courte pause, son regard croisant brièvement celui de Madara avant de poursuivre.
— De plus, il semblait avoir déjà trouvé ce qu'il cherchait ailleurs dans le temple. L'artefact que nous devions récupérer ne paraissait pas l'intéresser particulièrement.
Tajima, qui avait écouté attentivement, intervint enfin, sa voix grave dissipant momentanément la tension.
— Qu'a-t-il dit exactement pendant cette rencontre ?
Sakura rassembla ses souvenirs, choisissant soigneusement ses mots pour rester parfaitement honnête tout en évitant de révéler des détails qui pourraient être mal interprétés.
— Il a mentionné le message d'Hashirama à notre clan. Il semblait... curieux de savoir comment nous y avions réagi.
Cette révélation provoqua un bref murmure parmi les Anciens, rapidement étouffé par le regard sévère de Tajima.
— Et qu'as-tu répondu ? demanda-t-il, son regard scrutateur ne quittant pas le visage de Sakura.
— Que je n'étais pas autorisée à discuter des affaires internes du clan, surtout avec un adversaire.
Un léger hochement de tête approbateur accueillit cette réponse. Puis, à la surprise générale, Madara se pencha vers le coffret au centre de la table.
— L'artefact est plus important que les circonstances de sa récupération, déclara-t-il, redirigeant habilement l'attention. Vous avez tous entendu le rapport d'Izuna et de Sakura. La mission a été accomplie malgré des difficultés considérables. C'est l'essentiel.
Il se tourna vers Sakura, son expression indéchiffrable mais son ton étrangement défensif.
— As-tu pu examiner le contenu du coffret avant de le ramener ?
— Brièvement, répondit-elle. Il contient trois parchemins anciens.
L'intérêt de Tajima sembla s'intensifier à cette mention.
— Ce symbole est lié aux origines les plus anciennes de notre clan, bien avant même que nous ne portions le nom d'Uchiha, expliqua-t-il aux Anciens qui ne semblaient pas tous familiers avec sa signification. Si ces parchemins sont authentiques, ils pourraient contenir des connaissances perdues depuis l'époque d'Indra lui-même.
L'atmosphère dans la tente changea subtilement, la méfiance envers Sakura cédant momentanément la place à une curiosité respectueuse pour l'artefact qu'elle avait rapporté.
— Le coffret ne peut être ouvert qu'en présence de l'Oracle, poursuivit Tajima. Le sceau qui le protège ne cédera qu'à son toucher combiné à celui de la personne qui l'a récupéré.
Il fixa Sakura intensément.
— Tu seras donc convoquée demain à l'aube pour la cérémonie d'ouverture. D'ici là, repose-toi. Tu as accompli plus que ce que nous pouvions espérer pour ton premier Genpuku.
Cette reconnaissance officielle de sa réussite marquait la fin formelle de la réunion. Alors que les Anciens se levaient pour partir, Tajima fit un geste subtil à Madara et Sakura, leur indiquant de rester.
Lorsqu'ils furent seuls tous les trois, le chef du clan sembla se détendre légèrement, l'austérité cérémonielle cédant la place à une attitude plus directe.
— Maintenant, parle-moi de Tobirama, demanda-t-il sans préambule. Pas le rapport officiel. Ce que tu as observé, ressenti. Ton impression.
Sakura hésita, surprise par cette demande inattendue, puis décida que l'honnêteté était sa meilleure option.
— Il était... différent de ce que j'imaginais, admit-elle. Plus calculateur que simplement hostile. Il aurait pu engager le combat, mais il a choisi la conversation, privilégiant l'information au conflit immédiat.
Elle se tourna légèrement vers Madara, se souvenant de sa requête spécifique concernant le parchemin.
— Il semblait particulièrement intéressé par la réponse de Madara-sama au message d'Hashirama.
Madara et son père échangèrent un regard lourd de sens, une conversation silencieuse semblant se dérouler entre eux.
— Les Senju préparent quelque chose, murmura finalement Tajima, plus pour lui-même que pour eux. Ces mouvements diplomatiques soudains, cet intérêt pour des artefacts anciens... ce n'est pas une coïncidence.
— Ou peut-être que l'offre d'Hashirama est sincère, suggéra doucement Sakura, risquant une intervention qui lui valut un regard perçant des deux hommes.
— Tu crois à cette possibilité ? demanda Tajima, son ton neutre ne trahissant aucun jugement.
Sakura inspira profondément avant de répondre, consciente de l'importance de ce moment.
— Je crois que toute proposition de paix mérite au moins d'être considérée, répondit-elle prudemment. Même si nous décidons ultimement de la rejeter.
À sa grande surprise, Tajima hocha lentement la tête, son regard se perdant dans le vide un instant.
— L'Oracle a raison à ton sujet, finit-il par dire énigmatiquement. Tu vois au-delà des apparences immédiates.
Il se redressa, reprenant son autorité habituelle.
— C'est précisément pour cette raison que j'ai approuvé ton inclusion dans la délégation qui rencontrera les Senju dans quatre jours.
Cette annonce la figea sur place. Une délégation ? Pour rencontrer les Senju ? Le message d'Hashirama avait donc reçu une réponse, et cette réponse n'était pas un rejet catégorique comme elle aurait pu le craindre.
Madara, observant sa surprise, intervint avec une patience inhabituelle :
— Le conseil a débattu pendant des jours après réception du message d'Hashirama. La proposition d'une rencontre diplomatique, sur terrain neutre, a finalement été acceptée, principalement grâce au témoignage de l'Oracle.
— L’Oracle nous a rappelé la prophétie qui semble te concerner directement, précisa Tajima, son regard s'intensifiant. "L'enfant aux yeux anciens", celle qui se tiendrait à la croisée des chemins aux côtés de mes fils, influençant le choix qui déterminerait l'avenir du clan.
Sakura sentit le poids de ces paroles s'abattre sur ses épaules. Était-il possible que cette mystérieuse Oracle ait perçu quelque chose de sa véritable nature ?
— Je ne comprends pas pourquoi je serais incluse dans une décision aussi importante, murmura-t-elle sincèrement. Je ne suis qu'une…
— Ne termine pas cette phrase par "simple enfant", l'interrompit Madara avec une pointe d'amusement dans la voix. Nous savons tous trois que tu es bien plus que cela.
Il se leva, signalant subtilement la fin de cette conversation privée.
— Va te reposer maintenant. Les jours à venir seront déterminants, et nous aurons besoin de toute ta... perspective unique.
Sur ces mots énigmatiques, il quitta la tente, suivi peu après par Tajima, laissant Sakura seule avec le tourbillon de ses pensées.
Alors qu'elle traversait le campement pour rejoindre la maison qu'elle partageait avec son père, Sakura sentait l'excitation et l'appréhension se mêler dans son esprit. Une rencontre diplomatique avec les Senju... C'était exactement ce qu'elle avait espéré depuis son arrivée dans cette ligne temporelle, une chance d'influencer les événements qui mèneraient ou non à la fondation de Konoha.
Pourtant, cette opportunité s'accompagnait d'une responsabilité écrasante. La prophétie dont parlait l'Oracle semblait lui attribuer un rôle crucial dans cette décision historique, un rôle qu'elle n'était pas certaine de mériter ou de pouvoir assumer pleinement.
À son arrivée, elle trouva Kaito qui l'attendait patiemment, son inquiétude évidente malgré son expression composée.
— Comment s'est passée la réunion ? demanda-t-il dès qu'elle franchit le seuil.
— Bien, je crois, répondit-elle en s'asseyant lourdement, la fatigue de ces derniers jours la rattrapant soudainement.
Elle hésita avant d'ajouter :
— Je suis convoquée demain pour l'ouverture du coffret avec l'Oracle. Et... on m'a informée que je ferai partie de la délégation qui rencontrera les Senju.
Kaito ne put dissimuler sa surprise, puis son inquiétude.
— Une telle responsabilité pour quelqu'un de si jeune... J'aurais dû me douter que les choses prendraient cette tournure quand l'Oracle a prononcé ton nom.
Son expression s'adoucit en voyant l'épuisement évident de sa fille.
— Mais ce sont des préoccupations pour demain. Ce soir, tu dois te reposer.
Cette nuit-là, allongée sur son futon, Sakura contempla longuement l'obscurité, son esprit trop agité pour trouver facilement le sommeil. Les événements semblaient s'accélérer autour d'elle, la prophétie et le message d'Hashirama convergeant vers un point de bascule historique.
Et au centre de ce maelström se trouvait Madara - non pas encore le monstre qu'elle avait affronté, mais un homme au carrefour de son destin, capable encore de choisir un chemin différent.
"Est-ce vraiment possible ?" se demanda-t-elle en fixant le plafond obscur. "Puis-je vraiment influencer son choix, changer le cours de l'histoire ?"
Cette question la poursuivit jusque dans ses rêves troublés, où se mêlaient des images de son passé - ou était-ce son futur ? - et des visions d'un village paisible où l'emblème Uchiha flottait fièrement aux côtés du symbole des Senju.
L'aube la trouva déjà éveillée, préparée pour la cérémonie d'ouverture du coffret. Vêtue de l'uniforme traditionnel du clan, elle se dirigea vers le sanctuaire ancestral, où une petite assemblée l'attendait déjà : Tajima, Madara, quelques Anciens sélectionnés, et une silhouette qu'elle n'avait encore jamais rencontrée - une femme âgée, enveloppée dans des robes de cérémonie d'un bleu profond, dont le visage partiellement voilé ne laissait voir que deux yeux d'un noir intense.
L'Oracle des Uchiha.
Un silence respectueux s'imposa lorsque Sakura entra. Elle s'inclina profondément, consciente de l'importance du moment.
— Approche, enfant, murmura l'Oracle, sa voix étonnamment claire malgré son âge apparent.
Sakura s'avança, s'agenouillant face à la femme âgée dont le regard semblait la transpercer, comme si elle pouvait voir directement à travers les couches de son être jusque dans son âme même.
— Tu portes un fardeau bien lourd pour des épaules si jeunes, observa l'Oracle, ses paroles suffisamment basses pour que seule Sakura puisse les entendre. Un fardeau venu de loin... de très loin.
Un frisson parcourut l'échine de Sakura. Que pouvait exactement percevoir cette femme ?
L'Oracle sourit légèrement, comme si elle lisait sa pensée.
— Ne crains rien. Les secrets ont leur temps et leur utilité. Le tien n'est pas encore prêt à être révélé.
Elle se tourna vers l'assemblée, sa voix s'élevant pour que tous l'entendent.
— Apportez le coffret.
Tajima fit signe, et deux guerriers entrèrent, portant respectueusement l'artefact récupéré du temple. Ils le déposèrent sur un petit autel au centre du sanctuaire, puis se retirèrent silencieusement.
L'Oracle s'approcha lentement, ses mouvements délibérés empreints d'une solennité ancienne. Elle fit signe à Sakura de la rejoindre.
— Le sceau qui protège ce coffret a été créé à l'époque où le Sage des Six Chemins marchait encore parmi les hommes, expliqua-t-elle à l'assemblée. Il ne peut être brisé que par la combinaison de deux énergies : celle du Gardien – celui qui veille sur les connaissances anciennes – et celle du Chercheur – celui qui a prouvé sa valeur en récupérant l'artefact.
Elle tendit une main ridée vers Sakura.
— Place ta main à côté de la mienne, enfant. Laisse ton chakra s'écouler naturellement, sans forcer ni retenir.
Sakura obéit, posant sa main près de celle de l'Oracle sur la surface froide du coffret. Elle sentit immédiatement une résonance étrange, comme si le métal lui-même vibrait en réponse à leur toucher combiné.
L'Oracle commença à psalmodier doucement, des paroles dans une langue ancienne que Sakura ne reconnaissait pas entièrement, bien que certains mots semblaient évoquer le dialecte utilisé dans les textes les plus anciens qu'elle avait étudiés à Konoha.
Le sceau commença à luire, d'abord faiblement, puis avec une intensité croissante, dessinant des motifs complexes qui s'étendaient du coffret jusqu'à leurs mains jointes.
Sakura sentit son chakra être attiré, presque aspiré par l'artefact, comme s'il cherchait quelque chose de spécifique en elle.
Puis, aussi soudainement qu'il avait commencé, le processus cessa. Le sceau brilla une dernière fois d'une lumière aveuglante avant de s'éteindre complètement. Un mécanisme cliqueta à l'intérieur du coffret, signalant son ouverture.
L'Oracle retira sa main, faisant signe à Sakura de faire de même.
— Il reconnaît notre droit d'accès, déclara-t-elle simplement. Le coffret peut maintenant être ouvert.
Tajima s'avança, mais l'Oracle l'arrêta d'un geste.
— Ce n'est pas à vous d'effectuer cette tâche, Tajima-sama. Selon la tradition, c'est au Chercheur que revient l'honneur d'ouvrir le coffret qu'il a ramené.
Tous les regards se tournèrent vers Sakura, qui sentit le poids de ce privilège inattendu. Avec une révérence appropriée, elle s'approcha et souleva délicatement le couvercle.
À l'intérieur, comme elle l'avait brièvement aperçu au temple, reposaient trois parchemins anciens.
Chacun portait un sceau distinctif : le premier arborait l'emblème du clan Uchiha dans sa forme la plus primitive ; le second était marqué d'un symbole représentant l'œil du Sharingan entouré de flammes ; et le troisième – celui que Madara lui avait expressément demandé de repérer – portait la spirale entourée de tomoe.
— Les Chroniques d'Indra, murmura l'Oracle avec révérence. Perdues depuis des générations, retrouvées enfin.
Elle effleura chaque parchemin du bout des doigts, s'attardant particulièrement sur le troisième.
— Celui-ci contient des vérités que peu sont prêts à entendre, dit-elle énigmatiquement. Des secrets sur l'origine même du Sharingan et sa véritable nature.
Tajima s'avança, son intérêt évident malgré son expression contrôlée.
— Ces textes doivent être étudiés attentivement, déclara-t-il. Leur contenu pourrait influencer profondément l'avenir de notre clan.
— En effet, acquiesça l'Oracle. Mais tous ne sont pas destinés à être partagés largement, du moins pas immédiatement.
Elle pointa spécifiquement le troisième parchemin.
— Celui-ci, en particulier, contient des connaissances qui, mal interprétées, pourraient s'avérer dangereuses.
Son regard croisa celui de Madara, un échange silencieux mais chargé de signification.
— Je suggère que son étude soit confiée exclusivement à ceux que la prophétie a désignés : Madara, Izuna, et la jeune Sakura.
Cette recommandation suscita quelques murmures parmi les Anciens présents, mais personne n'osa contester ouvertement l'autorité de l'Oracle en matière de textes sacrés.
Tajima considéra la suggestion un moment avant d'acquiescer lentement.
— Qu'il en soit ainsi. Les deux premiers parchemins seront étudiés par le conseil des Anciens. Le troisième sera confié à mon fils aîné, avec l'assistance d'Izuna et de Sakura.
Il se tourna vers l'assemblée.
— La cérémonie est terminée. Que chacun reprenne ses fonctions.
Alors que le groupe se dispersait, l'Oracle fit signe à Sakura de rester.
— Un instant, enfant, demanda-t-elle doucement.
Lorsqu'elles furent seules, la femme âgée l'observa longuement, son regard pénétrant semblant voir bien au-delà de l'apparence physique.
— Le chemin que tu as choisi de parcourir est périlleux, murmura-t-elle finalement. Changer le cours d'une rivière est une tâche qui exige patience et sagesse.
Sakura sentit son cœur s'accélérer. Comment l'Oracle pouvait-elle savoir... ?
— Je ne prétends pas comprendre pleinement d'où tu viens, poursuivit la femme âgée, comme si elle répondait à sa question silencieuse. Mes visions ne sont jamais aussi claires. Mais je vois des échos, des fragments d'un autre temps, d'un autre monde peut-être, qui s'accrochent à ton âme comme des ombres tenaces.
Elle posa une main légère sur l'épaule de Sakura.
— Ce que je sais avec certitude, c'est que ta présence ici, maintenant, n'est pas un accident. Tu te tiens à la croisée des chemins, à un moment où le destin lui-même semble suspendu, attendant la direction que tu lui donneras.
— Je ne suis pas certaine d'être à la hauteur de cette responsabilité, admit Sakura, sa voix à peine plus qu'un murmure.
L'Oracle sourit doucement, les rides autour de ses yeux s'accentuant.
— Si tu en étais certaine, tu ne serais pas la personne dont nous avons besoin. C'est précisément ton doute, ta conscience des conséquences potentielles, qui te rend précieuse dans ce moment critique.
Elle retira sa main, son expression redevenant plus grave.
— La rencontre avec les Senju marquera un tournant décisif. Ce jour-là, trois voix détermineront l'avenir : celle de Madara, porteuse de la vision ; celle d'Izuna, gardienne de la tradition ; et la tienne, porteuse de la sagesse venue d'ailleurs.
Elle fit une pause, ses yeux semblant fixer un point au-delà de la réalité immédiate.
— Prépare-toi, Sakura Uchiha. Car ce que tu diras ce jour-là pourrait bien changer non seulement le destin de ce clan, mais celui du monde shinobi tout entier.
Sur ces paroles solennelles, l'Oracle se retira, laissant Sakura seule dans le sanctuaire avec le poids écrasant de cette responsabilité.
Les trois jours qui suivirent passèrent dans un tourbillon d'activité. Sakura partageait son temps entre l'étude du mystérieux troisième parchemin avec Madara et Izuna, les préparatifs pour la rencontre diplomatique avec les Senju, et de brèves visites à l'infirmerie pour suivre le rétablissement de Setsuna, qui progressait lentement mais sûrement.
L'étude du parchemin se révéla aussi fascinante que troublante. Écrit dans un dialecte ancien que même Madara peinait parfois à déchiffrer complètement, il relatait les origines du Sharingan d'une manière qui différait subtilement des récits traditionnels enseignés au sein du clan.
— Selon ce texte, expliqua Madara lors de leur troisième session d'étude, le Sharingan n'était pas initialement conçu comme une arme, mais comme un outil de perception spirituelle, permettant de voir au-delà des illusions du monde matériel.
Izuna, penché sur le document, fronça les sourcils.
— C'est contraire à tout ce que les Anciens nous ont enseigné. Ils ont toujours affirmé que le Sharingan était un don de combat, né de la nécessité de protéger le clan.
— Peut-être les deux versions contiennent-elles une part de vérité, suggéra doucement Sakura. Les outils les plus puissants ont souvent plusieurs usages, certains oubliés avec le temps.
Madara lui jeta un regard appréciateur.
— Une observation perspicace. Le texte suggère effectivement que c'est l'époque des guerres incessantes qui a progressivement transformé le Sharingan d'un outil de perception spirituelle en une arme redoutable.
Il tourna délicatement le parchemin, révélant un passage particulièrement ancien.
— Ce qui est plus troublant, c'est cette section qui traite du Mangekyō Sharingan.
Sakura sentit un frisson la parcourir. Le Mangekyō Sharingan – la forme évoluée du doujutsu, que Madara maîtriserait un jour avec une puissance terrifiante.
— Nous avons toujours cru que le Mangekyō ne pouvait s'éveiller qu'à travers une perte traumatique, poursuivit Madara, son doigt suivant les caractères anciens. La mort d'un être cher, une douleur émotionnelle si intense qu'elle transforme fondamentalement le chakra oculaire.
Il leva les yeux, son expression indéchiffrable.
— Mais ce texte suggère qu'il existait à l'origine une autre voie. Une méthode permettant d'éveiller le Mangekyō non pas à travers la douleur et la perte, mais par une compréhension profonde de certaines vérités universelles.
Izuna secoua légèrement la tête, manifestement troublé.
— Si une telle méthode a existé, elle a été perdue depuis longtemps. Tous les cas documentés de Mangekyō dans notre histoire ont impliqué une perte significative.
— Peut-être n'a-t-elle pas été perdue, mais délibérément occultée, suggéra Madara, son regard se perdant dans le vide. Pense-y, mon frère. Un pouvoir aussi considérable, accessible sans le prix terrible de la souffrance... Certains pourraient considérer cela comme trop dangereux, trop susceptible d'être mal utilisé.
Cette conversation résonnait profondément en Sakura. Elle connaissait trop bien l'histoire tragique des Uchiha, leur cycle de douleur et de vengeance perpétuellement alimenté par les mécanismes mêmes de leur pouvoir héréditaire.
— Si une telle méthode existait réellement, commença-t-elle prudemment, et si elle pouvait être redécouverte... cela changerait fondamentalement la trajectoire du clan, n'est-ce pas ?
Les deux frères la regardèrent, surpris par la profondeur de sa réflexion.
— En effet, acquiesça lentement Madara. Cela nous libérerait d'un cycle où notre plus grande force naît nécessairement de notre plus grande douleur.
Il referma le parchemin avec une délicatesse presque révérencielle.
— Mais de telles découvertes ne se font pas en quelques jours d'étude. Pour l'instant, notre priorité doit rester la rencontre avec les Senju. Si celle-ci aboutit à une alliance durable, nous aurons tout le temps nécessaire pour explorer ces mystères anciens.
Ces paroles trahissaient une ouverture à l'idée d'alliance que Sakura n'aurait jamais osé espérer. Madara envisageait sérieusement la possibilité d'une paix avec les Senju, non pas comme une chimère idéaliste, mais comme une option stratégique viable qui pourrait même servir des intérêts plus profonds du clan.
Alors que la nuit de la veille du départ approchait, Sakura méditait seule près du petit étang à la lisière du campement. Les étoiles se reflétaient dans l'eau calme, créant l'illusion d'un ciel infini tant au-dessus qu'en dessous d'elle.
Son esprit repassait inlassablement les événements des derniers jours, les révélations du parchemin, les paroles énigmatiques de l'Oracle, et surtout cette chance presque miraculeuse d'influencer directement les négociations qui pourraient mener à la fondation de Konoha.
— Les doutes sont naturels à la veille de moments décisifs, observa une voix familière derrière elle.
Sakura se retourna pour découvrir Madara, sa silhouette se détachant contre le ciel nocturne.
— Madara-sama, je ne vous avais pas entendu approcher.
Il s'approcha silencieusement et s'assit à côté d'elle, son regard tourné vers l'étang paisible où les étoiles semblaient danser au moindre frémissement de l'eau.
— Je viens souvent ici quand j'ai besoin de réfléchir, confia-t-il après un moment de silence. L'eau possède cette qualité unique de refléter parfaitement tout en étant constamment en mouvement. Un peu comme le temps lui-même.
Cette remarque poétique surprit Sakura. Dans sa ligne temporelle d'origine, Madara avait été décrit comme un guerrier impitoyable et un stratège brillant, mais rarement comme un homme capable de contemplation philosophique.
— Demain, nous rencontrerons les Senju, poursuivit-il doucement. Nous nous tiendrons face à Hashirama, non pas comme adversaires sur un champ de bataille, mais comme potentiels architectes d'un avenir différent.
Sa voix trahissait une complexité d'émotions que Sakura n'avait encore jamais perçue chez lui — l'appréhension mêlée d'espoir, la méfiance tempérée par une nostalgie presque douloureuse.
— Vous semblez... ouvert à cette possibilité, observa-t-elle prudemment.
Madara resta silencieux un long moment, si longtemps qu'elle crut qu'il ne répondrait pas.
— Il fut un temps où Hashirama et moi partagions un rêve, dit-il finalement, sa voix à peine plus qu'un murmure. Deux enfants, ennemis par héritage mais unis par une vision commune. Un lieu où les nôtres pourraient vivre sans craindre constamment la mort, où nos talents serviraient à construire plutôt qu'à détruire.
Il se tourna vers elle, son regard d'une intensité troublante sous la lumière argentée de la lune.
— Mais la réalité nous a rattrapés. Ou peut-être avons-nous simplement manqué de courage pour défier les traditions qui nous enchaînaient.
— Et maintenant ? osa demander Sakura. Croyez-vous que ce rêve pourrait encore devenir réalité ?
Un sourire éphémère passa sur ses lèvres.
— Voilà précisément la question que je me posais en venant ici. Est-ce que je crois encore en cette vision, ou est-ce simplement l'écho d'une naïveté perdue depuis longtemps ?
Il prit une petite pierre et la lança dans l'étang, créant des cercles concentriques qui perturbèrent la surface parfaite.
— Ce que je sais avec certitude, c'est que continuer comme nous l'avons toujours fait mène à une seule destination : l'extinction. Les Uchiha sont puissants, mais pas invincibles. Chaque bataille nous coûte des vies précieuses qui ne peuvent être remplacées.
Il fit une pause, semblant rassembler ses pensées.
— Le parchemin que nous avons étudié ces derniers jours m'a fait réfléchir. Si notre compréhension du Sharingan lui-même a été... incomplète, quelles autres vérités avons-nous peut-être perdues au fil des générations ? Quelles autres voies aurions-nous pu explorer si nous n'avions pas été constamment engagés dans ce cycle de violence ?
Cette réflexion profonde, cette capacité à remettre en question les traditions les plus anciennes du clan, révélait un Madara bien différent de celui que l'histoire avait retenu — un homme capable d'introspection, ouvert au changement, non pas encore prisonnier de cette obsession qui le consumerait un jour.
— Je crois que certaines traditions méritent d'être préservées, répondit doucement Sakura, choisissant soigneusement ses mots. Mais d'autres nous enchaînent à des cycles de souffrance qui pourraient être brisés. Distinguer les unes des autres requiert sagesse et courage.
Madara la regarda avec une curiosité renouvelée.
— Tu parles comme l'Oracle parfois. Avec une sagesse qui semble venir d'ailleurs, d'un temps ou d'un lieu lointain.
Son cœur s'accéléra légèrement à cette observation trop proche de la vérité, mais elle maintint une expression sereine.
— Peut-être est-ce ce que signifie réellement la "mémoire du sang" dont parlent les Anciens, suggéra-t-elle. Non pas simplement des techniques ou des connaissances héritées, mais une compréhension plus profonde des cycles que nous perpétuons sans les questionner.
Madara acquiesça pensif, acceptant cette explication qui, sans qu'il le sache, dissimulait une vérité bien plus extraordinaire.
— Quoi qu'il en soit, déclara-t-il en se levant, demain sera un jour déterminant. Non seulement pour nos clans, mais peut-être pour le monde shinobi tout entier.
Il lui tendit la main pour l'aider à se relever, un geste simple mais significatif dans sa spontanéité.
— Repose-toi bien cette nuit, Sakura. Nous partirons à l'aube, et chacun de nos mots, chacun de nos gestes, portera le poids de générations passées et futures.
Elle accepta son aide, surprise par la chaleur de sa paume contre la sienne — un contact bref mais qui semblait sceller une compréhension mutuelle, une alliance silencieuse forgée dans ce moment de calme avant la tempête potentielle que représentait cette rencontre historique.
— Je serai prête, promit-elle simplement.
Ils regagnèrent le campement côte à côte, silencieux mais partageant une conscience commune de l'importance de ce qui les attendait. Demain, ils se tiendraient face aux Senju, et dans cette rencontre résidait la graine de ce qui pourrait devenir Konoha — ou les cendres d'une dernière chance de paix, consumée par des siècles de méfiance et de haine.
Alors qu'ils se séparaient pour rejoindre leurs habitations respectives, Sakura sentit une détermination nouvelle s'ancrer en elle. Les paroles de l'Oracle, les révélations du parchemin, et maintenant cette conversation avec Madara convergeaient vers une certitude : elle était exactement là où elle devait être, au moment précis où elle pouvait faire la différence.
Cette nuit-là, son sommeil fut profond et paisible, sans les cauchemars qui avaient souvent perturbé ses nuits depuis son arrivée dans cette époque tourmentée. Peut-être était-ce simplement l'épuisement, ou peut-être était-ce cette étrange sérénité qui accompagne parfois les veilles de grands bouleversements, quand le destin lui-même semble retenir son souffle.
À l'aube, le campement s'éveilla dans une atmosphère de tension contenue. La délégation se rassemblait près de l'entrée principale : Madara et Izuna, naturellement, trois Anciens sélectionnés pour leur sagesse et leur modération relative, et Sakura elle-même, dont la présence suscitait encore des regards curieux mais plus aussi ouvertement hostiles qu'auparavant.
Tajima inspectait chaque membre de la délégation, son expression grave mais pas opposée. Bien qu'il ne participerait pas personnellement à la rencontre — un choix stratégique pour démontrer confiance tout en maintenant une distance protocolaire — son autorité imprégnait chaque aspect des préparatifs.
— Vous représentez l'honneur et la dignité du clan Uchiha, déclara-t-il solennellement. Souvenez-vous que chaque parole, chaque geste, porte le poids de notre histoire et façonnera notre avenir.
Son regard s'attarda sur Madara, puis glissa vers Izuna et enfin vers Sakura, s'adoucissant imperceptiblement en se posant sur cette dernière.
— Que votre sagesse collective guide notre clan vers le chemin qui lui est destiné.
Ce fut la bénédiction la plus explicite qu'il pouvait offrir sans s'engager personnellement. Madara inclina respectueusement la tête, acceptant à la fois la responsabilité et la confiance implicite de son père.
Kaito s'approcha pour un dernier adieu à sa fille, son visage stoïque masquant l'anxiété qui transparaissait néanmoins dans son regard.
— Suis ton instinct, conseilla-t-il à voix basse en serrant brièvement son épaule. Il t'a rarement trompée.
Elle hocha la tête, touchée par cette confiance constante qu'il lui témoignait, même face à des événements qui dépassaient largement ce qu'il pouvait comprendre de sa véritable nature.
— Je reviendrai, promit-elle simplement.
D'autres membres du clan s'étaient rassemblés pour assister au départ de la délégation. Parmi eux, Sakura aperçut Naori et Kagami, dont les regards approbateurs lui communiquaient silencieusement leur soutien. Plus loin, même Setsuna était présent, pâle mais déterminé à témoigner sa gratitude par sa présence malgré sa convalescence toujours en cours.
Lorsque le moment du départ arriva enfin, Madara prit naturellement la tête du groupe, Izuna à ses côtés et Sakura juste derrière eux, suivis par les Anciens et les deux guerriers d'escorte dont la présence assurait une protection discrète mais efficace.
Ils quittèrent le campement sous le regard scrutateur du clan tout entier, chaque membre conscient, à des degrés divers, que ce jour pourrait marquer un tournant dans leur histoire millénaire.
Alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt dense, suivant le chemin qui les mènerait au lieu de rencontre convenu avec les Senju, Sakura sentit le poids de l'histoire sur ses épaules — non pas seulement l'histoire qu'elle connaissait, celle qu'elle avait apprise dans les livres de Konoha, mais celle qu'elle contribuait activement à façonner désormais.
"Est-ce ainsi que naissent les légendes ?" se demanda-t-elle, observant les dos de Madara et Izuna qui avançaient d'un pas assuré devant elle. "Non pas dans le fracas des grandes batailles, mais dans ces moments silencieux de choix et de courage ?"
Le soleil s'élevait progressivement à l'horizon, illuminant leur chemin à travers les feuillages dansants. Vers l'ouest, leur destination attendait — une vallée neutre où, peut-être, les fondations d'un village appelé Konoha seraient posées avant la fin de ce jour.
La délégation progressait en silence, chacun perdu dans ses propres pensées, conscient qu'ils marchaient littéralement vers une page nouvelle de l'histoire du monde shinobi — une page qu'ils s'apprêtaient à écrire ensemble, pour le meilleur ou pour le pire.
Et au cœur de cette procession historique, une jeune fille qui n'était pas vraiment une enfant et qui portait en elle la connaissance d'un futur qu'elle espérait pouvoir réécrire — un futur où les erreurs du passé ne se répéteraient pas, où les cycles de haine et de vengeance pourraient enfin être brisés.
Le destin les attendait, quelque part au-delà de l'horizon verdoyant.
Chapter 5: La vallée de la decision
Chapter Text
L'aube teintait à peine le ciel d'une lueur dorée lorsque la délégation Uchiha aperçut enfin la vallée où devait se tenir la rencontre historique. Un lieu soigneusement choisi pour sa neutralité — ni trop proche des territoires Uchiha, ni trop près des bastions Senju.
La vallée elle-même semblait presque prédestinée à ce moment, avec ses falaises douces formant un amphithéâtre naturel et sa rivière paisible serpentant au centre comme une frontière fluide mais non hostile.
Madara, qui marchait en tête, s'arrêta au sommet d'une crête surplombant la vallée. Son Sharingan s'activa brièvement, balayant le paysage avec une précision que seul le doujutsu légendaire pouvait offrir.
— Ils sont déjà là, constata-t-il simplement, son ton neutre ne trahissant aucune émotion particulière.
Izuna rejoignit son frère, activant également son Sharingan pour évaluer la situation.
— Huit personnes, comme convenu. Hashirama et Tobirama, trois Anciens, et trois guerriers en position défensive mais non agressive.
Sakura s'avança prudemment jusqu'à leurs côtés, son cœur battant étrangement fort dans sa poitrine.
De leur position surélevée, elle pouvait effectivement distinguer le petit groupe rassemblé au centre de la vallée. Même sans Sharingan, elle reconnut immédiatement la silhouette imposante d'Hashirama Senju, dont la présence semblait irradier même à cette distance.
L'un des Anciens Uchiha s'approcha, son visage marqué par la méfiance.
— Ils ont délibérément pris position en premier. Une manœuvre pour établir leur dominance sur le territoire.
— Ou peut-être sont-ils simplement arrivés plus tôt, suggéra calmement Sakura, s'attirant un regard surpris de l'Ancien.
Madara considéra les deux interprétations sans commentaire avant de se tourner vers l'ensemble de la délégation.
— Rappelons-nous nos objectifs, déclara-t-il avec une autorité tranquille. Nous sommes venus écouter, évaluer et, si possible, établir les fondations d'une alliance qui servirait les intérêts de notre clan. Dignité, vigilance, et ouverture d'esprit seront nos guides aujourd'hui.
Il jeta un regard particulier à Izuna, puis à Sakura, comme pour souligner leur rôle spécifique dans cette mission délicate, avant de faire signe au groupe d'entamer la descente vers la vallée.
Chaque pas les rapprochait de ce qui pourrait être le plus grand tournant dans l'histoire du monde shinobi. Sakura sentait le poids de ce moment s'intensifier avec chaque mètre parcouru.
Dans sa ligne temporelle d'origine, ces événements appartenaient déjà à l'histoire ancienne, des pages dans des livres poussiéreux ou des récits transmis par des professeurs à l'Académie.
Maintenant, elle marchait littéralement vers cette histoire en train de se faire, non plus comme observatrice mais comme participante active.
À mesure qu'ils approchaient, les détails de la délégation Senju devenaient plus nets.
Hashirama se tenait au centre, grand et droit, vêtu d'une armure traditionnelle dont la solennité était tempérée par l'absence d'éléments ostensiblement agressifs.
Tobirama se tenait légèrement en retrait à sa droite, son visage sévère contrastant avec l'expression ouverte de son frère aîné.
Les trois Anciens Senju, reconnaissables à leurs vêtements ornés de symboles claniques, affichaient des expressions variant de la curiosité prudente à la méfiance non dissimulée.
La tension était palpable lorsque les deux délégations ne furent plus qu'à quelques mètres l'une de l'autre. Un silence profond s'installa, chargé du poids de siècles de conflit, de sang versé et de douleurs partagées.
Ce fut Hashirama qui brisa ce silence, s'avançant d'un pas et s'inclinant profondément en signe de respect.
— Madara, dit-il simplement, sa voix profonde portant loin dans l'air calme du matin.
— Hashirama, répondit Madara sur le même ton, lui rendant son salut avec une dignité égale.
Ce simple échange de civilités, presque banal dans sa simplicité, produisit néanmoins une onde de choc invisible parmi les membres des deux délégations. Pour beaucoup, c'était la première fois qu'ils voyaient les chefs de leurs clans rivaux se saluer autrement que par le choc de leurs armes.
— Je te remercie d'avoir accepté cette rencontre, poursuivit Hashirama avec une sincérité évidente. Ta présence ici représente déjà un courage et une vision que je respecte profondément.
Madara hocha légèrement la tête, son expression restant mesurée.
— Nous sommes venus écouter ta proposition, Hashirama. Cela ne préjuge en rien de notre décision finale.
— Bien entendu, acquiesça Hashirama sans paraître offensé par cette réserve. Chaque voyage commence par un premier pas, aussi modeste soit-il.
Il fit un geste englobant vers le centre de la vallée, où des nattes avaient été disposées en cercle, créant un espace de discussion où aucune délégation n'occuperait une position dominante.
— Si vous le voulez bien, nous pourrions nous installer et discuter confortablement.
Après un bref moment d'évaluation, Madara accepta d'un signe de tête, et les deux groupes convergèrent vers l'espace préparé. L'arrangement des places ne fut pas laissé au hasard — chaque membre prenant position selon un ordre hiérarchique tacite mais crucial, reflétant l'importance de leur rôle dans ces négociations.
Sakura se retrouva placée directement en face de Tobirama, une position qui ne pouvait être accidentelle. Le regard perçant du futur Nidaime Hokage se posa sur elle avec une intensité troublante, comme s'il cherchait à percer le mystère de sa présence dans une délégation aussi importante.
— Je vois que notre jeune amie du temple a été incluse dans votre groupe, observa-t-il calmement, attirant immédiatement l'attention de tous sur Sakura.
Elle maintint son calme malgré cette mise en lumière soudaine, consciente que sa réponse serait minutieusement évaluée par les deux délégations.
— Tout comme vous êtes présent dans la vôtre, répondit-elle avec une assurance tranquille. Chaque clan choisit ses représentants selon ses propres critères.
Un sourire presque imperceptible effleura les lèvres de Madara à cette réplique, tandis que Hashirama observait Sakura avec un intérêt manifeste.
— Je n'ai pas eu l'honneur de rencontrer cette jeune Uchiha, dit-il avec une courtoisie authentique. Mais mon frère m'a parlé de votre rencontre au temple. Il a été impressionné par votre maîtrise des sceaux anciens.
— Un talent rare, même parmi les adultes, confirma Tobirama, son ton révélant un respect réticent mais réel.
Izuna, manifestement peu désireux de voir l'attention se concentrer sur Sakura, intervint avec une pointe d'impatience dans la voix.
— Nous ne sommes pas venus discuter des compétences individuelles de nos membres, mais pour entendre cette proposition qui justifierait d'abandonner des générations de justice due à nos morts.
Le ton s'était soudain durci, ramenant brutalement la réalité des griefs historiques au premier plan. Hashirama, cependant, ne sembla pas offensé par cette intervention directe. Il hocha simplement la tête, son expression devenant plus grave.
— Tu as raison, Izuna. Les enjeux sont trop importants pour nous égarer dans des digressions, aussi agréables soient-elles.
Il prit une inspiration profonde, comme pour rassembler ses pensées, puis commença à exposer sa vision avec une éloquence que l'histoire lui avait justement attribuée.
— Nos clans sont enfermés depuis des générations dans un cycle de violence qui ne sert plus aucun but véritable, si tant est qu'il en ait jamais servi un. Nos enfants naissent dans un monde de guerre, grandissent en guerriers, et meurent sur les champs de bataille avant même d'avoir vraiment vécu, perpétuant une vendetta dont personne ne se souvient même plus de l'origine exacte.
Son regard balaya l'assemblée, s'arrêtant brièvement sur chaque visage, évaluant peut-être l'impact de ses paroles.
— Les Senju ont perdu des frères, des pères, des fils. Les Uchiha également. Chaque mort engendre une nouvelle vague de haine, chaque bataille laisse un héritage de douleur qui ne fait qu'alimenter le conflit suivant.
Il tourna son attention spécifiquement vers Madara, son expression s'adoucissant légèrement.
— Tu te souviens de notre rêve, n'est-ce pas ? Un lieu où les enfants pourraient grandir en sécurité, où les clans mettraient leurs talents au service de la construction plutôt que de la destruction.
Cette référence directe à leur amitié d'enfance provoqua une onde de surprise parmi ceux qui n'étaient pas au courant de cette connexion passée.
Madara lui-même resta impassible, bien que Sakura, qui commençait à reconnaître les subtilités de ses expressions, perçut un léger changement dans sa posture — un imperceptible redressement, comme si les paroles d'Hashirama avaient touché une corde sensible profondément enfouie.
— Ce que je propose aujourd'hui, poursuivit Hashirama, sa voix gagnant en force et en conviction, n'est pas simplement une trêve temporaire. C'est une alliance permanente entre nos clans. Plus encore : la création d'un village où Senju et Uchiha vivraient côte à côte, unissant leurs forces pour assurer la protection de tous.
Un murmure stupéfait parcourut les rangs des deux délégations. L'audace de cette proposition dépassait toutes les attentes, même celles de Sakura qui connaissait pourtant l'issue historique de ces négociations.
Ce n'était pas simplement la paix qu'Hashirama offrait — c'était une restructuration fondamentale de leur monde, une vision radicalement nouvelle de ce que pourrait être la société shinobi.
L'un des Anciens Uchiha, Takeo, ne put contenir son incrédulité.
— Vivre ensemble ? Après des siècles de bains de sang ? C'est de la pure folie !
— Est-ce plus fou que de continuer à nous entretuer sans fin ? rétorqua calmement Hashirama. Que de sacrifier génération après génération sur l'autel d'une haine héritée ?
Tobirama, dont l'expression révélait clairement qu'il partageait certaines des réserves des Uchiha, bien que pour des raisons différentes, intervint avec son pragmatisme caractéristique.
— Mon frère présente la vision idéale, mais nous ne sommes pas naïfs. Une telle alliance nécessiterait des garanties strictes, des compromis significatifs de part et d'autre, et un cadre juridique solide pour résoudre les inévitables tensions.
— Sans oublier la question cruciale de la gouvernance, ajouta l'un des Anciens Senju. Qui dirigerait ce... village ?
Cette question directe flotta dans l'air comme une ombre menaçante, chargée d'implications potentiellement explosives.
Sakura observait attentivement Madara, consciente que sa réaction à cette interrogation spécifique serait déterminante.
Contre toute attente, ce fut Izuna qui prit la parole, son ton mesuré contrastant avec son intervention précédente.
— Avant de discuter de la structure d'un village qui n'existe même pas encore, peut-être devrions-nous d'abord établir si une coexistence pacifique est simplement envisageable. Nos clans se sont entretués pendant des générations. La méfiance ne s'effacera pas par la signature d'un simple accord sur parchemin.
Hashirama acquiesça, reconnaissant visiblement la sagesse de cette observation.
— Tu as parfaitement raison. C'est pourquoi je propose une période transitoire — un temps où nos clans apprendraient progressivement à travailler ensemble sur des projets communs, avant même d'envisager une cohabitation permanente.
— Quels types de projets ? demanda finalement Madara, rompant son long silence.
Sakura perçut dans sa voix une curiosité sincère, le premier signe tangible qu'il considérait sérieusement la proposition.
— Des missions conjointes, pour commencer, suggéra Hashirama, visiblement encouragé par cette ouverture. Des patrouilles communes le long de nos frontières. L'échange de connaissances médicales, peut-être, pour le bénéfice de tous nos blessés.
Il marqua une pause significative avant d'ajouter :
— Et, à terme, la sélection d'un terrain où nous commencerions à bâtir, pierre par pierre, ce village qui incarnerait notre volonté commune de paix.
Le silence qui suivit était presque palpable, chaque membre des deux délégations absorbant la portée révolutionnaire de ces paroles.
Sakura, plus que quiconque, mesurait l'importance historique de ce moment — c'était la genèse de Konoha qui se jouait sous ses yeux, la fondation même du monde qu'elle avait connu.
Madara se leva lentement, tous les regards convergeant vers lui dans l'attente de sa réaction.
— Ta vision n'a pas changé, Hashirama, constata-t-il. Elle s'est peut-être même affinée avec les années.
Il balaya la vallée du regard, comme s'il y projetait déjà ce que cet espace pourrait devenir.
— Mais les rêves d'enfants se heurtent souvent aux réalités d'adultes. La confiance ne se décrète pas, elle se construit.
— C'est précisément ce que je propose de faire, acquiesça Hashirama avec enthousiasme. Construire cette confiance, pas à pas, jusqu'à ce qu'elle devienne le fondement d'une nouvelle ère pour nos peuples.
L'échange entre les deux hommes avait quelque chose de presque hypnotique — deux visions du monde s'affrontant et se complétant simultanément, portées par des personnalités d'une force comparable mais de natures différentes.
Cependant, la question de la gouvernance, brièvement évoquée puis mise de côté, revint rapidement au centre des préoccupations.
— Vous n'avez pas répondu concernant le leadership de ce village, insista un Ancien Senju au visage sévère. Est-ce un Senju qui dirigerait ? Ou proposez-vous un autre arrangement ?
La tension dans l'assemblée s'intensifia immédiatement. C'était le point le plus sensible, celui où les aspirations idéalistes se heurtaient aux réalités politiques les plus concrètes.
Hashirama ouvrit la bouche pour répondre, mais fut devancé par un autre Ancien Senju, plus âgé et visiblement moins diplomatique.
— La question ne se pose même pas, déclara-t-il avec une assurance provocatrice. Les Senju ont toujours été reconnus pour leur sagesse et leur équité. Notre clan est naturellement destiné à guider cette alliance, pour le bien de tous.
Un silence glacial accueillit cette déclaration. Le visage d'Izuna se durcit instantanément, sa main se crispant imperceptiblement sur le manche de son katana.
— Et voilà la véritable intention qui se révèle, lança-t-il avec amertume. Toute cette rhétorique sur l'égalité n'était qu'un voile transparent sur vos ambitions de domination.
Hashirama leva une main apaisante, visiblement contrarié par l'intervention de l'Ancien.
— Les paroles de Kotaro-san ne reflètent pas la position officielle des Senju, clarifia-t-il rapidement. La question de la gouvernance est précisément le type de sujet qui mérite une discussion approfondie et des compromis mutuels.
Mais le mal était fait. Les Anciens Uchiha échangeaient des regards sombres, leurs soupçons apparemment confirmés par cette maladresse diplomatique.
Même Madara, dont l'ouverture avait semblé progresser, affichait désormais une expression plus fermée.
Tobirama, comprenant la gravité du moment, intervint avec un pragmatisme incisif :
— Si je puis me permettre, la question du leadership n'est peut-être pas celle que nous devrions aborder en premier. La structure même de ce village, les mécanismes de prise de décision, les garanties pour chaque clan... Voilà les fondations qui doivent être établies avant de discuter des personnes qui occuperont les positions d'autorité.
C'était une tentative habile de désamorcer la tension, mais Sakura pouvait sentir que le moment critique était arrivé. L'atmosphère s'était chargée d'une méfiance renouvelée, les vieilles blessures réveillées par une simple phrase imprudente.
Les négociations se trouvaient soudain au bord de l'échec, exactement comme l'histoire l'avait rapporté dans sa ligne temporelle d'origine.
Elle observa Madara, dont le visage reflétait un conflit intérieur profond. Le rêve d'enfant qu'il avait partagé avec Hashirama semblait se heurter brutalement à la réalité des préjugés et des ambitions concurrentes.
C'était maintenant ou jamais. Si elle ne faisait rien, les événements suivraient probablement leur cours original : une alliance fragile, éventuellement brisée par la méfiance, menant aux tragédies qu'elle connaissait trop bien.
— Puis-je prendre la parole ? demanda-t-elle, sa voix calme mais ferme surprenant l'ensemble de l'assemblée.
Tous les regards convergèrent vers elle, certains surpris, d'autres clairement désapprobateurs face à l'audace d'une si jeune personne intervenant dans une négociation de cette importance.
Madara l'étudia un instant avant d'acquiescer brièvement :
— Parle, Sakura.
Elle prit une profonde inspiration, consciente que chaque mot qu'elle prononcerait maintenant pourrait littéralement changer le cours de l'histoire.
— En écoutant nos échanges, je ne peux m'empêcher de penser que nous sommes tous prisonniers de nos peurs – des peurs légitimes, enracinées dans des générations de souffrance, mais des peurs qui nous aveuglent néanmoins sur les possibilités qui s'offrent à nous.
Elle laissa son regard parcourir l'assemblée, notant les expressions variant de l'irritation à la curiosité.
— Les Uchiha craignent d'être dominés ou trahis. Les Senju redoutent notre puissance et notre imprévisibilité supposée. Chaque clan voit l'autre à travers le prisme de siècles de conflit, incapable d'imaginer qu'une autre réalité puisse exister.
Elle se tourna vers l'Ancien Senju qui avait provoqué la tension.
— Lorsque vous suggérez que les Senju sont naturellement destinés à diriger, vous ne faites qu'exprimer votre perspective limitée par votre propre expérience. De même, quand nous, Uchiha, rejetons immédiatement cette idée, nous réagissons par réflexe défensif, sans considérer les intentions plus larges derrière cette proposition d'alliance.
S'adressant ensuite directement à Madara et Hashirama :
— Vous deux avez partagé un rêve autrefois – un rêve né non pas de la naïveté, comme certains pourraient le suggérer, mais d'une vision qui transcendait les limitations de votre époque. Vous avez vu ce que personne d'autre ne pouvait imaginer : un monde où nos forces seraient complémentaires plutôt qu'opposées.
Elle marqua une pause, constatant que l'attention de tous était désormais pleinement focalisée sur elle.
— Imaginez un instant ce que nous pourrions accomplir ensemble. La puissance offensive des Uchiha combinée à la force vitale des Senju. Nos doujutsu travaillant en harmonie avec vos techniques de barrière. Un lieu où nos enfants grandiraient en apprenant les uns des autres, plutôt qu'en s'entraînant à se tuer mutuellement.
Sa voix gagna en intensité, portée par une conviction qui venait non seulement de son esprit actuel mais aussi de ses souvenirs de Konoha, de la communauté qu'elle avait connue et qui était née de cette alliance historique.
— Quant à la question du leadership, pourquoi penser en termes de domination d'un clan sur l'autre ? Un véritable village ne serait-il pas mieux servi par une gouvernance qui représente tous ses habitants ? Un conseil où Uchiha et Senju auraient une voix égale, où les décisions seraient prises par consensus plutôt que par autorité imposée ?
Elle tourna son regard vers Hashirama, puis vers Madara.
— Et pour ce qui est de la direction quotidienne, quelle meilleure symbolique que d'avoir à sa tête les deux hommes dont la vision commune a rendu cette alliance possible ? Un leadership partagé, incarnant l'unité même que ce village représenterait.
Un silence stupéfait suivit ses paroles. L'idée d'un leadership partagé semblait si évidente une fois formulée, et pourtant, elle n'avait jamais été explicitement proposée jusqu'à présent.
Hashirama fut le premier à réagir, son visage s'illuminant d'une compréhension nouvelle.
— La sagesse peut venir des sources les plus inattendues, dit-il avec un sourire chaleureux dirigé vers Sakura. Cette jeune Uchiha vient d'exprimer exactement ce que je n'avais pas réussi à formuler clairement.
Il se leva, son regard fixé sur Madara.
— Un leadership partagé, mon ami. Toi et moi, côte à côte, guidant ce village comme nous l'avions imaginé enfants. Ni Senju dominant les Uchiha, ni Uchiha contrôlant les Senju. Mais deux clans, égaux dans leur contribution et leur autorité.
L'atmosphère dans la vallée semblait avoir changé, comme si un poids invisible avait été partiellement soulevé.
Les Anciens Uchiha, bien que toujours méfiants, échangeaient maintenant des regards pensifs plutôt qu'hostiles. Même Izuna, le plus sceptique concernant l'alliance, paraissait considérer sérieusement cette nouvelle proposition.
Tobirama observait Sakura avec une intensité troublante, comme s'il tentait de percer le mystère de cette jeune fille dont les paroles semblaient transcender son âge apparent.
— Comment envisageriez-vous concrètement ce leadership partagé ? demanda-t-il finalement, sa voix trahissant une curiosité sincère derrière sa réserve habituelle.
C'était une question directe, presque un test. Sakura comprit immédiatement que sa réponse pourrait soit consolider le progrès accompli, soit le fragiliser à nouveau.
— Je pense qu'au quotidien, l'un servirait comme figure d'autorité principale, soutenu et conseillé par l'autre, expliqua-t-elle soigneusement. Les décisions majeures seraient prises conjointement, sans qu'aucun ne puisse imposer sa volonté sans l'accord de l'autre. Et peut-être, avec le temps, que ce rôle principal pourrait alterner entre eux, démontrant ainsi l'égalité fondamentale de cette alliance.
Elle s'efforçait de décrire un système qui pourrait naturellement évoluer vers ce que serait le système des Hokage, sans toutefois trop révéler sa connaissance du futur.
— De plus, continua-t-elle, un conseil représentant les différentes familles des deux clans pourrait être formé pour garantir que toutes les voix soient entendues, que aucune décision majeure ne puisse être prise unilatéralement.
Madara, qui était resté silencieux pendant toute son intervention, la fixait maintenant avec une expression indéchiffrable, mélange de surprise, de respect, et peut-être même d'une certaine fierté.
— Des idées intéressantes, commenta-t-il finalement. Et remarquablement spécifiques pour quelqu'un de si jeune.
Il y avait une note interrogative dans sa voix, presque un défi voilé, mais sans hostilité.
— Je réfléchis beaucoup à ces questions, répondit-elle simplement. Peut-être parce que je représente la génération qui vivra dans ce monde que vous êtes en train de façonner aujourd'hui.
Cette réponse sembla le satisfaire, car il hocha lentement la tête avant de se tourner vers Hashirama.
— Ta proposition initiale s'est considérablement enrichie grâce à cette discussion, observa-t-il. Un leadership partagé, un conseil représentatif... Ce sont des concepts qui méritent d'être explorés plus avant.
Il fit un geste englobant la vallée paisible qui les entourait.
— Peut-être même que ce lieu pourrait servir de site pour ce village dont tu parles. Protégé naturellement, avec des ressources abondantes, à distance égale de nos territoires traditionnels... Un symbole approprié pour un nouveau départ.
Cette suggestion inattendue provoqua une vague d'excitation palpable. Hashirama se leva instantanément, son enthousiasme rayonnant comme une force presque physique.
— Cette vallée serait parfaite ! s'exclama-t-il, son regard balayant le paysage avec une vision déjà tournée vers l'avenir. Les falaises offrent une protection naturelle, la rivière assure l'approvisionnement en eau... Nous pourrions commencer les premiers bâtiments dès que les termes de l'alliance seraient formalisés.
Même Tobirama, habituellement si réservé, semblait considérer sérieusement la proposition, son regard analytique évaluant les aspects pratiques de l'emplacement.
Izuna, cependant, maintint une prudence caractéristique.
— Ne nous précipitons pas, tempéra-t-il. Les détails de cette alliance doivent être soigneusement élaborés et approuvés par l'ensemble des deux clans. Ce que nous discutons ici aujourd'hui n'est qu'un cadre préliminaire.
— Bien sûr, acquiesça Hashirama, modérant son enthousiasme. Mais nous posons aujourd'hui la première pierre d'un édifice qui, je l'espère, durera bien au-delà de nos vies.
