Chapter 1: Chapitre 1
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Rouge. Un ciel rouge. C'est la première chose qu'il vit en ouvrant les yeux. Puis les sons environnants, les moteurs des voitures, les cris, les voix. Distants. L'odeur, chaude et soufrée, piquante dans ses narines. Et le désespoir lorsqu'il comprit qu'il était encore en vie. Il s'était donc raté. Comme tout ce qu'il entreprenait. La honte, cette vieille sensation, familière. Comment avait-il trouvé le moyen de se rater avec un revolver enfoncé dans la bouche ? Quel incapable. Et maintenant ? Pourquoi tout lui semblait si rouge ? Il était probablement blessé. Il plia ses doigts doucement, analysant ses sensations. Les informations qui remontaient à son cerveau étaient étranges mais présentes, réelles. Un ricanement grave retentit tout près de lui.
« Oooh, Chaton. Ne t’inquiète pas, je vais bien m'occuper de toi. »
La voix lui glaça le sang. Son instinct se mit en branle, lui hurlant de bouger, et vite, mais son corps refusa d'obéir. Il sentit une main moite et collante, froide, se poser sur sa hanche et remonter vers son ventre. Il n'avait jamais ressenti une chose pareille, aussi étrange, comme si cette peau n'était pas la sienne. Simultanément une silhouette apparut dans son champ de vision. Une créature répugnante était maintenant penchée sur lui. Il n'avait jamais rien vu d'aussi affreux. Il s'agissait très clairement d'un animal, une sorte de reptile à la peau jaune et noire luisante, une salamandre ? Mais cette dernière était aussi grosse qu’un homme, habillée d'un jean patte d'Eph et d'une chemise, avec des gestes et une expression assurément humaine. Le mélange était grotesque au-delà de tout ce qu'il avait pu voir dans sa vie.
Husk se releva en position assise d'un coup, comme un diable sorti de sa boite, tant pis pour son dos - Bizarre, son dos ne protesta pas – et il projeta ses mains en avant de toutes ses forces pour repousser la créature, lui coupant le souffle par la même occasion. Deux pattes noires et griffues apparurent dans son champ de vision, ses mains ? Était-ce ses mains ? Le choc lui fit oublier la créature. Il tira doucement sur la fourrure noire recouvrant son bras, une touffe prisonnière entre ses longues griffes blanches. La sensation remonta jusqu'à son cerveau, c'était bien réel. Putain de merde. Un rire retentit juste devant lui. L'autre abomination était toujours là, assise au sol à le regarder en... riant ? Une voix d'homme semblait bel et bien sortir de la bestiole.
« Eh Chaton, soit pas comme ça, laisse moi t'aider à prendre tes marques. »
Aussitôt les pattes griffues et écailleuses du lézard menacèrent de revenir se poser sur son torse. Husk sursauta.
« Casse-toi de là, enfoiré ! »
Par chance, sa voix était toujours la même. Husk bondit sur ses jambes (pattes?) avec une souplesse qu'il ne connaissait pas, ou qu'il n'avait pas connue au cours des 40 dernières années. Le reptile stoppa son mouvement, un peu surpris par le timbre grave et profond de son adversaire. Il grogna.
« Tu vas faire le difficile ? Mon vieux, j'essaie seulement de t'apprendre les règles. »
De quoi parlait cet abruti gluant ? Sa grosse tête de lézard donnait à Husk envie de vomir. Il passa sa langue sur ses dents, découvrant deux rangées de crocs pointus et acérés. Il retroussa ses lèvres, pensant intimider son opposant.
« Ouais, ouais, tu as des crocs Chaton, bravo. Comme si c'était pas le cas de tout le monde ici », dit-il en découvrant son propre sourire affreux et carnassier.
« Mais je suis où, putain ? »
Comme s'il n'en avait pas déjà une petite idée.
« Bienvenue en enfer, KittyCat ! » s'exclama le lézard dans un ricanement avant d'ajouter :
« Fini de rire, c'est l'heure de payer les pots cassés. Considères moi comme ton collecteur de dette attitré. »
Oh non. Une vague de panique s'empara de Husk. Il jeta un coup d’œil aux alentours. Il était dans une ruelle, une ruelle tout ce qu'il y a de plus classique en ville, puante, avec ses bennes à ordures, son bitume défoncé et ses immeubles aux murs décrépis qui l'encerclait. Les deux côtés étaient libres et pouvaient s'envisager comme des issues.
La salamandre s'était relevée et s’avançait à nouveau. Husk leva sa jambe et envoya l'énorme patte blanche qui la terminait dans l'estomac du reptile qui fut envoyé directement contre les poubelles. Husk prit aussitôt ses jambes à son cou. Merde, devait-il courir à 4 pattes ? Comment ce corps allait-il réagir ? S'il était dans un cauchemar il allait probablement se mettre à faire du sur-place, incapable d'avancer et de fuir. Mais non, il se trouva instantanément propulsé en avant, à une vitesse très satisfaisante, grisante même.
Aussitôt il se retrouva dans une autre artère de la ville, bien plus large, traversée de voitures et de piétons. Ceux-ci portaient des vêtements humains, des costumes, des robes, mais leurs corps... leurs corps étaient difformes, bestiaux, répugnants.
Il prit une direction au hasard, la moins chargée de créatures infernales ferait l'affaire, et continua sa course. Son rythme était bon, mais pas optimal. Il sentait un poids étrange dans son dos et une douleur remontait d'un point de son anatomie qu'il ne connaissait pas. Après s'être assuré que la voie était libre, et sans ralentir, il jeta un coup d’œil derrière son épaule. Deux longues ailes rouges et noires le suivaient au sol, ramassant toute la poussière de la chaussée sur son chemin.
Il n'eut pas le temps de s'en inquiéter car déjà la salamandre était sur ses talons, visiblement contrariée et prête à en découdre. Husk accéléra et tenta de bouger les ailes collées à son dos. Des muscles qu'il n'avait jamais senti prirent vie au niveau de ses omoplates et se mirent à se plaindre, mais il sentit les ailes remonter un peu et le frottement au sol disparaître. Bon sang qu'elles sont lourdes, pensa Husk. C'était comme soulever des sacs de sable avec les muscles de son dos. Merde merde merde, il n'allait pas y arriver.
Il contracta ses mâchoires et étendit sa nuque au maximum. Ça marchait. Il sentit ses ailes remonter au-dessus de sa tête, et soudain le poids était gérable. Pliant les genoux, il sauta le plus haut possible en s'imaginant battre des ailes. Ses pieds (ses pattes bon sang!) quittèrent le sol. Il s'éleva un peu, hurlant de panique et d'euphorie, jusqu'à se retrouver hors d'atteinte des griffes du lézard.
Au sol, celui-ci continua de débiter des insanités en haletant. Peu rassuré, Husk s'éleva jusqu'au toit le plus bas, un immeuble de 2 étages, incapable d'aller plus haut. L’atterrissage se fit en douceur mais il eut du mal à retrouver sa respiration. La chaleur ambiante n'aidait pas. Il vivait pourtant près de la Vallée de la Mort, il était habitué aux températures extrêmes, mais pas à un exercice physique aussi intense. Épuisé, il s'écroula à l'ombre d'une cabine électrique.
Encore une bonne journée de merde, pensa t-il. Sa gorge le brûlait atrocement. L'air était trop sec, un vrai sauna. Assis dos à la cabine, ses ailes posées de par et d'autres plus ou moins confortablement, il n'osait pas baisser ses yeux pour découvrir quel genre d'atrocité lui tenait maintenant lieu de corps. Il déglutit son absence de salive et prit son courage à deux mains, descendant doucement son regard de l'horizon vers le sol.
Deux grosses pattes blanches en guise de pied. Ridiculement larges, comme celles des lions qu'il avait vu au zoo, sans griffes apparentes. Des jambes à la fourrure noire mais très similaires dans leur longueur à celle qu'il avait de son vivant. Un ventre blanc à l'aspect curieusement doux. Il approcha sa main et passa ses griffes flexibles comme des doigts dans la fourrure. Douce. Soyeuse.
Un chat ? Oh non. Pas une saloperie de chat. Il monta ses mains au-dessus de sa tête et heurta deux appendices mous couverts de la même fourrure. Simultanément, un paquet d'informations nerveuses furent envoyées à son cerveau, le laissant un moment submergé par la sensation. Il reposa ses mains bien à plat au sol. Respire.
Un putain de chat, noir et blanc de surcroît, en référence à ses origines, très malin, très subtil. Il n'avait jamais supporté son métissage, évidemment que cela lui revenait en pleine tête en enfer. Tout pour l'emmerder.
L'enfer. L'enfer existe. Husk n'avait jamais été quelqu'un de religieux. C'est précisément pour cette raison qu'il n'avait jamais eu peur de la mort et que celle-ci lui avait toujours semblé être une porte de sortie parfaite pour régler ses problèmes. S'il avait su, il aurait repoussé son projet final de quelques années. Mieux lui aurait valu de vieillir seul et misérable sur terre que d'arriver – littéralement – en enfer.
Le ciel au-dessus de sa tête était d'un vermillon uniforme à l'exception d'une planète noire couverte d'un symbole (un pentagramme?) luisant lui aussi de rouge, et d'un astre luisant d'une lumière blanche, apaisante. Le paysage n'était pas si laid, mais cette couleur l'angoissait et lui donnait encore plus l'impression d'étouffer.
Il sursauta lorsque quelque chose d'inconnu lui effleura la jambe. Quel genre d'horreur allait encore l'attaquer ? Collé à son mollet, Husk découvrit un plumeau rouge et noir identique à ses ailes qui s'agitait nerveusement. Le dit plumeau était relié à une corde noire veloutée qui disparaissait sous lui. Il porta sa patte à son visage et souffla bruyamment. Une putain de queue bien sûr. Et des ailes pour couronner le tout. Bon sang, mais quel genre de malade de mauvais goût gérait cet endroit ? Ah oui, le diable, probablement.
Il écarta une aile pour mieux scruter son nouveau membre. Les couleurs lui rappelaient les tables de jeu du casino. Quelle ironie. Une certaine logique pour l'enfer, n'est-ce pas ?
Il posa à nouveau son regard sur le corps. Son entrejambe était lui aussi couvert de fourrure blanche, et il ne vit rien qui puisse ressembler à ses anciens attributs. Tant pis, ce n'était pas vraiment le moment de se peloter, il réglera ça plus tard. La perspective d'une vie d'eunuque n'était pas ce qui l'effrayait le plus pour le moment.
**
Il lui fallait de l'eau. Ou mieux, une bière bien fraîche. N'importe quel liquide pour peu que cela apaise la brûlure dans sa gorge. Il se leva, secoua ses ailes, observant les sensations et la façon dont elles se mouvaient dans l'air.
Il allait devoir redescendre du toit et cette idée ne l'enchantait pas. L'idée de retomber sur la salamandre non plus. Il pouvait peut être observer son environnement depuis les hauteurs en restant en sécurité.
Il s'approcha du parapet, quelques mètres au-dessous de lui la ville, car c'était bien une ville tout ce qu'il y a de plus ordinaire, s'étendant dans toute son animation. Deux créatures en costume étaient en train de se battre à la sortie de ce qui semblait être un restaurant. Une autre hurlait sur un crocodile bipède qui avait osé la bousculer sur le trottoir. Les voitures klaxonnaient. C'était à peine plus violent et agressif que les grandes villes qu'il connaissait. Pas de lézard en vue. Mais ça ne voulait pas dire qu'il ne devait pas se méfier.
Que pouvait bien vouloir cette face de reptile ? Il n'avait pas d'argent sur lui, d'ailleurs il n'avait absolument rien sur lui. Sa nudité importait peu, il était couvert de fourrure. Mais les autres animaux humanoïdes dans la rue portaient tous des vêtements, ce qui lui sembla encore plus ridicule que s'ils avaient totalement assumé le fait d'être devenu des bêtes.
Son regard parcouru l'horizon. Ce quartier était probablement résidentiel, les bâtiments ne s'élevaient pas très haut. Sur sa gauche il pouvait voir des buildings beaucoup plus hauts, quelques grattes-ciel même. Sur sa droite les bâtiments étaient plus bas, à part une gigantesque tour illuminée. Une sorte d’hôtel de ville peut-être ? Est-ce qu'il devait se rendre là-bas pour s'enregistrer ou quelque chose du genre ? Cette pensée le fit sourire amèrement. Il était en enfer bon sang, qu'est ce qu'il en avait à foutre de l'administration ou de quoi que ce soit d'autre.
Par contre il repéra un bâtiment à quelques pâtés de maison dont l'enseigne lumineuse clignote en forme de pinte et de verre à martini. Parfait, il savait maintenant où aller. Il entreprit d'effectuer un saut sur le toit voisin, normalement trop éloigné pour permettre une telle action, mais il était à peu près sûr d'y arriver avec ses ailes.
Il prit son élan et atterrit sans dommage. Puis il recommença sur le toit suivant, et le suivant. Au bout d'un moment il se décida même à voler tout en restant à un mètre au-dessus des toits, au cas où il effectuerait une mauvaise manœuvre. Il arriva sans aucun problème sur le dernier toit face à ce qui semblait être un club, mais haletant plus que jamais. Malgré tout, il était content d'avoir réussi à dompter ces horribles appendices plumeux. Mais il devinait déjà que leur poids finirait par être la mort de ses lombaires.
Soucieux et prudent, il observa les alentours du club et son intérieur visible depuis la façade vitrée, teinte en rouge elle aussi. Les gens n'en avaient donc pas marre de voir cette couleur partout ? Il maugréa. L'intérieur était plutôt vide, tout comme la rue qui était plus calme que la précédente. Soit ce club avait une terrible réputation, soit il était encore très tôt.
Quelle heure pouvait-il être d'ailleurs ? Il s'était tué sur les coups de 13h, quand le soleil était au plus haut, l'heure qu'il détestait le plus dans la journée. Il devait donc être en milieu d'après-midi, en tout cas si le temps passait de la même façon en enfer que sur terre.
D'exaspération face à sa situation, il claqua sa patte sur son front mais ce coup n'eut pas l'effet escompté. Il regarda dans sa paume pour voir d'où venait cette sensation molle. Un seul et unique coussinet, velouté, jaune et en forme de cœur arborait le centre de sa patte. Il n'était plus à une horreur près.
Il souffla et enjamba le parapet, commença prudemment la descente vers le club. Il fit attention à bien resserrer ses ailes dans son dos une fois au sol, pour éviter de les faire douloureusement traîner.
Une créature mi-rongeur mi-aberration des enfers passa à côté de lui en levant un sourcil à sa vue mais continua sa route. Bien, au moins tout le monde ici ne semblait pas vouloir l'agresser. Husk poussa la porte du club et entra dans la lumière tamisée.
La musique disco que les jeunes appréciaient tant retentissait vers le fond, heureusement à un niveau supportable. Du regard, il fit le tour de la salle à la recherche du bar. Celui-ci se trouvait bien visible au milieu et une seule créature était accoudée au zinc, en plus de celle qui devait servir de barman.
Husk s'avança aussi assurément qu'il le pouvait. La créature assise sur un tabouret, et qui ressemblait terriblement aux belettes empaillées que les mémés portent en guise d'écharpe, se tourna vers lui et siffla à son attention.
« Eh ben Mignon, on se balade les fesses à l'air ? »
Elle le reluqua sans vergogne et éclata de rire alors qu'il allait pour s'adresser au barman, évitant son regard.
« Mais c'est adorable ce petit cul blanc en forme de cœur ! On a envie de croquer dedans. »
C'était quoi leur problème à ces bestioles ? Même les mamies étaient libidineuses ici. Husk grogna et plissa les yeux, tentant d’apparaître menaçant. La mamie lui lança un « Rrrrrrh, j'adore. » puis se replongea dans son verre.
Le barman sourit à Husk.
« Oh ignore-là. Laisse moi deviner, tu viens d'arriver ? »
Husk acquiesça avec soulagement. Au moins celui-ci avait une réaction normale malgré sa grosse tête de truite laide à faire fuir le diable en personne.
« Ce serait possible d'avoir un verre d'eau ? »
L'homme poisson hocha la tête et posa un verre d'eau sur le zinc, ainsi qu'un deuxième verre, plus petit, dans lequel il versa une grosse rasade de vodka.
« Celui-là c'est pour moi, cadeau d'accueil. »
Husk le remercia et engloutit le verre d'eau immédiatement, puis aussitôt la vodka. Il expira de contentement. C'était peut être la première chose agréable qu'il lui arrivait de la journée. Le barman se pencha au-dessus du comptoir pour regarder Husk dans son intégralité, ce qui fit grincer des dents ce dernier.
« Un pantalon, ça t'intéresse ? Un mec bourré s'est pissé dessus l'autre jour, ses potes lui ont retiré et l'ont oublié là. Le pantalon, pas leur pote. Bref, on l'a lavé mais il est jamais revenu le chercher. Ça doit être un peu grand pour toi, le mec avait plus de bide, mais pour la longueur ça devrait être pas mal. »
« Un pantalon ce serait pas mal oui » déclara Husk en haussant les épaules, même s'il trouvait toujours l'idée de couvrir sa fourrure avec du tissu un peu stupide par cette chaleur.
La mamie belette leva les yeux au ciel avec un cri de déception. Husk eut un sourire crispé pour elle. Quelques instants plus tard, la truite revint de la réserve avec un carré noir dans les mains et le tendit à Husk. Il déplia le pantalon et l'enfila. La vieille belette souffla un baiser d'adieu en direction du derrière de Husk, comme on dit au revoir à un amant qui s'en va sur le quai d'une gare. Le chat l'ignora délibérément.
Effectivement, il nageait à la taille dans son vêtement, mais par chance des bretelles étaient cousues à l'arrière de la ceinture et tenues à l'avant par des pinces dorées. Il ne marchait pas trop sur l'ourlet, cela ferait l'affaire.
« Merci mon vieux, je crois que tu me sauves la vie » dit-il en lançant un œil en direction de la mamie. Le barman pouffa. Husk hésita puis reprit :
« Bon, est-ce que tu pourrais m'expliquer... tu sais, ce qu'il y a à savoir pour survivre ici. Est-ce qu'on va me coller dans une marmite d'huile bouillante à heure fixe ou ce genre de chose ? »
Le barman secoua la tête.
« Non l'ami, rien de ça ici. C'est toi qui va te créer ton propre enfer. Ils comptent bien là dessus. »
« Qui ça « ils » ? »
« Ben tu sais, les gars, euh... Dieu, Satan, Lucifer, j'en sais trop rien. Je sais juste que ça marche, et ça marche bien. La plupart des gens ici sont malheureux comme jamais. Comme ils n'ont plus rien à perdre, ils font des choix de merde. Et une mésaventure en entraînant une autre, ils se retrouvent débiteurs des plus puissants. »
Le barman fit une pause, réfléchit aux conseils qu'il pouvait donner à ce nouveau venu.
« Le plus important : ne vend pas ton âme. Jamais. C'est une monnaie d'échange puissante mais ça n'en vaut jamais la peine. Les types qui chopent des âmes, on les appelle des Overlords. C'est eux qui font la loi ici. Ne te laisse jamais entraîner dans leurs magouilles. Ah et aussi, tout le monde à un pouvoir ici. »
« Un pouvoir ? »
« Ouais, t'emballe pas, ça peut être carrément nul. Genre moi j'étais alpiniste avant – il fit un geste vers le plafond – et ben maintenant je peux vomir de la corde. »
« Euh, pardon ? »
« Ouais je te jure, des mètres de cordes, comme ça qui me sortent de la bouche, bien propre en plus. Du coup je peux grimper où je veux. Sauf qu'ici y'a pas de montagnes. Enfin y'en a peut être dehors, mais nous les pécheurs, on est condamné à rester à Pentagram City. Et toi mémé c'est quoi ton pouvoir ? »
La belette finit son verre cul sec, le fit claquer sur le comptoir, ouvrit la bouche et rota une énorme gerbe de flamme devant elle. La barman se jeta de justesse sur le côté pour l'éviter. Husk sentit ses oreilles se plaquer sur sa tête et ses yeux s'écarquiller.
« Pas mal hein ? » fit la petite vieille.
Husk se tourna vers le comptoir, de la panique plein les yeux. L'homme poisson se relevait sans avoir l'air le moins du monde perturbé et applaudit.
« Attends... Mais comment je sais ce que je peux faire ? » demanda Husk.
« Ben c'est ça le hic », reprit le barman. « Tu peux pas savoir. Certains le savent dès le premier jour, d'autres mettent des années à le découvrir. Ça apparaît généralement quand tu en as besoin, mais selon l'utilité de la chose, ça peut mettre du temps. »
« Pas la peine de te casser la tête, ptit cul », suivit la grand-mère. « Tu le feras pas sortir juste en y pensant. »
« Et je vois que tu as des ailes, c'est peut être juste ça ton pouvoir. Voler. C'est déjà classe et plutôt rare dans le coin. »
Husk acquiesça. D'accord, pouvoir de vol, ça lui allait. C'était en tout cas plus utile que de cracher de la corde. Il s'accouda sur le zinc et posa sa tête dans sa main. Trop d'informations, trop vite. Il saturait.
« Une autre tournée pour le petit chat », fit la belette. « C'est pour moi. »
L'après-midi s'écoula en un clin d’œil. Marco, le barman, continua à lui donner des conseils de survie. Globalement, la vie se déroulait comme sur terre ici. Sauf qu'il lui fallait repartir de zéro, sans un contact et un centime en poche.
Grand-mère belette lui paya encore quelques verres avant de lui proposer un hébergement chez elle. Marco grimaça discrètement. Heureusement Husk n'était pas du genre à prendre n'importe quelle décision après quelques verres. Il refusa poliment. La mamie haussa les épaules et s'en alla, déclarant qu'il était l'heure de son feuilleton du soir.
Marco proposa à Husk de faire le ménage dans le club en échange de ses pourboires de la soirée et d'une place dans la cave sous la réserve. Offre renouvelable si tout se passait bien ce soir. Le barman en avait marre de devoir nettoyer les toilettes derrière des clients plus que ivre. L'idée n'enchantait pas Husk, mais dormir dehors non plus. Il pourrait toujours chercher une meilleure place demain.
Chapter 2: Chapitre 2
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Trois jours s'étaient écoulés depuis son arrivée en enfer. Trois jours ou il faisait le ménage du club après sa fermeture, dormait sur un vieux lit de camp dans une cave sans fenêtre entre des fûts de bière usagés.
Pendant la journée, Husk explorait Pentagram City. Marco lui avait griffonné un plan sur une nappe en papier, lui indiquant les endroits à voir et à éviter. Husk était sincèrement reconnaissant pour l'hébergement de fortune, mais il fallait qu'il se dépêche de trouver mieux avant de sombrer complètement dans le désespoir.
En apparence, le fonctionnement de l'enfer était assez proche de celui du monde des vivants. L'argent était roi, et le pouvoir aussi bien sûr. La plupart des « gens » travaillaient et payaient un loyer. Marco avait raison, nul besoin de chaudrons d'huile brûlante et de vierges de fer pour torturer un être. Une vie d'éternité à payer des factures suffisait.
Husk s'était demandé ce qu'il pourrait bien faire, il n'aspirait à rien à part un minimum de confort et qu'on lui foute la paix, lorsqu'une solution parfaite se présenta au détour d'une rue. Un casino apparut devant ses yeux, paré de ses couleurs clinquantes et ses lumières scintillantes et familières. Parfait. Husk connaissait le milieu, il avait travaillé dans un casino presque toute sa vie et avait connu pratiquement tous les postes possibles, videur, croupier, barman, homme à tout faire, manager et finalement bras droit du patron d'un des plus prestigieux établissements de Las Vegas.
Ils allaient probablement le faire recommencer au bas de l'échelle, mais peu importe, tout ce qu'il voulait c'était se retrouver dans un milieu familier, prendre le temps de digérer sa nouvelle situation dans un environnement connu.
Il entra dans le bâtiment encadré de grandes fontaines kitsch, discuta un moment avec la fille de l'accueil – plutôt une grande souris blanche qu'une fille – en lui offrant son sourire le plus charmeur. Il passa ensuite un moment dans le bureau du manager et ressortit avec un job de croupier à l'essai. Le type avait essayé de lui vendre un contrat d'âme avec le patron, lui promettant un logement gratuit au sein du casino et une protection les jours d'Extermination, mais Husk avait poliment décliné, préférant seulement un travail. Le manager avait haussé les épaules. D'après lui, Husk changerait rapidement d'avis quand il verrait le prix des loyers dans les quartiers calmes, ceux où on ne risquait pas sa vie à chaque fois qu'on sortait acheter du lait.
Le chat ressorti satisfait du casino, pressé d'annoncer la bonne nouvelle à Marco. Il devrait rester encore une semaine dans la cave du club, le temps de recevoir son premier chèque, mais la perspective d'une fin le soulageait de cette situation.
En marchant vers le club, Husk ressassa encore ce qui le préoccupait le plus dans ce nouveau monde. D'après Marco, les humains qui arrivaient en enfer, les pécheurs, étaient immortels et condamnés à rester là pour l'éternité. Ils pouvaient être blessés et tués comme des humains ordinaires, mais se régénéraient et revenaient à la vie. Sauf dans un cas : s'ils mouraient tués par une lame angélique.
Celles-ci circulaient parfois sous le manteau chez les pécheurs, mais leurs principaux utilisateurs étaient les anges qui descendaient une fois par an du paradis pour massacrer le plus de pêcheurs possibles afin de maintenir leur population à un niveau stable.
Mais que se passait-il une fois tué par une arme angélique ? Husk pourrait-il trouver le repos comme il l'avait espéré dans ses dernières heures sur terre, ou tomberait-il dans un nouveau cercle des enfers encore pire que celui-ci ? Il lui fallait vraiment trouver la réponse à cette question avant la prochaine extermination prévue dans 3 mois.
Hélas, il avait bien peu de chance d'obtenir une certitude, le problème était le même ici qu'il l'avait été de son vivant, à savoir chacun croyait détenir la vérité, et le seul moyen de l'obtenir était d'aller la chercher soi-même. Il souffla. Trois mois pour décider s'il continuait à vivre en enfer ou s'il tentait le prochain niveau. Trois mois pour savoir si le repos éternel qu'il convoitait tant – pas le paradis, mais celui où tout disparaissait pour de bon dans le néant – existait et s'il pouvait l'atteindre.
Husk pourrait aussi tenter une mission suicide grâce à ses ailes. Marco lui avait certifié avoir vu le portail vers le paradis s'ouvrir le jour de l'Extermination pour laisser passer les anges exorcistes armés de leurs lances redoutables. Peut-être Husk pouvait profiter des quelques heures d'ouverture du passage pour s'introduire au paradis ?
Il avait probablement autant de chance de réussir que de gagner à la loterie, mais au pire il se ferait empaler par un ange en essayant et pourrait aller voir où le mène sa deuxième mort. Il garda cette idée dans un coin de sa tête. Il aurait peut-être besoin d'observer le portail de ses propres yeux. Ne pourrait peut-être pas mener à bien ce projet dès sa première année. Il lui fallait aussi étudier ces anges exorcistes.
Husk était perdu dans ses pensées, tout en tentant de rester concentré pour trouver une éventuelle agence immobilière où il pourrait trouver un appartement à louer, lorsque son regard passa sur les écrans de télé dans la vitrine d'un magasin d'électroménager.
Deux créatures étaient postées devant la devanture et regardaient avidement le programme diffusé. Son regard passa sur les écrans cathodiques et son cerveau ne comprit pas tout de suite ce qu'il voyait, avant qu'une bouffée de chaleur lui monte violemment aux joues.
La boutique diffusait sans honte un film porno, à la vue de tous, en plein jour dans la rue. Husk regarda autour de lui, les passants continuaient leur route naturellement en jetant un coup d’œil aux télévisions, pas perturbé le moins du monde. Les deux voyeurs devant la vitrine semblaient comme hypnotisés par le programme obscène. L'un deux bavait allégrement sur son col de chemise. Husk grimaça.
A l'intérieur de la boutique, d'autres télévisions diffusaient le même programme et les vendeurs déambulaient dans les allées sans paraître sans inquiéter. Les codes sociaux infernaux s'affranchissaient sans honte de ce qui était moral dans le monde vivant. Mais ce qu'il voyait dégoûta Husk. Ces corps animaux aux attributs bestiaux, affichés sans honte dans des actes filmés en gros plan, il ne comprenait pas ce qui pouvait attirer les deux autres spectateurs à ses côtés.
Bien sûr Husk avait déjà vu du porno, il s'était rendu comme pas mal de gamins de son époque dans des cabarets polissons où des dames s’exhibaient pour 3 sous, puis avait connu l’avènement des cinémas érotiques. Il s'y était rendu, une fois ou deux, mais ce n'était pas sa tasse de thé. Tous ces types dans de grands imperméables sombres en train de se palucher en même temps sur leurs sièges, chacun croyant être discret, il trouvait cela dégradant.
Et maintenant ce qu'il voyait... était incompréhensible. Mais hypnotisant. Il regardait avec un dégoût tel que la salive lui montait à la bouche comme s'il allait vomir, mais en même temps il ne parvenait pas à décrocher son regard.
Dans le film, deux immenses bestiaux, un minotaure et un gorille, s'occupaient d'une espèce de brindille à fourrure blanche, tenant chacun un bout opposé de son corps. La fille poussait des gémissements surjoués et théâtraux dans un jeu pitoyable, en plus d'être vraiment perturbant à regarder. Une coupe et la caméra fit un gros plan sur les attributs du minotaure qui frottaient l'entrejambe de la fille et... bon sang ce n'était pas une fille, c'était un autre homme.
Vraiment ? Il jeta un coup d’œil vers ses voisins qui n'avait pas sourcillé et continuaient de se rapprocher dangereusement de la vitre, comme s'ils voulaient rentrer dans l'écran. Husk était abasourdi. Il avait pourtant eu son lot d'aventures secrètes avec des hommes durant ses longues années de vie, mais il n'aurait jamais pensé, qu'enfer ou pas, qui que ce soit serait près à regarder les ébats entre trois hommes dans un espace public.
La brindille à fourrure blanche se tourna vers la caméra et envoya un clin d’œil aguicheur aux spectateurs, Husk détourna le regard comme si l'acteur avait pu le voir réellement. Les deux autres spectateurs ricanèrent grassement à cette scène, s'envoyant des regards entendus.
Bien, s'en était trop pour Husk, il n'était clairement pas près pour autant d'obscénité. Il partit en maugréant, les mâchoires serrées, dégoûté par ce qui était désormais ses concitoyens. Ces gens allaient le rendre fou. Il était trop vieux pour ces conneries.
**
Trois mois passèrent en un claquement de doigts. Husk s'habituait lentement à sa nouvelle condition et aux mœurs douteuses, que ce soit en termes de violence ou de sexualité, qui régnaient aux enfers.
Il avait pu trouver un minuscule appartement à deux pâtés de maison du casino, à peine plus qu'un placard à balai avec toilettes et douche sur le palier. Quand il se trouvait assis sur son lit, il pouvait toucher les quatre murs autour de lui.
Mais il pouvait se réveiller 5 minutes avant de prendre son service, et se coucher 5 minutes après sa fin. C'était en tout cas son rythme les premières semaines de son travail au casino. Se réfugier dans le sommeil avait bien des avantages. Les journées passaient plus vite, il n'avait rien à dépenser et il évitait les tentations.
Malheureusement les tentations sont bien dures à fuir lorsque l'on est un ancien joueur repenti qui travaille dans le milieu du jeu. Il passait régulièrement jeter un œil aux tables de poker pendant ses pauses, son uniforme d'employé n'éveillant pas les soupçons des autres joueurs. Il observait les mises et les tactiques, fulminait lorsqu'un joueur faisait une erreur stupide ou qu'il pouvait lire son jeu sur son visage.
Il commença à se dire que vu le niveau général des joueurs, il pourrait facilement arrondir ses fins de mois en tentant une mise ou deux. Pas au casino évidemment, il ne voulait pas se griller. Mais certains clients lui avaient déjà donné des adresses de tables de jeu privées où on acceptait quiconque pouvait mettre une belle somme sur le tapis.
Il freina autant qu'il put son envie grandissante et lorsqu'il n'eut plus une once de volonté, il se rendit sur les lieux avec son mois de salaire en poche. On l'accueillit comme s'il avait toujours fait partie des lieux. Les accrocs se reconnaissaient entre eux.
L'organisateur servait toujours de bonnes bouteilles sans aucune radinerie sur la marchandise. Il savait qu'un joueur soûl aurait tendance à faire plus d'erreurs. Et à s'énerver après avoir tout perdu également, c'est pourquoi il gardait toujours deux hommes de main à ses côtés, près à jeter sur le trottoir les malchanceux un peu trop belliqueux.
Le premier soir, Husk doubla sa mise, et se dit qu'avec une telle somme, il pouvait tenir plusieurs mois avant d'y retourner. Il réussit à tenir une semaine. A partir de là, il était à la table tous les soirs où il ne travaillait pas. Et il gagnait. A tel point que le propriétaire des lieux lui proposa un marché : plutôt que de lui casser les genoux pour le punir de tout l'argent qu'il lui avait fait perdre, il proposait de l'engager dans son écurie de joueurs personnels. Il pourrait jouer autant qu'il le voudrait et partagerait ses gains en échange d'une certaine tranquillité.
Husk accepta. Il avait vite compris que les hommes armés aux côtés du patron ne se contentaient pas seulement de jeter les mauvais perdants à la rue. Les manteaux de fourrure et gants qu'ils arboraient avaient clairement été fabriqués à partir de la peau de malheureux pécheurs. Autant Husk détestait ces stupides poils noir et blanc qui se collaient partout où il passait, autant il détestait l'idée d'être écorché vif.
La collaboration entre Husk et son nouveau patron se passait bien, en tout cas au début. Le chat quitta rapidement son emploi au casino pour travailler à temps plein au côté de l'homme aux méthodes mafieuses. Il n'était pas bête, il savait parfaitement qu'il s'agissait d'une mauvaise idée. Tout était là, sous ses yeux : l'argent, le jeu, l'alcool, la violence.
Les conseils de Marco furent bientôt noyés dans le whisky et le bourbon. Husk construisait son propre enfer, pierre après pierre. L'Extermination passa sans même qu'il s'en rende compte. Le patron lui avait offert le gîte dans une cave blindée pour passer la journée pendant qu'à l'extérieur le massacre se déroulait dans les rues.
Ce jour, Husk rentra chez lui en enjambant les cadavres des vaincus, pendant que les cannibales sortis de leur tanière ramassait les meilleurs morceaux. Il avait beaucoup trop bu pour s'en inquiéter. Son unique problème était de réussir à rentrer sa clef dans la serrure et s'écrouler sur son lit pour quelques heures.
Sa chance tourna lorsque son addiction à l'alcool commença à prendre le pas sur son addiction au jeu. Comme les types qu'il avait observé au casino quelques mois plus tôt, il se mit à faire de plus en plus d'erreurs, à jouer de façon imprudente, à ne plus détecter les signes chez ses adversaires.
Le patron voulut le prévenir qu'il devait lever le pied sur l'alcool mais Husk écarta ses inquiétudes d'un revers de main, déclarant qu'il savait ce qu'il faisait et qu'il allait bientôt se refaire. Le patron le regarda dans les yeux et, sans un mot, passa sa main sur sa pelisse en fourrure noire en guise d'avertissement. Husk déglutit. Il devait se reprendre, et vite.
L'avertissement sembla le dégriser un moment, et il rentra chez lui plein de résolutions. Il pouvait le faire, ce n'était pas la première fois qu'il traversait une mauvaise passe. Il allait se calmer sur la boisson et la chance reviendrait. Mais le lendemain au réveil, ses mains tremblaient atrocement sous l'effet du manque et il se précipita dans le local poubelle où il avait déposé toutes ses bouteilles la veille. Il ne les avait pas cassées au fond du bac, ni même vidées dans le caniveau. Car au fond de lui il savait qu'il échouerait à se sevrer, comme le loser qu'il avait toujours été.
Ses affaires ne s'arrangèrent pas miraculeusement comme il l'espérait. Sa chance tournait plus que jamais et il commença à éviter son tripot habituel pour ne pas croiser le regard insistant et impitoyable de son patron. Un regard qui lui rappelait qu'il ne lui servait plus à rien, et qu'il en avait déjà vu d'autres, prometteurs au premier abord, qui s'enfonçaient ensuite dans la défaite. Rares étaient ceux qui tenaient la route sur la durée. Et le patron se fichait bien de se débarrasser d'une recrue devenue embarrassante pour la remplacer par une autre. Les candidats envieux de noyer leur vie misérable dans le jeu étaient légions à Pentagram City.
Husk restait maintenant cloîtré chez lui, recroquevillé sur son lit, entouré de ses bouteilles, attendant que le proprio vienne le mettre à la porte à la fin du mois parce qu'il n'avait plus de quoi payer le loyer. Il fut tiré de sa torpeur par deux coups secs frappés sur la porte.
Il se redressa en position assise, décrochant son regard du plafond qui était devenu son univers. Tout tournait autour de lui. Il grommela et s'extirpa des draps froissés pour aller ouvrir. A peine avait-il tourné le bouton du verrou que la porte s'ouvrit à la volée et qu'un individu l'attrapa par le col en empoignant directement une grosse poignée de sa fourrure. Husk cria sous l'effet de la douleur et fut aussitôt violemment plaqué contre le mur du couloir. Le choc lui résonna dans la tête avec tellement de force que sa vision se brouilla complètement et qu'il crut perdre connaissance. Il entendit pourtant son nom prononcé par une voix familière, et après quelques secondes chaotiques, il réussit à distinguer son agresseur.
Les deux hommes de main du patron se trouvaient devant lui, visiblement contrariés. L'un d'eux le tenait toujours par les poils sous sa gorge. Husk se concentra sur cette douleur pour rester conscient avec toute la volonté dont il était capable.
« Salut Husk, » dit le type qui le tenait par la gorge, « on va pas y aller par quatre chemins, car tu sais très bien pourquoi on est là. »
Le type fit une pause et sembla attendre quelque chose. Husk comprit au bout d'un moment et hocha la tête, ce qui tira encore plus sur sa fourrure. Il grimaça involontairement.
« Bien. La patron veut son fric à la fin de la semaine. T’auras pas de deuxième avertissement. »
« Ma femme adorerait une nouvelle chapka », reprit l'autre, à l'arrière. « Il paraît que le noir et blanc va faire fureur cet hiver. »
Le premier leva les yeux au ciel et laissa Husk tomber au sol comme un sac d'ordure. Il s'en allèrent comme ils étaient venus, le laissant assis dans le couloir de l'immeuble. Il passa une patte sur sa peau douloureuse, juste sous sa gorge. Merde merde merde. Il fallait qu'il trouve une solution et vite.
Pas moyen de quitter la ville et ce genre de types étaient capable de le retrouver n'importe où. Un chat ailé n'était pas vraiment le genre de créature commune en enfer, il n'en avait jamais vu d'autres. Il lui serait impossible de passer inaperçu. Et où allait-il trouver autant d'argent en 4 jours ? Il pouvait se refaire, il en était sûr, mais il lui fallait au moins une mise de départ. Qui pourrait lui prêter ? Il ne s'était pas vraiment fait d'amis fiables depuis son arrivée. Il repensa à Marco. L'idée ne lui plaisait pas, mais il n'en avait pas d'autres.
**
Lorsqu'il entra dans le club en début d'après-midi Marco eut immédiatement un regard de déception attendu en le voyant. Il avait compris la situation en un clignement d'yeux. Husk n'avait même pas l'avantage de l'originalité dans son histoire.
« Mon vieux, si je devais prêter de l'argent à tous les gars qui sont sûrs de se refaire ici bas je serais déjà à la rue. Je suis bien désolé pour toi mais je ne peux rien faire. »
Husk le comprenait. Lui non plus ne se prêterait pas d'argent.
« Faisons un deal » proposa Husk.
« Woh woh, on se calme. Je t'ai déjà dit de pas prendre ces trucs à la légère. »
« Si je dois filer mon âme à quelqu'un pour ne pas mourir, j'aime autant que ce soit toi. T'es le type le plus réglo que j'ai rencontré jusque là. »
Marco souffla bruyamment et vint poser sa tête sur le comptoir, mimant la défaite.
« C'est bon, c'est bon. Je te laisse la moitié de mon mois, mais je veux une reconnaissance de dette. »
Husk le remercia chaleureusement, les larmes aux yeux. Il était sincère. Il n'avait jamais connu d'homme plus décent que cette grosse truite, même de son vivant. A se demander comment celui-ci avait bien pu finir ici bas.
L'argent du barman en poche, Husk se dirigea vers une autre table de jeu privée qu'il avait déjà fréquenté une ou deux fois. Il pria pour que la rumeur de ses dettes ne soit pas remontée jusqu'au proprio du tripot. Avant d'entrer, Husk s'arrêta pour manger un bout dans un Dinner, y bu un maximum de café. La nuit allait être longue et pénible s'il devait rester à jeun.
Sa stratégie était simple : miser d'abord le minimum, tâter le terrain, évaluer les joueurs présents, faire une pause s'ils lui semblaient trop assurés et attendre que des plus faibles fassent leur entrée, bref, rester prudent.
La nuit avança doucement. Petit à petit, il posa les pierres de sa réussite, perdit les bonnes parties au bon moment, gagna petit pour ne pas attirer l'attention des autres joueurs. Ses adversaires changèrent plusieurs fois au cours de la soirée, mais il ne lâcha pas la table malgré la soif qui se faisait sentir. Le patron voulut lui offrir un verre à plusieurs reprises, il refusa à chaque fois avec politesse et fermeté.
A l'extérieur, il affichait le visage d'un mur de pierre, froid et implacable. A l’intérieur, son manque hurlait, ses tripes sursautaient sous l'effet du jeu et son cerveau bataillait pour rester concentré. Pas une goutte de sueur ne lui coula sur le front.
Petit à petit, ses adversaires quittèrent la table en maugréant ou en baillant. Sur les coups de 3h du matin, il restait seul face à un suricate à l'allure nerveuse. Il était très clair que le type était sous cocaïne. Il profitait d'ailleurs de chaque pause dans la partie pour s'éclipser aux toilettes. Il n'était pas mauvais de base, mais la drogue ne profitait pas à son jeu.
Husk savait qu'il était près du but. Le type le sous-estimait clairement, il ne tarderait pas à commettre une erreur. Husk avait réussi à doubler sa mise, mais il lui fallait plus. S'il avait eu plus de temps devant lui, il serait parti à ce moment-là pour mettre ses gains à l'abri, avant de chercher un autre cercle de jeu à dépouiller. Mais il n'avait pas le temps. Il devait faire All-in ce soir, et le meilleur moment était maintenant.
Le suricate regardait nerveusement autour de lui, en proie à une paranoïa certaine. Husk savait que sa main était bonne, mais moins bonne que son propre jeu. Il regarda son opposant dans les yeux. Les yeux de la mangouste étaient injectés de sang et ne tenaient pas en place. Husk avança ses jetons sur la table. Le suricate n'hésita même pas avant de suivre. Les cartes furent découvertes. Husk avait gagné.
Il eut à peine le temps d'esquisser un petit sourire de satisfaction que le suricate sortit un revolver, fit cliquer la sécurité et pointa vers Husk qui leva les pattes et sentit ses oreilles se plaquer sur son crâne. L'enfoiré. Mais Husk sentit vraiment sa chance tourner lorsque le type se retourna vers les trois gars de la sécurité qui tentaient de sortir leurs armes et leur colla à chacun une balle dans la tête. Bon sang ce connard était rapide. Et il n'y avait plus personne pour l'arrêter.
Le suricate sortit à reculons en pointant Husk, il ne dit pas un mot. Au moment où la porte se refermait derrière lui, le chat savait qu'il lui fallait courir pour sa vie. Il n'aurait pas d'autres chances de survivre sans son magot.
Il ouvrit la porte à la volée et se jeta dans la rue à la poursuite de la bestiole. S'il arrivait à le plaquer au sol, l'autre n'aurait pas le temps de se servir de son arme. Il s'élança à pleine vitesse et se mit à voler aussitôt qu'il eut la place pour écarter ses ailes sans risquer de heurter un mur.
Le suricate avait pris un peu d'avance, mais rien n'était perdu. Il se rendit vite compte que la distance entre eux ne diminuait pas mais ne s'agrandissait pas non plus. Ce serait donc le plus endurant qui l'emporterait. L'autre l'avait repéré et comprit aussi. Il tenta de tirer par dessus son épaule mais son mouvement l'empêchait de viser correctement et son coup partit dans une vitre d'immeuble. Husk eut un rictus de satisfaction. Malheureusement le suricate tourna à 90 degré à l'angle d'une rue et disparu.
Husk accéléra encore, il ne pouvait pas le perdre de vue, il n'avait pas le droit d'échouer. Il prit son virage le plus serré possible, rasant de justesse le coin d'un mur en brique décrépit et avant de pouvoir freiner il heurta le flanc d'un homme vêtu de rouge. Il s'excusa sans ralentir, le suricate était encore devant lui, il pouvait encore le rattraper.
Du moins c'est ce qu'il croyait lorsqu'il sentit quelque chose lui enserrer la taille et le stopper net dans son élan, expulsant par la même occasion tout l'air qu'il avait dans les poumons. Avant même d'avoir pu reprendre sa respiration, il se sentit propulsé en arrière et fut jeté à terre aux pieds de l'homme en rouge.
« Non ! », hurla t-il. « Il va s'enfuir ! Je ne peux pas... ! »
La fin de sa phrase fut coupée par le choc lorsqu'il sentit une chose molle et glacée s'enrouler autour de sa gorge, pendant qu'un appendice ténébreux sortit du dos de l'homme vint appuyer sur son torse, l’empêchant de se relever.
« Je ne crois pas, mon cher, avoir reçu des excuses dignes de ce nom concernant ce désagréable envahissement de mon espace personnel. » dit l'homme avec une voix qui résonnait artificiellement, comme filtrée par un micro.
Bordel de merde. Husk était tombé sur un malade. Essoufflé, au bord des larmes à l'idée de perdre sa dernière chance, il implora le passant de le laisser partir.
« Non ! Je DOIS le suivre, il peut pas partir, je vous en supplie ! S'il vous plaît, laissez-moi !!»
« Tut tut. Ne crois pas que je n'apprécie pas cette supplication, c'est du miel à mes oreilles. Mais je n'ai toujours pas reçu mes excuses. »
Husk ne quittait toujours pas le voleur des yeux, le voyait rapetisser à vue d’œil.
Et puis soudain, il vit son magot disparaître au coin d'une rue. Husk poussa un cri de désespoir douloureux et se laissa retomber au sol, cessant de se battre contre l'appendice qui le retenait. Il était foutu. Il jeta une patte sur ses yeux, oubliant complètement l'homme devant lui. Et poussa une longue plainte de désespoir. Il sentit les larmes couler sur les côtés de son crâne, leur chemin résonnant de sensations à travers sa fourrure.
« Allons, allons, pas la peine de faire une tête pareille mon vieux. Face à l'adversité il faut savoir sourire ! »
Husk fit glisser la patte sur son visage, atterré par ces paroles, et fixa l'homme qui venait de le condamner. Contrairement à la plupart des habitants des enfers, ce dernier avait une apparence plutôt humaine. Et ce n'était finalement pas une bonne chose. L'homme arborait un visage beaucoup, beaucoup, beaucoup trop souriant, remplis de dents pointues et jaunes. Il était terrifiant. Un vrai cauchemar vivant, un croque-mitaine de récits. Ses yeux étaient aussi rouges que son costume. Et d'où venait cette force ? Il l'avait soulevé de terre comme si de rien n'était. Husk sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il tenta de s'expliquer.
« C'était ma dernière... ma dernière chance de payer mes créanciers. Il est parti avec tout ce que je possédais. »
« Huuummm... », l'homme en rouge inclina pensivement la tête en mimant grossièrement la sympathie.
Husk sentit la colère monter en lui.
« Vous me demandez des excuses pour vous avoir bousculé involontairement, mais vous venez de me coûter la vie ! Vous savez ce qu'ils vont me faire ces types ? Ils vont me réduire en tapis pour leur putain de salle à manger ! »
« Comme c'est ennuyeux. », dit l'homme sans avoir l'air d'en penser un mot.
Husk grogna et reposa sa patte sur ses yeux. Il avait un début de migraine, les veines derrière ses globes oculaires bourdonnaient à tout rompre.
« Et si... » l'homme laisse planer le suspense un moment, « Si j'accepte de vous aider en échange d'excuses sincères et dans les formes ? »
Husk pouffa. L'autre n'avait clairement pas toutes ses billes dans le même sachet. Il soupira et s'exprima sans aucun enthousiasme dans la voix.
« Vraiment ? Et comment feriez-vous ça ? »
« En mangeant vos créanciers bien sûr ! Quoi d'autre ? »
Husk baissa sa patte pour libérer son œil droit et regarda le type. Ses dents étaient encore plus pointues, son sourire était encore plus grand, encore plus terrifiant. Comment était-ce possible ? Avec une bouche pareille, Husk ne doutait pas un seul instant qu'il puisse couper le bras d'une autre créature d'un seul claquement de dents.
« En échange d'excuses ? »
« Ah voyons voir... En échange d'excuse et d'une petite compensation pour le dérangement, mon cher, on a rien sans rien ici bas. »
Évidemment.
« Quel genre de compensation ? », demanda prudemment Husk. Il n'allait pas aimer la réponse, c'était sûr.
« Et bien.... » l'homme fit mine de réfléchir. « Pourquoi ne pas passer un marché ? Cela pourrait nous être tous les deux bénéfiques, j'en suis certain ! »
« Évidemment. »
« Parfait ! C'est donc réglé ! » lança l'homme en avançant une main gantée aux griffes vermeille.
« Non, non ! », s'exclama Husk, paniquant un peu. « Non je disais juste évidemment, mais pas dans ce sens là... attendez, laissez-moi réfléchir une minute. »
Les tentacules (des tentacules ??? ) autour de son cou et sur son plexus se retirèrent lentement, Husk sentit la chaleur des enfers revenir réchauffer sa peau, s'en était presque agréable. Il passa en position assise et se frotta les yeux. Puis il se décida à contrecœur à regarder l'homme (bon sang qu'il était grand et monstrueux) et prit son courage à deux mains pour demander :
« Si l'on fait un marché, qu'est ce que vous attendez de moi ? »
« Et bien vous serez à mon service, voyez cela comme une sorte de contrat de travail. Et vous serez rémunéré à la hauteur de vos tâches. Si je n'ai pas besoin de vous, vous pourrez trouver un travail ailleurs. »
« C'est mon âme qui vous intéresse, n'est-ce pas ? »
« Et bien oui, je dois dire que c'est là l'avantage principal de faire des marchés en enfer. Voyez-vous, collectionner les âmes donne... du pouvoir. Et je sens un potentiel en vous mon ami ! »
Husk resta un moment perdu dans ses pensées, à peser le pour et contre.
« Mais je ne me suis même pas présenté ! » fit l'inconnu en tapant sa main sur son front dramatiquement. « Où avais-je la tête, ah ah ! Mon nom est Alastor, démon de la radio, à votre service »
Oh non. Putain de poisse. Marco lui avait fait un topo sur les différents Overlord des enfers, en tout cas les plus puissants. Le démon de la radio en faisait parti et le barman lui avait lancé un regard en prononçant son nom qui disait toute la terreur que lui inspirait le personnage. Merde de merde. Mais quel choix avait-il ? Il pouvait toujours s'excuser, prier pour que le démon le laisse repartir entier pour se faire trucider à la fin de la semaine. Ou alors laisser Alastor manger ses créanciers, et il aurait déjà un problème de moins à régler.
« D'accord. Je crois... » Il fit une pause. « Husk. Mon nom. »
« Husk !! Enchanté de faire votre connaissance mon vieux ! Vous allez voir, on va s'amuser comme des petits fous ! »
Le chat n'en était pas si sûr. Quelque chose lui disait que le démon et lui n'avaient vraiment pas le même sens du mot amusement. Il se retint de grimacer devant l'enthousiasme de l'autre. Mais il tendit sa patte malgré tout.
Chapter 3: Chapitre 3
Summary:
Husk signe et précipite sa chute.
Notes:
CW : cannibalisme, gore, alcoolisme, les personnages boivent beaucoup trop, consommez avec modération !
Chapter Text
Lorsque Alastor lui prit la main, une aura verte, comme radioactive s'échappa de l'homme, et Husk eut alors un aperçu du véritable enfer. Des symboles qu'il ne connaissait pas se mirent à tournoyer aux extrémités de son champ de vision, rouges sur le vert lumineux qui les entouraient. Le corps du démon devant lui doubla de hauteur, les petites cornes d'ébène au sommet de son crâne s'étirèrent vers le ciel jusqu'à former des bois de cervidés aussi large qu'un chêne. La rue autour d'eux parut être engloutie par Alastor lui-même.
Husk fut pris de panique. Ses jambes se mirent à trembler mais il ne réussit pas à fuir. Qu'avait-il fait ? C'était une erreur monumentale. Les mots de Marco revenaient dans sa tête en boucle. Il aurait sûrement pu régler cette situation autrement. C'était trop tard. C'était trop tard. C'était trop tard.
Alors qu'il pensait que la situation ne pouvait pas être pire, une lourde chaîne verte et fluorescente apparue dans la main griffue d'Alastor et vint se déployer jusqu'à la gorge du chat autour duquel était apparu un collier de métal de la même couleur. Lourd, si lourd, Husk eut envie de poser genou au sol. Il le sentait sur ses épaules, ses cervicales et son âme, comme un poids le clouant aux enfers. Et puis, aussi vite qu'il était apparu, le collier, son poids et l'aura verte disparurent.
Husk cligna des yeux. Alastor avait repris son apparence « ordinaire ». Il paraissait satisfait, un sourire gigantesque remontait jusqu'à ses yeux encore brillants de pouvoir.
« Et voilà ! » s'écria t-il. « Ce n'était pas si terrible, n'est-ce pas ? »
Husk ne parvint pas à répondre. Il s’aperçut que tous ses membres tremblaient et qu'il avait horriblement soif. Quelle heure était-il ? L'aube allait bientôt se lever, enfin si on pouvait appeler le changement de luminosité rougeâtre une aube. Il n'avait pas avalé une goutte depuis la veille au soir. Il se sentit soudain très, très mal, et porta sa patte à sa bouche de peur de vomir.
« Tu m'as l'air mal en point, mon ami. Tu permets que je te tutoie ? On est en quelque sorte intime désormais, ah ah ah ! » Une litanie de rires digne d'une sitcom se fit entendre, comme un vieil enregistrement sorti de la canne que tenait le démon. Il reprit :
« Tu as sûrement besoin d'un petit remontant après toutes ses émotions! Allons, je connais un troquet pas loin d'ici qui a de quoi te remettre sur pied. »
Comment ? Avait-il deviné aux tremblements de ses mains (pattes, bordel de merde) ? Avait-il le pouvoir de lire dans son esprit ? Quelles étaient les limites du pouvoir de cet être monstrueux ?
Avant d'avoir pu sortir de ses pensées, il sentit une main ferme et griffue s'accrocher à son épaule droite pendant que son autre épaule s'enfonçait dans le costume rouge vif au niveau de la taille du démon. Sans pouvoir réagir il fut emmené, poussé en avant sans presque pouvoir toucher terre. La main sur sa bouche finit par rejoindre le long de son corps alors qu'il tentait maladroitement de garder l'équilibre et de suivre le rythme des grandes jambes d'Alastor.
Celui-ci continuait de déblatérer sur un ton enjoué, mais Husk n'entendait plus rien. Est-ce qu'il perdit connaissance ? Probablement pas, mais il ne revint à lui que lorsqu'un verre fut posé devant lui dans un tintement mélodieux. Il était assis à une table dans le petit alcôve d'un bar. Il ne se souvenait pas être rentré dans l'établissement. Sans même remercier Alastor ni l'attendre, il se jeta sur la boisson qu'il fit disparaître en trois gorgées. Le whisky lui brûla agréablement la trachée. Bon sang, il avait attendu cette sensation toute la nuit. Il reposa son verre sans ouvrir les yeux et vint poser sa tête sur le mur derrière lui.
« Un autre ? » Demanda simplement Alastor. C'était la chose la plus intelligente et la plus agréable qu'il avait dite depuis leur rencontre. Husk secoua la tête avant de répondre de façon à peine audible :
« Oui... S'il te plaît. » Il n'avait même pas de quoi payer.
Comme ça, comme pour le reste, il était à la merci du bon vouloir du démon. Celui-ci ne dit rien mais fit signe au serveur. Husk s’aperçut alors que le bar était totalement vide, si ce n'est un barman et un serveur qui s'échangeait des regards paniqués et couraient comme des poulets sans tête pour un malheureux verre.
Lorsque celui-ci fut amené, Alastor prit son propre verre et le leva pour porter un toast. Husk arrêta son geste, il avait déjà commencé à porter le récipient à ses lèvres, et imita Alastor.
« A notre belle et longue collaboration ! »
Husk voulut répondre mais un méli-mélo de syllabes sortirent de sa bouche dans le désordre. Il bu pour oublier.
Il ferma à nouveau les yeux et profita de ce moment d’accalmie. Avec un peu de chance, tout cela n'était que le rêve fiévreux d'un vieil alcoolique. Lorsqu'il ouvrirait les paupières, le démon de la radio aurait disparu. Peut-être même qu'il serait encore dans son lit, sur terre, quelques minutes avant d'en finir. Peut être était-ce un rêve d'avertissement ? Malheureusement il entendit bientôt une voix très particulière reprendre la parole.
« Alors, ces créanciers, dis m'en plus, combien sont-ils ? Sont-ils... dodus ? »
Husk failli recracher son whisky.
« Tu... tu veux vraiment les manger ? Je pensais que c'était une expression pour... s'en débarrasser. »
« Oh non, je suis très sérieux. Enfin, je crois que nous allons bel et bien nous en débarrasser, mais ce ne sera qu'une conséquence de notre repas ! »
« Ton repas. Le tien. Je ne veux pas manger qui que ce soit. »
« A ta guise mon cher ! Ah, mais tu ne sais pas ce qui est bon dans la vie si tu n'as pas goûté à la chair encore tiède d'un pécheur. »
Husk grimaça, regarda au fond de son verre. Rien de tout ça n'est réel. Quoi que je puisse voir ou entendre, ce n'est pas réel. Depuis qu'il était arrivé en enfer, c'est ce qu'il se répétait à chaque fois qu'une situation était trop dérangeante pour son cerveau. Et pourtant. Le goût de la boisson sur la langue, la sensation de ces ailes dans son dos, de cette queue accrochée sous sa taille, tout cela le raccrochait à la matérialité des lieux. Il comptait de moins en moins sur le fait de se réveiller d'un coma dans un hôpital de Las Vegas après un AVC. Plus les semaines passaient, et moins ce credo fonctionnait pour le calmer.
Alastor finit son verre et le reposa.
« Prêt à régler ce petit problème ? » demanda t-il d'un air toujours aimable.
« Hmmf. » répondit simplement le chat en se levant. Ses mains étaient à nouveau stables. Il se sentait mieux, mais pas forcément plus prêt à affronter ce qui allait suivre.
**
Husk guida Alastor jusqu'au tripot où il avait l'habitude de jouer. En route, le démon lui demanda s'il souhaitait aussi retrouver le suricate qui lui avait dérobé ses gains. Le félin aurait bien aimé, mais c'était la première fois qu'il rencontrait ce démon, et n'avait aucune idée d'où il avait bien pu aller. Alastor balaya donc de la main sa suggestion et lui dit qu'ils pourraient toujours s'en occuper plus tard.
« C'est ici. », souffla le chat en indiquant une porte à quelques mètres d'eux. Il ne parvenait plus à avancer.
« Allons, ne sois pas si timide. », répondit Alastor en poussant légèrement sur son épaule pour l'inviter à toquer. Husk prit une grande respiration et s'avança. Il effectua le code sur la porte : un coup, une pause, trois coups. Les employés à l'intérieur savaient qu'ils avaient affaire à l'un des leurs.
La porte des hommes de main que Husk connaissait trop bien vint ouvrir la porte. Il eut d'abord un sourire moqueur à la vue du félin avant de porter son regard derrière lui et d'apercevoir le démon de la radio qui lui faisait signe de la main. Le visage du garde du corps s'affaissa d'un coup et il referma la porte violemment.
« Ah typique. », dit simplement Alastor. Des tentacules gigantesques comme celles d'un calamar géant sortirent de son dos et vinrent défoncer la porte en métal comme si elle eut été faite de paille, l'une d'entre elles écartant gentiment Husk au passage. Celui-ci frissonna au contact glacé et répugnant de l'appendice.
Alastor entra dans la pièce alors qu'un de ses membres attrapait l'homme de main par la cheville, le traînant au sol lentement. Celui-ci hurla et se débattit comme un possédé, mais rien n'y fit.
« Attends ! », cria Husk, pris d'une vague de remords immense. « Peut-être que tu peux juste leur faire peur, leur demander d'effacer mon ardoise... »
Alastor éclata d'un rire tonitruant et renversa sa tête en arrière à un angle peu naturel. Même le démon au sol cessa ses cris.
« Oh Husk, tu es si drôle et si naïf. Je savais en te trouvant que j'étais tombé sur une perle. »
Mais quel connard, pensa Husk en rêvant de lui faire bouffer son ton condescendant.
« On ne déclenche pas ce genre de réaction, » reprit Alastor en montrant le garde du corps, « en faisant des exceptions. Tu sais que si je les laisse partir, tu ne pourras plus jamais marcher dans la rue sans regarder derrière ton épaule. »
A ces mots, le patron du tripot entra dans la pièce en courant, un masque de terreur sur le visage. Derrière lui se tenait une ombre, une ombre vivante sortie du mur, faite de la même matière noire que les tentacules, avec la silhouette exacte d'Alastor et des espaces vides en place de bouche et d'yeux.
Le patron stoppa net face à Alastor, se retourna face à l'ombre, et dans un geste d'impuissance, leva les mains.
« Bien ! Est-ce qu'il en manque à l'appel, Husk ? »
« ...Non. », mentit ce dernier. S'il pouvait sauver le deuxième garde, c'était déjà ça. Celui-ci ne devrait pas lui poser problème, non ?
Husk avait l'impression de s'enfoncer dans une suite de mauvaises décisions les unes après les autres sans pouvoir les arrêter. Pourquoi se mettait-il à protéger ce type qu'il connaissait à peine, au risque de mentir à un autre beaucoup plus puissant ? Il se sentit soudain épuisé et réalisa qu'il n'avait pas dormi de la nuit.
Alastor commença alors à se transformer à nouveau. Ses os se mirent à craquer, ses épaules à se soulever, ses bois à pousser sur son crâne. Il grandissait à vue d’œil. Le patron tenta la fuite mais fut lui aussi attrapé par les tentacules et maintenu à quelques centimètres au dessus du sol.
« Non ! Non ! Je vous donnerais tout ce que j'ai, je vous jure que sa dette est effacée ! Ne faites pas ça, ne...
Il ne finit pas sa phrase. Alastor avait englouti sa tête toute entière dans sa bouche monstrueuse et avait refermé ses mâchoires, coupant net au-dessus des épaules. Le croque-mitaine déglutit et Husk vit la forme de la tête du patron descendre dans la trachée du démon. Il se retourna pour vomir.
De son côté, l'homme de main ne criait plus. Il sanglotait et implorait si doucement qu'on aurait dit une prière. Alastor s'avança, faisant courir sa langue sur ses lèvres couvertes de sang. Il se pencha sur le pauvre type et croqua en plein ventre, déchirant la chair avec délectation. Presque aussitôt, le démon au sol cessa sa supplique. Alastor tourna son énorme tête d'où coulait une rivière de sang vers Husk, raclant au passage ses bois au plafond, décrochant des plaques de plâtre. Il inclina la tête en grognant, comme une question.
Husk fit non de la tête. Non il ne voulait pas goûter. L'autre haussa les épaules et retourna à son repas, attaquant la cuisse de l'homme de main après l'avoir aisément détaché de son corps, comme on détache une cuisse de poulet. Le félin se précipita vers la porte d'entrée et s'écroula dans la ruelle. L'odeur chaude des entrailles semblait s'accrocher à lui, il ne cessait de trébucher en s'éloignant mais ne parvenait pas à s'en débarrasser. Il cracha au sol à plusieurs reprises, attrapa ses oreilles et se roula en boule contre un mur.
**
De longues minutes plus tard Alastor ressortit du tripot en se léchant les doigts. Sa veste rouge impeccable, comme s'il avait eu une simple discussion dans ce local. Il s'approcha du félin, assis à même le sol et pâle.
« Tu ne devrais pas t'asseoir ici, Satan sait la saleté qu'on peut trouver dans ces rues. Allons, viens. La journée commence à peine et nous avons beaucoup à faire ! »
Husk se leva avec peine. Il était au bout du rouleau. La micro-sieste qu'il avait commencée pendant qu'Alastor prenait son « repas » ne lui suffisait pas. Mais Alastor l'ignorait complètement, continuant à parler de choses et d'autres, du beau temps et du goût particulier de certains démons. La chat tenta de faire abstraction, du moins jusqu'à ce que le démon à ses côtés ne s'arrête d'un coup avec une exclamation.
« Ah, ah ! Mon ami, maintenant que ma part du contrat est remplie, il est temps que je te présente ton nouveau travail. Tu vas a-do-rer. Les gens là-bas sont adorables, oh, vous allez si bien vous entendre. »
« Hum. », répondit simplement Husk sans enthousiasme.
« Allons-y ! », s'exclama Alastor en ouvrant devant ses yeux un trou dans la réalité, une porte noire flottante sensée les transporter vers leur destination.
Oh. Il avait déjà vu ce genre de portail, une fois, de loin. Pratique, sans doute, mais de près la chose était assez peu rassurante.
« On ne pourrait pas y aller à pied ? », demanda le chat malgré sa fatigue.
« Ce serait absurde ! Allons, ma balade du matin a déjà bien assez duré. »
Sur ces mots Alastor poussa Husk devant lui et le força à entrer dans la surface semblable à un liquide sombre. Aussitôt le chat sentit le sol se dérober sous ses pieds et il tomba, il tomba dans un vide sans fond. L'air autour de lui était glacé, semblable à la sensation que les tentacules avaient laissé sur sa peau. Et puis soudain, la chaleur à nouveau, et il s’aperçut qu'il était couché sur le dos dans un autre lieu.
Ses poumons prirent une énorme bouffée d'air après s'être entièrement vidés dans l'espace du portail. Il haleta un moment, comme sauvé tout juste de la noyade. Le démon de la radio était déjà à ses côtés, impeccable comme à son habitude, à le regarder avec une forme de pitié condescendante.
« Husk ! Ce n'est pas le moment de te rouler par terre. Cesse donc de faire l'andouille, nous avons du travail. »
Le chat se remit sur pattes en grommelant et regarda autour de lui. Ils étaient dans ce qui semblait être un hall, un lobby ? La décoration était vieillotte, comme en retard de cinquante ans. L'endroit semblait avoir connu des jours meilleurs. Mais c'était spacieux et un grand escalier menait dans les étages, d'où semblait partir un large couloir. Une jeune femme blonde apparut à la rambarde et fit signe au démon en contrebas. Une autre femme, aux cheveux cendrés la suivait de près.
« Charlie, ma chère ! Je t'amène de l'aide ! »
La blonde descendit les escaliers en sautillant, apparemment très heureuse de retrouver Alastor. Bon sang, elle est probablement au moins aussi dérangée que lui. Le démon attrapa alors Husk par les épaules et le plaça directement entre lui et ladite Charlie.
« Voici Husk, mon nouvel employé et ton nouveau concierge et barman ! », s'exclama Alastor, très fier de lui.
Barman ? Il avait dit barman ? Husk n'eut pas le temps de digérer cette information que Charlie attrapa sa main et la secoua vigoureusement.
« Husk !! Enchanté de faire ta connaissance. Je suis Charlie. Charlie Morningstar. Bienvenue à l'hôtel Hazbin ! »
La blonde débordait de vie et d'enthousiasme. Bien trop pour Husk. Même s'il avait eu la chance de faire une nuit complète. Et de boire tout son soûl. Elle était trop... trop. En général. Le chat répondit poliment mais rapidement.
« Et voici Vaggie, ma compagne ! », s'exclama la blonde en présentant la deuxième femme beaucoup plus calme et posée.
Husk hocha la tête en signe de salutation. La femme en fit autant mais ajouta un petit sourire en plus. Juste un instant.
« Et voici ton lieu de travail ! », déclara Alastor avec triomphe en désignant une zone du lobby où se tenait effectivement un zinc dans une décoration un peu différente du reste des lieux. Husk avait beau connaître Alastor depuis moins de six heures, il reconnut la touche du personnage. La colonne vertébrale d'une créature inconnue s'enroulait autour des piliers du bar. D'énormes crânes blanchis surmontaient le panneau indiquant « Concierge » en lettres rouges sur fond d'or. Et la base du bar représentait les trois symboles d'une machine à sous. Pourquoi ? Comment ?
« Alastor, tu as très bien compris que j'avais un problème avec la boisson... », dit-il en essayant de ne pas être entendu des deux femmes.
« Et le reconnaître est la première étape pour avancer mon ami ! », acquiesça le démon avec son plus horrible sourire.
Husk se pinça l’arête du nez et plissa les yeux. Il souffla.
« Tu ne peux pas... On ne fait pas travailler un alcoolique dans un bar, ce n'est pas rentable pour le patron, ce n'est pas bon pour l'employé. J'ai vraiment besoin de t'expliquer ça ? »
« Permet moi d'en douter, mon cher ! Vois-tu, quand j'étais en vie, il y avait dans une rue pas très loin de chez moi une chocolaterie. Chaque année, pendant les fêtes, la propriétaire embauchait des jeunes filles pour s'occuper de la vente. J'ai demandé à l'une d'entre elles un jour si elle aimait le chocolat. Elle me dit que oui. Et je lui demandais s'il n'était pas trop dur de travailler toute la journée au milieu de la tentation sans avoir le droit d'y toucher. A cela, elle rit. La patronne avait ses méthodes. Quand les jeunes filles arrivaient, elle leur disait qu'elles pouvaient manger autant de chocolat qu'elles le souhaitaient. Elle encourageait même les plus gourmandes à se resservir ! A la fin du troisième jour de ce traitement, toutes les filles étaient malades ou dégoûtées du chocolat. Et elle ne touchait plus à une confiserie de tout leur séjour ! N'est-ce pas incroyable ? »
Très bien. Alastor se foutait ouvertement de sa gueule. Le chat l'avait bien cherché de toute façon. A signer son âme avec le premier venu. Un bel et solide enfer l'attendait donc.
« Ah, et pour l'aspect conciergerie, ne t'inquiète pas trop, l'hôtel ne croule pas sous les demandes pour le moment. Tu auras le temps de prendre tes marques. »
Husk se glissa derrière le bar. Il était bien achalandé en boissons. Juste ce qu'il lui fallait, pour travailler et pour s'éclater le cerveau. Il posa quatre verres sur le comptoir. Charlie et Vaggie s'approchèrent.
« Qu'est ce que c'est ? », demanda une voix soudainement sortie juste sous lui.
Husk sursauta. Une démone cyclope haute comme trois pommes était accrochée à sa jambe et semblait étudier son pantalon.
« Une tâche de gras mal lavée, ici. Il faut régler ça. » conclut-elle en essayant de retirer les bretelles qui maintenaient le falzar du chat.
« Eh, stop ! Stoppe ça tout de suite ! », s'écria Husk en attrapant la démone par le dos de sa robe. Était-ce une enfant ou une adulte ?
« Oh Husk, je te présente Niffty, elle s'occupe du ménage. », expliqua Charlie. « C'est aussi une employée d'Alastor. Niffty, laisse Husk tranquille, tu pourras nettoyer ses vêtements ce soir. »
La démone miniature parut réfléchir.
« Huuummmm. D'accord pour ce soir. Mais je veux une Pina Colada. »
Le chat interrogea Charlie du regard. Pouvait-il lui servir de l'alcool ?
« D'accord. », déclara la jeune femme. « Mais c'est exceptionnel, pour fêter l'arrivée d'un nouvel employé et l'ouverture du bar ! J'aimerai que le reste du temps on garde l'alcool pour les week-ends, d'accord ? Oooh j'aurais tant aimé qu'Angel soit avec nous. C'est notre premier invité. Il est au travail aujourd'hui. »
Charlie avait débité tout ça en moins de deux secondes. Husk se demanda à quelle genre d'invitation elle faisait référence. Il préféra ne rien demander, de peur de relancer la machine. Il s'attela à préparer une boisson pour chacune des personnes présentes, Charlie et Vaggie prirent un cocktail sans alcool, Alastor et Husk le même whisky que quelques heures plus tôt.
La boisson le calma. Il sentit ses membres se réchauffer et sa respiration s'apaiser. Les gens autour de lui étaient tous étranges et insupportables, chacun dans leur style, mais il se sentait bizarrement en sécurité pour la première fois depuis des semaines. Est-ce qu'il se sentait en sécurité, ou est-ce qu'il avait encaissé suffisamment de chocs pour ne plus en avoir rien à faire de ce qui pouvait advenir ?
Husk balaya ces pensées et reprit un verre. Si Alastor lui offrait l'occasion de noyer son après-vie dans l'alcool, il n'allait pas cracher dessus. L'hôtel Hazbin hein ? Un endroit parfait pour un loser comme lui.
Chapter 4: Chapitre 4
Notes:
J'ai pris de l'avance sur l'écriture, donc le prochain chapitre sera dispo mercredi 30 juillet !
J'ai aussi corrigé les chapitres précédents, c'était bourré de fautes, désolé... J'ai changé d'éditeur donc il devrait y en avoir moins dans les prochains.
Chapter Text
Comme souvent, Angel rentrait à l'hôtel bien après que tous ses habitants se soient endormis. Il regarda le grand escalier et se demanda s'il ne serait pas plus simple de s'endormir dans un des canapés près du foyer. Ses jambes le portaient à peine. Il pourrait toujours monter ces foutus marches et aller prendre une douche demain. Mais d'abord, il lui fallait un verre, et vite.
Il s'approcha du bar et en fit le tour pour attraper une bouteille de vodka. Une ombre inconnue au coin de son regard le fit sursauter et il dû placer ses mains sur sa bouche pour ne pas hurler et réveiller tout le bâtiment. Qu'est-ce que... Était-ce encore une des ombres qu'Alastor laissait parfois traîner pour espionner les gens ? Angel se pencha pour mieux voir.
Sous le bar, coincé entre deux étagères vides, une tâche blanche ressortait au milieu d'un amas de fourrure noire. Un chat ? Oui, mais pas un chat ordinaire comme Keekee, le chat de Charlie. Non, celui-là était un démon-chat, pas bien grand comparé à Angel, mais avec de grandes ailes rouges et noires bizarrement coincées sous le plan de travail. Il dormait profondément, avec un bruit de petit moteur.
Étrange, pensa Angel. Mais pas son problème. Il attrapa la bouteille de vodka et repartit sur la pointe des pieds dans l'espoir de pouvoir s'installer tranquillement dans le canapé. C'était sans compter sur le fait qu'il venait de marcher sur la queue du chat en se retournant. Merde.
Husk poussa un cri de douleur et d'effroi, se releva comme un diable sorti de sa boite, vint violemment se cogner contre le bar au-dessus de sa tête. Il se débattit. Au bon sang, il était dans une boîte. Ces enfoirés l'avaient foutus dans un cercueil et allaient l'enterrer vivant. Il griffa les planches de bois, poussa de toutes ses forces. Il sentit ses ailes heurter des bouteilles, des bruits de verre se firent entendre et il se retrouva soudain au sol, ses ailes étalées autour de lui sans grâce.
Oh dieu merci, il n'était pas enfermé. Il s'était juste endormi entre les étagères. Le premier choc passé, il constata qu'il n'était pas seul. Un démon se trouvait au-dessus de lui, l'air gêné.
« Désolé... Je prends juste ça et je te laisse. », murmura celui-ci en montrant la bouteille dans ses mains.
Husk grommela et attrapa sa queue douloureuse pour la masser. Lui marcher sur la queue... Quelle humiliation. Ce corps était tellement stupide.
Angel hésita un instant, puis prit de remords, il attrapa deux shooters sur le comptoir.
« T'en veux ? »
Husk soupira.
« Okay... »
Angel remplit les deux verres, en posa un devant Husk. Celui-ci se releva difficilement et s'appuya des deux pattes sur le zinc pour redresser sa colonne vertébrale.
« Pas forcément l'endroit le plus confortable pour dormir. », constata Angel.
« C'était pas prévu. J'ai dû m'endormir. » Husk avala son verre cul-sec.
« Mais hum... Attention, ce que je vais dire n'est pas un jugement du tout, mais tu es quoi au juste ? Une sorte de squatteur ? Tu viens piller le bar la nuit ?»
« Quoi ? Non ! Je suis le euh... le nouvel employé d'Alastor. Je m'occupe du bar. Et de la conciergerie apparemment. »
« Et tu t'endors sur ton lieu de travail dès le premier jour, classique. », dit Angel en lui lançant un sourire amusé.
« Raah, c'est juste que je n'ai pas pu dormir la nuit dernière. », répondit Husk, un peu embarrassé.
« TOUTE la nuit dernière ? Eh bien, tu sais te vendre, Chaton... », rétorqua l'autre en soulevant un sourcil et transformant son sourire en quelque chose de bien plus sensuel.
Oh. Cette expression. Husk l'avait déjà vu. Il le reconnaissait maintenant. C'était le type du porno dans la vitrine du magasin. Il baissa les yeux pour regarder l'étranger dans son intégralité. Une brindille couverte de fourrure blanche. Yep, c'était bien lui. Il ne put s'empêcher de rougir en repensant à la situation dans laquelle il l'avait vu sur les écrans.
« Tu aimes ce que tu vois, chéri ? Tu as de la chance, je ne fais pas payer pour reluquer. »
« N... Non ! Je ne reluquais pas ! C'est juste que... rah laisse tomber, je vais me coucher. »
Husk n'était vraiment pas d'humeur. On lui avait promis un lit, et un lit était tout ce qu'il voulait pour le moment. Surtout après ce dernier shot de vodka. Il passa devant l'autre, direction les étages.
« Hein ? », fit la brindille, surpris par la réaction du chat. « Euh, d'accord. Bonne nuit. »
Le félin commençait à monter les escaliers menant à la chambre indiquée par Charlie lorsqu'il entendit la voix de l'acteur s'adresser à lui.
« Hoy, c'est quoi ton nom au fait ? », demanda-t-il en s'affalant sur l'un des canapés du lobby, un nouveau verre à la main.
« Husk. » Il fit une pause. Il se fichait de savoir le nom de l'autre, mais la politesse voulait qu'on demande en retour. Il ajouta avec un peu de retard : « Et toi ? »
« … » L'autre le regarda en essayant de jauger si Husk était sérieux ou pas. « Angel Dust. »
« Dac. Bonne nuit Angel Dust. », répondit-il en appuyant légèrement les syllabes du nom idiot.
Angel resta seul dans la pièce, interloqué. Ce n'était généralement pas la réaction qu'avaient les gens en le rencontrant. Il haussa les épaules, engloutit son verre et se laissa tomber sur les coussins usés et moelleux du canapé. Le sommeil l'enleva presque aussitôt.
**
Se réveiller dans un lit inconnu est rarement une expérience agréable. Se réveiller dans un lit inconnu en enfer, qui plus est par des coups portés sur la porte de la chambre, est, de fait, une expérience des plus désagréables. Le cœur de Husk passa du repos à 150 battements par minutes en un instant. Ses griffes agrippèrent le matelas, transperçant les draps.
« Petit déjeuner ! », appela une voix féminine derrière la porte.
Putain. Calme-toi mon vieux. Tout va bien. Husk regarda partout autour de lui. Il était dans la chambre que Charlie lui avait présentée la veille. Une chambre d'hôtel toute simple, un peu vieillotte dans sa décoration, comme le reste de l'établissement. Il n'y avait rien à craindre. Les types qui voulaient sa peau étaient morts. Il soupira.
« J'arrive ! », cria Husk à travers la pièce.
Il s’apprêtait à jeter le drap qui le recouvrait en arrière, lorsque la porte s'ouvrit à la dérobée, stoppant net son mouvement et forçant ses pattes à remonter le tissu jusqu'à son cou comme une pucelle effarouchée.
« Le petit déjeuner est servi dans la cuisine en bas, Charlie a fait des pancakes ! » lança joyeusement la petite démone à un œil en entrant sans gêne dans la chambre et s'avançant en trottant.
« Ce n'était pas la peine d'entrer pour me dire ça. », grommela Husk en baissant ses bras.
La démone ne sembla pas l'écouter, grimpa sur le lit presque aussi haut qu'elle et se posta devant lui triomphalement.
« Pantalon ! », annonça t-elle en présentant dans ses deux mains tendues le carré de tissu noir plié.
Hein ? Il s'était couché au beau milieu de la nuit, avait juste jeté le vêtement à même le sol, et elle lui rapportait à l'aube lavé et repassé ? Elle était donc entré dans sa chambre pendant qu'il dormait ?
« J'avais fermé à clef. », dit-il simplement.
« J'ai un passe. », annonça t-elle d'un ton définitif.
Husk prit le pantalon, remercia quand même la démone, et attendit qu'elle fut repartie aussi vite pour sortir du lit. Il resta un moment assis sur le rebord à faire le vide autour de lui et à regarder son environnement. Cette chambre devait bien faire trois la taille de son ancien appartement. Il avait même une salle de bain attenante. Et des rideaux pour cacher la lumière. Tout ceci était une claire amélioration de sa qualité de vie. Malgré cela, il savait que le fait de vendre son âme finirait par lui retomber dessus. Il ne pouvait que chuter inexorablement. C'était l'enfer après tout.
**
Le chat descendit au rez-de-chaussée, suivit l'odeur délicieuse des pancakes pour trouver la cuisine. Charlie était aux fourneaux, Vaggie, Niffty et Angel Dust installés sur la longue table à côté. Husk fit un signe de la patte et s'approcha.
« Husk ! Bien dormi ? » s'écria Charlie. « Un petit café ? Pancakes ? », dit-elle en montrant le contenu de sa poêle.
« Ça va. Oui merci. »
Il repéra la cafetière et versa le liquide noir dans le mug qui attendait à côté. L'odeur de la pièce était réconfortante, elle invoquait chez lui des souvenirs de petit-déjeuner dans le monde des vivants, durant sa jeunesse. Il s'assit à la table.
« Angel nous a dit que vous aviez fait connaissance hier soir ! », continua la jeune femme en plaçant une assiette de pancakes devant lui.
« Pas assez à mon goût, mais cela viendra en temps voulu », ajouta Angel avec un clin d’œil enjôleur à l'attention du félin.
Vaggie leva les yeux au ciel.
« Ignore-le, il est toujours comme ça. »
« Eh, c'est pas de ma faute ! Le seul autre type vivant ici est un putain de tueur psychopathe ! »
Husk ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire avant de se reprendre et de remettre un masque impassible sur son visage. Il n'avait pas vu Alastor ce matin, mais qui sait si ce malade n'était pas en train de les espionner en ce moment même.
« Angel, même s'il y avait cinquante mecs qui vivaient dans cet hôtel, tu trouverais quand même le moyen de tous les draguer... », ajouta Vaggie d'un air blasé.
« Eh eh, et c'est vrai ! Qu'est-ce que j'y peux, je suis joueur. », déclara Angel d'un ton enjoué en balançant sa paire de bras supérieure derrière sa tête.
Husk se demanda quelle sensation cela pouvait bien faire d'avoir quatre bras, et il se souvint tout à coup qu'il avait des ailes. C'était un peu la même chose finalement, en terme de nombre de membres à gérer. Conscient de leur présence dans son dos, il ne put s'empêcher de les écarter un peu pour mieux les replacer. Il arrivait de plus en plus à oublier leur poids, c'était bon signe.
Il releva les yeux de son assiette et tomba sur Angel le regardant droit dans les yeux en léchant la confiture sur ses doigts de façon tout à fait obscène. Le culot de ce type. Il eut une seconde de paralysie avant de lever les yeux au ciel pour signifier son désaccord. Le type pouffa en se levant de table.
« Bon, c'est pas tout ça mais j'ai du travail. Mesdames, Chaton, à plus tard. »
Les autres lui souhaitèrent une bonne journée et il quitta la pièce en trois enjambées. Husk finit lui aussi son assiette, débarrassa et alla s'installer derrière le bar. Avec seulement six personnes dans l'hôtel, la journée risquait d'être longue.
**
La soirée s'étirait lentement. Pas un seul client ne s'était présenté à l'accueil de la journée. Aucune nouvelle d'Alastor. Husk eut envie de se ronger les ongles. Il n'avait plus d'ongles. Alors il bu. Lentement, continuellement, en prenant garde à ne pas tomber dans l'ivresse dès son deuxième jour. Non, cela attendrait le troisième.
L'horloge du lobby indiquait 11h. Il était censé rester ouvert jusqu'à minuit, mais il était clair que plus personne ne viendrait désormais. Il lava son verre et l'essuya, repensant aux explications de Charlie concernant son idée de rédemption. Il n'était pas contre l'idée en soi, mais quelle chance cela avait-il d'arriver ?
Lucifer en personne, son royal papa, lui avait confirmé n'avoir jamais vu aucun démon faire le voyage jusqu'au paradis. Lucifer. Le diable. En personne. Un être qui devait avoir des centaines de milliers d'années. Si un tel miracle avait dû se produire, il se serait déjà produit, non ?
Et quelle était la probabilité que de tous les enfers, Husk tombe pile dans un hôtel géré par la fille du diable ? Des choses improbables se produisaient autour de lui, pourquoi pas une rédemption.
A propos de Charlie, Husk ne savait pas s'il pouvait lui faire confiance. La fille de Lucifer. Il n'était clairement pas religieux, mais il avait entendu les légendes et les paroles des livres sacrés lorsque sa mère l'emmenait à l'église, encore tout petit. Il savait que le diable aimait à se vêtir des masques les plus séduisants pour mieux tromper ses victimes. Et quoi de plus innocent que le visage enthousiaste de la jeune blonde ? Si elle souhaitait lui faire baisser sa garde, elle ne s'y prendrait pas autrement.
Tiens, en parlant de masque séducteur, mais beaucoup moins subtil celui-là, il vit Angel Dust passer la porte principale. Il avança les épaules basses, avant de remarquer Husk derrière son comptoir et de se redresser, l'image même de la légèreté. Il marcha en direction du chat en balançant ses hanches moulées dans un jean taille haute et extra patte d'éph'. Il portait un gilet coloré qui s'arrêtait juste au-dessus de sa deuxième paire de bras, ouvert sur le devant et rien en dessous à part une longue chaîne pleine de breloques suivant la ligne rose pâle qui dessinait son ventre. Une fourrure abondante sortait de son gilet, imitant une poitrine arrondie. Il se rappela qu'il l'avait d'abord pris pour une femme en voyant cet attribut dans la vidéo du magasin.
Il le trouva beau, comme on trouve beau un animal exotique vu dans un zoo. Sa démarche était agréable à regarder, comme celle d'une panthère. Mais elle n'en avait pas le naturel. Chez Angel Dust, tout était calculé. Merde, si seulement il était parti se coucher 5 minutes plus tôt. Il aurait pu éviter cet enquiquineur lubrique.
« Huskyyyy... », appela l'autre en pianotant des doigts sur le comptoir.
« Ne m’appelle pas comme ça. »
« Je peux avoir quelque chose à boire ? Je meurs de soif... »
« ... »
« Une tequila sunrise, s'il te plaît. »
« Tu as quoi, 16 ans ? », se moqua Husk.
« Quoi, une fille ne peut pas aimer le goût du sucre dans son alcool ? »
« C'est toi qui vois. »
Le chat commença à préparer la boisson. Il décida de prendre tout de suite le contrôle de la conversation avant que l'acteur ne parte sur un terrain graveleux.
« Alors, la rédemption ? »
« Quoi la rédemption ? »
« Eh bien, ce n'est pas pour ça que tu es ici ? Comment ça se passe ? »
« Écoute, je suis ici car la piaule est gratuite, et oui Charlie est très gentille, mais même si son projet devait marcher, je ne suis pas la bonne personne pour partir là haut. »
« A cause du porno ? », ne put s'empêcher de dire Husk avant de se rendre compte de son erreur.
« Aaaaah donc tu sais qui je suis. J'ai eu peur d'être tombé sur le seul pécheur à ne pas me connaître ! »
Husk haussa les épaules.
« Je ne suis pas là depuis longtemps. Mais il me semblait t'avoir vu dans un magasin de télévision. »
« Ah, chez Voxtek. Ils diffusent en boucle mes films quand il n'y a pas un massacre ou une guerre de territoire intéressante aux infos. Il paraît que je fais encore plus monter les ventes que la violence ! » et il ajouta d'un air entendu en fermant à moitié les yeux, « Et il n'y a pas que les ventes que je fais monter. »
C'est bon, Husk en avait trop entendu. Pas moyen de lui laisser les rênes deux secondes. Il reprit la barre, ignorant totalement la dernière partie.