La conversation s'orienta alors vers des aspects plus concrets : les étapes pratiques pour formaliser cette alliance, les processus de consultation au sein de chaque clan, les garanties mutuelles qui devraient être établies.
Sakura observait ces échanges avec un mélange d'émerveillement et d'inquiétude. Elle avait réussi à influencer significativement la direction des négociations, mais était-ce suffisant pour changer fondamentalement la trajectoire de l'histoire ?
Le Madara assis devant elle, ouvert à l'idée d'un leadership partagé, suivrait-il encore le chemin sombre qu'elle connaissait ? Ou avait-elle véritablement commencé à forger une nouvelle réalité ?
Après plusieurs heures de discussions intenses, un accord préliminaire commençait à prendre forme. Les grandes lignes étaient désormais établies : un village commun serait fondé dans cette vallée même, gouverné conjointement par Madara et Hashirama, avec un conseil représentatif assurant l'équilibre des pouvoirs.
— Je propose que nous formalisions ces principes fondamentaux par écrit, suggéra Tobirama avec son pragmatisme habituel. Un document qui pourra être présenté à nos clans respectifs pour approbation.
Madara acquiesça, puis se tourna vers les Anciens Uchiha.
— Nous avons besoin d'un moment pour discuter en privé, annonça-t-il à l'assemblée.
Hashirama comprit immédiatement, faisant signe à sa propre délégation de s'écarter également pour une consultation séparée.
Les deux groupes se retirèrent à distance l'un de l'autre, formant des cercles fermés où des discussions animées mais discrètes commencèrent immédiatement.
Dans le groupe Uchiha, l'Ancien Takeo exprimait clairement ses réserves :
— La proposition est séduisante en théorie, mais pouvons-nous vraiment faire confiance aux Senju pour respecter l'égalité qu'ils prônent si facilement ?
— Leur intérêt dans cette alliance est aussi grand que le nôtre, argumenta Madara. Les pertes récentes ont affaibli nos deux clans. Ensemble, nous serions considérablement plus forts.
— Et la question du partage du pouvoir semble avoir trouvé une solution élégante, ajouta un autre Ancien, jetant un regard approbateur vers Sakura.
Izuna, qui était resté silencieux pendant la plus grande partie de cet échange privé, fixa finalement son frère.
— Tu crois vraiment que cela peut fonctionner, n'est-ce pas ? demanda-t-il doucement.
La question semblait porter bien au-delà des détails pratiques de l'alliance, touchant à la conviction profonde de Madara.
— Je le crois, affirma ce dernier sans hésitation. Non pas par naïveté, mais parce que c'est la voie la plus sage pour notre survie et notre prospérité à long terme.
Il posa une main sur l'épaule de son frère.
— Mais je ne m'engagerai pas dans cette voie sans ton soutien, Izuna. Nous avons traversé trop d'épreuves ensemble pour être divisés maintenant.
Cette déclaration créa un moment de tension palpable. Sakura retenait son souffle, consciente que la réponse d'Izuna pourrait être déterminante.
Dans sa ligne temporelle d'origine, les détails exacts de ces négociations n'avaient jamais été clairement documentés, mais elle savait qu'Izuna avait été décrit comme un opposant farouche à l'alliance avec les Senju.
Finalement, après ce qui sembla une éternité, Izuna poussa un profond soupir.
— Je ne peux pas prétendre avoir la même foi que toi dans cette alliance, admit-il. Mais je reconnais la sagesse de tes arguments, et…
Il jeta un bref regard vers Sakura avant de poursuivre :
— Je dois admettre que les paroles de notre jeune prodige m'ont fait réfléchir. Peut-être existe-t-il effectivement une voie que nous n'avons pas encore explorée.
Il redressa les épaules, sa décision visiblement prise.
— Je te soutiendrai dans cette entreprise, nii-san. Avec prudence et vigilance, mais sincèrement.
Le soulagement qui traversa le visage de Madara était presque palpable. Ce soutien inattendu d'Izuna représentait peut-être le changement le plus significatif que Sakura avait réussi à provoquer jusqu'à présent.
Les deux délégations se rejoignirent au centre de la vallée, l'atmosphère désormais chargée d'une énergie nouvelle – un mélange d'appréhension et d'espoir tentant de s'imposer face à des siècles de méfiance.
Hashirama fut le premier à parler :
— Les Senju sont prêts à s'engager dans cette alliance selon les termes que nous avons discutés aujourd'hui.
Madara acquiesça solennellement.
— Les Uchiha également.
Un moment de silence suivit cette déclaration historique, comme si tous les présents prenaient conscience de la portée extraordinaire de ce qui venait de se produire.
Puis, dans un geste qui resterait gravé dans les mémoires – et dans les livres d'histoire que Sakura avait étudiés dans une autre vie – Hashirama tendit sa main vers Madara.
Sans hésitation, Madara la saisit fermement.
Ce simple contact physique, cette poignée de main entre les chefs de clans autrefois ennemis jurés, scellait symboliquement le début d'une ère nouvelle. Sakura sentit une émotion intense la submerger en assistant à ce moment fondateur, témoin privilégiée de la naissance de ce qui deviendrait un jour Konoha.
Tobirama s'avança, tenant un parchemin sur lequel il avait rapidement transcrit les points essentiels de leur accord.
— Ceci servira de base pour un traité plus détaillé, expliqua-t-il. Chaque clan devra le soumettre à l'approbation formelle de ses membres.
Madara prit le document, le parcourant attentivement avant de hocher la tête.
— Un début prometteur, commenta-t-il. Nos juristes respectifs devront travailler ensemble pour élaborer la version définitive.
— Et une fois cette formalité accomplie, ajouta Hashirama, son enthousiasme à peine contenu, nous pourrons commencer à planifier la construction de notre village.
— Notre village, répéta Madara, comme pour savourer la nouveauté de ce concept. Il faudra lui trouver un nom approprié.
— Un nom qui symbolise ce que nous cherchons à créer, acquiesça Hashirama. Nous y réfléchirons ensemble.
Sakura dut réprimer un sourire, sachant pertinemment que ce nom serait Konohagakure – le Village Caché de la Feuille, un nom qui deviendrait légendaire dans le monde shinobi.
Alors que les derniers détails pratiques étaient discutés, elle observait Madara avec attention, cherchant à discerner si les changements qu'elle avait influencés étaient suffisamment profonds pour modifier sa trajectoire future. Le Madara qu'elle voyait aujourd'hui semblait plus ouvert, plus équilibré que celui décrit dans les récits historiques – mais serait-ce suffisant pour prévenir sa chute ultérieure ?
Lorsque la réunion toucha finalement à sa fin, les deux délégations se préparèrent à retourner vers leurs campements respectifs pour annoncer les résultats de cette journée historique.
Avant de partir, Hashirama s'approcha de Sakura, s'inclinant légèrement malgré leur différence de statut – un geste qui surprit visiblement plusieurs membres des deux délégations.
— Je te remercie, jeune Uchiha, dit-il avec une sincérité évidente. Tes paroles aujourd'hui ont apporté une clarté que nos délibérations n'avaient pas réussi à atteindre.
Elle s'inclina respectueusement en retour, touchée par cette reconnaissance.
— Je n'ai fait qu'exprimer ce que beaucoup pensaient sans parvenir à le formuler, Hashirama-sama.
Il sourit, son expression chaleureuse rappelant étrangement celle de Naruto dans ses moments les plus authentiques.
— Parfois, c'est précisément ce dont nous avons le plus besoin – quelqu'un pour mettre des mots sur nos aspirations informulées.
Avec un dernier salut respectueux, les délégations se séparèrent, chacune prenant le chemin de son territoire.
Sur le trajet du retour, Sakura marchait silencieusement, absorbée dans ses pensées, tentant d'évaluer l'impact réel de ses interventions sur le cours des événements.
Madara ralentit imperceptiblement pour se retrouver à son niveau, laissant le reste du groupe prendre une légère avance.
— Tu as joué un rôle déterminant aujourd'hui, dit-il simplement.
— J'ai simplement dit ce que je pensais être juste, répondit-elle modestement.
Un léger sourire étira ses lèvres.
— Avec une éloquence et une vision stratégique remarquables pour quelqu'un de si jeune. L'Oracle avait raison à ton sujet.
Elle leva les yeux vers lui, intriguée.
— À quel propos ?
— Elle a dit que tu verrais des chemins invisibles aux autres. Des possibilités que même les plus sages d'entre nous pourraient manquer, aveuglés par des siècles de certitudes.
Il regarda au loin, vers l'horizon où le soleil commençait sa descente.
— Ce concept de leadership partagé... Il résout élégamment un problème qui semblait insoluble. Ni domination, ni soumission, mais une véritable alliance d'égaux.
— Croyez-vous que cela peut réellement fonctionner ? demanda-t-elle doucement.
Madara resta silencieux un moment, semblant peser sa réponse avec soin.
— Je le crois, dit-il finalement. Non sans difficultés, bien sûr. Des générations de méfiance ne s'effacent pas en un jour. Mais pour la première fois depuis longtemps, je vois un chemin qui ne mène pas inévitablement à plus de sang versé.
Il la regarda directement, son expression inhabituellement ouverte.
— Et je te dois une part de cette vision renouvelée, Sakura Uchiha.
Ces paroles la touchèrent profondément, renforçant son espoir d'avoir véritablement commencé à changer le destin tragique qu'elle connaissait. Le Madara qui marchait à ses côtés n'était pas encore le monstre qu'elle avait affronté dans sa vie antérieure – et peut-être ne le deviendrait-il jamais.
Alors qu'ils approchaient du campement Uchiha, où ils devraient bientôt annoncer les résultats révolutionnaires de leur mission, Sakura sentit une sérénité nouvelle l'envahir.
Ce jour avait marqué la naissance de Konoha, non pas simplement comme un fait historique qu'elle avait étudié dans des livres poussiéreux, mais comme un événement vivant auquel elle avait activement contribué. Plus important encore, elle avait peut-être réussi à altérer la trajectoire de Madara, à influencer Izuna dont le soutien serait crucial, et à planter les graines d'un avenir différent – un avenir où le cycle de haine et de vengeance pourrait enfin être brisé.
Le soleil couchant baignait la forêt d'une lumière dorée, comme pour souligner la nature presque miraculeuse de cette journée. Demain apporterait de nouveaux défis, de nouvelles négociations, les premières étapes concrètes vers la construction de ce village qui changerait à jamais le monde shinobi.
Mais pour l'instant, marchant aux côtés de Madara vers un futur désormais incertain mais plein de promesses, Sakura savourait silencieusement cette victoire – peut-être la plus importante qu'elle ait jamais remportée, dans cette vie ou dans l'autre.
Le retour au campement Uchiha fut accueilli par un mélange d'incrédulité, d'espoir et de méfiance. Tandis que Madara exposait les résultats de leur rencontre avec les Senju, les réactions dans l'assemblée oscillaient entre l'enthousiasme prudent des plus jeunes et le scepticisme profondément ancré des Anciens.
— Un village commun ? s'exclama l'un d'eux, secouant la tête avec incrédulité. Bâti sur les ossements de nos ancêtres, sans doute.
Tajima, qui avait écouté le rapport avec une attention silencieuse, leva finalement la main pour apaiser les murmures croissants.
— La proposition a du mérite, déclara-t-il, surprenant une partie de l'assemblée par cette ouverture inattendue. Unir nos forces pourrait effectivement nous renforcer face aux menaces extérieures qui ne cessent de croître.
Son regard balaya l'assemblée avant de s'arrêter sur son fils aîné.
— Cependant, Madara, il y a un aspect que votre délégation semble avoir négligé. Ces terres n'appartiennent pas uniquement aux Uchiha ou aux Senju.
— Le daimyō, comprit immédiatement Madara.
Tajima acquiesça gravement.
— Le seigneur du Pays du Feu devra approuver formellement la création d'un tel établissement sur son territoire. Et il sera particulièrement attentif à ce que cette nouvelle... alliance ne menace pas son autorité.
Cette observation judicieuse tempéra quelque peu l'enthousiasme initial. Le daimyō du Pays du Feu était connu pour sa méfiance envers les clans shinobis, qu'il considérait comme des outils utiles mais potentiellement dangereux. L'idée d'une concentration de puissance aussi significative sur ses terres susciterait inévitablement des inquiétudes politiques.
— Nous devrons envoyer une délégation commune à la capitale, suggéra Sakura, attirant l'attention de l'assemblée. Démontrer au daimyō que cette alliance sert ses intérêts en assurant une stabilité accrue dans la région.
Plusieurs hochements de tête accueillirent cette suggestion pratique.
— Une négociation diplomatique délicate, commenta Kagami, qui avait écouté attentivement les développements. Le daimyō voudra des garanties de loyauté, probablement un tribut régulier, et certainement une forme de contrôle sur cette nouvelle entité.
— Des concessions que nous pouvons envisager, tant qu'elles n'interfèrent pas avec l'autonomie fondamentale du village, répondit Madara.
La discussion se poursuivit tard dans la nuit, explorant les implications pratiques, politiques et économiques de ce projet révolutionnaire. Sakura observait les interactions avec un mélange de fierté et d'anxiété. Les fondations de Konoha prenaient forme sous ses yeux, suivant des contours à la fois familiers et étrangement nouveaux, influencés par ses interventions subtiles.
Dans les jours qui suivirent, une effervescence nouvelle anima le campement Uchiha. Des groupes furent formés pour travailler sur différents aspects du projet : la rédaction détaillée du traité d'alliance, la planification des infrastructures du futur village, et la préparation d'une approche diplomatique envers le daimyō.
Sakura, malgré son jeune âge apparent, se retrouva impliquée dans plusieurs de ces initiatives, sa perspicacité lors des négociations avec les Senju lui ayant valu une reconnaissance nouvelle au sein du clan.
C'est lors d'une session de travail avec Kagami sur les aspects médicaux du futur village qu'un messager haletant fit irruption, son expression alarmée figeant immédiatement la conversation.
— Une attaque ! haleta-t-il. Le campement Hagoromo a été presque entièrement détruit !
L'information se répandit comme une traînée de poudre, rassemblant rapidement les principaux membres du clan. Tajima présidait la réunion d'urgence, son visage grave reflétant la gravité de la situation.
— Nos éclaireurs confirment l'ampleur des dégâts, annonça-t-il sobrement. Plus de la moitié du clan Hagoromo a été massacrée, leurs structures incendiées, leurs réserves pillées.
— Qui ? demanda simplement Madara, son expression devenue froide et calculatrice.
Tajima échangea un regard lourd de sens avec les éclaireurs avant de répondre:
— Les survivants Hagoromo affirment que les attaquants portaient les emblèmes des Senju.
Un silence glacial accueillit cette révélation. Sakura sentit son sang se figer dans ses veines. Ce n'était pas possible. Pas après les progrès réalisés, pas avec la sincérité qu'elle avait perçue chez Hashirama.
— C'est un mensonge, déclara-t-elle impulsivement, avant de réaliser qu'elle avait parlé à voix haute.
Tous les regards se tournèrent vers elle, certains surpris, d'autres ouvertement hostiles face à cette défense spontanée des Senju.
— Explique-toi, ordonna Tajima, son ton ne permettant aucun détour.
Sakura rassembla ses pensées, consciente que sa réponse pourrait avoir des conséquences graves.
— Hashirama n'aurait jamais ordonné une telle attaque, pas maintenant, pas après les négociations que nous avons eues. Cela n'a aucun sens stratégique ou politique.
— La naïveté est dangereuse en temps de guerre, jeune fille, répliqua sèchement l'un des Anciens. Les Senju nous ont peut-être tendu un piège élaboré, nous distrayant avec des promesses de paix pendant qu'ils éliminaient nos alliés.
— Ou peut-être, intervint Madara avec une prudence calculée, quelqu'un cherche-t-il précisément à saboter notre alliance naissante.
Cette suggestion créa un moment de réflexion dans l'assemblée.
— Qui bénéficierait d'un tel sabotage ? demanda Izuna, son regard analytique parcourant la salle.
— Plusieurs clans pourraient craindre une alliance Uchiha-Senju, répondit Kagami. Les Hyūga, les Sarutobi... Même le daimyō pourrait voir d'un mauvais œil une telle concentration de puissance.
— Il y a aussi des factions au sein des Senju qui pourraient s'opposer à la vision d'Hashirama, suggéra Sakura, repensant aux tensions qu'elle avait perçues dans leur délégation.
Tajima écoutait attentivement ces théories, son expression indéchiffrable.
— Quelles que soient les spéculations, nous ne pouvons ignorer les faits, déclara-t-il finalement.
Les Hagoromo étaient nos alliés. Ils ont été attaqués par des forces portant les emblèmes Senju. Jusqu'à preuve du contraire, nous devons considérer cet acte comme une trahison.
Il se leva, signalant que sa décision était prise.
— Préparez nos guerriers. Nous enverrons d'abord une demande d'explication aux Senju. Leur réponse déterminera nos actions suivantes.
Sakura sentit l'angoisse l'envahir. Les événements prenaient une tournure désastreuse, menaçant de réduire à néant tous les progrès accomplis.
À sa surprise, Madara lui fit discrètement signe de le suivre alors que l'assemblée se dispersait. Dans un recoin isolé du campement, loin des oreilles indiscrètes, il parla à voix basse:
— Je partage tes doutes, Sakura. Cette attaque est trop opportune, trop contradictoire avec tout ce que nous avons accompli.
Ces paroles la soulagèrent profondément. Au moins, Madara n'avait pas immédiatement rejeté la possibilité d'une manipulation.
— Que pouvons-nous faire ? demanda-t-elle anxieusement.
— Pour l'instant, rester prudents. J'enverrai un message personnel à Hashirama, par un canal que seuls lui et moi connaissons. S'il est vraiment innocent, sa réponse nous éclairera.
— Et si quelqu'un intercepte ce message ?
Madara eut un sourire énigmatique.
— Certains secrets perdus du Sharingan permettent des communications que même les meilleurs espions ne peuvent décoder.
Malgré cette lueur d'espoir, les jours suivants virent une escalade rapide des tensions. Le message formel des Uchiha aux Senju resta sans réponse, interprété par beaucoup comme un aveu de culpabilité. Les patrouilles s'intensifièrent, les entraînements de combat reprirent avec une vigueur renouvelée, et l'atmosphère d'espoir qui avait brièvement illuminé le campement céda la place à une préparation sombre pour le conflit imminent.
Une semaine après l'attaque des Hagoromo, un événement dramatique fit basculer définitivement la situation. Lors d'une patrouille de reconnaissance près de la frontière contestée, Tajima et son escorte tombèrent dans une embuscade. Lorsque les survivants regagnèrent le campement, ils portaient le corps sans vie du chef du clan.
La nouvelle frappa les Uchiha comme un coup de tonnerre. Tajima, malgré sa sévérité et son conservatisme occasionnel, avait été un leader respecté et un symbole de stabilité pour le clan pendant des décennies. Sa mort créait non seulement un vide de pouvoir, mais symbolisait aussi l'effondrement brutal des espoirs de paix.
Les funérailles, organisées selon les rites traditionnels Uchiha, rassemblèrent l'ensemble du clan dans un deuil collectif. Tandis que les flammes du bûcher funéraire s'élevaient vers le ciel nocturne, Madara se tenait immobile, son expression sculptée dans la pierre. À ses côtés, Izuna affichait une fureur à peine contenue.
Sakura observait la scène avec un désespoir croissant. Elle connaissait trop bien cette spirale de violence et de vengeance qui s'amorçait – la même qui avait façonné l'histoire tragique qu'elle avait étudiée.
Après la cérémonie, alors que les membres du clan se dispersaient lentement, Madara convoqua un conseil d'urgence. Désormais chef incontesté des Uchiha par droit de succession, sa première décision serait déterminante pour la direction future du clan.
Lorsque Sakura entra dans la tente du conseil, l'atmosphère était électrique, chargée d'émotions brutes et de détermination vengeresse. Même les plus modérés semblaient avoir abandonné toute notion de paix face à la perte de leur chef.
Madara se tenait au centre, son Sharingan actif brillant d'une intensité presque surnaturelle dans la pénombre.
— Le rêve de paix que nous avons brièvement envisagé s'est révélé être une illusion, commença-t-il, sa voix étrangement calme malgré la fureur qui émanait de sa posture. Les Senju ont prouvé, une fois de plus, que leurs paroles ne sont que du vent.
Sakura voulut protester, argumenter, mais l'expression de Madara ne tolérait aucune interruption.
— J'ai envoyé un message personnel à Hashirama, révéla-t-il, surprenant une partie de l'assemblée. Sa réponse fut vague, évasive. Il nie l'implication directe des Senju dans l'attaque des Hagoromo, tout en admettant que certaines factions de son clan agissent parfois... indépendamment.
Des murmures indignés parcoururent la tente.
— Quant à la mort de mon père, poursuivit Madara, les témoins sont formels. L'embuscade portait toutes les caractéristiques tactiques des Senju, notamment la signature chakra distinctive de Tobirama.
Cette révélation frappa Sakura comme un coup physique. Était-il possible que Tobirama ait agi de son propre chef, sabotant délibérément les efforts de paix de son frère ? Cela semblait contredire ce qu'elle savait de lui – pragmatique, certes, méfiant envers les Uchiha, assurément, mais aussi profondément loyal envers Hashirama.
— À partir de maintenant, déclara Madara, nous retournons à l'état de guerre ouverte avec les Senju. Nos alliés Hagoromo seront vengés. La mort de Tajima Uchiha sera payée en sang. Et l'illusion de coexistence pacifique sera enterrée définitivement.
Ces paroles, prononcées avec une finalité glaciale, sonnèrent comme un glas aux oreilles de Sakura. Elle chercha désespérément une ouverture, un argument, n'importe quoi pour empêcher ce retour à la spirale de violence.
— Peut-être devrions-nous attendre... commença-t-elle, mais Izuna l'interrompit immédiatement.
— Attendre quoi, exactement ? Que plus des nôtres soient massacrés ? Que notre père reste sans justice ? Les Senju ont fait leur choix, Sakura. Il est temps que nous fassions le nôtre.
Le regard que Madara lui lança était presque apologétique, mais sa décision était manifestement prise.
— Ton idéalisme a brièvement éclairé un chemin que j'avais moi-même espéré emprunter, lui dit-il plus doucement. Mais certaines réalités ne peuvent être changées par de simples paroles ou des rêves d'enfant. La guerre est notre héritage, et apparemment, notre destin.
Cette nuit-là, seule dans sa tente, Sakura pleura silencieusement.
Non seulement pour Tajima, dont la mort créait une fracture peut-être irréparable, mais pour l'opportunité perdue, pour l'espoir si brièvement entrevu puis brutalement écrasé, et surtout, pour l'avenir sombre qui se dessinait désormais.
Elle se demanda si elle avait échoué, si tous ses efforts n'avaient fait que retarder l'inévitable. L'histoire semblait déterminée à suivre son cours, malgré ses tentatives d'intervention.
***
Les cinq années qui suivirent virent le monde shinobi plonger dans une violence qui surpassa même les conflits précédents. La guerre ne se limitait plus à des escarmouches territoriales ou des raids occasionnels – elle était devenue totale, implacable, consumant les ressources et les vies avec une voracité insatiable.
Les Uchiha, sous la direction stratégique brillante mais impitoyable de Madara, s'imposèrent comme une force redoutable. Son Sharingan, désormais pleinement développé en Mangekyō suite à la mort de son père, lui conférait des capacités presque mythiques sur le champ de bataille. Les récits de ses exploits se répandaient dans tout le pays, inspirant la terreur chez ses ennemis et une loyauté fanatique parmi ses troupes.
Izuna, toujours à ses côtés, avait également éveillé son Mangekyō, leur duo formant une combinaison que même les plus puissants guerriers Senju hésitaient à affronter directement.
Du côté des Senju, la mort de leur chef – Butsuma, le père d'Hashirama – lors d'une bataille particulièrement sanglante six mois après le début du conflit, n'avait fait qu'intensifier leur détermination. Hashirama avait pris la tête du clan, ses techniques uniques de Mokuton transformant littéralement le paysage des affrontements. Tobirama, plus calculateur mais tout aussi létal, coordonnait leurs stratégies avec une précision mathématique.
Au milieu de cette dévastation, Sakura avait grandi, son corps et ses capacités évoluant au rythme accéléré imposé par la guerre. À quinze ans, elle était désormais reconnue comme l'une des kunoichi les plus prometteuses du clan, son contrôle du chakra exceptionnellement précis compensant la force brute qu'elle ne possédait pas encore.
Sa maîtrise du ninjutsu médical, développée en secret grâce aux connaissances de sa vie antérieure et adaptée aux techniques disponibles à cette époque, faisait d'elle une ressource inestimable sur le champ de bataille et dans les infirmeries improvisées du clan.
Ce matin-là, alors que l'aube teintait à peine l'horizon, Sakura terminait une opération délicate sur un jeune guerrier gravement blessé lors d'une embuscade. Ses mains, luisant d'une aura verdâtre caractéristique du chakra médical, se déplaçaient avec une assurance née de milliers d'heures de pratique et d'expériences accumulées à travers deux vies.
— Tu devrais te reposer, Sakura, remarqua Naori, qui l'assistait dans ces sessions de guérison de plus en plus fréquentes. Voilà trois jours que tu n'as pas dormi correctement.
Sakura secoua légèrement la tête, terminant la suture interne d'un vaisseau sanguin majeur avant de répondre.
— Je dormirai quand nos guerriers pourront le faire sans craindre une attaque pendant leur sommeil.
Cette réponse, teintée d'une amertume inhabituelle, trahissait l'épuisement qui l'accablait – non seulement physique, mais aussi mental et émotionnel. Cinq années de violence ininterrompue avaient laissé des marques sur tous, même sur elle qui avait déjà connu les horreurs de la guerre dans sa vie antérieure.
Lorsqu'elle eut terminé, confiant le patient stabilisé aux soins d'apprentis médecins, Sakura sortit prendre l'air, ses yeux scrutant automatiquement le périmètre du campement à la recherche de signes de danger. Cette vigilance constante était devenue une seconde nature pour tous les membres du clan.
— Tes compétences médicales se sont encore améliorées, observa une voix familière derrière elle.
Elle se retourna pour voir Madara, dont la présence imposante contrastait avec la discrétion de son approche. Sa tenue de combat, usée mais impeccablement entretenue, portait les traces subtiles de son retour récent du front.
— Madara-sama, le salua-t-elle respectueusement. Je ne vous avais pas entendu approcher.
— Peu y parviennent désormais, répondit-il avec un fantôme de sourire. Mais ce n'est pas pour tester tes réflexes que je te cherchais.
Son expression devint plus grave alors qu'il jetait un regard circulaire, s'assurant qu'ils ne seraient pas entendus.
— J'ai reçu un message... inhabituel.
Intriguée, Sakura attendit qu'il élabore, notant la tension subtile dans sa posture.
— D'Hashirama, précisa-t-il, provoquant chez elle un sursaut de surprise. Il propose une rencontre. Privée. Juste lui et moi, sur le site qui devait autrefois accueillir notre village.
Cette nouvelle inattendue réveilla en Sakura un espoir qu'elle avait presque enterré après ces années de conflit sans fin.
— Allez-vous y aller ? demanda-t-elle, tentant de masquer l'intensité de son intérêt.
Madara l'étudia longuement, son Sharingan activé comme s'il cherchait à lire au-delà de ses paroles.
— Tu es l'une des rares personnes dans ce clan qui n'a jamais complètement abandonné l'idée de paix, n'est-ce pas, Sakura ? Même après tout ce sang versé, toutes ces trahisons.
Ce n'était pas une accusation, plutôt une observation teintée d'une curiosité sincère.
— La paix n'est pas une faiblesse, répondit-elle doucement. Elle demande parfois plus de courage que la guerre.
Il hocha légèrement la tête, comme si sa réponse confirmait quelque chose qu'il soupçonnait déjà.
— Cinq ans de guerre ont épuisé nos deux clans, révéla-t-il avec une franchise surprenante. Nous restons puissants, mais chaque victoire nous coûte des vies irremplaçables. Cette spirale ne peut continuer indéfiniment.
— Vous envisagez donc réellement de rencontrer Hashirama ? insista-t-elle, le cœur battant d'un espoir renouvelé.
— Je l'envisage, confirma-t-il. Mais avec prudence. Les circonstances qui ont conduit à la rupture de notre alliance potentielle n'ont jamais été pleinement éclaircies.
Sakura saisit cette ouverture, osant exprimer ce qu'elle soupçonnait depuis longtemps:
— Avez-vous jamais considéré que ni les Uchiha ni les Senju n'étaient peut-être les véritables instigateurs de ces incidents ? Que quelqu'un d'autre, percevant le danger que représentait votre alliance pour l'équilibre des pouvoirs, aurait pu orchestrer ces événements ?
Madara la fixa intensément, une lueur de compréhension traversant son regard.
— Le daimyō, murmura-t-il. Ou ses conseillers. Une concentration de puissance shinobi aussi significative aurait considérablement réduit leur influence dans la région.
— Exactement, confirma-t-elle, soulagée qu'il arrive si rapidement à cette conclusion. Diviser pour mieux régner est une stratégie aussi vieille que la politique elle-même.
Un silence pensif s'installa entre eux, chacun méditant les implications de cette théorie. Si elle était exacte, cela signifiait que les deux clans avaient été manipulés, poussés à s'entretuer pour servir des intérêts politiques extérieurs.
— J'irai à cette rencontre, décida finalement Madara. Mais je dois te demander quelque chose, Sakura.
— Bien sûr, Madara-sama.
— Viens avec moi.
Cette requête inattendue la prit totalement au dépourvu.
— Moi ? Mais pourquoi ? Hashirama a demandé une rencontre privée…
— Et elle le restera, dans l'essentiel, assura-t-il. Mais ta perspective unique, ton regard... différent sur les événements pourrait s'avérer précieux. De plus…
Il hésita, semblant chercher les mots justes.
— Tu représentes ce que notre clan pourrait devenir dans un monde en paix. Forte, mais pas définie uniquement par la capacité à détruire. Compétente en combat, mais orientée vers la guérison plutôt que la blessure.
Ces paroles la touchèrent profondément, confirmant que malgré ces années de guerre, quelque chose de l'idéal qu'ils avaient brièvement partagé persistait en lui.
— Si vous pensez que ma présence peut être utile, alors j'irai, accepta-t-elle simplement.
***
Le jour de la rencontre arriva plus rapidement qu'elle ne l'aurait imaginé. Madara avait gardé l'information strictement confidentielle, ne partageant ses intentions qu'avec Izuna, qui – au grand soulagement de Sakura – avait accepté cette initiative avec une réticence mesurée mais sans opposition directe.
Le site choisi pour ce rendez-vous secret évoquait des souvenirs amers et doux à la fois. La vallée qui aurait dû accueillir leur village partagé était restée largement inchangée malgré les années de conflit, comme si elle attendait patiemment que les hommes reviennent à la raison.
Ils arrivèrent à l'aube, le moment convenu offrant un maximum de visibilité naturelle tout en minimisant les risques d'être observés par des tiers. Madara avait insisté pour que Sakura reste en retrait, suffisamment proche pour entendre les échanges mais pas immédiatement visible.
Hashirama était déjà là, seul comme promis, sa silhouette imposante se détachant contre le soleil levant. Cinq années de guerre l'avaient visiblement marqué – son visage portait de nouvelles cicatrices, et une gravité qui n'existait pas auparavant assombrissait son regard habituellement chaleureux.
— Tu es venu, constata-t-il simplement lorsque Madara s'approcha.
— Ta demande était... intrigante, répondit Madara, maintenant une distance prudente mais non hostile.
Les deux hommes s'observèrent longuement, évaluant les changements que le temps et les conflits avaient apportés à chacun.
— Cinq ans, murmura finalement Hashirama. Cinq années de sang et de souffrance, alors que nous étions si proches d'un accord.
— Un accord brisé par la trahison, rétorqua Madara, mais sans la véhémence qu'il aurait montrée autrefois.
Hashirama secoua lentement la tête.
— Je n'ai jamais ordonné l'attaque contre les Hagoromo, Madara. Ni approuvé l'embuscade qui a coûté la vie à ton père. Je l'ai nié à l'époque, et je le nie encore aujourd'hui.
— Alors qui ? demanda simplement Madara. Tes guerriers portaient les emblèmes Senju. Les témoins ont identifié les techniques caractéristiques de ton clan. Ton propre frère a été reconnu.
Hashirama ferma brièvement les yeux, comme accablé par un poids invisible.
— J'ai passé cinq ans à chercher des réponses, Madara. À enquêter discrètement, même au milieu des batailles. Ce que j'ai découvert est... troublant.
Il rouvrit les yeux, son regard d'une intensité presque douloureuse.
— Certains emblèmes peuvent être copiés. Certaines techniques imitées. Et certaines loyautés... achetées.
— Tu suggères qu'il s'agissait d'imposteurs ? d'agents manipulés ?
— Je suggère que nos clans ont été les pions d'un jeu politique bien plus vaste que nous ne l'imaginions, affirma Hashirama. Les attaques étaient trop précises, trop parfaitement orchestrées pour saboter nos négociations naissantes.
Sakura, depuis sa position, sentait son cœur s'accélérer. Hashirama était arrivé aux mêmes conclusions qu'elle-même.
— Le daimyō, murmura Madara, confirmant leur théorie partagée.
Hashirama acquiesça gravement.
— Ses conseillers, plus précisément. J'ai trouvé des preuves de paiements à des mercenaires, des ordres codés, des correspondances incriminantes. Ils craignaient qu'une alliance entre nos clans ne crée une puissance militaire indépendante de leur contrôle.
Il fit un pas en avant, réduisant légèrement la distance entre eux.
— Nous avons été manipulés, Madara. Poussés à nous entretuer alors que nous étions sur le point de briser un cycle centenaire de violence.
Le silence qui suivit cette révélation était lourd, chargé des implications vertigineuses qu'elle contenait. Si c'était vrai – et Sakura était convaincue que ça l'était – alors ces cinq années de guerre acharnée, toutes ces morts, toutes ces souffrances, n'avaient servi que les intérêts politiques d'une élite lointaine et détachée.
— As-tu des preuves ? demanda finalement Madara, sa voix calme masquant la tempête d'émotions que Sakura devinait en lui.
Hashirama sortit de sa veste un rouleau scellé qu'il tendit à son interlocuteur.
— Tout est là. Noms, dates, ordres spécifiques. J'ai risqué beaucoup pour obtenir ces informations, Madara. Des gens sont morts pour que ces vérités puissent émerger.
Madara prit le rouleau mais ne l'ouvrit pas immédiatement, son regard toujours fixé sur Hashirama.
— Admettons que ce soit vrai. Qu'est-ce que cela change maintenant ? Nos clans sont engagés dans une guerre totale depuis cinq ans. Le sang versé ne peut être ignoré.
— Il ne peut être effacé, corrigea doucement Hashirama. Mais il peut être le dernier à couler, si nous le décidons. La haine née de la manipulation n'est pas moins réelle, mais connaître sa source peut nous aider à la transcender.
Il prit une profonde inspiration avant de poursuivre:
— Je te propose de reprendre là où nous nous étions arrêtés, Madara. De reconstruire cette alliance que nous avions commencé à forger. Non pas en ignorant les cinq dernières années, mais en les transformant en une leçon que nous n'oublierons jamais.
Madara resta silencieux, son visage ne trahissant rien de ses pensées intérieures. Finalement, il se tourna légèrement vers le bosquet où Sakura se tenait.
— Tu peux te montrer maintenant, dit-il simplement.
Hashirama parut momentanément surpris alors qu'elle émergeait de sa cachette, mais son expression se transforma rapidement en reconnaissance.
— La jeune Uchiha des négociations, se rappela-t-il. Celle dont les paroles avaient apporté tant de clarté à nos discussions.
Sakura s'inclina respectueusement.
— Hashirama-sama.
— Elle n'est plus si jeune, observa Madara. Cinq années de guerre l'ont transformée, comme nous tous.
— J'ai demandé à Sakura de m'accompagner parce que sa perspective a toujours été... unique, poursuivit Madara. Moins entravée par les préjugés ancestraux, plus ouverte aux possibilités que peu d'entre nous osent envisager.
Hashirama étudia Sakura avec un intérêt renouvelé, semblant percevoir les changements profonds que les années avaient apportés. À quinze ans, presque seize, elle n'était plus l'enfant précoce des premières négociations, mais une jeune femme dont le regard reflétait une sagesse qui dépassait largement son âge apparent.
— Ces années t'ont-elles aussi convaincue que la paix est impossible ? lui demanda-t-il directement.
Sakura soutint son regard, mesurant soigneusement sa réponse.
— Ces années m'ont convaincue que la paix est plus nécessaire que jamais, répondit-elle avec une conviction tranquille. Chaque vie perdue, chaque blessure que je n'ai pu guérir complètement, chaque famille brisée que j'ai vue... tout cela ne fait que renforcer la certitude que ce cycle doit être brisé.
Elle fit un pas en avant, les rejoignant dans le cercle de leur conversation.
— Si nous avons vraiment été manipulés, comme vos preuves semblent l'indiquer, alors notre véritable ennemi n'a jamais été l'autre clan, mais ceux qui prospèrent dans notre division. La plus grande victoire que nous puissions remporter n'est pas sur le champ de bataille, mais dans notre capacité à transcender ces manipulations.
Les deux hommes l'écoutaient attentivement, et Sakura sentit le poids de ce moment historique. Les mots qu'elle prononçait maintenant pourraient littéralement changer le cours de l'histoire.
— Je crois que l'alliance que vous aviez envisagée il y a cinq ans n'était pas une utopie naïve, mais une vision pragmatique d'un avenir meilleur pour nos deux clans. Un avenir où nos forces combinées nous rendraient non seulement plus puissants militairement, mais aussi moins vulnérables aux manipulations extérieures.
Hashirama hocha lentement la tête, son expression s'éclairant d'un espoir renouvelé.
— Exactement. Unis, nous serions suffisamment forts pour dicter nos propres termes, même au daimyō. Séparés, nous restons des outils dans ses mains.
Madara, qui avait écouté en silence, déroulait maintenant le parchemin, parcourant rapidement son contenu. Son visage se durcit momentanément, puis se recomposa en un masque de détermination froide.
— Ces preuves sont... convaincantes, admit-il finalement. Si elles sont authentiques, elles confirment que nous avons été joués comme des pièces sur un échiquier.
Il releva les yeux, fixant Hashirama avec une intensité nouvelle.
— Mais recommencer comme si rien ne s'était passé est impossible. Trop de sang a coulé, trop de promesses ont été brisées – même si ce n'était pas par notre volonté directe.
— Je ne suggère pas d'oublier, clarifia Hashirama. Je propose de transformer cette douleur en fondation pour quelque chose de plus fort, de plus durable. Un village qui serait non seulement un refuge pour nos clans, mais un monument à tous ceux qui sont tombés dans cette guerre insensée.
— Un mémorial vivant, murmura Sakura, l'idée résonnant profondément en elle.
Madara sembla méditer ces paroles, son regard se perdant un instant dans l'horizon où le soleil continuait son ascension lente au-dessus de la vallée.
— Si nous devions reprendre ce projet, commença-t-il prudemment, il faudrait des garanties plus solides. Des structures de gouvernance clairement définies. Des mécanismes pour prévenir les manipulations futures.
— Et une approche directe avec le daimyō, ajouta Hashirama. Cette fois, nous ne nous contenterions pas de demander sa permission – nous négocierions d'égal à égal, en position de force unifiée.
— Il résistera, prédit Madara.
— Sans doute, acquiesça Hashirama. Mais face à nos clans unis, ses options seront limitées. La guerre nous a rendus plus forts individuellement – ensemble, nous serions presque inarrêtables.
Sakura observait cet échange avec un mélange d'émerveillement et d'anxiété. Les fondations de Konoha se redessinaient sous ses yeux, mais dans un contexte radicalement différent de celui qu'elle avait étudié dans son autre vie.
Cette version de l'alliance naissait non pas d'un idéalisme juvénile, mais d'une compréhension mature des manipulations politiques et d'une détermination commune à y résister.
— Il y a un autre aspect à considérer, intervint-elle après un moment de réflexion. Les autres clans.
Les deux hommes tournèrent leur attention vers elle, intrigués par cette nouvelle direction.
— Si le daimyō et ses conseillers ont pu manipuler nos clans les plus puissants, ils tenteront certainement d'utiliser d'autres familles shinobi contre nous. Peut-être devrions-nous élargir immédiatement cette alliance au-delà des Uchiha et des Senju.
Hashirama sembla immédiatement saisir l'implication stratégique de cette suggestion.
— Les Sarutobi pourraient être réceptifs, réfléchit-il à voix haute. Ils ont également souffert considérablement ces dernières années, pris entre nos deux clans. Les Yamanaka, les Nara, et les Akimichi forment déjà une coalition informelle qui pourrait être intéressée par une stabilité accrue.
— Les Hyūga resteront probablement à l'écart initialement, songea Madara. Leur fierté et leur indépendance les rendront méfiants. Mais les Inuzuka pourraient être approchés – ils valorisent la loyauté et la protection du groupe avant tout.
Sakura sentit une vague d'espoir l'envahir en voyant les deux leaders commencer à élaborer naturellement sur sa suggestion, envisageant déjà un village qui inclurait bien plus que leurs deux clans – exactement comme le Konoha qu'elle avait connu.
— Avant d'approcher d'autres clans, objecta-t-elle néanmoins, nous devons solidifier notre propre alliance. Nos peuples ont passé cinq ans à se considérer comme des ennemis mortels. Le changement ne se fera pas en un jour.
— Une transition progressive serait nécessaire, acquiesça Hashirama. Commencer par un cessez-le-feu, puis des échanges limités, des projets communs…
— Et pendant ce temps, nous pourrions enquêter plus profondément sur ces manipulations, suggéra Madara, son Sharingan s'activant brièvement avec une détermination froide. Identifier tous les responsables. S'assurer qu'ils ne pourront plus jamais nous utiliser l'un contre l'autre.
Un silence pensif suivit cette déclaration, chacun absorbant les implications de ce moment potentiellement historique. Finalement, Hashirama tendit sa main – un écho du geste qui avait scellé leur première tentative d'alliance cinq ans plus tôt.
— Est-ce que nous essayons à nouveau, Madara ? Avec toute la sagesse que ces années douloureuses nous ont apportée ?
Madara fixa cette main tendue, l'hésitation visible sur ses traits. Sakura retint son souffle, consciente que ce simple geste pourrait déterminer l'avenir du monde shinobi tout entier.
Après ce qui sembla une éternité, Madara saisit fermement la main d'Hashirama.
— Nous essayons. Mais cette fois, avec les yeux grand ouverts.
Ce contact simple, cette poignée de main entre anciens ennemis, portait le poids de milliers de vies perdues et d'innombrables possibilités futures. Sakura sentit ses yeux s'humidifier légèrement, témoin privilégiée d'un moment qui, dans sa ligne temporelle originale, avait été relégué à quelques paragraphes dans des livres d'histoire.
— Il y aura des résistances des deux côtés, avertit Hashirama, sans lâcher la main de Madara. Des cicatrices trop profondes, des pertes trop personnelles.
— Nous les surmonterons, affirma Madara avec une détermination qui surprit même Sakura. Non pas en les niant, mais en leur donnant un sens – en transformant cette souffrance en fondation pour quelque chose qui empêchera les générations futures de connaître les mêmes tourments.
Ils se séparèrent finalement, un nouveau respect mutuel brillant dans leurs yeux. Hashirama se tourna alors vers Sakura, s'inclinant légèrement avec une déférence qui la prit au dépourvu.
— Je te remercie, Sakura Uchiha. Il y a cinq ans, tes paroles ont aidé à forger notre première tentative d'alliance. Aujourd'hui, ta présence a peut-être scellé définitivement cette paix que nous recherchons depuis si longtemps.
Embarrassée par cette reconnaissance, elle s'inclina en retour.
— Je n'ai fait que rappeler ce que vous saviez déjà au fond de vous-mêmes, Hashirama-sama.
Madara l'observait avec une expression indéchiffrable, quelque part entre la fierté et une curiosité persistante.
— Tu as toujours eu cette capacité à voir au-delà des apparences immédiates, remarqua-t-il. À percevoir des vérités que d'autres, plus expérimentés, manquent complètement.
Les détails pratiques furent discutés rapidement – un cessez-le-feu immédiat serait proclamé, suivi d'une rencontre plus formelle entre les représentants des deux clans dans une semaine. Les preuves concernant les manipulations du daimyō seraient partagées avec les Anciens les plus influents des deux côtés, créant une base solide pour la réconciliation.
Lorsqu'ils se séparèrent finalement, le soleil était haut dans le ciel, témoin silencieux de cette rencontre qui marquerait un tournant dans l'histoire du monde shinobi.
Sur le chemin du retour vers le campement Uchiha, Sakura sentait un mélange d'émotions tourbillonner en elle – exaltation, soulagement, mais aussi une anxiété persistante concernant les défis qui les attendaient encore.
— Tu es inhabituellement silencieuse, observa Madara alors qu'ils traversaient une forêt dense, suivant un chemin discret pour éviter toute rencontre fortuite.
— Je réfléchis aux réactions que nous rencontrerons, répondit-elle honnêtement. Izuna soutiendra votre décision, je crois, mais certains des Anciens…
— Résisteront avec véhémence, compléta-t-il calmement. Je m'y attends. Leurs cœurs sont enkystés dans la haine, leurs identités définies par ce conflit perpétuel. La paix leur semblera presque une trahison.
Il s'arrêta brièvement, se tournant vers elle avec une intensité inhabituelle.
— C'est précisément pourquoi j'aurai besoin de toi, Sakura. De ta voix, de ta perspective, de cette étrange sagesse qui semble habiter ton âme.
Cette demande directe la surprit, bien qu'elle en comprît immédiatement l'importance.
— Que voulez-vous que je fasse exactement ?
— Parle au conseil comme tu nous as parlé aujourd'hui. Sans crainte, sans réserve. Rappelle-leur que notre identité Uchiha ne se définit pas uniquement par notre opposition aux Senju, mais par des valeurs plus profondes et plus durables.
Cette mission lui semblait écrasante, mais Sakura comprenait son importance cruciale. Les prochains jours détermineraient si cette nouvelle tentative d'alliance aboutirait réellement ou connaîtrait le même sort tragique que la première.
— Je ferai de mon mieux, promit-elle simplement.
Madara hocha la tête, satisfait de son engagement.
— Il y a autre chose dont nous devons discuter, ajouta-t-il après un moment de silence. Quelque chose de plus... personnel.
Son ton avait changé, prenant une nuance que Sakura ne lui connaissait pas – presque vulnérable, hésitant.
— Depuis plusieurs mois, les Anciens insistent pour que je considère certaines... alliances matrimoniales. Pour solidifier ma position en tant que chef du clan, et potentiellement établir des liens avec d'autres familles puissantes.
Cette révélation la prit au dépourvu, bien qu'elle sût que de telles considérations étaient courantes dans cette époque et ce contexte. Madara avait plus de vingt ans maintenant, un âge où la plupart des leaders de clan étaient déjà mariés et établis.
— Je comprends, répondit-elle prudemment, incertaine de la raison pour laquelle il partageait cela avec elle. C'est une considération sensée d'un point de vue politique.
Une expression presque amusée traversa le visage de Madara.
— Il y a quelques années, j'ai accédé à leur demande d'envisager certaines candidates. Des filles de familles nobles, des kunoichi d'autres branches des Uchiha…
Il marqua une pause, son regard devenant plus intense.
— Mais plus je les rencontrais, plus je réalisais qu'aucune ne possédait les qualités que je cherchais vraiment. Une vision qui transcende les limitations traditionnelles de notre clan. Une force qui ne se définit pas uniquement par la capacité à détruire, mais aussi à guérir et à construire.
Sakura sentit son cœur s'accélérer légèrement, commençant à percevoir la direction que prenait cette conversation.
— Madara-sama, je…
— S'il te plaît, laisse-moi terminer, l'interrompit-il doucement. Ce que je vais dire n'exige aucune réponse immédiate de ta part.
Il prit une profonde inspiration, comme pour rassembler son courage – un spectacle presque incongru chez cet homme habituellement si assuré.
— Dans un an, lorsque tu auras atteint ta dix-septième année, j'ai l'intention de te proposer formellement une alliance matrimoniale. Non pas pour satisfaire les attentes des Anciens ou pour des considérations purement politiques, mais parce que je ne peux imaginer de meilleure partenaire pour guider notre clan vers cet avenir que nous commençons à bâtir.
Cette déclaration la figea sur place, un tourbillon d'émotions contradictoires l'envahissant.
Dans sa ligne temporelle d'origine, Madara n'avait jamais eu d'épouse connue – son destin avait été celui d'un paria solitaire, consumé par ses ambitions et ses ressentiments. L'idée qu'il puisse envisager un futur si radicalement différent, et que ce futur l'inclurait elle, dépassait tout ce qu'elle aurait pu imaginer.
— Je... je ne sais pas quoi dire, avoua-t-elle honnêtement, son esprit tentant frénétiquement d'absorber les implications de cette révélation.
— Tu n'as rien à dire maintenant, assura-t-il calmement. Comme je l'ai mentionné, ma proposition formelle ne viendra pas avant un an. D'ici là, beaucoup de choses peuvent changer. Notre alliance avec les Senju peut se consolider ou échouer. Notre village peut commencer à prendre forme ou rester un rêve inaccessible.
Il reprit sa marche, signalant que cette conversation intime touchait à sa fin.
— Je voulais simplement que tu connaisses mes intentions, afin que tu puisses y réfléchir dans les mois à venir. Quelle que soit ta décision ultérieure, sache que mon respect pour toi ne diminuera jamais.
Le reste du voyage se déroula dans un silence pensif, chacun absorbé par ses propres réflexions. Pour Sakura, l'esprit tournoyait sous le poids de ces nouvelles réalités. La paix qu'elle avait tant espéré voir se concrétiser semblait finalement à portée de main.
Mais cette proposition inattendue de Madara ouvrait des possibilités qu'elle n'avait jamais envisagées – des possibilités qui pourraient transformer radicalement non seulement sa vie personnelle, mais peut-être l'histoire entière du monde shinobi.
Alors qu'ils approchaient du campement Uchiha, une résolution tranquille s'installa en elle. Les défis à venir seraient considérables, les résistances féroces, les doutes omniprésents.
Mais pour la première fois depuis son arrivée dans cette époque lointaine, Sakura sentait qu'elle avait véritablement une chance de changer le cours de l'histoire – non pas en combattant contre son flot tumultueux, mais en le guidant doucement vers un nouvel horizon.
Le futur n'était plus une destinée fixe qu'elle connaissait d'avance, mais une page blanche qu'elle contribuait activement à écrire. Et sur cette page, les contours d'un Konoha différent, peut-être plus fort, plus uni, commençaient déjà à se dessiner.
Chapter 6: Échos du futur
Chapter Text
Le campement Uchiha bouillonnait d'activité. La nouvelle d'un cessez-le-feu avec les Senju, annoncée la veille par Madara, avait provoqué un mélange explosif d'incrédulité, d'espoir et d'indignation parmi les membres du clan. Partout, des groupes se formaient, discutant passionnément de cette décision inattendue qui mettait fin à cinq années de guerre acharnée.
Pour Sakura, ces derniers jours avaient été un tourbillon d'émotions. Entre les réunions tendues avec le conseil des Anciens, les séances de préparation pour les prochaines négociations avec les Senju, et ses propres réflexions sur la proposition déconcertante de Madara, elle avait à peine eu le temps de respirer.
Ce matin-là, assise sur le seuil de sa demeure, elle observait les premiers rayons du soleil caresser le campement. Sa tasse de thé fumant entre les mains, elle tentait de mettre de l'ordre dans ses pensées.
"Madara Uchiha, songeait-elle, l'homme qui, dans ma ligne temporelle d'origine, était devenu le symbole même de la corruption et de la vengeance... envisage maintenant de m'épouser."
Cette réalité semblait encore irréelle, comme un genjutsu particulièrement élaboré dont elle ne parvenait pas à se libérer. Pourtant, les jours passant, la sincérité de sa proposition devenait de plus en plus évidente.
— Tu es bien matinale, fit une voix familière, interrompant ses réflexions.
Elle leva les yeux pour découvrir Izuna, dont la présence silencieuse à cette heure précoce la surprit. Son expression, habituellement si maîtrisée, trahissait une préoccupation inhabituelle.
— J'avais besoin de réfléchir, répondit-elle simplement. Tout change si vite. Il acquiesça, prenant place près d'elle avec cette grâce économe qui caractérisait tous ses mouvements.
— Mon frère m'a parlé de ses intentions te concernant, déclara-t-il sans préambule.
Cette franchise directe ne l'étonnait pas venant d'Izuna. Au fil des années, leur relation avait évolué d'une méfiance prudente à un respect mutuel, sans jamais vraiment atteindre l'amitié chaleureuse, mais s'établissant dans une compréhension tacite.
— Je vois, répondit-elle prudemment, incertaine de sa position sur la question.
— Il n'a jamais envisagé une telle alliance auparavant, poursuivit-il, son regard perçant étudiant sa réaction. Même lorsque les Anciens insistaient, même lorsque la politique clanique l'exigeait. Ton influence sur lui est... significative.
La conversation s'orientait vers un territoire complexe, chargé d'implications que Sakura n'était pas encore prête à explorer pleinement. Mais avant qu'elle ne puisse formuler une réponse adéquate, un messager apparut au bout du chemin, se dirigeant droit vers eux avec une urgence évidente.
— Izuna-sama, Sakura-san, haleta-t-il en s'inclinant brièvement. Madara-sama requiert votre présence immédiate au conseil.
— Que se passe-t-il ? demanda Izuna, déjà debout, tous ses sens en alerte.
— Un émissaire du daimyō vient d'arriver au campement, annonça le messager. Avec une escorte impressionnante et une convocation officielle.
Sakura et Izuna échangèrent un regard lourd de compréhension.
Les machinations politiques n'avaient pas tardé à se manifester. Le daimyō, apprenant probablement les rumeurs de réconciliation entre les deux clans les plus puissants de son territoire, montrait déjà ses crocs. L'échiquier du pouvoir s'animait à nouveau, et cette fois, Sakura était déterminée à ne pas laisser les manipulations externes détruire leur chance de paix.
Jetant un dernier regard vers le soleil levant, elle se prépara intérieurement pour une nouvelle bataille – non pas sur un champ de guerre traditionnel, mais dans l'arène peut-être plus dangereuse encore de la politique et de la diplomatie.
Tandis qu'ils se dirigeaient vers la tente du conseil, Sakura observa l'agitation inhabituelle dans le campement.
Des sentinelles supplémentaires avaient été postées, leur vigilance accentuée par l'arrivée des représentants du daimyō. L'atmosphère, qui oscillait déjà entre espoir et méfiance depuis l'annonce du cessez-le-feu, s'était maintenant chargée d'une tension palpable.