« Mais imaginons deux secondes que le projet de Charlie fonctionne, ça ne t'intéresserait pas d'aller au paradis ? »
« Bien sûr que si en théorie ! Je suis pas maso, contrairement à ce que les gens pensent. Bien sûr que j'échangerais cette vie contre une autre au paradis sans hésiter. Mais je ne crois pas que ce soit faisable. »
« Tu manques de preuves ? »
« Exactement. Je n'ai pas envie de mettre autant d'énergie dans quelque chose qui n'a aucune chance d'arriver. »
« Hum. »
Husk resta pensif un moment pendant qu'Angel buvait son verre. Celui-ci lui demanda :
« A quoi tu penses ? »
« A ce que m'a dit un jour un client. J'étais aussi barman à l'époque. La plupart du temps je n'avais au comptoir que des ivrognes incapables de tenir une conversation, mais parfois, parfois j'entendais des choses qui me restaient en tête. Donc, ce type arrive et me demande si je crois en dieu. Je lui dis que non. Et alors il m'explique que lui fait le pari de Pascal. »
« Pascal qui ? »
« Blaise Pascal. Un philosophe, je ne sais plus quelle époque. En gros, le type disait qu'il n'y avait aucun moyen de savoir si dieu existait ou non. Donc dans le doute, et puisque ça ne coûtait pas grand chose, il valait mieux y croire au cas où, notamment pour éviter de se retrouver ici. », conclut le chat en montrant leur environnement d'un mouvement large.
« Donc, si je suis ton raisonnement, il vaudrait mieux que je place ma foi dans le projet de Charlie, juste au cas où ça puisse marcher. »
« Pas forcément, c'est juste que ça m'a rappelé cette histoire. Mais pourquoi pas ? »
« Le problème, c'est que c'est des conneries tout ça. Bien sûr que ça va me coûter quelque chose, et même très cher. C'est quoi les règles pour monter au paradis ? Arrêter la drogue, l'alcool, le sexe hors mariage, ou, alors ça ce serait le pompon, devenir hétéro ? »
« Mouais je vois ce que tu veux dire. C'est vraiment ça les règles ? »
« J'en sais rien. Charlie n'en sait rien. Lucifer en personne n'en sait probablement rien. C'est le contrat le plus flou que j'ai jamais vu de ma vie, la plus grosse arnaque du siècle. »
Husk gloussa doucement. Il n'avait pas tout à fait tort. Il eut envie d'alléger un peu la conversation.
« Hey, pour l'alcool je crois que c'est bon. Tu te souviens, le vin, le sang du Christ ? »
« Qui te dit que c'est la bonne religion ? Si ça se trouve ils sont rastafari là-haut, et n'acceptent que le cannabis. »
Husk rit.
« Mouais, on est paumé. »
« Ah merci de le reconnaître. »
Les craintes du chat s'envolèrent. Finalement, il ne passait une si mauvaise soirée que ça. Il continua d'être de bonne humeur bien après être monté se coucher. Puis évidemment, il paniqua au milieu de la nuit, à l'idée qu'une saloperie puisse lui tomber dessus le lendemain. Puni pour s'être un peu amusé, c'était un schéma classique chez lui, non ?
Chapter 5: Chapitre 5
Summary:
Alastor a une mission pour Husk
C.W.: Ce chapitre contient une description d'agression sexuelle. Rien de graphique, mais prenez soin de vous.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Finalement, le lendemain et les jours qui suivirent s'avérèrent calmes et même parfois agréables. Alastor vint à plusieurs reprises s'asseoir au zinc, et chaque fois ils discutèrent de tout et de rien en profitant des excellentes bouteilles que le démon amenait avec lui. Angel passait aussi après son travail, lorsqu'il ne ratait pas la fermeture du bar, et leurs discussions étaient globalement satisfaisantes, si Husk mettait de côté les moments de drague lourde qui lui hérissait littéralement le poil.
Le couperet tomba presque trois semaines plus tard. Alastor s'installa au comptoir en fin de matinée, bien plus tôt qu'à son habitude. Il commença par lui donner sa première paie. A en juger par la liasse de billets que lui tendit le démon, celle-ci était plutôt généreuse. La bonne surprise s'effaça lorsque le démon ouvrit la bouche.
« Mon bon ami, j'ai une mission pour toi. »
« Je suis en plein dedans. », répondit Husk en désignant le verre qu'il était en train de servir.
« Ah ah ! Ne sois pas bête. Le bar va devoir se passer de toi cet après-midi ! »
« Vraiment ? »
« Vois-tu, je suis en pleine négociation avec une certaine lady afin d'acquérir une de ses âmes aux compétences très... pointues. »
« C'est une Overlord ? »
« Précisément. Et pour le moment... et bien disons que la discussion est au point mort. Mais ! J'ai trouvé un levier. Toi, Husker ! »
« Moi ? »
« Hum hum. Figure-toi, que j'ai appris très récemment que la dame adorait les chats. »
« Quoi ? Attends ! Je ne suis pas un chat. Je suis un homme tout ce qu'il y a de plus ordinaire coincé dans une apparence stupide. »
« Bah, peu importe. Je suis sûr que Lady Freya n'en sera que plus heureuse si un chat peut lui faire la conversation pendant qu'elle le cajole. »
« Tu plaisantes, c'est quoi ce plan ? Je ne vais pas jouer les appâts pour une espèce de folle zoophile. »
« Rien de tout cela. Tu l'as d'ailleurs dit toi même, tu es un homme tout à fait ordinaire. Tu as juste eu une petite crise de pilosité, c'est tout. Regarde mes oreilles, ça arrive même aux meilleurs d'entre-nous ! »
Le son d'une foule riant sortir de son micro, comme s'il transportait son propre public imaginaire.
« Alastor, je ne vais pas vendre mon cul pour toi... »
« Surveille ton langage. Et je n'ai jamais demandé une chose pareille, ce serait tout à fait indécent. Non, ce que je veux, c'est que tu la séduises, comme tu as séduit toutes ces femmes de ton vivant. »
« Quoi ? C'est pour ça que tu me posais des questions sur mes anciennes conquêtes, l'autre soir ? »
« Et pour quoi d'autre ? Écoutes, je voulais être sûr que tu puisses avoir des compétences dans cette mission. Fais ce que tu sais faire. Sois agréable, met là dans de bonnes dispositions pour accepter le marché... »
« C'est hors de question. »
« Husk, ce n'est pas une proposition. Lorsque je te soumets une mission, j'attends que tu l’exécutes, et je ne tolère pas l'échec. Tu comprends ce que je veux dire ? »
Alastor ne haussa pas le ton, ne montra pas les dents, il n'eut besoin de rien de tout ça. Les souvenirs du massacre qui avait eu lieu au tripot suffirent à convaincre Husk. Il grommela, montrant bien autant pour le démon que pour lui-même qu'il acceptait à contrecœur.
« Pffff... Mais je te préviens, je ne couche pas avec. C'est ma limite non négociable. »
« Excellent ! Nous partons pour 15h. »
**
Husk appréhendait. Certes, comme l'avait souligné Alastor, il avait déjà séduit des femmes, mais parce qu'il le voulait, jamais de façon aussi fausse et calculée. Il n'était pas un acteur comme Angel. Il ne savait pas s'il était capable de faire semblant. S'il avait eu plus de temps, il aurait peut-être osé aller lui demander des conseils. Mais cinq minutes avant 15h, Alastor apparut au bar.
« Prêt à partir ? », demanda le démon avec un enthousiasme tout à fait inverse à ce que Husk ressentait.
Le chat se contenta de hausser les épaules.
« Sois agréable. Fait lui passer un bon moment. Plus tôt elle signera ce marché et plus tôt tu pourras rentrer te soûler selon ton bon désir. »
Sur ces conseils, Alastor claqua des doigts et Husk sentit un changement sur lui. Il baissa les yeux. Il portait maintenant un pantalon à pince noir et une chemise blanche, les deux impeccables. Un nœud papillon noir complétait le tout.
« Hum, il manque quelque chose... », déclara Alastor. « Oh, je sais ! »
Il refit claquer ses doigts et un chapeau haut-de-forme apparu sur la tête du chat, pile entre ses deux oreilles.
« Un haut-de-forme ? Vraiment ? », demanda Husk, plus blasé que jamais par le choix du démon.
« Comme cela, tu seras sûr qu'elle ne te confondra pas avec un chat. »
Et sur ces paroles il ouvrit un portail et disparut à l'intérieur, faisant signe à Husk de le suivre. Un portail. Idéal pour bien débuter un parfait moment de merde.
**
Au pied des grilles s'étalait un grand jardin à la pelouse écarlate, terminée par une vaste demeure cossue. Un lieu hors du temps, bien plus distingué que tout ce que Husk avait pu admirer durant son court séjour en enfer. Le tout projetait un style très européen. Un tigre bleu en livrée vint leur ouvrir la grille et les conduisit jusqu'à une table sous un auvent.
Une femme se leva pour les saluer. Husk avait imaginé beaucoup de chose à propos de cette fanatique des chats, mais certainement pas qu'il se retrouverait face à une créature à l'aspect humain et à la peau pâle, le visage encadré de longs cheveux noirs. Une robe sombre venait encore rehausser sa carnation. Sublime fut le premier mot qui lui vint en tête.
« Alastor ! Quelle bonne surprise ! Vous amenez un ami ? »
« Lady Freya, c'est toujours un plaisir de vous voir. Et permettez moi de vous présenter Husk, qui travaille pour moi depuis peu. »
Le chat s'avança avec toute l'assurance dont il était capable, et se baissa pour exécuter un baise-main. Cela devait bien faire quarante ans qu'il n'avait pas effectué ce geste, mais il n'hésita pas une seule seconde. La femme dégageait une légère odeur de pivoines fraîches. Il se releva à contrecœur, le parfum lui manquait déjà.
« Monsieur Husk, c'est un honneur de pouvoir rencontrer un ami d'Alastor. Vous êtes ici chez vous. »
En prononçant ces mots, elle le regarda droit dans les yeux. Ses pupilles émeraudes étaient gigantesques et le chat sentit la tête lui tourner un peu.
Tous les trois s'assirent autour de la table. Des gens de maison en uniforme apportèrent du thé et des gâteaux (tous des pécheurs à forme féline, constata Husk), y compris des gourmandises à base de viande de démon pour Alastor. Dieu merci, les sablés avaient l'air ordinaires.
Alastor et Lady Freya firent la conversation un moment. Régulièrement, Husk sentait sur lui le regard de la femme. Et elle trouvait toujours le moyen de l'intégrer dans leur conversation. Impossible pour lui de faire tapisserie.
Au bout d'un moment, Alastor redirigea habilement la discussion sur leur marché.
« Je ne sais pas, Alastor, je déteste devoir vous dire non, mais je ne crois pas être prête à me séparer d'un tel atout. »
Husk comprit que c'était pour lui le moment d'agir.
« Lady Freya, Alastor et moi comprenons parfaitement votre embarras. », déclara le chat de sa voix la plus grave et la plus séduisante, avançant vers la femme sa patte paume ouverte. Celle-ci posa immédiatement sa main sur le coussinet en forme de cœur. Ses lèvres s'ouvrirent à moitié, comme si elle réfléchissait.
« Sûrement pouvons-nous faire quelque chose pour vous convaincre. », ajouta Husk en refermant légèrement sa patte, effleurant à peine les doigts posés là. « Si l'offre d'Alastor n'est pas ce que vous attendez, peut être souhaiteriez vous autre chose ? »
Merde, il allait trop loin. Elle allait forcément y voir des avances.
« Oh Husk, vous êtes si gentil. »
« Et créatif avec ça ! », ajouta Alastor. « Ce qui me donne une idée. Je dois passer voir Rosie à quelques pas de là, pourquoi ne resterais-tu pas ici pendant ce temps-là Husk ? Si ça ne vous embête pas, Lady Freya, évidemment ! Vous pourriez trouver ensemble une offre qui vous convienne mieux, et je passerais le chercher dans quelques heures pour, je l'espère, conclure notre marché. »
Alastor le regarda avec intensité et il sentit une sueur froide lui courir dans le dos. Et voilà. Le piège s'était refermé. Cet enfoiré allait l'abandonner là.
« C'est une idée formidable Alastor ! Je serais enchanté d'avoir votre ami pour compagnie. Oh ! Nous pourrions visiter la maison. »
« J'en serais ravi. », ajouta le chat.
Ra-vi, pensa Husk. Pas du tout près à s'enfuir en courant. Non. Il avait une mission à accomplir. A réussir même. Je ne tolère pas l'échec, avait déclaré Alastor. Et ce n'était sûrement pas une façon de parler.
**
Après le départ du démon, Lady Freya ne laissa aucun silence gêné s'installer entre eux. Elle profita qu'ils s'étaient tous les deux levés au départ de l'homme en rouge pour proposer :
« Et si nous changions de scène ? Je possède une balancelle propice à la confidence. Mon cher Husk, je veux tout savoir sur vous. »
Elle le guida jusqu'à une jolie balancelle en fer forgé recouverte de coussins en tous genres, abritée de la lumière du ciel par un auvent agrémenté de fleurs infernales aux tons rouges et pourpres. Il n'y avait évidemment que deux places côte à côte. Husk s'installa aussi adroitement qu'il le put, ses jambes pendant au dessus du vide, incapable de toucher le sol. Lady Freya en revanche le touchait aisément, même pressée comme elle l'était contre le dossier moelleux.
Ils discutèrent surtout de Husk, de sa vie en enfer, de son « amitié » avec Alastor. A chaque fois qu'il essayait de lui poser des questions en retour, comme le voulait la politesse, elle éludait ou répondait très vaguement. Il resta sur la défensive, conscient qu'elle l'utilisait pour obtenir des informations sur son concurrent, mais garda un visage affable et léger. Seule la queue balayant le sol traduisait parfois involontairement son malaise. Cela le tendait encore plus.
« Oh Husk », dit-elle en se rapprochant un peu, « j'ai peur de vous sentir mal à l'aise. Alastor vous traite t-il bien ? »
« Il me traite de façon très correcte, madame. J'ai même la chance de recevoir un salaire, et j'ai pu entendre que ce n'était pas systématique lors d'un contrat d'âme. »
« C'est vrai, c'est très généreux de sa part. Mais je sais qu'il peut être... gourmand. Il a parfois du mal à contenir ses pulsions. Vous a-t-il déjà croqué une oreille peut-être ? », dit-elle en passant sa main de haut en bas sur l'extérieur de sa longue oreille de chat. Husk ne put retenir un frisson.
« N... Non, je vous assure qu'il n'a jamais fait ça. »
« Peut-être vous a-t-il mordu à l'épaule ? », demanda-t-elle en se pressant contre lui et passant son autre main à la jonction entre son cou et son épaule, venant l'emprisonner sur le fond de la balancelle.
« Alastor ne m'a jamais blessé, d'aucune manière que ce soit. Nous avons une relation des plus cordiales. », déclara-t-il avec fermeté.
« Cela me fait grandement plaisir. », ajouta-t-elle sans cesser de le caresser. « Je détesterais l'idée qu'il vous arrive quoi que ce soit de fâcheux. »
Elle cherchait sa peau à travers sa chemise. Husk se sentait étourdi et brûlant. Les mains de la femme se mirent à défaire son nœud papillon et il profita de cette perte de contact direct pour reprendre le contrôle. Il la stoppa dans son geste en posant doucement mais fermement sa patte sur ses mains.
« Lady Freya, nous devrions parler du marché entre vous et Alastor. Il détesterait repartir sans un accord. »
La femme se recula et se réinstalla contre le dossier, tout en restant pressée contre son épaule.
« Le marché n'a aucune importance, je vais d'ailleurs l'accepter. J'avais juste envie de faire languir un peu ce cher Alastor. Ou de faire monter un peu les enchères. Il est très malin, et me connaît si bien. »
Elle ponctua cette dernière partie en passant sa main sur la chemise blanche du félin.
« Si nous allions visiter la maison ? », demanda-t-elle d'un ton égal.
Oui, oui. C'était clairement un piège, mais n'importe où plutôt que de rester sur cette balancelle, pensa Husk. Il se levèrent et se dirigèrent vers l'énorme bâtisse qu'on pouvait sans doute qualifier de manoir. La femme marchait tout près de lui, effleurant sa main de la sienne à plusieurs reprises.
Ils entrèrent dans un grand hall, très joliment décoré, mais Husk était trop tendu pour s'intéresser aux goûts de la propriétaire. Il chercha du regard, espérant croiser du personnel, tout pour ne pas rester seul avec elle.
Une démone possédant les attributs d'une panthère des neiges vint à leur rencontre :
« Dois-je faire monter du thé dans une autre pièce, Madame ? », demanda-t-elle la tête basse, évitant le regard des deux autres.
« Ça ira Sabine, je ferais sonner la cloche si j'ai besoin de vous. »
Regarde-moi, regarde-moi, cria Husk intérieurement. Donne-moi un indice, juge-moi, dis-moi de fuir, n'importe quoi. Mais la servante se contenta de rester les yeux rivés au sol jusqu'à leur départ.
La visite commença de façon plutôt ordinaire, malgré que la robe de la femme venait trop souvent effleurer le bas de son pantalon dû à sa proximité. Le chat resta suffisamment concentré pour faire des remarques anodines sur telle ou telle pièce de décoration.
Lady Freya se comporta d'abord comme une maîtresse de maison exemplaire, expliquant la signification d'un tableau ou d'une sculpture. Beaucoup semblaient venir du siècle dernier, et même d'un peu avant. Husk se demanda depuis combien de décennies elle occupait les enfers.
Ils pénétrèrent ensuite dans un petit salon, un endroit confortable et chaleureux. Aussitôt passé le seuil, la femme referma la porte derrière eux. Ce qu'elle n'avait fait dans aucune des autres pièces. Elle se tourna vers lui, attrapa l'arrière de sa tête et l'embrassa au creux du cou, respirant sa fourrure. Son chapeau haut-de-forme tomba au sol.
« Lady Freya, je ne peux pas... », dit-il doucement pour ne pas la brusquer par son refus.
Elle ne sembla même pas l'entendre. Elle finit de retirer le nœud papillon qu'elle avait commencé à malmener plus tôt, avant de s'attaquer aux boutons de sa chemise. Sans véhémence, mais avec fermeté. Il leva les yeux et rencontra les siens. Ils brillaient d'une détermination qui le fit presque trébucher.
Soudain, deux mains explorèrent son torse, s'engouffrèrent dans la fourrure avec application. Une vague de sensations aussi bonnes que mauvaises l'assaillirent. Chacun de ses poils contenait un nerf et le contact venait de tous les activer en même temps. Il faillit hurler. Il n'avait jamais rien ressenti de tel.
Malheureusement, dans cette bataille qui prenait place dans son cerveau, ce fut la panique qui prit bientôt le pas et effaça tout le reste. Il se mit à chercher sa respiration. Ses pattes se posèrent sur les bras de Lady Freya, il chercha à la repousser doucement, mais elle prit ce contact pour une invitation.
Sans aucun effort de sa part, elle attrapa le démon par le col de sa chemise, le fit pivoter et reculer pour le plaquer au mur le plus proche, et vint coller ses lèvres aux siennes. Husk resserra son emprise et fit reculer la femme jusqu'à la tenir à bout de bras.
« Non, Lady Freya. », dit-il avec fermeté, tentant de cacher les hoquets dans sa voix, avant d'adoucir son ton. « Je suis vraiment désolé, je pense qu'il y a eu une incompréhension. »
La femme changea complètement de visage, passant en un instant de l'assurance la plus totale à une tristesse touchante, comme si Husk venait juste de lui déchirer le cœur. Le chat en fut déconcerté.
« Je ne vous plais pas ? », demanda-t-elle les larmes aux yeux.
« Non, ce n'est pas du tout ça... »
« Alors quoi ? »
« Je ne peux pas. »
« J'ai vu comment vous me regardiez Husk. Oserez-vous dire le contraire ? »
« Non, vous êtes magnifique, ce n'est vraiment pas le problème. »
« Alors c'est Alastor ! Il souhaite donc que tous ses employés restent aussi chastes que lui ! Mais vous n'avez pas à subir cela.»
Quoi ? Husk n'eut pas le temps de réfléchir à une réponse que la femme s'échappait de sa prise sans aucun effort, vint coller son corps au sien et l'embrassa à nouveau. Il sentit ses mains recommencer leur exploration et sa panique monter à nouveau en flèche.
Respirer par le nez n'était plus suffisant. Il ouvrit la bouche pour prendre une bouffée d'air mais rencontra aussitôt la langue de la femme prête à envahir sa bouche. Elle lécha ses lèvres puis chercha avidement sa langue. Husk ne parvenait plus à la repousser. Elle maintenait sa main gauche derrière sa tête, la droite descendant maintenant de plus en plus bas. Il commença à voir flou.
Au moment où elle toucha son entrejambe, Husk sentit dans tout son corps un électrochoc si violent que ses dents vinrent claquer. Lady Freya poussa un cri et recula vivement. Sa lèvre saignait abondamment.
« Je... Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris. », expliqua le chat, complètement affolé. »
« Hmph... Attends moi, j'ai des pansements dans la salle de bain. »
Husk la regarda partir, espérant que la salle de bain se trouvait de l'autre côté de la maison. Qu'est-ce qui lui prenait ? Pourquoi réagissait-il de façon aussi horrible ? Cette femme était clairement dans son style, il pouvait rendre service à Alastor, et il gâchait tout car il ne contrôlait rien dans ce corps grotesque ?
Il se laissa tomber sur l'accoudoir le plus près. Il était comme sonné. La servante nommée Sabine entra doucement dans la pièce. Il sursauta en entendant ses pas frotter sur le tapis.
« Avez-vous besoin d'aide Monsieur ? »
« Non, j'attends juste Lady Freya. Elle est à la salle de bain. Elle s'est légèrement blessée. » Pourquoi lui racontait-il cela ?
La panthère haussa les épaules.
« Ça arrive, oui. »
Husk releva aussitôt la tête et regarda la démone dans les yeux. Elle comprenait, n'est-ce pas ?
« Souhaitez-vous m'accompagner à la cuisine en attendant ? La cuisinière vient juste de sortir une brioche du four. »
Il n'avait absolument pas faim, mais il ne voulait pas rester seul. Lady Freya serait-elle en colère s'il s'absentait ? Et Alastor, s'il déplaisait ? Il fallait qu'il se reprenne. Ce n'était tout de même pas compliqué. Il pouvait se forcer. Rattraper sa maladresse. Sa survie en dépendait. Oui. Il pouvait le faire.
Il prit une grande respiration et expira.
« C'est très gentil. », dit-il d'un air plus abattu qu'il ne l'aurait voulu. « Mais je devrais plutôt rester à l'attendre. »
« Comme vous voulez. Si vous changez d'avis, la cuisine est accessible à droite en entrant. »
« Merci. »
Et elle repartit comme elle était venue. Husk resta seul à nouveau.
Il lui vint soudain une idée. Son âme était désormais liée à Alastor, non, elle appartenait à Alastor. Il ne savait pas trop comment ce lien fonctionnait, mais peut-être que le démon de la radio pouvait ressentir si l'un de ses employés était en danger. Merde, pourquoi ne lui avait-il pas demander plus tôt ?
Il se concentra du mieux qu'il put, essaya d'invoquer l'image d'Alastor dans sa tête, lui hurla de revenir, lui expliqua que la mission était un succès, qu'ils pouvaient tous les deux repartir, tout de suite, Alastor, s'il-te plaît !
Quelqu'un passa à cet instant la porte du salon. Lady Freya. Une légère entaille était visible sur sa lèvre supérieure, mais elle ne saignait plus. Husk vint à sa rencontre.
« Lady Freya, je suis tellement désolé. C'était un accident, je ne voulais pas vous blesser. »
Le regard de la femme était glacial mais amusé.
« Allons. Ce genre de jeu n'est généralement pas pour me déplaire. J'ai été surprise, c'est tout. Rachetez-vous et j'oublierai ce petit accroc. », dit-elle en attrapant le menton du chat dans sa main et serrant jusqu'à planter légèrement ses ongles dans ses joues.
Husk déglutit. Il acquiesça doucement, abandonnant toute résistance. Il sentit son esprit s'éloigner de la scène. Il n'avait plus envie d'être ici.
Des pas résonnèrent à ce moment sur les dalles du grand hall. Husk entendit un des employés saluer quelqu'un, et la femme relâcha la pression sur son visage. Alastor entra dans la pièce quelques secondes plus tard. Satan sois loué ! Il n'avait jamais été aussi heureux de le voir.
« Mes amis ! », s'exclama le démon. « J'espère n'avoir pas été trop long. »
« Pas le moins du monde. », répondit la femme.
Ils discutèrent un moment mais aucune de leurs paroles ne s'ancra dans l'esprit du chat. Par chance, Lady Freya n'essaya pas à nouveau de l'intégrer à la conversation. C'est uniquement lorsque Alastor revint sur le sujet du marché que Husk fit l'effort de se concentrer.
« Je suis prête à accepter le deal, Alastor. Mais je veux votre charmant chat ailé en échange. »
Husk sentit tout le sang de son visage glisser vers son cœur.
« Allons, Freya ma chère, j'ai ce sujet depuis à peine quelques jours ! Vous n'allez pas déjà me l'enlever. Il me semble que mon offre était déjà très généreuse. »
Elle fit un signe de la main pour balayer ses paroles.
« Gardez tout le reste, je veux uniquement Husk. »
« Je crains que ce ne soit malheureusement pas possible. En tout cas pas dans l'immédiat. Peut être que si vous acceptez le marché tel qu'il est, je pourrais songer à vous le prêter. Dans le cas où il aurait besoin d'être éduqué, par exemple. »
C'est à ce moment qu'Husk comprit qu'il avait cessé d'être un être humain. Aucun des deux ne le regardait, ni ne lui adressait la parole. Il n'était qu'un meuble parmi les autres. Au sentiment d'humiliation succédait celui de ne plus être en vie. Il le ressentait pour la première fois depuis qu'il était arrivé en enfer.
Lady Freya fixait Alastor intensément, semblant peser sa proposition. Celui-ci attendait patiemment. Au bout d'un moment, elle continua.
« Très bien. J'accepte votre offre. Mais je veux être la première avertie si vous veniez à vous en séparer. », dit-elle en indiquant Husk sans jamais le regarder.
« La première, c'est une promesse. »
Sur ce, ils se serrèrent la main, déclenchant une explosion de pouvoir vert, rouge et noir dans la pièce. Puis, ils se saluèrent, et Husk suivit Alastor. Il ne souvint même plus s'il l'avait salué en partant. Une fois à la grille, le démon ouvrit à nouveau un portail. Avant de passer dedans, Husk demanda :
« Tu m'as entendu t'appeler ? »
« Je n'ai pas la moindre idée de quoi tu parles. »
« Là, juste avant que tu arrives, je t'ai appelé, dans ma tête. Et bam, tu apparais. »
« Nope. Un pur hasard, je t'assure ! »
Et sans attendre il enjamba l'ouverture et disparut. Husk suivit et les deux démons se retrouvèrent dans le lobby de l'hôtel.
Husk constata avec frustration qu'Angel Dust se trouvait derrière le bar, en train de s’essayer à la fabrication d'un cocktail en son absence. De tous les jours possibles, il avait fallu qu'il rentre de son travail à une heure décente aujourd’hui. C'était pourtant la dernière personne que Husk avait envie de voir à l'heure actuelle.
« Ah, tu as déjà un client, mon ami ! », s'exclama Alastor. « Ne le fais pas attendre. Je dois repartir chercher ma nouvelle acquisition, tu peux reprendre ton poste. »
Et il disparu dans un autre portail, sans même prendre le temps de le questionner sur ce qui c'était passé en son absence chez la femme.
Husk grogna. Il s'approcha du bar, d'une humeur exécrable.
« Casse-toi. », dit-il simplement à Angel, posant son horrible composition sur le bar et commençant à ranger les boissons.
« Ouuuuuhh, quelqu'un a passé une mauvaise journée. »
« Si tu veux quelque chose à boire, je suis là. Sinon, fiche-moi la paix. »
« Ne sois pas comme ça, je suis très doué pour aider les gens à se relaxer. »
L'acteur eut la très mauvaise idée en passant derrière lui pour sortir du bar de passer ses mains entre ses ailes pour venir lui masser les épaules, dans un geste qui se voulait réconfortant. Husk sursauta.
« Non ! », aboya-t-il sèchement en attrapant le poignet d'Angel. Tendu par une après-midi calamiteuse, il ne fit pas attention à ses griffes durcies par la colère. Il sentit la chair céder sous la matière coupante. Oh non, pas encore. Il se retourna pour voir Angel serrer son poignet contre lui, surpris de voir du sang s'échapper de ses mains.
« Angel, merde, je suis désolé. C'était un accident. »
« Y'a pas de mal, c'est moi qui ai mal évalué la situation. »
« Je... Attends, j'ai de quoi faire un pansement. », dit-il en commençant à fouiller dans les étagères, incapable de retenir un sanglot sur sa dernière syllabe.
« Eh. Husk. Ça va. Y'a pas mort d'homme. »
Il sentit Angel se rapprocher pour mieux le regarder. Des larmes s'était formées au coin de ses yeux. Husk inspira profondément pour les refouler, et se releva, un chiffon propre à la main.
Comme il n'arrivait pas à parler, il prit le poignet de l'acteur, et enroula le tissu autour.
« Alastor ? »
« Non. Enfin pas seulement. C'est cette saloperie de corps, je ne contrôle rien, c'est insupportable et répugnant ! », réussit-il à lâcher.
« Regarde ces choses », dit-il en montrant ce qui lui servait de mains, incapable de s'arrêter dans sa diatribe. « Un moment c'est flexible comme des doigts, l'instant d'après c'est coupant comme du verre et ça fait... »
Il montra le poignet d'Angel.
« Je comprends. » dit celui-ci. « J'étais pareil en arrivant ici. »
« Et puis je dois gérer ces putains d'ailes qui prenent une place folle, je dois sans cette faire attention pour ne rien détruire autour de moi ! »
« Eh, c'est pas pour jouer à qui est la pire histoire, mais j'ai huit membres à gérer. »
« Huit ? »
« Hu hu. Deux jambes, six bras. », dit l'acteur en sortant sa troisième paire de bras, cachée jusque là.
« Oh putain. », fut tout ce que Husk trouva à dire en regardant les six mains qui s'agitaient devant lui.
« Yep. Une vraie petite araignée. »
Husk tourna autour d'Angel, cherchant à comprendre.
« Où... Où trouves-tu la place de les cacher ? »
« Ah ! C'est un endroit secret. », fit-il en remuant les sourcils de manière suggestive. « Une sorte de poche de réalité, un peu comme le portail par lequel tu es arrivé. J'y range aussi de quoi me protéger. »
« Des préservatifs ? »
« Mais non bêta. Des armes. »
Oh.
« Et tu arrives à gérer les six en même temps ? »
« La plupart du temps oui. Mais c'est plutôt fatiguant, donc je les garde surtout pour les urgences et les gang-bang. »
Husk leva les yeux au ciel.
« C'est à cause de ça », demanda-t-il en montrant Angel dans son intégralité, « que tu as choisi le porno ? »
« Ça, comme tu dis, c'est le corps le plus apprécié des citoyens des enfers. Ce n'est pas de ma faute si tu n'es pas capable de l'apprécier à sa juste valeur. », répondit Angel en feignant de bouder.
« Erf... Désolé. J'essaye juste de m'habituer mais j'ai vraiment du mal. Pas que toi, mais l'apparence des gens ici en général. »
« Estime-toi heureux, tu n'es vraiment pas désagréable à regarder. Certains ici on eu beaucoup moins de chance. »
C'était vrai. Husk se rappela de ce pauvre Marco et sa tête de truite. Il baissa la tête, un déconfit.
« Ça va aller. Tu as juste besoin d'un peu de temps pour t'habituer. Et pour répondre à ta question, j'ai choisi le porno pour me venger de ma vie précédente. Je n'ai jamais eu le droit d'être qui je voulais, ou de coucher avec qui je voulais. J'ai eu envie d'explorer cette facette de moi et... », il fit une pause et ses épaules se baissèrent un peu. Il regarda dans le vide. « Disons qu'ensuite on est pris dans le quotidien, et vu mon succès, pourquoi est-ce que je changerais de job ? »
Husk haussa les épaules.
« Ce que tu peux être coincé. », déclara Angel.
« Non. C'est juste que... je ne voyais déjà pas l'intérêt du porno lorsque j'étais vivant. Alors tu imagines bien que maintenant... »
« Beaucoup de gens voient les choses différemment ici. La plupart ont été bridés toute leur vie, alors en arrivant ici, ils se lâchent. »
L'acteur grimaça et sortit une cigarette.
« Non pas que ce soit toujours une bonne chose. Si tu savais les horreurs qu'on me demande ou que j'ai dû faire. Pouah ! Crois-moi, un paquet de gars ici méritent bien leur place en enfer. »
« Quoi, tu ne peux pas refuser ? »
« Eh, je ne suis pas vraiment à mon compte. J'ai un employeur à qui rendre des comptes, comme toi. »
Il souffla la fumée les sourcils froncés. Husk s'était versé un verre, et le goût de la boisson l'apaisait déjà.
« On est foutus. », déclara t-il.
« Ouep. Ressers-moi un verre, le mien est dégueu. »
Notes:
Fun Fact : Dans la mythologie nordique, la déésse Freya voyage sur un char tiré par des chats ailés.
Vous l'aurez peut-être lu entre les lignes, mais Lady Freya est une ancienne esclavagiste, probablement décédée au milieu du 19ème siècle.
Merci à la personne qui m'a laissé mon tout premier kudos, ça me fait tellement plaisir !
Chapter 6: Chapitre 6
Summary:
Une nouvelle mission pour Husk !
Hurt/Comfort puissance maximale.
Notes:
Prochain chapitre samedi 9 si tout va bien, je dois partir 3 jours donc je fais le max pour être à l'heure.
Chapter Text
La première pensée qui assaillit Husk lorsqu'il ouvrit les yeux, fut la honte d'avoir blessé Angel la veille. Même involontairement, il culpabilisait d'avoir entaillé le poignet de l'araignée dans un excès de colère. Il passa devant sa chambre en se rendant à la cuisine, et hésita un instant à frapper, avant de renoncer. Lorsqu'il arriva dans la salle commune, Charlie finissait son petit-déjeuner. Il en profita.
« Salut Charlie. Tu as vu Angel ce matin ? »
« Oui, il est déjà parti travailler. »
« Oh. »
Tant pis, cela lui laissait la journée pour trouver un moyen de s'excuser.
« Dis Husk, est-ce que tu serais intéressé par le programme de rédemption ? Je n'ai pas osé en parler devant Alastor, j'avais peur qu'il prenne mal que je m'intéresse à un de ses employés. »
Husk eut un petit rire. Il était à peu près sûr qu'Alastor ne croyait pas au projet de Charlie, et qu'il la soutenait pour d'autres raisons.
« L'idée de quitter les enfers me plaît bien. Mais si j'ai bien compris, tu ne sais pas exactement quelles sont les règles pour y arriver. Ni s'il est possible d'y arriver. »
« Dis comme ça... Mais je suis sûre que c'est possible. Je crois sincèrement que les gens peuvent changer ! », dit-elle avec son enthousiasme habituel.
« Hum. Partons du principe qu'il est possible de passer des enfers au paradis. Quelles seraient les conditions ? »
« Et bien... Je n'ai pas de règles écrites noir sur blanc. Enfin, on peut toujours partir des 10 commandements. Oui je pense que, par exemple, le meurtre est à éviter. J'en suis sûre à 99%. »
« Tu ne commettras pas d'actes impurs. C'est un peu flou, non ? »
« Oui, bon j'avoue que celui-ci est un peu évasif. »
« Légèrement... Charlie, ton père est Lucifer, non ? Le Lucifer, ancien ange tombé du ciel ? »
« Oui, oui c'est lui. S'il te plaît évite d'évoquer cette partie si tu le rencontres, il a encore du mal à digérer cette histoire. »
Charlie sembla triste à cette idée. Elle avait l'air de porter beaucoup d'affection à son père.
« Bien sûr. Mais ayant vécu au paradis, n'a t-il pas des informations qui pourraient t'aider dans ton projet ? »
Charlie soupira et regarda au fond de sa tasse de thé.
« Non... La chute a eu lieu au moment où apparaissaient les premiers humains. Les règles n'avaient pas encore été éditées vu que... Et bien, disons que mon père a inauguré l'enfer. », elle ajouta un petit rire qui n'avait rien de joyeux à sa phrase.
« Hum. »
Husk se dit qu'il devait peut-être éloigner la conversation de Lucifer. Charlie n'avait pas l'air très à l'aise en parlant de son père.
« Et concernant « Tu ne mentiras point ». Je ne suis pas sûre que celle-ci fonctionne. Je veux dire, la quasi-totalité de l'humanité se trouverait en enfer si on devait respecter cette loi. Tout le monde ment. Même les enfants. Surtout les enfants. »
« C'est vrai. Il ne faut peut être pas tout prendre au pied de la lettre. On pourrait commencer par essayer des choses plus simples. Pas de meurtre, pas de vol... »
« Et s'il y avait un prix à payer? »
« Comment ça ? »
« Une sorte d'amende, pour chaque péché commis de notre vivant. Un remboursement au divin. »
Charlie réfléchit intensément. Puis elle tapa du poing sur la table.
« Tu as raison. Il est absolument indispensable que je puisse m'entretenir avec quelqu'un du paradis. Vaggie essayait de m'en dissuader - elle ne leur fait pas du tout confiance – mais on arrivera à rien sans plus d'informations. Merci Husk, je vais tout de suite essayer d'appeler mon père pour obtenir une audience là-haut. »
« Hein ? Tu peux faire ça ? »
Mais Charlie était déjà partie en courant. Il resta interloqué à l'idée d'une communication possible entre les deux mondes opposés.
**
Alastor se matérialisa près du bar en fin d'après-midi, sortant directement des ombres. Husk se figea instantanément.
« Mon cher ami, bravo pour ton aide hier, ce fut une réussite magistrale. », s'exclama le démon en tapotant sur le zinc pour réclamer un verre.
« Hum. », acquiesça simplement le chat. Il sentit ses oreilles se plaquer sur sa tête contre son gré. Il se reprit et servit à Alastor son whisky habituel.
« J'ai une nouvelle mission pour toi. »
Cette fois-ci, il ne put s’empêcher de grogner.
« Du calme, celle-ci sera simplissime. Vois-tu, j'ai pu récupérer la nouvelle âme échangée avec Lady Freya. »
« Et cette... âme, elle viendra vivre à l'hôtel ? »
« Non. Je l'ai assigné à un autre de mes projets. Je dois d'ailleurs y retourner sur le champ, j'ai encore beaucoup à faire. Mais il reste encore un bagage à récupérer à son ancien travail. J'aimerais juste que tu passes le prendre. »
« C'est tout ? »
« C'est tout. Voici l'adresse, ce n'est pas très loin. Dis que tu viens de ma part. Il sera disponible à partir de 20 heures. »
Husk hocha la tête en prenant le papier. Alastor finit le verre qui lui avait été donné et sauta sur ses pieds.
« Bon ! Il est temps pour moi d'y aller. Bonne route ! »
Et il disparu dans les ombres comme il était arrivé. Husk eut immédiatement un mauvais pressentiment. Rien de ce qui venait d'Alastor ne pouvait être simple ou bon. Il devait rester sur ses gardes.
Les minutes passèrent lentement. A 19h30, il se mit en marche après avoir consulté la carte officielle de Pentagram City que Charlie avait punaisé dans son bureau. Il ne connaissait pas bien ce quartier à l'ouest. Il hésita à utiliser ses ailes pour y aller en ligne droite, mais c'était encore le meilleur moyen de se perdre. Peut-être au retour.
Husk avait un bon sens de l'orientation. S'il allait à un endroit une fois, il pouvait y retourner sans problème. C'est pourquoi il arriva aux alentours de son point de rendez-vous avec quelques minutes d'avance et sans s'être perdu une seule fois. Il en profita pour observer la zone.
Immeuble pourri, local commercial au rez-de-chaussée fermé par une grille en fer. Rien de bien rassurant. Il cogna à la grille, sans réponse. L'adresse était pourtant la bonne. L'enseigne indiquait bien « Les délices de George » dans une peinture verte et écaillée. Il pouvait peut-être trouver l'entrée des marchandises. Il fit le tour du bâtiment, se retrouva dans une ruelle tout à fait ordinaire. Trois marches donnaient sur une porte en métal reprenant le nom de l'enseigne.
Husk toqua trois coups fermes. Des pas se firent entendre, puis la porte s'entrouvrit de quelques centimètres. La personne à l'intérieur en profita pour jauger Husk, et se décida à ouvrir la porte qui grinça sur ses gonds.
« Qu'est-ce que c'est ? », demanda le colosse à tête de cochon patibulaire qui prenait toute l'encadrement.
Husk dû faire un effort pour ne pas se laisser démonter face à la carrure du type.
« Je viens chercher quelque chose pour Alastor. »
A ce nom, le type rétrécit de quelques centimètres et son visage afficha l'angoisse une fraction de seconde, avant de se faire beaucoup plus aimable.
« Oh. Bien sûr. Un instant. »
Il disparut et réapparut presque aussitôt, présentant à Husk un long colis emballé de papier bleu. Il regretta aussitôt de devoir prendre le paquet dans ses mains. Il était mou, lourd, et le papier suintait par endroit de tâches non identifiées douteuses. Husk grimaça. Le type le salua et referma la porte.
Bon. Il avait fait le plus dur. Il redescendit les marches menant vers la rue. Il avait fait le plus dur, il ne lui restait plus qu'à voler au-dessus des immeubles jusqu'à l'hôtel, très reconnaissable en haut de sa petite colline. Husk cala le paquet sous son bras, équilibrant le poids pour ne pas risquer de le perdre.
Il eut à peine le temps d'entendre un pas derrière lui qu'une douleur fulgurante lui traversa le dos, l'envoyant face contre sol.
« Sale connard ! C'était mon frère ! », cria une voix derrière lui.
Il n'eut pas le temps de se retourner qu'un deuxième coup éclata sur son épaule. Il devait faire vite. Il jeta juste un coup d’œil par-dessus son épaule et put contrer le troisième coup en envoyant son aile dans la tête de son agresseur, qui lâcha la planche qu'il tenait à bout de bras.
Husk se releva avec difficulté. Quelque chose n'allait pas du tout, son flanc droit hurlait dans sa tête, et un poids inhabituel restait accroché à son dos.
« Espèce de charogne, tu vas payer pour ça... », menaça le démon cerf devant Husk.
« Eh attends. Je n'ai rien fait du tout. Je suis juste un putain de livreur. »
« Tu bosses pour cet enfoiré en rouge, c'est pareil. J'aurais préféré qu'il vienne le chercher lui-même, mais s'il perd une de ses précieuses âmes, ce sera déjà ça de gagné. »
Bon, si le type était suffisamment en rogne pour vouloir s'en prendre à Alastor, il n'allait pas réussir à le résonner. Il fallait qu'il se casse et vite.
L'autre se jeta sur lui, mais légèrement sur sa gauche. Husk l'évita de justesse, mais comprit qu'il avait fait une erreur en lui laissant le champ libre. Le cerf attrapa quelque chose à ses côtés, et Husk perçut la pire douleur qu'il n'avait jamais ressentie dans ce corps, le projetant à nouveau au sol. Il hurla jusqu'à ne plus avoir d'air, et se mit à haleter. Incapable de bouger, il tourna la tête du mieux qu'il put pour évaluer la situation.
Le chat reconnut l'objet. Un putain de harpon était enfoncé dans son dos, juste sous ses côtes. L'autre démon tenait fermement la hampe, le maintenant au sol. Il était mal, très mal. Il fallait à tout prix qu'il trouve un moyen de se défaire de l'autre. Ses ailes ne faisaient que l'ennuyer en le frappant à la tête, mais n'étaient pas aussi blessantes qu'il l'aurait souhaité.
Une nouvelle vague de souffrance le renvoya front contre le bitume lorsqu'il sentit plusieurs objets rouler sous ses doigts. Des dés ? Comment ? Sans réfléchir plus longtemps, il jeta la poignée de petits cubes en direction de son assaillant. A la surprise des deux démons, les dés explosèrent en une multitude de petites déflagrations, blessant salement le cerf au visage et brisant du même coup la hampe du harpon.
Sans se faire prier, Husk attrapa le colis et s'envola vers le toit le plus proche, s'écroulant brutalement sur sa surface. Chaque coup d'aile semblait enfoncer plus profondément la pointe dans son flanc. Seul, il lui était impossible de retirer le harpon. Mais il ne savait pas s'il parviendrait jusqu'à l'hôtel pour demander de l'aide.