— Les Anciens ne vont pas apprécier cette ingérence, murmura Izuna, son visage impassible mais sa voix trahissant une pointe d'irritation. Le timing est trop parfait pour être accidentel.
— Ils ont probablement des espions parmi nous, ou chez les Senju, acquiesça Sakura. La nouvelle du cessez-le-feu a dû atteindre la capitale plus vite que prévu.
Un sourire froid effleura les lèvres d'Izuna.
— Notre clan a toujours sous-estimé l'efficacité des réseaux d'information non-shinobis. Les marchands, les messagers ordinaires, les pèlerins... tant de manières de faire circuler une information sans attirer l'attention.
Sakura approuva silencieusement.
Dans sa ligne temporelle d'origine, cette leçon avait été douloureusement apprise par les villages cachés, conduisant à la création de départements entiers dédiés à la contre-intelligence civile. Mais à cette époque, les clans shinobis étaient encore trop centrés sur leur propre puissance militaire, négligeant souvent les aspects plus subtils de l'information.
À leur arrivée à la tente du conseil, ils furent accueillis par le spectacle d'un groupe d'hommes en tenues d'apparat, leur posture rigide débordant d'importance officielle. À leur tête se tenait un homme élancé aux traits aristocratiques, dont le kimono d'un bleu profond portait les emblèmes discrets mais incontestables de la maison du daimyō.
Madara se tenait face à ce groupe, sa présence dominante contrastant avec la formalité affectée des émissaires. Sakura nota immédiatement la tension dans sa posture – la même qu'il adoptait avant un combat difficile, une vigilance calculée masquée derrière une apparente décontraction.
— Ah, voici mon frère et notre conseillère médicale, annonça Madara en les apercevant. Mochizuki-san nous faisait justement part de l'*inquiétude* du daimyō concernant les récentes évolutions dans la région.
La façon dont il prononça le mot "inquiétude" ne laissait aucun doute sur son scepticisme quant aux véritables motivations de cette visite.
L'émissaire, Mochizuki, s'inclina légèrement vers les nouveaux arrivants, son sourire ne parvenant pas à atteindre ses yeux perçants.
— Mon seigneur s'intéresse naturellement à la stabilité de ses terres, surtout lorsque des... changements aussi significatifs surviennent sans consultation préalable de sa part.
Sa voix, douce et cultivée, contenait néanmoins une note de reproche à peine voilée.
— Le daimyō souhaite donc vous convier à une audience dans sept jours, poursuivit-il en se tournant à nouveau vers Madara. Une invitation similaire a été transmise au clan Senju. Sa Seigneurie estime qu'une médiation neutre serait bénéfique pour éviter tout... malentendu futur.
Sakura échangea un bref regard avec Madara, tous deux pleinement conscients des implications. Ce n'était pas une invitation, mais bien une convocation, et certainement pas une offre de médiation neutre mais une tentative de reprise de contrôle.
— Nous sommes honorés de l'intérêt de votre maître pour nos affaires claniques, répondit finalement Madara, sa courtoisie formelle ne masquant qu'à peine l'ironie sous-jacente. Le clan Uchiha répondra bien entendu à son invitation.
Mochizuki inclina légèrement la tête, visiblement satisfait d'avoir accompli sa mission sans confrontation ouverte.
— Une escorte vous attendra à la frontière orientale dans six jours pour vous guider vers la capitale, précisa-t-il avant de prendre congé avec une élégance étudiée.
Une fois les émissaires hors de portée d'oreille, Madara se tourna vers le conseil des Anciens rassemblé dans un coin de la tente, leur expression oscillant entre préoccupation et indignation.
— Il semble que nos soupçons concernant l'implication du daimyō dans les incidents passés aient touché juste, observa-t-il calmement. Une telle rapidité de réaction trahit leur surveillance active de nos mouvements.
Takeo, l'un des Anciens les plus conservateurs, se racla la gorge avec désapprobation.
— Cela confirme également que cette paix précipitée avec les Senju représente une menace pour leurs intérêts. Peut-être devrions-nous reconsidérer…
— Ou peut-être, intervint Sakura avec une assurance tranquille, cela confirme-t-il que nous avons enfin trouvé un moyen de nous libérer de manipulations qui ont coûté la vie à trop des nôtres.
Tous les regards se tournèrent vers elle, certains surpris par son audace, d'autres évaluateurs.
— Sakura a raison, affirma Madara, sa décision visiblement déjà prise. Le daimyō ne nous convoque pas parce qu'il craint la guerre, mais parce qu'il craint la paix – du moins, une paix qu'il n'aurait pas orchestrée lui-même pour son profit.
Il balaya l'assemblée du regard, jaugeant les réactions.
— Cette convocation représente un défi, certes, mais aussi une opportunité. Pour la première fois, nous nous présenterons face au daimyō non pas comme un clan isolé, mais comme partie d'une alliance naissante.
Izuna, qui était resté silencieux jusqu'alors, s'avança légèrement.
— Nous devons coordonner notre approche avec les Senju avant cette audience. Si nous apparaissons divisés devant le daimyō, il exploitera immédiatement ces fissures.
— Précisément, confirma Madara. J'enverrai un message à Hashirama aujourd'hui même. Nous devons nous rencontrer avant de partir pour la capitale.
Les discussions se prolongèrent pendant plus d'une heure, débattant stratégies et précautions à prendre. Sakura observait avec une fascination discrète comment Madara gérait les différentes personnalités et factions du conseil, tantôt ferme, tantôt conciliant, mais toujours orienté vers l'objectif qu'il s'était fixé.
Cette facette de leadership politique avait été largement effacée des récits historiques qu'elle avait étudiés dans sa vie antérieure, où Madara n'était généralement dépeint que comme un guerrier charismatique et plus tard un idéaliste déchu.
Lorsque la réunion se termina, la plupart des Anciens s'étaient ralliés – certains avec enthousiasme, d'autres avec réticence – à l'idée de présenter un front uni avec les Senju face au daimyō.
Tandis que l'assemblée se dispersait, Madara fit signe à Sakura de rester.
— J'aimerais que tu participes à la rencontre préparatoire avec Hashirama, déclara-t-il une fois qu'ils furent seuls, Izuna s'étant respectueusement retiré pour superviser le renforcement des patrouilles.
— Vous pensez qu'il amènera Tobirama, répondit-elle, comprenant immédiatement l'implication.
Un léger sourire traversa le visage de Madara.
— Tu perçois toujours les subtilités si rapidement. Oui, Hashirama viendra certainement avec son frère, et Tobirama, malgré toutes ses qualités, reste... méfiant envers notre clan.
— Et vous pensez que ma présence pourrait équilibrer les choses, proposa-t-elle, formulant ce qu'il n'avait pas explicitement énoncé.
— Plus que cela, admit Madara avec une franchise qui la surprit. Tobirama respecte l'intelligence et la compétence, même chez ses adversaires. Tes interventions lors des négociations passées ont gagné son attention, sinon son approbation complète. De plus…
Il hésita une fraction de seconde, chose rare chez lui.
— Tu possèdes une capacité remarquable à voir au-delà des positions ancrées de nos clans. Les jours à venir nécessiteront beaucoup de cette clairvoyance.
Ce compliment, délivré avec une simplicité directe, la toucha plus qu'elle ne l'aurait anticipé. Il y avait dans ses yeux une confiance qui dépassait la simple reconnaissance de ses compétences tactiques – une confiance personnelle qu'elle n'aurait jamais imaginé recevoir du Madara Uchiha qu'elle avait affronté dans son autre vie.
— Je ferai de mon mieux, promit-elle simplement.
Il acquiesça, puis déroula devant elle une carte détaillée de la région.
— La rencontre aura lieu ici, indiqua-t-il en désignant un point à mi-chemin entre les territoires Uchiha et Senju. Un temple abandonné, relativement isolé mais offrant suffisamment de points de vigilance pour satisfaire les instincts paranoïaques de Tobirama.
Sakura étudia la carte, son esprit médical notant automatiquement les voies d'évacuation potentielles en cas de blessés, les sources d'eau pour les traitements d'urgence, les zones d'ombre pour les herbes médicinales qui pourraient s'y développer.
— Quand partons-nous ? demanda-t-elle, déjà mentalement en train de préparer son équipement médical, une habitude devenue seconde nature après ces années de conflit.
— Demain à l'aube, répondit Madara. Prends le reste de la journée pour te préparer... et peut-être pour te reposer un peu.
Cette dernière suggestion, prononcée avec une nuance de préoccupation, lui rappela qu'elle n'avait pas dormi correctement depuis plusieurs jours. Les cernes sous ses yeux n'avaient probablement pas échappé à son regard perçant.
— Je suivrai cette prescription médicale, concéda-t-elle avec un léger sourire. Un médecin épuisé n'est utile à personne.
Madara hocha la tête, visiblement satisfait, puis ajouta d'un ton plus informel:
— Kaito m'a dit que tu avais perfectionné une nouvelle technique de suture avec infusion de chakra. Il prétend qu'elle réduit le temps de récupération de moitié.
Cette référence inattendue à son travail médical la surprit. Au milieu des préparatifs politiques et des tensions diplomatiques, qu'il ait pris le temps de s'informer sur ses avancées médicales était... touchant.
— Les résultats sont prometteurs, mais encore inconsistants, expliqua-t-elle avec l'honnêteté professionnelle qui caractérisait toujours ses discussions médicales. Le problème principal reste la stabilisation du flux de chakra pendant la cicatrisation profonde.
Elle s'interrompit, se rappelant soudain à qui elle parlait – non pas à un collègue médical, mais au chef du clan, préoccupé par des questions autrement plus pressantes que des détails de techniques de soin.
— Pardonnez-moi, je m'égare dans des considérations techniques qui-
— Au contraire, l'interrompit-il. Ces avancées médicales représentent peut-être l'héritage le plus durable que les Uchiha pourront apporter à ce futur village. Son regard devint plus distant, presque méditatif.
— Les techniques de combat et les doujutsu impressionnent et inspirent la crainte. Mais une méthode pour sauver des vies, pour réduire la souffrance... cela inspire quelque chose de bien plus puissant à long terme.
Cette réflexion, venant de l'homme que l'histoire avait principalement retenu comme un guerrier presque sans égal, la frappa par sa profondeur inattendue.
Leur conversation fut interrompue par l'arrivée d'un messager, rappelant Madara à d'autres responsabilités. Avec un bref signe de tête, il prit congé, la laissant seule avec la carte déployée et des pensées tourbillonnantes.
En retournant vers sa demeure, Sakura observa le campement d'un œil nouveau. Partout, des signes subtils de changement étaient visibles pour qui savait regarder.
Les mères permettaient à leurs enfants de jouer un peu plus loin de leur surveillance immédiate. Certains guerriers avaient rangé leurs armures complètes, se contentant d'équipements plus légers. Dans un coin, un groupe d'adolescents pratiquait des exercices de contrôle de chakra plutôt que des techniques de combat direct.
De petits changements, presque imperceptibles individuellement, mais qui, collectivement, témoignaient d'un relâchement progressif de la tension constante qui avait défini la vie du clan pendant ces cinq années de guerre.
Arrivée chez elle, Sakura prépara méthodiquement ses affaires pour le voyage du lendemain. Son équipement médical d'abord, soigneusement inventorié et complété. Ses armes ensuite, plus par habitude prudente que par anticipation réelle de combat. Quelques vêtements et provisions, enfin.
Cette routine familière lui permit de mettre momentanément de côté les questions plus personnelles qui l'agitaient depuis la proposition de Madara. Elle n'était pas encore prête à démêler complètement le nœud complexe d'émotions que cette situation avait créé.
Une partie d'elle-même – sa partie rationnelle, analytique – insistait qu'un tel arrangement représenterait une alliance stratégiquement avantageuse, renforçant sa position au sein du clan et, par extension, sa capacité à influencer positivement le cours des événements. Mais une autre partie, plus profonde et plus difficile à définir avec précision, s'interrogeait sur les dimensions personnelles d'une telle union. Que ressentait-elle réellement pour Madara Uchiha? Admiration professionnelle, certainement. Respect pour ses capacités et son dévouement envers son clan, indubitablement.
Mais au-delà de ça?
Ses pensées furent interrompues par un léger coup à sa porte.
Elle y trouva Nala, une kunoichi Uchiha avec qui elle avait développé une relation proche au fil des années, particulièrement depuis qu'elles avaient travaillé ensemble sur diverses techniques médicales adaptées aux besoins spécifiques de leur clan.
— J'ai appris pour la convocation du daimyō, annonça Nala sans préambule. Et que tu accompagnerais Madara-sama demain pour rencontrer les Senju.
Elle tendit un petit paquet enveloppé dans un tissu délicat.
— Des pilules nutritives améliorées avec cette herbe dont nous avions discuté. J'ai finalisé la formule hier.
Sakura accepta le paquet avec gratitude, reconnaissant le geste pour ce qu'il était – non seulement un soutien pratique, mais aussi une expression discrète de préoccupation et d'affection.
— Parfait timing, comme toujours, sourit-elle. J'allais justement en préparer pour le voyage.
Nala haussa légèrement les épaules, un geste rare de décontraction chez cette femme habituellement réservée.
— Le campement entier bruisse de rumeurs, tu sais. Certains disent que cette paix pourrait véritablement tenir cette fois. D'autres…
Elle hésita, puis décida visiblement d'être franche.
— D'autres disent que Madara-sama envisage une alliance plus personnelle avec toi.
Sakura maintint soigneusement son expression neutre, se demandant comment cette information avait pu circuler si rapidement.
— Les rumeurs dans un clan shinobi se propagent plus vite que n'importe quelle technique de communication, répondit-elle simplement.
Nala l'observa attentivement, puis hocha la tête, acceptant sa non-réponse pour ce qu'elle était.
— Quoi qu'il en soit, prends soin de toi demain. Cette rencontre avec les Senju... les vieilles habitudes et les vieilles méfiances ne disparaissent pas en quelques jours.
Après le départ de Nala, Sakura s'allongea sur son futon, l'épuisement des derniers jours la rattrapant finalement. Alors que le sommeil commençait à l'envelopper, ses dernières pensées conscientes allèrent vers le lendemain et cette réunion qui pourrait déterminer le succès ou l'échec de leur fragile paix naissante.
Son rêve, lorsqu'il vint, était un étrange mélange de passé et de présent.
Elle se voyait dans les rues de Konoha – non pas le Konoha qu'elle avait connu, mais une version à peine ébauchée, encore en construction. Naruto et Sasuke étaient là, mais leurs visages fluctuaient, se superposant parfois avec ceux d'Hashirama et Madara. Et au centre de ce village en devenir se dressait un arbre immense, ses branches s'étendant protectrices au-dessus des toits, ses racines plongeant profondément dans un sol nourri par des générations de sacrifices et d'espoirs.
***
L'aube n'était qu'une promesse à l'horizon lorsque Sakura rejoignit la petite délégation qui attendait à la limite du campement. La nuit avait été courte mais réparatrice, son réveil précédant même celui de la sentinelle qui était censée l'alerter. Son rêve lui avait laissé une sensation étrange, comme si deux réalités distinctes cherchaient à fusionner dans son inconscient.
Madara et Izuna étaient déjà présents, accompagnés de deux autres Uchiha : Hikaku, un cousin éloigné réputé pour son talent en ninjutsu sensoriel, et Yūta, un vétéran endurci dont la loyauté était légendaire au sein du clan.
Une escorte réduite, délibérément limitée pour signaler des intentions pacifiques tout en maintenant une prudence raisonnable.
— Bien reposée ? s'enquit Madara, son regard perçant évaluant rapidement son état.
— Suffisamment, assura-t-elle avec un léger sourire. Les pilules énergétiques de Nala feront le reste.
Un hochement de tête approbateur fut sa seule réponse avant qu'il ne se tourne vers le groupe.
— Nous devrions atteindre le temple abandonné avant midi. Les Senju arriveront probablement par le sud-est. Hikaku, ta sensibilité aux signatures de chakra nous sera précieuse pour éviter toute surprise.
Le trajet se déroula dans un silence relatif, chacun absorbé dans ses propres réflexions. Pour Sakura, cette mission représentait bien plus qu'une simple négociation tactique – c'était une étape cruciale vers la création de Konoha, mais dans des circonstances potentiellement très différentes de celles qu'elle avait étudiées. Si la manipulation du daimyō pouvait être contournée cette fois...
— Tu sembles préoccupée, observa Izuna qui s'était discrètement rapproché d'elle tandis qu'ils progressaient à travers une forêt dense.
Sa perspicacité ne la surprenait plus; au fil des années, elle avait appris que l'acuité de son observation compensait presque la précision analytique du Sharingan.
— Je réfléchis aux implications à long terme, admit-elle. Si nous parvenons réellement à une alliance durable avec les Senju, et potentiellement d'autres clans, cela représenterait un changement fondamental dans l'organisation du monde shinobi.
— Un changement risqué, souligna-t-il sans hostilité, simplement constatant un fait. Notre clan a survécu pendant des générations en maintenant son indépendance et sa méfiance. La confiance... n'est pas une valeur que nous cultivons traditionnellement.
— Et pourtant, sans un minimum de confiance, aucune société ne peut prospérer au-delà de la simple survie, répondit-elle doucement.
Izuna la considéra un long moment, son expression indéchiffrable.
— Mon frère affirme que tu possèdes une sagesse qui transcende ton âge apparent, dit-il finalement. Des moments comme celui-ci me font comprendre pourquoi.
Ce commentaire, délivré avec une sincérité dépourvue de flatterie, la prit au dépourvu. Malgré leurs années d'interactions, Izuna maintenait généralement une certaine réserve professionnelle avec elle. Cette reconnaissance directe marquait peut-être un tournant subtil dans leur relation.
Leur conversation fut interrompue par un signal silencieux de Hikaku : ils approchaient de leur destination.
Le temple abandonné se dressait au milieu d'une clairière entourée d'arbres centenaires, leurs branches massives créant une coupole naturelle au-dessus de la structure en pierre érodée. Jadis lieu de culte prospère, il avait été déserté pendant les premières vagues de conflits entre clans, trop exposé pour offrir un véritable sanctuaire. Ses murs couverts de lierre et son toit partiellement effondré témoignaient des années d'abandon, mais la structure principale restait relativement intacte, offrant un espace adéquat pour leur rencontre.
— Ils sont déjà là, annonça Hikaku à voix basse, ses yeux fermés en concentration. Quatre signatures distinctes, stationnaires à l'intérieur du temple.
Madara acquiesça, imperturbable.
— Comme prévu. Hashirama, Tobirama, et probablement deux de leurs conseillers de confiance.
Il se tourna vers Sakura, une lueur d'amusement fugace traversant son regard.
— Prête à affronter la méfiance légendaire de Tobirama Senju?
— Ce ne serait pas la première fois, répondit-elle avec un petit sourire, se rappelant leurs interactions tendues lors des négociations cinq ans plus tôt. Sa prudence est compréhensible, même si elle peut paraître excessive.
— Une diplomate jusqu'au bout des doigts, commenta Madara avec approbation. Bien. Gardons cette approche... pour l'instant.
Ils s'avancèrent vers le temple à un rythme mesuré, ni précipité comme des suppliants, ni lent comme des conquérants, marchant simplement comme des égaux venant à une rencontre d'importance mutuelle.
Hashirama les attendait sur les marches usées du temple, sa silhouette imposante mais non menaçante se découpant contre l'entrée ombragée.
Derrière lui, à demi dissimulé dans la pénombre, se tenait son frère, dont la posture alerte contrastait avec l'apparente décontraction de l'aîné.
— Madara, accueillit Hashirama avec cette chaleur sincère qui le caractérisait, sa voix portant sans effort à travers la clairière. Je suis heureux que tu aies pu venir si rapidement.
— Les circonstances exigent de la célérité, répondit Madara en montant les marches. Je vois que notre ami commun à la capitale n'a pas perdu de temps.
Hashirama acquiesça, son expression s'assombrissant légèrement.
— Une synchronicité... préoccupante.
— Entrons, suggéra Madara, conscient que leur échange était observé non seulement par leurs escortes respectives, mais potentiellement par d'autres yeux moins amicaux.
L'intérieur du temple était fraîchement balayé, des lanternes disposées stratégiquement illuminant l'espace central où une table basse rudimentaire avait été installée. Deux Senju inconnus de Sakura se tenaient en retrait, leur vigilance évidente malgré leur posture apparemment décontractée.
Tobirama s'avança, son regard acéré évaluant chaque membre de la délégation Uchiha avant de s'arrêter brièvement sur Sakura.
— Je vois que vous avez également opté pour une escorte réduite, observa-t-il avec une neutralité étudiée.
— Une démonstration de confiance mutuelle semblait appropriée, répondit simplement Madara.
Tobirama inclina légèrement la tête, reconnaissant le geste pour ce qu'il était.
— Eh bien, commençons, proposa Hashirama avec un enthousiasme à peine contenu, faisant signe vers la table. Nous avons beaucoup à discuter en peu de temps. Ils s'installèrent autour de la table, les deux chefs de clan au centre, leurs frères respectifs à leurs côtés, Sakura prenant place à la droite de Madara.
Les quatre autres shinobi se positionnèrent stratégiquement dans le temple, assurant une surveillance discrète sans interférer avec la discussion.
— La convocation du daimyō représente notre premier défi commun, commença directement Madara. Sa rapidité d'action confirme nos soupçons concernant son implication dans les incidents qui ont saboté notre tentative d'alliance précédente.
— Convocation, pas invitation, nota Tobirama avec une précision caractéristique. La distinction est significative.
— En effet, confirma Hashirama. Et le fait qu'il nous convoque simultanément suggère qu'il cherche à contrôler notre réconciliation plutôt qu'à l'empêcher complètement. Une nuance importante.
— Ou à nous confronter publiquement dans l'espoir de raviver nos tensions, suggéra Izuna, son scepticisme évident. Une telle audience officielle offre de nombreuses opportunités de provoquer des incidents diplomatiques.
— Les deux scénarios sont plausibles, intervint Sakura, attirant l'attention de tous. Dans les deux cas, l'objectif fondamental reste le même : maintenir les clans shinobis dans une position de dépendance et de division.
Tobirama l'observa avec une curiosité mal dissimulée.
— Tu as une vision remarquablement lucide des manipulations politiques pour quelqu'un de ton âge, commenta-t-il, son ton oscillant entre le compliment et la suspicion.
— L'âge n'est pas toujours un indicateur fiable de la perspicacité, Tobirama-san, répondit-elle calmement. Particulièrement dans un monde qui force les enfants à devenir adultes bien trop tôt.
Un silence pensif accueillit cette observation, chacun autour de la table ayant personnellement expérimenté cette vérité amère du monde shinobi.
— En tout cas, reprit Hashirama, brisant le moment de réflexion, nous devons présenter un front uni lors de cette audience. Toute division perçue sera immédiatement exploitée.
— Sur ce point, nous sommes parfaitement alignés, acquiesça Madara. La question devient donc : quelle position commune adoptons-nous concernant nos intentions futures?
C'était la question cruciale, celle qui définirait non seulement leur approche immédiate face au daimyō, mais potentiellement le futur même de leurs clans et du monde shinobi.
— Je propose que nous confirmions notre intention de former une alliance durable, déclara fermement Hashirama, une lueur d'espoir illuminant son regard. Pas simplement un cessez-le-feu temporaire, mais une véritable unification de nos forces.
— Incluant la création d'un village commun, comme nous l'avions envisagé il y a cinq ans, précisa Madara, testant la réaction des Senju à cette idée plus ambitieuse.
Tobirama fronça légèrement les sourcils, mais ne protesta pas ouvertement – un changement notable par rapport à sa position antérieure.
— Un tel village représenterait une concentration de puissance sans précédent, observa-t-il, formulant un constat plutôt qu'une objection. Le daimyō percevra cela comme une menace potentielle pour son autorité.
— Il le percevra ainsi que nous le présentions ou non, intervint Izuna. Notre simple réconciliation suffit déjà à l'inquiéter.
— Alors autant affirmer pleinement notre vision, conclut Hashirama avec conviction. Un établissement permanent où nos clans coexisteraient pacifiquement, partageant ressources et connaissances plutôt que sang et douleur.
— Konoha, murmura Sakura, le nom s'échappant presque involontairement de ses lèvres.
Tous les regards se tournèrent vers elle, curieux.
— Le Village Caché parmi les Feuilles, élabora-t-elle, se sentant soudain étrangement vulnérable sous leur attention collective. Un nom qui évoque la protection et la croissance plutôt que la force brute.
Un sourire chaleureux illumina le visage d'Hashirama.
— J'aime beaucoup ce nom, déclara-t-il avec enthousiasme. Il capture parfaitement l'essence de ce que nous cherchons à créer.
Sakura croisa brièvement le regard de Madara, y trouvant non pas de la surprise, mais une sorte de compréhension silencieuse, comme s'il avait d'une certaine façon anticipé cette suggestion de sa part.
— Konoha, répéta-t-il pensivement, testant le nom. Cela sonne... juste.
La discussion se poursuivit pendant plusieurs heures, couvrant des aspects pratiques de leur présentation commune face au daimyō, des stratégies pour contrer d'éventuelles tentatives de manipulation, et même les premières ébauches d'organisation pour leur futur village.
Sakura observait avec fascination cette interaction entre les futurs fondateurs de Konoha, si différente des récits historiques qu'elle avait étudiés.
À mi-journée, alors qu'ils faisaient une courte pause, Hashirama s'approcha d'elle tandis qu'elle se tenait près d'une fenêtre brisée, observant la clairière baignée de soleil.
— Ta suggestion de nom était inspirée, commenta-t-il avec sincérité. Comme si tu avais capturé quelque chose qui existait déjà dans nos cœurs sans que nous sachions le nommer.
Elle sourit, touchée par sa générosité d'esprit caractéristique.
— Parfois, les noms ont une puissance propre, répondit-elle. Ils peuvent transformer une idée abstraite en quelque chose de tangible, quelque chose pour lequel les gens sont prêts à s'investir pleinement.
Hashirama l'observa avec une curiosité bienveillante.
— Madara m'a dit que tu avais développé des techniques médicales remarquables, passant de conversationnel à une nouvelle direction avec cette aisance naturelle qui le caractérisait. Il semble avoir un grand respect pour ton travail.
Cette mention la surprit – non seulement que Madara ait parlé d'elle à Hashirama, mais qu'il ait spécifiquement évoqué ses contributions médicales plutôt que ses capacités tactiques ou diplomatiques.
— Je cherche simplement à trouver des moyens de préserver la vie plutôt que de la prendre, répondit-elle modestement. Dans notre monde, c'est parfois considéré comme une priorité secondaire.
— Une perception que notre village pourrait aider à changer, affirma Hashirama, son optimisme contagieux. Imagine un lieu où les enfants apprendraient d'abord à soigner avant d'apprendre à blesser. Où les techniques médicales seraient valorisées autant que les jutsu de combat.
Cette vision résonnait profondément avec les valeurs que Tsunade lui avait inculquées, et que Sakura avait portées à travers sa première vie. L'idée que Hashirama – le légendaire Premier Hokage – partageait cette philosophie avant même la fondation de Konoha renforçait sa détermination à contribuer à ce futur alternatif.
— Une vision qui mérite qu'on se batte pour elle, affirma-t-elle avec une conviction tranquille.
— Ce qui me fait penser, poursuivit Hashirama, baissant légèrement la voix, j'ai développé certaines techniques de guérison basées sur mon affinité avec le Mokuton. Elles sont encore expérimentales, mais je serais honoré d'échanger des idées avec toi à ce sujet, quand les circonstances le permettront.
Cette offre – un partage de connaissances médicales avancées entre clans autrefois ennemis – symbolisait peut-être mieux que tout discours la réalité tangible de leur alliance naissante.
— Ce serait un privilège, accepta-t-elle, sincèrement enthousiaste à l'idée d'explorer les techniques du légendaire Hashirama, connues dans son époque mais jamais complètement documentées.
Leur conversation fut interrompue par le retour des autres à la table.
La réunion reprit, se concentrant désormais sur les détails pratiques de leur voyage commun vers la capitale.
Il fut décidé que les deux délégations voyageraient séparément jusqu'à la frontière désignée, puis se rejoindraient pour entrer dans la capitale comme une entité unifiée – un message visuel puissant pour le daimyō et sa cour.
En fin d'après-midi, alors que la lumière commençait à décliner, les discussions touchèrent à leur fin. Un accord solide avait été établi, des stratégies définies, et même un plan de contingence élaboré au cas où les choses tourneraient mal à la capitale.
Avant leur départ, Hashirama proposa un geste symbolique : la plantation d'un jeune arbre dans la clairière du temple, utilisant son Mokuton pour accélérer sa croissance jusqu'à ce qu'il atteigne plusieurs mètres de hauteur.
— Un témoin vivant de notre accord, expliqua-t-il avec ce mélange caractéristique de solennité et d'enthousiasme. Et peut-être le premier arbre de Konoha, même si le village sera construit ailleurs.
Tandis que les deux délégations se séparaient, Sakura jeta un dernier regard vers cet arbre solitaire, sentant une étrange connexion avec le rêve qu'elle avait eu la nuit précédente. Dans un monde différent, dans une ligne temporelle qui s'éloignait peut-être définitivement de celle qu'elle avait connue, les racines de Konoha commençaient à s'ancrer fermement dans le sol.
Le retour au campement Uchiha se déroula sans incident, l'humeur de leur petite délégation oscillant entre optimisme prudent et vigilance habituelle. À leur arrivée, ils trouvèrent le camp bourdonnant d'activité, les préparatifs pour le voyage vers la capitale ayant commencé dès l'annonce de la convocation du daimyō.
Cette nuit-là, après avoir fait son rapport au conseil et participé aux discussions préliminaires sur la logistique du voyage, Sakura se retrouva seule dans sa demeure, l'esprit trop agité pour trouver le sommeil malgré sa fatigue physique.
Elle sortit sur le petit porche de sa maison, observant le ciel étoilé avec une sensation de vertige existentiel. Quelque part, dans un futur qui n'existait peut-être plus que dans sa mémoire, se trouvait une version de Konoha où elle avait grandi, où elle avait aimé, combattu et perdu. Ce Konoha – son Konoha – s'estompait un peu plus chaque jour, remplacé par la possibilité d'une version différente, peut-être meilleure, peut-être plus forte.
Le bruit léger de pas approchant interrompit sa contemplation mélancolique.
Elle reconnut immédiatement la signature de chakra – Madara, sa présence familière dans l'obscurité.
— Je pensais te trouver éveillée, commenta-t-il simplement en arrivant à sa hauteur.
— Trop de pensées pour dormir, admit-elle, se demandant si son insomnie était également due à l'agitation mentale.
— La journée a été... productive, observa-t-il, son regard fixé sur le même ciel qu'elle contemplait. Plus que je ne l'espérais.
— Hashirama semble sincèrement engagé dans cette alliance, confirma-t-elle. Et même Tobirama paraît moins opposé qu'autrefois.
— Ce n'est pas seulement leur engagement qui m'a surpris, précisa Madara, tournant légèrement son visage vers elle. C'est l'aisance avec laquelle tu as navigué entre nos positions, apportant des clarifications précisément quand elles étaient nécessaires, restant silencieuse quand le dialogue devait suivre son cours naturel.
Ce compliment, délivré avec sa franchise caractéristique, la toucha plus qu'elle ne voulut l'admettre.
— J'ai simplement fait ce qui semblait approprié, répondit-elle modestement.
Un léger sourire traversa son visage, visible même dans la pénombre.
— Cette modestie constante est peut-être ton trait le plus remarquable, Sakura. Tu possèdes des capacités que beaucoup mettraient en avant avec arrogance, et pourtant, tu les portes comme si elles étaient simplement naturelles.
Il s'interrompit, semblant hésiter un instant – une rareté chez lui.
— Je voulais te demander quelque chose, reprit-il finalement. Ce nom que tu as suggéré... Konoha. Il semblait venir de toi avec une certitude particulière. Presque comme si…
— Comme si je l'avais connu depuis toujours, compléta-t-elle doucement, sachant qu'elle marchait sur un terrain dangereux mais incapable de lui mentir complètement. Elle choisit ses mots avec soin, offrant une vérité partielle.
— Parfois, certaines idées semblent simplement... justes, comme si elles attendaient le bon moment pour se manifester.
Madara l'observa longuement, son expression indéchiffrable dans l'obscurité.
— Tu demeures un mystère fascinant, Sakura Uchiha, dit-il finalement.Juste quand je pense avoir cerné l'étendue de tes capacités ou la profondeur de tes pensées, tu révèles une nouvelle dimension qui me surprend.
Ces paroles, prononcées sans accusation mais avec une curiosité sincère, créèrent un moment de connexion silencieuse entre eux. Sakura sentit une tension étrange, presque électrique, comme si une multitude de possibilités futures se condensaient dans cet instant précis.
— Nous partons pour la capitale après-demain, continua-t-il, rompant finalement ce moment. Le voyage sera long, et l'audience avec le daimyō potentiellement éprouvante. Essaie de te reposer demain.
— Vous devriez suivre votre propre conseil, suggéra-t-elle avec un léger sourire.
Il inclina la tête en reconnaissance du point, un geste minuscule mais qui reflétait une certaine complicité.
— Bonne nuit, Sakura, dit-il simplement avant de se retirer, sa silhouette se fondant rapidement dans les ombres du campement.
— Bonne nuit, Madara-sama, murmura-t-elle en retour, plus pour elle-même que pour lui.
Restée seule, elle leva à nouveau les yeux vers les étoiles, sentant que quelque chose d'important avait changé dans leur relation – un changement subtil mais profond, comme le premier frémissement d'une feuille annonçant l'arrivée d'une nouvelle saison.
La journée précédant leur départ pour la capitale s'écoula dans une effervescence organisée. Tout le campement Uchiha semblait vibrer d'une énergie nouvelle – entre préparatifs logistiques, discussions tactiques et, fait remarquable, un certain optimisme prudent qui commençait à se répandre même parmi les plus sceptiques du clan.
Pour Sakura, cette journée représentait une rare occasion de se consacrer pleinement à ses recherches médicales avant la longue absence à venir.
Installée dans le petit bâtiment qui servait d'infirmerie principale, elle examinait méticuleusement les notes qu'elle avait accumulées au cours des derniers mois sur sa technique de suture par infusion de chakra. La lumière matinale filtrait à travers les fenêtres étroites, illuminant les diagrammes anatomiques minutieux qu'elle avait dessinés – représentations détaillées des méridiens de chakra et leur relation avec le système circulatoire traditionnel.
Ces illustrations, fruits de centaines d'heures d'observation clinique et d'interventions sur le terrain, contenaient des découvertes qui n'existeraient formellement que des décennies plus tard dans sa ligne temporelle d'origine.
— Tu es venue tôt, observa Naori en entrant dans l'infirmerie, son regard bienveillant parcourant l'espace de travail méticuleusement organisé. En tant que mentor médical, elle avait été témoin de son évolution depuis l'enfant prodige jusqu'à la médic-nin respectée qu'elle était devenue.
Leur relation avait évolué au fil des ans, devenant une sorte de partenariat professionnel empreint d'un profond respect mutuel.
— Je voulais finaliser ces notes avant notre départ, expliqua-t-elle, relevant la tête de ses documents. Et préparer des instructions détaillées pour Nala concernant certains patients en convalescence.
Naori s'approcha, observant avec intérêt les diagrammes étalés devant elle.
— Ta théorie sur l'intégration du flux de chakra dans le processus normal de cicatrisation est remarquable, commenta-t-elle après un moment d'examen. Elle défie plusieurs principes médicaux que nous tenions pour acquis depuis des générations.
— Les principes évoluent à mesure que notre compréhension s'approfondit, répondit-elle simplement, habituée à naviguer prudemment entre les connaissances de son époque d'origine et les limitations du cadre médical actuel. Parfois, il faut oser remettre en question l'orthodoxie.
Un sourire chaleureux éclaira le visage de Naori.
— Cette capacité à penser au-delà des limitations établies... c'est ce qui te rend si particulière, Sakura. Pas seulement ton talent inné ou ton contrôle exceptionnel du chakra, mais cette vision qui semble parfois transcender notre époque.
Ces mots, prononcés sans arrière-pensée, la touchèrent par leur proximité involontaire avec sa vérité cachée. Combien de fois avait-elle dû freiner ses instincts, ralentir délibérément certaines avancées médicales pour qu'elles paraissent comme des évolutions naturelles plutôt que des sauts impossibles dans la connaissance?
— J'ai simplement eu de bons mentors, répondit-elle avec un sourire reconnaissant.
Naori secoua doucement la tête, rejetant cette modestie.
— Ne te méprends pas – j'apprécie le compliment. Mais nous savons tous deux que ton talent dépasse largement ce que j'aurais pu t'enseigner.
Elle s'assit sur un tabouret vacant, son expression devenant plus sérieuse.
— J'ai entendu parler de ta rencontre avec les Senju. De cette idée d'un village commun… Konoha.
Elle acquiesça, attentive au ton pensif qu'elle avait adopté.
— Que penses-tu de cette possibilité? demanda-t-elle, véritablement curieuse de son opinion. Tu as connu plus de cycles de paix et de guerre que la plupart d'entre nous.
Naori resta silencieux un moment, son regard dérivant vers la fenêtre où l'on pouvait apercevoir le va-et-vient animé du campement.
— J'ai vu trop de trêves brisées et d'alliances trahies pour m'abandonner facilement à l'espoir, admit-elle finalement. Mais…
Naori se tourna à nouveau vers elle, une lueur différente dans les yeux.
— Mais je vois aussi comment nos enfants grandissent, perpétuellement sous la menace d'une attaque, leur enfance sacrifiée sur l'autel d'une vendetta dont personne ne se souvient de l'origine. Si ce village signifie qu'une génération pourrait grandir sans connaître cette peur constante…
Sa voix s'éteignit, mais son message était clair.
Même les plus pragmatiques du clan commençaient à entrevoir la possibilité d'un avenir différent – non pas comme une certitude, mais comme une aspiration qui méritait peut-être qu'on prenne des risques.
— En parlant d'avenir, reprit-elle après un moment, changeant légèrement de sujet, Madara semble t'avoir accordé une confiance particulière ces derniers temps.
Le ton délibérément neutre ne masquait pas entièrement la question implicite. Les rumeurs concernant les intentions de Madara s'étaient manifestement propagées plus largement qu'elle ne l'avait imaginé.
— Sa confiance honore l'ensemble de notre division médicale, répondit-elle diplomatiquement.
Un sourire entendu traversa le visage de Naori.
— Bien sûr, acquiesça-t-elle, acceptant gracieusement sa réticence à discuter du sujet.
Leur conversation fut interrompue par l'arrivée de plusieurs apprentis médecins, venus chercher leurs instructions pour la période d'absence à venir.
Le reste de la matinée s'écoula dans une succession efficace de formations accélérées, de délégation de responsabilités et de préparation de fournitures médicales pour le voyage. À midi, alors qu'elle finalisait l'inventaire des herbes médicinales à emporter, un messager l'informa qu'Izuna souhaitait la voir au terrain d'entraînement principal.
Intriguée par cette convocation inattendue, elle termina rapidement ses préparatifs avant de s'y rendre.
Elle trouva Izuna seul au centre du terrain, exécutant avec une précision hypnotique une série de mouvements qui semblaient à la fois une danse et une forme mortelle de combat. Chaque geste fluide portait la marque d'années de perfectionnement discipliné, une beauté létale qui rappelait à Sakura pourquoi il était considéré comme l'un des guerriers les plus redoutables de son époque.
Il termina sa séquence avec une grâce mesurée avant de se tourner vers elle, ne montrant aucun signe d'effort malgré l'intensité évidente de son entraînement.
— Merci d'être venue, Sakura, l'accueillit-il avec une politesse formelle. Je me demandais si tu accepterais un bref échange avant notre départ pour la capitale.
— Un échange? répéta-t-elle, incertaine de ce qu'il proposait exactement.
Un sourire subtil effleura ses lèvres, presque imperceptible.
— Un sparring léger, précisa-t-il. Ta réputation en tant que combattante a grandi ces dernières années, mais nous avons rarement eu l'occasion de nous entraîner ensemble.
Cette proposition la surprit.
Bien qu'elle ait participé à de nombreuses sessions d'entraînement avec divers membres du clan au fil des ans, Izuna avait généralement réservé ses sparrings aux combattants spécialisés, rarement aux médic-nin, même ceux compétents en combat comme elle.
— Je serais honorée, accepta-t-elle, comprenant intuitivement que cette invitation représentait plus qu'un simple exercice physique.
Ils prirent position au centre du terrain, adoptant tous deux une posture de préparation. Plusieurs Uchiha passant à proximité ralentirent, intrigués par cette confrontation inhabituelle, formant progressivement un petit cercle de spectateurs discrets.
— Taijutsu uniquement, pour commencer, proposa Izuna. Avec peut-être une utilisation minimale de chakra pour la force et la vitesse.
Sakura acquiesça, reconnaissante pour ces limitations qui lui permettraient de se mesurer à lui sans révéler l'étendue complète de ses capacités – particulièrement les techniques qu'elle avait développées basées sur ses connaissances futures.
Sans avertissement, Izuna se lança vers elle avec une vitesse contrôlée mais impressionnante.
Sakura pivota fluidement, esquivant sa première attaque tout en analysant son style. Contrairement au Sharingan pleinement activé de Sasuke ou de Kakashi qu'elle avait affrontés dans sa vie antérieure, les yeux d'Izuna restaient normaux – un choix délibéré qui transformait cet échange en un test de compétences pures plutôt qu'une démonstration de dōjutsu.
Les minutes suivantes s'écoulèrent dans une danse synchronisée d'attaques, de contre-attaques, d'esquives et de feintes. Sakura maintenait une défense solide tout en cherchant des ouvertures, consciente qu'Izuna testait non seulement ses capacités techniques mais aussi sa pensée tactique.
— Ta forme est excellente, commenta-t-il après avoir paré une séquence particulièrement complexe de ses coups. Peu orthodoxe par moments, mais remarquablement efficace.
— J'ai dû adapter le style traditionnel Uchiha à mes propres forces, expliqua-t-elle entre deux mouvements, canalisant une petite quantité de chakra pour renforcer un blocage contre sa contre-attaque.
Leur échange s'intensifia progressivement, leurs mouvements devenant plus rapides, plus fluides, plus instinctifs. Les spectateurs s'étaient multipliés, attirés par le spectacle inhabituel de leur vice-commandant confronté à la médic-nin prodige.
Dans un mouvement particulièrement audacieux, Sakura parvint à déséquilibrer momentanément Izuna, créant une ouverture qu'elle exploita avec une précision calculée – son poing s'arrêtant à quelques millimètres de sa tempe dans ce qui aurait été un coup potentiellement décisif.
Un murmure surpris parcourut l'assemblée.
Izuna lui-même sembla momentanément pris au dépourvu avant qu'un sourire authentique n'illumine son visage.
— Impressionnant, reconnut-il avant de riposter par une combinaison rapide qui la força à une retraite stratégique.
Leur sparring se poursuivit encore quelques minutes avant qu'Izuna ne signale sa fin, tous deux respirant plus rapidement mais contrôlant parfaitement leur souffle – marque de guerriers disciplinés.
Les spectateurs se dispersèrent progressivement, commentant avec animation ce qu'ils venaient d'observer. Sakura nota les regards appréciateurs de certains vétérans qui, jusqu'alors, l'avaient peut-être principalement considérée pour ses compétences médicales plutôt que martiales.
— Tu caches bien ton jeu, Sakura, observa Izuna tandis qu'ils récupéraient des serviettes pour éponger la légère transpiration de leur échange. Ta réputation repose tellement sur tes prouesses médicales que beaucoup sous-estiment tes capacités au combat.
— Un avantage tactique que je cultive délibérément, admit-elle avec un petit sourire. Être sous-estimée peut s'avérer utile.
Izuna acquiesça, appréciatif de cette perspective stratégique.
— C'est précisément pourquoi j'ai suggéré cet échange aujourd'hui, révéla-t-il, son expression devenant plus sérieuse. À la capitale, nous serons constamment évalués – non seulement par le daimyō et ses conseillers, mais aussi par des représentants d'autres clans, des nobles, des marchands influents…
— Et tu voulais confirmer que je ne serais pas un point faible dans notre délégation, compléta-t-elle, comprenant maintenant la motivation derrière ce test.
— Au contraire, corrigea-t-il. Je voulais confirmer ce que Madara avait déjà affirmé, que tu représentes un atout significatif précisément parce que beaucoup te sous-estimeront.
Il lui tendit une gourde d'eau, qu'elle accepta avec gratitude.
— Dans les jeux de pouvoir qui nous attendent, cette perception erronée pourrait s'avérer inestimable, particulièrement lors des négociations délicates.
Sakura médita ces paroles tout en buvant. Elle avait suffisamment d'expérience politique, tant dans cette vie que dans la précédente, pour comprendre la valeur d'être perçue comme moins dangereuse ou influente qu'on ne l'était réellement.
— J'apprécie ta franchise, Izuna-sama, dit-elle finalement. Et je comprends les enjeux. Il l'observa un moment, son expression indéchiffrable.
— Mon frère voit en toi plus qu'une simple alliée politique ou une médic-nin talentueuse, déclara-t-il finalement, abordant directement le sujet que tous semblaient évoquer indirectement ces derniers jours. Il te considère comme quelqu'un capable de comprendre véritablement sa vision pour notre clan – pour ce futur village.
Sakura maintint soigneusement son expression neutre, attendant qu'il poursuive.
— Je l'ai rarement vu accorder une telle confiance, continua Izuna. Même envers moi, il garde certaines pensées privées, certains doutes.
Cette révélation la surprit. Dans les récits historiques de sa ligne temporelle d'origine, Izuna et Madara étaient dépeints comme pratiquement inséparables dans leur vision et leurs convictions.
— Tu es son frère, son plus proche conseiller, observa-t-elle prudemment.
— Et tu es celle qui voit des possibilités que nous manquons, rétorqua-t-il simplement. Qui propose des solutions que ni lui ni moi n'aurions envisagées.
Il rangea sa serviette, signalant la fin de cette conversation aussi inattendue que leur sparring.
— Je voulais simplement que tu saches que, quelle que soit la forme que prendra votre relation à l'avenir, tu as mon respect. Pas seulement comme médecin ou combattante, mais comme quelqu'un qui pourrait véritablement aider à guider notre clan vers un avenir meilleur.
Cette déclaration – venant d'Izuna, traditionnellement le plus méfiant envers les influences extérieures sur son frère – la laissa momentanément sans voix.
— Je... merci, répondit-elle finalement, sincèrement touchée par cette reconnaissance.
Il inclina légèrement la tête en acknowledgement avant de se détourner.
— Nous partons à l'aube, rappela-t-il en guise d'au revoir. Repose-toi bien, Sakura. Les batailles qui nous attendent à la capitale seront d'une nature différente, mais non moins exigeantes.
Le reste de la journée passa dans un tourbillon de derniers préparatifs. Sakura finalisa ses instructions pour l'équipe médicale, empaqueta soigneusement ses affaires personnelles et révisa mentalement les protocoles diplomatiques qu'elle avait étudiés en prévision de leur visite à la cour du daimyō.
Alors que le soleil se couchait, elle s'accorda un moment de tranquillité, assise sur le toit de sa modeste demeure, observant les derniers rayons dorés illuminer le campement Uchiha. Demain, ils s'engageraient sur un chemin potentiellement historique – un chemin qui pourrait mener à la fondation de Konoha dans des circonstances radicalement différentes de celles qu'elle avait connues.
"Tsunade-shishou," pensa-t-elle, adressant mentalement ses réflexions à son mentor d'une autre vie, "je me demande ce que vous penseriez de tout ceci. De ce Konoha naissant, si différent de celui que vous avez connu. De ma position au milieu de ces événements historiques."
Le ciel s'assombrissait progressivement, les premières étoiles apparaissant dans le velours bleu-noir de la nuit.
"Et vous, Naruto, Sasuke... que diriez-vous en me voyant ici, aux côtés de ces figures légendaires que vous ne connaissiez que par des récits et des statues?"
Cette mélancolie nostalgique était rare pour elle désormais – au fil des années, les visages de ses anciens amis s'étaient doucement estompés dans sa mémoire, comme des photographies exposées trop longtemps au soleil. Elle conservait l'essence de ce qu'ils avaient représenté pour elle, mais les détails se brouillaient inexorablement avec le temps.
— Les étoiles sont particulièrement brillantes ce soir.
La voix tranquille de Madara la surprit. Absorbée dans ses pensées, elle n'avait pas remarqué son approche silencieuse.
Il se tenait debout sur le bord du toit, son profil se découpant contre le ciel nocturne.
— Elles semblent plus proches ici que dans la vallée, observa-t-elle, lui faisant instinctivement place à ses côtés.
Il s'assit avec cette grâce économe qui caractérisait tous ses mouvements, son regard levé vers la voûte céleste.
— Mon père disait que les étoiles sont les yeux de nos ancêtres, qui veillent sur nous depuis l'au-delà, partagea-t-il après un moment de contemplation commune. Je me suis toujours demandé ce qu'ils pensent de nos choix, de nos luttes. S'ils approuvent la direction que nous prenons.
Cette rare évocation de son père disparu révélait une facette plus contemplative de Madara, rarement exposée aux autres membres du clan.
— Peut-être que ce qui compte n'est pas tant leur approbation que notre capacité à apprendre de leur expérience tout en traçant notre propre chemin, suggéra-t-elle doucement.
Il tourna légèrement la tête vers elle, son expression adoucie par l'obscurité.
— Izuna m'a dit que vous aviez eu un échange instructif aujourd'hui, commenta-t-il, changeant de sujet avec cette fluidité caractéristique.
— "Instructif" est un terme approprié, confirma-t-elle avec un léger sourire. Izuna-sama est aussi formidable au combat que les récits le suggèrent.
— Et toi, apparemment, plus redoutable que beaucoup ne le soupçonnent, observa-t-il, une nuance d'amusement dans sa voix. Il a été impressionné.
— Un compliment que je ne prends pas à la légère, reconnut-elle.
Un silence confortable s'installa entre eux, ponctué uniquement par les sons distants du campement qui se préparait pour la nuit.
— Es-tu inquiète pour demain? demanda-t-il finalement, sa question directe mais son ton dénué de jugement. Sakura considéra sa réponse avec la même honnêteté.
— Pas inquiète, précisa-t-elle. Consciente des enjeux, certainement. Vigilante quant aux manipulations potentielles, absolument. Mais pas véritablement inquiète.
Elle tourna légèrement son visage vers lui.
— Et vous Madara-sama? Le coin de sa bouche se releva légèrement.
— Moi non plus, admit-il. Peut-être devrions-nous l'être davantage, considérant les risques. Mais je ressens plutôt... une certitude. Comme si nous nous dirigions vers quelque chose d'inévitable.
Cette description résonnait étrangement avec sa propre expérience – ce sentiment persistant que malgré tous les changements qu'elle avait pu initier, certains événements semblaient gravitationnellement attirés vers certaines conclusions, comme des rivières trouvant invariablement leur chemin vers l'océan.
— Je comprends ce sentiment, confirma-t-elle doucement.
Ils restèrent ainsi un long moment, côte à côte sous la voûte étoilée, partageant un silence confortable qui communiquait plus que des mots n'auraient pu le faire.
Ce n'était pas la première fois qu'ils se trouvaient dans cette configuration – au fil des années, ils avaient partagé de nombreuses conversations sous les étoiles, souvent après des journées particulièrement éprouvantes ou des décisions difficiles.
Mais ce soir, Sakura percevait une différence subtile dans l'atmosphère entre eux. Une conscience mutuelle plus aiguë, peut-être. Une reconnaissance tacite des possibilités futures qui s'ouvraient devant eux, tant sur le plan personnel que politique.
— Nous devrions nous reposer, suggéra finalement Madara, bien qu'il ne fît aucun mouvement pour se lever. La journée de demain sera longue.
— Quelques minutes encore, demanda-t-elle doucement, inexplicablement réticente à rompre ce moment de tranquillité.
Il acquiesça sans hésitation, se réinstallant légèrement.
— Quelques minutes encore, concéda-t-il.
Et ainsi ils restèrent, deux silhouettes immobiles sous le ciel infini, au seuil d'un avenir incertain qui pourrait transformer non seulement leurs vies, mais le monde shinobi tout entier.
***
La capitale du Pays du Feu se dévoilait dans toute sa splendeur matinale, bien différente des établissements shinobi que Sakura avait connus. Là où les villages ninjas privilégiaient la fonctionnalité et la défense discrète, la capitale embrassait l'ostentation comme une philosophie architecturale.
Chaque bâtiment, chaque jardin, chaque pont semblait conçu pour impressionner et intimider – un rappel constant du pouvoir séculaire qui régnait ici.
Leur première journée s'était déroulée selon le protocole prévu. L'escorte d'honneur les avait guidés à travers des rues soigneusement nettoyées, où des citoyens choisis avec soin s'inclinaient respectueusement sur leur passage – une mise en scène évidente destinée à projeter une image d'harmonie sociale parfaite.
Les quartiers qui leur avaient été assignés dans le palais confirmaient leur statut ambivalent : suffisamment luxueux pour honorer des invités importants, mais stratégiquement positionnés dans une aile éloignée des véritables centres de pouvoir.
L'arrangement entrelacé proposé par Hashirama avait suscité une confusion momentanée chez les chambellans, rapidement masquée sous un vernis de flexibilité diplomatique.
Ce matin, le deuxième jour de leur séjour, Sakura se préparait pour la première véritable épreuve politique – un jardin-déjeuner organisé par l'épouse principale du daimyō, officiellement une courtoisie sociale, officieusement une opportunité d'évaluation préliminaire.
Tōka Senju, avec qui elle partageait désormais ses quartiers conformément à l'arrangement d'entrelacement, l'observait ajuster son kimono – une création d'un bleu profond orné de motifs subtils de feuilles argentées.
— Les cérémonies du thé à la cour sont des champs de bataille déguisés en rituels de politesse, commenta Tōka tout en vérifiant l'arrangement impeccable de sa propre tenue. Dame Shimizu, l'épouse du daimyō, est particulièrement redoutable dans ce domaine.
— J'ai entendu dire qu'elle vient d'une lignée de diplomates du Pays de l'Eau, acquiesça Sakura, se rappelant les informations recueillies lors des préparatifs. Apparemment, elle maintient des correspondances avec plusieurs daimyō des pays voisins.
— Et probablement avec la moitié des espions du continent, ajouta Tōka avec un pragmatisme caractéristique. Ne sous-estime pas son influence simplement parce qu'elle n'apparaît jamais en conseil officiel.
Cette remarque renforça l'appréciation de Sakura pour sa nouvelle compagne de quartiers. Au-delà de leurs compétences martiales respectives, elles partageaient visiblement une compréhension nuancée des dynamiques politiques souvent négligées par les guerriers traditionnels.
Un léger coup à leur porte annonça l'arrivée de leur escorte palatiale – deux dames de compagnie aux expressions soigneusement neutres, dont les regards évaluateurs trahissaient néanmoins leur curiosité face à cette cohabitation inhabituelle entre membres de clans historiquement ennemis.
Le jardin intérieur où se déroulait la réception était un chef-d'œuvre de conception paysagère – chaque arbre, chaque pierre, chaque fleur délibérément positionnés pour créer une impression de beauté naturelle qui dissimulait des siècles d'intervention humaine méticuleuse.
Une métaphore appropriée, songea Sakura, pour la politique elle-même.
Dame Shimizu les attendait près d'un étang ornemental où des carpes koi multicolores traçaient des arabesques paresseuses. Petite de stature mais imposante de présence, elle incarnait l'élégance raffinée de l'aristocratie civile, son kimono aux couches multiples représentant une fortune suffisante pour entretenir une unité shinobi pendant des mois.
— Ah, nos invitées d'honneur, accueillit-elle avec un sourire calibré à la perfection – chaleureux sans être familier, respectueux sans déférence excessive. Sakura-san des Uchiha et Tōka-san des Senju, votre présence illumine notre modeste jardin.
Les présentations qui suivirent révélèrent la composition soigneusement orchestrée de l'assemblée : plusieurs épouses de seigneurs provinciaux, deux princesses mineures de pays voisins en visite diplomatique, et quelques dames de la haute noblesse marchande dont l'influence financière était aussi cruciale que discrètement exercée.
La conversation initiale suivit les chemins convenus de la politesse courtoise – commentaires admiratifs sur le jardin, observations sur la clémence du temps, échanges de compliments sur les tenues et les ornements.
Pourtant, sous cette surface anodine, Sakura percevait les courants plus profonds – questions apparemment innocentes sur leurs logements partagés, remarques voilées sur l'inhabituelle alliance entre leurs clans.
— Ce doit être... rafraîchissant de pouvoir enfin voyager sans craindre constamment pour votre vie, observa Dame Shimizu tandis qu'une servante versait le thé avec une précision rituelle. La paix offre tant de possibilités que la guerre nie.
— En effet, Dame Shimizu, acquiesça Sakura avec une déférence mesurée. Nos clans redécouvrent le plaisir de consacrer nos énergies à la construction plutôt qu'à la destruction.
— Une noble aspiration, intervint une femme d'âge moyen présentée comme l'épouse du gouverneur de la province orientale. Bien que certains puissent s'interroger sur sa... durabilité.
Le défi sous-jacent était évident, mais avant que Sakura ne puisse répondre, Tōka prit la parole avec une assurance tranquille.
— L'histoire offre de nombreux exemples d'ennemis ancestraux devenus les alliés les plus fidèles, observa-t-elle. Souvent, ceux qui ont le plus souffert de la guerre deviennent les défenseurs les plus ardents de la paix.
— Une perspective fascinante, commenta Dame Shimizu, ses yeux vifs ne manquant aucune réaction autour de la table. Et vous, Sakura-san? On dit que vos talents médicaux ont sauvé de nombreuses vies. Arriverez-vous à soigner équitablement des personnes qui ne sont pas votre clan ?
Cette référence à ses activités médicales, présentée comme une simple curiosité, révélait la profondeur des renseignements déjà recueillis sur elle. Sakura maintint son expression sereine, tout en mesurant soigneusement sa réponse.
— La douleur, la guérison et l'espoir transcendent les barrières claniques, Dame Shimizu. Un parent Uchiha et un parent Senju ressentent le même soulagement lorsque leur enfant blessé ouvre à nouveau les yeux.
Un murmure appréciateur parcourut l'assemblée – sa réponse avait touché juste, humanisant leur alliance sans verser dans un idéalisme trop naïf qui aurait semblé suspect dans ce milieu pragmatique.
Dame Shimizu inclina légèrement la tête, une reconnaissance subtile de la finesse de sa réponse.
— Mon époux s'interroge naturellement sur les implications pratiques de cette... évolution dans l'équilibre des forces shinobis, poursuivit-elle, abordant enfin le véritable sujet d'intérêt. Particulièrement concernant les services que votre alliance pourrait offrir au pays.
— Nous sommes certaines que nos chefs de clan aborderont ces questions en détail lors de l'audience de demain, répondit Tōka avec une politesse qui masquait habilement son refus de s'engager prématurément sur ce terrain sensible.
La conversation dériva ensuite vers des sujets apparemment plus légers, mais tout aussi chargés de sous-entendus politiques – rumeurs concernant d'autres clans considérant des alliances similaires, spéculations sur l'impact économique de cette paix naissante, observations sur les changements dans les dynamiques commerciales interrégionales.
Tout au long de l'échange, Sakura observait attentivement non seulement les paroles, mais les regards échangés, les postures ajustées, les réactions subtiles aux mentions de certains noms ou territoires. Chaque détail constituait une pièce du puzzle politique complexe qu'elles devaient naviguer.
Après près de deux heures de cette danse verbale élaborée, Dame Shimizu signala la conclusion de la réception avec une grâce chorégraphiée.
— Votre présence a été un rayon de soleil illuminant notre humble jardin, déclara-t-elle en se levant. J'espère sincèrement que ce n'est que le début d'un dialogue fructueux entre nous.
Sur le chemin du retour vers leurs quartiers, escortées par les mêmes dames de compagnie à l'expression soigneusement neutre, Tōka et Sakura maintinrent une conversation légère sur les qualités esthétiques du jardin et l'excellence du thé servi.
Ce n'est qu'une fois la porte de leurs appartements fermée qu'elles échangèrent un regard lourd de signification.
— Six questions sur notre cohabitation, trois insinuations concernant la fragilité de notre alliance, et une référence voilée aux limitations potentielles de notre indépendance future, énuméra Tōka avec une précision clinique. Plus efficace que je ne l'anticipais.
— Sans oublier la collecte d'informations sur nos capacités respectives et les allusions aux autres clans potentiellement mécontents de notre rapprochement, compléta Sakura. Dame Shimizu mérite sa réputation.
— Les femmes de la cour ont perfectionné l'art d'extraire des informations tout en paraissant simplement sociables, acquiesça Tōka. C'est une forme de genjutsu social rarement reconnue à sa juste valeur par les shinobis traditionnels.
Cette observation perspicace renforça l'appréciation de Sakura pour son homologue Senju. Derrière son apparence austère et sa réputation de combattante redoutable se cachait une intelligence politique affûtée.
— Nous devrions rapporter ces observations à nos délégations respectives avant la réunion conjointe de ce soir, suggéra Sakura, déjà en train d'organiser mentalement les informations recueillies.
Tōka acquiesça, puis hésita un instant avant d'ajouter avec une franchise inattendue :
— Tu te déplaces différemment des autres Uchiha que j'ai observés au combat. Ton style intègre des éléments qui me rappellent presque... les techniques Senju de redirection d'énergie.
Cette observation, délivrée sans accusation mais avec une curiosité évidente, prit Sakura momentanément au dépourvu. Son style de combat avait effectivement évolué au fil des années, incorporant des influences diverses de ses expériences passées – incluant des techniques apprises auprès de Tsunade, elle-même descendante directe des Senju.
— J'ai toujours cru que s'enfermer dans les traditions rigides limitait notre potentiel d'évolution, répondit-elle prudemment. Observer et adapter est aussi important que préserver et maîtriser.
Tōka la considéra longuement, son expression indéchiffrable.
— Une philosophie peu commune parmi les clans ancestraux, observa-t-elle finalement. Mais peut-être précisément ce dont nous avons besoin pour forger quelque chose de véritablement nouveau.
Sur ces paroles énigmatiques, elle se retira vers ses appartements personnels, laissant Sakura méditer sur cet échange qui semblait dépasser le simple commentaire tactique.
Le reste de la journée s'écoula dans une succession d'obligations diplomatiques mineures – une visite guidée des archives historiques du palais, une démonstration d'arts traditionnels non-shinobis, une présentation des dernières innovations agricoles développées sous le patronage du daimyō.
Chaque activité, bien que présentée comme culturelle ou informative, servait en réalité à évaluer leurs réactions, leurs connaissances et leurs priorités.
Le soir venu, les délégations Uchiha et Senju se réunirent dans une salle de conférence sécurisée mise à leur disposition – un geste de courtoisie qui facilitait également la surveillance de leurs interactions.
Conscients de cette réalité, ils avaient établi un système de communication subtil : conversations normales pour les informations qu'ils acceptaient de partager, références codées à des événements historiques pour les messages plus sensibles.
Madara et Hashirama présidaient la réunion, assis côte à côte, à la tête de la table – une configuration délibérément symbolique qui proclamait leur égalité statutaire.
— Nos hôtes ont été remarquablement... attentionnés aujourd'hui, commenta Hashirama, ouvrant la discussion avec une élégante litote.
— L'hospitalité du palais est légendaire, confirma Madara avec une ironie subtile. Particulièrement la façon dont ils s'assurent que nous ne nous égarions jamais, même pour un instant.
Cette observation suscita des sourires entendus autour de la table – une référence à l'omniprésence des "guides" qui les accompagnaient infailliblement dans leurs moindres déplacements.
— Dame Shimizu semble particulièrement intéressée par nos arrangements de logement, rapporta Sakura, partageant les observations recueillies lors du jardin-déjeuner. Sa curiosité concernant notre cohabitation était... insistante.
— Sans surprise, intervint Tobirama, son expression habituellement sévère accentuée par les ombres dansantes des lanternes. Notre unité représente une variable imprévue dans leurs calculs politiques. Ils cherchent les fissures potentielles.
— Et continueront à les chercher même après que cette visite sera terminée, ajouta Izuna, partageant exceptionnellement l'analyse de son homologue Senju. Nous devrions anticiper des tentatives d'infiltration plus actives dans nos clans une fois de retour sur nos territoires.
Cette préoccupation commune amena une discussion approfondie sur les mesures préventives à adopter – renforcement des protocoles de sécurité, vérifications plus rigoureuses des nouveaux contacts commerciaux, sensibilisation des membres des deux clans aux techniques de manipulation subtile.
— J'ai également remarqué une tendance intéressante dans les sujets abordés par les divers officiels, observa Madara. Chaque conversation semblait orientée vers nos intentions territoriales futures.
— Effectivement, confirma Hashirama. Le seigneur Tanaka m'a particulièrement interrogé sur l'emplacement envisagé pour notre... projet commun. Cette référence prudente à Konoha suscita un regain d'attention autour de la table.
L'emplacement exact du futur village restait une information sensible qu'ils avaient délibérément gardée vague dans leurs communications externes.
— Ils craignent que nous n'établissions une présence trop proche des routes commerciales majeures, analysa un conseiller Senju. Ou pire, directement sur leurs terres domaniales.
— Une préoccupation que nous pourrions utiliser à notre avantage demain, suggéra Sakura, une stratégie se formant dans son esprit. En proposant volontairement un emplacement suffisamment éloigné de leurs intérêts directs, nous pourrions présenter notre projet comme ne menaçant pas leur autorité territoriale.
— Tout en conservant l'emplacement réel que nous avons déjà identifié, compléta Madara, saisissant immédiatement l'implication stratégique. Une concession apparente qui ne nous coûte rien.
Hashirama considéra cette suggestion avec une expression pensive avant d'acquiescer lentement.
— Une approche judicieuse, reconnut-il. Nous devrons cependant être précis dans notre présentation pour éviter tout engagement contraignant.
La discussion se poursuivit tard dans la soirée, affinant leur stratégie pour l'audience cruciale du lendemain, partageant les informations glanées séparément, et renforçant leur compréhension commune des enjeux multidimensionnels de cette visite.
Lorsque la réunion se termina finalement, la plupart des membres des deux délégations se retirèrent vers leurs quartiers respectifs, physiquement fatigués mais mentalement stimulés par les défis intellectuels de la journée.
Sakura s'attarda un moment, réorganisant quelques notes qu'elle avait prises. L'anticipation de l'audience du lendemain créait en elle un mélange d'excitation et d'appréhension – cette rencontre pourrait définitivement orienter le destin de Konoha sur un chemin radicalement différent de celui qu'elle avait connu.
— Tes observations aujourd'hui étaient particulièrement perspicaces, commenta Madara, qui s'était silencieusement approché tandis que la salle se vidait.
— Dame Shimizu est une interlocutrice fascinante, répondit-elle simplement. Ses questions révèlent autant que nos réponses. Un sourire fugace traversa son visage habituellement stoïque.
— Tu navigues dans ces eaux politiques avec une aisance remarquable pour quelqu'un qui a passé la majorité de sa vie dans un campement militaire.
Cette observation, délivrée comme un compliment mais sous-tendue par une curiosité persistante, rappela à Sakura la précarité de sa position unique.
Son expérience d'une vie antérieure dans une Konoha établie lui conférait une compréhension politique que peu de shinobis de cette ère possédaient – un avantage qu'elle devait utiliser judicieusement sans éveiller trop de questions sur son origine.
— J'observe et j'apprends, offrit-elle modestement. Comme nous tous dans cet environnement nouveau.
Ils marchèrent ensemble le long du corridor richement décoré menant à leurs quartiers, leur pas naturellement synchronisé après tant d'années d'entraînements partagés.
— Demain sera déterminant, murmura-t-il, sa voix à peine audible même dans le silence nocturne du palais. Pas simplement pour nos clans, mais pour l'avenir que nous envisageons.
La solennité de cette observation résonnait profondément en elle.
Pour Madara, ce moment représentait peut-être un carrefour crucial entre des destinées divergentes – entre le fondateur visionnaire qu'il aspirait à devenir et l'antagoniste tragique qu'elle avait connu dans son autre vie.
— Nous sommes prêts, affirma-t-elle avec une conviction tranquille, laissant délibérément ambiguë la portée exacte de ce "nous" – leurs clans, leur future alliance, ou peut-être eux-mêmes, dans cette relation complexe qui évoluait entre eux.
Il lui jeta un regard pénétrant, comme s'il cherchait à sonder la profondeur de sa certitude.
— Ta confiance est... réconfortante, admit-il finalement. Même face à l'inconnu.
Ces mots, prononcés avec une sincérité inhabituelle chez lui, créèrent un moment de connexion qui transcendait leurs rôles officiels. Dans le couloir faiblement éclairé d'un palais étranger, à la veille d'une négociation potentiellement historique, ils partagèrent un silence qui communiquait plus que des paroles n'auraient pu le faire.
— Bonne nuit, Madara-sama, dit-elle doucement lorsqu'ils atteignirent l'embranchement menant à leurs quartiers respectifs.
— Bonne nuit, Sakura, répondit-il, s'attardant un instant comme s'il voulait ajouter quelque chose avant de simplement incliner la tête en salut et de s'éloigner dans le corridor perpendiculaire.
Elle le regarda disparaître à l'angle, consciente que demain marquerait peut-être un tournant irréversible dans leur parcours entrelacé – et dans l'histoire même du monde shinobi qu'elle s'efforçait de redessiner.
***
L'aube du jour décisif teintait à peine l'horizon lorsque Sakura s'éveilla, son corps naturellement synchronisé après tant d'années de vie shinobi. Dans la pénombre de sa chambre, elle commença une série d'exercices méditatifs, harmonisant sa respiration et sa circulation de chakra – une routine développée pour maximiser sa clarté mentale lors des journées cruciales.
À travers la fine cloison séparant leurs espaces, elle percevait les mouvements silencieux de Tōka – une présence discrète mais rassurante. Malgré leurs différences claniques, elles avaient rapidement développé une complicité professionnelle fondée sur un respect mutuel et une approche similairement pragmatique des enjeux politiques.
Les préparatifs pour l'audience suivirent un protocole soigneusement orchestré. Les serviteurs du palais arrivèrent à l'heure précise, apportant des vêtements formels spécialement préparés pour l'occasion – suffisamment élégants pour honorer l'importance de la rencontre, mais incorporant subtilement les éléments identitaires des deux clans.
Pour Sakura, une robe de cérémonie dans les tons bleu profond des Uchiha.
— Le choix des vêtements est très adapté, observa Tōka tandis qu'elles s'aidaient mutuellement avec les arrangements complexes des tenues formelles.
Sakura esquissa un léger sourire, sans faire de commentaire.
Les couloirs du palais bourdonnaient d'une activité contenue ce matin-là. Serviteurs, gardes et courtisans se déplaçaient avec une efficacité accrue, leurs expressions trahissant l'importance extraordinaire de cette journée. Plusieurs délégations mineures d'autres provinces étaient arrivées la veille, convoquées comme témoins – ou peut-être comme poids politique additionnel dans les négociations à venir.
Les deux délégations shinobi se rencontrèrent dans une antichambre désignée, l'atmosphère chargée d'une tension expectative mais contrôlée. Madara et Hashirama, vêtus de tenues formelles impressionnantes intégrant harmonieusement leurs emblèmes claniques respectifs, échangèrent un regard lourd de signification.
— Le daimyō a invité plusieurs observateurs à cette audience, informa Tobirama, toujours la source primaire d'intelligence opérationnelle. Trois seigneurs provinciaux, deux représentants de guildes commerciales majeures, et au moins un émissaire discret du Pays de l'Eau.
— Une audience publique plutôt qu'une négociation privée, analysa Izuna. Ils cherchent à limiter notre marge de manœuvre par la pression sociale.
— Ou à établir des témoins formels pour tout engagement que nous prendrions, compléta Madara.
Un mouvement prévisible, mais néanmoins contraignant. Hashirama acquiesça, son expression habituellement joviale remplacée par une concentration intense qui rappelait sa stature légendaire de leader shinobi.
— Notre stratégie reste inchangée, affirma-t-il. Transparence sur nos intentions générales, précision sur les bénéfices mutuels, et flexibilité calculée sur les détails négociables.
Un chambellan en tenue d'apparat apparut à l'entrée de l'antichambre, son expression solennelle signalant l'imminence de leur convocation.
— L'heure est venue, annonça-t-il avec une formalité rigide. Sa Seigneurie vous recevra maintenant.
Ils s'avancèrent dans l'ordre protocolaire établi – Madara et Hashirama en tête, leurs frères respectifs juste derrière, puis les conseillers principaux formant deux lignes parallèles parfaitement synchronisées. Sakura, positionnée stratégiquement au centre de cette formation, pouvait observer l'ensemble de la dynamique spatiale qui se déployait.
La salle d'audience du daimyō était un chef-d'œuvre d'intimidation architecturale. Immense, aux plafonds vertigineux ornés de fresques épiques célébrant les victoires historiques du Pays du Feu, elle était conçue pour rappeler constamment aux visiteurs la permanence et la puissance du pouvoir séculier.
Le trône, surélevé sur une estrade à plusieurs niveaux, forçait même les plus grands guerriers à lever le regard – une domination psychologique soigneusement orchestrée. Le daimyō lui-même, contrairement aux descriptions flamboyantes que l'histoire avait transmises, était un homme de stature moyenne, d'âge moyen, dont la présence émanait moins d'une imposante physicalité que d'une assurance tranquille née de générations de pouvoir incontesté.
Ses yeux, cependant, révélaient une intelligence vive et calculatrice qui ne manquait aucun détail.
— Madara Uchiha, Hashirama Senju, accueillit-il d'une voix parfaitement modulée pour porter sans effort jusqu'aux extrémités de l'immense salle. Votre présence simultanée dans cette cour est un événement... sans précédent.
Les deux chefs de clan s'inclinèrent avec une synchronisation parfaite – ni trop profondément, ce qui aurait suggéré une soumission excessive, ni trop légèrement, ce qui aurait trahi de l'arrogance.
— Nous sommes honorés par cette convocation, Seigneur, répondit Hashirama, désigné comme premier interlocuteur dans leur stratégie soigneusement planifiée. Votre intérêt pour les développements récents entre nos clans témoigne de votre vigilance constante pour le bien-être du Pays du Feu.
Cette formulation habile reconnaissait l'autorité du daimyō tout en suggérant subtilement que leur alliance servait les intérêts du pays plutôt que de les menacer.
— Vigilance, en effet, répéta le daimyō, savourant manifestement le terme. Une qualité essentielle pour toute personne portant des responsabilités... significatives.
Son regard balaya lentement l'assemblée avant de se fixer sur Madara.
— On m'informe que vos clans, après des générations d'hostilités qui ont façonné l'histoire même de nos terres, envisagent maintenant une alliance permanente. Une évolution... surprenante.
— Les plus grands changements naissent souvent de réalisations simples, mais profondes, répondit Madara avec une éloquence mesurée. Nos clans ont découvert que nos objectifs fondamentaux – stabilité, prospérité, sécurité pour nos enfants – sont remarquablement alignés.
Un murmure parcourut l'assemblée des courtisans et dignitaires, cette perspective philosophique venant d'un chef de guerre réputé pour sa férocité tactical suscitant visiblement la surprise.
Le daimyō inclina légèrement la tête, ses yeux ne révélant rien de ses pensées intérieures.
— Des objectifs nobles, certainement. Et comment, précisément, envisagez-vous de concrétiser cette... harmonie nouvellement découverte? C'était la question cruciale, l'ouverture qu'ils attendaient pour présenter formellement leur vision.
Hashirama fit un pas mesuré en avant.
— Nous proposons la création d'un établissement permanent, Seigneur. Un village où nos clans coexisteraient pacifiquement, partageant ressources et connaissances pour le bénéfice mutuel de nos familles et du Pays du Feu.
— Un village shinobi, clarifia le daimyō, son ton parfaitement neutre ne trahissant ni approbation ni rejet. Une concentration sans précédent de puissance militaire sous une gouvernance unifiée.
— Une transformation de cette puissance militaire en force stabilisatrice, corrigea respectueusement Madara. Un centre d'excellence où les compétences shinobis seraient dirigées vers la protection plutôt que le conflit, servant les intérêts de la nation plutôt que des vendettas claniques.
Le conseiller principal du daimyō, un homme âgé aux yeux perçants qui n'avait jusqu'alors pas parlé, intervint avec une précision clinique:
— Et l'emplacement envisagé pour cette... concentration sans précédent de pouvoir shinobi?
Voici venait la concession stratégique qu'ils avaient planifiée.
— Nous avons identifié plusieurs sites potentiels, répondit Hashirama avec une humilité calculée. Naturellement, nous souhaiterions soumettre ces options à l'approbation de votre seigneurie, reconnaissant que toute terre du Pays du Feu demeure ultimement sous votre autorité souveraine.
Il déroula une carte soigneusement préparée, indiquant trois localisations – toutes délibérément différentes de l'emplacement réel qu'ils avaient déjà sélectionné pour Konoha.
— Ces sites offrent les ressources naturelles nécessaires à un établissement autonome, tout en maintenant une distance respectueuse des routes commerciales majeures et des centres administratifs établis.
Sakura observait attentivement les réactions autour de la salle tandis que Hashirama détaillait les avantages de chaque site proposé.
Les conseillers du daimyō échangeaient des regards furtifs, manifestement soulagés par cette apparente déférence territoriale. Le daimyō lui-même maintenait une expression soigneusement neutre, mais la légère détente dans sa posture suggérait que cette concession apparente correspondait à ses attentes.
— Une considération louable, commenta-t-il finalement. Mais la question persiste: quelle serait la relation entre ce... village shinobi et l'autorité légitime du Pays du Feu?
C'était le cœur du débat – la question de souveraineté et d'allégeance qui définirait fondamentalement leur future relation.
Madara s'avança légèrement, prenant le relais avec une transition fluide qui démontrait leur unité stratégique.
— Nous envisageons une relation de partenariat mutuellement bénéfique, Seigneur. Notre village fournirait des services spécialisés – protection, renseignement, missions diplomatiques discrètes – renforçant ainsi la sécurité et l'influence du Pays du Feu, tout en maintenant l'autonomie nécessaire pour préserver nos traditions claniques essentielles.
Le terme soigneusement choisi de "partenariat" plutôt que "soumission" n'échappa à aucun des stratèges politiques présents.
Le daimyō arqua légèrement un sourcil, évaluant silencieusement l'audace mesurée de cette proposition.
— Un partenariat implique des obligations mutuelles, observa-t-il finalement. Quelles garanties offririez-vous concernant la loyauté de cette... entité autonome?
Hashirama et Madara échangèrent un regard rapide mais significatif. Voici venait l'innovation majeure de leur stratégie – l'élément qui, dans l'esprit de Sakura, pourrait véritablement distinguer cette version de Konoha de celle qu'elle avait connue dans sa vie antérieure.
— Nous proposons l'établissement d'un conseil représentatif, expliqua Hashirama, sa voix gagnant en intensité passionnée tout en maintenant une déférence formelle. Ce conseil inclurait non seulement des membres des clans fondateurs, mais également un représentant permanent de votre cour, assurant ainsi une communication directe et transparente entre notre village et votre autorité souveraine.
Cette concession spécifique, soigneusement calibrée, créa une vague de murmures surpris parmi les courtisans. Dans l'histoire que Sakura avait connue, Konoha avait maintenu une indépendance presque totale vis-à-vis du pouvoir séculier, contribuant éventuellement aux tensions qui avaient façonné les relations complexes entre villages shinobis et daimyōs.
Le daimyō lui-même sembla momentanément pris au dépourvu par cette proposition inattendue, ses yeux rétrécissant légèrement tandis qu'il en évaluait les implications.
— Un arrangement... innovant, concéda-t-il finalement. Et les détails pratiques de ce représentation? Son autorité serait-elle simplement consultative, ou disposerait-il d'un pouvoir décisionnel substantiel?
Sakura reconnut l'opportunité critique qui se présentait. Conformément à leur stratégie, elle s'avança légèrement, attirant naturellement l'attention par ce mouvement délibéré.
— Si je puis me permettre, Seigneur, intervint-elle avec une déférence respectueuse mais non servile. Notre vision inclut un système de gouvernance équilibré où aucune faction unique – qu'elle soit clanique ou politique – ne pourrait imposer sa volonté sans considération des perspectives diverses.
Elle marqua une pause calculée, consciente que son intervention, en tant que figure moins attendue, captait particulièrement l'attention.
— Le représentant de votre cour disposerait d'un droit de regard sur toutes les décisions affectant directement les intérêts du Pays du Feu, ainsi qu'un accès complet aux informations stratégiques recueillies par nos opérations. Cette transparence garantirait l'alignement continu de nos objectifs, sans compromettre l'efficacité opérationnelle qui fait la valeur unique des shinobis.
Le daimyō l'étudia avec une intensité nouvelle, visiblement intrigué par cette intervention inattendue.
— Vous êtes... Sakura Uchiha, n'est-ce pas? La médic-nin dont la réputation a traversé même les murs de cette cour.
Cette reconnaissance directe, inhabituelle dans un contexte aussi formel, créa un moment de tension expectative dans la salle.
— Oui, Seigneur, confirma-t-elle simplement, maintenant un équilibre délicat entre humilité et assurance.
Le daimyō la considéra longuement avant de reporter son attention sur les deux chefs de clan. Un silence calculé s'installa, le daimyō évaluant manifestement les multiples dimensions de leur proposition.
Sakura pouvait presque visualiser les calculs politiques complexes se déroulant derrière son expression soigneusement neutre – pesant les avantages d'une force shinobi unifiée et potentiellement loyale contre les risques d'une concentration de pouvoir militaire sans précédent.
— Votre proposition mérite considération, déclara-t-il finalement, rompant le silence avec une délibération mesurée. L'unification de deux clans aussi puissants pourrait effectivement apporter une stabilité bienvenue dans une région historiquement volatile.
Il se tourna vers son conseil, échangeant quelques mots à voix basse avant de revenir vers les délégations shinobi.
— Cependant, une transformation aussi fondamentale de l'équilibre des pouvoirs nécessite des garanties concrètes, pas simplement des assurances verbales.
Hashirama inclina respectueusement la tête.
— Nous sommes pleinement préparés à formaliser ces arrangements dans un traité détaillé, Seigneur, affirma-t-il. Incluant des mécanismes spécifiques pour assurer la communication régulière et la transparence envers votre cour.
— Bien, approuva le daimyō. Mes conseillers juridiques travailleront avec vos représentants pour élaborer les termes précis de cet accord. En attendant…
Il se leva, signalant une transition dans la cérémonie – un mouvement qui surprit légèrement les courtisans habitués à des audiences plus longues et plus confrontationnelles.
— En attendant, je propose que nous célébrions cette initiative prometteuse. Un banquet sera organisé ce soir en l'honneur de cette alliance historique. Une occasion de démontrer publiquement l'harmonie naissante entre des forces autrefois opposées.
Cette conclusion, formulée comme une générosité mais fonctionnant clairement comme un test public supplémentaire, fut accueillie par des murmures approbateurs parmi les courtisans.
Madara et Hashirama s'inclinèrent en parfaite synchronisation, acceptant gracieusement cette "invitation" qui était en réalité une extension de leur évaluation diplomatique.
Alors qu'ils quittaient la salle d'audience dans le même ordre cérémoniel qu'à leur entrée, Sakura sentait le poids des regards suivant chacun de leurs mouvements. L'audience formelle s'était déroulée remarquablement près de leur scénario optimal – le daimyō semblait réceptif à leur proposition générale, tout en maintenant les réserves prévisibles qui permettaient de préserver son autorité apparente.
Dans l'antichambre, loin des oreilles des courtisans mais certainement encore sous observation discrète, Madara se tourna vers Hashirama, un échange silencieux transmettant une évaluation partagée de leur situation.
— Première phase complétée avec succès, murmura Izuna, résumant le sentiment général. Mais le banquet représente une épreuve différente.
— Les dynamiques sociales révèlent souvent ce que les négociations formelles dissimulent, acquiesça Tobirama. Particulièrement après plusieurs coupes de saké.
Hashirama sourit, une étincelle de son optimisme caractéristique illuminant son expression habituellement solennelle dans ce contexte formel.
— Alors nous démontrerons que notre alliance transcende les formalités diplomatiques, affirma-t-il avec conviction. Que nous pouvons briser le pain ensemble aussi harmonieusement que nous présentons des propositions politiques.
Tandis qu'ils étaient escortés vers leurs quartiers pour se préparer aux festivités du soir, Sakura sentit une présence familière s'aligner brièvement avec son pas.
— Ton intervention était... parfaitement calibrée, commenta Madara à voix basse, ses yeux fixés droit devant lui mais son attention manifestement dirigée vers elle. Le daimyō ne s'attendait pas à une contribution substantielle venant d'un membre "secondaire" de notre délégation.
— C'était précisément l'intention, confirma-t-elle simplement. Les personnes sous-estimées peuvent parfois communiquer des messages qui seraient reçus différemment venant de figures d'autorité établie.
Un sourire presque imperceptible effleura ses lèvres.
— Une stratégie que tu as maîtrisée à la perfection, observa-t-il. Je commence à croire que nous avons été remarquablement chanceux que tes talents se soient développés au sein des Uchiha plutôt que chez nos adversaires.
Cette remarque, délivrée comme une observation détachée mais portant un poids de reconnaissance plus profond, la toucha d'une manière inattendue. Dans cette réalité alternative qu'elle façonnait jour après jour, ses contributions étaient reconnues et valorisées d'une façon qu'elle n'avait pas toujours connue dans sa première vie – même si le contexte historique plus large restait invisible pour ceux qui l'entouraient.
— La chance n'explique pas tout, Madara, répondit-elle doucement. Parfois, les personnes se trouvent exactement où elles doivent être, même si le chemin qui les y a menées semble incompréhensible.
Il lui jeta un regard pénétrant, cette observation énigmatique ravivant manifestement sa curiosité persistante concernant ses origines et sa sagesse apparemment disproportionnée.
Mais le moment n'était pas propice aux questions profondes – leur escorte palatiale les séparait déjà, les guidant vers leurs préparatifs respectifs pour la soirée à venir.
Le banquet qui suivrait représenterait un défi d'une nature entièrement différente – moins formalisé mais potentiellement plus révélateur que l'audience elle-même. Dans ces interactions moins structurées, leurs véritables relations seraient scrutées, leurs tensions potentielles testées, et l'authenticité de leur alliance évaluée non plus à travers des déclarations diplomatiques soigneusement préparées, mais dans la spontanéité des conversations informelles et des réactions instinctives.
Alors qu'elle entrait dans ses quartiers pour se préparer, Sakura sentit une détermination renouvelée s'installer en elle.
L'avenir qu'elle avait entrevu – un Konoha fondé sur une alliance véritable plutôt que sur un équilibre précaire de méfiances – semblait désormais à portée de main. Si ce soir confirmait l'impression favorable créée lors de l'audience formelle, ils auraient franchi un obstacle majeur vers la réalisation de cette vision.
Et peut-être, songea-t-elle en observant le soleil de l'après-midi baigner la capitale dans une lumière dorée, peut-être auraient-ils vraiment une chance de réécrire l'histoire – non pas simplement la sienne, mais celle du monde shinobi tout entier.
Chapter 7: Danses d'Ombres et de Lumières
Chapter Text
La salle de banquet du palais du daimyō était un chef-d'œuvre d'opulence calculée, conçue précisément pour impressionner sans paraître excessive – un équilibre délicat que seules des générations de pouvoir raffiné pouvaient perfectionner. Des lanternes en cristal taillé diffusaient une lumière chaude sur les convives, tandis que des paravents artistiquement peints divisaient l'espace en sections subtilement hiérarchisées.
Sakura pénétra dans cet environnement avec une vigilance tranquille, consciente que la véritable épreuve diplomatique de leur visite commençait maintenant. Pour l'occasion, elle portait un kimono formel dans les teintes traditionnelles des Uchiha.
À l'entrée, un maître de cérémonie annonçait chaque invité avec une emphase soigneusement calibrée selon leur importance relative dans la hiérarchie sociale complexe de la cour.
Sakura nota mentalement le ton et la formulation utilisés pour chaque présentation – un baromètre subtil mais révélateur de la perception qu'avait la cour des différentes factions présentes.
— Sakura Uchiha, émissaire diplomatique du clan Uchiha, annonça le chambellan lorsque vint son tour, une désignation plus élaborée que celle utilisée pour plusieurs autres membres des délégations shinobi.
Cette distinction inattendue attira quelques regards curieux parmi les personnes déjà présents. Manifestement, son intervention lors de l'audience formelle avait suffisamment marqué les esprits pour que son statut soit réévalué dans le protocole palatial.
La disposition des tables révélait une stratégie sociale minutieuse.
Plutôt que de regrouper les délégations shinobi ensemble, les organisateurs avaient délibérément entrelacé les invités, plaçant chaque membre Uchiha ou Senju entre des nobles, des diplomates étrangers ou des représentants marchands. Une tactique transparente pour observer les interactions individuelles hors du cadre protecteur de leurs groupes respectifs.
Sakura fut dirigée vers une table où siégeaient déjà un seigneur provincial d'âge moyen, un émissaire du Pays de la Terre reconnaissable à ses ornements distinctifs, et une dame de cour dont les bijoux discrets mais manifestement précieux suggéraient une proximité avec la famille du daimyō.
Face à elle, une place était réservée pour Tobirama Senju – un arrangement qui ne pouvait être accidentel.
— Ah, voici le médecin prodige, l'accueillit le seigneur provincial avec une cordialité calculée. Votre réputation vous précède, même dans ma modeste province méridionale.
— Vous me faites trop d'honneur, seigneur Tanaka, répondit-elle avec une déférence mesurée, utilisant délibérément son nom pour signaler qu'elle avait fait ses recherches sur les dignitaires présents. Le véritable art médical demeure humble face à la sagesse naturelle du corps.
Cette réponse, formulée avec une philosophie, parut plaire au seigneur qui inclina appreciativement la tête.
— Une perspective rafraîchissante pour une shinobi, commenta la dame de cour, son ton oscillant entre la surprise et une curiosité peut-être sincère. On associe rarement votre profession à... la délicatesse philosophique.
Le sous-entendu était clair – les shinobis étaient généralement perçus par la noblesse comme des outils efficaces mais brutaux, des instruments de guerre valorisés pour leur utilité mais rarement pour leur sophistication intellectuelle.
— La force sans sagesse n'est que violence, Dame Himari, répondit Sakura avec une douceur qui masquait la fermeté sous-jacente de sa conviction. C'est précisément cette compréhension qui guide notre vision d'un futur où les compétences shinobi servent la guérison autant que la protection.
L'arrivée de Tobirama interrompit momentanément cette joute verbale.
Avec sa posture impeccablement droite et son regard analytique caractéristique, il salua la table avec une politesse formelle avant de prendre place face à Sakura.
— Je vois que les conversations substantielles ont déjà commencé, observa-t-il, son ton neutre ne trahissant aucune émotion particulière.
— Nous discutions justement de la fascinante dualité des arts shinobi, répondit l'émissaire du Pays de la Terre, prenant la parole pour la première fois. Une perspective particulièrement pertinente considérant l'alliance... inhabituelle que vos clans proposent.
— Inhabituelle uniquement par rapport aux attentes basées sur des conflits passés, corrigea calmement Tobirama. Vue à travers le prisme des possibilités futures, cette alliance apparaît comme remarquablement logique.
Sakura observa avec intérêt cette réponse – un Tobirama défendant positivement l'alliance avec les Uchiha représentait une divergence significative par rapport aux récits historiques qu'elle connaissait. Dans sa ligne temporelle d'origine, même après la fondation de Konoha, sa méfiance envers les Uchiha était restée une constante fondamentale de sa vision politique.
Les serviteurs commencèrent à apporter les premiers plats du banquet – des créations culinaires élaborées présentées avec une précision artistique. Le saké coulait généreusement, versé dans des coupes en porcelaine fine dont les motifs subtils représentaient des scènes historiques du Pays du Feu.
— J'avoue ma curiosité concernant les aspects pratiques de cette alliance, reprit le seigneur Tanaka après avoir savouré une bouchée délicate de poisson mariné. Comment deux clans aux philosophies si distinctes envisagent-ils une gouvernance commune? Le Sharingan et le Mokuton semblent représenter des approches presque opposées du pouvoir shinobi.
La question, formulée avec une innocence apparente, sondait précisément l'une des tensions fondamentales que Sakura savait avoir contribué à la fracture historique entre Madara et Hashirama.
— C'est précisément cette complémentarité qui fait notre force potentielle, répondit-elle avant que Tobirama ne puisse intervenir. Comme les deux lames d'une paire de ciseaux – distinctes dans leur forme, opposées dans leur position, mais agissant ensemble avec une efficacité qu'aucune ne pourrait atteindre séparément.
Tobirama lui jeta un regard évaluateur, manifestement surpris par cette métaphore élégante qui présentait leurs différences comme un avantage plutôt qu'un obstacle.
— Une observation perspicace, confirma-t-il, choisissant de soutenir cette perspective. Notre conseil de gouvernance proposé intègre délibérément ces perspectives diverses pour assurer un équilibre décisionnel que ni l'isolation clanique ni l'homogénéité philosophique ne pourraient offrir.
L'émissaire du Pays de la Terre se pencha légèrement en avant, son intérêt visiblement piqué.
— Et comment cette... harmonie théorique résisterait-elle aux inévitables tensions pratiques? Les rivalités personnelles, les ambitions divergentes, les griefs historiques ne s'effacent pas simplement par l'établissement d'une structure commune.
— Vous avez parfaitement raison, reconnut Sakura avec une honnêteté désarmante qui parut surprendre l'assemblée. Ces défis sont réels et ne peuvent être ignorés.
Elle prit une petite gorgée de saké, gagnant un moment pour formuler sa réponse.
— C'est pourquoi notre vision inclut des mécanismes spécifiques de résolution de conflits, des systèmes de poids et contrepoids organisationnels, et surtout, une transparence délibérée qui empêche l'accumulation silencieuse des ressentiments.
— Des principes admirables, intervint Dame Himari avec un scepticisme poli. Mais l'histoire suggère que les shinobis préfèrent généralement la résolution... directe des différends.
— L'histoire nous enseigne également que toute approche peut évoluer lorsque ses limitations deviennent évidentes, répondit Tobirama avec une patience inattendue. Nos clans ont expérimenté pendant des générations l'efficacité de la confrontation directe. Les résultats parlent d'eux-mêmes – un cycle perpétuel de violence qui n'a servi ni nos intérêts ni ceux du pays.
Cette admission publique, venant du stoïque et pragmatique Tobirama, créa un moment de surprise palpable autour de la table.
À travers la salle, Sakura aperçut Madara engagé dans une conversation apparemment animée avec un groupe comprenant plusieurs conseillers du daimyō. Sa posture restait formelle mais non rigide, ses gestes mesurés accompagnant ses paroles avec une élégance naturelle qui contrastait avec l'image du guerrier implacable que beaucoup associaient à son nom.
Plus loin, Hashirama discutait avec le daimyō lui-même et quelques seigneurs de haut rang, son charisme caractéristique manifestement opérationnel même dans ce contexte hyper-formel. À intervalles réguliers, son rire chaleureux résonnait dans la salle, créant des îlots momentanés d'authenticité dans l'océan de politesses calculées.
— Votre clan semble porter un intérêt particulier aux arts médicaux, n'est-ce pas? s'enquit soudainement l'émissaire du Pays de la Terre, ramenant l'attention de Sakura à sa table. Une spécialisation inhabituelle pour les Uchiha, si je ne m'abuse.
— Une évolution récente mais significative, confirma-t-elle, reconnaissant l'opportunité de mettre en avant cet aspect transformatif. Le contrôle précis du chakra nécessaire pour le Sharingan se traduit remarquablement bien dans les techniques médicales avancées.
— Fascinant, murmura Dame Himari avec un intérêt qui semblait maintenant sincère. J'ai entendu dire que vous personnellement avez développé des méthodes pour traiter certaines blessures neurologiques autrefois considérées comme permanentes?
Cette question spécifique surprit Sakura – une connaissance aussi détaillée de ses recherches médicales suggérait que la dame avait cherché délibérément des informations à son sujet, bien au-delà des renseignements diplomatiques standards.
— Les recherches sont prometteuses mais encore en développement, répondit-elle prudemment. La régénération nerveuse représente un défi particulièrement complexe, même avec les techniques de manipulation du chakra les plus avancées.
Tobirama observait cet échange avec une expression pensive.
— Les compétences médicales avancées représentent peut-être l'aspect le plus immédiatement bénéfique de notre alliance proposée pour la population civile, commenta-t-il. Un bénéfice tangible au-delà des considérations militaires ou politiques.
Cette observation stratégique transformait habilement un moment de curiosité personnelle en argument diplomate en faveur de leur alliance – une manœuvre que Sakura apprécia pour sa finesse tactique.
Le Tobirama qu'elle rencontrait dans cette réalité démontrait une subtilité diplomatique rarement mentionnée dans les récits historiques qui avaient privilégié ses prouesses martiales et ses innovations jutsu. La soirée progressait, les plats succédant aux plats dans une chorégraphie culinaire impressionnante.
Au fil des heures, Sakura remarqua un changement subtil dans l'atmosphère – les conversations devenaient progressivement moins formelles, les postures plus détendues, les rires plus spontanés. Le saké de qualité supérieure y contribuait certainement, mais elle percevait également une curiosité croissante, presque malgré eux, de la part des courtisans envers cette alliance shinobi sans précédent.
À un moment donné, alors qu'elle se dirigeait vers les jardins pour une brève respiration d'air frais entre les services, elle croisa Izuna qui semblait partager la même intention.
— Une soirée... instructive, commenta-t-il sobrement lorsqu'ils atteignirent une terrasse offrant une vue spectaculaire sur les jardins illuminés par des lanternes.
— Les courtisans semblent progressivement passer de la méfiance calculée à la curiosité authentique, observa-t-elle, s'appuyant légèrement contre la balustrade en pierre.
— Une transition que j'ai également notée, confirma-t-il, son regard parcourant méthodiquement les environs pour détecter d'éventuels observateurs avant de poursuivre à voix plus basse. Le daimyō lui-même semble particulièrement impressionné par la dynamique entre mon frère et Hashirama.
— Leur capacité à maintenir une conversation substantielle sans tomber dans d'anciennes rivalités surprend beaucoup de monde, acquiesça-t-elle. Y compris, je pense, eux-mêmes parfois.
Un sourire rare et fugace traversa le visage habituellement stoïque d'Izuna.
— Le monde change rapidement, Sakura. Parfois, j'ai l'impression que tu es la seule à ne pas en être surprise.
Cette observation, délivrée avec une perspicacité tranquille, effleura dangereusement les frontières de son secret fondamental. Izuna avait toujours possédé une acuité d'observation impressionnante.
— Peut-être ai-je simplement toujours espéré que ce changement était possible, répondit-elle prudemment. Quand on passe suffisamment de temps à recoudre les blessures de guerre, on finit par rêver d'un monde qui en produirait moins.
Izuna l'étudia silencieusement, comme s'il évaluait une équation complexe dont il manquait encore certaines variables.
— Tu sais, dit-il finalement, changeant apparemment de sujet, mon frère n'est pas homme à accorder facilement sa confiance. Encore moins son respect. Et pourtant, il t'a accordé les deux avec une rapidité qui défie toute explication conventionnelle.
Le message sous-jacent était clair – sa position unique auprès de Madara restait un mystère qu'Izuna n'avait pas encore complètement résolu à sa satisfaction.
— La confiance et le respect se gagnent différemment en temps de guerre et en temps de paix, observa-t-elle simplement. Les qualités valorisées changent lorsque les priorités évoluent.
Leur conversation fut interrompue par l'arrivée d'un chambellan annonçant le prochain service et les invitant respectueusement à rejoindre la salle de banquet.
Sakura accueillit cette interruption opportune avec un soulagement discret – les questions voilées d'Izuna navigaient dangereusement près de territoires qu'elle préférait ne pas explorer.
De retour dans la salle principale, elle remarqua immédiatement un changement dans la configuration sociale.
Les barrières invisibles qui avaient initialement séparé les factions s'étaient partiellement dissoutes, créant un entrelacement plus organique des groupes. Un conseiller Uchiha discutait de manière animée avec un diplomate du Pays de l'Eau et un noble local. Tōka Senju partageait apparemment une anecdote qui faisait rire plusieurs dames de cour.
Plus significativement, Madara et Hashirama avaient finalement convergé vers une même conversation, entourés d'une constellation de dignitaires de haut rang visiblement captivés par leur échange. Leur langage corporel révélait une synchronicité remarquable – pas l'harmonie forcée de diplomates jouant un rôle, mais le rythme naturel de deux esprits habitués à s'engager l'un avec l'autre, même à travers des années d'opposition.
Sakura fut dirigée vers une nouvelle table pour le service principal, cette fois aux côtés d'un représentant de la guilde des marchands, d'un diplomate du Pays des Rivières, et de Hashirama lui-même qui venait apparemment de conclure sa conversation avec Madara.
Cette rotation délibérée des convives révélait la stratégie palatiale d'observer leurs interactions dans des configurations variées.
— Ah, Sakura-san, accueillit chaleureusement Hashirama tandis qu'elle prenait place. J'entends des échos fascinants de vos discussions à travers la salle. Votre perspective médicale semble avoir particulièrement résonné avec plusieurs de nos hôtes.
— La médecine offre souvent un terrain commun lorsque la politique crée des divisions, répondit-elle avec un sourire discret. Tous comprennent la valeur de la guérison, indépendamment de leurs allégeances.
— Une sagesse que nos clans auraient bénéficié à reconnaître plus tôt, acquiesça-t-il avec une franchise désarmante qui le caractérisait. Mais peut-être certaines réalisations nécessitent-elles le passage douloureux par l'adversité avant de devenir évidentes.
Le représentant marchand – un homme d'âge moyen au regard vif qui révélait une intelligence commerciale aiguisée – se pencha légèrement en avant.
— Parlant de perspectives commerciales, Hashirama-sama, cette alliance et ce... village proposé représenteraient potentiellement un changement significatif dans les dynamiques économiques régionales.
— Un changement que nous envisageons comme largement bénéfique pour le commerce légitime, répondit adroitement Hashirama. La stabilité et la sécurité sont les fondations sur lesquelles la prospérité marchande peut véritablement s'épanouir.
— Et qu'en est-il des routes commerciales traditionnellement protégées par vos clans respectifs? intervint le diplomate du Pays des Rivières. Les arrangements existants seraient-ils maintenus, ou assisterions-nous à une... restructuration des responsabilités?
Cette question directe sondait l'une des implications économiques concrètes de leur alliance – le contrôle des voies commerciales représentait une source majeure de revenus pour les clans shinobis, et tout changement dans ce domaine aurait des répercussions significatives sur les équilibres commerciaux interrégionaux.
Hashirama jeta un bref regard vers Sakura, l'invitant subtilement à contribuer à cette discussion économique – un domaine où, historiquement, elle savait que les premiers dirigeants de Konoha avaient rencontré des défis considérables.
— Notre vision inclut l'établissement d'un système de protection unifié, expliqua-t-elle, saisissant l'opportunité d'introduire un concept qui n'avait été formalisé que des décennies plus tard dans sa ligne temporelle d'origine. Plutôt que des territoires fragmentés sous protection clanique variable, les marchands bénéficieraient d'un réseau cohérent avec des standards et des tarifs harmonisés.
Le représentant de la guilde marchande arqua un sourcil intéressé.
— Une proposition potentiellement révolutionnaire pour le commerce régional, admit-il avec une appréciation professionnelle évidente. Les inconsistances entre les territoires claniques ont toujours représenté l'un des principaux obstacles logistiques pour les caravanes commerciales.
— Sans mentionner les coûts additionnels liés à l'engagement de protections multiples pour traverser des territoires contigus, ajouta le diplomate avec un pragmatisme commercial.
— Exactement, confirma Hashirama, visiblement satisfait de cette réception positive. Notre objectif n'est pas simplement de fusionner deux forces militaires, mais de créer un environnement où les activités civiles – commerce, artisanat, agriculture – peuvent prospérer sans les limitations imposées par la fragmentation clanique.
Le service principal fut apporté – un spectacle culinaire impressionnant où chaque plat représentait une région différente du Pays du Feu, célébrant subtilement l'unité dans la diversité.
La symbolique n'échappa à aucun des convives, particulièrement dans le contexte de leurs discussions sur l'unification shinobi proposée.
Au fil du repas, la conversation à leur table explora les implications économiques potentielles de leur alliance avec une profondeur surprenante. Sakura contribuait prudemment, introduisant des concepts de développement infrastructurel et d'harmonisation commerciale qui semblaient innovants pour l'époque mais qu'elle savait avoir été cruciaux dans l'essor économique futur de Konoha.
À travers la salle, elle pouvait apercevoir Madara désormais engagé dans une discussion apparemment intense mais non hostile avec Tobirama – une configuration que peu auraient imaginée possible quelques semaines auparavant. Leurs expressions reflétaient une concentration intellectuelle plutôt que l'antagonisme historique qui avait défini leur relation dans les récits qu'elle connaissait.
Alors que le banquet approchait de sa conclusion, le daimyō se leva, attirant immédiatement l'attention complète de l'assemblée. Un silence respectueux s'installa tandis qu'il levait une coupe de saké dans un geste cérémoniel.
— Ce soir, commença-t-il, sa voix parfaitement modulée pour porter sans effort à travers la vaste salle, nous avons été témoins de quelque chose que beaucoup considéraient impossible – des générations de conflits cédant potentiellement la place à une vision d'avenir partagée.
Son regard balaya méthodiquement l'assemblée, s'attardant significativement sur Madara et Hashirama.
— Le Pays du Feu a prospéré à travers les âges non par l'obstination rigide, mais par l'adaptation intelligente aux changements inévitables. Cette alliance shinobi proposée représente un tel changement – significatif dans sa portée, transformatif dans ses implications.
Il éleva légèrement sa coupe, le geste créant un moment de tension anticipative.
— Je lève donc ce verre à une vision audacieuse. Que la sagesse guide ses architectes, que la prudence tempère son ambition, et que son succès éventuel serve les intérêts non seulement des clans concernés, mais du Pays du Feu tout entier.
Ce toast, soigneusement formulé pour reconnaître l'initiative sans l'endosser inconditionnellement, créa néanmoins une vague d'approbation à travers la salle.
Les convives se levèrent, verres en main, participant à ce moment symbolique qui, sans constituer une approbation formelle, représentait néanmoins une reconnaissance significative de leur proposition.
Sakura croisa brièvement le regard de Madara à travers la salle.
Même à cette distance, elle pouvait percevoir dans son expression une intensité particulière – non pas simplement la satisfaction d'un objectif diplomatique atteint, mais quelque chose de plus profond, presque personnel.
Il inclina imperceptiblement la tête dans sa direction, un geste minuscule qui communiquait pourtant une reconnaissance de leur accomplissement partagé.
Lorsque le banquet se conclut officiellement, les invités commencèrent à se disperser en petits groupes conversationnels informels, certains se dirigeant vers les jardins illuminés, d'autres s'attardant dans la salle pour poursuivre des discussions particulièrement engageantes.
Sakura se retrouva momentanément seule près d'une fenêtre ornementale, observant les interactions qui se poursuivaient autour d'elle avec une satisfaction prudente. La soirée avait indéniablement dépassé leurs attentes initiales – l'atmosphère avait évolué de la méfiance calculée à une curiosité authentique, voire à un enthousiasme mesuré pour certains aspects de leur proposition.
— Une soirée remarquablement productive, commenta une voix familière derrière elle. Elle se tourna pour trouver Madara qui l'avait rejointe discrètement, son approche silencieuse caractéristique même dans ce contexte social.
— Au-delà de nos projections les plus optimistes, reconnut-elle à voix basse.
— Le daimyō lui-même semble avoir dépassé le stade de la méfiance initiale, observa-t-il, son regard parcourant méthodiquement la salle avec une vigilance habituelle. Hashirama pense qu'il est véritablement intrigué par les avantages potentiels à long terme.
— Les implications économiques semblent particulièrement résonner avec plusieurs factions influentes, confirma-t-elle, partageant ses observations de la soirée. La perspective d'un système de protection commerciale unifié a capté l'attention de la guilde marchande.
Un léger sourire apparut sur son visage habituellement stoïque.
— Une suggestion particulièrement astucieuse de ta part. Simple dans sa formulation, profonde dans ses implications.
Ce compliment spécifique et technique, délivré avec sa précision caractéristique, contenait une appréciation plus significative que des éloges plus généraux n'auraient pu communiquer.
— Demain, la véritable négociation commencera, poursuivit-il, son expression redevenant plus grave. Le daimyō a demandé une session de travail détaillée avec ses conseillers juridiques et économiques. Le cadre formel sera crucial.
— Une opportunité de solidifier les gains diplomatiques d'aujourd'hui, acquiesça-t-elle, comprenant parfaitement les enjeux. Les détails structurels que nous présenterons définiront potentiellement Konoha pour des générations.
À la mention du nom du futur village, une lueur particulière traversa son regard – cette appellation qu'elle avait "suggérée" lors de leur première réunion conjointe avec les Senju avait rapidement été adoptée par tous, comme si ce nom avait toujours été destiné à définir leur création commune.
— Konoha, répéta-t-il doucement, presque pour lui-même. Un nom qui semble porter sa propre destinée.