Il appela Alastor dans sa tête, comme il l'avait fait la veille. Avec un peu de chance, celui-ci viendrait à sa rencontre. Les minutes passèrent, et personne n'apparut.
Il observa un instant la luminosité écarlate de la journée qui s'oxydait progressivement. Une goutte de sueur lui coula le long des tempes. Allez. Tu peux le faire, s'encouragea t-il. Haletant, il prit le colis entre ses deux bras, il lui semblait maintenant peser une tonne. Il ouvrit ses ailes et gémit sous la douleur, mais parvint à décoller.
Son unique chance résidait dans le fait que le chemin était beaucoup plus rapide en volant qu'à pied. Il pouvait déjà voir au loin l’hôtel sur son monticule. Il resta concentré sur cette vision et supprima toutes les autres pensées de son esprit. Il n'avait plus qu'un but. Atteindre l'hôtel.
Les derniers mètres furent un calvaire. Son vol devint de plus en plus erratique, jusqu'à ce que ses ailes finissent par lâcher. Heureusement il avait quitté la zone résidentielle et se trouvait au raz du sol. Ses pieds ne réussirent pas à le porter et il tomba à terre, son colis toujours solidement agrippé contre lui.
La grille qui marquait l'entrée de l'hôtel était là, juste devant lui, pratiquement à portée de bras. Il se mit à genoux avec peine, et tenta de pousser sur ses genoux pour se redresser. Le colis refusa de bouger, l'empêchant de se lever. Il n'avait plus la force de le porter. Allez, allez !! Hurla t-il à ses muscles. Il était si près, il ne pouvait pas échouer maintenant.
Dans un ultime effort, il poussa le sol de ses pattes et s'élança en avant. Ses ailes traînèrent misérablement derrière lui. Il s'accrocha à la grille pour reprendre son souffle et appuya sur la poignée. Il ne lui restait plus qu'à monter la petite colline et la porte de l'hôtel s'ouvrirait, il pourrait s'étendre sur le sofa devant la cheminée, laisser ce foutu colis en vrac dans l'entrée.
Mais pour le moment cette petite pente aurait pu être l'Himalaya. Il fit quelques pas, maintenu debout uniquement par l'équilibre entre le colis devant lui et ses ailes au sol derrière. Sa vision rétrécit lentement. Il suffoquait. La douleur continuait d'augmenter. Il n'arrivait plus à penser.
A mi-chemin de la pente, il trébucha. Son paquet tomba au sol, il n'eut pas la force de s'arrêter pour le ramasser. Il continua encore trois pas et trébucha à nouveau. Cette fois-ci il tomba brutalement dans la poussière. Il contempla le sol quelques secondes, et tout devint noir autour de lui.
**
Angel détestait cette saleté de pente. Après une journée de travail, alors que ses jambes fonctionnaient à peine, se faire déposer par un taxi devant cette grille était la cerise sur sa journée de merde. Il claqua la porte de la voiture et se reprit. Un dernier effort et il pourrait boire un verre bien mérité. Il regarda son téléphone. Minuit moins le quart. Husk allait rechigner à lui servir un verre si près de l'heure de fermeture, mais il le ferait quand même. Angel sourit à cette idée.
Il montait en traînant des pieds, le nez sur son fil Voxagram, lorsqu'une forme étrange à ses pieds le stoppa. Une chose emballée dans du papier était posée là, au milieu du chemin. L'acteur releva la tête et regarda autour de lui. Une large forme sombre se trouvait à quelques pas.
« Qu'est-ce que... ? »
Angel s'approcha et son cœur manqua un battement. Au milieu du chemin, face contre sol, se trouvait Husk, inconscient. Angel l'appela, s'agenouilla à ses côtés, secoua ses épaules. Aucune réaction. Ce fut à ce moment qu'il remarqua la lance brisée qui sortait de son dos et pendait sur son côté droit. L'acteur ne put retenir un cri. Faites que ce ne soit pas une lame angélique, merde merde merde.
Il se baissa, collant son oreille entre les ailes du chat, et écouta. Il respirait. Angel soupira, rassuré. Il n'allait pas mourir. En tout cas pas définitivement.
Pendant ce temps-là, Husk avait fini par ouvrir les yeux. Angel perçut un mouvement.
« Oh bon sang Husk... ne bouge pas, je vais t'aider. »
Husk aurait normalement rétorqué qu'il ne pouvait de toute façon pas bouger, qu'il le veuille ou non, mais il n'en eut pas la force. Sa bouche entrouverte charriait à peine l'oxygène nécessaire à sa survie, et il sentait sa salive s'échapper sur le trottoir.
« Harpon... », parvint-il à articuler. « Mal... »
« Si je tire, je vais faire de gros dégâts. », réfléchit l'araignée à voix haute. « Ce genre de pointe est fait pour retenir les chairs. Sinon je peux pousser, transpercer et le retirer par l'autre côté. »
« Tire. » fut la seule réponse qu'il obtint.
Angel plaça sa première paire de main sur le dos du chat, sans toucher ses ailes, afin de le maintenir en place, pendant que la deuxième attrapait la hampe brisée le plus près possible de la base.
« Ça ne va pas être une partie de plaisir. », prévint Angel.
Pour seule réponse, Husk gémit. Il tira d'un coup sec, en y mettant toute sa force, et le harpon se décrocha, déclenchant un hurlement déchirant du chat.
« C'est bon, c'est bon, c'est fini. », gémit Angel en caressant le démon entre ses ailes pour le calmer, touché par sa peine.
La plaie, horrible et béante, saignait maintenant abondamment. De ses deux mains libres, Angel attrapa le foulard qu'il portait autour du cou et l'enroula autour du barman. Il était trop fin pour couvrir grand chose, mais c'était mieux que rien.
« Allez Chaton, on rentre. »
L'acteur replia les ailes du chat avec soin et il fit tourner son corps vers lui de façon à pouvoir placer ses bras sous les épaules et les genoux du démon. Husk ne dit rien. Ses yeux mi-clos étaient remplis de larmes et ses mâchoires serrées. Angel sentit son cœur se serrer à cette vue. Il devait accélérer.
« Tu es beaucoup plus lourd que tu en as l'air ! », plaisanta-t-il pour détendre l'atmosphère.
Husk émit juste un petit bruit pathétique. Fait chier, pensa Angel. Il devait stopper hémorragie rapidement, ou il allait lui claquer entre les pattes. Et si ce n'était pas définitif, cela ne voulait pas dire que la régénération allait être plaisante pour autant.
« Je peux marcher... », réussit à prononcer le blessé.
« Ah! J'aimerai bien voir ça. »
Husk ne protesta pas. Angel avança lentement jusqu'à l'entrée, poussa la poignée avec sa troisième paire de bras. Devant lui, l'escalier le narguait. Mais pas de quoi décourager l'araignée.
« Ta chambre, elle est ouverte ? », demanda l'acteur, essoufflé.
« Oui. »
Angel comprit pourquoi en entrant : il n'y avait absolument rien à voler. Il posa le démon sur le lit, sur le côté de façon à pouvoir s'occuper plus facilement de la blessure. Il annonça à Husk qu'il allait chercher de quoi faire un pansement, et sortit de la chambre à grandes enjambées.
Quelques minutes plus tard, l'araignée réapparut avec différents objets dans les mains. Il posa tout sur le lit.
« Bon, à part stopper l'hémorragie, je ne sais pas trop quoi faire. De toute façon ton corps aura vite fait de se régénérer si rien de vital n'est touché. »
Husk le regarda. C'était le seul signe qu'il avait compris ce que l'autre venait de dire.
« Je vais faire un pansement, d'accord ? »
« Hum. »
Heureusement Husk portait juste son pantalon à bretelle habituel, cela lui évitait d'avoir à le déshabiller.
« C'est ta première grosse blessure en enfer ? Ne t'inquiète pas, dans deux jours la plaie sera refermée. Et dans une semaine on ne verra même plus la cicatrice. »
Tout en parlant, à moitié pour calmer Husk et pour lui même, il manipulait la gaze. Il fit un épais carré qu'il colla sur la blessure, pour attrapa les bandages qu'il commença à enrouler autour de la taille du chat pour maintenir le pansement.
Husk sentit à peine les mains de l'araignée passer sous lui. Angel faisait vraiment le maximum pour éviter le contact, et pour ça il lui en était reconnaissant. Ou peut-être était-il juste à moitié conscient de ce qu'il se passait autour de lui.
« Voilà, c'est fini ! », annonça Angel.
Son patient s'était endormi. Il vérifia tout de même sa respiration, peu rassuré à l'idée que son cœur puisse s'être arrêté. Il soupira de soulagement en entendant les battements réguliers puis regarda ses mains, et sa tenue. Il était couvert de sang.
Angel posa le reste des bandages sur la table de nuit, retourna à sa chambre prendre une douche et enfiler un pyjama confortable, avant de retourner voir le chat, une batterie d'anti-douleurs dans les poches. Il ne se sentait pas de le laisser dormir seul. Et s'il se réveillait en pleine nuit ?
L'acteur entra dans la chambre avec un poil d'hésitation. Il prépara un verre d'eau sur la table de chevet, s’assit sur le lit et prit à nouveau le pouls du félin. Tout semblait normal. Husk était recroquevillé sur son flanc sur un bord du lit, ensanglanté. Angel posa un drap et une couverture sur lui. Tant pis, il s'excuserai auprès de Niffty plus tard pour les taches.
L'araignée fit le tour du lit et s'allongea sur le côté libre. Husk lui faisait face. Il avait encore les sourcils froncés par la douleur mais sa respiration était régulière et calme. Angel lui-même était épuisé, près à s'endormir. Et il travaillait le lendemain matin. Pffff, pourquoi n'avait-il pas été réveiller Charlie ou Alastor pour qu'ils s'occupent de lui ?
Au fond de lui, Angel n'était pas vraiment dérangé à l'idée de s'occuper de Husk. Il avait juste envie de râler par principe. Il n'était pas le genre de type à jouer les infirmières.
En fait, il aurait carrément préféré que les rôles soient inversés. Il imaginait bien faire semblant de se tordre la cheville et tomber dans les bras du chat, qui malgré son apparente mauvaise humeur ne le laisserait pas s'écraser au sol. Il le porterai ensuite délicatement jusqu'à une chaise, et s'agenouillerai pour masser sa cheville douloureuse.
Eh. Angel adorait imaginer ce genre de scénario débile pour s'endormir. En temps normal, il visualisait un type qu'il avait croisé au boulot, ou bien même parfois l'inconnu n'avait pas de visage. Mais ces derniers temps, il aimait bien mettre la tête de Husk dans le rôle du héros. C'était un peu stupide vu le peu d'attirance que le chat lui montrait, mais c'était peut être ça aussi qui lui plaisait. Oui, c'était sûrement juste ça.
**
Husk se réveilla. La douleur était redevenue supportable. Mais un bruit étrange et régulier tout près de lui l'inquiéta. Il entrouvrit les yeux et distingua une forme rose pâle. Il referma les yeux, les rouvrit à nouveau. Il distingua Angel dans un pyjama large, la bouche entrouverte, ronflant doucement. Husk regarda autour de lui. Ils étaient dans sa chambre, sur son lit. C'est vrai, l'araignée l'avait aidé hier soir. Hier soir.
« Angel ! Angel, le paquet, il est où ? » , demanda-t-il avec un début de panique.
« Mmmmh... Quoi ? »
« Hier soir, est-ce que j'avais un paquet avec moi ? »
« Oui mais... je l'ai laissé dehors. »
Merde. Pourvu qu'il soit encore là. Husk voulut se lever mais une vague de douleur le renvoya sur le matelas.
« Eh ! »
« Alastor va me tuer. Il me faut cette saloperie de paquet. »
« D'accord, d'accord, ne bouge pas. J'y vais. »
Husk essaya une autre approche pour lever son corps, mais Angel posa sa main sur son épaule et le repoussa dans le matelas.
« Ne. Bouge. Pas. J'y vais »
Husk grogna mais resta immobile. Angel se leva en traînant des pieds. Le chat eut envie de lui hurler d'accélérer le pas. Pourtant, quelques minutes plus tard, il réapparu avec le colis dans ses bras. Intact en apparence.
« Beurk, honnêtement, je ne veux pas savoir ce qu'il y a dedans. »
« Moi non plus, je te rassure. »
Angel posa le colis sur la commode nue de toute décoration. Puis il s'approcha du chat.
« Je peux regarder ? », demanda-t-il en désignant le pansement rougit.
Husk haussa les épaules. Puis se retint de grimacer lorsque l'acteur souleva la gaze, tirant autant sur les chairs que sur ses poils collés par le sang.
« C'est mieux. », déclara Angel. « Ce sera bien refermé d'ici ce soir. »
« Merci. », lui dit simplement Husk.
Angel hocha la tête.
« Je descends manger un bout. Je te prends quelque chose ? »
« Non. Pas faim. Mais... tu pourrais placer le paquet sur le bar ? Ou dans le frigo ? Qu'Alastor le trouve. »
« Vaggie va péter un plomb si elle trouve les horreurs d'Alastor dans son frigo. Remarque, j'adorerai voir ça. »
Angel prit le paquet, s'approcha de la porte.
« Verre d'eau et paracétamol sur la table de nuit. »
« Dac. »
Et l'araignée disparut. Husk retomba aussitôt dans le sommeil.
**
Husk se réveilla en milieu de journée, hagard et endolori. Il réussit, non sans mal, à se retourner pour attraper le verre d'eau et deux pilules blanches. Sa blessure le brûlait et le lançait, il avait l'impression que tout son flanc droit était en feu. Il pria pour que les médicaments agissent rapidement, car il lui était impossible de se rendormir avec une telle sensation dans le corps.
Lentement, péniblement, il se mit en position assise. A côté de son lit, posé sur la seule chaise de la chambre, un plateau l'attendait avec un assortiment de nourritures en tout genre, ainsi qu'une bouteille de whisky. Dieu merci. Et un mot, coincé sous un bol rempli de céréales multicolores en forme de pénis. Angel.
Parti au travail. Manges un peu. Bye. Angel. La signature était assortie d'un petit cœur.
Husk posa sa tête dans sa patte et grommela. Il n'avait pas prévu d'utiliser l'araignée comme aide-soignant. C'était peut-être même la dernière personne qu'il aurait choisi de tout ce putain d'hôtel. Non, c'était faux. Alastor aurait été bien pire.
Il se sentit un peu ingrat à cette pensée. Déjà la veille, il se sentait coupable d'avoir blessé l'acteur. Maintenant, il lui imposait en plus, involontairement, de s'occuper de lui. Et à aucun moment il n'avait agi de façon déplacée. Enfin pour ce que Husk en avait vu.
Il baissa les yeux. Angel n'en avait même pas profité pour lui retirer son pantalon. Il aurait pourtant pu prendre l'excuse de le mettre au lit, ou que sais-je. Finalement, l'acteur remontait dans son estime.
Au bout d'une demi-heure, les anti-douleurs commencèrent à faire effet. Il en profita pour boire, puis avaler un morceau de pain, une tranche de bacon et un espèce de fromage industriel produit à partir d'il ne savait quelle bête. Une vache infernale peut-être ? Il faudrait qu'il enquête sur la question à l'occasion.
Il profita de ce moment de répit pour se rendormir. Il n'était de toute façon pas en état de tenir debout. Il espéra juste qu'Alastor avait pu récupérer le paquet. Et qu'il ne vienne pas le tirer du lit pour le jeter derrière le bar.
**
« Husk ? »
Le chat était perdu dans ses pensées, seulement à moitié éveillé, il n'avait pas entendu la porte s'ouvrir.
« Hum. », répondit-il en levant un peu une patte pour montrer qu'il était conscient.
Angel entra et referma la porte derrière lui.
« Comme tu te sens ? »
« Comme si je m'étais fait rouler dessus par un 33 tonnes. »
« Oh, tu plaisantes, c'est bon signe. »
Husk grommela. Il entendit l'araignée s'approcher.
« Tu as mangé un peu, c'est bien. »
Il prit le plateau et la bouteille entièrement vide, il ne fit aucun commentaire, les déposa sur la commode, puis s'assit sur la chaise.
« Je jette un œil ? »
« Hum. »
L'acteur se pencha sur lui, souleva le pansement comme il l'avait fait le matin même, et hocha la tête, satisfait.
« Et la douleur ? »
« Passable. »
« Menteur. »
« Tu as vu la tête de ce trou ? Évidemment que ça fait un mal de chien ! »
Angel rit. Il compta les cachets restant sur la table de nuit.
« A quelle heure tu en as pris la dernière fois ? »
« À 22 heures, infirmière. »
« Parfait. »
Angel recula contre le dossier de la chaise.
« Par contre, il faut faire quelque chose pour tout ce sang, tu commences à sentir comme un vieux tampon usagé. »
« Rah, je sais ! », s'exclama Husk en cachant son visage dans une patte.
« Ça fait 2 heures que j'essaye de me motiver à aller jusqu'à la salle de bain. »
« Navré de te dire que c'est un échec. »
« Pfff. »
« Allez, je t'aide. »
Angel se leva et emmena la chaise dans la salle de bain. Il revint les bras croisés sur sa poitrine, les sourcils froncés.
« Ne me dit pas que tu utilises un vulgaire pain de savon pour te laver. »
« Quoi ? Si... Quoi d'autre ? »
« Du shampoing pour fourrure, enfin ! Allô Husk, ici les enfers, vous avez un pelage. Je sais que tu cultives le côté chat de gouttière mal dégrossi, mais faut pas abuser. Et je ne vais jamais réussir à retirer tout ça (il désigna la zone ensanglantée sur Husk) avec du savon. Je reviens. »
Il partit en claquant la porte. Husk soupira. Puis il commença à angoisser. S'il l'aidait à se laver, il allait devoir retirer ses vêtements. C'était une peur un peu idiote, on n'est jamais vraiment nu quand on est couvert de poils.
Mais il repensa à cette stupide délimitation entre sa fourrure noire et blanche sur son derrière. En forme de cœur. Il avait tellement honte. L'acteur allait forcément se moquer ou faire une remarque vulgaire. Et il n'avait rien entre les jambes. Enfin rien de visible.
Dans un sens, cela lui évitait d'avoir à se cacher. Mais Angel voyait des pénis toute la journée, il allait forcément lui dire quelque chose à ce sujet. Ses pensées se battirent un moment, entre sa honte et sa honte de sa honte, jusqu'à ce que la porte s'ouvre à nouveau.
« J'en ai une bouteille d'avance, je te la laisse. Mais je t'en supplie, arrête d'utiliser ce foutu savon pour autre chose que te laver les griffes. »
« D'accord. », acquiesça Husk, plus pour le faire taire qu'autre chose.
Angel souffla. Il voyait que quelque chose n'allait pas.
« Tu es prêt ? », demanda-t-il avec un ton adouci.
« Hum hum. »
Husk s'assit sur le lit, grimaçant malgré les anti-douleurs. Il fit basculer ses jambes en dehors du lit et s'arrêta, déjà hors d'haleine. L'araignée s'approcha, se baissa pour que le chat puisse passer son bras autour de ses épaules.
Une fois bien accroché à Angel, ce dernier vint poser son bras autour de lui, en prenant bien garde à ne pas s'approcher de la blessure ni à toucher ses ailes.
Husk se leva et sentit tout son sang descendre vers ses jambes. La tête lui tourna atrocement. Mais Angel ne flancha pas. Il le soutint fermement jusqu'à ce que le vertige passe.
« Mieux ? »
« Je... Oui c'est bon. »
« Alors à la douche. A ton rythme. »
A son rythme. Husk se sentait tellement diminué, impuissant. Il aurait peut-être mieux fait de rester dans sa crasse, ce n'était pas si grave après tout. Mais l'odeur métallique et aigre torturait déjà son sensible nez de chat depuis des heures, il ne supporterait pas de passer encore une nuit dans cet état.
Angel l'emmena jusqu'à la chaise, qu'il avait placée au milieu de la douche, heureusement assez large. Husk se laissa tomber dessus le plus délicatement possible, pour ne pas rouvrir la plaie. Il était déjà épuisé. Des gouttes de sueur se formaient sur son front.
« Ça va ? », demanda l'acteur, inquiet.
« Hmpf... »
Angel hésita, puis désigna du doigt le pantalon noir maculé de sang. « Je... Il faut... »
« Oui, oui, je sais. », répondit Husk en prenant un air râleur pour couvrir son malaise.
Il fit glisser ses bretelles sur les côtés, et descendit sa braguette. Et... il n'eut pas la force de se soulever pour faire passer le pantalon sous lui. Angel vint à la rescousse et attrapa le vêtement à la ceinture, avant de tirer. Évidemment, sa stupide queue de chat ne simplifia pas l'opération. Mais au bout d'un moment, l'araignée jeta l'habit sur le côté.
« Je t'aurais bien proposé de le brûler, mais je ne t'ai jamais vu avec rien d'autre. »
« Hum. Pas vraiment fan de shopping. », confirma Husk.
Angel rit et se tourna à nouveau vers lui. Il lui restait encore son boxer. Son ultime rempart. L'acteur l'interrogea du regard, attendant sa permission. Le chat hocha la tête, mais ses oreilles étaient plus que basses. Foutu pour foutu.
Il sentit les deux mains fines de l'araignée passer contre ses hanches pour attraper l'élastique du sous-vêtement. Leur deux visages n'était plus qu'à quelques centimètres. Angel continuait de le regarder. Pas de façon lubrique, ni moqueuse. Il voulait être sûr que Husk ne change pas d'avis. Celui-ci sentit une forte chaleur envahir son visage. Il tourna son regard.
L'élastique descendit le long de ses hanches, puis bloqua. Husk remua pour tenter de le faire passer sous lui, mais sa queue, passée à travers un trou dans le vêtement, gênait.
Il commença à paniquer, mais sentit aussitôt deux autres mains se poser sur les siennes, et les guider autour du cou d'Angel. Il s'accrocha et l'acteur put le soulever de quelques centimètres sans trop de difficulté.
Il continua à s'accrocher même après avoir senti l'élastique descendre jusqu'à mi-cuisse. Dans cette position, sa tête posée juste sous celle de l'acteur, Angel ne pouvait pas le regarder. Il ne pouvait pas voir son corps, dégoûtant et grotesque.
Angel ne dit rien. Il attendit patiemment. Une de ses mains vint se placer sur le dos du chat, sans bouger, juste une présence chaude et rassurante. Au bout d'un moment, Husk décolla sa tête des clavicules de l'araignée.
« Pardon. » s'excusa t-il.
Angel se plaça à hauteur de son regard.
« Ça va. Ça va aller. », affirma t-il.
Il se retourna pour attraper la bouteille de shampoing restée sur le bord de l'évier. Husk voulut en profiter pour se tourner sur la chaise et cacher ses attributs sous prétexte de mettre la plaie en avant, mais il échoua lamentablement.
Angel saisit le pommeau de douche et commença à faire couler l'eau pour régler la température. Après avoir fait validé la chaleur par Husk, il commença par faire couler l'eau sur ses pieds et remonta progressivement. Lorsqu'elle arriva au niveau de sa plaie, il ne put retenir un feulement bruyant qui les surprit tous les deux. Husk jeta ses deux pattes sur sa bouche.
« Merde. Pardon. »
« Tout va bien. Ça m'a juste surpris. C'était un peu sexy. », ajouta Angel avec un petit rire.
Husk n'avait pas envie de rire du tout. Il luttait plutôt pour ne pas exploser en sanglots. Sa tête lui semblait sur le point d'éclater. Il ferma les yeux et sentit les larmes se former au coin de ses paupières. Merde merde merde.
D'un coup, il se saisit du pommeau dans les mains d'Angel et passa sa tête en dessous. Il halèta. Mais le changement brutal d'état le ramena à la réalité. Il se sentit un peu mieux. Juste un peu.
« J'avais chaud. », expliqua-t-il en lâchant le pommeau.
L'araignée choisit d'en rire. « C'est généralement l'effet que je provoque. »
« Ferme-là. », conclut-il sans colère. Puis il ajouta :
« Tu vas être trempé. »
« Je passe la journée couvert de fluides, c'est pas un peu d'eau qui va me faire peur. »
Cette fois-ci, Husk leva franchement les yeux au ciel. L'araignée sourit et profita de ce petit moment de distraction pour faire redescendre le jet doux au-dessus de la plaie. Le pelage se gonfla d'une eau qui ressortit rougit. Le fond de la douche se colora progressivement en une teinte grenadine.
Le contact du liquide chaud réactiva la douleur et Husk soupira. Malgré la sensation désagréable, il commençait à se détendre un peu. Angel continua à arroser ses épaules, et versa le shampoing dans l'une de ses nombreuses mains.
« Je commence par le haut du dos. On garde les ailes pour plus tard, sinon j'en ai pour la nuit. », annonça t-il.
« ... »
« Husk. Je peux ? »
Le chat regarda du côté opposé. « Hum hum. »
Le contact des mains sur ses épaules, mêlé à la sensation de l'eau et du shampoing était étrange, inconnue. Il pouvait sentir son cerveau lutter pour traiter la multitude d'informations qui lui arrivaient.
Angel remonta jusqu'à la base de sa nuque. Ses doigts pénétrèrent sous le pelage jusqu'à trouver sa peau, pendant que ses pouces massaient les muscles tendus.
Husk se pencha un peu en avant, pas pour s'éloigner des mains de l'acteur, mais pour leur laisser un meilleur accès. Ses ailes basculèrent vers le fond de la cabine. Il se laissa aller à la sensation. C'était agréable. Non, c'était bien plus que ça. En vérité, il n'avait rien ressenti d'aussi satisfaisant depuis des années.
Un bourdonnement sourd monta du fond de sa gorge. Le son, atténué par le bruit de l'eau, le laissa quelques instants rêveur, avant qu'il ne se rende compte qu'il ronronnait. D'un coup, il se redressa et se secoua sur sa chaise, déclenchant une nouvelle vague de douleurs en provenance de son dos.
Angel recula un peu. « Eh ! Je t'ai fait mal ? »
« N... Non. J'ai juste cru entendre quelque chose. C'est rien. »
« Quoi, tu t'es fait peur avec ton propre ronronnement ? »
« Tu l'as entendu ? », demanda Husk, inquiet et les oreilles plaquées en arrière.
« Oui... C'est pas grave, tu sais. Je veux dire, y'a pas de quoi avoir honte. »
« Oh non mais tu plaisantes ? C'est pathétique. Vraiment, de tous les trucs humiliants possibles... »
De frustration, sa queue commença instinctivement à battre le sol, faisant gicler de l'eau autour de lui.
« Stop ! Stop ! Non mais tu veux vraiment que je finisse dans le même état que toi ? »
La chat grimaça et se concentra pour stopper le mouvement. « Désolé. »
« Écoute, Husk, je comprends que tu n'aimes pas ton nouveau corps. Mais jusque là, tu t'es concentré uniquement sur le négatif. Il doit bien y avoir des choses qui sont mieux qu'avant, non ? »
Husk se laissa retomber en avant, posa ses coudes sur ses cuisses. Angel reprit doucement le nettoyage du chat.
« Par exemple, il me semble que lorsque je fais ça (il passa sa main le long des cervicales, dans le sens du poil), tu apprécies. Non ? »
« Hmpf. »
« C'est bien ce qui me semblait. Pour le moment, concentre-toi là-dessus. Et n'essaie pas d'arrêter ton ronronnement. Profite juste. »
Husk prit une grande inspiration. Il se focalisa sur la sensation. La chaleur de l'eau. La pression ferme sur ses trapèzes qui dénouaient les nœuds coincés là depuis trop longtemps. Les mains qui passaient dans sa fourrure, milles fois plus douces que n'importe quelle caresse ressentie de son vivant.
Angel remonta l'arrière de sa tête. Il frotta un moment à l'aide du shampoing, puis gratta juste un peu à l'arrière de ses oreilles. Husk ne put retenir un gémissement.
« C'est bon ! Je peux le faire ! », s'exclama-t-il, un peu paniqué par la chaleur qui commençait à se former dans son ventre.
« J'ai fini. Je passe à la plaie. Je voulais juste te détendre un peu avant d'attaquer le pas drôle du tout. »
L'eau ruissela à nouveau sur les chairs meurtries, et en effet, Husk regretta aussitôt le bien-être disparu. Il aspira l'air entre ses mâchoires serrées.
Angel entreprit de retirer le sang coagulé qui collait à ses poils par des mouvements circulaires et doux. Il évita la plaie au maximum. Bientôt le pelage reprit sa couleur habituelle.
Après un moment de tourment, il passa à l'autre côté du dos resté intact. Le chat souffla.
« Merci. »
« Je te laisse finir ? »
« Oui, ça va aller. »
« Appelle-moi. Je suis juste derrière la porte. »
L'acteur laissa une serviette à portée du chat, et en prit une pour lui-même. Il quitta la salle de bain.
Husk finit sa toilette, puis resta un moment à faire couler l'eau sur son visage, les yeux fermés, à tenter d'effacer tout ce qui venait de se passer.
Au moins Angel n'avait fait aucune remarque sur son physique. Il avait presque envie de le remercier pour ça.
Il continua à se frotter un moment avec la serviette. Il se sentait mieux. Peut-être pouvait-il retourner jusqu'à son lit sans aide ?
Il poussa sur ses jambes et se raccrocha aussitôt au rebord de l'évier. Tout tournait autour de lui. Il posa sa tête sur le miroir. La porcelaine devint son radeau au milieu d'un océan agité. Il ferma les yeux.
De l'autre côté, Angel avait perçu du bruit. « Husk ? Je rentre. »
« Dac. »
La porte s'ouvrit et l'acteur se précipita vers lui.
« Tu étais censé m'attendre. »
« J'avais l'impression que c'était sous contrôle. »
« T'as pratiquement plus une goutte de sang dans le corps. On se régénère vite, mais pas à ce point. »
Il attrapa le bras du chat et le fit passer autour de son cou. Husk accrocha la serviette enroulée autour de sa taille avec sa patte libre. Ils marchèrent doucement jusqu'au lit.
Une fois installés, Husk allongé et Angel assis sur le bord du lit, ils soupirèrent à l'unisson. Le chat remarqua la boule de linge dans un coin de la chambre.
« Tu as changé les draps ? », dit-il en regardant sa literie.
« Avec l'effort qu'on vient de mettre à te laver, je n'allais pas te laisser te rouler dans des draps sales. »
Husk eut un sourire triste, un peu défait. Quelques secondes passèrent.
« Je n'ai plus d'arthrose. », annonça le chat.
Angel le regarda avec un mélange d'intérêt et d'incompréhension.
« Tu m'as demandé de chercher les points positifs de ce corps. Et bien, je n'ai plus d'arthrose. »
« Ouah, tu es vieux. »
Husk eut un petit rire. « Je suis né en 1902. Donc oui, j'imagine. »
« 1912 ! », répondit Angel en se montrant du doigt. « Le jour où le Titanic a coulé. »
Les sourcils du chat se levèrent « Vraiment ? »
« Vraiment ! »
Ils rirent. Puis Angel partit chercher de quoi manger. Et de l'alcool, la seule requête du chat. Ils grignotèrent ensemble, plutôt silencieusement, et Husk le chassa. Il était déjà tard, il lui avait suffisamment volé d'heures de sommeil.
Angel fit un petit signe de la main et lui souhaita bonne nuit. Husk lui rendit son salut en souriant. Il avait envie d'afficher un visage plus fermé, plus grincheux face à l'araignée, mais il n'y arrivait pas vraiment.
Chapter 7: Chapitre 7
Notes:
Ce chapitre devait être plus long à l'origine, mais je l'ai finalement coupé en deux pour ne pas publier en retard. La suite des épreuves samedi prochain !
Chapter Text
Husk se réveilla sans douleur. Il tâta son flanc. Il ne sentait quasiment plus rien.
Il resta un moment allongé sur le dos, à repenser aux événements de la veille. Il n'était pas du genre à devoir demander de l'aide.
Même dans sa vie sur Terre, il s'était rarement retrouvé dans une situation aussi vulnérable. D'accord, il s'était pris quelques balles pendant la guerre, mais il avait toujours réussi à rejoindre l'infirmerie par ses propres moyens.
Et il imaginait maintenant Angel en train de le porter jusqu'à son lit. Il ne put s'empêcher de pouffer. L'image lui semblait tellement ridicule. L'autre était tellement mince qu'il semblait toujours sur le point de casser. Où avait-il trouvé la force de le soulever ?
Le chat se frotta le visage pour chasser ses pensées. Il fit passer ses jambes hors du lit et s'assit.
Il était tôt. Trop tôt. Il s'habilla et descendit dans le hall, passa derrière le bar et chercha tout en bas des étagères, là où il gardait ses bouteilles préférées.
Il évita de justesse la crise cardiaque en se relevant. Alastor était assis au bar, les jambes croisées, à pianoter sur le zinc, serein en apparence.
« Bonjour Husk. »
« Hmph. Salut. »
« Je ne t'ai pas vu hier, je suis curieux de savoir où tu étais. »
« Avant tout, est-ce que tu as trouvé le paquet ? »
« Oui, je te remercie. »
« Tu peux surtout remercier Angel Dust. Sans lui pas de paquet, et tu perdais un employé. »
Le démon pencha sa tête sur le côté. « Vraiment ? Qui donc ? »
« Moi ! Moi, Alastor ! Une mission simple vraiment ? A peine sortie de l'adresse, je me suis fait harponner, littéralement ! »
« Ooohh tu m'en vois navré. Mais je ne vois vraiment pas le rapport avec notre cher Angel. C'est lui qui t'a harponné ? »
« Quoi ? Non ! C'est lui qui m'a sauvé, et ton paquet en passant, d'une mort par hémorragie sur les marches de l'hôtel. Et c'est pas faute de t'avoir appelé. »
« Je te l'ai déjà dit, ça ne fonctionne pas comme ça. »
Husk souffla par le nez et jeta deux verres sur le comptoir, avant de les remplir.
« Un peu tôt pour boire, tu ne crois pas ? », demanda le démon.
« Jamais trop tôt. », répondit Husk en vidant son verre cul-sec.
Alastor haussa les épaules et prit une gorgée du sien.
« Le type qui m'a agressé. Il a dit quelque chose sur toi. Comme quoi tu avais tué son frère. »
« Ce sont des choses qui arrivent. Mais je t'assure que je n'avais aucune idée de l'existence d'un frère. »
Alastor fit une pause. Puis demanda :
« A quoi ressemblait ce frère ? »
Husk hésita. « Un démon-cerf. »
Alastor but une deuxième gorgée. Il avait l'air satisfait. « Hum. »
Husk grimaça. « Donc, je n'étais pas vraiment en état de venir travailler hier. »
« Mais te voilà comme neuf, c'est le principal ! Ah Ah ! »
Putain de sociopathe. Husk se resservit un verre de rage. Erf. Il aurait peut-être dû manger quelque chose avant. Tant pis.
« Bon, je te rassure, pas de mission aujourd'hui ! Tu vas pouvoir cuver à ta guise. »
Alastor était sur le point de partir lorsque des bruits de pas se firent entendre en haut des marches. Déjà, Charlie leur faisait un signe de la main, énergique dans son pyjama rouge rappelant son costume habituel.
« Husk, Alastor ! Ça fait plaisir de vous voir si tôt ! Bien dormi ? »
Les deux démons répondirent poliment, Alastor toujours prêt à se montrer plaisant avec la jeune blonde. Passé les discussions d'usage, Charlie s'accrocha au comptoir comme pour contenir son excitation.
« Vous ne devinerez jamais quoi. J'ai appelé mon père, merci Husk pour le conseil d'ailleurs, et il m'a obtenu une audience avec le paradis ! Iiiiiiih !! Vaggie et moi partons cet après-midi, ils vont ouvrir un portail spécialement pour nous. »
Les yeux de la jeune femme brillèrent d'un éclat sans pareil à cette idée.
« Vraiment ? » demanda Alastor avec une méfiance à peine contenue. « C'est formidable, Charlie ! »
« Ouiiiiii, nous allons enfin avoir des réponses. Oh bon sang, j'ai hâte ! Je vais préparer ma valise ! A plus tard, bye ! »
Et elle disparut aussi vite qu'elle était arrivée. Alastor se tourna vers le chat.
« Hum... Eh bien, je te souhaite également une bonne journée mon ami. J'ai du pain sur la planche. »
Et il disparut dans une flaque d'encre noire apparue au sol. Husk fit le tour du bar pour mieux voir. Il ne restait pas une trace sur le dallage.
**
En milieu d'après-midi, un portail s'ouvrit au milieu du lobby, comme Charlie l'avait prédit. La fille du diable et sa compagne passèrent la porte, l'une surexcitée, l'autre clairement pas.
Vaggie se méfiait des anges, Charlie l'avait déjà souligné. Mais elle était pourtant du genre à soutenir sa moitié dans tout ce qu'elle entreprenait. Et ce voyage était clairement une énorme avancée dans leur projet commun. Alors pourquoi avait-elle l'air si mal à l'aise ?
Husk eut la réponse quelques heures plus tard lorsque le même portail se rouvrit. Le chat était au première loge derrière son bar pour observer la scène.
Charlie passa d'abord le seuil, d'un pas vif et le visage défait. Derrière elle, Vaggie suivit, implorant la blonde de bien vouloir l'écouter. Charlie refusa, déclara qu'elle avait besoin d'être seule, et grimpa les escaliers quatre à quatre.
Vaggie resta dans le lobby, les bras pendants le long du corps, abattue. Au bout d'un moment, ne la voyant pas bouger, Husk l'interpella.
« Besoin d'un verre ? »
Vaggie se retourna, presque étonnée de le trouver là. Elle approcha et se laissa tomber sur l'un des tabourets hauts.
« Hum. »
Oh, elle n'allait pas lui dire ce qu'elle voulait. Mais à sa tête, Husk opta pour une vodka. Vaggie posa ses coudes sur le comptoir et laissa tomber sa tête dans ses mains.
« J'en conclus que ça ne s'est pas bien passé ? »
Vaggie eut un petit rire sans joie. Elle attrapa le verre et le bu cul sec.
« Et en plus ces bastardos ne nous ont pas donné la moindre réponse. Rien. Ils n'en savent pas plus que nous. »
Et Charlie ? Avait-il envie de demander. Mais c'était clairement un problème entre les deux femmes. Pas ses oignons.
Celui qui se fichait de savoir si c'était ses oignons ou pas, c'était bien Alastor. Il apparut sur le tabouret voisin de Vaggie, croisa ses jambes et posa son menton sur sa main accoudée au bar, bien décidé à recueillir du potin.
« Vaggie ma chère! Je viens de voir Charlie monter dans sa chambre. Elle avait l'air très perturbée. Ces anges ne vous ont pas malmenés, j'espère ? »
« Toi... C'est pas le moment ! » s'écria-t-elle en se levant. « Je vais prendre l'air. »
La grande porte de l'hôtel claqua derrière elle.
**
Charlie attendit qu'Angel rentre du travail pour tous les réunir dans la zone salon du Lobby. Sans Vaggie, qui n'était toujours pas revenue.
« Alors ? », demanda Angel, perché nonchalamment sur l'accoudoir d'un fauteuil.
Charlie soupira. « Ils n'ont pas voulu répondre à nos questions. Ils vont réfléchir à ce qu'ils peuvent faire, mais honnêtement, je ne crois pas qu'ils soient très emballés à l'idée d'accueillir des pécheurs chez eux. Je ne comprends pas. J'aurais pensé que la rédemption était une valeur tout à fait compatible avec les leurs. »
« En gros, ils ne valent pas mieux que nous. », pointa Angel en haussant les épaules. « C'était bien la peine de créer deux endroits séparés... »
Husk, avachi sur le canapé à sa gauche, hocha la tête sans énergie. Niffty se balançait sur le dossier au-dessus de lui, la conversation ne semblait pas réellement l'intéresser. Les entendait-elle seulement ?
Alastor ne perdit pas de temps pour reprendre la conversation. « Et où est donc passée cette chère Vaggie ? »
Charlie tripota nerveusement ses doigts.
« Oh. Vaggie et moi... avons eu une dispute. Je pense qu'elle devrait vous en parler. Ce n'est pas à moi de le faire. »
Alastor s'avança avec curiosité. « Oh ? Vaggie aurait-elle une annonce à nous faire ? »
« Peut-être. C'est son choix. Jusque là... »
Charlie n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une lumière dorée se manifesta au-dessus de leurs têtes. Soudain, un portail rond et lumineux s'ouvrit au plafond du lobby dans un bruit strident.
Quatre anges descendirent dans le hall par l'ouverture et vinrent surplomber en vol stationnaire la petite assemblée.
Trois d’entre eux arboraient le même costume sur une silhouette féminine. Des exorcistes, comprit Husk à leurs masques et lances argentées.
Le dernier ne portait pas d'armes. En tout cas, pas apparente. Sa robe était longue, comme celle d'un homme d'église. Son halo dégageait la même lumière dorée que le portail.
Mais tous portaient des cornes, rappelant étrangement une iconographie du diable.
« Charlie ! Je t'ai manqué, bébé ? », demanda l'ange principal d'une voix moqueuse.
Bébé ? Bon, Husk allait devoir effacer de son cerveau toutes les images qu'il avait des anges jusqu'ici.
« Adam. Que... Qu'est-ce que tu fais ici ? », demanda Charlie avec des yeux ronds comme des soucoupes.
Oh. Adam ? Quoi, comme Adam, le premier homme ? Le chat se sentait de plus en plus embrouillé. Il remarqua Angel à sa droite qui s'était redressé, les sourcils froncés. Mouais, lui non plus n'aimait pas voir ces lances d'aussi près.
« C'est ton jour de chance, Blondie », annonça l'exorciste la plus proche d'Adam. « Nous avons trouvé un moyen de t'apporter des réponses. »
« Hé ouais. », confirma Adam avec éloquence.
Charlie bondit à ces mots. « Vraiment ? Oh bon sang c'est génial, c'est fantastique! Merci ! Merci ! Ah ah ! Comment allez-vous faire ça ? »
« Par une mise en pratique directe ! Nous allons tester l'un de tes candidats, ton seul candidat en fait, dans un laboratoire prévu à cet effet ! »
Tous les regards se tournèrent vers Angel.
Celui-ci grimaça. « Euh... attendez, j'ai pas signé pour ça. Charlie, c'était pas ça notre deal. »
La jeune femme se tourna vers l'ange. « Adam, cet hôtel est déjà un laboratoire en quelque sorte. L'enfer tout entier est un laboratoire pour les pécheurs. Je peux observer les progrès d'Angel en conditions réelles et vous fournir un compte-rendu à la régularité que vous choisirez... »
Adam l'interrompit d'un mouvement du poignet. « Charlie, Charlie, voyons... Tu sais bien que tu n'es pas impartiale, poupée. Tu t'es déjà trop attaché à cette petite traînée pour être objective ! »
Husk ne put retenir un grognement sourd. Comment cet abruti osait-il les insulter de cette manière ?
Adam continua sa diatribe. « Tu veux nous refiler tes déchets et il est clair que tu vas tout faire pour qu'il réussisse le test ! Non, non, non. Ça ne va pas du tout. Ce qu'il nous faut, c'est des épreuves, adaptées à ses péchés mais que l'on puisse observer en toute neutralité. Ainsi on sera fixé. »
« Mais fixé comment ? », demanda Charlie, affolée par la tournure que prenaient les événements.
« Et bien, soit il réussit les épreuves et finit au paradis, et soyons bien clair, je ne parie pas un kopeck sur cette option, soit il réussit MAIS il reste aux enfers, et dans ce cas, et bien tu pourras changer de projet pour occuper tes longues soirées d'hiver, soit il échoue, et... pouah j'accepte de t'en débarrasser gratuitement. Et bien sûr qu'il va échouer, tu ne crois quand même pas que ces raclures peuvent changer ? Le paradis est réservé aux gagnants, je te l'ai déjà dit. C'est dans notre sang d'être meilleurs que vous. »
« Mais sur quoi sont basées ces épreuves ? Vous m'avez dit ne pas connaître clairement les règles d'accès au paradis ! »
« Erf, ce que tu peux être chiante. On a monté un truc à partir des infos disponibles, te prend pas la tête. Ce sera bien suffisant puisque je te rappelle qu'il va échouer ! »
« Charlie, c'est sans moi, je ne vais nulle part avec cet enfoiré. », déclara Angel en plaçant ses bras en croix devant lui.
« Et je ne forcerai personne à passer ces épreuves. », ajouta Charlie. « Je veux d'abord voir à quoi cela va ressembler. Inutile d'ajouter du trauma sur des gens qui ont déjà été malmenés par la vie. Adam, tu te rends compte de ce que tu demandes ? »
« Ouuuuuh ouin ouin ouin, ça veut sa place au paradis mais c'est pas foutu de faire un petit effort pour l'obtenir. Bandes de branleurs ! Mais tu sais quoi ? Je vais te rendre un grand service, Charlie. Celui-ci va passer les épreuves, que tu le veuilles ou non. »
« Quoi ??? », s'écrièrent à l'unisson Angel, Charlie et Husk. Alastor se contenta de hausser un sourcil. Niffty ne réagit pas.
Adam haussa les épaules. « Eh, j'ai pas passé au moins 30 minutes à créer ce truc pour que personne ne le teste ! En plus y'a rien à regarder à la télé ce soir, mais ça, ça devrait être amusant. »
Un nouveau portail s'ouvrit, entièrement noir et chargé d'une énergie lourde, à environ un mètre d'Angel.
« Non, non, non, non, non ! », s'écria l'acteur, se redressant d'un coup et s'éloignant du passage.
Adam fit un simple mouvement de l'index et le portail avança sur l'araignée. Vite. Trop vite. Les jambes d'Angel furent englouties dans le cadre noir. Il jeta un regard implorant vers Husk, déjà debout et prêt à bondir.
Ses ailes le poussèrent vers l'acteur, ses bras l'interceptèrent au passage. Il s'accrocha de toutes ses forces et sentit de multiples bras l'enlacer avec la même avidité. Il n'eut pas le temps de le tirer du portail. Celui-ci les engloutit tous les deux.
**
Husk sentit d'abord la chaleur qui l'entourait disparaître. Il ouvrit les yeux. Il était seul.
« Angel ? Angel ! ».
Personne ne répondit. Pire, sa voix lui parut étouffée, comme s'il avait crié dans un oreiller. Il regarda autour de lui.
Un couloir gris clair et vide. Aucune distinction, aucune délimitation entre le sol, les murs et le plafond. Pas de lumières apparentes. Pourtant il y voyait comme en plein jour.
Il posa une main sur le mur le plus proche, toqua de l'autre contre la paroi. Rien. Pas un son. Et la matière du mur elle-même lui semblait inconnue. Ni pierre, ni brique, ni bois.
A sa droite comme à sa gauche, le couloir semblait continuer indéfiniment. Il devait choisir une direction à prendre, même sans le moindre indice d'où pouvait se trouver la sortie.
Un pari. Une mise. Son oreille gauche frémit. Il prendrait cette direction.
**
Cela faisait des heures qu'il marchait. Ou peut-être cinq minutes. Comment savoir ? Le paysage n'avait pas changé d'un pouce.
En revanche, il sentait la soif, brûlante, dans sa gorge. Ses mains s'étaient remises à trembler sous l'effet du manque.
Il avait évidemment essayer d'appeler Alastor. Le démon avait beau lui assurer qu'il ne pouvait pas l'entendre, il pouvait forcément sentir s'il arrivait quelque chose à Husk, non ?
Il se demanda comment Charlie avait réagi devant leur enlèvement. S'était-elle mise en colère ? Il avait du mal à l'imaginer crier sur qui que ce soit. Et si Adam s'en était pris à elle ? Alastor se serait-il interposé, l'aurait-il aidé ?
Et Vaggie qui n'était même pas là... Il secoua la tête et effaça ces pensées de son esprit. Il ne pouvait rien faire pour eux, cela ne lui servait à rien de ressasser.
Angel en revanche... L'araignée était peut-être dans le même espace que lui, coincée derrière l'un de ces murs. Dans quel genre d'épreuve avait-il été envoyé ? Et s'il échouait, retournerait-il en enfer ? Ou serait-il purement et simplement effacé comme l'avait suggéré Adam ?
Cette idée mit Husk en colère, sans qu'il sache pourquoi. Il frappa du poing sur le mur le plus proche, dans l'espoir de trouver une faille, un défaut dans la perfection de ce couloir de néant.
Le mur ne bougea pas, mais une douleur se fit sentir à l'intérieur même de sa patte. Il ouvrit ses griffes et découvrit, posé sur son coussinet, trois dés identiques à ceux qu'il avait trouvés lors de son agression deux jours plus tôt.
Il en prit un entre ses griffes et le porta devant ses yeux. Ils semblaient faits d'un métal doré, avec de petits cœurs à la place des points traditionnels.
Husk continua à les fixer un moment, haussa les épaules et les lança aussi fort qu'il put contre l'un des murs, assez loin de lui au cas où... Ils exploseraient. Oh.
Une explosion. Très mauvaise idée dans un lieu aussi étroit. Husk se retrouva projeté sur le dos, à moitié asphyxié par la fumée. Il s'éloigna du lieu en rampant jusqu'à trouver un peu d'air pur.
Assit au sol, le dos contre un mur, il attendit. Pas un courant d'air ne passait dans le couloir. La fumée mit un temps infini à disparaître.
Lorsqu'il put distinguer l'autre côté, il s'avança. Bingo. L'explosion avait pratiqué une fente dans le mur. Pas très grande, mais il pourrait y passer en se contorsionnant.
Il s'approcha avec prudence. De l'autre côté, une salle gigantesque se présentait à ses yeux. Même gris omniprésent. Mêmes murs immaculés. Mais. Tout au fond. Une porte. C'était sa chance.
Il passa à travers la fente. Ce faisant, il constata que le mur avait l'épaisseur d'une feuille de papier. Quel genre de matière pouvait-être aussi fine et aussi solide ? Il avait frappé, griffé, pas la moindre rayure n'était apparue.
Mais les dés. Oh. C'était son pouvoir. Les dés n'étaient pas chargés avec une force physique classique, mais avec sa propre magie. Il pouvait donc interagir avec cet environnement étrange.
Enfin, à condition de réussir à les faire apparaître à nouveau. Il regarda son poing fermé et se concentra. Rien. Mais les dés semblaient réagir lorsqu'il en avait vraiment besoin. Il n'avait plus qu'à compter là-dessus.
Il se dirigea vers la porte. La salle était vraiment immense, comme le serait un entrepôt. Mais le plafond restait à une taille ordinaire, ce qui donnait au tout une impression d'écrasement désagréable.
La porte était grise, de la même matière que les murs. Husk aurait facilement pu la rater si la poignée n'était pas ressortie sur la surface plane.
Il posa sa patte sur la clenche avec appréhension. Alléluia. Elle n'était pas verrouillée.
Il passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte et jura. Un autre couloir, celui-ci remplit de portes fermées. Fait chier. Il commençait à en avoir plus qu'assez de ces petits jeux.
Il se sentait mal. Très mal. Et ce n'était pas dû à sa blessure passée, ni au manque de sang. Non, son corps réclamait son dû, sa dose.
Si une bouteille apparaissait soudainement devant lui comme par magie, il perdrait directement l'épreuve de tentation, tant pis pour Charlie.
Allez, reprends-toi. Il fallait retrouver Angel et partir d'ici. Ensuite il pourrait boire jusqu'au coma si l'envie lui en prenait.
A part les dizaines, ou probablement centaines de portes disponibles, ce couloir était identique au précédent : gris et infini.
Husk choisit encore une direction au hasard et commença à ouvrir les portes en avançant.
Pour la première, il agit avec prudence. La salle derrière était immense et vide, tout comme celle qu'il venait de quitter. Il laissa la porte ouverte, pour être sûr de pouvoir différencier celles qu'il avait déjà explorées des autres.
Pour la deuxième, troisième et quatrième, il se sentit plus confiant mais resta sur ses gardes. A l'intérieur, il trouva toujours la même chose, à savoir rien du tout.
Mais soudain il recula sur le mur opposé du couloir et observa les portes qu'il venait d'ouvrir. Chaque encadrement donnait sur un espace gigantesque, aussi bien en profondeur qu'en largeur, mais les portes ne devaient pas être espacées de plus d'un mètre. Ça n'avait aucun sens, aucune logique.
Le chat secoua la tête et continua sur sa lancée. Ce n'était pas le moment de réfléchir à la physique d'un lieu créé par un être aux pouvoirs peut-être infinis. Il prit une profonde respiration et accéléra son rythme.
Faire un pas, ouvrir, faire un pas, ouvrir, faire un pas... Au bout d'un moment il fut même suffisamment habile pour utiliser ses ailes et ouvrir les portes qui se faisaient face en même temps.
Il continua pendant si longtemps qu'il finit par tomber de sommeil en marchant. Il se réveilla plusieurs heures plus tard, le dos endolori par le sol raide. Il leva la tête. Le paysage n'avait toujours pas changé.
Il allait, de désespoir, poser son front sur le sol lorsqu'il aperçut au coin de son œil une minuscule variation. Il leva aussitôt son regard et observa le couloir.
A quelques dizaines de mètres devant lui, une porte arborait un petit détail que les autres n'avaient pas. Husk courut vers elle. A mesure qu'il se rapprochait, il distingua une petite plaque de métal collé au centre de la porte.
Une fois juste devant, il put déchiffrer les inscriptions sur la porte. « Angel Dust ». Le chat n'y réfléchit pas à deux fois et ouvrit la porte.
Chapter 8: Chapitre 8
Summary:
Angel et Husk se perdent dans les épreuves d'Adam.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Du rose envahit l'intégralité de sa vue. Il prit un moment pour comprendre ce qu'il voyait. L'endroit était aux antipodes du couloir et de toutes les pièces que Husk avait pu croiser jusqu'ici.
Les murs, le sol et même le plafond étaient couverts d'une épaisse moquette rose vif. Et partout, des objets, par centaines, souvent dans les mêmes teintes. Des tables basses, couvertes de seringues et de préservatifs. Des armes à feu peintes exposées sur les murs. Des néons. Des podiums sur lesquels dansaient des gravures de mode masculine en mini-slip et cuissardes.
Husk grimaça. Le temple du bon goût. Même pour Angel, cela semblait excessif. Mais bon, cet Adam ne lui avait pas exactement paru subtil.
Le chat voulut mettre ses mains en porte-voix pour crier lorsque une exorciste apparut devant lui et pointa sa lance en direction de son cœur.
« Oh non, je ne crois pas. Mais bravo pour être arrivé jusqu'ici. J'avais prévu que tu serais mort d'épuisement avant de retrouver ton amoureux. »
« Angel n'est pas... Peu importe, où est-il ? Qu'est-ce que vous avez fait de lui ? »
« Calme-toi, il va bien. C'est d'ailleurs le problème, cette pute refuse toutes les tentations qu'on lui propose. »
Après ces heures de recherche, la fatigue, la frustration, le manque, la rage de Husk éclata au grand jour.
« Peut-être parce que vous avez annoncé en grande pompe qu'il s'agissait d'une épreuve ! Bande de glands ! Vous nous prenez vraiment pour des abrutis !? Charlie a raison, si vous vouliez faire un test, il suffisait de l'observer de loin dans sa vie quotidienne, pourquoi monter un truc pareil ? »
« Tsss... Pourquoi ? Mais pour le fun, évidemment. », annonça l'ange en grimaçant derrière son masque. « Cette salope de Charlie croit qu'elle peut se pointer au paradis et exiger comme bon l'entend ? Elle aurait peut-être moins envie de la ramener lorsqu'on aura cassé ses jouets. »
« Vous êtes de grands malades... Vous ne valez pas mieux que nous. »
« Oh non Kitty, on vaut bien mieux que vous. Mais tu m'as donné une idée. Oh oui... Je crois que tu vas adorer. »
Sur ce, elle claqua des doigts et un des murs de la pièce s'ouvrit.
« Entre là-dedans. », ordonna l'exorciste en poussant Husk du bout de sa lance.
Il ferma son poing et se concentra. Il avait peut-être le temps de lui envoyer un dé en pleine face.
« N'y pense même pas Kitty, je t'aurai empalé avant même que tu puisses me balancer une de ces saloperies. Allez, avance. »
Husk entra à reculons dans l'ouverture du mur. Il se retrouva presque aussitôt accolé contre un autre mur. La surface le surprit et la lance s'enfonça de quelques millimètres sous sa peau, entre les côtes, juste assez pour extraire un trait de sang.
« Parfait. Tu seras aux premières loges pour regarder. », proclama l'exorciste. « Oh, et n'essaye même pas d'utiliser tes petits explosifs. Vu la taille de la pièce, tu sauterai avec. Non pas que ça me dérange ! »
Elle claqua à nouveau des doigts et l'ouverture sur le mur se referma. Husk resta enfermé dans une pièce minuscule, un vrai placard.
Il n'était pas dans le noir. Un unique écran éclairait la pièce de sa lumière bleuté. Une chaise en métal prenait pratiquement toute la surface au sol. Il n'y avait évidemment aucune issue.
L’écran vacilla et Angel apparut, les bras croisés, les sourcils froncés, visiblement en colère et épuisé.
Merde. Ils allaient vraiment l’obliger à regarder. Hors de question. Le chat se mit à passer la pièce au peigne fin centimètre par centimètre, à la recherche d'un défaut.
L'exorciste disait vrai, il risquait de se faire sauter avec ses propres explosifs. La chaise seule ne pouvait pas lui servir de bouclier, et même plus grande elle volerait en éclat à une distance aussi faible.
Soudain Husk frissonna de malaise. Il reconnut une voix. Sa propre voix. Il jeta un œil sur l'écran. Putain. Une copie de lui-même venait d’apparaître sur l'écran. Pas juste une imitation. Une copie parfaite.
Il se mit à frapper l'écran de ses poings et hurla à pleins poumons. « Arrêtez ça tout de suite ! Angel ! Angel, ce n'est pas moi ! Merde ! »
Sur l'écran, son double était apparu après une explosion, avait enjambé la faille dans le mur, exactement comme il l'avait fait quelques heures plus tôt. Angel courut vers lui, visiblement soulagé.
« Angel ! Il faut partir d'ici, vite ! », s'exclama le faux Husk. Il jouait bien la comédie, ce connard.
Husk, le vrai, enjamba le dossier de la chaise au centre de la pièce et s'assit. Il n'arrivait plus à détacher son regard de ce qui se jouait devant lui. Allez Angel, fais pas de connerie, je te fais confiance...
Son double attrapa l'acteur par la main et ils coururent vers la faille dans le mur. La caméra les suivit dans la pièce suivante. Le faux Husk avait l'air de savoir où il allait.
Après plusieurs pièces et couloirs, ils trouvèrent une pièce plus petite, plus sombre. Ils s'arrêtèrent à l’intérieur pour reprendre leurs souffles.
« On est en sécurité ici. », annonça l'imposteur. « Je me suis arrêté quelques heures ici en venant. Si j'avais su que tu étais si près, je t’aurais retrouvé directement. »
« T’inquiète pas pour ça. Et… merci d’être venu. Putain, j'en pouvais plus. »
« Ils t'ont fait du mal ? », demanda l'autre, les oreilles basses, un air d'inquiétude sincère sur son visage.
« Pas exactement, mais je crois qu'on devrait inscrire le fait de se faire draguer non-stop pendant des heures à la convention de Genève. »
L'imposteur eut un rire compatissant.
« Et la drogue ? »
« Rien du tout, j'ai résisté comme un chef. Je n'ai même pas osé prendre un verre d'eau de peur de me faire avoir. », annonça fièrement l’araignée en bombant le torse.
« M'en parle pas. Je meurs de soif. »
« Ouais, le fait d’avoir couru n'aide pas. »
« Bravo en tout cas. D’avoir résisté. Je suis fier de toi. »
Angel le regarda avec étonnement. « Vraiment ? »
« Bien sûr. Je ne sais pas si j'aurais été capable de résister si j'étais tombé sur une bouteille d'alcool dans ce labyrinthe. »
« Husk... » Angel prit une profonde inspiration, comme s’il s'apprêtait à dire quelque chose de personnel. « Il faut qu'on se barre d'ici. »
L'imposteur acquiesça. Il se leva, aida Angel à se relever, appuya sur la poignée de la porte et...
« C'est... C'est verrouillé. »
« Quoi ?? » Angel le poussa sans ménagement et agrippa la poignée à deux mains. « Non, non, non, non ! »
« Merde... »
Enfermé dans sa cabine, le vrai Husk frappa son front d'une patte. Quel piège pathétique. Allez gamin, te fais pas avoir comme ça.
Les deux prisonniers passèrent une heure à chercher dans tous les recoins de la pièce avant d'abandonner et de tomber au sol. Angel s'allongea complètement, deux mains croisées sur ses yeux pour se protéger de la lumière. L'autre Husk était assis dos au mur.
Dans son désespoir, Angel s'endormit plusieurs heures. L'autre en fit de même. Il s'allongea au sol, tout proche de l’acteur, sans le toucher.
Husk aurait pu en profiter pour dormir lui aussi dans sa cellule, mais il ne pouvait pas lâcher l'écran des yeux. Et si l'escroc tentait quelque chose ? Et si Husk se réveillait pour trouver l'écran zoomant sur le cadavre d'Angel ?
Il secoua la tête. Il ne pouvait pas se permettre de paniquer. Il devait rester concentré. Malgré la fatigue. Malgré la soif. Malgré son crâne qui le lançait de plus en plus.
Plusieurs heures plus tard, Angel ouvrit les yeux. Il prit un moment pour observer le chat qui dormait à ses côtés. Puis il se leva, et tenta une fois de plus d'ouvrir la porte. En vain.
Pendant ce temps, l'imposteur s'était assis, les coudes sur les genoux, et la tête posée dans ses mains. Il partit d'un rire presque silencieux mais qui secoua de spasmes ses épaules.
Angel se tourna vers lui. « Qu'est-ce qui te fait rire ? »
« L'ironie de la situation. », répondit le chat sans le regarder. « Dans un tout autre contexte, j'aurais prié pour pouvoir être coincé dans une pièce avec toi, à l'abri des regards. »
Dans sa cellule, le vrai Husk leva les yeux au ciel.
Les sourcils d'Angel se levèrent. « Euh... sérieusement ? »
« Bien sûr. Mais j'aurais espéré que ça arrive dans de meilleures conditions. L'ambiance manque un poil de romantisme. »
« Non mais, tu plaisantes. Ça fait trois semaines que je te tourne autour, que je te tends des perches, et tu m'envoies chier à chaque fois ! »
« Je pensais... Je pensais que tu te moquais de moi. »
« Pardon ? »
« Angel, regarde-toi, il n'y a pas une personne aux enfers qui ne te trouve pas attirant. Et moi... et bien. » Le chat désigna sa personne d'un mouvement vague de la patte.
« Donc... Tu pensais que je mentais quand je te disais que je te trouvais à mon goût. »
« Oui. Ou que tu avais pitié. Tu es un acteur, c'est ton travail de mentir, non ? »
« Oui. Quand on me paye pour ça. Pas en dehors du boulot. »
Le chat baissa les yeux. « ... »
« Husk, tu me plais, voilà c'est dit. Sans sous-entendus, sans allusions. C'est juste… sincère. »
L'imposteur leva la tête. Ses pupilles étaient immenses. Son expression, l'innocence même.
« Vraiment ? »
Angel hocha la tête et s'accroupit près de lui, le visage sérieux mais détendu.
Le chat hésita un instant. « Est-ce que je peux t'embrasser ? »
« Oui. », souffla Angel en approchant sa tête jusqu'à ce que leurs nez se frôlent.
Il y eut un instant suspendu, puis le chat effaça la distance entre eux. Leurs lèvres se touchèrent avec hésitation d'abord, puis Angel passa sa main derrière la tête de l'autre pour approfondir le baiser.
Au fond de sa cellule, Husk tourna sa chaise pour ne plus regarder la scène et couvrit ses oreilles de ses deux pattes, profondément en colère et mal à l'aise devant cette utilisation de sa personne.
Non pas qu'il fut dérangé à l'idée d'embrasser Angel, non, cette partie n'avait pas d'importance (vraiment?), mais que son double maléfique trompe l'acteur sur sa véritable nature le mettait dans une rage folle.
Angel était son ami, certes il avait ses défauts, des gros défauts, mais ils avaient tous deux construit une confiance durant son court temps passé à l'hôtel Hazbin.
Une confiance qui avait même poussé Angel à lui sauver la vie, pas plus tard que la veille. Et qui venait maintenant de voler en éclat.
Comment pourrait-il rattraper les choses après ce qu'il venait de voir ? Comment Angel pourrait-il lui faire encore confiance ?
Oh, ces saloperies d'anges. Sûrement en train de rire en regardant la scène, tranquillement installés dans un fauteuil dans une des pièces adjacentes à la sienne.
Peut-être même étaient-ils en train de le regarder lui aussi. Dans le doute, Husk envoya des doigts d'honneur dans tous les coins de la pièce.
Un gémissement attira son attention. Oh non. Il ne put empêcher de tourner sa tête vers l'écran.
L'autre Husk était maintenant allongé au sol, Angel à califourchon sur lui, ses quatre mains explorant son torse et l’arrière de sa tête pendant que leur baiser montait en intensité. Leurs mouvements de bassin ne laissaient aucune place à l'imagination malgré leurs vêtements.
Angel s'éloigna juste assez pour reprendre sa respiration. « Husk... »
Le chat le regarda, plein de tendresse. « Touche-moi. »
Dans leur désir, ils roulèrent au sol et le chat se retrouva au-dessus, sa tête enfoncée dans l'espace entre le cou et l'épaule de l'araignée, explorant la fourrure blanche avec sa langue.
Angel planait clairement, ses gémissements de plus en plus bruyants.
« Touche-moi, Angel, je t'en supplie. »
« Attends... Attends Husk ! », s'écria soudainement l'acteur en repoussant l'autre à bout de bras.
Angel plissa les yeux, haletant, luttant clairement pour se concentrer et analyser la situation.
Puis, il annonça fermement. « Tu n'es pas Husk. »
Dans sa cellule, le véritable démon sauta sur sa chaise avec un cri de victoire.
L'araignée se débattit pour s'extraire de son partenaire. « Oh putain de merde. J'ai failli me voir avoir comme un bleu. Casse-toi de là ! »
Il repoussa violemment le chat et se mit debout. Recroquevillé dans un coin, les oreilles basses, l'autre faisait peine à voir.
« Angel, c'est moi, je te jure... »
« Ah ! Jamais de la vie Husk n'aurait laissé la situation dégénérer aussi facilement ! Amateur ! »
(Deuxième cri de victoire dans une petite cellule au loin.)
L'imposteur ouvrit la bouche pour plaider sa cause mais de violents coups frappés contre la porte l'interrompirent dans son élan.
« Angel ! Angel, c'est moi ! Putain de madre de dios ouvre cette porte immédiatement ! »
« Val ? », demanda l'acteur, mi-soulagé par cette présence tierce, mi-inquiet à l'idée d'affronter son producteur alors qu'il était en train de rater une journée de travail.
Deux coups de feu portés à travers la serrure et la porte pivota violemment sur ses gonds.
**
Sur l'écran, la silhouette menaçante de la mite en rouge prenait toute la place.
Cette fois-ci, Husk devait tenter quelque chose, prisonnier ou pas. Angel lui avait déjà parlé de son patron, Valentino, de son caractère explosif et violent.
Il avait vu les bleus qu’arborait l'acteur en rentrant du travail certains soirs. Même si ce Valentino n'était pas le vrai, il en avait probablement tous les défauts. Angel allait passer un sale quart d'heure, ou pire.
Merde. Foutu pour foutu, se dit Husk en reculant au fond de sa cellule et en faisant apparaître trois dés dans sa patte. Il plaça la chaise en bouclier devant son visage, replia ses ailes autour de lui, et lança les explosifs.
Le choc envoya sa tête s'écraser violemment contre le mur du fond. Il perdit connaissance instantanément.
**
« Des heures que je te cherches ! », hurla Valentino, la bave aux lèvres, avant de s'adoucir. « J'étais tellement inquiet pour toi. Qui t'a enfermé ici amorcito ? Cette saloperie de serpillière ? », demanda-t-il en pointant un doigt accusateur vers le double du chat toujours au sol.
« Non. Nope. Tu n'es pas Valentino non plus. N'est-ce pas ? »
Angel prononça cette dernière question plus pour lui que pour les deux démons présents. Il recula tout au fond de la pièce, dos au mur.
« Quoi ? Comment oses-tu m'accuser, après tout ce que j'ai fait pour toi. Angel, bouge ton putain de cul plat sur le champ, on réglera ça au studio ! »
« Oh, du calme mon grand, ça ne va pas de parler aux dames de cette façon ? »
Angel reconnut la nouvelle voix qui n'annonçait rien de bon. Gabriel, un ancien amant, se trouvait juste derrière Val, et la situation n'allait pas tarder à complètement dégénérer.
En fait, elle avait déjà dégénéré des décennies auparavant, puisque Valentino s'était chargé d'exécuter Gabriel lorsque celui-ci fit montre d'un peu trop de jalousie envers son nouveau rival. Une exécution définitive, Angel en était certain. Le Gabriel présent était donc également une copie.
Le ton monta très rapidement entre les deux démons, mais au moins, leur attention n'était plus fixée sur l'acteur.
Angel s'apprêtait à passer discrètement dans l'encadrement de la porte lorsqu'une main l'arrêta. Il tourna la tête. Husk le regardait, le regard implorant. Il eut une seconde d'hésitation avant de se rappeler qu'il s'agissait d'une copie.
Il rejeta violemment la patte posée sur son bras et se rua vers la sortie, tant pis s'il devait bousculer le faux Valentino en passant.
Il n'eut pas le temps de le faire car il tomba nez à nez avec une autre figure de son passé qui profita de sa petite taille pour entrer dans la pièce.
Un humain. Bien vivant. Non pas vivant, juste la copie d'un homme qu'Angel avait aimé de son vivant. Un amour à sens unique, comme souvent dans sa vie sur Terre.
L'acteur recula mais ne heurta pas le mur du fond comme il s’y attendait. La configuration de la pièce avait changé, elle était maintenant plus grande, et hommes comme démons affluaient de tous les côtés, se ruant vers lui.
Angel eut envie de hurler mais la scène le laissa sans voix. Où qu'il regarde, des amants, des partenaires d'écran, des crushs de sa vie présente et passée s'approchaient, lui parlaient, le sifflaient.
Dans la foule, il reconnut même quelques célébrités, Humphrey Bogart en tête, dans un costume sombre qui lui aurait fait tourner la tête dans n'importe quel autre contexte.
« Les gars... on se calme, d'accord ? », demanda Angel en tentant de s'extraire de la foule.
« Angel, je t'aime ! », cria désespérément une des figures présentes, il ne sut pas déterminer laquelle.
« Angel, embrasse-moi. », implora un autre.
« Angel, pars avec moi ! »
« Angel, choisis-moi ! »
« Angel ! »
« Angel ! »
« Angel ! »
**
Husk réussit à s'extraire des décombres de sa cellule. Sa tête lui faisait un mal de chien, mais il réussit à se rappeler de son objectif. Sur l'écran, la caméra avait suivi Angel. Il avait retenu le chemin, il pouvait le retrouver.
La tête embrumée, il clopina jusqu'à l'endroit où son double maléfique et Angel avaient été enfermés. La porte était ouverte. L'intérieur s'était changé en un de ces gigantesques entrepôts vides.
Des dizaines de personnes, humains et démons, se bousculaient au centre. Il reconnut son double. Et... c'était Humphrey Bogart là bas ? Qu'est-ce que... non ce n'était pas le moment. Il devait trouver Angel.
Un cri retentit dans la foule. C'était lui, aucun doute. Mais comment faire déguerpir le groupe de fanatique ?
Il ne pouvait pas utiliser ses dés, il risquait de blesser Angel dans la foulée. Il se concentra, chercha une solution. Il n'aurait jamais la force de se battre contre autant de personnes en même temps.
Il sentit à ce moment un poids dans sa poche. Un poids qu'il n'avait pas remarqué auparavant. Il en tira un jeu de cartes. Ça n'avait rien d'un hasard. Il comprit aussitôt qu'il s'agissait d'une nouvelle partie de ses pouvoirs. Les cartes étaient noires et or, comme les dés. Lourdes en main, pas en papier ordinaire.
Il en prit une, la fit glisser entre ses doigts. Les bords étaient fins et l'on distinguait un fil semblable à celui d'un couteau de bonne facture.
Il s'approcha de la foule. De son double, plus spécifiquement. Il prit la carte par l'un de ses coins entre deux doigts et la lança avec force.
Comme s'il avait fait ça toute sa vie, la carte vint précisément se planter entre les ailes de l'imposteur qui tomba au sol, inconscient. Ah, tu l'as pas volé celle-là, pensa Husk avec joie.
Aussitôt, il en prit une deuxième et la lança. Celle-ci vint décapiter une tête qui dépassait du groupe. Eh, pas mal. Il recommença encore et encore, jusqu'à ce que plusieurs personnes dans la foule se tournent vers lui.
Il aperçut enfin Angel au milieu du troupeau. Il devait continuer à abattre un maximum de gens, ou à les distraire, s'il voulait que l'acteur ait une chance de s'échapper.
« Angel ! », hurla-t-il.
L'acteur regarda dans sa direction, le vit enfin. D'abord, il garda ses sourcils froncés et ses mâchoires serrées. Puis il sembla comprendre quelque chose. Ses yeux s'agrandirent et sa bouche s'ouvrit dans une expression de surprise.
Husk continuait de distribuer les cartes à la volée, tranchant la gorge de ceux qui s'approchaient trop ou tentaient de l'arrêter.
L'acteur voulut courir vers lui mais plusieurs mains s'arrêtèrent. Il se débattit, mais ne donna aucun coup. Husk comprit qu'il essayait toujours de réussir l'épreuve, malgré le ridicule de celle-ci. Pas de meurtre, pas de violence hein ?
Heureusement, Husk n'était pas concerné. Il continua à couper des membres jusqu'à atteindre l'araignée. Il ne restait plus grand monde debout à ce moment-là. Mais sur le sol gris gisait maintenant un entassement de corps ensanglantés et hurlants.
« Cours ! », cria Angel dès qu'il fut libre, avant d'attraper sa patte et de le tirer vers la porte.
Husk le suivit sans réfléchir. Courir, il n'y avait rien de mieux à faire pour le moment. Mais ils n'avaient pas quitté la salle depuis bien longtemps qu'il s'arrêta, à bout de souffle.
« Husk, ne t'arrête pas, il faut qu'on se casse d'ici ! »
« Je... sais... Attends... une seconde. », réussit-il à prononcer entre deux halètements.
« Putain, grand-père, t'es complètement à la masse. »
Angel colla son dos au mur du couloir dans lequel ils étaient et ne cessa de jeter des coups d’œil d'un côté et de l'autre pendant un moment. Personne ne vint les rejoindre.
« Qu'est-ce qui est arrivé à tes ailes ? », demanda-t-il au bout d'un moment, une pointe d'inquiétude dans la voix.
« Hein ? »
« Tes ailes. On dirait un poulet à moitié déplumé. »
Husk jeta un œil derrière lui. « Oh. Hum. Ne jamais utiliser d'explosifs dans un lieu confiné. », dit-il en arrachant une plume carbonisée qui pendait tristement.
Angel haussa un sourcil avec une pointe de jugement.
« Quoi, tu aurais préféré que je te laisse avec tes fans fous ? »
« Non... Mais, comment tu as su où j’étais ? »
« Oh, longue histoire, je me ferai un plaisir de te raconter ça autour d'un verre à l'occasion. »
« Quand on sera sorti d'affaire. »
« Ouep. »
Et ce n'était pas encore gagné. L'endroit était clairement conçu comme un dédale infini. Ils n'étaient même pas sûrs de pouvoir y trouver une issue. L’architecte ne s’était probablement pas attardé sur ce détail.
« Une idée ? », demanda Angel.
Husk serra son poing et l'ouvrit, révélant une paire de dés. « Peut-être. Tout détruire, ça te tente ? »
« N'en dit pas plus. », acquiesça Angel en sortant sa troisième paire de bras et faisant apparaître six mitraillettes Thompson dans ses mains.
Les yeux de Husk se transformèrent en soucoupes. « Attends... Tu avais ça avec toi depuis le début ? »
« Bien sûr ! Mais si je commets un meurtre, Adam risque de m'effacer d'un claquement de doigt, et j'en ai moyennement envie. Mais si l'idée est de détruire le décor, je pense que ça devrait aller, non ? »
« Hum... ça m'étonnerait que qui que ce soit ait déjà été envoyé en enfer pour une simple destruction matérielle, mais encore une fois, on ne connaît pas les règles. »
Angel haussa six épaules. « On va bientôt le savoir. »
Husk eut un sourire en coin. Angel l'imita. Les dés furent jetés sur les surfaces les plus lointaines. Les murs volèrent en éclat comme du verre sous l'assaut des balles qui fusaient.
C'était probablement un effet de l'épuisement, de la pression qui retombait et de la joie de ne plus être seuls, mais les deux démons s’entrainèrent dans un rire hystérique et bruyant que couvrait à peine le vacarme des armes et de la destruction.
Ils avancèrent sans cesser de tirer et de jeter des explosifs à tout va. Le couloir gris, les pièces n'existaient plus. Il ne subsistait que des murs plus ou moins détruits, des portes plus ou moins arrachées de leurs gonds.
Et puis, une voix pleine de rage se fit entendre dans leur dos, à peine audible dans le cri des mitraillettes. Les deux démons se retournèrent aussitôt, Husk la main levée, près à jeter ses dés, Angel pointant ses six armes en direction de la voix.
« Ça suffit, bande de sous-merdes ! Arrêtez ! Vous avez tout foutu en l'air ! », hurla une des exorcistes apparue dans leur dos, ses deux collègues pointant leurs lances vers les démons.
Angel ne se laissa pas démonter. « Euh, fallait peut-être pas nous kidnapper en premier lieu. », ponctua-t-il d'un geste de la main pour signaler l'évidence de la situation.
« Toi, tout est de ta faute. », annonça l'exorciste en pointant Husk du doigt. « Tu n'as rien à faire ici. Tuez-le. »
Les deux anges s’avancèrent, lances en position, près à transpercer le chat. Angel le repoussa derrière lui.
« Ah non ! Je viens à peine de le raccommoder ! »
Il s'apprêtait à tirer sur les exorcistes, sachant pertinemment que ces balles ne leur feraient rien, lorsqu'une voix masculine particulièrement irritante retentit dans l'espace autour d’eux.
« Lute, renvoie-moi ces deux abrutis sur le champ. Exécution ! »
L'exorciste serra les dents puis soupira, clairement exaspérée sous son masque. Ses deux acolytes stoppèrent leur mouvement immédiatement.
« Allez bien vous faire foutre. », ajouta-t-elle avant de claquer des doigts et d'ouvrir un portail juste sous les pieds des deux démons. Les ténèbres les engloutirent.
**
Husk atterrit douloureusement sur le dos, écrasant du même coup ses ailes déjà bien meurtries.
Le choc expulsa tout l'air de ses poumons. Il n'eut pas le temps de reprendre une inspiration qu'Angel tomba sur lui, le menton droit dans son estomac. L'araignée eut heureusement le réflexe de se relever aussitôt pour ne pas achever de l'étouffer.
Ils étaient de retour dans le lobby de l'hôtel. Mais la situation avait changé. La tension était palpable. Angel se releva et aida Husk à se remettre sur pieds.
Le chat se trouva alors face à une scène pour le moins étrange.
Niffty se trouvait enfermée dans une petite cage à sa taille, folle de rage, l'écume aux lèvres, s'acharnant sur les barreaux. Husk ne l'avait jamais vu dans un tel état de fureur.
Adam se trouvait en vol stationnaire près du bar, sa robe d'ange déchirée par endroit, et jetant de temps à autre des coups d'œil méfiants vers la cage.
Charlie se trouvait face à lui, mais ce n'était pas la Charlie que le chat connaissait. Celle-ci avait le blanc des yeux d'un rouge profond et des cornes de couleur identiques sortaient de son front. Mais pire que tout, ses sourcils étaient froncés dans une colère toute nouvelle.
Au dessus de la jeune fille, suspendu dans les airs comme Adam, se trouvait un homme de petite taille habillé d’un costume blanc, doté de six grandes ailes blanches et rouges.
Aucune trace d'Alastor. Ni de Vaggie.
La voix de l'homme en blanc résonna dans le hall. « Attaquer des pécheurs en dehors des jours d'extermination, c'est clairement une déclaration de guerre, Adam. »
« Pfff, je n'ai attaqué personne, j'essayais juste de rendre service à ta fille ! C'est comme ça que tu me remercies ? »
Sa fille ? Alors c'était lui Lucifer, pensa Husk. Pas exactement l'idée qu'il s'en faisait.
« Les pécheurs ne sont pas à ta disposition pour ton propre amusement ! », déclara le diable avec autorité. « Tu as un jour, et un seul jour où tu peux venir massacrer à ta guise en enfer. Je ne t'accorderai pas une minute de plus. Pas de jeux, pas d'expériences sadiques stupides. Repars chez toi immédiatement ! »
Niffty poussa un cri rauque, entre un râle et un grognement sourd à l'attention de l'ange qui grimaça.
Charlie perçut enfin la présence d'Angel et Husk dans son dos. Son expression se changea instantanément en un soulagement vif.
« Oh-mon-dieu oh-mon-dieu oh-mon-dieu! Les gars, vous êtes vivants ! », s'écria-t-elle en courant vers eux.
Avant qu'ils n’aient eu le temps de prononcer la moindre parole, elle attrapa Angel par les épaules et le serra contre elle.
« Charlie, j'étouffe ! »
Le jeune femme recula enfin. « Oh pardon... Mais Husk ! Tu es blessé ? », demanda-t-elle en lâchant l'araignée pour bondir vers le chat qui recula, les mains devant lui. Il n'avait pas trop envie de subir le même traitement que l'acteur.
Les cornes qui étaient presque entièrement rentrée dans le crâne de Charlie ressortirent d'un coup, et le tour de ses pupilles s'assombrit à nouveau.
« Tes ailes... C'est horrible... Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? », demanda Charlie en l'observant avec un mélange de pitié et de colère.
Le père de Charlie, Lucifer en personne, se tourna vers eux à ces mots. Merde, Husk n'avait pas du tout envie d'être la raison d'un conflit entre le paradis et l'enfer.
« Non, non, erf... C'est de ma faute, j'ai essayé de m'échapper avec des explosifs. Tout va bien. »
Angel hocha la tête. « Ça va Charlie. Ce sont toujours des connards, mais ils ne nous ont pas fait trop de mal. »
En tout cas physiquement, pensa Husk en serrant les dents.
Lucifer se tourna à nouveau vers Adam. « Prends tes acolytes et disparaît. »
L'ange soupira bruyamment. « Pffff... C'est bon, de toute façon cet endroit est nullissime. Mais Charlie, poupée, compte sur moi pour mettre ton minable hôtel en haut de ma liste des lieux à visiter lors de la prochaine exécution. Bye les losers ! »
Et il disparut dans un portail lumineux avec ses deux majeurs levés.
L'homme en costume blanc redescendit au sol, claqua des doigts et la cage qui emprisonnait Niffty disparu instantanément. Il s'approcha de sa fille.
« Charlie, tu vas bien ? », demanda-t-il avec une inquiétude non dissimulée.
« Ça va papa, mais merci d'être intervenu si vite. »
« Raaaaaaaaaaaaaaahhhhhhh !!!! Pourquoi pourquoi pourquoi ? », la coupa Niffty en s'agrippant au col de Lucifer, collant son front sur celui du diable. « Pourquoi vous ne m'avez pas laissé le mordre encore ? »
La pauvre fille en avait la larme au bord de son unique œil. Charlie intervint, l'attrapant par la robe et la reposant à terre tout en se mettant à sa hauteur.
« Niffty, je comprends ta colère, mais il t'aurait tué. Tu as vu ce qu'il a fait à Alastor ? »
Euh, quoi ? Et où était Alastor ?
« Alastor ? », demanda Angel. « Qu'est qui lui est arrivé ? »
« Tout est de ma faute. », expliqua Charlie, des larmes dans la voix. « Je me suis énervée sur Adam quand vous avez disparu. Je voulais lui faire peur pour qu'il vous ramène. Mais Alastor... m'a un peu trop bien appuyé. Il s'est transformé pour le menacer. Adam n'aurait jamais osé me faire de mal physiquement, il aurait eu trop peur des conséquences. Mais Alastor n'est qu'un pécheur à ses yeux, donc il n'a pas hésité. Ils se sont battus. J'en ai profité pour appeler mon père à l'aide. Mais le temps qu'il arrive, Alastor avait été gravement blessé et... il a disparu. »
Charlie eut juste le temps de finir son histoire avant de fondre en larmes.
Husk s'approcha et posa sa patte sur son épaule en réconfort. « Eh Charlie, euh... grosse journée. Mais ne t'en fait pas pour Alastor, je suis sûr que cet enfoiré est encore en vie, il a plutôt l'air d'être increvable. »
Elle se retourna et le prit dans ses bras avant qu'il ait pu avoir le temps de s'enfuir. Merde, elle serrait fort.
« Et toi, tu es tout abimééééééé ! », prononça-t-elle dans un long sanglot.
Angel comprit l'appel à l'aide silencieux de Husk car il vint poser ses mains sur les épaules de la jeune femme pour l'éloigner doucement.
« Allez Charlie, ça va aller... Laisse-le respirer. »
« Snif... j'ai eu... tellement peur pour vous. »
Husk fut un peu touché. Il ne connaissait cette môme que depuis trois semaines, il n'en avait honnêtement pas grand-chose à faire, mais elle semblait déjà s'être attachée à lui. C'était à la fois effrayant et... réconfortant.
Son père, resté un peu à l'écart, s'avança d'un pas hésitant. « Charlie... »
« Papa ! Merci, merci d'être venu. », dit-elle en lui prenant les mains. « Je suis tellement désolé de t'avoir dérangé pour ça, mais je ne savais pas quoi faire... »
« Eh, pas de problème, je suis là pour ça ! »
« C'est un peu nul, j'aurais préféré m'en sortir seule. »
« Non, non. Demander de l'aide, c'est déjà très courageux. Je suis content que tu m’aie appelé. Vraiment. »
« Oh... mais je ne vous ai même pas présenté ! », s'exclama Charlie en essuyant ses larmes.
« Voici Husk, Angel et Niffty. Et mon père Lucifer. »
Angel eut un petit sourire et un mouvement de salut des doigts, Husk se contenta de lever une patte, il n'avait pas l’énergie pour plus de protocole. Niffty vint s'accrocher à sa jambe.
« C'est toi qui remplace Alastor maintenant ? », demanda-t-elle avec un mélange de tristesse et d’excitation.
Husk sentit ses dernières forces de la journée le quitter. Il s'éloigna discrètement vers le bar et ne se rendit même pas compte qu'il courait presque sur les derniers mètres. Il se jeta derrière le comptoir, attrapa une bouteille au hasard et s'accrocha au goulot comme si sa vie en dépendait. Elle fut vide beaucoup trop tôt à son goût.
Il resta assis au sol, une deuxième bouteille ouverte près de lui et ferma les yeux un instant. Au bout d'un moment, les voix se rapprochèrent du bar. Angel narrait ses aventures.
« … et de la drogue à disposition dans de magnifiques coupes en or sur toutes les tables. Et des pures beautés, partout, qui en voulaient à mon corps. Le paradis ! », conclut-il.
Husk se releva malgré la fatigue et sortit des verres sur le comptoir. Son devoir de barman le titillait.
« Ouah, ça a dû être difficile de résister, non ? », demanda Charlie.
« On va pas se mentir ma biche, si cet abruti n'avait pas vendu la mèche avant de m'envoyer là-bas, je me serais bien fait avoir. Oh ! Et tu sais pas ce qu'ils ont fait ? Ils ont créé un double de Husk ! »
Le chat grimaça à cette évocation.
« Un double ? », demanda Charlie.
« Oui, le même, une illusion parfaite ! Pour euh... pour me draguer, ah ! Mais je me suis pas fait avoir, tu imagines Husk, en train de craquer pour moi ? Ah ah ! Pas crédible du tout. »
Il y eut une seconde de silence gênant comblé uniquement par le bruit des verres sur le zinc et le ricanement frénétique de Niffty.
« Oh oh, et après il y a eu un faux Valentino, et pleins de fausses personnes qui ont tenté euh... de me tenter ! Mais c'était n'importe quoi, ils hurlaient tous en même temps, c'est complètement parti en couille. Et Husk est arrivé, a tué tout le monde et on a tout détruit ! C'était génial ah ah ah ! »
Husk sourit à ce souvenir et Angel lui fit un clin d’œil complice, mais pas lubrique pour une fois.
Charlie eut un petit rire gêné à l'idée du massacre. « Euh... oui, c'est bien, j'imagine ? »
« Mais je ne crois pas que les anges nous auraient libéré si facilement sans votre aide. Donc euh... merci, votre Altesse ? », tenta Angel.
Lucifer eut le même rire gêné que sa fille. « Ah ah... De rien, mais tu peux m'appeler Lucifer, pas la peine d'en faire tout un plat. »
« Oh génial, je suis nul pour faire des courbettes. Enfin, ce type de courbettes, pour les autres pas de problème, eh eh. »
« Eh eh. », ajouta Lucifer. Il n'avait clairement pas saisi le sous-entendu.