Avant qu'elle ne puisse répondre, une dame de cour approcha, s'inclinant respectueusement avant d'annoncer que le daimyō souhaitait s'entretenir brièvement avec Madara avant la conclusion officielle des festivités.
— Nous reprendrons cette conversation plus tard, dit-il simplement avant de suivre la messagère.
Sakura l'observa s'éloigner, consciente qu'ils se trouvaient à un moment charnière non seulement pour leurs clans ou pour le futur Konoha, mais peut-être pour l'ensemble de la trajectoire historique qu'elle s'efforçait d'influencer.
Les événements de cette journée, couronnés par ce banquet remarquablement positif, suggéraient que leur vision alternative pour le monde shinobi gagnait en substance et en crédibilité. Alors qu'elle se dirigeait vers ses quartiers plus tard dans la soirée, Sakura sentit une détermination renouvelée s'installer en elle.
Le chemin qu'ils traçaient divergeait de plus en plus clairement de l'histoire qu'elle avait connue – une divergence qu'elle avait initiée mais qui prenait désormais sa propre dynamique, portée par les actions et les choix collectifs de tous ceux impliqués dans cette alliance naissante.
Cette nuit-là, alors que le palais s'apaisait progressivement dans le silence nocturne, Sakura contempla le ciel étoilé depuis la fenêtre de sa chambre. Quelque part, dans un futur qui n'existait peut-être plus que dans sa mémoire, se trouvait une version de Konoha façonnée par la méfiance, les trahisons et les compromis douloureux.
Devant elle s'ouvrait maintenant la possibilité d'une version différente – fondée non sur des ambitions individuelles ou des méfiances ancestrales, mais sur une vision véritablement partagée d'un avenir meilleur. L'ironie ne lui échappait pas – elle qui avait été transportée contre sa volonté dans ce passé lointain se retrouvait maintenant architecte volontaire d'un futur alternatif.
Un futur où, peut-être, les tragédies qu'elle avait connues pourraient être évitées, les cycles de haine interrompus, et les destins cruels récrits. "Naruto," pensa-t-elle avec une mélancolie teintée d'espoir, "tu aurais aimé ce Konoha que nous sommes en train de créer."
***
L'aube du deuxième jour au palais du daimyō se leva sur une atmosphère sensiblement transformée. Les regards que les serviteurs jetaient aux délégations shinobi n'étaient plus dominés par la méfiance ou la curiosité craintive, mais par un respect teinté d'une fascination nouvelle.
Les échos du banquet de la veille avaient visiblement parcouru tous les niveaux de la hiérarchie palatiale, modifiant subtilement la perception collective de cette alliance sans précédent.
Sakura s'éveilla avant même le premier appel des serviteurs, son corps naturellement synchronisé avec le rythme des journées importantes. Les négociations formelles prévues aujourd'hui représenteraient le véritable test – au-delà des discours inspirants et des toasts diplomatiques, c'était dans les détails contractuels que se jouerait l'avenir concret de Konoha.
Après ses ablutions matinales, elle revêtit une tenue qui reflétait la nature de cette journée critique – formelle mais fonctionnelle, une sobriété appropriée pour des négociations techniques.
Tōka la rejoignit silencieusement, également préparée pour la journée à venir.
— Les conseillers du daimyō ont apparemment travaillé une partie de la nuit, l'informa la kunoichi Senju sans préambule. Leurs assistants ont été vus transportant des documents anciens des archives.
Cette information confirmait ce que Sakura soupçonnait – le palais ne s'était pas contenté d'organiser un banquet impressionnant, mais préparait activement une position négociatrice substantielle.
— Ils cherchent probablement des précédents ou des arrangements similaires dans d’autres territoires, analysa-t-elle tout en finalisant sa préparation.
— Exactement ma pensée, confirma Tōka avec un hochement appréciateur. Ils ne s'opposeront pas frontalement à notre alliance, mais tenteront de l'encadrer dans un réseau d'obligations légales qui maximisera leur contrôle.
Cette évaluation lucide renforçait l'impression positive que Sakura avait développée concernant Tōka – sous son apparence austère et sa réputation de combattante redoutable se cachait une stratège politique dont la perspicacité égalait presque celle de Tobirama.
La salle de conférence désignée pour les négociations contrastait fortement avec le cadre cérémoniel de l'audience initiale ou l'opulence calculée du banquet. Fonctionnelle sans être spartiate, elle était manifestement conçue pour des discussions techniques prolongées – tables larges couvertes de documents, sièges confortables mais non luxueux, et une absence notable d'éléments décoratifs qui pourraient distraire de la substance des échanges.
Lorsque les délégations shinobi entrèrent, elles découvrirent que les conseillers du daimyō les attendaient déjà, entourés d'impressionnantes piles de documents, rouleaux et codex.
En tête de ce groupe se tenait Mochizuki, le conseiller principal que Sakura avait identifié lors de leur arrivée comme étant le véritable architecte des politiques du daimyō.
— Messieurs, Mesdames, les accueillit-il avec une politesse formelle dénuée de l'obséquiosité typique des interactions palatiales. Sa Seigneurie nous a chargés d'élaborer un cadre formel pour l'établissement proposé, incorporant à la fois vos aspirations légitimes et les nécessités pratiques du gouvernement central.
Hashirama et Madara échangèrent un bref regard avant de s'avancer ensemble, symbolisant leur approche unifiée.
— Nous sommes prêts à entamer ces discussions avec un esprit d'ouverture et de pragmatisme, déclara Hashirama, sa voix chaleureuse mais mesurée. Notre vision pour Konoha ne cherche pas à défier l'autorité légitime du daimyō, mais à créer une structure qui servirait plus efficacement les intérêts communs de nos clans et du Pays du Feu.
— Une aspiration louable, commenta Mochizuki avec un léger sourire qui n'atteignait pas ses yeux. Permettez-moi de présenter les conseillers spécialisés qui nous accompagneront aujourd'hui.
Il désigna successivement plusieurs fonctionnaires à l'apparence austère: un spécialiste des traités territoriaux, un expert fiscal, un conseiller militaire, et plus significativement, un historien des relations claniques dont le regard analytique parcourait les délégations shinobi avec une curiosité presque scientifique.
Les négociations commencèrent formellement avec une présentation détaillée de la vision pour Konoha – plus élaborée que ce qui avait été partagé lors de l'audience initiale. Hashirama, avec le soutien occasionnel de Madara, décrivit les structures de gouvernance proposées, les mécanismes économiques envisagés, et surtout, le système de missions qui formerait l'épine dorsale financière du village.
La réaction des conseillers fut initialement mesurée – expressions neutres, questions techniques précises, demandes occasionnelles de clarification.
Mais à mesure que la présentation progressait, Sakura discerna un changement subtil dans leur langage corporel. Les regards échangés entre eux devenaient plus fréquents, les notes prises plus extensives, les postures légèrement plus engagées.
— Cette structure de gouvernance, intervint finalement le conseiller juridique en désignant le diagramme qu'Hashirama venait de présenter. Vous proposez un conseil représentatif incluant les deux clans fondateurs, avec un représentant du daimyō comme... observateur permanent?
La question sondait directement l'un des aspects les plus délicats de leur proposition – le degré d'influence directe que le pouvoir central exercerait sur les affaires internes du village.
— Plus qu'un simple observateur, corrigea respectueusement Madara, intervenant avec une précision diplomatique qui aurait surpris ceux ne connaissant que sa réputation martiale. Un membre à part entière du conseil, disposant d'un droit de regard sur toutes les décisions affectant directement les intérêts du Pays du Feu, et d'un accès complet aux informations stratégiques relevant de la sécurité nationale.
— Cependant, ajouta Tobirama avec une mesure délibérée, les opérations quotidiennes du village – attributions des missions standards, développement des techniques shinobi, formation des nouvelles générations – resteraient sous la direction des leaders claniques afin de préserver l'efficacité opérationnelle essentielle à notre valeur pour le royaume.
Le conseiller militaire se pencha légèrement en avant, son intérêt manifestement piqué.
— Et qui, précisément, dirigerait cette entité complexe? La question du leadership opérationnel n'a pas été clairement définie dans votre présentation.
C'était là une question fondamentale – celle qui, historiquement, avait contribué à la rupture entre Madara et Hashirama dans la ligne temporelle que Sakura avait connue.
Elle observa attentivement la réaction des deux fondateurs, consciente de l'importance cruciale de ce moment. Hashirama et Madara échangèrent un regard lourd de signification avant que le chef Senju ne réponde avec une conviction tranquille:
— Nous envisageons un leadership conjoint, au moins initialement. Madara Uchiha et moi-même partagerions la responsabilité directionnelle, chacun apportant les perspectives et forces complémentaires de nos traditions respectives.
— Un arrangement... inhabituel, commenta l'historien avec un intérêt académique évident. Je ne trouve aucun précédent d'une telle gouvernance duelle dans les archives shinobi.
— L'absence de précédent n'invalide pas nécessairement une innovation, intervint Sakura, saisissant l'opportunité d'introduire une perspective différente. L'histoire des clans shinobis est riche en exemples où les approches traditionnelles ont atteint leurs limites, nécessitant l'exploration de nouvelles structures.
L'historien la considéra avec une curiosité nouvelle.
— Vous êtes... Sakura Uchiha, n'est-ce pas? La médic-nin dont on m'a rapporté l'intervention lors de l'audience initiale.
— En effet, confirma-t-elle simplement, maintenant son expression professionnellement neutre malgré sa surprise d'avoir été spécifiquement identifiée.
— Votre perspective est intéressante, poursuivit-il, son ton passant de l'interrogatif au conversationnel. Particulièrement venant d'une membre d'un clan aussi attaché à ses traditions ancestrales que les Uchiha. Pourriez-vous élaborer sur cette vision... évolutionnaire que vous semblez défendre?
Cette invitation directe à s'exprimer sur un sujet fondamental, en présence de l'ensemble des négociateurs, représentait une opportunité significative.
Sakura sentit les regards attentifs de tous les participants se tourner vers elle – y compris ceux de Madara et Hashirama, manifestement curieux de sa réponse à cette question inattendue.
— Les traditions ont une valeur indéniable, commença-t-elle délibérément, formulant soigneusement ses pensées. Elles transmettent la sagesse accumulée des générations précédentes, fournissant stabilité et identité dans un monde en constant changement.
L'historien acquiesça, visiblement satisfait de cette reconnaissance initiale des valeurs traditionnelles.
— Cependant, poursuivit-elle, les traditions les plus durables dans l'histoire shinobi ont toujours été celles capables d'adaptation face aux réalités changeantes. Les clans qui se sont rigidement accrochés à des structures obsolètes ont invariablement décliné, tandis que ceux capables d'intégrer de nouvelles approches tout en préservant leurs valeurs fondamentales ont prospéré.
Elle désigna respectueusement le diagramme de gouvernance qu'ils avaient présenté.
— Ce modèle de leadership partagé ne rejette pas nos traditions respectives – il les honore en reconnaissant que leurs forces complémentaires, lorsqu'elles sont harmonieusement intégrées, créent quelque chose de plus grand que la simple somme de ses parties.
Un silence pensif accueillit cette explication, plusieurs conseillers échangeant des regards évaluateurs avant que Mochizuki ne reprenne le fil de la discussion.
— Une perspective éloquente, reconnut-il avec une inclinaison respectueuse de la tête. Et qui soulève naturellement la question suivante: comment ce leadership dual évoluerait-il avec le temps? S'agirait-il d'un arrangement permanent, ou d'une phase transitoire vers une structure plus... conventionnelle?
Cette question touchait précisément l'un des aspects que leur délégation avait délibérément laissé ambigus dans leur proposition initiale. Dans sa ligne temporelle d'origine, le système du Hokage s'était établi relativement rapidement, avec Hashirama assumant seul le leadership formel de Konoha. Ici, ils exploraient une possibilité fondamentalement différente.
À sa légère surprise, ce fut Madara qui répondit, sa voix remarquablement mesurée pour une question si personnellement significative.
— Nous envisageons cette structure comme évolutive plutôt que transitoire, expliqua-t-il. Non pas comme un compromis temporaire, mais comme un modèle qui pourrait lui-même s'adapter aux besoins changeants du village à mesure qu'il se développerait.
Il fit un geste inclusif vers l'ensemble des délégations shinobi.
— À terme, ce leadership pourrait éventuellement s'élargir pour intégrer d'autres clans qui rejoindraient notre alliance, créant un conseil directeur représentatif de la diversité complète de Konoha, tout en maintenant l'efficacité décisionnelle nécessaire à une organisation shinobi.
Cette vision – radicalement différente du modèle de Hokage unique que Sakura avait connu – créa une onde de murmures intéressés parmi les conseillers du daimyō.
L'idée d'un pouvoir shinobi distribué plutôt que concentré semblait les intriguer, peut-être parce qu'elle paraissait moins menaçante pour l'autorité centrale que le modèle de leadership unique et puissant qu'était devenu le Hokage dans l'histoire originale.
— Fascinant, murmura l'historien, prenant des notes frénétiques. Une évolution potentielle des structures de pouvoir shinobi qui n'a jamais été tentée à cette échelle.
Les négociations se poursuivirent toute la matinée, abordant successivement les questions territoriales, fiscales, diplomatiques et militaires.
À chaque sujet, les délégations shinobi présentaient leur vision, les conseillers du daimyō soulevaient des préoccupations ou des demandes d'ajustement, et progressivement, un cadre concret commençait à émerger.
Sakura contribuait périodiquement, particulièrement sur les aspects médicaux et éducatifs du futur village, domaines où sa double perspective – à la fois shinobi et médecin – apportait une valeur unique. À sa satisfaction croissante, elle constatait que plusieurs de ses suggestions, inspirées par des développements qu'elle avait connus dans sa ligne temporelle d'origine mais présentées comme des innovations théoriques, étaient accueillies avec un intérêt particulier.
Lorsque midi approcha, Mochizuki suggéra une pause, permettant à chaque délégation de se retirer pour des consultations internes avant la reprise des discussions l'après-midi.
Les délégations shinobi furent escortées vers un jardin privé adjacent où un léger repas avait été préparé – un environnement suffisamment agréable pour suggérer le respect, mais soigneusement placé pour prévenir toute communication non supervisée avec l'extérieur du palais.
— Les négociations progressent remarquablement bien, observa Hashirama une fois qu'ils furent installés dans l'intimité relative du jardin. Leur réceptivité dépasse mes attentes les plus optimistes.
— Ne confondons pas intérêt intellectuel et acceptation politique, tempéra prudemment Tobirama, sa prudence caractéristique servant de contrepoids utile à l'enthousiasme de son frère. Ils sont intrigués par notre proposition, certainement, mais cherchent encore comment l'encadrer pour maximiser leur contrôle.
— Une réaction parfaitement prévisible et légitime de leur perspective, intervint Madara avec une objectivité qui surprit légèrement Sakura. Notre proposition représente une transformation fondamentale de l'équilibre du pouvoir dans la région. Leur vigilance est naturelle.
— Ce qui me frappe, observa Izuna après un moment de réflexion, c'est leur intérêt particulier pour le modèle de leadership partagé. Ils semblent presque... soulagés par cette approche.
— Une puissance shinobi fragmentée paraît moins menaçante qu'une autorité unifiée sous un commandement unique, confirma Sakura, articulant ce que plusieurs pensaient probablement. Du point de vue du daimyō, un conseil représentatif avec des intérêts potentiellement divergents est plus facilement influençable qu'un chef unique disposant d'une autorité absolue.
Hashirama médita cette observation, son expression révélant le processus de réflexion stratégique qui se déroulait derrière son apparence habituellement joviale.
— Ce qui soulève la question suivante, dit-il finalement. Cette perception représente-t-elle une opportunité stratégique à exploiter, ou un malentendu fondamental à clarifier?
— Peut-être ni l'un ni l'autre, suggéra doucement Sakura. Peut-être est-ce simplement une base commune sur laquelle construire une compréhension mutuellement bénéfique.
Madara l'observa avec une intensité particulière, comme s'il évaluait les implications multidimensionnelles de cette perspective.
— Développe cette pensée, l'encouragea-t-il.
— Le modèle que nous proposons est authentiquement différent d'un pouvoir concentré en une seule personne, expliqua-t-elle, choisissant soigneusement ses mots pour naviguer entre sa connaissance du futur alternatif et la réalité qu'ils tentaient de façonner. Cette gouvernance partagée n'est pas simplement une façade diplomatique, mais une vision sincère d'un équilibre plus durable entre nos traditions diverses.
Elle fit un geste englobant leurs délégations entrelacées.
— Si le daimyō perçoit cela comme plus compatible avec ses intérêts, c'est peut-être parce que cette structure contient réellement le potentiel d'une coexistence plus harmonieuse entre le pouvoir shinobi et l'autorité séculière.
Un silence méditatif suivit cette observation, chacun considérant ses implications à travers le prisme de sa propre perspective.
Pour Sakura, cette conversation représentait peut-être le point de divergence le plus significatif avec l'histoire qu'elle avait connue – l'émergence conceptuelle d'un Konoha fondamentalement différent dans sa structure de gouvernance même.
Finalement, Hashirama brisa le silence avec une simplicité désarmante: — Une vision qui mérite d'être explorée pleinement. Non pas comme une manœuvre tactique, mais comme une possibilité authentique d'évolution.
Madara acquiesça, son expression révélant une ouverture réfléchie qui contrasta fortement avec l'image du chef de clan inflexible décrit dans les récits historiques que Sakura avait étudiés.
— Poursuivons dans cette direction cet après-midi, confirma-t-il. Tout en restant vigilants concernant les limitations pratiques qu'ils tenteront certainement d'imposer.
Toutefois, la reprise des négociations l'après-midi prit une tournure inattendue. Les délégations shinobi, revigorées par leur discussion stratégique durant la pause, retrouvèrent les conseillers du daimyō qui semblaient avoir également tenu leurs propres consultations.
L'atmosphère avait subtilement changé – la curiosité intellectuelle du matin cédait maintenant la place à une détermination pragmatique plus affirmée.
Mochizuki, le conseiller principal, ouvrit cette nouvelle session avec une transition abrupte des considérations générales vers les aspects juridiques spécifiques.
— Nous avons examiné attentivement votre proposition de structure gouvernementale, commença-t-il, faisant signe au conseiller juridique de distribuer plusieurs documents soigneusement calligraphiés. Bien que conceptuellement intéressante, elle soulève d'importantes complications légales que nous devons résoudre.
Le conseiller juridique – un homme d'âge moyen nommé Saito, dont l'expression perpétuellement sérieuse reflétait des décennies passées à naviguer dans les complexités légales de la cour – prit la parole avec une précision méthodique.
— Après consultation des archives historiques et des précédents juridiques pertinents, plusieurs obstacles fondamentaux apparaissent concernant votre modèle de leadership partagé, expliqua-t-il, son ton parfaitement neutre masquant la portée potentiellement explosive de ses observations.
Il déploya un rouleau ancien sur la table centrale, révélant un document contractuel visiblement historique.
— Le Traité des Provinces Unifiées, établi sous le règne du troisième daimyō, stipule explicitement que toute entité territoriale au sein du Pays du Feu doit posséder une "autorité dirigeante singulière et identifiable" avec laquelle la couronne puisse établir des relations contractuelles formelles.
Tobirama fronça légèrement les sourcils, son esprit analytique évaluant immédiatement les implications de cette référence obscure mais potentiellement contraignante.
— Un traité datant de près d'un siècle, observa-t-il prudemment. Établi dans un contexte historique radicalement différent, avant même l'émergence des structures claniques modernes.
— Néanmoins juridiquement contraignant, répondit Saito sans émotion. Jamais abrogé ni amendé, et donc pleinement applicable aux arrangements territoriaux contemporains.
Hashirama et Madara échangèrent un regard lourd de signification, percevant simultanément la manœuvre stratégique qui se déployait.
Le conseiller historien intervint alors, comme pour renforcer cette position avec une perspective culturelle:
— Cette exigence d'une autorité singulière n'est pas simplement une formalité légale, précisa-t-il. Elle reflète une sagesse gouvernementale éprouvée. Les structures de leadership dual ou collectif ont historiquement démontré une vulnérabilité aux paralysies décisionnelles, particulièrement en situations de crise.
Il déroula plusieurs autres documents, révélant des illustrations historiques et des chroniques annotées.
— Les archives documentent au moins sept tentatives significatives de gouvernance partagée parmi diverses factions shinobi ou samuraï. Six ont échoué dans les cinq premières années, généralement culminant en conflits internes. La septième a perduré près d'une décennie avant de s'effondrer dans des circonstances particulièrement... regrettables.
Sakura observait attentivement non seulement les arguments présentés, mais les réactions subtiles des deux délégations shinobi. Cette direction inattendue représentait potentiellement un retour vers la trajectoire historique qu'elle avait connue – un Konoha sous l'autorité unique d'un Hokage plutôt qu'une structure de leadership véritablement partagée.
Madara demeura remarquablement calme face à ce qui aurait pu être interprété comme une tentative de saper l'équilibre proposé entre Uchiha et Senju.
— Ces préoccupations sont légitimes et méritent considération, reconnut-il avec une diplomatie mesurée. Cependant, notre proposition n'est pas une simple réplication de modèles historiques, mais une innovation structurelle spécifiquement conçue pour transcender les limitations passées.
Mochizuki inclina respectueusement la tête, reconnaissant l'argument, avant de présenter ce qui semblait être leur véritable position:
— Nous comprenons parfaitement l'importance symbolique et pratique d'une représentation équilibrée des deux clans fondateurs, affirma-t-il. Notre suggestion n'est pas d'abandonner cette vision, mais de la restructurer d'une manière juridiquement viable.
Tobirama, toujours le premier à saisir les implications pragmatiques, intervint avec une précision caractéristique:
— Vous suggérez donc que notre structure proposée est fondamentalement inacceptable d'un point de vue légal?
— Pas inacceptable, corrigea Mochizuki avec une nuance soigneusement calibrée. Inadéquate dans sa forme actuelle pour recevoir l’accord formel requis du daimyō.
Un silence lourd de tension suivit cette déclaration, chaque délégation évaluant silencieusement les implications de cette limitation apparemment non négociable.
Sakura observait attentivement les réactions subtiles, particulièrement celle de Madara, craignant que cette opposition fondamentale à leur vision partagée ne réveille les germes de méfiance qui avaient défini sa trajectoire historique.
De façon surprenante, ce fut l'un des conseillers économiques du daimyō, resté silencieux jusqu'alors, qui brisa ce moment de tension avec une proposition inattendue:
— Si je puis me permettre, honorables délégations, il existe peut-être une structure alternative qui pourrait préserver l'esprit de votre vision tout en satisfaisant les exigences légales du royaume.
Tous les regards se tournèrent vers lui – un homme d'âge moyen nommé Takayama, connu pour ses réformes innovantes dans l'administration provinciale.
Le conseiller juridique prit la relève, présentant un nouveau diagramme organisationnel soigneusement préparé.
— Un modèle où un chef exécutif unique serait sélectionné selon un processus formalisé combinant l'approbation d'un conseil représentatif et la voix de la population du village satisferait pleinement les exigences légales tout en préservant vos objectifs d'équilibre.
La direction que prenait cette discussion créait une tension palpable. D'un côté, elle réintroduisait le concept d'un leadership individuel qui avait historiquement favorisé Hashirama sur Madara. De l'autre, elle proposait un mécanisme de sélection potentiellement plus équitable que la simple désignation qui s'était produite dans l'histoire originale.
Sakura observait attentivement Madara, cherchant les signes subtils de résistance ou d'aliénation qui avaient marqué le début de sa divergence historique d'avec Konoha. À sa surprise, son expression demeurait analytique plutôt que défensive – évaluant activement cette proposition plutôt que s'y opposant instinctivement.
Avant que quiconque ne puisse répondre, le conseiller militaire du daimyō – un vétéran respecté aux nombreuses cicatrices témoignant de son expérience de combat – ajouta une dimension nouvelle et inattendue:
— Un tel leadership, particulièrement dans un village composé de guerriers d'élite, nécessiterait naturellement une légitimité double – à la fois politique et martiale. Il se tourna respectueusement vers les délégations shinobi.
— Dans les traditions militaires du Pays du Feu, l'autorité de commandement dérive non seulement de la position formelle, mais également de la capacité démontrée à exercer cette autorité. Un chef qui n'a pas prouvé sa force ne peut commander le respect authentique de ceux qui risquent leur vie sous ses ordres.
Cette observation, délivrée avec la conviction tranquille de l'expérience, introduisait une composante méritocratique à la discussion – l'idée que le leadership de Konoha devrait être déterminé non seulement par un processus électoral, mais également par une démonstration concrète de puissance et de compétence.
Izuna, silencieux jusqu'alors, intervint avec une appréciation évidente pour cette perspective:
— Cette considération s'aligne remarquablement avec les traditions shinobi, observa-t-il. Le respect véritable parmi les nôtres a toujours dérivé de la capacité démontrée, pas simplement des titres ou positions formelles.
— Précisément, confirma le conseiller militaire. Un système où les candidats potentiels devraient démontrer non seulement leur vision politique mais également leur capacité martiale créerait une autorité possédant légitimité complète aux yeux de tous – civils comme shinobi, daimyō comme conseillers locaux.
Sakura percevait le changement subtil dans la dynamique de la salle – cette suggestion résonnait manifestement avec les sensibilités shinobi des deux clans, transcendant momentanément leurs différences historiques. L'idée que le leadership devrait être gagné plutôt que simplement accordé créait un terrain commun inattendu.
Hashirama, avec sa capacité caractéristique à synthétiser des perspectives divergentes en une vision unifiée, intervint alors:
— Cette approche présente un mérite considérable, reconnut-il. Elle créerait un leadership possédant triple légitimité – juridique par sa structure conforme aux exigences du royaume, représentative par son processus de sélection impliquant le conseil et la population, et méritocratique par la démonstration concrète de capacité.
Il se tourna vers Madara, une question implicite dans son regard – cherchant sa perspective sur cette direction conceptuelle radicalement différente de leur vision initiale.
Madara demeura silencieux un moment, son expression indéchiffrable alors qu'il considérait les implications multidimensionnelles de cette proposition.
Lorsqu'il parla finalement, sa voix portait une conviction réfléchie:
— Un village shinobi, plus que toute autre institution, doit être guidé par ceux dont la force et la sagesse ont été démontrées, pas simplement présumées ou héritées, déclara-t-il. Un processus qui permettrait aux plus capables d'émerger, indépendamment de leur affiliation clanique, servirait peut-être mieux notre vision ultime qu'une alternance prédéterminée ou une division artificielle du pouvoir.
Cette acceptation conceptuelle – reconnaissant la valeur d'un leadership mérité plutôt qu'attribué – représentait une évolution significative par rapport à la position historique de Madara, qui avait souvent insisté sur les droits inhérents des Uchiha plutôt que sur la démonstration de mérite individuel.
Mochizuki, percevant cette ouverture critique, signala immédiatement au conseiller juridique de présenter un cadre plus détaillé.
Saito déploya un diagramme élaboré illustrant une structure gouvernementale qui intégrait les éléments discutés:
— Une proposition structurelle pourrait ressembler à ceci, expliqua-t-il méthodiquement. Un chef exécutif unique sélectionné par un processus combinant trois éléments de légitimation: un vote du conseil représentatif du village, une consultation populaire des résidents, et une démonstration formelle de puissance et compétence confirmant l'aptitude au leadership.
Le conseiller militaire élabora sur ce dernier aspect:
— Cette démonstration ne serait pas un simple tournoi de combat, précisa-t-il. Mais une évaluation complète des capacités essentielles au leadership d'un village shinobi – stratégie, puissance martiale, jugement en situation de crise, et sagesse diplomatique.
Alors que les détails de cette structure émergente étaient discutés avec une intensité croissante, Sakura observait avec fascination cette transformation fondamentale de leur vision originale.
Ce qui avait commencé comme une contrainte légale imposée par les conseillers du daimyō évoluait maintenant vers quelque chose de potentiellement plus robuste que leur proposition initiale – un système combinant les avantages d'un leadership clair avec des mécanismes assurant sa légitimité à multiples niveaux.
Plus significativement, elle notait l'engagement substantiel de Madara dans cette discussion.
Là où l'histoire l'avait dépeint comme progressivement aliéné par l'émergence de Hashirama comme leader unique de Konoha, il participait maintenant activement à la conception d'un système où le leadership serait déterminé par le mérite démontré plutôt que par l'affiliation clanique ou l'influence politique.
Les heures suivantes furent consacrées à une analyse minutieuse de ce cadre constitutionnel proposé.
Chaque article, chaque clause, chaque formulation fut examinée, débattue et progressivement affinée. Le concept initial d'un "Hokage" – terme que Hashirama introduisit presque naturellement dans la discussion – fut défini en long, en large et en travers.
Les détails techniques du processus électoral, les paramètres spécifiques de la démonstration de compétence, les pouvoirs précis du Hokage vis-à-vis du conseil – chaque aspect fut minutieusement débattu, analysé, et progressivement affiné.
Tobirama, avec sa précision analytique caractéristique, fut particulièrement instrumental dans l'élaboration des contrepoids institutionnels au pouvoir du Hokage. Izuna, apportant la perspective traditionnellement méfiante des Uchiha, contribua significativement aux protocoles de transparence et de redevabilité.
Sakura participait activement à ces discussions, particulièrement concernant les aspects institutionnels qu'elle avait connus dans sa ligne temporelle d'origine – l'académie shinobi, le système de missions, les structures médicales.
Mais une partie de son attention restait constamment fixée sur Madara, observant attentivement comment il naviguait dans cette transformation fondamentale de leur vision initiale. À sa surprise croissante, il démontrait une adaptabilité remarquable, engageant substantiellement chaque aspect du cadre proposé sans la résistance rigide qu'elle aurait pu anticiper basée sur les récits historiques.
Alors que le soleil commençait à décliner, illuminant la salle de conférence d'une lumière dorée, Mochizuki suggéra de conclure la session pour la journée.
Les progrès réalisés dépassaient manifestement ses attentes initiales – un cadre constitutionnel préliminaire avait été substantiellement développé, avec des principes clés établis et des mécanismes spécifiques identifiés pour implémentation future.
— Demain, proposa-t-il, nous aborderons les aspects territoriaux et économiques, avec l'expertise de nos conseillers spécialisés dans ces domaines. Puis le surlendemain, si nos progrès se maintiennent à ce rythme impressionnant, nous pourrions envisager la préparation d'un document préliminaire pour considération formelle par Sa Seigneurie.
Cette suggestion – impliquant que les négociations pourraient se conclure bien plus rapidement que prévu initialement – fut accueillie avec une satisfaction prudente par les délégations shinobi. La transformation de leur vision en un cadre juridiquement viable progressait à une vitesse remarquable, portée par une dynamique collaborative qui aurait semblé impossible quelques mois auparavant.
Tandis que les participants se dispersaient, rassemblant leurs notes et documents après cette longue session de négociation, Sakura se retrouva momentanément seule avec Madara près de l'une des grandes fenêtres donnant sur les jardins du palais.
— Une journée aux développements... inattendus, observa-t-elle prudemment, cherchant à jauger sa véritable perspective sur cette transformation fondamentale de leur vision initiale.
Madara contempla un moment l'horizon crépusculaire avant de répondre:
— Les formes changent, mais l'essence perdure, répondit-il avec une philosophie surprenante. Un village où le leadership est déterminé par le mérite réel plutôt que l'héritage clanique ou les manœuvres politiques représente peut-être une vision plus pure que celle que nous avions initialement formulée.
Il se tourna légèrement vers elle, son expression reflétant une nuance rarement visible – une ouverture réflexive qui contrastait avec l'image historique de l'inflexible chef Uchiha.
— Ce qui importe n'est pas que le leadership soit partagé dans sa forme, mais qu'il soit accessible équitablement dans sa substance, poursuivit-il. Un système où le plus capable peut s'élever, qu'il soit Uchiha, Senju, ou d'un autre clan, servirait peut-être mieux notre objectif ultime qu'une alternance rigide ou une division artificielle du pouvoir.
Cette perspective – valorisant le mérite individuel au-delà de l'identité clanique – représentait une évolution remarquable par rapport au Madara que l'histoire avait dépeint, souvent préoccupé principalement par la position collective des Uchiha plutôt que par un système véritablement méritocratique.
— Une vision qui pourrait vraiment transcender les divisions historiques, acquiesça-t-elle doucement, sincèrement impressionnée par cette évolution philosophique.
Un sourire presque imperceptible traversa son visage habituellement stoïque.
— Tu sembles surprise, Sakura, observa-t-il. Tu pensais que ma préoccupation principale était simplement le pouvoir pour les Uchiha, plutôt que la création d'un système fondamentalement juste?
Cette question, posée sans accusation mais avec une perspicacité tranquille, effleura dangereusement les limites de son secret fondamental – sa connaissance d'une version différente de lui-même et de l'histoire.
— Je pense que beaucoup sous-estiment la profondeur de votre vision, répondit-elle prudemment. Voyant le guerrier redoutable sans percevoir le philosophe réfléchi.
Il accepta cette réponse avec un léger hochement de tête, son attention retournant vers l'horizon où les derniers rayons du soleil doraient les jardins du palais.
— Demain, nous affinerons les détails de cette structure, dit-il simplement. Une tâche moins conceptuellement stimulante, peut-être, mais tout aussi cruciale pour l'avenir de ce village que nous envisageons.
Avec ces paroles, il se détourna pour rejoindre Izuna qui attendait à l'entrée de la salle, laissant Sakura seule avec ses réflexions sur cette journée transformative.
Cette nuit-là, dans le calme de ses quartiers, Sakura contempla les implications de ces développements extraordinaires. L'histoire prenait une direction qu'elle n'aurait jamais anticipée – un Konoha qui serait effectivement dirigé par un Hokage unique, mais sélectionné par un processus radicalement différent de celui qu'elle avait connu.
La simple nomination qui avait historiquement favorisé Hashirama serait remplacée par un système sophistiqué combinant approbation représentative, participation populaire, et démonstration méritocratique de capacité.
Plus significativement, Madara lui-même semblait non seulement accepter mais activement valoriser cette approche, voyant dans ce système basé sur le mérite une réalisation peut-être plus authentique de leur vision partagée qu'une simple division formelle du pouvoir.
Alors que le sommeil l'enveloppait progressivement, une pensée persistante occupait son esprit: peut-être que le véritable potentiel de transformation ne résidait pas simplement dans les structures formelles qu'ils établissaient, mais dans l'évolution philosophique des personnes qui les animeraient – particulièrement celle de Madara Uchiha, dont la trajectoire semblait désormais diverger fondamentalement de celle que l'histoire avait connue.
***
L'aube du troisième jour au palais du daimyō amena une atmosphère différente – l'excitation conceptuelle des innovations structurelles cédant progressivement la place à la minutie technique nécessaire pour transformer ces visions en réalités juridiques viables.
Les délégations shinobi retrouvèrent les conseillers impériaux dans la même salle de conférence, désormais tapissée de diagrammes, ébauches constitutionnelles et notes techniques accumulées au cours des discussions précédentes.
Sakura arriva tôt, désireuse d'examiner certains documents avant le début formel des négociations.
La structure gouvernementale qui avait émergé la veille représentait une innovation fondamentale – une synthèse sophistiquée entre leadership unifié et légitimité pluraliste qui n'avait jamais existé dans sa ligne temporelle d'origine.
Mochizuki, déjà présent avec plusieurs conseillers juridiques, l'accueillit avec une déférence qui reflétait son statut désormais reconnu au sein des négociations.
— Sakura-san, votre perspicacité lors des discussions d'hier était particulièrement remarquable, observa-t-il courtoisement.
— Le mérite revient à la sagesse collective, répondit-elle diplomatiquement. Particulièrement aux contributions du conseiller militaire.
Le conseiller juridique principal, Saito, s'approcha avec plusieurs parchemins fraîchement calligraphiés.
— Nous avons formulé une ébauche préliminaire des procédures de sélection du Hokage, expliqua-t-il, déployant soigneusement le document principal. Une codification des trois piliers de légitimité discutés hier.
Le document révélait un processus remarquablement détaillé et équilibré:
Premièrement, la nomination des candidats potentiels par le Conseil du Village – un organe représentatif comprenant des membres désignés par chaque clan constituant, avec une représentation proportionnelle à leur taille mais un plafond empêchant toute majorité absolue.
Deuxièmement, un vote consultatif des citoyens adultes du village, pondéré pour assurer que les voix civiles et shinobis soient équitablement représentées, créant ainsi une légitimité populaire transcendant les divisions sociales.
Troisièmement – et c'était l'innovation la plus significative – une démonstration formelle d'aptitude que le document désignait sous le terme "Épreuve du Feu de la Volonté", où les candidats finalistes devraient démontrer leurs capacités martiales, intellectuelles et diplomatiques devant un panel comprenant des représentants des clans, du daimyō, et de la population civile.
— L'Épreuve a été conçue pour évaluer l'ensemble des qualités essentielles à un Hokage, pas simplement la puissance brute, expliqua le conseiller militaire qui venait de les rejoindre. Elle inclurait des éléments de stratégie, de résolution de crises simulées, et de démonstration de techniques distinctives représentant la maîtrise shinobi.
Cette conception, allant bien au-delà d'un simple combat ou tournoi, reflétait une compréhension sophistiquée des multiples dimensions du leadership nécessaire pour le village envisagé.
— Un processus remarquablement équilibré, reconnut Sakura après avoir étudié attentivement le document. Il évalue véritablement l'individu au-delà de son affiliation clanique ou de ses connexions politiques.
— Précisément notre intention, confirma Saito avec satisfaction professionnelle. La légitimité d'un leadership aussi significatif doit transcender les considérations factionnelles traditionnelles.
À mesure que le reste des délégations arrivait, la salle s'animait progressivement.
Madara et Hashirama, entrant presque simultanément par des portes opposées de la salle, convergèrent naturellement vers la table principale où les ébauches constitutionnelles étaient désormais étalées.
Leur synchronicité inconsciente, notée par plusieurs observateurs, semblait symboliser l'harmonisation progressive de leurs visions respectives.
La session formelle débuta avec une revue méthodique du cadre développé la veille, chaque aspect étant maintenant enrichi de détails techniques et procéduraux. Le processus électoral, les pouvoirs spécifiques du Hokage, ses limitations constitutionnelles, la structure et composition du Conseil – chaque élément fut minutieusement analysé et progressivement affiné.
— Concernant la durée du mandat du Hokage, intervint Tobirama avec sa précision caractéristique. Avons-nous déterminé s'il s'agirait d'une position à terme fixe ou indéterminé?
Cette question fondamentale, qui n'avait pas été explicitement adressée la veille, créa un moment de réflexion collective.
— Les précédents historiques suggèrent que les positions de leadership shinobi ont traditionnellement été maintenues jusqu'à incapacité, retraite volontaire ou... remplacement forcé, observa l'historien avec une formulation diplomatique pour éviter la mention directe d'assassinats ou coups d'état.
— Une approche qui a démontré certaines limitations évidentes, commenta sèchement Izuna.
Madara, qui avait écouté attentivement sans intervenir jusqu'alors, prit la parole avec une conviction mesurée:
— Un mandat sans limites prédéfinies risque de fossiliser le leadership et d'entraver l'évolution naturelle du village, observa-t-il. Cependant, des termes trop brefs pourraient compromettre la stabilité et la vision à long terme essentielle au développement d'une institution aussi novatrice.
Cette position – favorisant implicitement une limitation du pouvoir temporel – contrastait remarquablement avec l'image historique d'un Madara recherchant l'autorité permanente. Sakura observait cette évolution philosophique avec un mélange de fascination et d'espoir prudent.
Hashirama, semblant parfaitement aligné avec cette perspective, développa immédiatement cette direction:
— Peut-être un terme défini mais substantiel, suggéra-t-il. Suffisamment long pour permettre l'implémentation de visions significatives, mais avec une conclusion naturelle nécessitant renouvellement explicite de la confiance accordée.
Le conseiller juridique, manifestement préparé pour cette discussion, présenta immédiatement plusieurs modèles potentiels – allant de mandats de cinq ans renouvelables à des périodes plus longues avec limitations sur les renouvellements consécutifs.
Après une discussion approfondie, un consensus émergea autour d'un modèle novateur: un mandat initial de dix ans, avec possibilité de renouvellement, mais incluant une évaluation formelle des accomplissements du premier terme.
— Cette structure encouragerait une gouvernance orientée vers des résultats démontrables plutôt que le simple maintien du pouvoir, observa Sakura, articulant un bénéfice que plusieurs percevaient intuitivement.
— Exactement, confirma Madara avec approbation. Elle institutionnaliserait l'évaluation méritocratique non seulement pour l'accession initiale mais pour la continuation même du leadership.
La discussion progressa vers les mécanismes de succession en cas d'incapacité soudaine ou de décès en fonction, un aspect critique pour toute structure gouvernementale mais particulièrement pertinent dans le contexte d'un village shinobi où les risques professionnels restaient considérables même pour les plus puissants.
Un système sophistiqué d'intérim fut progressivement élaboré, équilibrant continuité administrative et opportunité de sélection méritocratique pour le leadership permanent. Le Conseil jouerait un rôle central dans cette transition, assurant stabilité institutionnelle tout en activant les mécanismes formels de sélection du nouveau Hokage.
Alors que la matinée avançait, Sakura ne pouvait s'empêcher de comparer cette conception méthodique avec l'histoire qu'elle avait connue – où la succession des Hokage avait souvent été déterminée par des circonstances immédiates et des décisions personnelles plutôt que par un processus institutionnel clairement défini.
Cette approche systématique, intégrant dès l'origine des mécanismes de transmission ordonnée du pouvoir, représentait peut-être l'une des innovations les plus significatives par rapport à sa ligne temporelle d'origine.
Après une brève pause méridienne, les discussions reprirent avec un focus sur l'aspect territorial – la délimitation précise des terres qui constitueraient Konoha et leur statut juridique vis-à-vis du domaine royal. Cette question, apparemment technique, portait des implications profondes concernant l'autonomie réelle dont disposerait le village.
À la surprise générale, le daimyō lui-même fit une apparition brève mais significative durant cette portion des négociations.
Entrant sans cérémonie excessive mais néanmoins accompagné d'une escorte impressionnante, il observa silencieusement les discussions pendant près d'une heure avant d'intervenir avec une déclaration soigneusement mesurée:
— La force du Pays du Feu a toujours résidé dans sa diversité unifiée, observa-t-il, sa voix calme mais portant naturellement l'autorité de générations de pouvoir incontesté. Ce village que vous envisagez représente potentiellement la prochaine évolution de cette tradition – distinctif dans son identité mais intégré dans notre vision collective.
Il désigna la carte territoriale actuellement discutée.
— Je suis disposé à accorder un territoire substantiel pour cet établissement, avec des droits administratifs considérables reflétant sa nature unique. Cependant, deux conditions fondamentales demeureront non négociables.
Le silence absolu qui suivit cette déclaration reflétait l'importance capitale de ces conditions à venir.
— Premièrement, la loyauté ultime de ce village envers le Pays du Feu et sa couronne devra être formellement reconnue et périodiquement réaffirmée par chaque nouveau Hokage.
Cette première condition, largement anticipée, suscita des acquiescements généraux – elle représentait essentiellement la formalisation de la relation que tous avaient implicitement acceptée.
— Deuxièmement, poursuivit-il avec une intensité subtile mais perceptible, les services de ce village seront disponibles pour des éventuelles missions commandées directement par la couronne, avec priorité sur les engagements commerciaux ou claniques.
Cette seconde condition, bien que prévisible dans son essence, contenait des implications potentiellement plus complexes concernant l'autonomie opérationnelle du futur Konoha.
Elle suscita un échange de regards évaluateurs entre Madara et Hashirama, une communication silencieuse pesant les implications stratégiques de cet arrangement.
Avant que quiconque ne puisse formuler une réponse, le daimyō ajouta une précision significative:
— Naturellement, ces missions seraient compensées à valeur appropriée et limitées à des situations d'importance véritablement nationale, pas des caprices administratifs ordinaires.
Cette clarification, offerte spontanément, créait un espace de négociation tout en maintenant le principe fondamental de l'autorité royale.
Hashirama, démontrant l'instinct diplomatique qui caractériserait son leadership historique, répondit avec une déférence respectueuse mais non servile:
— La vision de Votre Seigneurie concernant cette relation symbiotique s'aligne remarquablement avec nos propres aspirations. Ce cadre de soutien mutuel et respect réciproque pourrait effectivement former la base d'une association durable bénéficiant à toutes les parties.
Cette formulation habile reconnaissait l'autorité du daimyō tout en soulignant subtilement la nature bidirectionnelle de la relation envisagée – non pas une simple subordination, mais un partenariat structuré avec bénéfices mutuels.
Le daimyō considéra cette réponse avec une approbation mesurée avant de se tourner vers Madara, manifestement curieux de la perspective Uchiha sur ces conditions.
— L'efficacité d'une telle structure dépendra naturellement de la clarté des protocoles opérationnels, observa Madara avec une précision technique qui rappelait sa profonde expérience de commandement militaire. Des paramètres bien définis concernant la fréquence, portée et nature de ces missions royales assureraient que les ressources du village demeurent adéquatement équilibrées entre ces obligations et ses autres responsabilités.
Cette réponse – ni acceptation aveugle ni rejet déguisé – démontrait une sophistication diplomatique que l'histoire avait rarement attribuée au chef Uchiha, généralement dépeint comme direct jusqu'à la brutalité dans ses interactions politiques.
Le daimyō inclina légèrement la tête, reconnaissant la légitimité de cette considération.
— Ces paramètres spécifiques peuvent certainement être codifiés dans les accords formels, concéda-t-il avant de se retirer, ayant établi ses conditions fondamentales tout en laissant suffisamment d'espace pour la négociation des détails pratiques.
Son départ laissa une atmosphère intensifiée dans la salle – sa brève présence et ses déclarations directes avaient clarifié les attentes fondamentales du pouvoir royal tout en confirmant implicitement le sérieux avec lequel cette initiative était désormais considérée au plus haut niveau.
Les délibérations reprirent avec une intensité renouvelée, chaque aspect territorial et juridictionnel étant maintenant évalué non seulement pour sa fonctionnalité interne mais également pour sa compatibilité avec le cadre relationnel établi par le daimyō.
Alors que l'après-midi avançait, la structure composite de Konoha prenait une forme de plus en plus concrète – non plus simplement une vision aspirationnelle mais un plan implémentable avec frontières définies, structures gouvernementales spécifiques, et relations externes formalisées.
À mesure que les documents préliminaires étaient finalisés pour révision nocturne, Mochizuki suggéra que la journée suivante pourrait potentiellement marquer la conclusion formelle de ces négociations préliminaires – avec la préparation d'un accord-cadre pour approbation officielle par le daimyō et ratification par les clans fondateurs.
Cette annonce créa une onde d'anticipation parmi les délégations – le rythme accéléré des négociations, initialement envisagées comme un processus s'étendant sur plusieurs semaines, reflétait la convergence remarquable qui s'était développée malgré les complexités fondamentales impliquées.
Alors que les participants se dispersaient pour leurs consultations internes habituelles avant le dîner formel prévu ce soir-là, Sakura se retrouva momentanément seule avec Hashirama.
Hashirama l'étudia avec une intensité bienveillante mais pénétrante qui rappelait sa légendaire intuition concernant les motivations humaines.
— Sais-tu ce qui m'a le plus surpris durant ces négociations? demanda-t-il après un moment de réflexion.
Elle secoua légèrement la tête, intriguée par cette question inattendue.
— L'évolution de Madara, répondit-il simplement. Sa capacité à considérer – et même à valoriser – des structures qui distribuent plutôt que concentrent le pouvoir.
Cette observation, délivrée sans jugement mais avec une appréciation évidente, touchait précisément le changement fondamental que Sakura elle-même avait remarqué.
— Peut-être l'avons-nous tous sous-estimé, suggéra-t-elle prudemment. Confondant détermination avec rigidité, vision avec inflexibilité.
Un sourire chaleureux illumina le visage habituellement solennel d'Hashirama.
— Tu le défends avec une constance remarquable, observa-t-il. Une loyauté qui va manifestement au-delà des obligations claniques ordinaires.
Cette remarque, délivrée avec une subtilité inhabituelle pour l'habituellement direct Hashirama, contenait une question implicite concernant la nature exacte de sa relation avec le chef Uchiha.
— Je défends une vision qui mérite d'être pleinement reconnue, répondit-elle simplement, évitant délibérément d'adresser la question personnelle sous-jacente tout en maintenant une sincérité fondamentale.
Hashirama acquiesça pensivement avant de changer de sujet avec sa fluidité conversationnelle caractéristique, discutant brièvement des arrangements pour le dîner formel à venir avant de prendre congé pour rejoindre son frère qui l'attendait à distance.
***
Ce soir-là, le dîner officiel organisé pour les délégations prit une atmosphère notablement plus détendue que le banquet formel des premiers jours. Les barrières invisibles entre factions s'étaient progressivement dissoutes, remplacées par des regroupements plus organiques reflétant les intérêts partagés et les affinités intellectuelles qui avaient émergé durant ces intenses journées de négociation.
Sakura observait ces interactions avec une satisfaction prudente, notant particulièrement comment plusieurs conseillers du daimyō engageaient maintenant directement les membres shinobi des deux clans dans des conversations substantielles dépassant les formalités diplomatiques initiales.
Cette intégration progressive – bien que encore embryonnaire – représentait peut-être l'un des aspects les plus prometteurs de cette initiative, suggérant un potentiel de collaboration interculturelle qui transcendait les divisions historiques.
Alors que la soirée avançait, elle s'accorda un moment de réflexion dans l'un des balcons donnant sur les jardins illuminés du palais. Les derniers jours avaient vu émerger une vision de Konoha fondamentalement différente de celle qu'elle avait connue – similaire dans certains aspects fondamentaux mais profondément transformée dans ses structures sous-jacentes.
Le système de sélection du Hokage, combinant représentation institutionnelle, participation populaire et démonstration méritocratique de capacité, créait un modèle de leadership potentiellement plus robuste et adaptable que la succession parfois ad hoc qu'elle avait observée dans sa ligne temporelle d'origine.
Les limitations de mandat et mécanismes formels d'évaluation institutionnalisaient des principes de renouvellement et responsabilité qui pourraient prévenir la stagnation ou concentration excessive de pouvoir.
Plus significativement, l'évolution apparente de Madara – sa capacité à valoriser un système basé fondamentalement sur le mérite individuel plutôt que l'autorité clanique héritée – représentait peut-être la divergence la plus prometteuse par rapport à la trajectoire historique qu'elle avait connue.
— Des pensées profondes? demanda une voix familière derrière elle.
Elle se tourna pour trouver Madara qui l'avait rejointe silencieusement sur le balcon, sa capacité à se déplacer sans bruit remarquable même parmi les shinobis d'élite.
— Des réflexions sur la distance parcourue en si peu de temps, répondit-elle honnêtement. De l'idée abstraite d'alliance à un cadre institutionnel spécifique pour Konoha.
Il acquiesça, prenant position à ses côtés pour contempler les jardins nocturnes.
— Le véritable test viendra avec l'implémentation, observa-t-il après un moment de silence partagé. Les structures les plus élégantes sur parchemin peuvent se fracasser contre les réalités humaines fondamentales – ambition, peur, méfiance.
Cette reconnaissance lucide des défis pratiques qui les attendaient reflétait une maturité que l'histoire avait rarement attribuée au Madara d'avant-Konoha, généralement dépeint comme un idéaliste rapidement désillusionné par les premières difficultés concrètes.
— C'est précisément pourquoi les fondations doivent être solides, répondit-elle. Non pas rigides et inflexibles, mais adaptatives tout en maintenant leurs principes essentiels.
Un sourire presque imperceptible traversa son visage habituellement stoïque.
— Une sagesse applicable au-delà des institutions, observa-t-il énigmatiquement. Aux individus également.
Cette remarque, délivrée avec une nuance introspective inhabituelle, suggérait peut-être une conscience de sa propre évolution philosophique – de la vision parfois inflexible du chef clanique traditionnel vers une perspective plus fluide et adaptative.
Ils demeurèrent ainsi quelques minutes, partageant un silence confortable ponctué d'observations occasionnelles sur les développements de la journée ou les défis anticipés pour la conclusion des négociations.
Cette capacité à exister ensemble dans des moments de tranquillité, sans nécessité constante de remplir l'espace avec des paroles, représentait peut-être l'un des aspects les plus significatifs de leur relation évolutive.
Finalement, lorsque les obligations sociales les rappelèrent vers la réception principale, Madara se tourna vers elle avec une expression inhabituellement, il la contempla un instant avant de regagner la salle de réception.
Plus tard, alors que Sakura préparait ses notes finales pour les discussions conclusives du lendemain, elle ressentit un mélange complexe d'espoir prudent et de vigilance persistante.
Madara-sama a raison, pensa-t-elle.
Le véritable test viendrait avec la transition des concepts élégants vers les réalités concrètes – la construction physique du village, l'intégration progressive d'autres clans, et surtout, la première mise en œuvre du système novateur de sélection du Hokage qu'ils avaient conçu.
Ce serait dans ces moments critiques que la divergence fondamentale par rapport à l'histoire qu'elle avait connue serait véritablement mise à l'épreuve.
Mais pour ce soir, au moins, elle s'accordait un moment d'appréciation pour le chemin parcouru – et pour l'évolution remarquable qu'elle avait observée chez l'homme dont la trajectoire divergente pourrait potentiellement transformer l'avenir même du monde shinobi.
Chapter 8: Fondations
Chapter Text
Le soleil couchant baignait le convoi d'une lumière dorée tandis qu'il s'éloignait de la capitale du Pays du Feu. Les deux délégations voyageaient ensemble, abandonnant leur arrivée séparée au profit d'une formation unifiée qui symbolisait leur alliance nouvellement formée.
Dans l'une des voitures centrales, Sakura examinait les documents officiels portant les sceaux impériaux – la preuve concrète de leurs intenses négociations. Son attention s'attardait particulièrement sur le parchemin principal, marqué du symbole personnel du daimyō: l'ordre de versement d'une subvention extraordinaire pour la fondation de Konoha.
"Cent millions de ryō," pensa-t-elle, encore étourdie par l'ampleur du montant.
Une somme sans précédent pour un projet shinobi, suffisante pour financer non seulement les infrastructures essentielles du village mais aussi les installations spécialisées nécessaires à sa vision ambitieuse.
— C'est encore difficile à réaliser pleinement, n'est-ce pas? observa Tōka, installée face à elle dans le compartiment. Elles avaient gardé leur proximité même après la conclusion des négociations, une habitude née de leur collaboration productive durant ces jours intenses.
— Pas simplement le montant, précisa Sakura, rangeant soigneusement le document dans son étui protecteur. Mais ce qu'il représente – la reconnaissance officielle que ce village n'est pas une simple curiosité tolérée, mais un investissement stratégique pour l'avenir du pays.
Tōka acquiesça pensivement, son regard se perdant dans le paysage qui défilait par la fenêtre.