« Mais... combien de temps êtes-vous resté enfermé pour avoir le temps de faire tout ça ? », demanda Charlie, les sourcils froncés comme si elle calculait dans sa tête.
Angel et Husk se regardèrent et haussèrent les épaules en même temps.
« Une journée entière peut-être ? », proposa Angel.
« Deux maximum. », acquiesça Husk.
Charlie écarquilla les yeux. « Oh ! Il ne s'est pas passé plus de 30 minutes ici ! »
Angel laissa tomber sa tête en arrière et soupira. « Satan soit loué, Valentino m'aurait arraché les yeux si j'avais loupé un jour de boulot. »
Husk sauta sur cette excuse parfaite pour s'éclipser. « Bon, après cette très longue journée, je suis au bout du rouleau. Si personne n'a besoin de moi, vous me trouverez dans mon lit. »
Il glissa une bouteille sous son bras, salua la petite assemblée et partit. Alors qu'il atteignait le haut des escaliers, il entendit des pas derrière lui.
« Je vais me coucher aussi, je suis rincé. », annonça Angel.
« Ouais, quelle journée de merde. »
Husk s'arrêta à sa porte de chambre, celle de l'acteur se trouvait un peu plus loin dans le couloir. Il posa sa main sur la poignée et se tourna vers Angel.
L'acteur eut un mouvement d'hésitation, et s'arrêta pour le regarder.
« … Bonne nuit. », prononça-t-il presque comme une question, comme s'il cherchait à ajouter autre chose.
Husk lui sourit. « Bonne nuit Angel. »
Notes:
Prochain chapitre samedi prochain !
Chapter Text
Husk fut réveillé par les souvenirs de la veille. Il se revit en train d'embrasser Angel. Enfin pas lui, son double. C'était une vision étrange, on a rarement l'occasion de se regarder de l'extérieur.
Il ne savait pas trop ce que cette scène lui inspirait. Et il n'avait pas envie d'y réfléchir. Il repensa aux paroles d'Angel, à l'attirance qu'il avait pour lui.
Contrairement à ce qu'avait dit son double, Husk voulait bien croire que son physique plaise à l'acteur. Il n'avait jamais pris ses tentatives de drague pour de la pitié. Angel était suffisamment bizarre... non, intégré dans son environnement, pour apprécier ce genre de corps.
Mais Husk se sentait dégoûté à l'idée d'imposer ce... cette créature rachitique qu'il était devenu à qui que soit. Alors qu'Angel était grand, élancé, sa fourrure était probablement très douce... erf, pourquoi pensait-il à ça tout à coup ?
Il se leva et marcha d'un pas ferme vers la salle de bain. Une douche et un verre, c'est ça dont il avait besoin. Il commença à se déshabiller et son regard tomba par hasard sur le miroir. Il explosa de rire.
Ses ailes, peut-être la seule chose un peu esthétique de son physique infernal, ressemblaient maintenant à celles d'une mouette passée dans un réacteur d'avion.
Il se jeta sous la douche, mit l'eau à une température proche de la lave en fusion, et arracha nerveusement les dernières plumes qui pendaient lamentablement. Peut-être pleura-t-il un peu, peut-être était-ce juste l'eau qui coulait sur son visage.
**
Une heure plus tard, Husk passa une tête dans la cuisine. Niffty nettoyait les restes du petit-déjeuner. Il se dirigea vers la cafetière encore chaude.
« Eh, Niffty, des nouvelles d'Alastor ? »
La jeunette tourna son unique œil vers Husk et esquissa un sourire de maniaque. « Ouiiiiiii ! Il est réapparu hier soir. Ah ah ah ! Charlie pensait qu'il était mort. »
« Naïf de sa part, effectivement. », grommela-t-il.
« Oh, et Vaggie aussi est revenue. »
« Ah ? »
« Charlie a discuté loooongtemps avec elle. Ensuite elle a dormi dans une autre chambre. Maintenant j'ai un lit de plus à faire. Deux, avec Lucifer ! », annonça-t-elle d'un air boudeur.
L'affaire était peut-être plus grave qu'il ne l'avait imaginé si Charlie n’avait pas encore pardonné à sa compagne. Est-ce qu'il devait aller consoler Charlie ? Humf, non. Pas son style. Peut-être si elle venait spécifiquement lui en parler.
Niffty posa le torchon qu'elle venait d'utiliser et se dirigea vers la porte. Sur le perron, elle se retourna vers le chat.
« Interdiction de laisser ta tasse traîner dans l'évier. », déclara-t-elle en pointant son doigt vers l'objet avec un regard si intense qu'il en eut frissonna. Et... était-ce un couteau qu'elle avait à la main ? Nope. Pas ses oignons.
La porte se referma. Husk ajouta un peu de whisky dans son café, posa la bouteille sur la table et prit une chaise. Il lui restait encore quelques minutes avant de commencer son service.
Il ne put pas profiter de la tranquillité bien longtemps. La porte s'ouvrit et le père de Charlie passa la porte en fredonnant doucement, avant de stopper net en apercevant le chat.
« Oh, pardon, euh.... », prononça le monarque sans éloquence. « Je peux revenir plus tard. »
« Non, ça ne fait rien, Maj... euh Lucifer. Et puis, c'est chez vous, non? »
Lucifer hésita à entrer, mais l'odeur du café frais acheva de l'attirer à l'intérieur. Il se dirigea tout droit vers la cafetière.
« C'était à moi, oui, mais j'ai donné ce vieux bâtiment à Charlie. Ça fait des décennies que je n'en ai plus l'usage. Et puis je n'ai jamais vécu dedans. »
« Pourquoi un hôtel ? »
« Ma femme... Euh, mon ex-femme aimait y organiser des réceptions. Et puis tout le monde pouvait rester dormir sur place, même ceux venant d'autres cercles des enfers. Pratique. »
Il s'approcha d'une chaise libre à la table. « Je peux ? »
« Bien sûr. »
« Alors euh... Dusk, c'est ça ? »
« Husk. »
« Husk, oui oui pardon. Comment... Comment t'es-tu retrouvé à travailler pour Charlie ? »
« Je ne travaille pas vraiment pour Charlie. C'est Alastor qui m'a installé ici. C'est mon... euh... »
« Ton maître ? »
Husk frissonna à ce mot. « Il possède mon âme, oui. »
« Pardon, je ne voulais pas me montrer indélicat. », murmura le diable, gêné.
Le chat haussa les épaules. « Les choses sont comme ça, pas la peine de se voiler la face. »
« Tu es le réceptionniste, n'est-ce pas ? Et lui, Alastor, qu'est-ce qu'il fait exactement ici ? »
Inquiet pour ta fille ? Pensa Husk. Je le serais aussi à ta place.
« C'est le gestionnaire de l'hôtel. J'imagine qu'il gère. Honnêtement, je n'en sais pas plus, c'est pas vraiment le genre à s'étendre sur ses affaires. »
Lucifer le regarda fixement. Il en attendait plus. Un indice, quelque chose qui pourrait lui dire sur quel pied danser avec le démon-cerf.
« Ça ne coûte rien de garder l’œil ouvert. », ajouta Husk un peu plus bas et sans le regarder.
« J'imagine. », fit Lucifer en touillant son café. « Oh, Irish Coffe ? Je peux ? »
Husk fit glisser la bouteille de whisky vers l'homme. Ils trinquèrent au café. Cela conclut plutôt bien cette première conversation avec le diable en personne.
Le chat ne savait pas trop quoi penser de lui. Son impression n'était ni bonne, ni mauvaise. Ce n'était en tout cas pas le diable qu'on lui avait enseigné à l'église. A moins qu'il s'agisse justement d'un excellent déguisement ?
**
Quelques minutes par jour, Husk réussissait à se trouver à un moment d'équilibre parfait dans sa consommation d'alcool. Il avait suffisamment bu pour se sentir détendu, mais pas assez pour être complètement assommé par le psychotrope. Il se sentait juste bien. C'était assez rare pour être souligné.
Le chat profitait de cet état plaisant lorsque Angel apparut dans son champ de vision et s'assit sur un des tabourets hauts. Oh, il ne l'avait même pas entendu arriver.
Il attrapa un verre et commença machinalement à préparer un cocktail beaucoup trop sucré à son goût.
Angel avait sa tête habituelle des retours de boulot. Ça irait mieux après un verre ou deux.
« Salut chaton. », souffla l'acteur d'une voix rauque.
« Angel. Quoi de neuf ? »
L'acteur soupira. « Un type là-haut à sorti un film, Les dents de la Mer, et maintenant tout le monde veut son remake érotique avec des démons-requins. Tu sais comment ils ont la peau dure ces types ? Pas agréable du tout. Et à rebrousse poil, je t'en parle même pas. Et leur b... »
« Ouais, ça va, j'ai l'image. Tiens. », le coupa Husk en lui glissant le verre sur le zinc.
Angel, sous prétexte d'attraper la boisson, caressa les doigts du chat avant qu'il n'ait eu le temps de les retirer du verre.
« Alors que si j'avais un partenaire aussi doux que toi... je ne penserai même pas à rentrer du travail. »
« Ça va, arrête ces conneries, tu veux ? » demanda Husk en retirant sa patte sans animosité. Il sentait son quart d'heure de bien-être s'enfuir rapidement.
Angel bu une gorgée, prit une expression plus sérieuse. « Quoi, tu me crois pas ? Tu penses que j'ai pitié de toi ou un truc du genre ? »
« Quoi? Non. Si c'est à cause de ce qu'à dit mon double, tu peux oublier tout ça. Il était complètement à côté de la plaque. »
« ... »
« ... »
« ... »
« ... »
Merde.
« Tu as entendu notre conversation ? », demanda Angel sans animosité.
« Pas volontairement ! Ces abrutis m'ont enfermé dans une cellule avec un écran qui diffusait... ce qui t'arrivait. »
Angel posa ses coudes sur le bar et posa sa tête sur une main, blasé.
« Jusqu'où ? »
« J'ai réussi à m'évader lorsque Valentino est arrivé. Enfin tu sais... le faux. »
« Oh, donc tu m'as vu craquer pour ton double. Parfait, comme si ce n'était déjà pas assez humiliant d'avoir perdu aussi connement à cette épreuve de merde. », dit-il d'un ton ironique.
« Eh, je suis désolé, j'avais pas envie de voir ça non plus. »
« J’imagine ! Te voir en train de m'embrasser, quelle horreur ! »
« Mais non, ce n'est pas pour ça... Je ne voulais pas t’espionner, c'est tout. Et je n'avais pas envie que tu dises... ce que tu lui as dit. Ce n'était pas la bonne personne, et ce qu'il a dit sur le fait que je ne te croyais pas, c'est faux. »
« ... » Angel termina son verre pour se laisser le temps de se calmer et de réfléchir. Puis il reprit son sourire aguicheur habituel, mais moins assuré qu'à l'accoutumé.
« Bon, donc tu me crois, quand je te dis que j'aimerai qu'on apprenne à se connaître... bibliquement. »
« Oui, je te crois. », acquiesça le chat en composant un autre cocktail, le visage neutre.
« Je sais pas ce qui est le pire du coup. Que tu ne me crois pas, ou que tu n'ai juste pas envie de moi. »
« Oh, ça n'a rien avoir avec toi. C'est plutôt de moi dont je n'ai pas envie. »
« Tu... quoi ? »
« Si je couche avec toi, je fais partie de l'équation. Et je n'ai pas très envie d'en être. Pas à cause de toi. J'ai juste pas envie de penser à... ça. », termina-t-il en tirant sur le poil de son torse pour désigner sa personne.
Son humeur avait complètement tournée. Il ouvrit une nouvelle bouteille de Sky et en avala une bonne moitié d'un coup. Au diable l'équilibre.
« Husk... »
« Non, nope, n'essaye même pas de me faire changer d'avis. »
« Je ne voulais pas te faire changer d'avis. Je voulais juste savoir... pourquoi tu te focalises autant sur ton corps ? Je veux dire, l'enfer est rempli de types avec des corps pas possible, j'en baise toute la journée, et tu es probablement l'un des mieux lotis. »
Husk soupira. Angel n'avait pas tort, pourquoi cette obsession ?
« Je crois... Tu sais, quand j'étais vivant, c'était un des trucs dont j'étais le plus fier. Et c'était constant, fiable, dans toute ma vie. Il pouvait m'arriver les pires merdes, je pouvais toujours compter sur mon corps. J'étais grand, large d'épaules, avec un peu d'embonpoint, suffisamment imposant pour me faire respecter même lorsque je n'avais pas un centime en poche. »
Oh, il avait probablement trop bu. Il savait qu'il n'aurait jamais autant parlé en temps normal, mais il n'arrivait plus à s'arrêter.
« Je me suis fait trahir par tout le monde. Parents, amis, collègues, femme... mais au moins, je pouvais toujours compter sur mon corps, c’était une valeur sûre. Et même ça, je l'ai perdu. »
« Tu étais marié ? »
« Ouep. Elle s'est barré avec un autre. Tant mieux pour elle, j'espère qu'il picolait moins. »
« Désolé pour ça... » Angel baissa la tête, regarda le fond de son verre. « Et pour la drague. Je pensais pas que tu préférais les femmes. »
Husk haussa les épaules et rit.
« C'est ça qui te perturbe ? Non, je ne suis pas à cheval sur ce genre de choses. Je me fous royalement de savoir ce que les gens ont dans le slip. D'ailleurs, de façon plus générale, je me fous des gens tout court. »
Angel releva la tête avec espoir.
« Des exceptions ? Sur les gens dont tu t' fous ? »
Husk sourit. « Oui, ça peut arriver. On sait jamais sur qui on va tomber. »
L'acteur sourit. Rassuré par ce qui n'était pas une fermeture claire et nette des possibilités, il eut envie de reprendre la conversation.
« Et tes parents ? »
Husk hésita à répondre. Mais la question n'était pas mal intentionnée. Il haussa les épaules.
« Père immigré russe, mère noire, tu imagines le scandale. Ils n'ont évidemment pas pu se marier. Mon père eut donc sa « vraie » famille, blanche, bien rangée, pour maintenir les apparences, et nous, nous étions un à-côté à garder caché. Je pense qu'il a aimé ma mère, jusqu'à un certain point. Mais moi, je n'arrivais pas à la cheville de ses enfants officiels. Ceci dit, il nous a quand même aidé, il m'a trouvé des petits boulots par moment. Il n'était pas totalement absent non plus. Mais ma mère a trop souffert de cette situation. Elle a été mise à l'écart de sa communauté. Fille-mère, c'était trop lourd à porter. Et quand elle avait un coup dans le nez, elle me rappelait bien que c'était de ma faute. Bref, rien de bien original. Et toi ? »
« Bah, rien de mieux. Famille de mafioso. J'étais pas non plus à la hauteur des espérances de mon père. »
Ils levèrent leurs verres et trinquèrent à cette similitude navrante.
« Faut dire que la concurrence était rude avec mon frère. Un homme, un vrai ! », annonça-t-il en bombant le torse avec une voix exagérément grave.
Husk rit sans joie. Mouais, il pouvait totalement imaginer quelqu'un comme Angel au milieu des années 30. Ou plutôt non, pas du tout. Le type se serait fait casser la gueule illico-presto. Il avait sûrement développé cette attitude aguicheuse après sa mort.
« Mais bon au moins, je n'ai jamais manqué de rien. Et les femmes de ma famille étaient aux petits soins pour moi. J'ai pas tout perdu dans l'affaire ! »
Un silence confortable s'installa entre eux. Angel finit tranquillement son deuxième verre. Husk sirota une bière, signe, s’il en est, qu'il s'était calmé.
C'était la première fois depuis leur rencontre qu'ils abordaient un sujet aussi personnel. Et peut-être la première fois depuis des décennies qu'il parlait de ses parents à quelqu'un.
Il n'aurait pas trop pu expliquer pourquoi, mais il faisait confiance à Angel. Le type était paumé, mais pas du genre à utiliser des informations contre lui. Il faut dire que son masque était tellement grand qu'on voyait tout son vrai visage derrière.
L'acteur se croyait peut-être malin, mais c'était probablement la personne la plus facile à comprendre de tout ce foutu hôtel. Et Husk aimait bien ce qui transparaissait lorsque Angel baissait ses défenses.
Ils continuèrent à parler de choses et d'autres, plus légères, sans interruption, jusqu'au seuil de leurs chambres respectives.
**
Le lendemain, Husk en apprit plus sur la dispute entre Charlie et Vaggie. Cette dernière leur annonça avec la tête d'un repentant qu'elle était une ancienne exorciste.
Ça ne changeait pas grand-chose pour le chat, mais il pouvait comprendre le sentiment de trahison de sa compagne. Surtout qu'elles étaient en couple depuis des années.
Il s'attendait à ce que Alastor fasse le malin, utilise la peine de Charlie pour se rapprocher d'elle et pousser Vaggie vers la sortie. Il n'en fit rien. En fait, il était bien silencieux.
Peut-être la blessure infligée par Adam l'avait plus affecté qu'il ne le laissait paraître ? Ou était-ce simplement son ego qui accusait le coup.
Quoi qu'il en soit, Husk devait rester sur ses gardes. Un Alastor silencieux était encore plus terrifiant qu'à l'accoutumé. Qui sait quel genre de plan sordide pouvait se cacher derrière ce mutisme.
Mais il n'eut rien à craindre de ce jour. Passé cette petite réunion, le démon disparut dans une mare d'encre et ne se montra plus de la journée.
Lucifer afficha une mine satisfaite à son départ, avant de tourner toute son attention vers sa fille adorée et trahie. Les deux disparurent également dans les couloirs de l'hôtel.
Vaggie soupira. Angel tenta vaguement de lui remonter le moral avec quelques blagues crasses qui la mirent encore plus en colère. Ce n'était pas une mauvaise technique en soi. Parfois la colère valait mieux que le désespoir.
**
Deux jours plus tard, Husk fut réveillé par une sensation de démangeaison qui courait sur toute la surface de ses ailes. Il se leva brutalement et commença à se gratter nerveusement, frustré lorsqu'il ne pouvait pas atteindre une zone.
Il attrapa la pointe de son membre dénudé et se mit à mordre dedans dans l'espoir que la douleur fasse disparaître la gêne. Le résultat fut mitigé.
Il courut jusqu’à la douche et fit couler l’eau sur son corps. Le liquide chaud déclencha une vague de picotement aiguë sur les endroits à vifs. L'envie de gratter la peau disparut un peu.
Évidemment, cela ne dura pas. Et la démangeaison revint en force alors qu'il prenait son service. Concentré à essayer de frotter un point particulier de son aile contre l'angle de l'étagère du bar, il ne prêta pas attention à Angel qui passait.
Celui-ci s'arrêta, le regarda avec un mélange d'incompréhension et d'inquiétude.
« Euh, tout va bien ? »
Husk grogna. « Ces saloperies me grattent comme jamais. Je vais péter un plomb ! »
« C'est probablement la repousse des plumes. »
« Je suis sûr qu'Alastor se fera un plaisir de me les arracher. Ça réglera le problème. »
« Ouah, ne fait rien d'aussi radical, d'accord ? Je dois partir, mais je réfléchis à une solution. »
« Pffff... », il cessa son mouvement répétitif contre le bois et s'écroula sur le comptoir tête dans les bras. « A ce soir. »
« Ouais, à ce soir. »
**
Angel réapparut sur les coups de dix heures. Il ne trouva personne au bar. Il fit le tour du comptoir et comme il l'avait imaginé, il trouva Husk assis au sol, dans un état lamentable.
« Bon sang, mais qu'est-ce que tu as fait ? », demanda Angel avec irritation.
« Trop bu. »
« Mais non, pas ça. C'est quoi ça ? », dit-il en attrapant l'extrémité d'une aile. La peau était rouge vif, quasiment à sang.
Husk sursauta à la sensation et retira aussitôt l'appendice des mains de l'acteur.
« Vodka. Ça calme un peu, mais il faut le refaire souvent. »
Angel frappa une main sur son front. « Tu t'es badigeonné les ailes à la vodka ? Non mais ça va pas. »
« Ça... gratte... », réussit à prononcer Husk en titubant même assis.
« Je t'ai ramené quelque chose, regarde. »
Angel déroula un petit tapis rectangulaire devant le chat.
« Un paillasson ? »
« Yep, un paillasson, bien raide. On va le clouer sur les murs de ta chambre pour que tu puisses te frotter dessus comme un ours. »
« … Pas con. »
« Je vais chercher des clous, un marteau et on monte. »
Husk ne s'aperçut même pas qu'Angel avait disparu pendant cinq minutes. Ce dernier l'attrapa alors par la patte, la fit passer au-dessus de son épaule et souleva le chat.
« Woh, doucement, je peux marcher tout seul. »
« Je l'ai déjà entendue celle-là. », répondit Angel en continuant de le guider vers les escaliers.
L'instant d'après, il se retrouva assis sur son lit. Angel faisait le tour de la pièce pour trouver le meilleur endroit pour clouer le paillasson.
« J'y crois pas. La première pièce de déco de ta chambre et c'est un putain de paillasson. Bon, allons-y. »
Les coups de marteau portés sur le mur résonnèrent à travers le crâne du chat qui se roula en boule sur le lit, les oreilles entre ses mains. Le bruit s'arrêta bientôt mais il ne bougea pas d'un pouce. Une main se posa sur son épaule.
« Eh, c'est fini. »
Husk ouvrit deux yeux légèrement vitreux et regarda le mur. Un paillasson couleur paille avec « Welcome home » écrit dessus était accroché à hauteur de son dos.
Il se leva et s'approcha à reculons jusqu'à toucher la surface avec ses ailes. Son buste effectua un mouvement d'essuie-glace mal réglé. La surface rugueuse gratta avec juste la bonne intensité les endroits qu'il ne pouvait pas atteindre.
« Oh... C'est pas mal. »
« Eh eh. », s'exclama Angel avec fierté, deux poings sur les hanches en une position de triomphe.
Husk continua à se frotter frénétiquement contre le tapis. Angel s'éclipsa dans la salle de bain et revint avec une serviette humide dans les mains.
« Allez, viens-là, on passe à l'étape suivante. »
« ... »
« Allez Husk. Je vais t'aider, mais on va commencer par retirer cette couche de... vodka. »
L'acteur s'assit sur le lit. Husk vint le rejoindre en traînant des pieds, mais ne dit rien. Il s'assit dos à Angel, recourbé sur ses jambes croisées. Il vint placer une première aile, où plutôt ce qu'il en restait, sur la serviette tendue par Angel.
Sur sa peau à vif, le contact de l'humidité chaude le fit d'abord aspirer entre ses dents de douleur. Mais après quelques instants, la sensation devint passable. Douloureuse, mais agréablement chaude.
Angel fredonna un air qu'il ne connaissait pas en passant la serviette délicatement sur ses chairs meurtries. Il s'arrêtait parfois pour tirer doucement sur la peau. Husk sursauta la première fois, mais l'inconfort était généralement suivi par un soulagement immédiat.
« Elles essayent de sortir. », expliqua l'araignée. « Chez les démons, la repousse est rapide. La gêne est beaucoup plus grande, mais ça ne dure pas longtemps. Je te parie que dans un ou deux jours, les démangeaisons auront disparues. »
« Tu t'y connais en repousse de plumes ? »
« Non, mais j'ai eu plusieurs fois des morceaux de fourrure arrachés. »
« ... »
« Bon, le processus de repousse se passe mieux si la peau est bien hydratée. Ce qui est exactement le contraire de mettre de l'alcool dessus. »
Husk baissa un peu les oreilles devant le ton de reproche. Il se tourna vers Angel. Celui-ci avait en main un tube qu'il n'avait pas remarqué.
« C'est quoi ? »
« Une crème hydratante. Ça va te soulager. »
Le chat grogna un peu. Il n'aimait pas l'idée de se faire masser, une fois de plus, par l'araignée. Il aurait préféré que celui-ci continue de le toucher avec la serviette.
Il dût involontairement se contracter et refermer ses ailes car Angel lui demanda :
« Tu... Tu préfères le faire toi-même ? »
Sans trop savoir pourquoi, Husk secoua la tête. « Non, c'est bon. »
« Dis-moi si c'est désagréable, j'arrête tout de suite. »
« Hum. »
La crème était froide, les mains d'Angel chaudes. Bientôt la sensation se mélangea. L'araignée ne se contentait pas d'étaler la crème, il appuyait sur chaque centimètre de peau avec ses quatre pouces, relâchant la pression, libérant quelques plumes de leur cocon de chair au passage.
Husk commença à dodeliner de la tête. Il s'appuya sur ses bras pour ne pas tomber en avant. Sa queue battait doucement les flancs d'Angel, s'assurant qu'il était toujours là, vu qu'il ne pouvait pas le voir dans sa position. Il entendit l'acteur rire doucement lorsque le mouvement débuta.
Il ronronnait. Bah, il était trop fatigué et ivre pour s'en soucier.
Angel fit remonter ses doigts vers la base des ailes et une nouvelle sensation apparut. Husk tourna la tête en guise d'interrogation.
« Il reste des plumes ici. La base a été protégée de l'explosion par ton dos. Mais il n'y a pas deux rangées alignées correctement. Je vais me servir de mes doigts comme d'un peigne. »
« Humf. », acquiesça Husk avant de relâcher à nouveau sa tête en avant.
Le soulagement grandissait à chaque passage des mains d'Angel sur ses ailes. Il n'avait jamais considéré cette partie de son corps comme un membre réel, plutôt comme un outil ajouté maladroitement par un dieu sadique aux goûts douteux.
Pour la première fois, il sentait des sensations agréables courir de la pointe de ses ailes vers son dos, sa nuque, son cerveau. Il comprenait à quel point ces excroissances faisaient parties intégrantes de son corps.
Cette idée lui éclata en pleine face lorsque Angel passa ses doigts entre son dos et une aile pour toucher la toute base de la jonction, là où ses plumes rencontraient sa fourrure.
Une vague chaude de plaisir fut envoyée vers son ventre et il ne put contenir un gémissement de contentement.
Il sursauta aussitôt malgré son état de semi-conscience, honteux du bruit sorti de sa gorge.
« Oh, jackpot ! », s'exclama doucement l'acteur.
« Angel ! »
« Quoi ? Je n'ai pas le droit d'être content de moi ? »
« Je...Ce n'est pas pour ça que je te laisse me toucher ! »
« Ça va, ça va ! J'ai pas fait exprès si tu veux tout savoir. Je ne recommencerai pas. »
L'acteur roula des yeux et ajouta à voix basse. « Mais je garde cette information précieusement. »
Plutôt que de s'extirper de cette situation, le chat se mit à l'aise en s'allongeant sur le ventre, sans cesser de grommeler tout de même, par principe. Sa conscience s'évada rapidement lorsque Angel reprit le contact de ses doigts fins entre les plumes.
Notes:
Un chapitre totalement inspiré par la crise d'Eczema qui m'a pourrie la vie ces derniers jours.
Fun-fact : Le rythme de production des films d'Angel devait être beaucoup plus tenable dans les années 70. En effet, la VHS a été inventé en 1975, ce qui veut dire qu'avant cette époque, la pornographie se résumait surtout aux cinémas de quartier. Et à la photographie dans les magazines. Mais bon, nous sommes en enfer, Vox diffuse probablement du porno à la TV de jour comme de nuit.
Chapter 10: Chapitre 10
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Husk se réveilla étrangement apaisé malgré une gueule de bois carabinée. Rien de bien inhabituel chez lui. En revanche, cette vague sensation de détente en arrière-plan, voilà quelque chose qui sortait de l'ordinaire.
Avait-il vu Angel s'en aller la veille ? S'était-il endormi avant ou après que l'acteur soit parti ? Il ne souvenait pas de leur fin de soirée.
Bah, il avait probablement dû s'endormir et Angel en avait profité pour s'éclipser. Il s'excuserait lorsqu’il le croiserait.
Il se rappela que c'était son jour de congé. Il pouvait en profiter pour traîner un peu.
Il secoua ses ailes. La démangeaison était toujours là, mais moins forte. Devant lui, le paillasson cloué sur le mur détonnait dans cette chambre sobre et désuète.
Il s'approcha en râlant intérieurement, et, à la manière d'un ours se grattant le dos contre un arbre, se mit à gesticuler contre le tapis rêche.
Heureusement que personne ne pouvait le voir, il se sentait parfaitement ridicule. Mais l'idée d'Angel était bonne. Cela le soulageait beaucoup.
Tout en se balançant contre le mur, il aperçut sur sa table de nuit le tube de lotion hydratante que l'araignée avait utilisé la veille.
Le chat n'était pas du genre à prendre soin de lui. Est-ce qu'il avait déjà utilisé un soin cosmétique dans sa vie ? Probablement pas. Mais il se souvint de la sensation d'apaisement qu'il avait ressenti lorsque Angel avait étalé cette mixture sur sa peau.
Il prit le tube et l'ouvrit avec méfiance, appuya doucement sur le contenant. Il ne savait même pas quelle quantité il devait mettre dans sa paume. Avec hésitation, il passa sa patte sur son aile gauche, aussi loin qu'il put.
La sensation était agréable, mais il ne retrouva pas le quart du bien-être qu'il avait éprouvé la veille. Peut-être était-ce dû à son état alcoolisé, tenta-t-il de se convaincre alors qu'il était à deux doigts d'appeler Angel pour qu'il réitère son soin.
Il finit en s'étirant et attrapa une enveloppe épaisse cachée sous son matelas. Il avait réussi à mettre suffisamment de côté pour rembourser Marco et le remercier pour son aide.
Dans le lobby, Husk surprit une discussion entre Vaggie et Charlie. Il passa discrètement, ne voulant pas les interrompre, mais son ouïe féline comprit qu'elles cherchaient une solution concernant la menace proférée par Adam. La prochaine extermination allait leur tomber directement dessus.
Husk se demanda si cela lui importait ou pas de mourir tué par un exorciste. Après tout, son plan original comportait comme solution de se jeter directement sur leurs lances.
Mais aussitôt, l'image d'Angel s'imposa dans son esprit. Pris d'embarras, il rajouta rapidement à ce tableau la figure de Niffty, Vaggie et Charlie, et se dit qu'il n'avait pas envie de voir ses compagnons (tous ses compagnons) décimés par les anges.
Il remisa son projet de suicide à plus tard. Cette année, il devrait aider les membres de l'hôtel à survivre.
**
Après une marche en ville, il retrouva le club sans problème, et aperçut le démon-truite à sa place habituelle à travers la vitre de l'établissement.
« Husk ! », s'écria le poisson lorsqu'il poussa la porte d'entrée. « Par Lucifer, je n'aurais jamais pensé te revoir. »
« J'apprécie ta confiance. », lui répondit le chat sur un ton acerbe mais avec un sourire en coin.
« Hey, ne le prends pas mal, mais les choses finissent rarement bien par ici. Mais tu m'as l'air plutôt en forme en comparaison de la dernière fois. »
Husk s'assit au comptoir, posa l'enveloppe sur le zinc et la fit glisser vers le démon.
« Plutôt en forme, hein. C'est que tu m'as pas encore vu de dos. », plaisanta-t-il en ouvrant ses ailes.
« Ouch. D'accord, ça, c'est moche. Mais pour le reste, je trouve que tu as l'air mieux. Enfin c'est pas bien difficile non plus, la barre était assez basse. »
Husk eut un petit rire et acquiesça. Marco prit finalement l'enveloppe et l'ouvrit. Il siffla de surprise.
« Alors ça c'est une première. Jamais personne ne m'avait remboursé une dette avant. Tu as vraiment réussi à te refaire ? »
« Oui... et non. »
Le chat soupira et commença à frotter nerveusement un point au dessus de sa tempe.
« Disons que j'ai réglé un problème en l'échangeant contre un autre. »
Marco grimaça. « Oh non, mon vieux... ne me dit pas que tu as signé un contrat ? »
« Eh, je t'avais proposé mon âme, c'est toi qui n'en a pas voulu. », essaya de blaguer le chat, sans trop de succès.
« Et je t'ai bien dit de pas prendre ces trucs à la légère. »
« Mouais, je sais... J'ai paniqué, ça ne devait pas se dérouler comme ça. »
« Ça ne doit jamais se dérouler comme ça, pas vrai ? », fit l'autre en soupirant et en lui versant un verre. « Alors, qui c'est ? »
« ... »
« Husk ? »
« Le démon de la radio. »
« Putain de bordel de merde. »
« J'ai paniqué ! »
« Une sacré panique, je vois ça. Et alors, euh... ça se passe ? »
Husk haussa les épaules. « Ça se passe. Le type est terrifiant, il a mangé mes créanciers. Mais la plupart du temps je suis juste barman dans un hôtel minable géré par la fille de Lucifer. J'essaie de me faire oublier. »
« La fille de Lucifer ? Ben mon cochon, tu grimpes les échelons rapidement. Ou bien tu te découvres un côté masochiste ? »
« Détrompe-toi, elle est plutôt sympa. Candide même, c'est un comble vu l'endroit. Et j'ai même pu rencontrer son royal paternel. Pas si impressionnant au final. »
« C'est toi qui m'impressionne. Mais je n'arrive pas à savoir si tu es un génie ou un fou, à frayer comme ça avec les pontes. »
« Ni l'un, ni l'autre. Je suis juste le gars qui tombe au mauvais endroit, au mauvais moment. »
La conversation continua un bon moment. Husk expliqua le projet de Charlie au démon, qui trouva l'idée intéressante. Il fit promettre au chat de l'informer si une âme réussissait un jour à partir au paradis.
Husk rentra en fin de journée, hésita à retourner dans sa chambre, puis décida qu'il pouvait tout aussi bien s'installer dans le lobby pour lire un peu.
Il attrapa le livre qu'il gardait derrière le comptoir du bar, un polar, prit une bouteille et se posa sur l'un des fauteuils devant la cheminée.
Charlie et Vaggie vinrent le rejoindre, lui proposèrent un plateau repas devant la télévision. Le chat haussa les épaules et les suivit.
Le film diffusé était vraiment nul, comme la plupart des productions infernales, mais pour une fois ne comportait pas trop de violence, ce qui était plutôt reposant.
Angel arriva alors que le générique de fin défilait. Charlie proposa d'enchainer sur le film suivant. L'acteur accepta et s'installa à côté de Husk, son propre plateau sur les genoux, grignotant ses frites du bout des doigts.
Il tentèrent de discuter à voix basse mais Vaggie leur lança un regard qui signifiait qu'elle n'allait pas tarder à passer à l'engueulade en bonne et due forme.
Husk reporta son attention sur le film. Le canapé était moelleux, la bouteille facile et ses ailes s'étaient calmées. Pas une mauvaise soirée en somme.
**
Le lendemain, il constata avec joie que la plupart de ses plumes avaient bien entamé leur repousse. L'inconfort était beaucoup plus faible.
Husk commença sa journée d'une humeur passable. Du moins jusqu'à ce que Alastor apparaisse sur l'un des tabourets du bar. Son expression était neutre, posée, mais le chat ne s'y fia pas. Son sourire était légèrement moins prononcé, et pourtant plus crispé qu'à l'accoutumé. Husk sentit ses oreilles frémir contre son gré.
« Bonjour Husker. »
« 'jour. »
« Que dirais-tu de profiter de cette magnifique journée pour te dégourdir les jambes ? Ah ! Pardon. Les pattes. »
Le chat leva les yeux au ciel. « Quelle est la mission ? »
Hors de question que cet abruti le fasse tourner en rond des heures.
« Comme je te le dis, une simple promenade. En ma compagnie. Pourrais-tu rêver mieux ? »
Je peux penser à une ou deux choses, oui...
« Dis m'en plus... »
« Non. ».
Le ton du démon n'appelait aucune réponse. Husk crut même voir ses yeux s'obscurcir un instant. Ce n'était pas le moment de le provoquer. Il soupira et jeta son torchon sur le comptoir avant d'en faire le tour.
Alastor se reprit et s'exclama sur un ton joyeux. « Parfait ! » Avant de faire tourner sa canne et d'avancer vers la porte, Husk, deux pas derrière lui, les épaules tombantes.
Ils marchèrent à travers la ville pendant presque une heure, dans un silence confortable. Les démons s'écartaient sur leur passage, où qu'ils aillent, ils n'étaient pas gênés par la foule.
Le démon de la radio provoqua même un accident de voiture par sa seule présence sur un passage piéton. Il n'eut même pas une remarque amusée sur la situation. Quelque chose n'allait définitivement pas.
Alors qu'ils entraient dans un nouveau quartier de Pentagram City que Husk connaissait mal, Alastor ralentit et se plaça à sa hauteur.
« J'ai un léger contentieux avec le démon qui dirige ce quartier. J'aimerai beaucoup régler ce problème car, vois-tu, je déteste avoir des affaires en suspens. Malheureusement le bougre s'attend à ma visite et reste introuvable. Mais ! Il possède un point faible. C'est un grand amateur de chair fraîche. Et il est incapable de résister à l'odeur du sang. »
Avant que Husk n'ai pu répondre, Alastor lui attrapa le bras et, de la pointe d'un ongle acéré, traça une ligne sur toute la longueur du membre. Le sang perla sous la fourrure noire.
« Eh ! », s'écria le chat, surpris par cette agression soudaine.
« Allons, allons, c'est une petite estafilade de rien du tout. Elle sera refermée avant ce soir. »
« C'est ça ton plan ? Faire de moi un appât ? »
« Exactement, et je suis heureux de voir que tu as parfaitement compris la situation ! Tout ce que je te demande c'est de continuer à marcher. Traverse ce faubourg et si notre ami répond à l'appel, je serais là pour le pêcher. Ah ah ! »
« Et à quoi est-ce qu'il ressemble ton gars ? »
« Peu importe. S'il mord à l'hameçon, tu le sauras bien assez tôt. »
Husk fit rouler ses yeux et sa tête en arrière. Il ne servait à rien de discuter avec lui. Il reprit sa marche, son bras gouttant par intervalle sur le trottoir.
Bon. Alastor n'était pas en forme et décidait soudainement de régler ses comptes avec un vieil ennemi. Rien de bien étonnant. Après la raclée monumentale qu'il s'était prise par Adam, son ego en avait pris un coup.
Husk se demanda s'il s'agissait simplement de soigner sa blessure d’orgueil ou s'il voulait tester ses limites après ce que l'arme angélique lui avait infligé.
Quoiqu'il en soit, le chat ne lui faisait pas du tout confiance pour intervenir à temps. Peut-être Alastor laisserait-il à sa proie le temps de le malmener un peu, juste pour le plaisir. C'était bien son genre.
Husk grommelait intérieurement lorsque la rue déboucha sur un parc. Un parc infernal, certes, mais c'était tout de même plus agréable que de marcher sur le trottoir à respirer les émanations des véhicules.
Le chat poussa la petite grille délimitant les lieux. La verdure n'avait rien de vert, et elle était jonchée de détritus. Tous les bancs étaient occupés par des sans-abris, nouveaux arrivés et malchanceux qui disparaîtraient probablement à la prochaine extermination.
L'endroit était calme, chacun occupé à s'apitoyer sur son propre sort. Chacun coincé dans sa propre spirale infernale.
Au bout d'une allée, Husk aperçut un petit lac. Ou un gros étang, il n'avait jamais su faire la différence.
Malgré les déchets flottants à la surface, l'endroit était calme, presque serein. L'eau transparente reflétait le ciel, elle semblait rouge également. On aurait dit une grande bassine de sang.
Husk s'approcha et prit un peu d'eau au creux de sa main. Derrière ses griffes blanches, elle redevint totalement incolore. Il ouvrit ses doigts pour lui rendre sa liberté lorsqu'il aperçut une goutte de sang couler de son avant-bras, directement dans le lac.
La goutte fut visible le temps d'un battement de cil puis se fondit totalement dans le liquide. Husk se releva et continua sa route.
Quelque chose avait changé. Il n'aurait pas su dire quoi, mais l'air semblait plus stagnant. Plus pesant aussi. Il se retourna nerveusement mais rien n'avait bougé. Il pouvait voir au loin les bancs et ses occupants, immobiles.
Un clapotis résonna dans son dos. Léger. Discret. Il fit volte-face et se retrouva devant un démon-requin gigantesque. La créature faisait deux fois sa taille, littéralement, et possédait la silhouette sur-gonflée d'un bodybuilder.
Alastor, espèce de petite m... Husk n'eut pas le temps de terminer sa pensée que le démon l'attrapa par le col et le souleva de terre comme s'il ne pesait pas plus qu'un véritable chat.
« Arf, une créature à fourrure. Tu sais à quel point c'est emmerdant de devoir recracher ces poils ? », demanda l'overlord en l'écrasant entre ses énormes mains.
Husk tenta d'enfoncer ses griffes durcies dans la peau grise, mais elle était plus dure que l'acier et plus irritante que du papier de verre. Erk, Angel a raison, cette texture est abominable.
« Bon, tu as de la chance, je ne suis pas difficile. A table ! », déclara-t-il en se tournant vers le lac et commençant à y entraîner le chat.
Non. Oh non. Alastor, grouille-toi !, hurla-t-il dans sa tête alors que l'eau tiède et légèrement nauséabonde lui arrivait déjà à la taille.
Husk se débattit tout en essayant de regarder si Alastor était dans les parages. Il devait rester discret dans ses coups d’œil pour ne pas alerter le squale sur la présence du démon. Ce qui n'était pas évident lorsque tout ce que lui criait son cerveau était d'appeler Alastor à l'aide.
Rien. Aucune présence du démon aux alentours. Husk prit une grande inspiration, autant que possible au regard de la pression exercée sur sa poitrine, et sa tête s'enfonça sous l'eau.
Ne panique pas. Ne panique pas. Il savait que l'augmentation cardiaque lui ferait d'autant plus consommer de l'oxygène. C'était probablement trop tard, son cœur était déjà dans un état d'alerte ultime. Il s'était trop débattu.
Il regarda la silhouette flou du requin devant lui. Le squale souriait. Husk devinait la longue rangée de ses dents pointues, si semblables à celles d'Alastor. Il perdit sa dernière bouffée d'air. L'autre ouvrit grand sa gueule, révélant un trou béant et sombre.
Alors que tout espoir disparaissait, il se trouva violemment arraché des bras de son assaillant et projeté à travers la surface de l'eau. Il s'écroula lamentablement sur l'herbe de la rive.
De l'air. De l'air. C'était sa seule pensée. Haletant à quatre pattes, il eut juste le temps d'apercevoir les tentacules noirs d'Alastor qui retournaient vers son propriétaire.
Le démon-cerf se tenait sur la rive, à quelques mètres. D'autres de ses tentacules partaient de son dos et s'enfonçaient sous la surface bouillonnante.
L'énorme tête du squale apparut hors de l'eau, faisant sursauter Husk qui recula maladroitement en rampant. Le cou du requin était enserré dans les appendices magiques d'Alastor. Ce dernier était tendu en arrière, comme un pêcheur remontant une proie trop lourde.
Le requin se débattit, cria des insultes à l'adresse de l'autre overlord. C'est fini pour toi, pensa Husk. Il se trompait. Les énormes mains du squale sortirent soudainement de l'eau et attrapèrent les tentacules, faisant sursauter Alastor.
Avant que le démon ait eu le temps de les rétracter, le requin tira d'un coup sec et puissant, projetant le cerf tête la première dans le lac.
Leur distance maintenant réduite, le squale referma ses mâchoires sur l'épaule du cerf et l’entraîna dans les abysses sans plus de préambule.
Sur la rive, Husk assista à la scène, incrédule. Pourquoi Alastor ne l'avait pas déjà réduit en charpie ? Comment avait-il pu se laisser entraîner aussi facilement ?
Le chat se releva, observa la surface. Des bulles remontaient sans discontinuer. Il attendit, près à fuir si le danger surgissait.
L'écran liquide fut rompu par la tête d'Alastor qui surgit, prit une respiration avant d'être à nouveau entraîné au fond. Pourquoi ne changeait-il pas de forme ? Ce lac ne constituait pas plus qu'un pédiluve pour un Alastor transformé.
Sans s'en rendre compte, Husk avait commencé à faire des allers et retours nerveux sur la rive. Et après tout, pourquoi s'en faire pour lui? De ce que Husk en avait vu et entendu, le type était un putain de sociopathe. Qu'il crève, le chat serait libéré et pourrait reprendre son âme.
Et puis ce ne serait pas vraiment une mort définitive, tenta de se convaincre Husk, il mettrait juste des mois à se régénérer et perdrait son statut d'overlord et ses âmes.
Une tâche sombre apparut à la surface. Malgré la couleur identique à celle de l'eau, il n'y avait aucun doute sur la nature du liquide qui s'étendait lentement. Et Alastor ne remontait toujours pas.
Husk vibrait sous la tension. Merde. Merde ! N'y tenant plus, il courut vers une sortie du parc situé derrière lui. Ses ailes n'étaient pas assez guéries pour l'aider à accélérer, alors il utilisa toute la puissance que ces pattes lui offraient.
Une fois dans la rue, il scruta les alentours et aperçut une petite épicerie de l'autre côté de la route. Il traversa, rentra dans la boutique comme une furie.
« Téléphone ! C'est une urgence ! », vociféra Husk sur un ton brutal.
Derrière son comptoir, une démone-hérisson commença à se rouler en boule devant cette irruption violente tout en indiquant la porte de la réserve d'un bras tremblant.
Husk se jeta dans la pièce et attrapa le combiné. Le cadran fit lentement défiler ses chiffres. Trop lentement. Allez, allez, répond....
« Hôtel Hazbin, Charlie j'écoute ! », entendit-il à l'autre bout du fil.
« Charlie, Alastor est en grave danger, un overlord l'a attrapé et est en train de le noyer, ou de le manger, probablement les deux, j'ai besoin d'aide. »
« Qu... Quoi ?? Oh mon dieu ! Oh bon sang ! »
Derrière sa voix, Husk entendit celle de Lucifer demander sans passion. « Le groom est mort ? »
« Oh, je sais ! », cria la jeune femme. « Je vais ouvrir un portail ! Husk, où est-il ? »
Le chat lui indiqua l’emplacement du parc, raccrocha et repartit en sens inverse sans prêter attention à la boule de piquants derrière la caisse.
Il traversa la route, sauta la barrière du parc et retourna au bord du lac juste à temps pour voir le portail se refermer derrière Charlie, Vaggie et Lucifer.
« Par ici ! », cria-t-il en indiquant la tâche sombre encore présente à la surface du lac mais qui commençait déjà à disparaître.
« Papa ! », s'écria Charlie d'une voix suppliante.
Lucifer soupira, fit apparaître six ailes impeccables et s'envola au-dessus de la surface. Une fois sa cible en vue, il descendit et tapa l'écran d'eau du pommeau de sa canne, une pomme d'or enroulée d'un serpent. Les eaux s'élevèrent puis se séparèrent comme pour Moïse.
Au fond de la tranchée, étalé dans la vase et les algues, le requin surprit avait encore ses dents enfoncées dans l'abdomen d'Alastor. Ce dernier ne bougeait plus.
Le squale leva les yeux et, de surprise, laissa tomber sa proie. Il contempla le roi des enfers descendre lentement vers lui, sa canne toujours pointée vers les eaux.
« Lucifer. », prononça l’overlord d'un ton qui se voulait assuré.
« Je viens reprendre quelque chose qui m'est plus utile vivant que mort. »
Le squale hésita, puis haussa les épaules. « Puis-je garder un bras ? Une jambe ? »
Lucifer jeta un œil vers Charlie qui attendait sur le rivage, les mains jointes et l'air paniqué.
« Je ne le permets pas. », annonça-t-il avec sévérité.
« Il m'a attaqué. Sur mon territoire. »
« Va. T'en. Immédiatement. C'est un ordre. »
Sans cacher sa colère, l'overlord fit demi-tour et entra dans la paroi aquatique avant de disparaître.
« Oh non. Oh non. Oh non. », scanda Charlie en parcourant la tranchée encore humide. Husk et Vaggie la suivirent pour constater les dégâts sur le corps d'Alastor.
Celui-ci gisait au sol, inconscient. Même son éternel sourire avait disparu. Une longue balafre ouverte le parcourait des clavicules jusqu’au nombril, laissant à l'air libre ses organes ensanglantés.
« Hum. », fit Lucifer en s'approchant. « Ce n'est pas juste dû à son adversaire. Ça pue l'acier angélique à plein nez. »
Charlie ne put réprimer un couinement désespéré. « Oh non ! Adam ! Est-ce qu'il va mourir ? »
Le visage de Lucifer exprima l'hésitation, comme s'il voulait rassurer sa fille mais n’osait pas lui mentir.
« Honnêtement... je n'en sais rien. »
Tous le regardèrent, et Lucifer eut l'air de comprendre que la prise en main de la situation lui revenait. Il soupira, exaspéré.
« Pfff, ramenons cet abruti pompeux à l'hôtel, je vais voir ce que je peux faire. Mais Charlie, je ne peux rien te garantir. J'ai rarement eu l'occasion de m'occuper de blessures aussi graves sur des pécheurs, même des overlords. »
« Je sais papa. S'il te plaît, essaie ! »
Lucifer acquiesça. De la main, il ouvrit un portail donnant sur une chambre de l'hôtel. Il s'approcha du démon au sol et le souleva sans aucun problème. Si ce n'est à cause de sa taille : les jambes d'Alastor touchaient encore pratiquement le sol même une fois dans les bras du diable.
Il passa le seuil de la chambre et posa le démon sur le lit. Les autres suivirent et le portail se referma. Vaggie prit la main de Charlie pour la soutenir. Husk se sentait en trop, mais n'osait pas partir.
« J'ai pris une chambre inoccupée. », expliqua Lucifer. « Celle du groom est protégé par sa magie. Je pourrais aisément la défaire, mais je n'ai pas vraiment envie de découvrir ce que cache ce sadique. »
Il fit une pause et se tourna vers sa fille qui attendait, les larmes au bord des yeux.
« Charlie, Char-Char... Je sais que ce projet te tient à cœur, et je ferais n'importe quoi pour t'aider, mais tu es bien sûre de vouloir garder ce euh... cet individu spécifique à tes côtés ? J'ai entendu des choses horribles à son sujet et je m'inquiète pour toi... »
« Papa ! Ce n'est pas le moment ! Sauve-le, je t'en supplie, et je te promets qu'on pourra en reparler après. »
« D'accord, d'accord. Bon, je m'y mets. »
Il s'approcha du lit et fit glisser ses mains à quelques centimètres au-dessus du corps étendu. Une lumière dorée et douce s'échappa de ses paumes. Après avoir parcouru le démon du sommet de son crâne dégoulinant jusqu'à la pointe de ses chaussures trempées, il revint sur la blessure et la lumière s'intensifia.
« Ça risque de prendre un moment. », annonça-t-il.
Vaggie serra un peu plus la main de sa compagne. « On devrait le laisser tranquille. »
Les trois sortirent de la pièce en silence. Mais aussitôt la porte fermée, Charlie parut avoir une idée.
« Je vais chercher des vêtements secs ! », annonça-t-elle.
Husk grimaça. « Euh... Ça part d'une bonne intention, mais je ne suis pas sûre que Alastor apprécierait qu'on touche à sa tenue pendant qu'il est inconscient. Et ce n'est pas un peu d'eau qui va l’abîmer plus qu'il ne l'est. »
Vaggie approuva d’un hochement de tête. Alastor allait probablement en faire tout un plat en se réveillant si l'on touchait à son costume. Sans parler de le déshabiller ! C'était hors de question.
Il sera toujours temps de lui passer un costume mortuaire s'il claque entre les mains de ton père.
Husk s’aperçut tout à coup qu'il était lui aussi trempé, et commençait à avoir froid. Il retourna à sa chambre en vitesse avant que Niffty ne le surprenne en train de goutter sur la moquette de l'hôtel.
**
Après une sieste bien méritée, il retourna à son poste au bar. Alastor ne pourra pas l'accuser de profiter de son absence pour paresser. Il n'avait reçu aucune nouvelle du démon, ni de Lucifer. Celui-ci devait toujours être en tentative de sauvetage de l'overlord.
Husk soupira. Qu'est ce qui lui avait pris d'aller se battre dans son état ? Alastor n'était pas suicidaire, il était plutôt du genre à vouloir vivre pour l’éternité afin de dominer l'intégralité des enfers ou tout autre projet que son ego surdimensionné pouvait lui intimer.
Il jeta un coup d’œil à l'horloge du lobby. Angel ne devrait pas tarder à rentrer si son abruti de patron ne lui collait pas encore des heures supplémentaires. Il prépara tranquillement sur le comptoir les ingrédients pour son cocktail préféré.
Quelques minutes plus tard, la porte du lobby s'ouvrit, laissant apparaître un Angel Dust rincé mais dont le visage s'illumina lorsqu'il aperçut Husk.
Un cocktail plus tard et le chat lui avait raconté son aventure du jour jusqu'au moment où Lucifer était arrivé à la rescousse.
« Tu as fait quoi ? », interrompit Angel, incrédule.
« ... »
« Attends. Dis-moi si j'ai bien tout compris. Alastor était sur le point de crever. Tu avais l'occasion d'être libre, de récupérer ton âme, et tu l'as sauvé ? »
« Hum... »
« Ce type, que tu connais depuis trois semaines, à qui tu as filé ton âme sur un coup de panique ? Ce type qui t’envoie dans des missions à la con où tu manques de laisser ta peau ? Mais pourquoi ? »
« Raaah, je n'en sais rien. Je me suis dis comme toi, que je ne lui devais rien du tout. Qu'il n'avait jamais rien fait pour moi, en tout cas rien qui ne me coûte pas très cher. Je savais tout ça. Mais... je n'ai pas réussi. »
« Mais ce n'est pas comme si c'est toi qui avait tenu le flingue qui l'avait tué ! Tout ce que tu avais à faire, c'était justement ne rien faire ! »
« C'est là que tu te trompes. Ne rien faire, c'est déjà en faire beaucoup trop. Je ne te dis pas que je suis un ange, évidemment, si je suis là, tu te doutes bien que j'ai pu en faire des saloperies. Mais regarder un homme mourir sans bouger... C'est au-dessus de mes forces. »
« Husk, Husk, Husk. Cette bonté d'âme me donne envie de te coller des claques, mais aussi de te rouler une pelle. »
Husk rit. Puis il repensa à la chaîne autour de son cou et son sourire retomba. « Je suis un abruti fini. »
« En temps normal je te soutiens, mais là j'avoue... »
« Oh, et toi, si tu t'étais retrouvé face à un Valentino en train de se faire dévorer par un concurrent, tu l'aurais laissé mourir sans rien faire ? »
« C’est complètement différent ! Je connais Valentino depuis deux décennies et en plus... on a un passif. Mais j'avoue... plus le temps passe et plus je pense que je serais capable de le laisser crever devant moi. Peut-être même que j'irais ajouter un ou deux coups de pied pour accélérer le processus. »
« Qui sait... Peut-être que l'occasion se représentera dans deux ou trois décennies et que je n'aurais pas de scrupules à regarder Alastor mourir cette fois. »
« Pouah, celui-là, tous les jours je le regarde crever sans sourciller. J'ai jamais compris ce que Charlie lui trouvait. »
« Hey, ne dit pas trop de mal d'Alastor. Sans lui, je ne serais pas ici pour te préparer des verres. »
« Oh putain, c'est vrai ça ! Hum, je devrais lui apporter des fleurs et une carte de bon rétablissement finalement. »
« Tu le remercie pour les verres ou pour ma présence ? »
Angel croisa les mains devant lui et se pencha en avant, une pointe d'amusement dans les yeux. « Eh, c'est quoi ça ? Tu vas à la pêche aux compliments ce soir ? »
Husk sentit ses joues se réchauffer un peu. Merde, il ne s'était pas rendu compte du sens de ses mots.
« Non attends... euh, je disais ça juste comme ça. »
Bravo, belle répartie. Qu'est-ce qui lui prenait de bredouiller de la sorte ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'Angel interprète ses mots comme de la drague ?
Il grommela à demi-mot et tourna le dos à l'acteur sous prétexte de chercher une bouteille.
Angel rit. « Bien sûr que c'est pour ta présence que j'irais remercier Alastor. Je lui suis tellement reconnaissant que je proposerai même de le sucer si ça ne signait pas directement mon arrêt de mort... »
Husk rit à son tour et se détendit un peu.
« D'accord, je vais le prendre comme un compliment. »
« Écoute, comme cette andouille n'est pas capable d'apprécier les bonnes choses, autant que je te l'offre directement ! Et promis, je lui laisse les fleurs et la carte. »
Husk leva les yeux au ciel.
**
Le lendemain, il apprit que Lucifer avait terminé les soins tard dans la nuit. Alastor était à priori hors de danger. Que devait ressentir Husk ? Du soulagement ? Il ne se sentait pas soulagé. C'étaient pourtant ses actions qui avaient mené à ce résultat.
Il effaça ces pensées de sa tête et se remit à boire. Charlie et Vaggie continuaient leurs projets de leur côté. Niffty passa par moment telle une étoile filante, un plumeau à la main. Angel avait rejoint le studio. Comme souvent, Husk se retrouvait seul dans le grand hall vide.
Ce n'était pas un mauvais boulot, il aurait pu trouver pire. Il était rarement enquiquiné par la clientèle. Mais les journées étaient longues et leur répétition, éternelle.
Husk s'assit à même le sol, une bouteille entre ses jambes, avec l'objectif de peut-être faire un somme avant le repas du midi, lorsque le parquet autour de lui se changea en un liquide noir et l’engloutit entièrement dans les ténèbres.
Il voulut hurler mais rien ne sortit de sa bouche. Et avant même qu'il ait pu analyser la situation ou la température glaciale qui l'avait assailli, la lumière revint et il tomba sur un sol beaucoup trop solide pour son dos.
Il sauta sur ses pattes en état d'alerte. Quelque chose n'allait pas. L'espace autour de lui ressemblait à une des chambres de l'hôtel, mais ouverte sur un espace de verdure tel qu'il n'en avait jamais vu en enfer. La végétation était verte. Le point d'eau devant lui, noir et non pas rouge.
« Husker. »
Husk sursauta et se retourna vers la voix. Il n'avait pas remarqué Alastor, droit comme un i dans son costume, et tellement immobile qu'il aurait pu passer pour l'un des meubles.
« Eh, euh... ça va mieux ? », demanda le chat avec prudence.
« Au poil, mon ami. Tip Top. »
Malgré les mots et le sourire, Husk n'y croyait pas plus qu'au père noël.
« J'ai cru comprendre que je te devais des remerciements. », ajouta le démon sur un ton neutre exprimant mal la gratitude.
Husk haussa les épaules et détourna le regard. « Pas la peine. C'était normal. »
« Non, pas de ça entre nous mon cher, je sais ce qu'il t'en a coûté. »
« ... »
« Et je saurais te remercier en temps voulu. Mais j'ai d'abord une question. Qui s'est occupé du squale ? »
Quoi ?
« Euh, Lucifer s'est chargé de le faire fuir... »
« Le faire fuir, vraiment ? Tout à fait en vie, j'imagine ? »
« C'est qu'on fuit rarement une fois mort... »
Les bois d'Alastor commencèrent lentement à grandir et ses yeux à s'assombrir. La chambre sembla vaciller comme la flamme d'une bougie prête à s'éteindre. Les ombres s'étendirent sur le mur.
« Et tu n'as pas cru utile de tuer l'individu ou de demander à Lucifer de le faire ? Tu as préféré le laisser partir pour qu'il colporte la nouvelle de mon échec à travers tout Pentagram City ? »
La voix d'Alastor grésillait tellement que le chat eut du mal à en comprendre les derniers mots.
Husk heurta le mur derrière lui. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait reculé. Une colère sourde monta en lui devant ces accusations. Mais la peur prit le dessus et l'aida à garder sa prudence.
« C'est que... je n'avais clairement pas la force d'abattre un ennemi de cette trempe, et tu le sais. Quant à Lucifer, tu lui dois déjà la vie, voulais-tu vraiment rajouter à ta dette l’exécution d'un overlord ? »
Ses mots semblèrent faire mouche. Alastor plissa les yeux mais les ombres sur les murs reculèrent légèrement, redonnant un peu de couleur à l'environnement.
« Hum, ce n'est pas faux. Il est vrai qu'une petite chose chétive tel que toi n'aurait rien pu faire. Quant à Lucifer, c'est effectivement un problème... »
Alastor sembla réfléchir à la situation et se perdit quelques instants dans ses pensées. Husk laissa tomber l'insulte, l'hameçon était trop gros. Alastor avait besoin de se défouler après ce nouvel échec ? Husk ferait tout en son pouvoir pour que ce ne soit pas sur lui.
Et il avait moyennement envie de voir une bataille rangée entre l'overlord et le roi des enfers. Sûrement Alastor n'était pas assez stupide pour se lancer dans ce combat.
Mais l'idée d'avoir une dette auprès d'un membre aussi haut placé des enfers lui restait clairement en travers de la gorge. Quel stratagème allait-il mettre en place pour tordre la situation ? Ça pue l'embrouille à plein nez.
« Joli décoration. », tenta-t-il pour changer de sujet.
Alastor le regarda et sembla alors se souvenir de sa présence. Mais c'était apparemment la bonne chose à dire. Ses bois reprirent leur taille normale et ses yeux leur teinte écarlate habituelle.
« Oh, le bayou ? Un souvenir de la maison. Agréable, n'est ce pas ? »
« Très. »
« Bon, mon cher Husker, c'était un plaisir mais j'ai à faire alors, à plus tard ! »
Le même trou noir et visqueux s'ouvrit sous les pieds du félin et il se retrouva à nouveau derrière le bar, allongé sur le dos. Et cet enfoiré avait gardé sa bouteille.
Notes:
Je poste en avance car je ne serais pas dispo demain. Prochain chapitre samedi prochain !
Chapter 11: Chapitre 11
Notes:
C'est la première fois que j'écris une scène de sexe, j'espère que ce sera pas trop cringe ! Ca reste soft mais j'ai rajouté des tags.
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Il était encore tôt lorsque la porte de l'hôtel s'ouvrit bruyamment et Angel fit irruption dans le lobby. Il marcha droit devant lui en écrasant le sol comme si celui-ci l'avait personnellement insulté.
Derrière son bar, Husk lui fit un signe de la main mais Angel continua droit vers les étages.
« Pas ce soir, désolé chaton. »
Sa voix était serrée et pleine de colère. Husk soupira. Il préférait toujours un Angel en colère à celui qui rentrait avec des sanglots dans sa voix.
En temps normal, Husk laissait l'araignée se calmer ou ressasser seule dans sa chambre. Parfois, Angel redescendait plus tard dans la soirée pour boire un verre et se défouler en prenant à partie le barman. D'autres fois, il restait dans sa chambre et ne réapparaissait que le lendemain.
Mais leur relation était devenue plus intime qu'à ses débuts, pensa Husk. Sûrement pouvait-il monter jusqu'à sa chambre et essayer de le réconforter. Vraiment ? Est-ce que tu le fais pour lui ou pour toi ?
Husk hésita pendant trente minutes, s'accrochant au goulot de sa bouteille, puis, n'y tenant plus, il jeta son torchon sur le comptoir et monta les marches, deux verres à la main.
Il tendit l'oreille une fois arrivé à la porte de l'acteur. Pas un bruit. Pas un objet jeté de rage, pas un sanglot. Il toqua.
« Quoi ? », demanda une voix faible et blasée.
« Service à domicile. »
« Je suis pas de bonne compagnie pour le moment. »
« Peu importe. Je peux entrer ? »
« Pffff... »
Husk prit ça pour un oui. Il poussa la porte avec son coude et plaça les verres devant lui en guise d'offrande.
La chambre était tout en nuances de rose, bien entendu. Trop chargée de décorations à son goût, mais un reflet honnête de l'acteur.
Angel était assis au pied de son lit, ses quatre bras enserrant ses jambes recroquevillées. Ses épaules s'affaissèrent lorsqu'il vit le chat armé de ses verres, mais il ne sourit pas.
Husk vint s’asseoir à côté de lui, lui tendit la boisson. Il ne dit rien. L'alcool leur délierait la langue en temps voulu.
Lorsqu'ils arrivèrent à la fin de leur verre, Husk prit une voix basse et calme, comme s'il ne voulait pas effrayer un animal sauvage.
« Tu rentres tôt. »
Angel souffla par le nez. « On a apparemment pas besoin de moi au studio puisque je suis un incapable inutile. »
« Oh. Du Valentino tout craché, non ? »
Ce genre de réflexion avait l'air d'être la base de la communication du producteur. Mais autre chose semblait mettre en colère Angel. Il grommela à voix basse.
« Quoi ? », demanda Husk en espérant n'avoir pas raté une information cruciale.
« Cet abruti a eu le malheur de voir un de mes pieds pendant quelques secondes et ah ! Ça lui a suffit à déclencher une putain de session d’humiliation publique ! »
« Il a vu... ton pied ? »
« Oui, mais je n'ai pas fait exprès ! On filmait une scène d'orgie, classique, y'avait au moins 20 personnes autour de moi. Ma chaussette s'est accrochée sur la chaîne d'un type et je l'ai perdu. C'est tout ! Je ne m'en suis même pas aperçu sur le moment ! »
Husk plissa les yeux. « Et donc... il t'a engueulé juste pour ça ? »
Angel le regarda et leva les yeux au ciel, comme s'il ne comprenait rien à la situation. C'était vrai, il ne comprenait rien à cette situation.
« Valentino déteste voir mes pieds. », expliqua-t-il. « Il les trouve horribles, il dit que cette partie seule de mon corps pourrait faire couler ma carrière et la sienne. Il me reproche tout le temps le manque à gagner qu'il pourrait se faire en vendant des photos de mes pieds ! »
« Des photos de... Attends, c'est vraiment un truc ? »
« Oh, tu n'as pas idée de l'argent que ça brasse. Bref, c'est vrai qu'il n'a pas tort, ils sont vraiment dégueulasses ces pieds. Mais il n'avait pas besoin de me hurler dessus pendant une demi-heure devant quarante techniciens et acteurs. Tout ça pour me demander de me casser juste après. »
Husk laissa planer un silence pendant quelques secondes.
« Tu le penses vraiment ? »
« De quoi ? »
« Qu'ils sont si horribles, tes pieds ? Ou c'est juste un truc que Valentino t'a mis dans la tête ? »
« Oh non, c'est vraiment une horreur. Objectivement. »
« Je croyais que c'était toi le grand spécialiste de Accepte-ton-corps-tel-qu'il-est. »
« Ah ! Oui en temps normal c'est vrai. Mais là c'est ma faiblesse. »
« Ton talon d'Achille. »
Angel roula des yeux devant la nullité de la blague. Au bout d'un moment il ajouta d'une voix lasse.
« Bref, je sais pas pourquoi je m'énerve. Je devrais être habitué depuis le temps. »
Husk ne put s'empêcher d'y voir une similarité avec son propre cas. Sauf qu'il jouait à la fois le rôle de Valentino et d'Angel. Il se sentit stupide et injuste envers l'araignée.
Ce dernier avait posé sa tête sur ses genoux et semblait maintenant presque endormi. Husk bascula sa tête en arrière et la posa sur le matelas, observant le plafond.
Un silence triste s'installa dans la chambre pendant un long moment.
« Je peux te voir nu ? », demanda Husk d'une voix totalement neutre.
Quoi ? D'où ça sort ? Pourquoi, cerveau, pourquoi ?
« Euh non ! Pardon, je sais pas pourquoi j'ai dis ça, c'était stupide. »
Husk regarda si fixement le plafond pour fuir le regard d'Angel qu'il eut l'impression que ses yeux prenaient feu. Qu'est-ce qui lui avait pris ?
Angel s'approcha et prit le visage du chat entre ses deux mains pour le forcer à le regarder.
« Eh. Y'a pas une personne dans tout Pentagram City qui ne m'a pas déjà vu nu. Je peux bien faire ça pour toi. », ajouta-t-il avec un clin d’œil.
Husk balbutia. « Non Angel, c'était vraiment une erreur, je ne voulais p... »
L'araignée posa un doigt sur sa bouche. Puis se leva et s'éloigna.
Il retira ses gants, sans sourire, un regard intense posé sur le barman. Ce n'était pas tout à fait un strip-tease, il n'exagérait pas ses mouvements comme sur scène. Mais ce n'était pas non plus le rythme qu'on utilise en se déshabillant seul le soir.
La veste rayée tomba au sol, révélant l'abondante toison blanche qui faisait la renommée de l'acteur. Ses bras fins portaient des anneaux rose pâle, comme dessinés au pinceau sur sa fourrure.
Husk resta subjugué. Il ne pouvait pas décoller ses yeux de l'acteur. Angel continuait de le regarder aussi, jaugeant ses réactions. Il n’arborait pas ce sourire aguicheur et sûr de lui. Il prenait la situation au sérieux, et c'est précisément ce qui empêcha Husk de le stopper.
Aucun des deux ne parlait. Seul résonnait le bruit des vêtements froissés glissant sur le pelage pâle.
Angel fit glisser deux pouces dans la ceinture de sa mini-jupe, et retira d'un seul mouvement son bas et ses sous-vêtements. Puis il se redressa de toute sa hauteur et regarda Husk, nu dans ses bottes. Il avait l'air presque vulnérable.
Le chat resta là, les yeux écarquillés. Angel était à couper le souffle. Hors de question de lui dire ça.
D'un autre côté, l'araignée semblait tellement perdue, seule dans ses bottes au milieu de la chambre. Husk pouvait se forcer et lui offrir un compliment, c'était la moindre des choses.
« Tu es magnifique. », réussit-il à prononcer, la voix rauque.
Angel sourit enfin et vint s'asseoir sur le bord du lit, juste à côté de lui. Son genou touchait quasiment l'épaule du chat assis au sol, adossé au sommier. Il commença à descendre la fermeture éclair de ses bottes, révélant de hautes chaussettes rose poudré.
« Toi non plus, tu n'as rien de visible... entre les jambes. », interrogea Husk.
« Non, c'est assez courant chez les démons, surtout ceux à fourrure. »
« Mais je t'ai vu sur une vidéo, c'était différent. »
Angel eut envie de rire mais se retint. Husk était en enfer depuis quoi, six mois ? Et il semblait ne rien connaître du fonctionnement de son corps. Il n'avait couché avec personne depuis tout ce temps ?
« Oui, pénis rétractable, ça fait partie de nos attributs bestiaux. »
« Oh. », Husk eut un petit rire gêné. « Je pensais... qu'on m'avait condamné à être un eunuque. Peut-être pas finalement. »
Angel essaya de rester neutre, mais il était franchement incrédule. « Tu n'as pas cherché à vérifier ? »
« Non. Je m'en fiche. Je vis très bien sans ça. »
« ... »
« ... »
« Lève-toi. »
« Quoi ? »
« Allez, lève-toi. »
Le chat s'exécuta. Angel se leva à son tour et se plaça à quelques centimètres devant lui. Avec une très légère inclinaison du dos, Husk aurait pu poser sa tête sur l'abondant pelage rappelant des seins. L'endroit avait l'air tellement confortable. Ça devait être comme dormir sur un nuage.
Husk reprit ses esprits et se força à lever la tête pour regarder Angel. Celui-ci souriait, conscient de l'effet qu'il commençait à avoir sur le barman.
L'araignée leva une main bien en évidence entre eux, et vint la poser sur la poitrine d'Husk, suffisamment lentement pour que celui-ci puisse l'arrêter s'il en avait envie. Il la laissa là un instant, les doigts entrelacés dans la fourrure, et observa la réaction du chat.
Husk ne bougea pas, mais sentit sa respiration s'accélérer. Vu l'endroit où était posé sa main, Angel devait aussi sentir son cœur s'emballer. Il tenta de prendre des respirations plus profondes par le nez.
Satisfait, Angel fit glisser lentement sa main plus bas, caressant la partie blanche de son ventre.
Husk sentit sa tête tourner. Est-ce qu'il devait le stopper ? Est-ce qu'il était en état de le stopper ? Est-ce qu'il avait envie de le stopper ? Il décida que non.
Angel fit passer son autre bras supérieur derrière la tête de Husk, le rapprochant doucement de sa poitrine. Le chat tourna légèrement la tête et posa sa joue sur l'épais coussin.
Il s'enfonça dans la chaleur pendant ce qui lui sembla être une éternité, avant de finalement atteindre la peau solide et douce. Une odeur légère et réconfortante envahit ses narines, une fragrance quasi familière qui réveilla presque son estomac.
Il resta là, collé contre lui, aussi détendu que si l'acteur lui avait injecté une dose de morphine.
Angel continua à caresser doucement l'arrière de sa tête, entre ses oreilles. Une de ses mains inférieures prit le relais de celle qui caressait le pourtour de son nombril, et descendit plus bas encore.
Il sentit le tissu de ses bretelles glisser le long de ses bras et son pantalon tomber au sol dans un froissement vague. Son caleçon glissa le long de ses cuisses, pratiquement mue par une vie propre.
Husk sentit la chaleur l'envahir alors qu'Angel posait sa main en coupe au-dessus de son entrejambe. Il ne fit rien, laissa simplement sa main posée là. La chaleur douce se rependit dans toute son aine.
L'araignée ne fit pas un mouvement, ne le caressait même plus. La chaleur seule suffit à lui faire prendre conscience de la présence de son pénis, et il ouvrit les yeux en sentant celui-ci se développer jusqu’à venir heurter la paume de la main qui l'attendait. Ce premier contact, à peine un effleurement, le fit pratiquement se mordre la langue de surprise.
Angel bougea à peine sa main, peut-être même sans s'en rendre compte, et Husk ne put réprimer un gémissement sourd. Une patte vint aussitôt placarder sa bouche.
L'araignée ajouta deux autres bras autour de lui pour le rassurer et l'envelopper. L'une s’occupait de l'arrière de son crâne, l'autre de ses oreilles et la troisième encerclait gentiment son dos. Je suis foutu, pensa-t-il à mi-chemin entre extase et culpabilité.
Un ronronnement bruyant s'échappa de l'arrière de sa gorge. Je suis foutu.
Angel referma doucement sa main autour de son membre, vint juste frotter lentement son pouce contre la peau. Husk sursauta, retint un nouveau râle.
L'araignée chuchota au-dessus de lui. « Des picots ? Tu es plein de surprises. »
Husk ne l'entendit pas. Il était loin, tellement loin. Au paradis, probablement.
La main se fit plus ferme autour de lui. Lorsque Angel commença à bouger de bas en haut, Husk sentit ses jambes sur le point de lâcher et poussa un bref hurlement, plus proche de celui d'un loup que d'un chat.
Ses deux pattes vinrent s'accrocher à l'araignée comme à une bouée de sauvetage. Il n'était pas sûr de tenir debout sans ça. De son côté, Angel raffermit la prise de la main placée sur son dos.
La main qui caressait l'arrière de sa tête changea de cible et descendit vers son aile, à la jonction entre son poil et ses plumes. Il suffit d'une simple pression à cet endroit et Husk se sentit partir. Il grogna dans la fourrure blanche. Ses genoux lâchèrent mais Angel le soutint. Des étoiles envahirent son champ de vision.
« Je te tiens. », affirma Angel avec confiance, alors que Husk s'accrochait à lui comme un ivrogne à un lampadaire.
« Définitivement pas un eunuque. », confirma l'araignée en retirant doucement la main de son entrejambe sans cesser de maintenir son corps contre lui.
Husk voulut dire quelque chose mais il était trop occupé à reprendre son souffle. De toute façon, son cerveau n'assemblait aucune phrase intelligente.
Angel vint poser sa tête sur la sienne et continua à lui caresser le haut du dos. Lentement, Husk sortit de son extase pour rejoindre la chambre rose.
« Je suis d... »
Angel le stoppa net d'une main sur la bouche. « Non. Nope. Je t'interdis de t'excuser. »
« Hmpf. »
Angel libéra ses lèvres.
« C'était incroyable. »
L'acteur leva les yeux au ciel. « C'était juste une branlette. »
« Non, je ne pense pas. C'était une expérience cosmique. »
Angel rit et décolla sa tête pour le regarder dans les yeux. Ceux de Husk étaient humides et gigantesques. Il fondit à cette vue et passa une main sur sa joue.
« Si tu le dis. Tu veux t'asseoir un peu ? »
Husk recula d'un pas mais constata les dégâts sur la jambe et la main d'Angel.
« Attends, je... je vais chercher de quoi te nettoyer. »
« Eh, c'est toi qui est censé t'allonger et profiter de la descente. »
Husk ne l'écouta pas, il était déjà dans la salle de bain en train d’humidifier une serviette à main. Il essuya son ventre et se regarda un moment dans la glace, comme s'il ne reconnaissait pas la personne en face de lui.
Quand il retourna dans la chambre, Angel était assis sur le bord du lit. Il leva la main pour attraper la serviette, mais Husk hésita.
« Je peux le faire ? »
La surprise s'afficha sur le visage d'Angel. « Euh... si tu veux. »
Husk s'agenouilla devant lui et commença à retirer la semence accrochée dans la fourrure de sa cuisse. Bon sang, c'est beaucoup moins facile que sur de la peau.
Angel rit doucement. « C'est agréable de t'avoir dans cette position. »
Husk hésita à le rembarrer, mais décida pour une fois de jouer le jeu.
« N'est-ce pas ? », dit-il en retirant finalement la serviette, avant de passer sa main à l'arrière du genou d'Angel pour le maintenir. Il approcha ensuite sa tête de l'anneau rose pâle dessinant une jarretière sur sa cuisse et, entrouvrant ses lèvres, il vint lécher l'endroit exact qu'il venait de nettoyer, sans cesser de le regarder. La langue râpeuse vint soulever le pelage à rebrousse-poil jusqu'à atteindre la peau.
Un bruit sortit de la gorge de l'araignée. Quelque chose entre un mot inintelligible et un cri de surprise.
Husk rit et relâchant sa jambe, il attrapa son poignet à la place pour passer gentiment la serviette sur la main souillée de l'araignée, avant de la lui laisser. Angel continua à passer le tissu sur ses doigts sans un mot. Le chat n'était pas peu fier d'avoir réussi à lui clouer le bec.
Il reporta son attention sur la jambe devant lui et tira doucement sur la bordure en coton juste au-dessus du genou.
« Je peux les retirer ? », demanda Husk avec douceur.
Cela sembla ramener Angel à la réalité. Il se redressa et ses épaules se tendirent légèrement.
« Pour que tu te moques ? Certainement pas. »
« Angel, tu penses vraiment que je pourrais me moquer de tes pieds ? »
Angel croisa les bras sur sa poitrine et grommela à demi-mot.
« Pfff… non. Bon, vas-y. »
Husk lui sourit et se rapprocha pour embrasser son genou. Cela suffit à détendre Angel. Il eut un petit sourire incertain malgré tout.
Le chat fit glisser lentement la chaussette, passa le genou, découvrit le mollet immaculé. La fourrure courte se faisait plus dense et longue à mesure qu'il descendait, venant former une sorte de patte d'eph naturelle.
Arrivé au talon, il regarda Angel, attendant que ce dernier l'arrête. L'araignée n'en fit rien. Ses yeux dessinaient l'incertitude et l'attente, mais aucune panique.
Husk retira le reste du tissu sans cesser de le regarder et de lui sourire. Angel inspira brièvement par la bouche, comme surprit de sentir l'air frais sur cette partie de sa peau.
Baissant les yeux, Husk découvrit un pied disparaissant quasi intégralement sous la fourrure, à l'exception de deux griffes rose pâle à la pointe, légèrement semblables à des mandibules de scarabée.
Le chat regarda l’extrémité avec incrédulité. Il s'était imaginé des choses bien pires. C'était donc cela qui lui causait tant d'ennuis et qui provoquait la colère de Valentino ?
« Ton patron est vraiment un con fini. », dit sobrement Husk en prenant le pied dans sa paume.
Angel eut un ricanement étouffé. « Rien de nouveau ici. »
Le chat continua de soutenir le pied d'une patte, pendant que l'autre caressait doucement de la cheville vers la pointe. Angel écarquilla les yeux.
« Non vraiment. Je ne comprends pas. Tu es parfait, et il le sait très bien. Pourquoi se focaliser sur un élément si insignifiant ? En plus, ce n'est vraiment pas terrible du tout. C'est juste... une autre part animale, comme nous en avons tellement. »
Tout en parlant, il passa doucement son pouce entre les deux griffes de l'araignée. Continua à en dessiner les contours solides, tellement en opposition avec le reste de son corps.
Le son d'un hoquet le poussa à lever les yeux. Angel pleurait, les mains couvrant son visage à moitié. Husk se releva aussitôt pour se mettre à sa hauteur.
« Oh bon sang Angel, je suis désolé, je ne voulais pas... »
« Non, non, ce n'est pas toi... Enfin si, mais c'était juste... Tu as dit parfait. »
« Quoi, ne me dit pas que c'est la première fois que tu entends ça ? Je refuserais de te croire. »
Angel rit au milieu des sanglots.
« Non c'est pas la première fois. C'est juste que... ça avait l'air sincère. »
« Parce que ça l'est. », déclara Husk en reprenant sa posture à genoux.
Il reprit le pied dans sa main et le souleva jusqu'à sa bouche pour en embrasser la pointe. Les griffes vinrent effleurer son cou et Angel rit doucement.
« Tu me chatouilles. »
Husk lui sourit. Il reposa la jambe à ses côtés et commença à retirer la deuxième chaussette, décidé à offrir le même traitement à l’autre mal-aimé.
Angel le regarda sans rien dire, paisible, mais des larmes ne cessèrent de couler sur ses joues. Husk reposa finalement le pied sur le sol, mais continua son adoration, sans le lâcher du regard.
S’avançant jusqu'à se retrouver assis entre les jambes de l'araignée, il embrassa l'intérieur de ses genoux, l'un après l'autre. Ses baisers, légers, à peine effleurés, remontèrent doucement le long de ses cuisses.
La respiration d'Angel se raccourcit. Alors que Husk arrivait pratiquement à son aine, l'araignée perdit le contrôle et son sexe sortit de son enveloppe de chair et de fourrure.
« Husk... »
« Je peux ? »
« Tu es sûr ? »
Pour toute réponse, Husk embrassa le membre rose pâle tendu devant lui. Il fit passer ses bras sous les jambes de l'acteur pour l'encercler tout en se piégeant lui-même, exactement là où il voulait être.
Expérimentalement, il lapa le bout du gland offert. Angel se cabra et se laissa tomber en arrière sur le lit, avant de s'appuyer sur ses bras pour reprendre le contact visuel avec le barman.
« Oh, bon sang... »
Husk lui sourit, fit glisser sa langue de la base vers l'extrémité sans briser leur regard. Angel gémit, les yeux mi-clos, les larmes traçant des lignes sur ses joues.
Le barman resserra son étreinte autour d'Angel, attrapant fermement ses hanches entre ses griffes souples. Après un dernier regard pour s'assurer que l'araignée en avait autant envie que lui, il le prit en bouche.
Angel eut d'abord un halètement de surprise, suivit d'un gémissement très différent du précédent. Surjoué. Faux. Husk stoppa net et libéra son membre.
« Tu n'aimes pas ? »
« Qu... Quoi ? Non mais ça va pas ? Tu es aveugle ? »
« C'était quoi ce faux gémissement ? »
« Eh, si tu n'aimes pas m'entendre je peux me taire ! Mais continue per l'amor del cielo ! »
« Je veux t'entendre. Mais je veux entendre l'effet que je te fais vraiment. Pas ce que tu crois que j'attends de toi. »
« Husk, ferme-là et continue ou je pète un plomb ! »
Le chat s'avéra satisfait de cette réponse. Il ouvrit sa bouche et le prit jusqu'à la base, laissant sa langue envelopper le membre chaud. Angel poussa un râle rauque qui ravit Husk. Il marmonna son approbation, envoyant à dessein les vibrations de sa gorge le long du pénis de l'acteur.
« A... ah ! Bouge, s'il te plaît, bouge ! », s'écria l'acteur, l'urgence perçant dans sa voix.
Husk s’exécuta avec plaisir et se rapprocha pour mieux mouvoir sa tête, soulevant par la même occasion les jambes maintenant posées sur ses épaules. Angel se laissa complètement tomber sur le matelas, haletant.
Le barman prit son temps, se délectant des sons et des réactions de l’araignée. Conjointement, ses pattes pétrissaient en rythme les hanches offertes.
Les halètements d’Angel se firent bientôt plus rapprochés.
« Est-ce que... Est-ce que je peux jouir ? », demanda l'acteur, inclinant légèrement sa tête échevelée sur les draps, cherchant le regard du barman.
Husk ouvrit la bouche pour libérer le membre, pas si surpris par cette question. L’acteur n’était pas habitué à pouvoir faire ce qu’il voulait de son corps lorsqu’il en avait envie.
« Évidemment. Quand tu veux. »
« Maintenant. »
Husk sourit, lapa lentement le fluide qui s'écoulait de la pointe, avant de laisser le membre se poser sur sa langue et de l'avaler entièrement. Il accéléra son rythme, suivant les respirations d'Angel, sans cesser de faire bouger sa langue râpeuse sur les contours du pénis.
Les gémissements d'Angel se firent de plus en plus rapprochés, jusqu'à se retrouver étranglés au fond de sa gorge. Un bruit guttural s'en échappa et il se cambra violemment sur le lit. Husk le maintenu de toutes ses forces pendant qu'il s'enfonçait au fond de sa gorge.
Le silence se fit. Dans la chambre, seules résonnaient leurs respirations saccadées.
« Putain de merde. », conclut Angel en jetant un bras sur ses yeux.
Husk recula légèrement, se mit plus à l'aise au pied de l'araignée, sans cesser d'embrasser les cuisses blanches.
« Viens. », demanda doucement Angel en tapant le matelas à côté de lui.
Le chat se mit sur ses pieds et remonta doucement le long du corps allongé, sans perdre l'occasion de le caresser. L'araignée avait ouvert deux bras pour l'accueillir. Il s'installa contre son flanc.
Angel passa une main dans les longs poils noirs et blancs qui passaient pour être ses cheveux. De son côté, Husk traça les lignes des larmes sur les joues de l'acteur, effaçant les tranchées dans le pelage.
Soudain, Angel eut un air... triste ? Gêné ?
« Qu'est-ce qui ne va pas ? », demanda Husk, sentant ses oreilles pointer vers l'arrière.
« Non c'est rien. Un truc vraiment stupide. »
« Angel, il n'y a rien de stupide. Si j'ai fait quelque chose de maladroit, je veux savoir quoi. »
« Non je... », son regard partit sur le côté, et il prit une courte inspiration. « Est-ce que tu voudrais bien m'embrasser ? »
Angel rougit violemment, comme s'il avait prononcé la pire des obscénités. Une demi-seconde, Husk fut surpris. Puis il sourit et se rapprocha si près qu'il pouvait sentir la fourrure de l'araignée contre ses moustaches félines.
« Évidemment. », dit-il en se penchant vers les lèvres pâles.
Il baissa la tête jusqu'à venir toucher les lèvres d'Angel avec les siennes. Il les posa juste là, profitant de la chaleur et de la sensation de sa peau contre la sienne. Un léger souffle, presque surpris, s'échappa des lèvres entrouvertes de l'acteur.
Husk passa ses griffes derrière la nuque blanche pour venir très légèrement changer l'angle. Puis il se mit à l'embrasser. Angel gémit dans sa bouche. Il avala le son avidement.
Le temps sembla être une notion plus floue pendant quelques instants indéfinis. Lorsque leurs bouches se séparèrent, Angel semblait plus sûr de lui.
« Tu peux rester ? », demanda-t-il.
« Bien sûr. », répondit Husk en prenant le corps étendu entre ses bras. Il vint placer sa tête contre l'épaule d'Angel, et les couvrit tous les deux d'une aile maintenant guérie. Le sommeil les prit presque aussitôt.
Notes:
Bon, j'espère que ça a été !
Quelques précisions sur ce chapitre.
- Un point technique : je pars du principe que les pécheurs n'ont plus besoin d'aller aux toilettes une fois en enfer, ce qui n'est pas très logique mais ça m'arrangeait. Sinon Husk en aurait appris plus sur son anatomie beaucoup plus tôt. Désolé pour ce raccourci fainéant.
(En vrai si l'enfer existe je pense plutôt qu'on est forcé de pisser toutes les 20 minutes, qu'on a tous le syndrome du colon irritable et qu'il n'y a de WC nul part.)
- Je n'ai pas mis Fat Nugget dans cette histoire car je ne savais vraiment pas quoi en faire, et je n'avais pas envie de le mettre juste pour le plaisir. Idem pour Sir Pentious. Et j'ai déjà beaucoup de personnages à gérer pour une première fanfic ^^
On reprend samedi prochain avec le retour d'Alastor !
Chapter 12: Chapitre 12
Summary:
Lendemain de soirée avec Angel
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Husk sentit un corps bouger doucement contre lui. Il ne fut pas surpris. Malgré le brouillard matinal, il savait parfaitement où il se trouvait et avec qui. Sans ouvrir les yeux, il déplaça son bras pour laisser à Angel la possibilité de s'extraire du lit. Celui-ci n'en fit rien, se contentant de se tourner vers le chat et de passer une main sur son visage.
Husk ouvrit les yeux. Angel le regardait, ses pupilles magenta contenant une expression douce et autre chose que le chat avait du mal à identifier.