— Le daimyō a toujours eu une réputation de calculateur prudent, observa-t-elle. Cette générosité inattendue confirme ce que plusieurs soupçonnaient – les menaces aux frontières l'inquiètent plus qu'il ne l'admet publiquement.
Cette analyse politique typique de la kunoichi Senju correspondait aux observations de Sakura. Durant les dernières heures des négociations, quand ils avaient abordé les aspects financiers, elle avait noté les références voilées mais répétées aux "développements préoccupants" dans les pays voisins – particulièrement les rumeurs concernant de nouvelles alliances shinobis potentielles dans le Pays du Sable.
Le compartiment tangua légèrement quand la voiture aborda une section plus accidentée de la route, rappelant à Sakura l'étrangeté de leur mode de transport. Des shinobis capables de parcourir cette distance en une fraction du temps voyageaient avec la lenteur d'un convoi civil ordinaire.
Mais cette lenteur servait un objectif stratégique que Madara et Hashirama avaient conjointement expliqué – permettre aux délégations de traverser visiblement les provinces, créant ainsi une démonstration publique de leur alliance désormais officialisée. Un message silencieux mais puissant destiné tant aux alliés potentiels qu'aux adversaires observant leurs mouvements.
À l'extérieur, le jour cédait progressivement place au crépuscule. Tōka s'excusa pour rejoindre brièvement son cousin dans la voiture principale, laissant Sakura seule avec ses pensées.
Ces moments de solitude étaient devenus rares durant cette mission diplomatique intense, presque chaque heure remplie d'interactions, négociations ou consultations. Elle accueillit cette tranquillité momentanée comme une occasion de réfléchir aux développements remarquables des derniers jours.
L'accord final dépassait même leurs projections les plus optimistes – non seulement dans ses provisions financières généreuses, mais également dans la flexibilité administrative accordée au futur village.
Le daimyō, avec une perspicacité politique remarquable, avait compris que l'autonomie substantielle de Konoha représentait un atout stratégique plutôt qu'une menace – tant que certaines lignes fondamentales d'autorité restaient clairement établies.
Un léger coup à la porte du compartiment interrompit ses réflexions.
Avant qu'elle ne puisse répondre, celle-ci glissa doucement, révélant Madara dont la silhouette imposante semblait presque trop grande pour cet espace confiné.
— Puis-je? demanda-t-il simplement, indiquant d'un geste élégant le siège vacant face à elle.
— Bien sûr, répondit-elle, rassemblant instinctivement les documents éparpillés pour libérer l'espace.
Il s'installa avec cette grâce économe qui caractérisait tous ses mouvements, son regard parcourant brièvement les parchemins avant de se fixer sur elle.
— Hashirama suggère que nous fassions halte à Tanzaku Gai pour la nuit, annonça-t-il. Les voitures deviennent progressivement inadaptées à la forêt que nous approcherons bientôt.
Sakura acquiesça, familière avec la célèbre ville de divertissement qui, même à cette époque, représentait une étape appréciée des voyageurs sur cette route principale.
— Une décision pratique, reconnut-elle. Et peut-être une dernière opportunité de repos confortable avant les défis physiques qui nous attendent.
Un sourire presque imperceptible traversa son visage habituellement impassible.
— "Confortable" est certainement une description optimiste des établissements de Tanzaku, observa-t-il avec une touche d'humour inattendue. Mais préférable aux tentes improvisées, assurément.
Ce moment de légèreté partagée créa une atmosphère différente dans le compartiment confiné – moins formelle que leurs interactions récentes constamment observées par des tiers.
— Tu semblais absorbée dans tes pensées, nota-t-il après un moment de silence confortable. Les provisions financières te préoccupent?
— Au contraire, répondit-elle honnêtement. J'évaluais plutôt comment optimiser leur utilisation pour les installations médicales que nous avons discutées.
Les négociations avaient alloué une portion significative de la subvention aux infrastructures sanitaires du futur village – un domaine où les contributions de Sakura avaient été particulièrement influentes.
— L'académie intégrée de médecine, confirma-t-il, faisant référence à l'un des projets qu'elle avait spécifiquement défendus. Un concept qui a visiblement impressionné même les conseillers les plus conservateurs du daimyō.
— L'intégration des traditions médicales civiles et shinobis représente une opportunité transformative, expliqua-t-elle, son enthousiasme professionnel évident. Les techniques de chakra médical combinées aux connaissances botaniques et chirurgicales traditionnelles pourraient révolutionner les soins disponibles pour tous.
Cette vision – une institution médicale transcendant les divisions traditionnelles entre pratiques shinobis et civiles – représentait l'un des aspects les plus novateurs de leur proposition pour Konoha. Dans sa ligne temporelle d'origine, une telle intégration ne s'était développée que progressivement, souvent entravée par des préjugés mutuels et des territorialités professionnelles.
— Ta passion pour la guérison transcende les considérations claniques habituelles, observa Madara, son ton reflétant une appréciation sincère plutôt qu'une simple observation. C'est peut-être précisément pourquoi tes arguments ont résonné si profondément, même auprès d'audiences traditionnellement sceptiques.
Ce compliment spécifique, reconnaissant la dimension humaniste plutôt que simplement technique de sa vision médicale, la touchait plus profondément que des éloges génériques ne l'auraient fait.
— La souffrance ne connaît pas d'allégeance clanique, répondit-elle simplement. Ni la guérison.
Le compartiment s'assombrit progressivement avec le crépuscule avançant, créant une intimité accentuée dans cet espace confiné qu'ils partageaient. Madara activa discrètement une petite lanterne de voyage, sa lueur douce créant un îlot de chaleur ambrée dans l'obscurité croissante.
— Les réalités pratiques nous attendent maintenant, observa-t-il après un moment de silence méditatif. Transformer ces concepts et provisions en structures tangibles, en communauté fonctionnelle.
— Une phase différente mais tout aussi cruciale, acquiesça-t-elle.
— Peut-être même plus déterminante, développa-t-il, son regard momentanément distant comme s'il contemplait déjà les défis à venir. Les structures conceptuelles les plus élégantes peuvent s'effondrer face à la résistance des habitudes enracinées, des méfiances historiques.
— C'est précisément pourquoi les fondations physiques et communautaires doivent être établies simultanément, suggéra-t-elle. Chaque structure bâtie représentant non seulement sa fonction pratique, mais un symbole tangible de collaboration transcendant les divisions historiques.
Il considéra cette perspective avec une intensité réfléchie qui caractérisait de plus en plus leurs échanges – une évaluation respectueuse qui allait au-delà de la simple courtoisie.
— Une approche sagace, reconnut-il finalement.
La voiture ralentit perceptiblement, signalant leur approche des faubourgs de Tanzaku Gai.
Au loin, les premières lumières de la ville perçaient l'obscurité croissante, des lanternes colorées émaillant le paysage urbain réputé pour sa vie nocturne animée.
— Je devrais rejoindre Izuna pour coordonner les arrangements logistiques, annonça Madara, se levant avec cette fluidité caractéristique qui semblait défier les confins étroits du compartiment.
À la porte, il s'arrêta brièvement, son profil se découpant contre la faible lumière du couloir.
— Peut-être, si tes obligations le permettent, pourrions-nous continuer cette conversation ce soir, suggéra-t-il, une nuance presque imperceptible d'hésitation dans sa voix habituellement assurée. Tanzaku offre quelques jardins remarquables qui méritent d'être appréciés, même brièvement.
Cette invitation – formulée avec une décontraction délibérée qui ne masquait pas entièrement sa signification potentielle – créa un moment de surprise chez Sakura. Au milieu des négociations intensives et planifications stratégiques, cette suggestion d'un moment partagé sans objectif fonctionnel immédiat représentait peut-être une évolution subtile mais significative dans leur relation.
— J'apprécierais cette opportunité, répondit-elle simplement, maintenant un calme extérieur qui dissimulait la légère agitation intérieure qu'elle ressentait.
Il inclina légèrement la tête en reconnaissance avant de se retirer, laissant Sakura seule avec le mélange complexe d'émotions que cette brève interaction avait suscité.
Le convoi ralentit progressivement, s'engageant sur l'avenue principale de Tanzaku Gai où l'activité nocturne commençait à s'intensifier. Malgré les différences architecturales et l'absence des attractions modernisées qu'elle avait connues dans sa ligne temporelle d'origine, l'essence vibrante de cette ville de divertissement légendaire demeurait remarquablement familière.
Par la fenêtre, Sakura observait les lanternes multicolores illuminant progressivement les rues à mesure que l'obscurité s'installait complètement.
Quelque part dans cette ville animée, au milieu des préparations pour la phase cruciale à venir, elle explorerait peut-être une autre dimension de sa relation avec Madara.
Cette perspective – un moment de connexion personnelle au milieu de l'histoire monumentale qu'ils façonnaient – créait une anticipation qu'elle n'avait pas ressentie depuis longtemps. Une résonance émotionnelle qui lui rappelait que malgré son focus constant sur les implications historiques de chaque développement, elle demeurait profondément humaine, capable d'expériences qui transcendaient sa mission auto-imposée de redirection temporelle.
Le convoi s'arrêta finalement devant un établissement imposant dont l'architecture traditionnelle et les lanternes élaborées suggéraient un ryokan de premier ordre.
Alors qu'elle rassemblait ses documents pour débarquer, Sakura accueillit avec une acceptance tranquille la complexité croissante de sa situation – non plus simplement une voyageuse temporelle tentant de modifier l'histoire, mais une femme dont les connections personnelles évoluaient d'une manière qu'elle n'avait jamais anticipée lorsque ce voyage extraordinaire avait commencé.
Les jardins privés de l'Hôtel des Mille Érables justifiaient amplement leur réputation. Nichés derrière l'imposant bâtiment principal, ils créaient un sanctuaire de tranquillité étonnamment isolé des rues animées de Tanzaku Gai. Des lanternes en pierre jalonnaient discrètement les sentiers sinueux, leur lumière tamisée révélant juste assez des arrangements paysagers méticuleusement entretenus sans perturber l'atmosphère contemplative.
Sakura parcourait lentement le chemin principal, sa tenue formelle de voyage remplacée par un yukata simple mais élégant fourni par l'établissement.
Après l'intensité ininterrompue des derniers jours, cette solitude momentanée représentait une respiration bienvenue – une opportunité de réaligner ses pensées avant la rencontre proposée par Madara.
Le jardin culminait dans un petit pavillon surplombant un étang où des carpes koi traçaient des arabesques paresseuses sous la surface miroitante. C'est là qu'elle le trouva, silhouette immobile contemplant l'eau comme s'il y cherchait des réponses à des questions non formulées.
Il portait également un yukata traditionnel, l'absence de son armure habituelle et symboles claniques le transformant subtilement – moins le commandant légendaire, plus simplement un homme appréciant un moment de tranquillité dans un jardin nocturne.
— Les jardins méritent effectivement leur renommée, observa-t-elle doucement en approchant, annonçant délibérément sa présence bien qu'elle suspectât qu'il l'avait perçue bien avant.
Il se tourna légèrement, son profil se découpant contre la lumière diffuse des lanternes.
— Leur concepteur était apparemment un maître du "ma", commenta-t-il, révélant une appréciation esthétique rarement exprimée dans leurs interactions habituellement pragmatiques.
Elle rejoignit sa position près de la balustrade du pavillon, maintenant une distance respectueuse mais confortable. De là, la vue englobait l'ensemble du jardin inférieur, révélant la composition harmonieuse que les perspectives partielles du sentier ne permettaient pas d'apprécier pleinement.
— Un sur l'importance du vide dans la création, observa-t-elle, comprenant l'implication philosophique qu'il avait identifiée. Approprié pour ce moment de pause entre des phases d'activité intense.
Un sourire presque imperceptible traversa son visage à cette observation.
— Exactement, confirma-t-il. Ces derniers jours ont été remarquablement productifs, mais permettaient peu d'espace pour... l'assimilation.
Le silence s'installa confortablement entre eux pendant quelques moments, chacun appréciant la tranquillité rare de cet interlude avant les défis monumentaux qui les attendaient.
Finalement, Madara reprit la parole, son ton désormais plus personnel:
— La création de Konoha représente une transformation fondamentale dans le monde shinobi, observa-t-il. Mais peut-être également pour ceux d'entre nous directement impliqués dans sa conception.
— En quel sens? demanda-t-elle, intriguée par cette direction réflexive.
— Nos identités ont été largement définies par les rôles que nous occupons dans nos structures claniques respectives, expliqua-t-il, son regard toujours fixé sur le paysage nocturne. Chef, guerrier, médic, conseiller – des positions clairement délimitées dans des hiérarchies établies depuis des générations.
Il se tourna légèrement vers elle, son expression reflétant une ouverture inhabituelle.
— Konoha nécessitera une reconceptualisation fondamentale de ces identités. Nous serons appelés à devenir plus que les extensions de nos lignées ou les exécutants de traditions héritées.
Cette perspective – envisageait le village non pas simplement comme une réorganisation politique mais comme une opportunité de transformation identitaire.
— Une libération potentielle, suggéra-t-elle doucement. La possibilité de définir nos contributions par nos capacités et choix individuels plutôt que par nos affiliations héritées.
— Précisément, confirma-t-il avec une appréciation évidente pour cette articulation. Bien que cette libération représente également une responsabilité considérable – la nécessité de définir consciemment ce que nous choisirons de devenir dans ce nouveau contexte.
Cette conversation, remarquablement personnelle pour deux individus habituellement engagés dans des discussions stratégiques ou techniques, créait subtilement une sorte d'intimité intellectuelle.
Sakura réalisait qu'ils partageaient des réflexions rarement exprimées dans leurs rôles publics respectifs – une ouverture rendue possible peut-être par ce moment suspendu entre deux phases définissantes de leur entreprise commune.
— J'ai observé ton parcours avec un intérêt particulier, Sakura, poursuivit-il après un moment. Ta capacité à maintenir ton essence tout en adaptant tes contributions aux circonstances évolutives démontre précisément cette fluidité identitaire que Konoha nécessitera.
Ce compliment, spécifique et réfléchi, touchait à quelque chose de fondamental dans son expérience – particulièrement considérant sa situation unique de voyageuse temporelle adaptant continuellement son approche tout en maintenant son objectif fondamental.
— L'adaptation n'est pas compromission lorsqu'elle sert des principes plus profonds que les formes spécifiques qu'ils prennent, répondit-elle, exprimant une philosophie personnelle développée à travers ses expériences extraordinaires.
Une brise légère agita momentanément les branches des érables environnants, créant un bruissement apaisant qui ponctua leur échange.
Dans cette atmosphère tranquille, la distance habituelle entre leurs positions semblait s'amenuiser progressivement – non par un rapprochement physique, mais par une reconnaissance mutuelle croissante de perspectives partagées.
— J'ai une question, dit-il finalement, sa voix prenant une qualité plus personnelle encore. Une que je n'aurais pas posée dans le contexte formel de nos interactions habituelles. Elle inclina légèrement la tête, l'invitant silencieusement à poursuivre.
— Ta vision pour Konoha semble parfois... remarquablement spécifique, observa-t-il avec une précision caractéristique. Comme si tu percevais non seulement ce qui pourrait être, mais ce qui devrait être, avec une clarté inhabituelle même pour les visionnaires les plus doués.
Cette observation effleurait dangereusement les frontières de son secret fondamental – sa connaissance d'une ligne temporelle alternative où Konoha avait évolué selon des paramètres différents.
— D'où vient cette clarté? demanda-t-il directement, son regard cherchant le sien avec une intensité qui n'était pas accusatoire mais sincèrement curieuse.
La question créait un dilemme immédiat – maintenir les barrières protectrices qui avaient défini ses interactions depuis son arrivée dans cette époque, ou offrir une ouverture qui, sans révéler complètement sa vérité impossible, permettrait néanmoins une connexion plus authentique.
Après un moment de considération mesurée, elle choisit une réponse qui occupait cet espace délicat entre dissimulation complète et révélation dangereuse:
— Parfois, je perçois des... échos, commença-t-elle prudemment. Des possibilités alternatives, des chemins non empruntés, des futurs potentiels qui semblent momentanément aussi tangibles que la réalité présente.
Elle détourna brièvement son regard vers l'étang miroitant avant de poursuivre:
— Je ne prétends pas comprendre pleinement l'origine de ces perceptions. Mais elles m'ont offert des perspectives que je n'aurais pas développées autrement.
Cette réponse, techniquement véridique tout en omettant la nature temporelle de sa connaissance, créait une ouverture sans compromettre fondamentalement sa position délicate.
Madara considéra ses paroles avec une intensité réfléchie avant de répondre:
— Alors on en revient à la mémoire de sang, observa-t-il. Un sourire subtil traversa son visage.
Le silence s'installa à nouveau entre eux.
La lune émergea complètement des nuages qui l'avaient partiellement voilée, baignant le jardin d'une clarté argentée qui transformait subtilement le paysage. Cette nouvelle luminosité révélait des détails précédemment masqués par l'obscurité partielle – la texture complexe des feuilles d'érable, les motifs délicats sur les lanternes de pierre, les nuances expressives dans leurs regards partagés.
— Demain, nous reprendrons notre voyage vers le site que deviendra Konoha, observa Madara après un moment, reconnaissant implicitement la fin prochaine de cet interlude tranquille. Les réalités pratiques nous attendent.
— Avec des fondations conceptuelles plus solides que nous n'aurions osé espérer, compléta-t-elle.
— Et peut-être des connections personnelles également plus substantielles, ajouta-t-il, sa voix portant une nuance que Sakura n'avait jamais entendue auparavant.
Cette suggestion subtile créa un moment de reconnaissance partagée.
— Des fondations de toutes sortes sur lesquelles construire, acquiesça-t-elle doucement, acceptant implicitement cette évolution sans la définir prématurément.
Ils demeurèrent ainsi quelques moments supplémentaires, partageant la tranquillité du jardin nocturne, conscients que cet interlude représentait peut-être une transition timide mais significative dans leur relation complexe – un moment de connexion personnelle authentique au milieu des responsabilités monumentales qu'ils partageaient.
Lorsqu'ils retournèrent finalement vers l'établissement principal, marchant côte à côte sur le sentier illuminé par les lanternes, le silence confortable qui les enveloppait communiquait peut-être plus que leurs échanges verbaux.
L'aube trouva les délégations en préparation ordonnée pour le départ.
Le bref séjour à Tanzaku Gai – un interlude nécessaire mais temporaire – céderait bientôt place à la phase véritablement transformative de leur entreprise.
Les voitures qui avaient transporté le groupe depuis la capitale seraient abandonnées ici, le terrain forestier menant à leur destination finale exigeant des méthodes de déplacement plus adaptées aux shinobis.
Sakura supervisa personnellement le transfert des documents critiques et fournitures médicales, assurant que les provisions essentielles soient adéquatement protégées. Cette responsabilité pratique immédiate offrait une structure bienvenue à ses pensées, qui autrement auraient peut-être trop dérivé vers sa conversation de la veille avec Madara dans les jardins.
La délégation conjointe formait un groupe remarquablement cohésif considérant leur histoire antagoniste récente. Cette unité, forgée à travers les négociations intensives des derniers jours, se manifestait dans la coordination fluide de leurs préparatifs de départ.
Tōka s'approcha tandis que Sakura finalisait l'inventaire des documents médicaux.
— Les conseillers du daimyō ont vraiment été impressionnés par tes propositions d'infrastructures médicales, observa-t-elle avec approbation professionnelle. Une reconnaissance bienvenue pour des compétences trop souvent secondarisées par rapport aux techniques offensives.
Sakura esquissa un sourire.
Dans les deux vies qu'elle avait vécues, cette hiérarchisation implicite des valeurs shinobis – privilégiant la destruction sur la guérison – avait représenté un obstacle persistant.
— Espérons que Konoha pourra établir un nouveau standard à cet égard, répondit-elle simplement.
Leur conversation fut interrompue par l'arrivée d'un messager – un jeune Uchiha dont l'expression solennelle suggérait une communication officielle plutôt que logistique.
— Sakura-san, Madara-sama requiert votre présence dans la salle de conseil, annonça-t-il formellement. Une consultation finale avant le départ.
Après avoir confié ses notes à Tōka, Sakura se dirigea vers le bâtiment principal. La "salle de conseil" – en réalité une chambre privée temporairement convertie – avait servi de centre opérationnel durant leur bref séjour, abritant les consultations stratégiques continues que nécessitait leur entreprise complexe.
Elle s'arrêta brièvement devant l'entrée pour ajuster mentalement son focus – transitionnant des détails pratiques immédiats vers les considérations stratégiques plus larges qui caractérisaient généralement ces sessions.
Pourtant, une légère anticipation persistait, alimentée par les dimensions personnelles explorées la veille dans les jardins nocturnes.
À l'intérieur, elle trouva non pas le groupe dirigeant complet comme anticipé, mais uniquement Madara, étudiant avec intensité une série de cartes étalées sur la table basse centrale.
La salle, baignée de la lumière matinale filtrée par les panneaux de papier traditionnels, créait une atmosphère d'intimité studieuse.
— Madara-sama, vous souhaitiez me consulter? Demanda-t-elle.
Il leva les yeux des documents, son expression sérieuse mais non distante.
— Oui, confirma-t-il, désignant les cartes étalées devant lui. Nous avons reçu des informations actualisées concernant les conditions du site destiné à devenir Konoha. Certaines complications topographiques méritent considération avant notre départ.
Elle s'approcha, examinant les cartes qu'il indiquait. Des annotations récentes marquaient plusieurs secteurs du territoire désigné, indiquant des glissements de terrain mineurs probablement causés par les pluies saisonnières.
— Ces instabilités affecteront principalement le secteur sud-est, observa-t-elle après analyse. Précisément où nous avions envisagé les installations médicales initiales.
— Exactement, confirma-t-il. Ton expertise dans ce domaine spécifique rendait ta consultation nécessaire avant toute révision du plan d'implémentation.
Cette reconnaissance directe de son autorité dans un domaine particulier – plutôt qu'une simple notification d'un changement décidé unilatéralement – reflétait l'évolution subtile mais significative dans leur dynamique professionnelle.
Où l'histoire traditionnelle dépeignait souvent un Madara progressivement isolé dans son autorité, celui qu'elle observait semblait développer une appréciation croissante pour la consultation substantielle.
Ils travaillèrent ensemble pendant près d'une heure, réajustant méthodiquement les plans d'implémentation initiale pour accommoder ces nouvelles réalités topographiques. Le processus démontrait une synergie intellectuelle remarquable – ses connaissances médicales spécifiques complementant parfaitement sa compréhension stratégique plus large du territoire.
Alors qu'ils finalisaient les ajustements, Sakura remarqua que la qualité de leur interaction différait subtilement de leurs collaborations précédentes. Une fluidité accrue, une anticipation plus intuitive des perspectives mutuelles, suggérant peut-être que leur échange personnel de la veille avait créé un fondement de compréhension transcendant le strictement professionnel.
— Ces modifications semblent optimales considérant les contraintes, conclut-elle, indiquant le plan révisé désormais complet.
— En effet, acquiesça-t-il, son regard s'attardant momentanément sur elle plutôt que sur les documents. Ton adaptation rapide à ces complications imprévues est... remarquable.
Un silence confortable s'installa, différent des pauses efficientes qui ponctuaient normalement leurs collaborations stratégiques. Madara semblait considérer quelque chose au-delà de la tâche immédiate, son expression révélant une délibération intérieure.
— Sakura, commença-t-il finalement, sa voix prenant une qualité distincte de son ton commandant habituel. Notre conversation d'hier soir m'a fait réfléchir à certains aspects de notre interaction qui méritent peut-être... reconsidération.
Sakura arqua un sourcil. Elle attendit silencieusement qu'il poursuive, percevant l'importance du moment.
— Les structures formelles servent un objectif légitime dans nos rôles publics, continua-t-il, choisissant visiblement ses mots avec soin. Mais entre nous, particulièrement dans des contextes comme celui-ci, elles créent peut-être une distance artificielle qui ne sert plus notre compréhension mutuelle.
Il la regarda directement, une ouverture inhabituelle dans son expression.
— J'apprécierais si, dans nos échanges personnels du moins, tu m'appelais simplement Madara, sans le suffixe honorifique. Une formalité qui semble progressivement incongrue avec la nature de notre relation évolutive.
Cette requête – formulée non comme un ordre ou même une suggestion, mais comme une préférence personnelle exprimée directement – représentait une invitation significative vers une relation plus équilibrée, moins définie par la hiérarchie clanique traditionnelle ou l'autorité commandante.
Sakura sentit l'importance de ce moment – non pas simplement comme une question d'étiquette sociale, mais comme un marqueur fondamental dans leur relation complexe.
Pour un chef de clan traditionnel comme Madara, particulièrement dans cette ère historique, abandonner délibérément une convention sociale signalant le respect hiérarchique représentait une évolution philosophique significative.
— Si vous... si tu préfères cette forme d'adresse, je respecterai certainement cette préférence, répondit-elle, délibérément démontrant le changement immédiatement. Dans nos contextes personnels, du moins.
— Exactement, confirma-t-il avec une satisfaction évidente pour cette nuance. Les formalités appropriées ont leur place dans nos rôles publics, mais entre nous...
Il laissa la phrase inachevée, son implication claire néanmoins – entre eux existait désormais une relation plus subtile.
Un léger coup à la porte interrompit ce moment.
Izuna entra, son efficacité caractéristique momentanément tempérée par une légère hésitation lorsqu'il perçut l'atmosphère de la pièce.
— Les préparatifs finaux sont complétés, annonça-t-il, son regard analytique passant brièvement entre eux avant de se fixer sur son frère. Hashirama suggère un départ immédiat pour maximiser la distance parcourue avant le crépuscule.
— Une suggestion sensée, acquiesça Madara, sa posture se réajustant subtilement – le commandant reprenant pleinement son rôle public. Nous te rejoindrons immédiatement.
Izuna inclina respectueusement la tête avant de se retirer, mais son regard perceptif suggérait qu'il avait noté quelque chose d'inhabituel dans leur interaction – une observation que Sakura savait ne pas pouvoir échapper à son acuité légendaire.
Lorsque la porte se referma, Madara rassembla méthodiquement les cartes et documents, ses mouvements pratiques mais non précipités.
— Le chemin vers Konoha nous attend, observa-t-il simplement.
Cette déclaration portait une double signification évidente – référant simultanément au voyage physique immédiat et au parcours plus complexe qu'ils partageaient dans l'établissement du village.
— Un chemin à parcourir ensemble, acquiesça-t-elle, sa réponse acceptant implicitement les multiples dimensions de cette observation.
Le regard qu'il lui accorda alors portait une chaleur rarement visible dans son expression publique – une ouverture personnelle délibérément partagée avant leur retour imminent aux rôles formels qu'ils occupaient au sein des délégations.
— Ensemble, confirma-t-il simplement.
La forêt dense qui entourait le site destiné à devenir Konoha accueillit la délégation conjointe avec sa majesté silencieuse. Des arbres centenaires, dont les troncs massifs semblaient porter le poids d'innombrables histoires non racontées, créaient une cathédrale naturelle que les rayons épars du soleil pénétraient en colonnes dorées.
Après trois jours de voyage soutenu, principalement effectué avec l'efficacité shinobi plutôt que les contraintes du transport civil, le groupe atteignit finalement la vallée spécifique qui abriterait leur création historique.
L'immense clearing naturel, bordé par une rivière robuste et protégé par des formations rocheuses imposantes, offrait un amalgame remarquable d'atouts stratégiques et beauté naturelle.
Sakura ressentit une émotion complexe en contemplant ce paysage ancestral. Contrairement à ses compagnons qui voyaient simplement un site prometteur pour leur future création, elle observait simultanément le passé fondamental et l'avenir potentiel de Konoha – la version primordiale d'un lieu qu'elle avait connu comme foyer développé, maintenant destiné à évoluer selon une trajectoire potentiellement différente.
Hashirama, avec l'enthousiasme caractéristique qui contrastait souvent avec sa formidable puissance martiale, fut le premier à s'avancer vers le centre de la clairière.
— Ici, déclara-t-il avec une certitude visionnaire, sa main désignant un large cercle imaginaire. Le cœur de Konoha, où nos clans autrefois divisés forgeront une nouvelle identité collective.
Madara le rejoignit, son expression reflétant une intensité différente mais également authentique.
Où Hashirama rayonnait d'un optimisme presque tangible, Madara manifestait une détermination réfléchie – complémentant plutôt que contredisant la vision de son homologue Senju.
— Un centre symbolique et fonctionnel, acquiesça-t-il, son regard expert évaluant les implications stratégiques du territoire. Suffisamment ouvert pour accommoder les rassemblements communautaires, mais naturellement défendable grâce aux formations environnantes.
Ce moment – deux anciens adversaires partageant maintenant une vision unifiée – créait une résonance presque tangible parmi les observateurs.
Même les vétérans les plus endurcis des deux clans semblaient momentanément transcender leurs méfiances historiques face à cette démonstration authentique d'unité visionnaire. La délégation établit rapidement un campement temporaire qui servirait de base opérationnelle durant l'exploration initiale du territoire.
Des tentes furent méthodiquement organisées selon un arrangement qui reflétait déjà la structure anticipée du village – non plus strictement séparées par affiliation clanique, mais intégrées dans une configuration fonctionnelle basée sur les rôles et responsabilités.
Sakura établit une station médicale rudimentaire mais efficace, transformant l'une des tentes en point central pour traiter tout incident potentiel durant leur exploration. Bien que minimale comparée à sa vision pour les futures installations permanentes, cette préparation préliminaire reflétait déjà sa philosophie d'intégration des soins médicaux dans l'infrastructure fondamentale.
— Une priorité appropriée, observa Hashirama en visitant brièvement cet arrangement. La guérison comme fondement plutôt qu'un élément de second plan.
— Madara-sama insistait particulièrement sur cette prioritisation, répondit-elle.
Le premier jour sur site fut consacré principalement à l'exploration méthodique et la planification détaillée. Des équipes mixtes Uchiha-Senju cartographiaient précisément le territoire, identifiaient les ressources naturelles disponibles, et évaluaient les modifications topographiques nécessaires pour l'implémentation optimale de leur vision.
Au crépuscule, la délégation principale se rassembla pour la première séance formelle de planification sur site. Sous une tente-conseil spécialement érigée, cartes et diagrammes furent étalés sur des tables improvisées, créant un centre opérationnel remarquablement sophistiqué considérant leur environnement forestier.
— Notre évaluation préliminaire confirme l'adéquation exceptionnelle de ce site, commença Tobirama avec sa précision caractéristique. Les ressources hydriques surpassent nos projections initiales, et les formations géologiques offrent des avantages défensifs naturels significatifs.
— La position relative aux routes commerciales existantes est également optimale, ajouta Izuna, contribuant à cette analyse conjointe qui démontrait l'évolution remarquable de leur collaboration. Suffisamment accessible pour faciliter les échanges économiques, mais assez isolée pour maintenir l'autonomie stratégique.
La discussion progressa méthodiquement à travers leurs observations initiales, chaque aspect étant considéré non seulement pour sa fonctionnalité immédiate mais également pour sa contribution à la vision à long terme du village.
L'exploration du lendemain serait plus ciblée, informée par ces analyses préliminaires. Sakura contribuait régulièrement, particulièrement concernant l'évaluation des ressources botaniques locales et leur potentiel médicinal. Sa connaissance approfondie des propriétés médicinales de certaines plantes – tirée partiellement de son époque future mais présentée comme déduction basée sur caractéristiques observables – impressionnait tous le monde sans exception.
Alors que la réunion approchait sa conclusion, Hashirama suggéra une cérémonie symbolique pour le lendemain – marquant formellement leur intention collective pour ce territoire.
— Un moment significatif méritant reconnaissance appropriée, expliqua-t-il. Pour ancrer notre vision partagée dans ce lieu physique.
Cette suggestion fut unanimement approuvée, chacun reconnaissant l'importance psychologique d'un tel rituel fondateur. Bien que modeste comparée à la cérémonie officielle qui viendrait ultérieurement avec l'arrivée des clans complets et représentants du daimyō, cette reconnaissance préliminaire établirait une connexion initiale entre les fondateurs et le territoire lui-même.
Alors que les participants se dispersaient progressivement pour leurs responsabilités nocturnes, Sakura demeura brièvement pour finaliser ses notes concernant les ressources médicinales identifiées. L'abondance inattendue de certaines herbes rares méritait documentation détaillée pour l'implémentation future de ses installations médicales envisagées.
Concentrée sur ces observations techniques, elle remarqua tardivement qu'elle n'était plus seule dans la tente désormais presque vide. Madara était resté également, étudiant silencieusement les cartes territoriales avec une intensité contemplative.
— Des préoccupations concernant le terrain? demanda-t-elle, notant son focus particulier sur certains secteurs périphériques.
Il leva les yeux, son expression révélant qu'il émergeait de réflexions profondes plutôt que simples considérations logistiques.
— Rien concernant la topographie elle-même, clarifia-t-il. Plutôt des considérations sur ce que ce lieu représentera ultimement – la manifestation physique d'une transformation fondamentale dans le monde shinobi.
Cette perspective temporelle étendue – caractéristique des stratèges véritablement exceptionnels – créait un point de connexion avec sa propre expérience unique. Peu d'individus comprenaient aussi intimement qu'elle comment des décisions apparemment mineures pouvaient ultimement façonner des trajectoires historiques entières.
— Une transformation que nous façonnons ensemble, observa-t-elle.
— Précisément, confirma-t-il, son regard rencontrant directement le sien.
Cette référence directe à leur conversation privée de Tanzaku Gai créait un pont explicite entre leurs responsabilités professionnelles actuelles et la dimension personnelle émergente de leur relation. La tente, maintenant illuminée principalement par des lanternes puisque le crépuscule avait cédé place à l'obscurité complète, créait une atmosphère d'intimité studieuse.
Les bruits distants du campement – conversations, préparations pour la nuit – formaient un fond sonore qui accentuait paradoxalement leur isolation momentanée dans cet espace partagé.
— Madara-sama, commença-t-elle, puis s'interrompit délibérément. Madara, corrigea-t-elle, utilisant consciemment la forme d'adresse qu'il avait demandée pour leurs moments privés.
Ce simple changement linguistique – un ajustement apparemment mineur dans leur interaction – portait une signification relationnelle profonde qu'ils reconnaissaient mutuellement.
Il s'approcha légèrement, réduisant l'espace physique entre eux d'une manière qui reflétait la diminution progressive des barrières relationnelles.
— Ce lieu, dit-il doucement, geste englobant le territoire au-delà de la tente, représente un commencement. Pour Konoha, certainement. Mais peut-être également pour nous.
Cette déclaration, simple mais profonde dans ses implications, créait un parallèle explicite entre la transformation du territoire physique et l'évolution de leur relation personnelle.
Sans déclarations grandioses ni gestes dramatiques, il établissait néanmoins quelque chose de profondément important.
— Un commencement significatif, acquiesça-t-elle simplement, acceptant ce parallélisme sans présumer prématurément de sa destination ultime.
Ils demeurèrent ainsi quelques instants, l'atmosphère entre eux chargée d'une reconnaissance mutuelle qui transcendait les paramètres conventionnels de leur relation officielle. Puis, comme d'un accord tacite, ils retournèrent simultanément vers les cartes et documents – équilibre naturel entre leur connexion personnelle émergente et leurs responsabilités monumentales partagées.
Ce soir-là, alors que le campement s'apaisait progressivement pour la nuit, Sakura contempla les étoiles exceptionnellement brillantes visibles depuis l'entrée de sa tente. Dans ce lieu qui deviendrait Konoha – un Konoha potentiellement différent de celui qu'elle avait connu – elle percevait des possibilités qu'elle n'aurait jamais anticipées lorsque son voyage extraordinaire avait commencé.
Non seulement pour le village lui-même, qui pourrait peut-être éviter certaines des fractures historiques qu'elle avait connues, mais également pour elle personnellement – une connexion évolutive avec un homme que l'histoire avait dépeint si différemment de celui qu'elle découvrait progressivement.
Le futur, comme ce territoire vierge qu'ils exploraient, semblait désormais rempli de possibilités non écrites, attendant d'être façonnées par leurs choix collectifs et individuels.
L'aube se leva sur le site de Konoha, baignant la vallée d'une lumière dorée qui semblait presque présager la grandeur future de ce lieu encore vierge. Sakura émergea de sa tente, inspirant profondément l'air frais du matin. Cette journée marquerait officiellement le début de la transformation de cette vallée en un village qui allait redéfinir le monde shinobi.
Au centre de la clairière principale, un cercle de pierres avait été disposé pendant la nuit. Hashirama se tenait au milieu, attendant patiemment que tous les membres de la délégation des deux clans se rassemblent.
Madara se tenait légèrement en retrait, son expression solennelle reflétant l'importance du moment. À mesure que le soleil montait dans le ciel, les Uchiha et les Senju formèrent un cercle autour de leurs leaders, l'atmosphère chargée d'une intensité respectueuse. Pour beaucoup, participer à cette cérémonie représentait un acte presque inconcevable quelques mois auparavant.
Hashirama s'avança au centre et forma des signes complexes avec ses mains. Le sol vibra doucement sous leurs pieds alors qu'il canalisait son chakra.
— Ce lieu n'est plus simplement un territoire, déclara-t-il, sa voix portant clairement dans l'air matinal. Aujourd'hui, nous le transformons en fondation – non pas seulement de structures physiques, mais d'une nouvelle vision pour les générations futures.
Dans un mouvement fluide, il frappa le sol de sa paume.
Un frémissement parcourut la terre, puis, lentement, un arbre commença à émerger à l'endroit exact où sa main avait touché le sol. Il ne s'agissait pas d'une croissance ordinaire du Mokuton; cet arbre semblait presque sculpté, ses branches formant des motifs qui évoquaient à la fois les symboles des Uchiha et des Senju entrelacés.
— Le symbole de notre union, expliqua Hashirama, son visage rayonnant de la même passion qui avait autrefois semblé si naïve à beaucoup. Enraciné dans cette terre, s'élevant vers le ciel, et grandissant avec chaque saison. Comme ce village que nous bâtirons ensemble.
Madara s'avança alors, rejoignant Hashirama au centre du cercle.
Sakura observa attentivement sa démarche, sa posture, cherchant le moindre signe d'hésitation ou de réticence. Mais elle n'en vit aucun – seulement une détermination tranquille qui contrastait fortement avec l'image historique qu'elle avait connue.
— Les racines seules ne suffisent pas, déclara Madara, sa voix grave résonnant avec autorité. Sans protection, le plus noble des arbres peut être abattu.
Il activa son Sharingan et forma une série de signes rapides. Un cercle de flammes bleutées entoura l'arbre, dansant autour de lui sans le brûler, formant des motifs complexes qui semblaient représenter des protections anciennes.
— Notre force protégera cette vision, continua-t-il, et les flammes s'intensifièrent momentanément avant de s'absorber dans le sol, laissant derrière elles un cercle parfait de terre noircie autour de l'arbre de Hashirama. Contre les menaces externes comme internes.
Ce qui suivit surprit même Sakura. Madara se tourna vers elle et lui fit signe d'approcher, un geste qui attira des regards curieux parmi les observateurs.
— Sakura Uchiha, dit-il formellement, mais avec une chaleur perceptible dans sa voix. Ta vision médicale représente le troisième pilier essentiel de ce village. Viens compléter notre fondation.
Cette invitation inattendue créa un moment de tension – non pas hostile, mais chargée d'attentes. Dans la ligne temporelle qu'elle avait connue, la cérémonie fondatrice avait été menée exclusivement par Hashirama et Madara. Cette divergence, aussi symbolique soit-elle, représentait un changement significatif.
Avec une assurance tranquille, Sakura s'avança pour rejoindre les deux fondateurs. Elle pouvait sentir le poids des regards sur elle – curieux, évaluateurs, peut-être même sceptiques pour certains. Après tout, malgré ses accomplissements, elle demeurait jeune aux yeux de beaucoup, et sa place dans cette cérémonie fondatrice était sans précédent.
Puisant dans ses connaissances médicales et sa maîtrise du chakra, Sakura s'agenouilla et posa ses deux paumes contre le sol. Elle canalisa son chakra avec précision, créant une onde qui se propagea doucement vers l'arbre de Hashirama.
— La vie n'est pas seulement croissance et protection, déclara-t-elle, sa voix claire et confiante. Elle est aussi guérison, adaptation et renouvellement.
Le sol sous ses mains commença à briller d'une douce lueur verte qui se répandit vers l'arbre de Hashirama, enveloppant ses racines. Des pousses émeraude émergèrent du cercle noirci qu'avait créé Madara, transformant la terre calcinée en un anneau verdoyant de plantes médicinales.
— Ces plantes guériront nos blessures, physiques comme spirituelles, expliqua-t-elle. Et nous rappelleront que même des cendres peut naître une nouvelle vie.
Hashirama et Madara échangèrent un regard approbateur, cette synchronicité tacite reflétant leur vision partagée de l'avenir de Konoha – un village fondé sur la force, la protection, et maintenant la guérison. — Konoha, prononça solennellement Hashirama, scellant la cérémonie. Le Village Caché des Feuilles.
Un murmure parcourut l'assemblée alors que les membres des deux clans observaient ce monument vivant qui symbolisait leur nouvelle union. Progressivement, la formalité cérémonielle céda la place à une atmosphère plus détendue, les shinobis commençant à discuter entre eux des implications pratiques de ce qui venait de se passer.
Sakura recula légèrement, observant avec une satisfaction prudente cette scène qui semblait appartenir à une réalité alternative – un futur possible qu'elle contribuait activement à façonner. Pour la première fois peut-être, elle ressentit pleinement le poids et le privilège de sa position unique comme architecte d'une histoire différente.
Le reste de la matinée fut consacré à la planification concrète du village. Les délégations Uchiha et Senju, désormais officiellement unifiées sous la bannière de Konoha, se rassemblèrent autour de tables improvisées où des cartes détaillées de la vallée avaient été étalées.
Tobirama, avec son efficacité méthodique caractéristique, dirigeait la discussion sur les priorités immédiates.
— L'approvisionnement en eau potable doit être notre première préoccupation, déclarait-il, traçant du doigt les cours d'eau environnants. Suivie par les défenses périmétriques, puis les habitations de base.
Izuna, dont l'implication active dans ces discussions techniques représentait elle-même une divergence significative par rapport à l'histoire originale, désigna plusieurs points stratégiques sur la carte.
— Ces formations rocheuses offrent des positions défensives naturelles, observa-t-il. Nous devrions y intégrer nos premiers postes de garde plutôt que de construire des structures entièrement nouvelles.
Cette suggestion pratique, démontrant une volonté de maximiser l'efficacité des ressources disponibles, suscita des hochements approbateurs parmi les planificateurs des deux clans.
La discussion progressa méthodiquement à travers les différentes infrastructures nécessaires – systèmes d'égouts, routes principales, zones résidentielles et commerciales. À chaque sujet, la complémentarité des perspectives Uchiha et Senju devenait plus évidente, leurs approches distinctes s'enrichissant mutuellement plutôt que de s'opposer.
Lorsque vint le moment de discuter des installations médicales, tous les regards se tournèrent naturellement vers Sakura. Elle avait préparé cette présentation avec soin, consciente que cette infrastructure représentait peut-être sa contribution la plus significative à la fondation de Konoha.
Elle déroula un plan détaillé qu'elle avait élaboré durant les jours précédents.
— Je propose un modèle intégré plutôt que centralisé, commença-t-elle, attirant immédiatement l'attention des planificateurs. Un hôpital central, certainement, mais complété par des cliniques de quartier stratégiquement positionnées pour assurer un accès rapide aux soins d'urgence.
Elle désigna plusieurs emplacements sur la carte, soigneusement sélectionnés pour leur accessibilité depuis différentes zones du village planifié.
— De plus, chaque clinique se spécialiserait dans certains domaines – traumatismes pour celle proche des zones d'entraînement, pédiatrie près des quartiers familiaux, et ainsi de suite. Cette approche permettrait une allocation plus efficace des ressources médicales limitées tout en assurant une couverture complète.
Tobirama étudia attentivement le plan, son expression analytique trahissant un intérêt sincère.
— L'intégration civils-shinobis que tu proposes est particulièrement novatrice, observa-t-il. Traditionnellement, ces systèmes médicaux ont évolué séparément.
— Une séparation qui a limité l'innovation des deux côtés, répondit Sakura avec conviction. Les techniques shinobis de manipulation du chakra peuvent révolutionner certaines procédures civiles, tandis que l'expertise chirurgicale traditionnelle peut informer nos approches de guérison.
Madara, qui avait observé silencieusement la présentation jusqu'alors, intervint avec une question directe:
— Et l'académie médicale dont tu as parlé lors des négociations? Comment s'intégrerait-elle dans cette structure?
Sa question démontrait non seulement son attention aux détails, mais également l'importance qu'il accordait à cette dimension du projet – une valorisation qui contrastait fortement avec la priorisation historiquement guerrière attribuée au Madara d'origine.
Sakura déroula un second diagramme, plus détaillé encore que le premier.
— L'académie médicale serait adjacente à l'hôpital principal, expliqua-t-elle, mais avec son propre bâtiment et administration. Cela permettrait un partage des ressources tout en maintenant l'autonomie pédagogique nécessaire.
Le plan montrait un établissement impressionnant, avec des salles de classe, des laboratoires, et des espaces d'entraînement pratique.
— La formation inclurait des shinobis comme des civils, poursuivit-elle, anticipant les questions potentielles. Certains cours seraient communs, d'autres spécifiques aux différentes approches médicales. L'objectif ultime étant de former une nouvelle génération de médecins capable d'intégrer les deux traditions.
Hashirama, qui avait écouté attentivement, intervint avec enthousiasme:
— Cette vision transcende la simple infrastructure médicale, observa-t-il. Elle représente exactement le type d'évolution sociale que nous espérons catalyser avec Konoha – l'intégration harmonieuse de traditions autrefois distinctes pour créer quelque chose de supérieur à la somme de ses parties.
Un débat constructif s'ensuivit concernant les ressources nécessaires, le recrutement des premiers formateurs, et le calendrier d'implémentation. Mais le principe fondamental – celui d'une approche médicale intégrée – semblait avoir gagné l'adhésion universelle des planificateurs.
Lorsque la discussion passa aux questions résidentielles, un sujet potentiellement délicat émergea – l'organisation des quartiers claniques.
— Traditionnellement, commença prudemment un conseiller Uchiha, les clans maintiennent des districts distincts pour préserver leurs traditions particulières et assurer la sécurité de leurs techniques héréditaires.
Cette observation, formulée sans hostilité mais reflétant des préoccupations réelles, créa un moment de tension palpable. La structure résidentielle représentait bien plus qu'une simple question de planification urbaine – elle reflétait fondamentalement la vision sociale du futur village.
Le silence qui suivit semblait chargé de l'histoire entière des divisions claniques qui avaient défini le monde shinobi depuis des générations. Sakura observa attentivement Madara, consciente que sa position sur cette question serait particulièrement révélatrice de son évolution philosophique. Dans la ligne temporelle qu'elle avait connue, l'isolation progressive du district Uchiha avait été un facteur contributif majeur aux tensions qui avaient ultimement mené à la tragédie du clan.
Madara considéra la question avec une expression pensive avant de répondre:
— Les considérations sécuritaires concernant les techniques héréditaires sont légitimes, reconnut-il, validant ainsi les préoccupations exprimées. Cependant, si nous reproduisons simplement l'isolation clanique traditionnelle, nous risquons de recréer les mêmes divisions qui ont alimenté des siècles de conflit.
Il se tourna vers la carte, étudiant attentivement les contours du village projeté.
— Je propose une approche intermédiaire, poursuivit-il. Des zones résidentielles où les familles des différents clans pourraient naturellement se regrouper, mais sans frontières formelles ou systèmes de ségrégation imposés. Des zones connectées par des espaces communautaires partagés – marchés, parcs, terrains d'entraînement – qui encourageraient l'interaction quotidienne.
Cette proposition, qui cherchait à équilibrer le respect des traditions claniques avec la vision intégrative de Konoha, suscita des discussions animées. Mais le fait même que cette approche intermédiaire ait été suggérée par Madara plutôt que par Hashirama représentait une divergence fondamentale par rapport à la dynamique historique entre ces deux figures.
Tandis que la session de planification se poursuivait vers son deuxième objectif majeur – le système administratif – Sakura notait mentalement ces petites mais significatives divergences par rapport à l'histoire qu'elle avait connue. Comme des vagues successives s'éloignant d'une pierre jetée dans un étang, ces modifications subtiles dans la fondation même de Konoha pourraient potentiellement transformer l'ensemble de sa trajectoire future.
L'après-midi était déjà bien avancé lorsque la session de planification s'acheva enfin. Les participants se dispersèrent pour examiner différentes sections de la vallée, chacun concentré sur des aspects spécifiques de la future construction. Sakura saisit cette opportunité pour explorer plus méticuleusement les zones qu'elle avait identifiées comme potentiellement riches en plantes médicinales.
Armée d'un petit carnet et d'outils de collecte, elle se dirigea vers un coin boisé près de la rivière principale, là où l'humidité et l'ombre créaient un environnement idéal pour certaines espèces particulièrement utiles. La forêt était étonnamment paisible, le bruissement des feuilles et le murmure distant de l'eau créant une ambiance propice à la concentration.
Sakura s'agenouilla près d'un groupe de plantes aux feuilles caractéristiques, reconnaissant immédiatement une variété rare qu'elle avait souvent cherchée en vain dans son époque d'origine.
— Angelica acutiloba, murmura-t-elle pour elle-même, en prélevant soigneusement quelques échantillons. Une telle concentration ici pourrait fournir une source durable pour les anticoagulants naturels.
Elle progressait méthodiquement d'une zone à l'autre, cataloguant méticuleusement chaque découverte et notant l'emplacement précis des spécimens les plus précieux. Son expertise médicale, enrichie par les connaissances de deux époques différentes, lui permettait d'identifier des potentiels thérapeutiques que peu d'autres auraient pu reconnaître.
Tellement absorbée par son travail, elle ne remarqua pas immédiatement la présence qui s'était approchée silencieusement.
— Je me demandais où tu avais disparu, dit Madara, sa voix calme mais assez proche pour la surprendre légèrement.
Sakura se releva, rassemblant ses échantillons avec soin.
— J'exploitais le moment pour cartographier les ressources médicinales, expliqua-t-elle, montrant son carnet désormais rempli de notes détaillées. Cette vallée est exceptionnellement riche en espèces utiles.
Madara observa les plantes qu'elle avait collectées, une curiosité sincère visible dans son expression.
— Celle-ci est particulièrement importante? demanda-t-il, désignant une herbe aux feuilles dentelées qu'elle avait soigneusement préservée dans un petit sac de toile.
— Panax ginseng, confirma-t-elle. Extrêmement efficace pour les traitements de récupération après épuisement de chakra sévère. Sa présence naturelle ici est... inattendue.
Un silence confortable s'installa entre eux alors que Madara contemplait la forêt environnante, son regard parcourant le paysage avec une intensité évaluative qui lui était caractéristique.
— Ce n'est pas une coïncidence que tu sois venue examiner cette section particulière du territoire, observa-t-il finalement. Ce n'était pas une question, mais une constatation – perspicace comme toujours.
— Non, admit-elle. J'ai remarqué certaines caractéristiques du sol et de l'orientation par rapport au soleil qui suggéraient un potentiel médicinal particulier. Mais la richesse réelle dépasse mes attentes.
Elle rangea soigneusement ses échantillons avant de poursuivre:
— Ces ressources naturelles pourraient réduire considérablement notre dépendance aux importations médicales, particulièrement durant la phase initiale de l'établissement du village.
Madara acquiesça pensivement, puis fit un geste invitant Sakura à le suivre:
— Viens voir quelque chose que j'ai remarqué plus tôt. Cela pourrait t'intéresser.
Intriguée, Sakura le suivit à travers un sentier forestier à peine visible, qui serpentait entre des arbres centenaires avant de déboucher sur une petite clairière naturelle. Au centre se trouvait une formation rocheuse particulière – une source d'eau émergeant d'entre des pierres disposées presque artistiquement.
— Une source thermale, expliqua Madara, s'arrêtant à quelques pas de l'eau. La température et la composition minérale semblent... particulières.
Sakura s'approcha prudemment, s'agenouillant pour examiner l'eau qui émergeait des rochers. La température était effectivement remarquable – chaude sans être brûlante, et une légère odeur minérale suggérait une composition potentiellement thérapeutique.
— Tu as un œil remarquable, commenta-t-elle sincèrement surprise. Cette source pourrait avoir des propriétés médicinales significatives, particulièrement pour les traitements de réhabilitation physique.
Elle trempa délicatement ses doigts dans l'eau, analysant sa composition avec une précision permise par sa maîtrise du chakra médical.
— Concentration élevée de soufre et de plusieurs oligoéléments essentiels, confirma-t-elle. Une ressource thérapeutique naturelle, littéralement à nos pieds.
Madara observait son évaluation avec une attention qui dépassait la simple curiosité professionnelle.
— Tu envisages d'intégrer cette source dans tes installations médicales? Demanda-t-il.
— Absolument, répondit-elle, son esprit déjà engagé dans les implications pratiques. Un pavillon thérapeutique ici pourrait compléter parfaitement l'hôpital principal – un espace dédié à la récupération à long terme, particulièrement pour les blessures chroniques ou les traumatismes sévères.
Sakura se releva, un enthousiasme professionnel évident dans son expression.
— Cette découverte pourrait transformer notre approche de la médecine réhabilitative, poursuivit-elle.Traditionnellement, les shinobis gravement blessés étaient soit rapidement guéris par des techniques de chakra intensives, soit... considérés comme définitivement diminués.
Elle laissa cette dernière implication suspendue, consciente qu'elle touchait à un aspect sombre de la réalité shinobi – le sort souvent tragique des combattants dont les blessures dépassaient les capacités de guérison immédiate.
— Une approche intermédiaire, compléta Madara, démontrant sa compréhension immédiate de la vision qu'elle proposait. La réhabilitation progressive comme alternative à l'abandon ou aux solutions miraculeuses mais temporaires.
Cette synchronicité intellectuelle – cette capacité à saisir les implications profondes d'une idée sans nécessiter d'explications exhaustives – créait entre eux une connexion qui transcendait les simples affinités personnelles. C'était une résonance de perspectives, une reconnaissance mutuelle de visions complémentaires pour l'avenir.
Ils restèrent quelques moments près de la source, discutant des implications pratiques de cette découverte et de son intégration potentielle dans les plans plus larges du village. Ces considérations techniques servaient presque de pont entre les dimensions professionnelles et personnelles de leur interaction – un terrain commun où ils pouvaient explorer leurs perspectives partagées sans les complications d'implications plus intimes.
Pourtant, à mesure que le soleil commençait sa descente à l'horizon, teintant la clairière d'une lumière dorée, la nature de leur conversation évolua subtilement. Les questions pratiques cédèrent progressivement la place à des réflexions plus fondamentales sur l'avenir qu'ils contribuaient à façonner.
— Quelles sont tes véritables attentes pour Konoha? demanda soudainement Madara, brisant un silence momentané qui s'était installé entre eux.
La question, formulée avec une franchise directe caractéristique de sa personnalité, créait un pont vers un niveau d'échange plus profond. Ce n'était plus le leader clanique ou le stratège qui s'adressait à elle, mais l'homme derrière ces rôles – cherchant une perspective authentique plutôt qu'une réponse diplomatique.
Sakura considéra sa réponse avec soin, consciente de l'importance de ce moment.
— Je vois Konoha non pas comme une fin en soi, mais comme un commencement, répondit-elle finalement. Le début d'une transformation.
Elle fit une pause, cherchant les mots justes pour exprimer une vision nourrie par sa connaissance unique de futures possibilités.
— Un village où un enfant pourrait grandir en valorisant d'abord ses propres capacités et choix, avant son héritage sanguin ou les obligations claniques. Où la force serait mesurée non pas uniquement par la puissance destructrice, mais également par la capacité à protéger, à guérir, à construire.
Madara l'écoutait avec une intensité tranquille, son regard fixé non pas sur elle mais sur l'horizon distant, comme s'il visualisait ce futur qu'elle décrivait.
— Cette vision... résonne profondément, admit-il après un moment de réflexion. Bien qu'elle défie des traditions vieilles comme nos clans eux-mêmes.
Il se tourna vers elle, son expression révélant une vulnérabilité rarement visible. — Parfois, je me demande si nous sommes trop marqués par nos histoires pour véritablement créer quelque chose de fondamentalement nouveau.
Cette confession – ce doute authentique exprimé sans artifice – représentait peut-être l'une des divergences les plus significatives par rapport au Madara historique, souvent dépeint comme emprisonné dans une certitude inflexible concernant sa propre vision.
— L'histoire nous façonne, mais ne nous définit pas entièrement, répondit Sakura doucement. C'est peut-être cela, la véritable force – la capacité non pas à effacer notre passé, mais à choisir consciemment quelles parties nous portons vers l'avenir.
Leur regard se croisèrent, et dans cet échange silencieux se transmit une compréhension plus profonde que n'importe quelles paroles auraient pu articuler. Deux personnes fondamentalement transformées par leurs expériences, cherchant à façonner un avenir qui transcenderait les limites de leurs histoires respectives.
Le crépuscule s'intensifiait autour d'eux, signalant qu'il serait bientôt temps de rejoindre le campement principal. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne semblait pressé d'interrompre ce moment de connexion authentique loin des regards et des attentes des autres.
— Nous devrions revenir, dit finalement Madara, bien que son ton suggérait une réticence subtile.
— Oui, acquiesça Sakura. La planification reprendra tôt demain.
Ils commencèrent à se diriger vers le sentier qui les ramènerait au campement, marchant côte à côte dans un silence confortable. Leur conversation avait créé une intimité nouvelle – non pas romantique dans sa nature, mais profondément personnelle.
Lorsqu'ils regagnèrent le campement principal, l'atmosphère avait subtilement changé.
Des groupes de shinobis parlaient à voix basse, et une tension palpable semblait avoir remplacé l'optimisme collaboratif qui avait caractérisé la journée jusqu'alors. Au centre du campement, Hashirama et Tobirama étaient engagés dans une conversation intense avec un messager visiblement épuisé.
L'expression habituellement sereine d'Hashirama était remplacée par une gravité qui signalait immédiatement l'importance de la situation.
Madara et Sakura échangèrent un regard bref avant de s'approcher rapidement. Les conversations périphériques s'interrompirent à leur arrivée, créant un silence chargé d'anticipation.
— Un développement inattendu, annonça Hashirama avec une formalité inhabituelle. Un messager du clan Hyūga vient d'arriver.
Cette simple déclaration créa une onde de murmures parmi les shinobis rassemblés. Le clan Hyūga, connu pour son isolationnisme traditionnel et son Byakugan légendaire, intervenait rarement dans les affaires des autres clans sans raison significative.
— Ils ont entendu parler de notre alliance et de la fondation de Konoha, poursuivit Hashirama. Leur conseil des Anciens a exprimé... des préoccupations.
Tobirama, toujours pragmatique, précisa la nature de ces préoccupations:
— Ils considèrent qu'une concentration aussi significative de puissance shinobi représente un déséquilibre potentiellement déstabilisant pour la région entière.
Madara, dont l'expression s'était imperceptiblement durcie à la mention de ces objections, posa la question évidente:
— S'agit-il d'une simple expression d'inquiétude ou d'une menace voilée?
Le messager, un jeune shinobi dont l'épuisement témoignait de la vitesse à laquelle il avait voyagé, s'inclina respectueusement avant de répondre:
— Le message est formellement diplomatique, Madara-sama. Mais plusieurs unités Hyūga ont été observées en mouvement près de notre frontière nord-est. Leur positionnement pourrait être interprété comme... stratégique.
Cette information créa un moment de tension palpable. Pour les clans shinobis, de tels mouvements de troupes parlaient souvent plus clairement que les messages diplomatiques formels.
— Il y a plus, intervint Izuna, qui venait de rejoindre le groupe avec plusieurs éclaireurs Uchiha. Nos sentinelles rapportent des activités similaires du clan Aburame à l'ouest. Rien d'ouvertement hostile, mais certainement coordonné. L'implication était claire – les clans environnants réagissaient à la nouvelle de l'alliance Uchiha-Senju, potentiellement en formant leurs propres alliances défensives.
Sakura observait attentivement les réactions des différents leaders face à cette première véritable opposition externe. Dans la ligne temporelle qu'elle avait connue, ces tensions initiales avaient éventuellement été résolues par l'intégration progressive des clans concernés dans la structure de Konoha – mais ce processus avait été loin d'être linéaire ou garanti.
— Une réaction prévisible, observa calmement Madara après un moment de réflexion. Notre alliance représente un changement fondamental dans l'équilibre des pouvoirs établi depuis des générations.
Cette réponse mesurée – reconnaissant la légitimité des préoccupations externes sans céder à la provocation – représentait une approche remarquablement différente de celle que l'histoire avait attribuée au Madara d'origine, souvent dépeint comme prompt à percevoir les oppositions comme des défis à son autorité.
— Prévisible, peut-être, mais potentiellement problématique répondit Tobirama, toujours pragmatique. Si nos clans rencontrent une résistance significative en tentant de nous rejoindre ici, la fondation de Konoha pourrait être retardée de mois.
Hashirama ferma brièvement les yeux, absorbant cette information avec le calme qui le caractérisait dans les moments critiques.
— Nous ne pouvons pas permettre que notre vision soit entravée avant même d'avoir pris racine, déclara-t-il finalement. Mais nous ne pouvons pas non plus risquer un conflit ouvert qui justifierait précisément les craintes exprimées par les Hyūga.
Un silence pesant s'installa, chacun évaluant les implications complexes de cette situation. La manière dont ils répondraient à ce premier défi externe définirait potentiellement la perception que le monde shinobi aurait de Konoha pour les années à venir.
C'est à ce moment que Sakura s'avança, son expression reflétant une détermination tranquille:
— Peut-être devrions-nous considérer cette situation non comme un obstacle, mais comme une opportunité, suggéra-t-elle.
Tous les regards se tournèrent vers elle, certains curieux, d'autres sceptiques.
— Les clans Hyūga et Aburame sont préoccupés parce qu'ils nous perçoivent comme une menace potentielle, poursuivit-elle. Une perception basée non sur nos intentions déclarées, mais sur les précédents historiques d'alliances shinobis exclusivement motivées par des ambitions expansionnistes.
Elle désigna les plans préliminaires de Konoha qui avaient été élaborés plus tôt dans la journée.
— Notre vision pour Konoha est fondamentalement différente – non pas une alliance militaire traditionnelle, mais une nouvelle forme de communauté intégrée, avec des dimensions civiles, éducatives et médicales aussi importantes que sa force défensive.
Hashirama hocha la tête, comprenant immédiatement où elle voulait en venir:
— Tu suggères une approche diplomatique proactive, plutôt qu'une simple réponse défensive.
— Exactement, confirma Sakura. Envoyons des émissaires directement aux Hyūga et aux Aburame – non pas pour apaiser leurs inquiétudes avec des promesses vagues, mais pour leur présenter concrètement notre vision complète de Konoha.
Elle se tourna vers Madara, reconnaissant que son soutien serait particulièrement crucial pour la crédibilité de cette approche:
— Plus encore, invitons leurs représentants à observer directement nos premières étapes de construction – à voir par eux-mêmes que nos priorités incluent des installations médicales, des écoles, des infrastructures civiles.
Madara considéra cette suggestion avec une intensité réfléchie. Traditionnellement, les secrets des débuts d'un établissement shinobi étaient jalousement gardés pour des raisons stratégiques évidentes. Inviter des observateurs externes pendant cette phase vulnérable représentait une rupture radicale avec les pratiques établies.
Après un moment de considération, il acquiesça lentement:
— La transparence comme stratégie d'apaisement, articula-t-il, formulant le concept fondamental avec précision. Audacieux, mais potentiellement efficace précisément parce qu'inattendu.
Il se tourna vers Hashirama:
— Cela nécessitera une coordination minutieuse. Montrer suffisamment pour démontrer notre sincérité, sans compromettre notre sécurité fondamentale.
— Et une sélection soigneuse des émissaires, ajouta Tobirama, son esprit analytique évaluant déjà les implications pratiques. Des individus capables de communiquer efficacement notre vision tout en maintenant une posture défensive si nécessaire.
La tension qui avait momentanément paralysé le campement commençait à céder la place à une énergie plus constructive, à mesure que la discussion évoluait de la simple réaction à une stratégie proactive.
— Je suggère d'envoyer deux équipes, proposa Izuna, surprenant légèrement Sakura par son adhésion rapide à cette approche diplomatique. Une vers les Hyūga, l'autre vers les Aburame, chacune dirigée par un représentant de confiance des Uchiha et des Senju.
Sakura observa avec satisfaction cette dynamique collaborative se développer face à l'adversité. Plutôt que de se replier dans leurs perspectives claniques distinctes face à cette opposition externe, les leaders des deux délégations s'engageaient naturellement dans une résolution commune du problème.
— Je devrais diriger l'équipe vers les Aburame, suggéra Tobirama. Leur pragmatisme analytique résonnera probablement avec ma propre approche.
— Et j'accompagnerai la délégation vers les Hyūga, proposa Madara, créant une surprise momentanée parmi certains membres du groupe. Les Hyūga respectent la puissance et l'autorité directe. Ma présence personnelle démontrera l'importance que nous accordons à leurs préoccupations.
Hashirama considéra ces propositions avec une expression pensive avant d'acquiescer:
— Une approche équilibrée. Cependant, Madara, peut-être devrais-tu être accompagné par quelqu'un possédant une expertise particulièrement pertinente pour démontrer les dimensions non-militaires de notre vision.
Son regard se tourna vers Sakura:
— Quelqu'un capable d'articuler de manière convaincante les aspects médicaux et sociaux de Konoha.
Sakura comprit immédiatement l'implication. Sa participation à cette mission diplomatique cruciale représenterait un rôle significativement plus important que celui qu'elle aurait pu anticiper à ce stade précoce de la fondation de Konoha.
— Je serais honorée d'accompagner Madara-sama, répondit-elle formellement, consciente des nombreux observateurs. Mes plans pour les infrastructures médicales pourraient effectivement intéresser particulièrement les Hyūga, connus pour leur propre tradition de médecine avancée.
La formalité de sa réponse masquait les implications personnelles plus complexes de cette assignation – plusieurs jours de voyage en compagnie restreinte de Madara, dans un contexte de haute tension diplomatique.
Une proximité forcée qui pourrait potentiellement catalyser l'évolution de leur relation déjà complexe.
— C'est décidé alors, conclut Hashirama avec une énergie renouvelée. Les équipes diplomatiques partiront demain à l'aube, tandis que le reste d'entre nous continuera à préparer le site pour l'arrivée progressive de nos clans.
Alors que le groupe se dispersait pour préparer ces nouvelles missions, Sakura resta momentanément en arrière, absorbant les implications de ce développement inattendu. Ce qui avait commencé comme une journée de planification pacifique s'était transformé en une situation potentiellement critique pour l'avenir même de Konoha.
Plus significativement, sa position personnelle évoluait rapidement – d'une conseillère technique respectée mais relativement périphérique à une représentante diplomatique centrale pour la vision même du village. Une accélération de son influence qui dépassait ses prévisions les plus optimistes, mais qui comportait également des risques proportionnels.
Tandis qu'elle se dirigeait vers sa tente pour préparer le nécessaire pour cette mission inattendue, Sakura réfléchissait aux implications plus larges de cette situation.
Dans l'histoire qu'elle avait connue, l'opposition initiale des clans environnants avait été largement gérée par Hashirama seul, avec l'implication limitée de Madara, contribuant peut-être aux germes de ressentiment qui avaient éventuellement fleuri en méfiance mutuelle.
Cette nouvelle approche collaborative face à l'adversité représentait peut-être l'une des divergences les plus prometteuses par rapport à cette histoire originale – une fondation de confiance mutuelle construite précisément à travers la résolution partagée des défis externes.
Cette nuit-là, le campement était animé d'une énergie différente de la veille.
Les préparatifs pour les missions diplomatiques imminentes créaient un va-et-vient constant, tandis que les discussions stratégiques se poursuivaient bien après le coucher du soleil. Sakura avait passé plusieurs heures à rassembler ses notes et documents médicaux les plus persuasifs, sélectionnant soigneusement ceux qui démontreraient le mieux les bénéfices potentiels de Konoha pour tous les clans de la région.
Chaque détail devait être parfaitement préparé – cette première impression diplomatique auprès des Hyūga pourrait s'avérer cruciale pour l'avenir même du village.
Lorsqu'elle émergea finalement de sa tente, les étoiles brillaient avec une clarté remarquable dans le ciel nocturne. Le campement s'était progressivement apaisé, la plupart des préparatifs étant achevés pour la nuit. Seules quelques silhouettes restaient visibles autour des feux mourants, des gardes vigilants et quelques insomniaques préoccupés par les défis du lendemain.
Sakura ressentit le besoin d'un moment de solitude pour rassembler ses pensées avant la mission critique qui l'attendait. Elle se dirigea vers une petite élévation à la périphérie du campement, un endroit qu'elle avait repéré plus tôt dans la journée et qui offrait une vue dégagée sur la vallée entière.
La nuit était fraîche mais pas froide, l'air parfaitement clair permettant une visibilité exceptionnelle du ciel étoilé.
Elle s'assit sur un rocher plat, laissant son regard parcourir ce paysage céleste tout en organisant mentalement ses stratégies pour les jours à venir.
— Un spectacle qui inspire l'humilité, n'est-ce pas?
La voix de Madara la surprit légèrement, bien qu'elle eût inconsciemment senti sa présence s'approcher. Sa capacité à se déplacer silencieusement, même lorsqu'il n'essayait pas activement de dissimuler son approche, témoignait de décennies d'existence comme shinobi d'élite.
— Les mêmes étoiles qui ont guidé nos ancêtres guideront également ceux qui viendront après nous, répondit-elle, exprimant une pensée qui traversait naturellement l'esprit de quelqu'un ayant voyagé entre différentes époques.
Madara s'approcha, s'arrêtant à quelques pas d'elle sans envahir son espace personnel.
— Puis-je me joindre à toi? demanda-t-il, une courtoisie formelle qui contrastait avec son autorité habituelle.
— Bien sûr, répondit-elle simplement, faisant légèrement de la place sur le large rocher.
Il s'assit à côté d'elle, maintenant une distance respectueuse mais pas distante. Pendant quelques minutes, ils observèrent simplement le ciel en silence, partageant ce moment de contemplation sans ressentir le besoin de le remplir de paroles.
— Es-tu préoccupée par la mission de demain? demanda-t-il finalement, sa voix plus douce que d'habitude, comme adaptée à l'intimité de l'environnement nocturne.
Sakura considéra sa réponse avec soin.
— Préoccupée, non. Consciente de son importance, oui, répondit-elle avec honnêteté. Les Hyūga sont connus pour leur perspicacité, littéralement comme figurativement. Ils verront au-delà des paroles diplomatiques habituelles.
Madara acquiesça pensivement.
— C'est précisément pourquoi ta présence sera cruciale. Tu parles avec une conviction authentique de cette vision d'une communauté intégrée au-delà des simples alliances militaires. Cette sincérité... n'est pas quelque chose qui peut être simulée devant leurs yeux.
Ce compliment, formulé comme une observation factuelle plutôt que comme une flatterie, portait un poids particulier venant de lui.
— Toi aussi, observa-t-elle. Ta décision de mener personnellement cette mission diplomatique plutôt que d'envoyer un représentant démontre une priorité que les Hyūga respecteront.
Un léger sourire traversa le visage de Madara – une expression rare qui transformait subtilement ses traits habituellement sévères.
— Tu as remarqué la surprise de certains à cette décision, dit-il, référant implicitement aux réactions de plusieurs membres de la délégation.
— La diplomatie n'est généralement pas associée à ta... réputation, admit-elle prudemment.
Cette observation effleurait dangereusement les limites de sa connaissance future, mais Madara sembla l'interpréter simplement comme une référence à sa réputation actuelle de guerrier plutôt que de négociateur.
— Les perceptions sont souvent limitées par les rôles que nous avons historiquement occupés, répondit-il philosophiquement. Comme chef de guerre des Uchiha, les opportunités de démontrer des compétences diplomatiques étaient... rares.
Il leva les yeux vers les étoiles avant de poursuivre:
— Mais Konoha représente quelque chose de fondamentalement nouveau. Nous tous – Hashirama, Tobirama, toi et moi – nous nous trouvons dans des positions qui exigent d'exploiter des aspects de nous-mêmes qui ont peut-être été sous-utilisés jusqu'à présent.
Cette réflexion – cette reconnaissance explicite de transformation personnelle – représentait peut-être l'une des divergences les plus profondes par rapport au Madara historique que Sakura avait connu à travers les récits. Une capacité d'introspection et d'adaptation qui contrastait fortement avec l'inflexibilité légendaire qui avait caractérisé sa trajectoire originale.
— Cette capacité d'évolution est peut-être notre plus grand atout, observa-t-elle doucement. Non pas abandonner qui nous sommes, mais élargir ce que nous pouvons devenir.
Il tourna légèrement son visage vers elle, son expression reflétant une appréciation sincère pour cette perspective.
— Exactement. Et c'est peut-être l'essence même de ce que Konoha pourrait représenter – non pas l'effacement des identités claniques, mais leur transcendance vers quelque chose de plus inclusif.
Ils retombèrent dans un silence confortable, laissant ces réflexions se déposer entre eux comme les fondations invisibles mais essentielles d'une compréhension plus profonde. Finalement, la fraîcheur croissante de la nuit et la conscience des responsabilités du lendemain les incitèrent à se lever d'un commun accord tacite.
— Nous devrions nous reposer, observa Madara. La journée de demain sera... significative.
— En effet, acquiesça Sakura. Les Hyūga ne sont pas connus pour leur patience.
Ils marchèrent côte à côte en direction du campement, leurs pas naturellement synchronisés dans un rythme commun.
À mi-chemin, Madara s'arrêta brièvement, tournant légèrement son visage vers elle:
— Sakura, dit-il simplement, sa voix portant une gravité inhabituelle. Merci pour cette conversation.
La simplicité de cette expression de gratitude – dépourvue des formalités habituelles ou des justifications – lui conférait une authenticité particulièrement touchante.
— C'était un plaisir partagé, répondit-elle avec une sincérité égale.
Ils reprirent leur marche en silence, retournant vers le campement où les défis du lendemain les attendaient. Tandis qu'ils atteignaient le point où leurs chemins devaient se séparer vers leurs tentes respectives, Sakura ressentit une certitude croissante.
Quelle que soit l'issue de leur mission diplomatique imminente, la fondation même de Konoha – et la trajectoire de Madara Uchiha – commençait déjà à diverger significativement de l'histoire qu'elle avait connue. Une divergence qui pourrait, peut-être, mener à un avenir radicalement différent pour le monde shinobi tout entier.
Chapter 9: Alliances Fragiles
Chapter Text
L'aube se levait à peine lorsque les délégations diplomatiques se préparèrent à quitter le campement. Le groupe destiné au territoire Hyūga, mené par Madara et Sakura, comportait également deux shinobi Uchiha d'élite et un membre respecté de la famille Senju, choisis pour leur tempérament mesuré autant que pour leurs compétences.
Pendant ce temps, Tobirama dirigeait une équipe similaire vers le clan Aburame.
— Nous nous retrouverons ici dans cinq jours, déclara Hashirama lors des dernières instructions. Si l'une des équipes rencontre des complications, envoyez un message immédiatement.
Son regard s'attarda un moment sur Madara, une communication silencieuse entre les deux fondateurs qui en disait plus que les mots.
— Notre objectif est la diplomatie, pas la confrontation. Montrez-leur ce que Konoha peut être, pas ce qu'ils craignent qu'elle soit.
Les deux groupes se séparèrent rapidement, adoptant le rythme soutenu caractéristique des déplacements shinobis. Sakura et ses compagnons prirent la direction nord-est, traversant les forêts denses qui délimitaient la frontière traditionnelle entre les territoires Uchiha et Hyūga.
Le premier jour de voyage se déroula sans incident, l'équipe progressant efficacement tout en évitant les routes principales qui pourraient révéler leur présence prématurément. Madara menait le groupe avec une précision qui témoignait de sa connaissance approfondie du territoire - résultat de décennies de patrouilles et d'opérations militaires.
Ce fut pendant la soirée du deuxième jour, alors qu'ils établissaient un campement temporaire à quelques heures du domaine Hyūga, que Madara décida de finaliser leur stratégie diplomatique.
— Les Hyūga valorisent la formalité et la hiérarchie autant que leurs capacités visuelles, expliqua-t-il au groupe rassemblé autour d'un feu minimal. Sa voix portait cette cadence particulière qu'il prenait lors des briefings tactiques. Notre approche doit respecter leurs protocoles tout en maintenant notre propre dignité.
Il se tourna vers Sakura:
— Je présenterai nos aspirations militaires et stratégiques pour Konoha. Toi, Sakura, tu interviendras sur les aspects civils et médicaux. Cette division claire des responsabilités reflètera la structure de leadership que nous envisageons.
Sakura acquiesça, comprenant la logique de cette approche. Cependant, elle ne put s'empêcher de ressentir une légère appréhension. Contrairement à ses interactions avec le daimyō ou même les Senju, sa connaissance des Hyūga de cette époque était limitée, très limitée...
Les histoires transmises à travers les générations n'avaient jamais détaillé la politique interne du clan pendant l'ère pré-Konoha.
— Devons-nous mentionner possibilité d'une visite potentielle de leurs représentants sur le site de Konoha dès le début des discussions?
Madara considéra la question avec soin, ses doigts tapotant inconsciemment le pommeau de son katana.
— Non. Attendons d'évaluer leur réceptivité. Une invitation précipitée pourrait être perçue comme une tentative de manipulation plutôt qu'un geste de transparence.
Le matin suivant, ils furent interceptés par une patrouille Hyūga bien avant d'atteindre les frontières officielles du clan - une démonstration subtile de l'efficacité du Byakugan comme système de surveillance.
La patrouille, composée de quatre shinobis aux yeux caractéristiques de leur lignée, les approcha avec une retenue formelle mais vigilante.
— Madara Uchiha. Votre visite est... inattendue.
Le leader, un homme d'âge moyen dont la posture droite trahissait un rang élevé, prononça chaque mot avec la précision caractéristique de son clan.
— Mais pas non annoncée, répondit Madara avec une courtoisie égale, sans la moindre trace d'irritation dans la voix. Comme notre messager l'a indiqué, nous venons en émissaires de paix, cherchant à discuter de sujets d'intérêt mutuel avec vos honorables ainés.
Le Hyūga étudia le groupe avec une intensité calculée, son regard s'attardant momentanément sur Sakura. Sans activer visiblement son Byakugan, son observation semblait néanmoins pénétrante.
— Suivez-nous, dit-il simplement. Le Conseil vous recevra.
Ils furent escortés à travers un réseau complexe de chemins forestiers, délibérément indirect - une mesure de sécurité évidente qui masquerait les approches directes du domaine Hyūga. Finalement, les arbres s'éclaircirent pour révéler un complexe architectural impressionnant, alliant élégance traditionnelle et considérations défensives.
Le domaine principal des Hyūga se distinguait nettement des campements semi-nomades que de nombreux clans, y compris les Uchiha, avaient adoptés durant les années de guerre constante. Ici se trouvait un établissement permanent, témoignant d'une confiance remarquable dans leurs capacités défensives.
Ils furent conduits dans une salle formelle où sept ainés Hyūga les attendaient, assis dans une configuration hiérarchique évidente. Au centre, un homme âgé dont les yeux, bien que voilés par l'âge, semblaient néanmoins percevoir chaque détail de leur présence.
— Madara Uchiha. Votre clan et celui des Senju ont ensanglanté les terres de ce pays pendant des générations. Maintenant, vous venez nous parler d'alliance et de village commun.
Sa voix était sèche, presque cassante.
— Expliquez cette... transformation soudaine.
La directivité de cette ouverture établissait immédiatement le ton - ils ne seraient pas accueillis par des politesses diplomatiques vides, mais interrogés avec la précision caractéristique des Hyūga.
Madara s'inclina respectueusement avant de commencer sa présentation soigneusement préparée.
Avec une éloquence qui surprit même Sakura, il détailla l'évolution de la relation entre Uchiha et Senju, la vision partagée de Konoha, et les avantages stratégiques d'une telle unification.
— La nature même des conflits shinobis évolue, conclut-il, ses mains traçant de légers gestes pour ponctuer ses arguments. Les missions individuelles cèdent progressivement la place aux affrontements entre forces plus larges. L'isolation clanique devient non seulement inefficace, mais potentiellement fatale à long terme.
Les ainés écoutèrent sans interruption visible, leurs expressions disciplinées révélant peu de leurs pensées. Seules de subtiles interactions non-verbales entre eux - un regard échangé ici, un sourcil légèrement arqué là - suggéraient leurs réactions.
Lorsque Madara eut terminé, l'attention se tourna naturellement vers Sakura. C'était maintenant son rôle de présenter les dimensions non militaires de leur vision - peut-être la partie la plus cruciale pour contrer les préoccupations exprimées par les Hyūga.
Elle s'avança avec une confiance mesurée, consciente que ce moment pourrait influencer significativement non seulement la réaction des Hyūga, mais potentiellement le modèle que suivraient d'autres clans.
— Honorables ainés du clan Hyūga, commença-t-elle, s'inclinant avec respect. La force militaire n'est qu'une dimension de ce que Konoha aspire à devenir. Tout aussi fondamentales sont ses structures civiles, éducatives et médicales.
Elle déploya soigneusement les plans préliminaires qu'elle avait préparés, détaillant le système médical intégré, l'académie, et les infrastructures civiles envisagées.
— Un village où les enfants pourraient grandir en sécurité, où les connaissances seraient partagées plutôt que jalousement gardées, où les blessés pourraient guérir complètement plutôt que d'être abandonnés aux limitations de ressources claniques isolées.
Elle avait à peine entamé sa présentation lorsqu'une voix froide l'interrompit:
— Des paroles éloquentes, jeune Uchiha. Mais aussi légères que les nuages d'été.
C'était une femme âgée, assise à la droite du leader principal, dont les yeux perçants semblaient disséquer chaque expression de Sakura. Son ton portait des décennies d'autorité incontestée.
— Vous parlez de guérison et d'éducation. Pourtant, votre clan est renommé pour ses techniques de combat, pas de guérison. D'où vient soudainement cette expertise médicale que vous prétendez apporter?
La question était directe, presque accusatoire - une remise en question non seulement de ses compétences personnelles, mais de la sincérité même de leur proposition.
Sakura sentit une tension subtile parcourir ses compagnons. C'était précisément le type de confrontation qu'ils avaient espéré éviter - un questionnement fondamental de leur crédibilité dès le début des négociations.
— Une question perspicace, honorable aînée, répondit Sakura, maintenant un calme extérieur malgré la pression. Le clan Uchiha est effectivement reconnu principalement pour ses prouesses martiales. Cependant, cette perception incomplète illustre précisément les limitations de l'isolation clanique.
Elle s'avança légèrement, faisant délibérément appel à sa confiance professionnelle de médic-nin plutôt qu'à son statut d'émissaire Uchiha.
— Permettez-moi une démonstration plutôt qu'une simple déclaration.
Sans attendre d'autorisation explicite - une audace calculée qui pourrait soit impressionner soit offenser ses hôtes - Sakura concentra son chakra dans ses mains, créant une manifestation visible de technique médicale avancée.
La lueur verte caractéristique illumina la salle, projetant des ombres dansantes sur les visages impassibles des ainés.
— Cette technique permet la régénération cellulaire accélérée. Efficace pour des blessures internes que même le Byakugan peut avoir des difficultés à traiter complètement.
Elle laissa l'énergie médicale pulser quelques instants de plus avant de la dissiper, le silence qui suivit résonnant de façon presque tangible.
La démonstration créa un moment de silence évaluateur, mais la même aînée reprit rapidement:
— Une technique impressionnante, certainement. Mais singulière. Vous proposez un système médical complet basé sur les capacités d'une seule personne?
La question était incisive, identifiant précisément la faiblesse potentielle de leur proposition à ce stade précoce. Sakura sentit Madara se tendre imperceptiblement à ses côtés, prêt à intervenir si nécessaire.
— Non, honorable aînée. Je propose un système basé sur le partage des connaissances et l'intégration des traditions médicales de tous les clans participants.
Elle se tourna légèrement, incluant l'ensemble du conseil dans son adresse:
— Le clan Hyūga lui-même possède des techniques de diagnostics inégalées grâce au Byakugan. Le clan Nara, des connaissances botaniques exhaustives. Les Senju, une affinité naturelle avec les énergies vitales. Séparés, ces savoir-faire restent limités. Unifiés...
— Des suppositions théoriques, l'interrompit un autre aîné, un homme à la barbe soigneusement taillée qui tambourinait nerveusement ses doigts sur son genou. Vous n'avez aucune preuve que ces différentes approches peuvent effectivement être intégrées.
Sakura sentit le terrain diplomatique se dérober sous ses pieds. Leur scepticisme n'était pas simplement formel ou traditionnel - il était fondamentalement pragmatique, ciblant précisément les aspects les moins développés de leur vision à ce stade.
— Vous avez raison, admit-elle après un moment de réflexion, décidant que l'honnêteté serait plus efficace que des justifications défensives. L'intégration de ces traditions diverses reste à prouver dans la pratique. Ce que nous proposons n'a jamais été tenté à cette échelle.
Cette admission créa un léger murmure parmi les ainés - peut-être surpris par cette candeur inhabituelle dans un contexte diplomatique shinobi.
— Cependant, poursuivit-elle avec une conviction renouvelée, l'absence de précédent ne signifie pas l'impossibilité. C'est précisément dans ces domaines inexplorés que les avancées les plus significatives peuvent être réalisées.
Le leader principal, qui était resté silencieux jusqu'alors, leva légèrement la main, ramenant immédiatement le calme parmi ses pairs. Ses doigts étaient marqués de nombreuses cicatrices, témoins de décennies d'entraînement aux arts martiaux.
— Vos ambitions sont claires, Sakura Uchiha. Mais elles reposent largement sur des potentialités non vérifiées.
Son regard se déplaça vers Madara:
— Et vous, Madara Uchiha, êtes-vous véritablement convaincu par cette vision... inhabituelle pour votre clan? Ou n'est-ce qu'une stratégie temporaire d'alliance avec les Senju?
La question était peut-être la plus cruciale de toutes - mettant directement en cause non pas la vision elle-même, mais la sincérité de l'engagement de Madara envers celle-ci. Sakura sentit son cœur s'accélérer légèrement.
Toute sa connaissance du futur, toute sa préparation diplomatique, ne pouvaient garantir la réponse de Madara à cette question fondamentale.
Madara demeura silencieux un moment, son expression indéchiffrable même pour Sakura qui avait appris à lire ses subtiles variations. Quand il parla finalement, sa voix portait une gravité inhabituelle, presque intime:
— J'ai passé ma vie à perfectionner l'art de la guerre, honorable Hyūga. J'ai excellé dans ce domaine au-delà de presque tous mes contemporains.
Il fit une pause, son regard balayant lentement l'assemblée. Sakura remarqua qu'il avait cessé de tapoter son katana - un détail qui révélait sa concentration totale.
— Et c'est précisément pourquoi je reconnais ses limitations fondamentales. La guerre perpétuelle n'est pas une stratégie - c'est une capitulation devant notre incapacité à imaginer quelque chose de meilleur.
Il se tourna légèrement vers Sakura avant de poursuivre:
— Cette vision d'intégration médicale, éducative et civile ne constitue pas une déviation de mes convictions, mais leur aboutissement logique. La véritable force n'est pas dans la destruction, mais dans la capacité à construire quelque chose qui perdure.
Cette déclaration - profondément personnelle et philosophiquement significative - créa un silence méditatif dans la salle. Même les ainés les plus sceptiques semblaient évaluer ces paroles avec une considération nouvelle.
Le leader principal ferma brièvement les yeux, comme absorbant pleinement ces perspectives avant de rendre son jugement.
— Votre sincérité est... notable. Néanmoins, les préoccupations du clan Hyūga concernant ce déséquilibre potentiel de pouvoir demeurent légitimes.
Il fit un geste vers l'un des ainés, qui déroula un document formel, le parchemin craquant légèrement dans le silence:
— Nous ne pouvons ni approuver ni condamner définitivement votre initiative à ce stade. Cependant, nous proposons d'envoyer deux observateurs au site de votre futur village. Ils évalueront directement la concordance entre vos déclarations et vos actions.
Cette proposition - ni rejet complet ni acceptation enthousiaste - constituait un compromis prudent typique de la diplomatie Hyūga. Mais elle constituait néanmoins une ouverture significative par rapport à leur opposition initiale.
Sakura et Madara échangèrent un regard rapide, communiquant silencieusement leur évaluation de cette offre. C'était considérablement moins que l'alliance qu'ils avaient espérée, mais suffisant pour établir un premier contact substantiel.
— Nous acceptons votre proposition avec gratitude, répondit Madara formellement, inclinant légèrement la tête. Ces observateurs seront accueillis avec tous les égards dus à votre honorable clan.
Le reste de la réunion fut consacré aux détails pratiques de cet arrangement - l'identité des observateurs, leurs prérogatives, la durée de leur mission. Mais le ton avait subtilement changé, passant d'un scepticisme défensif à un pragmatisme évaluateur.
Alors qu'ils quittaient finalement le domaine Hyūga plusieurs heures plus tard, Sakura ne pouvait s'empêcher de ressentir un mélange complexe d'accomplissement mitigé et de frustration.
Leur mission n'avait pas échoué, mais elle n'avait certainement pas atteint l'adhésion enthousiaste qu'elle avait secrètement espérée.
— Tu sembles préoccupée, nota Madara alors qu'ils reprenaient leur chemin vers le site de Konoha, maintenant accompagnés par les deux observateurs Hyūga qui suivaient à distance respectueuse. Sa voix avait retrouvé son ton plus détendu, loin des formalités diplomatiques.
— J'avais espéré les convaincre plus complètement. Particulièrement concernant les aspects médicaux.
Madara considéra cette préoccupation avec une sérénité inattendue, ses pas gardant un rythme régulier malgré la fatigue du voyage.
— Les fondations solides ne se construisent pas en un jour. Les Hyūga sont traditionnellement prudents dans leurs alliances - leur ouverture, même limitée, constitue déjà un succès significatif.
Son analyse équilibrée surprit légèrement Sakura.
— Je suppose que je dois ajuster mes attentes à la réalité diplomatique.
— Tes attentes élevées nous poussent vers l'excellence, répondit-il avec une nuance presque affectueuse dans sa voix habituellement formelle. C'est précisément pourquoi ta présence est si précieuse pour Konoha.
Ce compliment inattendu, délivré sans flatterie mais avec une sincérité évidente, créa un moment de connexion au milieu de leurs préoccupations stratégiques.
Le voyage de retour fut considérablement plus rapide que l'aller, l'urgence de rapporter les résultats de leur mission accélérant leur progression.
Lorsqu'ils atteignirent finalement le site de Konoha au cinquième jour, ils découvrirent que le paysage avait déjà commencé à se transformer. Des zones avaient été défrichées, des fondations préliminaires établies, et plusieurs tentes supplémentaires indiquaient clairement que les premières familles des clans Uchiha et Senju avaient commencé à arriver.
Au centre du site, Hashirama supervisait personnellement la création d'un imposant bâtiment central - utilisant son Mokuton pour façonner les structures principales dans une démonstration impressionnante de son kekkei genkai unique.
— Vous revenez à point! s'exclama-t-il chaleureusement en les apercevant. Tobirama est également revenu hier.
Son expression illuminée suggérait immédiatement des nouvelles positives de cette mission parallèle.
— Les Aburame ont accepté de nous rejoindre?
Sakura espérait un succès diplomatique qui compenserait leurs résultats plus modestes.
— Mieux encore! Non seulement ils ont accepté, mais ils ont convaincu le clan Inuzuka de reconsidérer leur opposition initiale. Deux clans supplémentaires en une seule mission!
Hashirama avait cette façon enthousiaste de ponctuer ses phrases avec des gestes expressifs qui contrastait totalement avec la retenue de Madara.
Cette nouvelle créa une vague d'optimisme parmi leur groupe épuisé.
Les Inuzuka, avec leurs capacités de pistage inégalées et leur puissance offensive significative, représentaient un ajout particulièrement précieux pour la coalition naissante.
— Et votre mission? demanda Tobirama, qui venait de les rejoindre, son regard analytique évaluant immédiatement les deux observateurs Hyūga qui se tenaient en retrait.
— Une ouverture mesurée, résuma Madara succinctement. Pas d'alliance formelle à ce stade, mais une volonté d'observation directe.
Si Tobirama ressentit une satisfaction face à ces résultats plus modestes de la mission menée par Madara, il ne le manifesta pas visiblement. Au contraire, il sembla évaluer pragmatiquement cette information, ses doigts griffonnant déjà des notes sur un carnet qu'il sortit de sa manche.
— Les Hyūga sont traditionnellement les plus prudents des grands clans. Leur simple volonté d'observation constitue déjà une déviation significative de leur isolationnisme habituel.
Ce soutien inattendu de la part de Tobirama - reconnaissant la valeur de leur accomplissement diplomatique mitigé - surprit agréablement Sakura.
— Qu'en est-il des autres clans? s'enquit Madara, tournant son attention vers les développements plus larges durant leur absence.
— Des rumeurs circulent rapidement, répondit Hashirama, ses yeux pétillant d'excitation à peine contenue. Plusieurs clans mineurs ont envoyé des messages exploratoires. Le clan Sarutobi a exprimé un intérêt particulier après avoir appris l'adhésion potentielle des Aburame.
Ces développements suggéraient un effet d'entraînement prometteur - chaque nouvelle alliance renforçant la crédibilité de Konoha et attirant d'autres clans précédemment hésitants.
Alors qu'ils discutaient de ces développements, Sakura suivit du regard les travaux en cours autour d'eux.
Les premières structures prenaient forme - non plus simplement des tentes temporaires, mais des fondations permanentes qui transformeraient progressivement cette vallée en le village légendaire qu'elle avait connu.
— Les premières familles Uchiha sont arrivées hier, expliqua Izuna, qui venait de les rejoindre avec son sourire caractéristique. Principalement des non-combattants pour l'instant - artisans, familles avec jeunes enfants. Le reste du clan devrait arriver progressivement dans les semaines à venir.
Cette progression - commençant par les membres les plus vulnérables du clan plutôt que par ses forces militaires - témoignait d'une confiance remarquable dans la sécurité du site. Une décision qui aurait été impensable quelques mois auparavant.
— Nous avons commencé l'implémentation de tes plans pour les infrastructures médicales, ajouta Hashirama, s'adressant directement à Sakura avec son enthousiasme habituel. Le site près de la source thermale que tu as identifiée a été réservé, comme suggéré.
Cette attention à ses recommandations, même durant son absence, créa un sentiment de validation professionnelle qui contrastait avec les doutes qu'elle avait ressentis face aux questionnements des Hyūga.
Le reste de la journée fut consacré à l'intégration des nouveaux arrivants, à l'orientation des observateurs Hyūga, et à la planification des prochaines phases de développement.
À mesure que le soleil descendait à l'horizon, Sakura trouva un moment de solitude pour contempler le panorama transformé de la vallée.
Ce qu'elle contemplait n'était plus simplement une vision théorique ou un souvenir historique, mais la manifestation tangible d'un avenir alternatif prenant progressivement forme.
Malgré les difficultés diplomatiques, malgré les résistances initiales, Konoha commençait véritablement à exister.
— Une vue inspirante, n'est-ce pas?
La voix de Tobirama la surprit légèrement - il n'était pas habituellement enclin aux conversations contemplatives, préférant généralement l'action directe aux réflexions philosophiques.
— Franchement impressionnante. La vitesse de transformation dépasse mes attentes.
Tobirama s'approcha, son regard analytique évaluant le paysage avec une précision caractéristique, ses mains jointes dans le dos selon son habitude.
— J'ai eu écho de ta performance diplomatique avec les Hyūga à travers leurs propres comptes rendus. Tu as fait face à un questionnement particulièrement rigoureux.
Sakura se tourna légèrement vers lui, surprise par cette référence directe:
— Leurs préoccupations étaient légitimes. Particulièrement concernant l'intégration pratique des différentes traditions médicales.
Tobirama acquiesça pensivement, ses yeux plissés dans cette expression de concentration qu'elle lui connaissait bien:
— La résistance au changement est naturelle, particulièrement parmi les clans les plus anciens. Cependant...
Il hésita un moment, semblant choisir soigneusement ses mots:
— Tu pourrais bénéficier d'un soutien plus substantiel dans l'implémentation de ta vision médicale. Les questionnements des Hyūga ont identifié une vulnérabilité légitime - une vision portée trop exclusivement par une seule personne, quelle que soit sa compétence.
Cette analyse, délivrée sans condescendance mais avec une précision clinique, reflétait exactement les doutes que Sakura avait commencé à ressentir suite à sa confrontation avec les ainés Hyūga.
— Je ne peux pas former des médic-nin qualifiés en quelques semaines.
Sa frustration transparaissait malgré ses efforts pour maintenir un ton professionnel.
— Non, reconnut Tobirama avec un petit sourire rare. Mais tu pourrais commencer à établir une structure d'apprentissage plus formalisée.
Il désigna une zone du campement où plusieurs tentes médicales avaient été établies:
— Plusieurs membres du clan Senju possèdent des compétences médicales basiques qui pourraient être développées sous direction appropriée. Et les récents arrivants Uchiha incluent quelques individus avec un contrôle de chakra exceptionnellement précis.
Cette suggestion pratique - et l'offre implicite de collaboration qu'elle contenait - constituait un geste significatif de la part de Tobirama. Traditionnellement le plus méfiant envers les Uchiha, il proposait maintenant activement une intégration de leurs talents dans une structure d'importance fondamentale.
— Une académie médicale préliminaire, murmura Sakura, saisissant immédiatement les implications. Commencer la formation avant même que l'infrastructure physique ne soit complétée.
— Précisément. Des résultats tangibles, même modestes, seraient considérablement plus persuasifs pour les clans hésitants que des plans théoriques, quelle que soit leur élégance.
Cette suggestion pragmatique reflétait parfaitement la nature méthodique de Tobirama, mais démontrait également une reconnaissance significative de la valeur de sa vision médicale pour Konoha.
— Je.. J'apprécierai sincèrement ton assistance dans cette entreprise.
Un léger hochement de tête fut sa seule réponse, mais il était suffisant.
Dans le monde des interactions soigneusement mesurées de Tobirama, ce simple geste constituait un engagement substantiel.
Alors que les jours se transformaient en semaines, le site de Konoha connut une métamorphose remarquable. Les premières structures permanentes s'élevèrent progressivement - d'abord les bâtiments administratifs centraux, puis les quartiers résidentiels initiaux.
L'arrivée continue de familles Uchiha et Senju transformait progressivement le campement temporaire en une communauté embryonnaire.
Plus significativement, l'intégration croissante entre ces familles - des enfants jouant ensemble, des repas occasionnellement partagés - créait une atmosphère fondamentalement différente des campements claniques isolés traditionnels.
Les observateurs Hyūga, initialement réservés et formels, commencèrent progressivement à participer plus activement à la vie quotidienne de la communauté naissante. Leurs rapports réguliers à leur clan, bien que Sakura n'en connaissait pas le contenu exact, semblaient avoir un impact positif - deux familles Hyūga arrivèrent un mois après le début de leur mission d'observation, signalant une ouverture prudente mais significative.
L'académie médicale préliminaire, établie sous la direction conjointe de Sakura et de plusieurs guérisseurs Senju expérimentés, devint rapidement un point focal d'intégration. Contrairement aux autres aspects plus formellement structurés de Konoha, l'environnement médical créait naturellement un contexte où les différences claniques devenaient secondaires face à l'objectif partagé de guérison.
**
Quatre mois après les premières fondations, un développement particulièrement significatif survint.
Une délégation formelle du clan Nara, accompagnée de représentants des clans Yamanaka et Akimichi, arriva sans annonce préalable au village en construction. Leur intérêt avait été spécifiquement éveillé par les rapports concernant l'académie médicale naissante - les connaissances botaniques et pharmaceutiques légendaires des Nara trouvant une résonance naturelle avec cette initiative.
— Notre clan possède des techniques médicinales développées sur des générations, expliqua le leader Nara, un homme dont l'intelligence perçante était évidente même dans sa posture apparemment décontractée. Sa voix portait cette cadence traînante caractéristique de son clan, qui cachait une réflexion constante. Techniques que nous avons traditionnellement gardées pour nous-mêmes par nécessité plutôt que par choix.
Il désigna les structures médicales en développement d'un geste paresseux qui masquait un intérêt évident:
— Mais ce que vous établissez ici suggère une possibilité que nous n'avions pas anticipée - un environnement où le partage de certaines connaissances pourrait bénéficier à tous sans compromettre les intérêts fondamentaux de nos clans respectifs.
Cette arrivée - et particulièrement l'intérêt spécifique pour l'aspect médical plutôt que militaire de Konoha - constituait une validation profonde de la vision que Sakura avait défendue depuis le début.
Plus significativement encore, l'arrivée de cette alliance Ino-Shika-Chō comportait des implications stratégiques dépassant largement leur contribution médicale.
Leur réputation d'unité tactique parfaitement intégrée démontrait précisément le potentiel de collaboration inter-clanique que Konoha cherchait à institutionnaliser à plus grande échelle.
À mesure que la nouvelle de leur adhésion se répandait, d'autres clans précédemment hésitants commencèrent à exprimer un intérêt plus concret.
Une dynamique positive s'établissait progressivement - chaque nouvelle alliance renforçant la crédibilité du projet et réduisant les risques perçus pour les clans encore indécis.
Un soir, alors que Sakura complétait l'inventaire des herbes médicinales récemment fournies par le clan Nara, elle fut surprise par l'arrivée de Madara dans sa tente-laboratoire temporaire.
— Tu travailles encore à cette heure?
Il avait cette façon particulière d'incliner légèrement la tête quand quelque chose l'intriguait, un geste qu'elle avait appris à associer à sa curiosité genuine.
— Les plantes médicinales n'attendent pas, répondit-elle avec un léger sourire, désignant plusieurs spécimens particulièrement délicats. Certaines perdent leurs propriétés si elles ne sont pas correctement préparées dans les heures suivant leur récolte.
Madara s'approcha pour examiner sa méthode de travail, son intérêt semblant dépasser la simple courtoisie. Il demeurait silencieux, son regard suivant ses mouvements précis alors qu'elle séparait soigneusement les différentes parties d'une plante particulièrement rare.
— Les Nara semblent particulièrement impressionnés par ton académie, commenta-t-il finalement. Leur chef m'a spécifiquement mentionné que la structure d'enseignement que tu as établie transcende leurs attentes initiales.
Sakura ressentit une satisfaction sincère face à ce compliment indirect. Les Nara, connus pour leurs standards intellectuels exigeants, n'offraient pas facilement leur approbation.
— C'est largement grâce à la collaboration de Tobirama. Sa capacité à systématiser l'apprentissage a transformé ce qui aurait pu rester un transfert de connaissances ad hoc en un véritable programme structuré.
Madara acquiesça pensivement, ses doigts effleurant distraitement une des planches d'herbes séchées - un geste inhabituel qui trahissait sa détente.
— Cette alliance spécifique... change fondamentalement la dynamique régionale. Les Nara, Yamanaka et Akimichi représentent non seulement une puissance significative, mais une légitimité politique que même les clans les plus conservateurs ne peuvent ignorer.
Il s'approcha de la carte de la région accrochée sur un des poteaux de la tente, où des marqueurs indiquaient les différents clans et leur statut vis-à-vis de Konoha.
— J'ai reçu des messages exploratoires de trois clans supplémentaires depuis leur arrivée officielle. Des clans qui avaient explicitement rejeté nos approches initiales.
Cette progression - de l'opposition active à l'intérêt prudent - illustrait précisément le type d'effet d'entraînement qu'ils avaient espéré catalyser. Chaque nouvelle alliance renforçait la légitimité de Konoha, créant une dynamique auto-amplificatrice.
— Nous approchons d'un point de basculement, murmura Sakura, exprimant une pensée qui l'avait préoccupée ces derniers jours. Un moment où l'adhésion à Konoha deviendra la norme attendue plutôt que l'exception innovante.
— Précisément. Et c'est pourquoi je suis venu te consulter ce soir.
Cette déclaration directe - Madara sollicitant explicitement son conseil - reflétait l'évolution remarquable de leur relation professionnelle au cours des derniers mois.
— Hashirama et moi pensons qu'il est temps d'implémenter formellement le système de gouvernance que nous avons négocié avec le daimyō. D'établir officiellement le poste de Hokage et les structures administratives associées.
Il marqua une pause, ses yeux étudiant attentivement sa réaction:
— Cela inclurait naturellement l'institution de l'Épreuve du Feu de la Volonté que nous avions conceptualisée pour la sélection du leadership.
Sakura sentit son cœur s'accélérer légèrement. Ce développement constituait peut-être le point de divergence le plus significatif par rapport à l'histoire qu'elle avait connue - où Hashirama avait simplement été désigné premier Hokage par acclamation générale, sans le système méritocratique complexe qu'ils avaient élaboré durant leurs négociations.
— La population actuelle est-elle suffisante pour légitimer un tel processus?
Elle identifiait immédiatement une considération pratique cruciale, tout en évaluant mentalement les implications plus larges.
— Une question que Tobirama a également soulevée. Mais nous croyons que l'établissement précoce de ces structures de gouvernance est précisément ce qui encouragera les clans encore hésitants à nous rejoindre. La légitimité formelle précédant la masse critique plutôt que l'inverse.
Cette logique reflétait une compréhension sophistiquée des mécanismes de légitimation institutionnelle - particulièrement impressionnante venant de leaders formés principalement dans des traditions claniques plutôt que dans des systèmes de gouvernance civile.
— Et pour le conseil représentatif? Certains clans n'ont que quelques familles présentes à ce stade, insuffisantes pour une représentation véritablement équilibrée.
— Un système de pondération temporaire. Chaque clan actuellement présent recevrait une représentation minimale garantie, indépendamment de sa taille actuelle, complétée par des sièges supplémentaires proportionnels à leur population réelle.
Cette solution élégante équilibrait la nécessité d'inclusion immédiate avec la réalité démographique temporairement déséquilibrée.
Sakura considéra soigneusement ces implications, consciente que ce moment constituait potentiellement un tournant fondamental pour l'avenir de Konoha - et peut-être pour l'ensemble du monde shinobi.
— J'approuve cette direction. L'institution formelle des structures de gouvernance donnera une tangibilité à notre vision qui transcende les simples infrastructures physiques.
Un léger sourire traversa le visage habituellement stoïque de Madara:
— Exactement mon sentiment. Hashirama organisera une annonce formelle demain, suivie d'une période de préparation d'un mois avant la première Épreuve officielle.
Il s'apprêtait à partir lorsqu'il s'arrêta brièvement, se tournant à nouveau vers elle:
— Sakura... tes contributions à Konoha dépassent largement l'expertise médicale que tu as apportée. Ta vision équilibrée, ta capacité à naviguer entre perspectives claniques différentes - ces qualités ont été fondamentales pour nous amener à ce point.
Cette reconnaissance - sincère et dépourvue de formalité diplomatique - créa un moment d'intimité inattendu au milieu de leurs préoccupations administratives.
— Merci, répondit-elle simplement, sentant qu'une réponse plus élaborée diminuerait la signification de ce moment partagé.
**
Les semaines suivantes furent caractérisées par une intensification remarquable de l'activité à travers Konoha.
L'annonce de l'institution formelle des structures de gouvernance, et particulièrement de la prochaine Épreuve du Feu de la Volonté, catalysa une vague d'arrivées nouvelles - tant des familles supplémentaires des clans déjà présents que des représentants exploratoires de clans précédemment hésitants.
La construction s'accéléra parallèlement, avec un focus particulier sur la Tour Centrale qui abriterait le bureau du futur Hokage et les salles du Conseil.
Hashirama, utilisant son Mokuton avec une précision artistique remarquable, façonnait personnellement les éléments structuraux principaux, créant un bâtiment qui symbolisait parfaitement la fusion de puissance pratique et d'élégance architecturale.
L'académie médicale, initialement logée dans des tentes temporaires, fut transférée dans des installations permanentes - les premières salles de classe et laboratoires formels étant complétés en priorité. Sous la direction combinée de Sakura, des experts Nara et des guérisseurs Senju, un programme d'enseignement systématique prenait forme, attirant des étudiants de presque tous les clans présents.
Un matin, alors que Sakura supervisait l'installation d'équipements spécialisés dans le laboratoire principal, elle fut surprise par l'arrivée d'une visiteuse inattendue - l'aînée Hyūga qui avait le plus vigoureusement contesté ses compétences médicales lors de leur première rencontre diplomatique.
— Vous avez fait des progrès significatifs depuis notre dernière conversation.
L'aînée prononça ces mots sans préambule, son regard perçant évaluant minutieusement l'ensemble de l'installation. Sa présence dégageait cette autorité tranquille caractéristique des Hyūga de haut rang.
— Honorable aînée, salua respectueusement Sakura, masquant sa surprise. C'est un honneur inattendu.
La Hyūga fit un geste vague de la main, balayant les formalités avec cette impatience caractéristique qu'elle manifestait envers ce qu'elle considérait comme des pertes de temps:
— Nos observateurs ont été... insistants concernant les développements ici. Particulièrement dans le domaine médical. J'ai décidé qu'une évaluation personnelle était nécessaire.
Elle s'approcha d'une table où plusieurs étudiants travaillaient sur des techniques de diagnostic de base, activant discrètement son Byakugan pour observer le flux de chakra en détail.
— Intéressant, murmura-t-elle, sa voix trahissant une surprise qu'elle ne cherchait pas entièrement à dissimuler. Vous enseignez les fondamentaux de la circulation du chakra médical selon une méthodologie qui ressemble partiellement à nos propres techniques, mais avec des applications distinctes.
Cette reconnaissance - et plus significativement l'admission implicite d'une complémentarité méthodologique - marquait un changement notable par rapport à son scepticisme initial.
— L'intégration de différentes approches traditionnelles constitue le fondement de notre curriculum. Les techniques de visualisation du Byakugan, combinées avec la précision de contrôle de chakra des Uchiha et l'affinité naturelle des Senju pour les énergies vitales, créent des possibilités diagnostiques qui transcendent chaque tradition isolée.
L'aînée continua son observation pendant plusieurs minutes supplémentaires, son expression indéchiffrable, avant de se tourner directement vers Sakura:
— Vous aviez raison. Et j'avais tort.
Cette admission directe - particulièrement remarquable venant d'une aînée d'un clan aussi formellement hiérarchisé que les Hyūga - créa un moment de surprise silencieuse.
— Concernant?
— La possibilité même d'intégration effective entre traditions médicales distinctes. J'étais convaincue que les incompatibilités fondamentales entre nos approches rendraient toute synthèse véritable impossible ou superficielle.
Elle désigna les étudiants qui continuaient leur travail:
— Mais ce que j'observe ici... dépasse la simple juxtaposition de techniques. Vous créez véritablement quelque chose de nouveau, tout en préservant les profondeurs essentielles de chaque tradition.
Cette validation constituait précisément le type de reconnaissance dont Sakura avait tant douté lors de cette première confrontation diplomatique - une légitimation de sa vision médicale par l'une de ses critiques les plus formidables.
— Merci, répondit-elle touchée. Votre expertise serait une contribution inestimable si vous souhaitiez participer plus directement à notre développement.
L'aînée la considéra avec une intensité évaluative pendant un moment avant de répondre:
— Le clan Hyūga enverra trois de nos guérisseurs les plus accomplis d'ici la fin de la semaine. Ils apporteront avec eux certains textes médicaux traditionnellement réservés aux membres principaux de notre famille.
Cette offre - impliquant un partage sans précédent de connaissances jalousement gardées - symbolisait une percée diplomatique significative, peut-être plus substantielle que n'importe quelle alliance militaire formelle.
— Nous vous accueillerons avec honneur et gratitude.
Sakura comprenait parfaitement la valeur extraordinaire de ce geste.
Alors que l'aînée Hyūga prenait congé, Sakura ressentit une satisfaction complexe qui transcendait la simple validation personnelle. Cette évolution - du scepticisme accusatoire à la reconnaissance substantive - reflétait précisément le type de transformation plus large que Konoha espérait catalyser à travers le monde shinobi.
Cette tendance continua de s'amplifier à mesure que la date de l'Épreuve approchait.
Le clan Sarutobi, initialement hésitant mais intrigué par l'adhésion des Nara, annonça formellement son intention de rejoindre Konoha, apportant avec lui des capacités katon distinctes de celles des Uchiha et une tradition tactique particulièrement valorisée.
Plus surprenant encore, une délégation du clan Shimura - traditionnellement aligné avec des factions opposées aux Senju - arriva pour des discussions exploratoires, citant spécifiquement la structure méritocratique de sélection du Hokage comme facteur décisif dans leur reconsidération.
La veille de l'Épreuve, Konoha avait atteint une masse critique remarquable - non pas simplement en termes de population ou de puissance militaire combinée, mais plus significativement en légitimité institutionnelle.
Ce qui avait commencé comme une alliance improbable entre deux clans historiquement antagonistes s'était transformé en une entité politique nouvelle dont la structure transcendait les affiliations claniques traditionnelles.
Ce soir-là, Sakura se tenait sur la terrasse nouvellement complétée de la Tour Centrale, contemplant les lumières qui commençaient à illuminer le village en contrebas. Des rues prenaient forme, des quartiers distincts mais interconnectés se développaient, et plus significativement, une atmosphère communautaire émergeait progressivement.
— Un spectacle impressionnant, n'est-ce pas?
Elle se tourna pour voir Hashirama qui l'avait rejointe silencieusement, son expression reflétant la même contemplation satisfaite qu'elle ressentait. Son sourire portait cette chaleur genuine qui le caractérisait.
— Bien au-delà de ce que j'aurais imaginé possible en si peu de temps.
— C'est en grande partie grâce à ta vision. Particulièrement l'équilibre que tu as constamment défendu entre dimensions militaires, médicales et civiles.
Elle accueillit ce compliment avec un hochement de tête reconnaissant, mais dirigea délibérément la conversation vers le sujet qui préoccupait sans doute tous les leaders à la veille de l'Épreuve:
— Prêt pour demain?
Hashirama considéra cette question avec une réflexion évidente, son regard se perdant momentanément dans la contemplation du village illuminé:
— Je me suis préparé au mieux. Comme l'a fait Madara, j'en suis certain.
Cette simple déclaration encapsulait la transformation fondamentale qui avait déjà eu lieu - l'acceptation naturelle que le leadership de Konoha serait déterminé par un processus méritocratique plutôt que par désignation automatique ou manipulations politiques.
— L'Épreuve elle-même est conçue pour identifier le candidat le plus qualifié. Quel que soit le résultat, Konoha bénéficiera d'un leadership légitime aux yeux de tous.
Hashirama acquiesça pensivement:
— C'est peut-être là la véritable innovation - un système où le résultat spécifique importe moins que le processus lui-même. Peu importe qui deviendra le premier Hokage, le second sera sélectionné selon les mêmes principes méritocratiques.
Cette perspective - transcendant les personnalités individuelles pour se concentrer sur l'intégrité institutionnelle - reflétait précisément le type de vision à long terme que Konoha cherchait à incarner.
— Je dois admettre, poursuivit Hashirama après un moment de réflexion, que j'aurais difficilement imaginé Madara accepter un tel système il y a encore un an. Sa transformation est peut-être l'accomplissement le plus remarquable de toute cette entreprise.
Sakura ressentit une émotion complexe face à cette remarque.
Pour elle, qui connaissait la trajectoire tragique originale de Madara, cette évolution constituait bien plus qu'un simple développement diplomatique positif - elle symbolisait une divergence fondamentale de l'histoire qu'elle avait connue, avec des implications potentiellement transformatives pour l'ensemble du monde shinobi.
— Parfois, répondit-elle doucement, les plus grandes transformations surviennent précisément chez ceux qu'on attendrait le moins.
Ils restèrent ainsi quelques minutes supplémentaires, contemplant silencieusement le village naissant baigné dans la lumière du crépuscule, avant que les responsabilités de la journée à venir ne les rappellent à leurs préparatifs respectifs.
L'aube du jour de l'Épreuve se leva claire et fraîche, une brise légère faisant onduler les bannières nouvellement installées qui représentaient les différents clans désormais associés à Konoha.
La symbolique était délibérée et puissante - chaque bannière clanique distincte, préservant l'identité individuelle, mais toutes entourant l'emblème central de Konoha dans une manifestation visuelle d'unité dans la diversité.
L'arène spécialement construite pour l'occasion était située au centre du village, adjacente à la Tour Centrale. Sa conception reflétait les multiples dimensions de l'Épreuve elle-même - suffisamment spacieuse pour des démonstrations martiales impressionnantes, mais également équipée d'espaces pour les évaluations stratégiques, diplomatiques et administratives qui constitueraient des composantes tout aussi cruciales du processus.
Dès les premières heures du matin, la population de Konoha commença à converger vers l'arène, créant une atmosphère d'anticipation collective sans précédent.
Des représentants de tous les clans associés étaient présents, mais également des observateurs de clans encore non-alignés, des émissaires du daimyō, et même quelques diplomates de régions voisines - tous attirés par l'innovation radicale que représentait cette sélection méritocratique du leadership.
Sakura observait ces développements depuis une position privilégiée près de l'estrade principale, où elle siégerait comme membre du panel d'évaluation aux côtés de représentants de chaque clan majeur. Sa présence dans ce rôle reflétait la reconnaissance collective de son expertise médicale, mais également de sa perspective unique qui transcendait les affiliations claniques traditionnelles.
À mesure que l'heure désignée approchait, l'excitation palpable de la foule céda progressivement la place à un silence respectueux lorsque les deux candidats principaux firent leur entrée dans l'arène.
Hashirama et Madara, vêtus de tenues formelles reflétant leurs héritages claniques respectifs mais également incorporant des éléments symbolisant Konoha, s'avancèrent côte à côte - une image puissante d'unité qui contrastait avec leur antagonisme historique.
Tobirama, désigné comme maître de cérémonie en raison de sa capacité à maintenir une impartialité rigoureuse, s'avança au centre de l'estrade:
— Aujourd'hui, nous établissons non seulement le premier leadership de Konoha, mais plus fondamentalement, le processus même par lequel tous les futurs leaders seront sélectionnés.
Sa voix portait clairement à travers l'arène sans nécessiter d'amplification, chaque mot articulé avec cette précision caractéristique qu'il apportait aux déclarations importantes.
Il fit un geste englobant l'assemblée diverse:
— Cette Épreuve du Feu de la Volonté évaluera non pas simplement la puissance martiale des candidats, mais leur sagesse stratégique, leur intelligence diplomatique, et leur vision administrative - toutes qualités essentielles au rôle de Hokage que nous institutionnalisons aujourd'hui.
Alors que Tobirama détaillait les différentes phases de l'Épreuve à venir, Sakura porta son attention sur les expressions des deux candidats principaux.
Hashirama manifestait son enthousiasme caractéristique, son expression ouverte reflétant sa confiance dans le processus lui-même indépendamment de son résultat personnel.
Madara, quant à lui, démontrait une intensité focalisée qui différait subtilement de la tension défensive qu'elle aurait pu anticiper basée sur sa connaissance de sa personnalité historique. Son calme ne semblait pas forcé ou diplomatique, mais reflétait une acceptation authentique de ce moment comme légitime et significatif.
L'Épreuve elle-même se déroulerait sur trois jours complets, permettant une évaluation exhaustive des multiples dimensions du leadership.
La première journée, consacrée aux démonstrations martiales et tactiques, commença par des exhibitions impressionnantes des capacités individuelles des candidats.
Hashirama démontrait la maîtrise inégalée de son Mokuton, créant des structures défensives et offensives d'une complexité stupéfiante avec une efficacité énergétique remarquable. Ses mouvements fluides et sa concentration évidente créaient une sorte de danse hypnotique entre l'homme et la nature qu'il manipulait.
Madara, sans activer son Mangekyō Sharingan, démontrait néanmoins un contrôle du katon qui transcendait les capacités typiques des Uchiha, complété par une précision de mouvement presque hypnotique. Chaque technique était exécutée avec une économie de gestes qui témoignait de décennies de perfectionnement.
Ces démonstrations individuelles furent suivies par des simulations tactiques plus complexes, où les candidats devaient répondre à des scénarios de crise hypothétiques impliquant tant des menaces externes qu'internes.
Ici, leurs approches distinctes devinrent particulièrement évidentes - Hashirama favorisant des solutions collaboratives maximisant la synergie entre différentes capacités claniques, Madara démontrant une rigueur analytique et une capacité à identifier rapidement les vulnérabilités critiques dans toute situation.
À la fin de cette première journée, alors que la foule se dispersait en discussions animées concernant les performances observées, Sakura se retrouva momentanément seule avec Tobirama près de l'entrée de l'arène.
— Des performances remarquablement équilibrées. Chacun excellant dans des dimensions différentes mais complémentaires.
— Un équilibre qui se maintient à travers toutes nos évaluations préliminaires, répondit Tobirama, ses doigts tambourinant légèrement sur son bras croisé - un geste rare qui trahissait une réflexion intense. La phase diplomatique de demain pourrait potentiellement établir une différenciation plus significative.
Son ton suggérait plus qu'une simple analyse technique - peut-être une préoccupation sous-jacente concernant l'issue potentiellement indécise de cette première Épreuve historique.
— Serait-ce problématique? Une évaluation finale qui reconnaîtrait l'équivalence essentielle de leurs qualifications?
Tobirama considéra cette question avec sa rigueur caractéristique, son regard se perdant momentanément dans la contemplation des bannières qui flottaient encore dans la brise du soir:
— Non pas problématique pour Konoha elle-même. Notre structure institutionnelle est conçue pour accommoder divers styles de leadership. Mais potentiellement complexe pour la perception externe - particulièrement pour les clans encore hésitants qui recherchent des signaux clairs concernant la direction future.
Cette préoccupation reflétait la pensée stratégique à long terme typique de Tobirama - considérant non pas simplement l'efficacité interne, mais également les implications diplomatiques plus larges de chaque développement institutionnel.
— Peut-être que cette ambiguïté même est instructive. Démontrant que Konoha valorise véritablement le mérite substantiel plutôt que les hiérarchies prédéterminées.
Un léger sourire traversa le visage habituellement stoïque de Tobirama:
— Une perspective intrigante. L'incertitude du résultat légitimant le processus lui-même.
Cette conversation fut interrompue par l'arrivée d'autres membres du panel d'évaluation, mais elle laissa Sakura avec une appréciation renouvelée pour la complexité institutionnelle qu'ils étaient en train d'établir - et pour les implications profondes que ces structures pourraient avoir pour l'avenir du monde shinobi.
La deuxième journée, focalisée sur les dimensions diplomatiques et interpersonnelles du leadership, révéla des contrastes encore plus nuancés entre les approches des deux candidats.
Hashirama démontrait son charisme naturel et sa capacité remarquable à établir des connexions authentiques à travers les différences culturelles et idéologiques. Sa gestuelle expressive et son sourire spontané créaient une atmosphère de confiance qui transcendait les barrières traditionnelles.
Madara, bien que moins immédiatement charismatique, révélait une profondeur d'empathie stratégique surprenante - une capacité à identifier précisément les préoccupations fondamentales de différentes factions et à formuler des solutions qui adressaient ces inquiétudes spécifiques sans compromettre ses principes essentiels.
Le troisième jour, consacré aux dimensions administratives et visionnaires du leadership, complétait cette évaluation exhaustive. Les candidats présentèrent leurs visions détaillées pour l'évolution future de Konoha - tant à court terme dans son développement infrastructurel immédiat qu'à long terme dans ses relations avec le monde shinobi plus large.
À l'issue du troisième jour d'épreuves, le panel d'évaluation se retira pour délibérations finales. La tension était palpable dans l'arène où la population de Konoha attendait, tous les regards tournés vers l'estrade où serait annoncé le résultat de cette compétition historique.
Sakura portait son attention sur les visages autour d'elle.
Chaque clan présent avait envoyé un représentant au panel, garantissant que la décision reflèterait une évaluation véritablement collective. Les discussions furent intenses mais respectueuses, chaque évaluateur partageant ses observations sur les performances des candidats.
— Nous devons reconnaître l'équilibre remarquable de leurs compétences, déclara le représentant Nara, ses doigts formant automatiquement des configurations complexes - un tic de réflexion caractéristique de son clan. Chacun excelle dans des domaines complémentaires.
— Pourtant, une décision doit être rendue, répondit l'aînée Hyūga, sa voix portant cette autorité tranquille qui commandait l'attention. Une égalité, bien que symboliquement élégante, ne fournirait pas la clarté de direction que certains clans encore hésitants recherchent.
Les délibérations se poursuivirent pendant près de deux heures, évaluant minutieusement chaque aspect des performances. Finalement, un consensus émergea – non pas basé sur une supériorité globale écrasante, mais sur une légère prépondérance d'attributs particulièrement valorisés dans ce moment historique précis.
Lorsque le panel revint dans l'arène, Tobirama s'avança au centre de l'estrade.
Le silence s'abattit immédiatement sur la foule.
— L'Épreuve du Feu de la Volonté a démontré sans équivoque la valeur exceptionnelle des deux candidats. Madara Uchiha a fait preuve d'une acuité stratégique remarquable, d'une capacité analytique extraordinaire, et d'une profondeur de vision qui transcende les perspectives claniques traditionnelles.
Il marqua une pause, son regard se déplaçant vers son frère.
— Hashirama Senju a démontré une capacité incomparable à forger des connexions entre diverses factions, une vision intégrative qui embrasse naturellement la diversité, et une résilience adaptative face aux défis imprévus.
Un nouveau silence, délibérément prolongé, créa un moment de tension culminante.
— Par consensus majoritaire du panel d'évaluation, prenant en compte l'équilibre global des qualités démontrées et leur alignement avec les besoins immédiats de notre communauté naissante, Hashirama Senju est désigné comme premier Hokage de Konohagakure.
L'annonce fut accueillie par une ovation spontanée, reflétant non pas tant une préférence populaire qu'une célébration du processus lui-même – cette transition historique vers un leadership méritocratique plutôt qu'héréditaire ou imposé par la force.
Sakura observait attentivement Madara durant ce moment crucial. Dans l'histoire qu'elle avait connue, cette désignation avait marqué le début de son détachement progressif de Konoha, les graines de sa future rébellion.
Mais l'homme qu'elle observait maintenant – calme, composé, hochant la tête en signe d'acceptation – semblait fondamentalement différent de celui dont les chroniques avaient préservé la mémoire.
Hashirama s'avança pour accepter formellement la désignation, mais ses premiers mots surprirent l'assemblée.
— J'accepte cette responsabilité avec humilité et gratitude. Mais je tiens à souligner que cette décision reflète une évaluation contextuelle plutôt qu'une hiérarchie absolue de compétence.
Sa voix portait cette sincérité caractéristique qui lui donnait une crédibilité immédiate.
— Je propose formellement que Madara Uchiha occupe la position de conseiller principal, avec autorité égale dans toutes les décisions stratégiques majeures.
Ce geste – non pas une concession diplomatique, mais une reconnaissance sincère de la complémentarité de leurs compétences – créa un moment d'unité tangible qui transcendait le résultat spécifique de l'Épreuve.
Plus tard ce soir-là, lors de la célébration qui suivit la cérémonie officielle, Sakura observa Hashirama et Madara conversant tranquillement à l'écart de la foule. Leur langage corporel ne trahissait pas de tension ou d'amertume, mais plutôt une acceptation partagée de leurs rôles respectifs dans la construction de Konoha.
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Les jours qui suivirent l'Épreuve du Feu de la Volonté virent une accélération remarquable du développement de Konoha. La légitimité institutionnelle établie par cette première sélection méritocratique du Hokage créa un élan qui catalysa l'arrivée de nouveaux clans, mais aussi d'un afflux inattendu de civils – artisans, commerçants, fermiers – chargés de leurs possessions et attirés par les rumeurs d'un lieu où la sécurité et l'opportunité coexistaient d'une manière jamais vue auparavant.
Un matin, Sakura contemplait un groupe de tisserands installer leurs métiers dans ce qui commençait à ressembler à un quartier commercial. Leur chef, une femme âgée au dos courbé mais aux yeux vifs, supervisait l'opération avec une autorité tranquille.
— Pourquoi avoir choisi Konoha?
Sakura s'approcha d'elle avec une tasse de thé en offrande, curieuse de comprendre ce qui attirait ces non-shinobis vers leur village naissant.
La femme accepta la boisson avec un hochement de tête reconnaissant, ses mains rugueuses révélant des décennies de travail minutieux.
— Pendant trois générations, ma famille a suivi les mouvements des clans shinobi, s'adaptant constamment à leurs guerres et déplacements. Nous avons développé un instinct pour reconnaître quand un changement durable se profile.
Sa voix portait cette sagesse pratique des artisans qui observent le monde sans y participer directement.
— Ce qui se construit ici... ce n'est pas simplement une autre alliance temporaire.
Elle fit un geste vers les bannières qui flottaient au-dessus du bâtiment central, où le symbole de Konoha coexistait harmonieusement avec ceux des clans fondateurs.
— Quand les Uchiha et les Senju partagent non seulement un territoire mais une vision, seul un fou ignorerait l'abri offert par leurs murs communs.
Cette perspective – celle d'observateurs extérieurs qui percevaient la signification historique de Konoha peut-être plus clairement que ses propres fondateurs – fascina Sakura. Pour ces civils, le village représentait une rupture fondamentale avec des siècles d'instabilité chronique.
De petits marchés improvisés émergèrent rapidement, des échoppes en bois s'alignant pour former les ébauches de futures rues commerçantes. Les odeurs de nourriture cuisinée, de bois fraîchement coupé et d'encens se mélangeaient dans l'air, créant une atmosphère qui rappelait à Sakura le Konoha qu'elle avait connu, tout en étant profondément différente – plus brute, plus expérimentale, mais aussi emplie d'une énergie pionnière contagieuse.
Ces arrivées successives présentaient des défis logistiques imprévus.
Un après-midi, alors que Sakura terminait une session d'enseignement avec ses apprentis médicaux, elle remarqua un groupe de villageois en discussion animée près de la rivière qui traversait le territoire est.
— Un problème?
— L'approvisionnement en eau, expliqua un homme d'âge moyen, visiblement épuisé, ses vêtements tachés de terre témoignant d'une journée de labeur. Avec l'afflux constant de nouveaux arrivants, le système temporaire que nous avions établi ne suffit plus.
Sakura examina la situation. Les infrastructures hydrauliques représentaient un défi technique que ni les Uchiha ni les Senju n'avaient eu à résoudre à cette échelle auparavant, leurs campements traditionnels étant généralement plus modestes et temporaires.
— Laissez-moi en discuter avec le conseil.
Cette question fut abordée lors de la réunion du soir même, dans la salle du conseil encore en construction.
Tobirama, avec son affinité naturelle pour l'élément eau, proposa un système élaboré de canalisations et de réservoirs, ses mains traçant des schémas précis sur la table de travail, tandis que des représentants du clan Nara suggéraient des emplacements optimaux basés sur leur connaissance du terrain.
— Nous devons anticiper une croissance continue, intervint Madara, examinant attentivement les plans préliminaires étalés sur la table. Ce système doit être conçu non pour nos besoins actuels, mais pour ceux d'une population trois fois plus importante.
Son approche pragmatique surprit agréablement Sakura. Cette capacité à se projeter dans un avenir pacifique, à planifier pour la croissance plutôt que pour la survie, marquait une évolution profonde dans sa perspective. C'était précisément ce type de changement qu'elle avait espéré catalyser.
Alors que la réunion se concluait et que les membres du conseil se dispersaient, Madara s'attarda, réexaminant les plans avec une concentration intense.
— Tu sembles particulièrement investi dans ce projet.
Sakura resta à ses côtés, intriguée par cette attention inattendue aux détails civils.
Il leva les yeux, un sourire rare adoucissant ses traits habituellement austères.
— J'ai grandi dans un monde où les Uchiha construisaient uniquement pour la défense, jamais pour la prospérité. Chaque structure, chaque décision était évaluée selon sa valeur en cas d'attaque imminente.
Il fit un geste vers les plans, ses doigts effleurant les lignes tracées avec une délicatesse surprenante.
— Concevoir quelque chose destiné exclusivement à améliorer la vie quotidienne... c'est une expérience nouvelle.
Cette admission, simple mais profonde, créa un moment d'intimité inattendue. Sakura réalisa que pour Madara, ces projets civils représentaient peut-être sa première véritable expérience de construction – plutôt que de destruction.
— Nous pourrions intégrer des bains publics au système, suggéra-t-elle, traçant légèrement une modification sur le plan. Les propriétés thermales de la source orientale seraient idéales, et cela créerait un espace communautaire qui transcenderait les divisions claniques.
Madara considéra la suggestion, ses doigts effleurant les lignes qu'elle venait de tracer, créant un contact momentané entre leurs mains.
— Une idée... remarquable. Hashirama aurait proposé des jardins élaborés, Tobirama des fortifications rationnelles. Toi tu penses naturellement aux espaces où les gens se rencontrent réellement.
Le compliment, délivré avec cette franchise caractéristique, provoqua chez Sakura une chaleur inattendue. Ces moments de reconnaissance mutuelle devenaient plus fréquents, construisant entre eux un pont d'appréciation qui dépassait leur collaboration professionnelle initiale.
Les jours suivants virent l'arrivée d'un groupe particulièrement significatif – une caravane de marchands itinérants, connus pour leur neutralité scrupuleuse dans les conflits claniques. Leur présence constituait une validation économique essentielle, signalant aux autres commerçants que Konoha était considérée comme un investissement viable.
Sakura les observait négocier leurs emplacements dans le quartier marchand naissant, lorsqu'elle aperçut une silhouette familière parmi eux – une herboriste âgée qu'elle reconnut avec stupéfaction comme l'ancêtre d'une pharmacienne qui existerait dans son Konoha futur.
— Vous cherchez des herbes spécifiques?
Sakura s'approcha de l'étal où la femme arrangeait méticuleusement ses bocaux, fascinée par cette connexion inattendue entre les deux époques.
— Toujours, jeune fille, répondit l'herboriste avec un sourire révélant des rides profondes. Son accent portait les inflexions caractéristiques des marchands qui avaient parcouru de nombreuses régions. J'entends dire que tu diriges une sorte d'académie médicale ici. Peut-être pourrions-nous échanger des connaissances plutôt que simplement des marchandises.
Cette proposition – un partage de savoir transcendant les transactions commerciales habituelles – reflétait précisément l'esprit que Konoha espérait cultiver.
Durant les heures suivantes, Sakura se retrouva absorbée dans une conversation fascinante avec la vieille femme, découvrant des techniques de préparation régionales qu'elle n'avait jamais rencontrées même dans sa formation avancée avec Tsunade.
Le soleil commençait à se coucher lorsqu'elle remarqua Madara qui l'observait depuis le bord du marché. Il avait visiblement terminé une journée de travail physique, ses vêtements portant les marques de poussière caractéristiques des chantiers de construction.
— Tu semblais... complètement absorbée, commenta-t-il lorsqu'elle le rejoignit, sa voix portant une note d'intérêt sincère.
— Le partage de connaissances médicales transcende souvent les barrières que même la diplomatie peine à franchir. Les herboristes civils préservent parfois des techniques oubliées même par les clans les plus anciens.
Ils suivirent un chemin récemment défriché qui menait vers la rivière, la conversation fluide entre eux reflétant une aisance qui s'était développée progressivement, presque imperceptiblement.
— Les civils ne sont pas simplement des bénéficiaires de notre protection. Ils apportent une dimension que nos clans, focalisés sur les arts guerriers, ont négligée pendant des générations.
Madara prononça ces mots avec une réflexion évidente, son regard contemplant les nouvelles constructions qui parsemaient le paysage.
— Exactement. Un village véritablement complet doit intégrer tous ces éléments – la force militaire des clans, mais aussi les arts, le commerce, la médecine et les traditions civiles.
Ils atteignirent un promontoire surplombant la rivière, où les dernières lueurs du jour transformaient l'eau en rubans d'or liquide. Sans discussion explicite, ils s'assirent côte à côte sur un tronc tombé, contemplant la vue.
— Tu as une vision très claire de ce que Konoha pourrait devenir. Bien au-delà de l'alliance militaire que j'avais initialement envisagée.
Madara prononça ces mots avec cette sincérité rare qu'elle avait appris à valoriser, son regard fixé sur l'horizon où les premières étoiles commençaient à apparaître.
— J'espère simplement contribuer à quelque chose qui durera.
Sakura répondit prudemment, consciente du double sens de ses paroles et de l'étrange mélancolie qui l'envahissait parfois en contemplant ce futur qu'elle aidait à construire.
Un silence confortable s'installa entre eux, rompu seulement par le murmure de la rivière en contrebas et les bruits distants du village qui se préparait pour la nuit.
— J'ai quelque chose pour toi, dit soudainement Madara, sortant un petit paquet enveloppé dans du tissu de qualité.
Surprise, Sakura l'accepta avec précaution.
À l'intérieur se trouvait un kunai d'une facture exceptionnelle – l'acier possédait ce reflet caractéristique des armes forgées selon la tradition ancestrale des Uchiha, mais avec une modification subtile au niveau de la poignée.
— La balance est ajustée pour un contrôle de précision plutôt que pour la force brute. J'ai remarqué ta tendance à privilégier la précision dans tes mouvements. Les forgerons du clan ont adapté la conception selon mes spécifications.
Il observait attentivement sa réaction, une vulnérabilité rare perçant à travers son habituelle composure.
Ce geste – non pas un présent générique, mais un objet soigneusement pensé pour correspondre à son style personnel – témoignait d'une attention que Sakura n'avait pas anticipée. Le fait que Madara ait observé suffisamment ses mouvements pour identifier cette préférence, puis pris l'initiative de commander une arme personnalisée, portait une signification qui dépassait largement la valeur matérielle de l'objet.
— C'est... parfaitement équilibré, murmura-t-elle, testant l'arme avec des mouvements précis du poignet. Je n'ai jamais manié un kunai aussi parfaitement adapté à ma technique.
Madara hocha simplement la tête, mais la satisfaction évidente dans son expression trahissait l'importance qu'il accordait à son approbation.
Alors que le crépuscule cédait progressivement sa place à la nuit, ils restèrent assis en silence, contemplant l'évolution de Konoha en contrebas. Les lanternes s'allumaient une à une, créant une constellation terrestre qui reflétait celle qui apparaissait progressivement au-dessus d'eux.
Dans ce moment de tranquillité partagée, Sakura perçut clairement combien leur relation avait évolué. Quelque chose de nouveau se construisait entre eux, aussi progressivement mais sûrement que le village lui-même – une connexion qui, comme Konoha, commençait à transcender ses fondations initiales pour devenir quelque chose d'entièrement inattendu.
L'intégration progressive des nouveaux arrivants civils transformait irrémédiablement le visage de Konoha. Ce qui avait commencé comme un simple avant-poste militaire évoluait rapidement vers une véritable communauté diversifiée.
Cependant, cette transformation ne se faisait pas sans résistance.
Par un matin brumeux, Sakura fut convoquée d'urgence dans le bureau temporaire d'Hashirama. Lorsqu'elle y pénétra, elle fut surprise d'y trouver non seulement le Hokage, mais également Madara et Tobirama, leurs expressions inhabituellement tendues.
— Nous avons un problème.
Hashirama prononça ces mots sans sa jovialité habituelle, ses doigts tambourinant nerveusement sur le bureau - un tic qu'elle ne lui avait jamais vu auparavant.
— Trois familles Uchiha ont quitté le village pendant la nuit.
— Ce n'est pas simplement un départ, précisa Madara, sa voix contrôlée mais l'inquiétude visible dans sa posture rigide. C'est une défection coordonnée, vraisemblablement vers le clan Hagoromo qui reste opposé à notre alliance.
— Ce n'est pas un incident isolé, ajouta Tobirama, déployant un rapport succinct, ses mouvements plus brusques que d'habitude. Du côté Senju, nous avons identifié un groupe de dissidents qui contestent ouvertement l'autorité partagée avec les Uchiha. Ils n'ont pas encore quitté Konoha, mais organisent des réunions clandestines.
Sakura absorba ces informations avec une préoccupation croissante. Les tensions internes représentaient peut-être un plus grand danger pour la stabilité de Konoha que n'importe quelle menace extérieure à ce stade fragile de son développement.
— Qui mène cette faction Senju?
— Hayato Senju, répondit Tobirama, ses mains se crispant légèrement. Un cousin éloigné, mais respecté pour son expérience de combat. Il a perdu sa famille entière lors d'un raid Uchiha il y a huit ans, et sa rancœur semble insurmontable.
— Et du côté Uchiha?
Sakura se tourna vers Madara, notant la tension dans ses épaules.
— Takeo Uchiha, mon cousin au deuxième degré. Il considère notre alliance comme une trahison des traditions claniques et une dilution de notre identité.
Cette situation rappelait douloureusement à Sakura les divisions persistantes qu'elle avait connues dans son époque d'origine, où les préjugés envers les Uchiha n'avaient jamais été pleinement résolus.
L'histoire semblait s'apprêter à répéter ses erreurs.
— Nous ne pouvons pas permettre que ces factions grandissent en silence. Nous devons les confronter directement, non pas comme des traîtres, mais comme des membres de notre communauté dont les préoccupations doivent être entendues.
— Confronter Takeo ne ferait que renforcer sa position, objecta Madara, ses doigts reprenant ce tapotement caractéristique sur son katana. Il interpréterait toute approche comme une validation de son importance.
— Alors ne le confrontez pas. Invitez-le.
Sa proposition suscita des regards interrogateurs.
— Organisons un conseil ouvert où ces voix dissidentes pourront exprimer leurs préoccupations publiquement, devant l'ensemble des clans. Pas en secret, pas dans l'ombre, mais dans un forum transparent où leurs arguments devront résister à l'examen collectif.
La suggestion était audacieuse – offrir une plateforme légitime à l'opposition au lieu de tenter de la supprimer.
Après délibération, le conseil fut programmé pour la semaine suivante.
Durant les jours précédents, Sakura remarqua une tension grandissante dans le village. Les familles Uchiha et Senju tendaient à se regrouper séparément dans les espaces publics, un retour subtil mais inquiétant aux divisions antérieures.
Le jour du conseil arriva, et la grande salle récemment achevée se remplit rapidement.
Sakura observa Takeo Uchiha prendre place avec un groupe de partisans. C'était un homme d'âge moyen au regard sévère, portant l'emblème du clan avec une fierté ostentatoire. Sa façon de s'asseoir, le dos droit et les bras croisés, trahissait une résolution inébranlable.
De l'autre côté, Hayato Senju, un vétéran aux cheveux grisonnants et au visage marqué de cicatrices, s'installait avec ses propres alliés. Ses yeux portaient cette dureté que Sakura avait appris à reconnaître chez ceux qui avaient perdu trop de proches.
Hashirama ouvrit la session avec diplomatie, invitant les représentants dissidents à exprimer librement leurs préoccupations. Takeo se leva le premier, sa voix portant clairement dans la salle silencieuse.
— Le clan Uchiha existe depuis des générations, guidé par des principes immuables de fierté et d'excellence. Cette... expérimentation –
Il désigna d'un geste dédaigneux l'emblème de Konoha, son mouvement théâtral calculé pour maximum d'effet.
— dilue notre identité, nous réduit à une simple faction parmi d'autres.
Il pointa un doigt accusateur vers Madara:
— Notre leader a abandonné nos traditions pour une vision étrangère. Nous sacrifions notre essence sur l'autel d'une paix illusoire.
Des murmures parcoururent l'assemblée, mais Madara resta impassible, laissant son opposant exprimer pleinement sa position.
Hayato Senju se leva ensuite, son expression aussi dure que sa voix.
— Les Uchiha ont massacré nos familles pendant des générations. Leur Sharingan a dévoré nos techniques, volé nos connaissances, perverti nos jutsu.
Il fixa Tobirama avec désapprobation, sa voix se brisant légèrement:
— Je me souviens encore avoir ramassé les corps mutilés de mes enfants après un raid Uchiha. Et maintenant, nous devons prétendre que tout est oublié? Que nous sommes tous amis?
Le silence qui suivit était lourd de tension. C'était précisément ce type de blessure historique profonde qui avait conduit à l'isolement progressif des Uchiha dans la chronologie originale que Sakura avait connue.
Contre toute attente, ce fut une voix inattendue qui brisa ce silence – celle de Kaname Uchiha, un jeune homme à peine sorti de l'adolescence que Sakura reconnut immédiatement comme un futur membre du conseil de Konoha dans sa chronologie d'origine.
— J'avais sept ans quand j'ai perdu mes parents lors d'un affrontement contre les Senju.
Sa voix jeune mais déterminée porta dans le silence, créant un contraste saisissant avec l'amertume des orateurs précédents.
Il se tourna vers Hayato:
— Vos enfants et mes parents sont morts dans le même conflit. Nos douleurs sont les mêmes, bien que portant des emblèmes différents.
Puis vers Takeo:
— Notre fierté Uchiha n'est pas dans l'isolement, mais dans notre capacité à évoluer. Le Sharingan lui-même est né de la douleur transformée en force. Konoha représente cette même transformation à l'échelle de nos clans.
Cette intervention imprévue d'un jeune membre créa une ouverture que Madara saisit avec une finesse diplomatique qui surprit même Sakura.
— Takeo a raison sur un point essentiel, déclara-t-il, se levant avec une dignité tranquille. Nous ne devons pas perdre notre identité Uchiha dans cette alliance.
Des hochements de tête approbateurs parcoururent les rangs des traditionalistes.
— C'est pourquoi je propose la création d'un mémorial des traditions claniques, un lieu où chaque clan préservera son histoire, ses techniques, sa mémoire. Non pas comme des reliques du passé, mais comme fondations de notre avenir commun.
Il se tourna ensuite vers Hayato, sa voix se faisant plus douce sans perdre sa fermeté:
— Les atrocités commises ne peuvent être effacées. Aucun d'entre nous ne le demande. Mais si nous continuons à définir notre avenir uniquement par les cycles de vengeance du passé, nous condamnons la prochaine génération à porter les mêmes cicatrices que nous.
Le débat se poursuivit pendant des heures, intense mais de plus en plus constructif. Des voix modérées des deux clans commencèrent à émerger, proposant des compromis pratiques.
À la fin de la journée, un consensus fragile mais réel commençait à prendre forme.
L'assemblée se dispersa progressivement, laissant Sakura, Madara, Hashirama et Tobirama seuls dans la salle du conseil.
— Je n'aurais jamais anticipé une telle résolution, admit Tobirama, rangeant ses notes avec des gestes plus détendus. Particulièrement l'intervention de Kaname.
— Parfois, la plus grande sagesse vient des plus jeunes, qui n'ont pas encore cristallisé leurs perspectives.
Hashirama sourit avec cette satisfaction évidente qu'il ressentait quand les choses se déroulaient mieux qu'espéré.
Madara resta silencieux un moment, son regard distant.
— Nous n'avons pas résolu tous les problèmes aujourd'hui. Takeo et ses alliés les plus proches ne sont pas pleinement convaincus, pas plus que Hayato. Mais nous avons empêché leurs griefs personnels de devenir une division institutionnelle.
Sakura ressentit une profonde satisfaction en contemplant cette résolution collaborative. C'était précisément ce type d'approche inclusive qui avait manqué dans l'histoire d'origine – la volonté d'entendre les voix dissidentes plutôt que de les marginaliser.
**
Les mois suivants apportèrent un équilibre progressivement plus stable à Konoha. Le quartier marchand s'épanouissait, attirant des artisans spécialisés qui contribuaient à la réputation croissante du village.
L'académie médicale dirigée par Sakura accueillait désormais des apprentis non seulement des clans shinobi, mais également des familles civiles démontrant une aptitude pour le contrôle du chakra.
Le printemps céda la place à l'été, puis à l'automne. Presque imperceptiblement, la vie à Konoha acquérait une normalité qui aurait semblé impensable quelques mois auparavant.
Ce n'était plus un campement expérimental, mais un véritable village avec ses rythmes, ses traditions naissantes, et son identité propre.
Pour Sakura, cette période marquait également un anniversaire personnel significatif.
Selon la chronologie de cette nouvelle vie, elle atteignait maintenant dix-sept ans – l'âge que Madara avait mentionné l'année dernière, comme celui où il envisagerait une proposition d'alliance matrimoniale.
Elle n'avait pas oublié cette conversation, mais avec le tourbillon d'activités entourant le développement de Konoha, elle ne s'était pas entièrement penchée sur cette possibilité.
Leur relation avait évolué organiquement vers un partenariat professionnel empreint d'un respect mutuel profond et d'une connexion personnelle indéniable, avec un bourgeon qui commençait à peine à fleurir entre eux.
Un soir d'automne, alors que les feuilles dorées tombaient doucement sur les nouveaux toits de Konoha, Sakura fut invitée à rejoindre Madara pour une promenade dans les jardins récemment aménagés près du domaine Uchiha.
Ces jardins, création collaborative d'artisans Yamanaka et d'architectes Senju, représentaient parfaitement la fusion des talents que Konoha commençait à incarner.
Lorsqu'elle arriva, elle trouva Madara vêtu non pas de sa tenue habituelle de combat, mais d'un kimono formel traditionnel portant l'emblème Uchiha. Son expression, habituellement si maîtrisée, trahissait une rare nervosité.
— Les érables sont particulièrement magnifiques ce soir.
Il prononça ces mots en guise de salutation, l'invitant à marcher à ses côtés, sa voix portant une inflexion qu'elle ne lui connaissait pas.
Ils avancèrent en silence pendant quelques minutes, traversant des sentiers bordés de lanternes en pierre qui illuminaient doucement le crépuscule.
— L'année dernière, commença-t-il finalement, j'ai mentionné une possibilité... matrimoniale.
Sakura sentit son cœur s'accélérer légèrement. Elle se souvenait parfaitement de cette conversation.
— Je m'en souviens, répondit-elle simplement, lui permettant de poursuivre à son propre rythme.
Ils atteignirent un petit pont enjambant un étang où des carpes koi nageaient paresseusement sous des nénuphars. Madara s'arrêta, se tournant pour lui faire face directement.
— Je n'ai pas encore eu l'occasion de faire les formalités auprès de ton père, et je sais que devenir la matriarche de notre clan à ton âge pourrait se révéler être un défi de taille.
Il fit une pause, cherchant visiblement les mots justes, ses mains se joignant dans le dos selon une habitude qu'elle avait remarquée quand il était particulièrement concentré.
— Mais au cours de ces derniers mois, j'ai bien vu comme tu étais capable de beaucoup de choses.
Sakura n'avait jamais vu Madara Uchiha, le redoutable guerrier, le stratège impitoyable, manifester une telle vulnérabilité. C'était à la fois émouvant et profondément révélateur de la transformation qu'il avait subie.
Avec une délibération formelle qui reflétait son éducation traditionnelle, Madara sortit un petit objet enveloppé dans un tissu de soie portant l'emblème Uchiha.
— Sakura Uchiha, je souhaite formaliser une proposition d'alliance matrimoniale entre nous. Non plus simplement comme une stratégie politique, mais comme une union fondée sur un respect et une... affection.
Il dévoila l'objet – un pendentif en cristal taillé entouré d'une monture en or blanc sculptée selon les motifs traditionnels Uchiha.
— Ce cristal provient d'une source profonde sous l'ancien territoire Uchiha. Selon nos traditions, il symbolise la clarté de vision et la pureté d'intention.
Sakura contempla le pendentif avec émerveillement.
Il était magnifique dans sa simplicité élégante, mais plus significative encore était la pensée personnelle manifeste dans sa conception. Ce n'était pas un symbole générique d'alliance, mais un objet créé spécifiquement pour elle, intégrant des observations de sa personnalité et de son style.
Elle réalisa que ce moment représentait un carrefour crucial.
Sakura plongea son regard dans celui de Madara, son cœur battant rapidement tandis qu'elle tenait le pendentif de cristal entre ses doigts. Le poids de sa décision flottait dans l'air entre eux.
— Ta proposition m'honore profondément, répondit-elle, rassemblant ses pensées. Et je serais honorée de l'accepter.
Le soulagement et la joie traversèrent furtivement les traits habituellement stoïques de Madara. En cet instant, il paraissait plus jeune, libéré du poids du leadership qu'il portait constamment.
— Cependant, poursuivit Sakura avec précaution, je crois que nous devrions observer les traditions appropriées. Mon père doit être approché formellement, comme le veut la coutume du clan Uchiha.
Madara acquiesça, son expression redevenant plus composée bien que ses yeux demeurent chaleureux.
— Bien entendu. Je n'attendrais rien de moins. Les traditions importent—elles nous relient à notre passé tandis que nous construisons notre avenir.
Ils continuèrent leur promenade à travers le jardin, l'atmosphère entre eux chargée d'une nouvelle signification. Les lanternes projetaient leur lueur sur le chemin devant eux, symbolisant le nouveau voyage qu'ils commençaient ensemble.
— Devenir la matriarche des Uchiha n'est pas une responsabilité anodine. Cela requiert force, sagesse, et une compréhension des traditions les plus profondes de notre clan. Mais j'ai vu comment tu as uni des personnes d'horizons différents dans ton académie médicale. Il n'y a personne de mieux qualifié.
Sakura contempla ce que signifierait assumer un tel rôle—un rôle qui n'avait pas existé dans sa chronologie d'origine, du moins pas de façon significative. Le clan Uchiha qu'elle avait connu avait été diminué, isolé.
C'était une opportunité d'aider à façonner un futur différent.
— Mon père sera surpris, dit-elle avec un léger sourire. Bien que peut-être pas aussi surpris qu'il devrait l'être.
— Kaito est perspicace. Il a observé notre partenariat se développer ces derniers mois. Je soupçonne qu'il a anticipé cette discussion.
Alors qu'ils revenaient des jardins, ils furent accueillis par la vue d'Hikari, l'une des amies les plus proches de Sakura dans cette nouvelle vie, qui attendait près de l'entrée du quartier Uchiha.
Ses yeux s'élargirent quand elle les remarqua marchant ensemble, puis se plissèrent rapidement avec curiosité devant leurs tenues formelles.
— Sakura! appela Hikari, s'approchant d'un pas vif. Elle s'inclina respectueusement devant Madara avant de se tourner vers son amie.
— Je t'ai cherchée partout. Naori-san a convoqué une réunion d'urgence du personnel médical. Quelque chose concernant un nouveau protocole pour traiter les blessures de chakra.
Madara hocha la tête, comprenant l'importance de telles affaires.
— Je ne te retiendrai pas plus longtemps. J'irai parler à ton père demain.
Hikari observait cet échange avec un intérêt à peine dissimulé, ses yeux vifs captant le pendentif que Sakura tenait encore dans sa main.
— Je te rejoins dans un instant, dit Sakura à son amie, qui acquiesça et s'éloigna de quelques pas, leur offrant un semblant d'intimité.
Se tournant vers Madara, Sakura parla doucement.
— Jusqu'à ce que les formalités soient accomplies…
— Nous resterons discrets, acheva-t-il avec un léger sourire. Bien que je soupçonne que certaines nouvelles se répandent plus vite que les jutsu à Konoha.
Sakura sourit, attachant le pendentif autour de son cou et le glissant sous son col où il reposerait, caché mais présent, jusqu'à ce que leur engagement puisse être annoncé officiellement.
**
Le lendemain matin, Kaito Uchiha pratiquait ses katas dans la cour arrière de sa demeure lorsqu'il perçut une présence familière approchant. Sans interrompre sa séquence fluide de mouvements, il parla sans se retourner.
— Madara-sama. C'est inhabituel de vous voir dans cette partie du quartier si tôt.
— Kaito-san, répondit Madara, demeurant respectueusement en retrait jusqu'à ce que le père de Sakura complète sa séquence d'entraînement. Je souhaite discuter d'une affaire personnelle d'importance.
Kaito termina son dernier mouvement et se tourna finalement pour faire face à son chef de clan. Ses cheveux, autrefois aussi noirs que ceux de sa fille, montraient maintenant des fils d'argent aux tempes, témoins des épreuves qu'il avait traversées.
Son regard, cependant, demeurait vif et perçant.
— Je me demandais quand cette visite aurait lieu, dit-il, un léger sourire jouant sur ses lèvres. Entrons. Cette conversation mérite du thé.
À l'intérieur, les deux hommes s'assirent face à face, observant les formalités traditionnelles avec une conscience aiguë de l'importance du moment.
— J'ai l'intention de demander formellement la main de ta fille en mariage. Je viens chercher ta bénédiction pour cette union.
Madara prononça ces mots avec la solennité que requérait la situation, ses mains reposant formellement sur ses genoux.
Kaito étudia Madara pendant un long moment.
— Ma fille a toujours été... exceptionnelle. Depuis sa plus tendre enfance, elle a manifesté une sagesse qui dépasse son âge.
Madara acquiesça, son regard ne vacillant pas.
— Un mariage avec le chef du clan n'est pas un destin ordinaire. Elle deviendrait matriarche des Uchiha à un âge où la plupart apprennent encore à naviguer dans le monde.
— Sakura n'a jamais été ordinaire. Et ma proposition n'est pas simplement politique. Elle est fondée sur un respect profond et... des sentiments qui ont évolué au fil de notre travail ensemble.
Kaito sourit plus largement cette fois.
— Elle vous a changé, Madara-sama. Je l'ai remarqué, comme beaucoup d'autres. Il y a dix ans, vous n'auriez jamais admis de tels sentiments, même en privé.
Il prit une gorgée de thé avant de continuer.
— Hanae aurait aimé voir ça. Elle a toujours cru que Sakura suivrait un chemin extraordinaire.
Une ombre de chagrin traversa leurs visages à la mention de la mère disparue de Sakura.
Après un moment de silence respectueux, Kaito reprit la parole.
— Vous avez ma bénédiction, Madara-sama. Mais sachez ceci : bien que je respecte votre rang, en tant que père, je vous considérerai toujours comme l'homme responsable du bonheur de ma fille. Chef de clan ou non.
Madara inclina la tête, acceptant cette vérité.
— Je n'attendrais rien de moins.
**
À l'académie médicale, Sakura terminait d'expliquer les nouveaux protocoles de traitement à ses apprentis lorsque Daichi, l'un de ses amis proches, l'interrompit en entrant précipitamment dans la salle.
— Sakura! Tu ne devineras jamais ce que Renji vient d'entendre au marché!
Le visage rougissant de son ami trahissait l'excitation d'un commérage juteux.
— Daichi, nous sommes en pleine session d'instruction, réprimanda-t-elle doucement, mais son cœur s'accéléra. Était-il possible que la nouvelle se soit déjà répandue?
— Pardon, dit-il, pas du tout repentant. Mais c'est important. On dit que Madara-sama a été vu ce matin se rendant chez ton père, portant des vêtements formels et l'air inhabituellement nerveux.
Les apprentis médicaux commencèrent immédiatement à chuchoter entre eux, jetant des regards curieux vers Sakura.
— Je vois. Et en quoi cela concerne-t-il notre leçon sur les blessures de chakra?
Elle s'efforçait de maintenir une expression professionnelle malgré la chaleur qui montait à ses joues.
Daichi sourit, pas du tout découragé par sa tentative de redirection.
— Ça n'a rien à voir avec la leçon. Mais tout à voir avec toi, apparemment. Renji dit que la grand-mère Uchiha qui vend des herbes est convaincue qu'il préparait une demande formelle.
— Les rumeurs de Konoha semblent voyager plus vite que les ninjas messagers.
Elle reprenait les paroles de Madara de la veille, tentant de détourner l'attention.
Elle fut sauvée d'autres taquineries par l'arrivée de Kagami Uchiha, dont la présence imposante fit taire immédiatement les chuchotements.
— Sakura-san, dit-il avec une inclination respectueuse de la tête. Puis-je t'emprunter un moment?
Elle le suivit dans le couloir, reconnaissante pour l'interruption.
— Je suppose que tu es au courant des rumeurs.
— Le clan entier ne parle que de cela. Mais ce n'est pas pourquoi je suis venu te voir.
Kagami, habituellement sérieux, permit à un léger sourire d'adoucir ses traits austères.
Il sortit un rouleau ancien de sa manche.
— Ceci contient les traditions et responsabilités de la matriarche Uchiha. Elles n'ont pas été observées pleinement depuis trois générations, mais avec l'établissement de Konoha et... les développements récents, il semble approprié de raviver cette connaissance.
Sakura accepta le rouleau avec révérence.
— Merci, Kagami-san. Je l'étudierai avec attention.
— Tu feras une remarquable matriarche. Notre clan traverse une transformation profonde, et ta présence aux côtés de Madara est... providentielle.
Quelque chose dans son ton fit lever les yeux de Sakura, scrutant son expression.
— Tu en sais plus que tu ne le dis.
Kagami inclina légèrement la tête.
— Les gardiens des textes anciens reconnaissent parfois des modèles que d'autres ne voient pas. Ta... mémoire du sang, comme nous l'appelons, est extraordinaire même pour notre clan...
— Kagami-san, l'interrompit doucement Sakura. Aujourd'hui, je préférerais être simplement une jeune femme face à une proposition de mariage, et non le sujet de spéculation.
Le vieil Uchiha acquiesça avec un sourire compréhensif.
— Bien sûr. Pardonne un vieil homme qui voit peut-être trop loin.
Il s'inclina à nouveau.
— Félicitations, Sakura-san. Que cette union apporte joie et force à tous les Uchiha.
Alors qu'il s'éloignait, Sakura serra le rouleau contre sa poitrine, sentant le poids du pendentif caché sous ses vêtements. Sa vie avait pris un tournant qu'elle n'aurait jamais pu imaginer lorsqu'elle s'était réveillée dans ce passé réinventé.
Elle ferma les yeux un instant, permettant à la réalité de s'installer pleinement dans son esprit.
Elle, Sakura, allait épouser Madara Uchiha—non pas le monstre déformé par la haine qu'elle avait connu dans son passé, mais l'homme complexe et en évolution qu'elle avait appris à respecter et, contre toute attente, à aimer.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Hikari, Daichi et Renji se tenaient devant elle, leurs visages affichant des expressions d'attente impatiente.
— Alors? demanda Hikari, incapable de contenir son excitation plus longtemps.
— Est-ce vrai?
Sakura sourit à ses amis, ces précieuses personnes qui n'avaient jamais existé dans sa première vie mais qui étaient devenues si chères dans celle-ci.
— Venez, dit-elle, les guidant vers un coin tranquille du jardin médical. J'ai quelque chose à vous montrer.
Elle sortit délicatement le pendentif, le cristal captant la lumière du soleil et projetant des fragments d'arc-en-ciel sur leurs visages émerveillés.
— C'est magnifique, murmura Hikari, touchant le cristal avec révérence.
— C'est officiel alors? demanda Renji, le plus jeune et le plus direct du groupe.
— Presque, répondit Sakura. Madara a parlé à mon père ce matin, et si tout se passe bien…
— Tu vas devenir la matriarche des Uchiha! s'exclama Daichi. Notre Sakura, la femme la plus puissante du clan!
— Ce n'est pas une question de pouvoir. C'est une responsabilité, un engagement envers notre clan et son avenir.
Sakura corrigea doucement, mais son sourire trahissait sa propre excitation.
— Mais quand même, c'est assez impressionnant, insista Renji avec un sourire espiègle.
— Attends que les autres clans l'apprennent. Tu pourrais établir un nouveau record pour la plus jeune matriarche de l'histoire des Uchiha.
Alors que ses amis continuaient à discuter avec animation des implications et des célébrations à venir, Sakura permit à son esprit de vagabonder vers l'avenir qu'elle contribuait à façonner.
Un avenir où les Uchiha ne seraient pas isolés, où Madara ne sombrerait pas dans les ténèbres, où Konoha pourrait véritablement devenir le village de paix et de coopération qu'elle avait toujours été destinée à être.
Ce soir-là, sous les étoiles de l'automne, une jeune femme qui portait la mémoire de deux vies contempla les possibilités infinies de l'existence qu'elle était en train de créer, une décision à la fois.
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