« Je dois partir. Reste ici si tu veux. »
« Hum. D'accord. », accepta le chat en sentant déjà ses paupières se baisser.
Angel posa un baiser sur sa joue. Husk sourit, attrapa la main de l'araignée et l'embrassa en retour. Le reste fut flou. Il se rendormit dans la mélodie de la routine d'Angel, l'eau de la douche s’écoulant, le bruit des vêtements passés sur son corps.
Il se réveilla à nouveau en fin de matinée. Il était en retard. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'Alastor n'était pas passé dans le coin en son absence.
Husk s'assit dans le lit vide. La chambre autour de lui respirait la vie, l'exact inverse de la sienne. Un peu en désordre, mais agréable.
Il se leva et fit un tour dans la salle de bain. Il avait pensé un moment prendre sa douche ici, pour rester dans l'odeur du parfum d'Angel. Mais la montagne de produits cosmétiques le terrorisa. Très bien, il prendrait sa douche chez lui.
Du moment où il quitta la chambre jusqu'à celui où il prit son service, il ne cessa de penser aux événements de la veille.
C'était lui qui avait initié tout ça. Qui avait rendu visite à Angel. Qui avait demandé à voir son corps. Angel, c'était le comble, n'avait aucune idée derrière la tête lorsque Husk était entré dans la pièce.
Qu'est-ce qui lui avait pris ? Était-ce la solitude qui lui pesait ? Probablement pas. Avait-il des remords ? Non, c'était une des rares choses dont il était sûr.
Il avait passé une soirée agréable. Oh, bien plus que ça, même s'il avait du mal à se l'avouer. Mais maintenant ? Est-ce que ça changeait son amitié avec Angel ? Est-ce que l'araignée voulait seulement d'une relation ?
Non, pensa-t-il. Qu'est-ce qu'ils pourraient bien faire ensemble ? Et le sexe n'avait aucune signification pour Angel. Pour Husk au contraire... Et bien, évidemment qu'il avait eu des aventures sans lendemain. Mais pas avec des gens qu'il s'apprêtait à croiser tous les jours de l'éternité.
Il ne savait pas ce que pouvait vouloir Angel. Il ne savait pas ce que lui-même voulait. Merde, ils allaient devoir avoir une discussion au retour de l'araignée. Husk détestait ça.
Au moins, il lui restait quelques heures pour faire le point sur ses sentiments. Chose qu'il évitait à tout prix en temps normal, mais il n'avait plus vraiment le choix. Il devait à Angel un minimum d'honnêteté. Et à lui-même aussi.
Il ouvrit sa première bouteille de la journée, celle censée l'aider à se mettre les idées en place, lorsque le sol s'ouvrit sous les pieds. Chiotte.
**
Husk atterrit cette fois sur ses pieds mais ses genoux lâchèrent et il se retrouva à quatre pattes. La bouteille éclata sur le sol carrelé.
La voix de Niffty résonna près de lui. « Husk ! C'est quoi ce bazar? Je vais chercher la serpillière. »
« A l'endroit habituel ma chère. J'ai refait le plein de produits nettoyants. », répondit la voix grésillante du démon.
Husk se releva. Il ne connaissait pas cet endroit. L'intérieur était décoré avec goût mais quelque chose clochait. Il se sentait oppressé, comme si la pièce était trop sombre malgré ses larges fenêtres.
Il entendit Niffty pousser un cri de joie en ouvrant une porte. Elle avait l'air de connaître l'endroit.
« Où sommes-nous ? », demanda le chat.
« Chez moi. », répondit sobrement Alastor en s'installant sur l'un des fauteuils devant la cheminée.
« D'accord... »
Est-ce qu'il devait poser plus de questions ? Alastor avait l'air de se délecter à l'idée de ne jamais y répondre. Le chat décida de faire le tour de la pièce.
La vue donnait sur une cour bien entretenue. L'allée principale était bordée de haies taillées. Il pouvait apercevoir la route et la ville derrière une grille en fer forgée noire. Mais pas de hauts buildings. Aucune tour en vue.
L'endroit avait l'air tranquille. Un peu trop. Il traversa la pièce en sens inverse et pénétra dans une salle à manger dans laquelle il se sentit immédiatement mal. C'était le papier-peint, se dit-il. Trop sombre, trop chargé de motifs. Il lui donnait mal au crâne.
Il continua et entra dans une belle cuisine ornée d'un carrelage à damier. Cette pièce avait un charme plus fort que les autres. Elle était claire, ses meubles d'une excellente facture. Chaque instrument disposait de sa place sur le mur. Casseroles en cuivre. Couteaux de chef. Planches à découper.
S'il devait parier, il aurait dit que c'était la pièce préférée d'Alastor.
Côté gauche, une porte vitrée donnait sur l'extérieur. Côté droit, une porte en bois blanchi était fermée. La réserve ?
Husk se dirigea vers la porte, tourna la poignée. Verrouillée. Tant pis, il retourna vers la porte vitrée.
Husk l'ouvrit. Il se retrouva à l'arrière de la maison.
Le jardin ici était immense et rappelait la végétation qu'il avait croisée dans la chambre d'Alastor à l'hôtel. A la différence que ce paysage-là avait été créé avec des plantes endémiques des enfers. Elles possédaient toutes une teinte sanglante. Le vert y était absent.
Husk fit quelques pas dans le jardin pour mieux observer la maison. Elle possédait l'architecture typique des maisons bourgeoises de la Louisiane, deux étages et de nombreux balcons aux balustrades ornées de motifs complexes. Et partout sur la façade, des plantes grimpantes.
Le chat n'était pas très au fait du marché immobilier de Pentagram City, mais vu la condensation de population dans le reste de la ville, cet endroit paisible et à l'écart devait valoir une petite fortune.
Il s'attendait à ce qu'Alastor vienne le chercher pour lui confier sa mission. Mais lorsqu'il retourna finalement dans le salon, ce dernier n'avait pas bougé de son fauteuil.
Son profil était tendu, sa mâchoire serrée sous le sourire éternel. Husk eut un mauvais pressentiment. Il n'était pas là pour une mission. Niffty avait nettoyé le sol et disparu.
Il avait repéré le chariot à boisson derrière le démon. Il s'approcha, fit glisser deux verres sur le plateau en bois lisse et servit deux whisky.
Alastor prit le sien sans un mot. Le démon sirota son verre en regardant les flammes dans la cheminée. Husk s'assit sur le fauteuil à côté du sien. Il attendit quelques minutes en silence.
« Qu'est-ce qu'on fait là ? », demanda-t-il sobrement, n'y tenant plus.
Alastor tourna lentement sa tête vers lui. Oh, il regrettait d'avoir parlé. Les yeux du démon reflétaient la folie pure. Husk voulut fusionner avec le velours du fauteuil et disparaître.
Ses dents semblaient encore plus jaunes et acérées qu'à l'accoutumé. Un filet de sang coulait sur son menton. Ses griffes s'enfonçaient dans les accoudoirs, disparaissant dans le rembourrage moelleux.
La lumière autour d'eux disparut. Seul la cheminée constituait encore une source de clarté vague, comme filtrée à travers un voile noir.
Husk détourna le regard et regarda dans le feu. Son instinct lui hurlait de fuir. Il tint bon.
« Il m'a banni. », articula le démon avec un grésillement vocal si fort que Husk mit quelques secondes à comprendre.
« Oh. » fut tout ce qui lui vint à la bouche lorsque le sens des paroles le frappa.
Le démon retourna son regard vers le feu. Ils restèrent de longues minutes sans parler, à regarder les flammes vaciller. Husk ne savait pas comment se sortir de ce fauteuil sans attirer l'attention d'Alastor sur lui.
Lorsque la lumière revint à la normale, que la peur commença à redescendre et qu'il était clair qu'Alastor ne comptait pas s'en prendre à lui, il commença à analyser l'information qui lui avait été donnée.
Selon toute logique, « Il » désignait certainement Lucifer. Il avait donc banni Alastor de l'hôtel. Et le démon, comme c'était tout à fait son droit, avait emmené avec lui ses âmes, Husk et Niffty.
Soudainement, la réalité de la situation frappa Husk. Il ne pourrait pas retourner à l'hôtel. Alastor ne le permettrait pas. Il ne reverrait jamais Charlie, Vaggie et surtout, Angel.
C'était pire que tout. La pire des nouvelles au pire des moments. Il devait retourner voir Angel. Il devait lui parler. Au moins lui dire au revoir. Ils ne pouvaient pas se voir séparés de la sorte. C'était injuste.
Inutile de dire cela à Alastor tout de suite. Il devait laisser la colère du démon retomber. Dans quelques jours, tout irait mieux, enfin, c'est ce qu'il espérait. Il pourrait rendre visite à Angel. Lui faire ses adieux même, s'il le fallait vraiment.
Il devait prendre son mal en patience. La priorité était de ne pas froisser l'overlord. Niffty en savait peut-être plus. Où était-elle passée ?
Le chat se leva prudemment et s'éloigna sans quitter le démon des yeux. Celui-ci semblait toujours hypnotisé par les flammes et ne lui prêtait pas attention.
Il se décida à parcourir les lieux. Ouvrit toutes les portes du rez-de-chaussée. A part celle de la cuisine fermée à clé, il ne trouva rien de spécial dans les autres. Et aucune trace de Niffty.
Il passa à l'étage. Le long d'un couloir tapissé d'un papier peint vert, des chambres s'alignaient. C'était certainement ici qu'Alastor comptait l'installer. Il ouvrit les portes une par une.
« Eh, on t'a jamais appris à frapper ? »
« Niffty. Je te cherchais. »
C'était donc ici que vivait la jeune démone avant de s'installer à l'hôtel. L'endroit était impeccable, elle n'était pas maniaque pour rien.
Mais la décoration fit grincer des dents Husk. Des cafards et autres cancrelats s'alignaient sur les murs, en guirlandes, épinglés dans des cadres, entassés dans des bocaux sur des étagères.
« Tu as trouvé ta chambre ? », demanda Niffty.
« Euh... pas encore. »
« Attends, je te montre. », annonça-t-elle en bondissant du lit sur lequel elle était en train de lire un magazine.
Elle passa devant le chat et l'emmena jusqu'à la porte la plus au fond du couloir.
« D'autres personnes vivent ici ? », demanda Husk en regardant les autres portes.
« Parfois. »
Le visage de Niffty changea rapidement. Il perdit son sourire et la tristesse s'installa sur ses traits juvéniles.
« Mais souvent ils ne reviennent jamais. »
Et puis, aussi vite qu'elle était apparue, sa tristesse s'échappa et elle reprit son visage passionné, celui qu'elle arborait lorsqu'elle torturait des insectes.
« Mais Alastor, lui, est toujours là, alors tout va bien. »
« Hum. Oui, à ce propos, il t'a dit pourquoi on était ici? »
« Il a dit que le travail à l'hôtel était fini et qu'on rentrait à la maison. Ça n'avait pas l'air de lui faire très plaisir. Moi non plus. J'aimais bien l'hôtel. C'est trop calme ici. »
« Hum. »
Husk hocha la tête. Évidemment, Niffty n'était pas dans la confidence de ce qui s'était joué entre Alastor et Lucifer.
Il ouvrit la porte. L'endroit possédait un certain charme, mais ce n'était pas sa chambre. Sa chambre se trouvait à l'hôtel Hazbin. A quelques pas de celle d'Angel.
Il referma la pièce et continua son exploration. Niffty retourna dans sa propre chambre. Husk passa au deuxième étage.
La plus grande pièce était réservée à la salle d'enregistrement d'Alastor, pour ses émissions de radio. Il passa juste la tête mais n'osa pas entrer.
Dans une autre s'entassaient du matériel audio ancien ainsi que beaucoup de radios. L'endroit lui donna l'impression d'être observé et il repartit vite, mal à l'aise.
La dernière salle était plongée dans la pénombre et il ne trouva pas d'interrupteur, mais il n'en avait pas vraiment besoin. En une seconde son regard félin s'habitua aux ténèbres, et ce qu'il distingua lui glaça le sang.
Non pas qu'il comprenne vraiment ce qu'il regardait. Mais l'angoisse était palpable et son cœur s'emballa. Il perçut une sorte d'autel, des ossements, beaucoup d'ossements, des plantes et des symboles dessinés au sol dont la seule vue lui soulevait le cœur sans qu'il sache pourquoi.
Il claqua la porte et redescendit les escaliers, se promettant de ne plus jamais mettre les pieds à cet étage. Et maintenant ?
Il pensa à Angel. Qui rentrerait du studio tard dans la soirée. Trouverait le bar vide. Sa chambre vide. Peut-être irait-il toquer à celle de Husk, et ne trouverait aucune réponse.
Peut-être Charlie ou Vaggie l'attendraient dans le lobby pour lui expliquer la situation. Bon sang, il espérait tellement qu'elles puissent être là quand il rentrerait. Qu'il ne pense pas que Husk avait fui ou l'ignorait délibérément à cause de la soirée précédente.
Et Charlie, comment avait-elle pris la nouvelle ? Alastor lui avait-il parlé avant son départ ? Lucifer l'en avait-il empêché ? A l'heure qu'il était, elle ne s'était peut-être même pas encore aperçue de leur absence.
Charlie n'aurait jamais accepté qu'on puisse mettre Alastor à la porte de cette façon. Lucifer avait-il menti à sa fille afin de l'éloigner du démon ? Ou avait-il négocié autre chose en échange ?
Husk soupira. Ressasser la situation ne lui servait à rien, il ne pouvait faire que des conjectures approximatives.
Il prit son courage à deux mains et retourna dans le salon.
« Alastor, je vais faire un tour, si tu n'as pas besoin de moi. »
« Le jardin est bien assez grand pour prendre l'air. Ne sors pas. »
« Je... Je ne peux pas sortir ? »
« Tu sortiras lorsque j'aurais du travail pour toi. Pas aujourd'hui. », conclut le démon d'une voix qui n'appelait aucune réponse.
Il n'avait même pas daigné tourner la tête vers le chat. Ce qui l'arrangeait grandement. Il n'avait pas à cacher la frustration sur son visage. Bien que celle-ci avait légèrement percé dans sa voix.
Il retourna à l'étage et se jeta sur ce qui était désormais son lit. N'ayant rien de mieux à faire, il s'enfonça dans un sommeil tourmenté par ses pensées.
**
Les jours qui suivirent passèrent dans l'ennui le plus total. Niffty nettoyait la maison du sol au plafond. Mais lui n'avait rien à faire. Et pire que tout, il n'avait reçu aucune nouvelle de l'hôtel et de ses habitants.
C'est pourquoi il sauta presque de joie lorsque Alastor l'envoya en ville chercher un colis. Terminé le temps où il aurait pesté contre le démon à l'idée d'être traité comme un vulgaire garçon de course. Il n'avait jamais été aussi heureux d'accomplir une mission pour lui.
Husk s'apprêtait à passer le seuil de la maison, presque guilleret, lorsqu'il fut stoppé net par un poids et une sensation d'étouffement autour de sa nuque.
Il perçut la lueur verdâtre de la chaîne une seconde avant qu'Alastor n'ai tiré dessus pour le forcer à se tourner vers lui.
« Je t'interdis de contacter qui que ce soit à l'hôtel. Tu sors, tu me ramènes mon colis. Pas de détours. »
Ces derniers jours, Alastor ne s'adressait à lui que par des phrases courtes et autoritaires. Terminé les civilités et autres bavardages ineptes qu'il semblait pourtant apprécier. Bah, au moins c'était un changement qui convenait à Husk. L'autre ne tournait plus autour du pot.
Le chat hocha la tête, espérant faire revenir l'air à ses poumons le plus rapidement possible. La chaîne s'évapora dans l'atmosphère étouffée de la pièce. Alastor le laissa planté là.
Il passa les grilles de la propriété et suivit la route griffonnée par Niffty sur un bout de papier. Ils se trouvaient légèrement à l'écart du quartier de Cannibal Town.
L'ambiance ici était très différente du reste de Pentagram City. Pas de technologie moderne en vue. Les lampadaires fonctionnaient encore au gaz. Les quelques voitures présentes avaient cinquante ans de retard sur les modèles récents.
Husk essaya de rester concentrer sur le quartier pour mémoriser la route, mais il ne pensait qu'à une chose : comment contacter Angel. Et comment éviter de se faire dépecer par Alastor au passage.
Aujourd'hui, il devait jouer les bons employés, le démon l'attendait sûrement au tournant. Sa route le mena jusqu'à une boucherie à la devanture joliment rétro.
Husk comprit pourquoi Alastor n'avait pas envoyé Niffty, alors qu'elle sortait tous les jours pour faire des courses. Le paquet que lui présenta le boucher faisait quasiment la taille d'un homme adulte.
Le chat fit basculer le paquet ficelé de papier sur son épaule, grogna sous le poids qui l'enfonçait dans le sol et ressortit. Il mit le double du temps pour rentrer, et s'effondra sur un des fauteuils du salon.
Alastor ne le remercia pas mais se mit aussitôt en cuisine.
**
A partir de ce jour, le démon commença à envoyer le chat de plus en plus souvent en mission.
Généralement, il effectuait des travaux de coursier. Parfois, Alastor l'envoyait espionner les actions de tel ou tel overlord.
D'autres missions étaient plus cryptiques, comme écrire un mot à un endroit précis d'un mur, sur une intersection. Ou retrouver la tête décapitée d'un autre employé d'Alastor au fond d'un égout. Il faisait ce qu'on lui demandait, puis rentrait directement.
Lorsqu'il était de repos, il essayait de guetter les allers et venues du facteur. Mais il devait être discret, et Niffty était toujours plus rapide que lui lorsque retentissait le bruit caractéristique des roues du vélo sur l’asphalte.
Elle attrapait alors les enveloppes avec l'agilité et la rapidité qui lui était propre et courait les tendre à son maître.
Husk était à peu près sûr d'avoir vu Alastor jeter des enveloppes au feu sans même les ouvrir. Et si Charlie cherchait à les joindre ?
Il était temps de passer à l'action. Husk avait accumulé un peu de monnaie. La prochaine fois qu'il sortirait de Cannibal Town pour une mission, il se ruerait dans une cabine téléphonique. Il avait toujours en tête le numéro de l'hôtel.
L'occasion se présenta une semaine plus tard, lorsque Alastor le chargea de surveiller la construction du nouvel entrepôt de Vox, sans se faire voir par les caméras de sécurité nouvellement installées dans le quartier de l'overlord.
Parfait. Le quartier du magnat de la télévision grouillait de technologie, il y trouverait donc de nombreuses cabines téléphoniques. Et l'observation étant censée prendre plusieurs heures, il aurait largement le temps de contacter quelqu'un à l'hôtel.
Il enfila une parka au col relevé et un chapeau couvrant ses oreilles, comme s'il était dans un film d'espionnage. Ses ailes coincées à l'intérieur lui donnaient un air bossu, et il avait attaché sa queue dans sa ceinture pour ne pas la laisser traîner derrière lui.
Il ne pourrait sûrement pas empêcher une caméra ou deux de le filmer lors de sa marche, mais au moins personne ne pourrait reconnaître ses signes caractéristiques.
Ce n'était pas le plus agréable des accoutrements, mais Husk s'en fichait, focalisé sur l'idée de joindre ses anciens compagnons.
Est-ce que Angel allait répondre ? Non, il était certainement en train de travailler. Si seulement il avait pu attendre le soir. Il voulait entendre sa voix. Il voulait s'excuser de l'avoir abandonné.
A peine entré dans le quartier, il s'engouffra dans une cabine. Elle se trouvait pile sous une caméra, mais il pouvait rester dos à elle pour cacher son visage.
Il appuya sur les touches métalliques et attendit nerveusement, le combiné vissé sur son oreilles.
« Hôtel Hazbin, Charlie j'écoute ! »
Oh, le bonheur d'entendre cette voix insupportablement joyeuse.
« Charlie, c'est Husk. »
« Oh bon sang, Husk !! Vaggie, c'est Husk ! Husk, où es-tu ? Tu vas bien ? Tu es en sécurité ? »
« Ça va Charlie. Écoute, je n'ai pas beaucoup de temps. Angel est là ? »
« Non, désolé, il est parti au studio. »
« D'accord. Dis-lui que je suis désolé. Que je ne voulais pas partir. Il... Vous me manquez. »
« Il t'a cherché partout. Je me doutais que tu étais avec Alastor. Nous avons écrit à son ancienne adresse. Tu as reçu nos lettres ? »
« Non, désolé. Charlie, j'aimerais tellement revenir, mais ce n'est pas possible. »
« Mais pourquoi ? Pourquoi êtes-vous partis ? Et Niffty ? »
« Niffty est avec moi, elle va bien. Je... Alastor ne veut pas qu'on te contacte. »
« Mais qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Pourquoi a-t-il décidé de partir comme ça ? »
Oh. Elle n'en sait rien du tout. Merde.
« Charlie écoute, je crois que tu devrais parler avec ton p... »
La fin de sa phrase n’atteignit jamais sa destinataire. Le chat entendit un claquement sec tout près de lui, et le combiné devint silencieux.
Il baissa les yeux vers le fil métallique relié au combiné et se retrouva nez à nez avec l'ombre d'Alastor, tenant le câble sectionné entre ses dents pointues et noires. Merde.
Il avait déjà vu cette créature une poignée de fois. Mais il ne savait toujours pas si elle était directement reliée au démon, comme un allongement de sa conscience, ou si elle avait sa volonté propre.
« Tu vas me dénoncer ? », demanda Husk en cachant son malaise.
L'ombre au sourire carnassier hocha la tête, son sourire s'agrandit encore plus. Super.
« Tu sais que je ne veux pas de mal à Alastor. Je veux juste pouvoir... leur dire au revoir. »
L'ombre haussa les épaules. Ce n'était pas son problème, semblait-elle dire.
Elle se rapprocha du chat et sa longue silhouette ténébreuse commença à s'enrouler autour des jambes de Husk.
Un froid terrible l'envahit. Il se débattit, mais l'ombre n'était pas tangible, comme un écran de fumée. Elle se fichait de ses coups. Il se retrouva bientôt juste en face de son visage. Elle ouvrit sa gueule d'abysse et Husk disparut dans l'obscurité.
**
Au sol, Husk ne cessait de tousser et de cracher ses poumons. Il avait l'impression d'avoir respiré de la cendre. Une quinte de toux horrible le fit se plier en deux. Il était sûr de s'être fêlé une côte.
Du coin de l’œil, il vit Niffty s'avancer avec un verre d'eau. Pour la première fois depuis qu'il la connaissait, elle avait l'air inquiète.
« Niffty, ma chère, retourne dans ta chambre s'il te plaît. »
Les épaules de la démone s'abaissèrent un peu, mais elle ne broncha pas. Elle posa le verre au sol, à quelques mètres du chat, et fit demi-tour.
Husk rampa jusqu'au récipient, mais alors qu'il tendait la main pour l'attraper, Alastor tapa dedans avec sa canne, et le liquide se renversa sur le parquet.
« Ah, les voyages en ombre. Pas très agréable, n'est-ce pas ? »
Le ton était léger, la question purement rhétorique. Il sentait poindre l'agacement dans la voix faussement enjouée du démon.
« Husk, mon vieux. Tu ne croyais quand même pas que j'allais te faire confiance ? »
Alastor marcha jusqu'à lui et plaça sa canne juste sous son menton pour l'obliger à le regarder. Husk continuait à tousser, incapable de parler, ses yeux emplis de larmes.
« Tss tss. Quelle déception. Mais bon ! Ce sont des choses qui arrivent. »
Le chat savait très bien qu'il n'avait aucun intérêt à se fier à la fin de cette phrase. Le revers arrivait, et il arrivait vite.
« Une chance pour toi, je te dois une faveur pour m'avoir, indirectement, aidé l'autre jour. »
« Je t'ai sauvé la vie. », corrigea Husk d'une voix rauque et cassée.
« Et bien donc je sauverais la tienne, et ainsi nous serons quitte. Pour te remercier, je ne diffuserais pas tes cris dans mon émission du soir. Je te garderais intact. »
Intact ?
Alastor se baissa et l'attrapa par la peau du cou comme il l'aurait fait d'un simple chaton. Husk tenta de se débattre, il griffa le sol, tenta de s'accrocher aux meubles avoisinant.
Il n'osa pas s'en prendre à la jambe d'Alastor, pourtant tout près de lui. Il savait que cela signerait son arrêt de mort, faveur ou pas.
« Allons, allons, n'en rajoute pas. », dit calmement le démon.
Il le traîna jusqu'à la porte fermée à clé, celle dans la cuisine. De l'autre côté de la pièce, Husk aperçut la porte vitrée et le jardin. La liberté.
Mais il fut vite rappelé à son sort lorsque les tentacules qui servaient à Alastor de bras supplémentaires l'agrippèrent et le soulevèrent du sol.
Désormais les mains libres, le démon sortit une clé ancienne de son costume, et déverrouilla la porte.
Ce n'était pas une réserve ou un garde-manger. C'était une cave. Une odeur putride arriva aux narines du chat, charriée par l'ouverture de la porte.
Non. Non. Non !
Il recommença à se débattre contre les appendices sombres, mais c'était sans espoir. Alastor s'enfonça en premier par cette entrée rappelant une bouche béante qui n'attendait que de les avaler. Husk suivit, coincé entre les lianes épaisses attachées au dos du démon.
« Alastor, non ! Je suis désolé, je ne voulais pas désobéir, c'était... »
Un nouvel appendice vint se mettre en travers de sa bouche pour le bâillonner. Alastor ne fit même pas mine de l'avoir entendu.
Ils descendirent les escaliers dans la pénombre. Seule la lumière de la cuisine restée ouverte éclairait faiblement l'endroit, et de moins en moins à mesure qu'ils descendaient. Les marches en bois craquaient sous les pas du démon.
Arrivé en bas, Alastor tira sur une petite chaîne au plafond, et une ampoule s'alluma, éclairant faiblement la pièce.
Le sol était en terre battue. Les murs, en brique nue. L'endroit était dépouillé. A l'exception de quelques chaînes attachées au mur, terminées par des anneaux de métal.
Au bout de l'une d'entre elles, une forme floue et grise, une sorte de chiffon était passé dans le collier.
« Oh ! Je l'avais oublié celui-là ! », s'exclama Alastor comme s'il avait retrouvé un objet perdu. « Et bien c'est formidable, tu ne seras même pas tout seul ! Bon, je doute que sa conversation soit très élaborée. Mais c'est mieux que rien. », plaisanta le démon.
En se rapprochant, Husk réussit à distinguer la peau comme du parchemin qui collait aux os sous les haillons. Un cadavre, oublié là.
Alastor attrapa une des chaînes et ouvrit le collier qui la terminait. Il passa le cercle métallique autour du cou du chat, et le referma.
Husk ne pouvait pas parler. Il ne pouvait rien faire de son corps. Il regarda Alastor avec des yeux emplis de détresse.
« Allons, quelques années passées ici et je suis sûre que l'envie de désobéir te passera. Ça n'a rien de définitif ! Ah ah ! »
Une foule invisible rit en retour. Le démon passa une main sur les oreilles du chat dans une imitation cruelle de caresse. Puis il s'éloigna et les tentacules libérèrent le chat.
« Alastor, je t'en supplie ! »
« Oh, ne te fatigue pas, mon ami. », dit Alastor avant de tirer sur la chaînette et de plonger la pièce dans le noir.
« Non, ne me laisse pas là, je ferais tout ce que tu veux, je te jure que je ne recommencerais plus ! »
Il continua ses supplications tout au long de la montée d'Alastor dans les escaliers. Celui-ci ne l'écoutait pas. Puis la porte de la cuisine se referma, et il fut plongé dans les ténèbres.
Notes:
Cliffhanger !
La suite samedi prochain !
Chapter 13: Chapitre 13
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Privé de la vue, vos autres sens se développent. Pour Husk, ce fut d'abord l'odorat. Être enfermé avec un cadavre devint alors une torture en soit. Il pensait qu'il finirait par s'habituer au bout de quelques heures. Il n'en fut rien.
Ensuite vint l’ouïe. On ne peut pas dire que celle-ci était bien nourrie par son environnement. Mais il absorbait chacun des pas de Niffty et Alastor dans la maison avec avidité, en particulier lorsque ceux-ci passaient du temps dans la cuisine, à quelques mètres seulement de lui.
Que faisait Niffty ? Est-ce qu'elle cuisinait, ou faisait la vaisselle ? Est-ce qu'elle l'avait cherché ? S'était inquiétée de son absence ? Difficile de le savoir. La jeune démone était énigmatique, voire carrément chaotique dans sa façon d'aborder le monde.
Bien sûr il avait essayé de crier pour qu'elle lui vienne en aide. Mais c'est Alastor qui avait descendu les escaliers de la cave pour le prévenir. La prochaine fois, il lui couperait la langue, purement et simplement. Il n'y aurait pas de deuxième avertissement. Alors Husk s'était tu.
Il serait bientôt dans le même état que le pauvre bougre à ses côtés. En fait, il aurait déjà aimé être mort. Car en attendant, il devait supporter la soif, réelle, et celle due au manque, une fois de plus.
Combien de temps fallait-il à un démon pour mourir, privé de toute hydratation ? Pour un être humain, trois ou quatre jours sans eau suffisaient. Mais depuis combien de temps était-il là ? Pourquoi la délivrance n'arrivait pas ?
Même au cœur de la nuit, son cerveau lui envoyait des hallucinations colorées et cauchemardesques. A un moment, il avait cru qu'Angel était là, à ses côtés, dans la cave.
L'araignée se tenait droit devant lui et le montrait du doigt en riant, proférant des paroles blessantes. Husk n'arrivait pas à se souvenir des mots, mais ils les avaient sentis dans sa chair, plus coupants qu'une lame.
Puis il s'était retrouvé seul à nouveau, assis dans la poussière. Il avait pleuré.
Il allait mourir, et lorsqu'il se régénérerait, il reprendrait cette vie d'esclave. Alastor serait toujours là. Il ne pouvait même pas s'échapper définitivement. L’espoir disparut de son coeur.
Il s'endormit, espérant mourir dans son sommeil pour gagner un peu de temps. Un peu de tranquillité.
***
Angel
Charlie et Vaggie l'attendaient dans le lobby, à moitié endormies sur le canapé, dans les bras l’une de l’autre, lorsqu'il passa les portes de l'hôtel.
Elles se levèrent aussitôt en entendant ses pas résonner dans le lobby et vinrent à sa rencontre. A leurs visages, il sut immédiatement que c'était à propos de Husk.
L’araignée s’approcha des deux femmes avec précipitation. « Quoi ? Où est-il ? »
Charlie chercha à le rassurer. « Husk a appelé. Nous avons été coupés. Mais il va bien. »
« Et Niffty aussi. », ajouta Vaggie, tout en sachant que ce n’était pas la priorité d’Angel.
Charlie hocha la tête. « Ils sont tous les deux avec Alastor. Et il ne veut pas les laisser revenir. »
« Mais pourquoi ? »
Charlie soupira et regarda le sol un instant, comme gênée.
« Tu avais raison, il y a bien eu... une altercation avec mon père. Enfin pas vraiment, plutôt un arrangement entre eux. »
Angel sentit la tête lui tourner. Si le problème se situait entre Lucifer et Alastor, le roi des enfers et un overlord, il n’avait clairement pas les épaules pour cette bataille. Mais il n’allait pas laisser tomber pour autant.
« Comment ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? »
« Papa... Lucifer a demandé une faveur à Alastor pour lui avoir sauvé la vie. Alastor a accepté et mon père a demandé à ce qu'il quitte l'hôtel. Avec interdiction de me prévenir avant son départ. »
Angel sentit ses joues le brûler sous l’effet de la colère. « Il a fait quoi ? », hurla-t-il.
Vociférant des insultes en italien, il écarta Charlie et Vaggie de son chemin et se dirigea tout droit vers la chambre du diable.
Sa voix retentit dans tout le hall. « Lucifer !! »
Charlie tenta de le rattraper. « Angel ! Non ! Je sais qu'il a mal agi, et je suis très en colère aussi, mais il pensait faire ça pour mon bien. »
« Allez Angel, calme-toi, on peut régler cette situation. », ajouta Vaggie d’un ton las qui montrait qu’elle ne pensait pas réellement pouvoir le calmer.
Alerté par les cris de l’araignée, Lucifer sortit de son antre et fit son apparition en haut des escaliers, inquiet pour sa fille avant tout. Il eut juste le temps de voir un Angel Dust enragé foncer vers lui en montant les marches quatre à quatre, avant de lui écraser son poing en plein sur la pommette.
De surprise, le diable tomba à la renverse. Charlie poussa un cri. Vaggie s'interposa entre Angel et son futur beau-père.
« Comment as-tu pu ? Ça fait des jours qu'on les cherche ! Espèce de sale menteur ! », cria Angel par-dessus l'épaule de l'ex-exorciste.
Lucifer se releva en frottant sa joue, Charlie maintenant à ses côtés.
« Humf, c'était mérité. », acquiesça Lucifer en frottant sa joue.
Charlie essaya évidemment d'arrondir les angles.
« Angel, on a eu cette discussion toute l'après-midi. Ce qu'à fait mon père, c’était injuste et vraiment une très mauvaise idée. Mais il nous a présenté ses excuses et... »
Angel l’interrompit. « Oh non, c'est trop facile ! Et moi, est-ce qu'il m'a présenté ses excuses ? Parce que je n'en veux pas ! Si tu veux faire quelque chose, “majesté”, j'attends des actions ! Retrouve-les ! Rends-moi Husk ! »
Soudain Angel se sentit comme vidé de toute énergie. Après avoir imaginé les pires scénarios pendant des jours, il avait maintenant une réponse à ses questions et ne s’en trouvait pas plus avancé. Il luttait pour ne pas fondre en larmes. Seule la colère le maintenait encore debout.
« D'accord. », accepta Lucifer, l’air honnêtement penaud. « Je vais me rattraper. »
Charlie s’avança et posa une main sur l’épaule de l’acteur. « Angel, il est tard, va dormir. Promis, on en discute demain à tête reposée. »
Il soupira. Il voulait partir sur le champ à la recherche de son compagnon d'infortune, mais savait que ce n'était pas raisonnable. En plus, il n'avait que six heures de repos devant lui avant son prochain tournage.
S'il séchait le travail, Valentino allait lui faire la peau. Ou l'enfermer au studio pour le punir. Et il ne pourrait plus retrouver Husk.
Il se sentait piégé par cette situation qui le stressait comme jamais. Il allait devoir doubler sa dose d’anxiolytique pour réussir à s'endormir.
Avant de partir, il se tourna vers Charlie, sans la regarder, les poings serrés, les sourcils froncés.
« Qu'est-ce qu'il a dit d'autre, au téléphone? »
« Il m'a dit de te dire qu'il était désolé... qu'il ne voulait pas partir. Et que tu lui manquais. »
Angel regarda le sol et continua sa route après un bref « Dac ». Les épaules tendues, il se hâta vers sa chambre avant de fondre en larmes.
Il claqua violemment la porte derrière lui et s'effondra le long sur le lit. Pourquoi, juste pour une fois, les choses ne pouvaient-elles pas bien se passer dans sa vie ?
**
Angel était sur les nerfs depuis ce premier soir où il était rentré, extatique à l'idée de retrouver le chat, de pouvoir parler de la nuit précédente avec lui, du moment d’intimité qu’ils avaient vécu, tout ça pour ne trouver nulle trace de sa présence dans l'hôtel.
Il s’était repassé en boucle le film de leur soirée toute la journée dans sa tête, déclenchant à plusieurs reprises des remarques acerbes de Valentino sur son manque d’engagement dans ses scènes.
Où pouvait-il bien être ?
Il avait toqué à la porte de Charlie et Vaggie, un peu mal à l'aise à l'idée de les réveiller, mais sérieusement inquiet.
Les filles ne l'avaient pas vu de la journée. Pas plus que Alastor ou Niffty. Le démon-cerf les avait sûrement emmené en mission sans prévenir.
C'était la conclusion la plus logique. Mais pourquoi Husk ne lui avait même pas laissé un mot ?
Angel retourna jusqu'au bar, puis jusqu'à sa chambre, fouilla dans tous les endroits possibles où le chat aurait pu lui laisser une note. Rien.
Peut-être n'avait-il pas eu le temps de lui écrire. Ou peut-être pensait-il rentrer avant Angel ce soir. Ou peut-être la nuit précédente ne voulait rien dire pour lui.
Peut-être même qu'Angel ne voulait rien dire pour lui. Étaient-ils seulement amis ? Ou Angel était-il juste la catin à disposition, une chose à utiliser puis à oublier, comme on lui faisait comprendre en permanence ?
Non. L'araignée secoua sa tête pour faire sortir ces pensées intrusives. C'était exactement le genre de chose que Valentino essayait de lui mettre en tête. Husk n'était pas comme ça. C'était son ami, il lui faisait confiance.
En même temps, tu n'es pas vraiment le champion pour donner ta confiance aux bonnes personnes.
Une boule se forma dans son estomac. Un mélange de ses propres craintes sur sa relation avec le chat et sur son absence monta progressivement jusqu’à sa gorge.
Plus les heures passaient, et plus l'absence de Husk, et même de Niffty, achevait de l'angoisser. Dans quel bourbier Alastor les avaient-ils entraînés ?
Lorsqu'il rentra du travail le lendemain, les trois démons étaient toujours aux abonnés absents. Même Charlie et Vaggie commençaient à sérieusement s'inquiéter.
Ce n’était pas une histoire de mission ordinaire. Ils ne s’étaient jamais absentés aussi longtemps, et Alastor prévenait toujours lors de ses escapades, qu’il soit seul ou accompagné.
Ce soir-là, les habitants de l’hôtel restant dînèrent tous ensemble, accompagnés de Lucifer. Ce dernier fit mine de ne pas en savoir plus qu'eux. Même lorsque Angel l'interrogea sur une possible dispute avec Alastor, il nia toute implication.
En fouillant son bureau, Charlie se souvint que Alastor lui avait donné l'adresse de sa propriété à Cannibal Town. Elle ne s'en était pas servie depuis leurs tout premiers échanges car l'overlord avait quasiment immédiatement emménagé à l'hôtel avec Niffty.
Angel avait aussitôt entraîné Charlie et Vaggie jusqu'à l'adresse indiquée. L'endroit se trouvait à l'écart, dans un pâté de maisons calme, presque personne ne passant dans ce coin reculé du quartier.
Et là où aurait dû se trouver l'habitation, ils ne trouvèrent qu'un terrain vague vide et entouré de barbelés.
Angel revint sur les lieux à plusieurs reprises, seul, quadrillant les rues dans un sens puis dans l'autre, interrogeant les passants. Il ne trouva aucun indice.
Puis il écrivit deux lettres à cette même adresse, juste au cas où. Une à l'attention de Husk, une autre à l'attention d'Alastor. Le service des postes serait peut-être effrayé à l'idée de perdre la correspondance du démon de la radio et, espérait-il, trouverait un moyen de l'atteindre.
Les jours, puis les semaines, défilèrent et il resta sans nouvelle. Il s'enfonça lentement dans le désespoir, restant plus que de raison au studio, ne voulant pas rentrer et trouver le bar vide une fois de plus.
Valentino renifla sa détresse comme un loup repère une bête blessée. Il en profita pour se rapprocher d'Angel, lui offrir l'attention qu'il recherchait tant, comme au bon vieux temps.
Angel ne fut pas dupe. Mais il se sentait mal et tous les somnifères du monde ne lui offraient pas le sommeil apaisant qu'il recherchait. Une ou deux nuits, il ne rentra pas à l'hôtel, profitant du poison de Valentino pour s'évader.
**
Lorsqu'il entra dans la cuisine le lendemain matin, l'ambiance était à couper au couteau. Lucifer, assis à la table, regardait piteusement sa tasse de café.
Charlie cuisinait des pancakes, clairement plus pour s'occuper les mains que pour les nourrir, vu la hauteur de la pile à côté d'elle.
Vaggie le salua et poussa la chaise à côté d'elle pour l'inciter à s'asseoir.
Angel fronça les sourcils et s'installa.
« Bon alors, on fait quoi ? », demanda-t-il sans tourner autour du pot.
Lucifer se redressa, sursauta presque, conscient que la question s'adressait à lui avant tout.
« Bon euh... j'ai réfléchi, ce n'est pas simple. »
« C'est très simple. », le coupa Angel. « Tu es le putain de roi des enfers. Tu as juste à convoquer Alastor et il sera obligé de venir ramper à tes pieds. »
Lucifer réajusta sa position sur sa chaise, visiblement mal à l'aise.
« Alors oui... techniquement. Sauf que, comme vous tous ici, je ne sais pas comment le joindre. »
« Quoi, tu n'as pas une armée d'espions rampant dans tout Pentagram City qui pourrait te fournir cette info ? »
Lucifer renifla et se frotta l’arête du nez. « Non. Pas vraiment le genre de politique que je mène. »
Angel souleva un sourcil. « Et tu mènes quel genre de politique ?
« Euh... aucune. », avoua le diable en s’enfonçant dans sa tasse de café.
Charlie intervint, armée d'une pile de pancakes pour sauver son père.
« Angel, c'est plus un titre qu'autre chose. Mon père ne gère pas vraiment les enfers. »
Lucifer releva la tête en entendant les mots de sa fille.
« En tout cas, ça fait des années que je ne l'ai plus fait. Les gens se débrouillent très bien tout seul. C'est à ça que leur sert le libre-arbitre qui leur a été donné, après tout. », dit-il en plongeant à nouveau son regard dans l'abysse de ténèbres au fond de sa tasse.
Putain de merde, pensa Angel. Pour une fois qu'un bourgeois surpuissant pouvait l'aider, il tombait sur le seul qui ne voulait pas exercer son pouvoir sur les autres. C'était bien sa veine.
« Quelles étaient les conditions exactes de la faveur que tu as demandé à Alastor ? »
Le diable trifouilla nerveusement la anse de sa tasse ornée de canards jaunes.
« Je lui ai demandé de quitter l'hôtel sur le champ. De ne pas contacter Charlie. Pour toujours. »
Charlie soupira et secoua la tête, encore terriblement peinée par l'attitude de son père.
Lucifer dû percevoir le pincement de ses lèvres car il ajouta. « Je suis désolé. Charlie. Je ne pensais pas qu'il emmènerait tes amis. »
Il partit sur un petit rire nerveux, les yeux dans le vague. « Je... J'ai tout gâché. Je voulais juste ta sécurité... »
Angel claqua deux doigts devant le nez de Lucifer pour capter son attention et le ramener à la réalité.
« Eh, eh, pas de ça ! Le coup du père désespéré, tu peux te le mettre où je pense. Maintenant tu assumes et tu règles la situation. Contacte cette autre overlord qui dirige Cannibal Town, Rosie. Si quelqu'un sait où Alastor est passé, c'est bien elle. En plus, sa propriété empiète sur ses plates-bandes. S'il a déménagé, elle doit savoir où et quand. Oh, et sinon, la prochaine réunion des overlords a lieu à la fin du mois. Alastor doit bien continuer à gérer ses affaires non ? Tu pourrais te pointer à l'improviste et l'attraper par le col là-bas. »
Vaggie eut l'air surprise. « Comment es-tu au courant pour la réunion des overlords ? »
« Oh, Vox rabat les oreilles de Valentino avec ça, et Valentino me rabat les oreilles en retour. Ils profitent toujours de cette rencontre pour essayer d'étendre leur territoire. Bref, j'ai l'heure, le jour, et pour l'endroit, je crois que ça se passe dans les locaux de Camilla Carmine, comme souvent. »
Les trois démons le regardèrent avec étonnement et une pointe de respect.
Lucifer se redressa, remit sur les rails par ce plan. « D'accord, on fait comme ça. D'abord, je m'occupe d'aller rencontrer cette Rose. »
« Rosie. », corrigea Charlie.
**
Ce jour-là, Angel eut un mal fou à se concentrer sur son jeu d'acteur. Pas que celui-ci lui demande un effort surhumain, il pouvait se contenter de gémir, ronronnement et chanter les louanges sur la taille du membre de ses partenaires, et cela suffisait généralement à Valentino.
Mais il était hors de question qu'il fasse des heures supplémentaires parce qu'il avait raté une prise. Il força son cerveau à arrêter toute envolée vers la mission de Lucifer, et vers Husk par extension, et resta focalisé sur la scène.
Une minute après le dernier clap de la journée, il poussait la porte du studio, ses vêtements sous le bras. Il héla un taxi et s'habilla en vitesse à l'arrière de celui-ci. Le chauffeur échauffé manqua à deux reprises de les envoyer s'écraser dans un poteau.
Il remonta l'allée menant à l'hôtel au pas de course et passa la porte, essoufflé.
Charlie, Vaggie et Lucifer étaient réunis autour d'une tasse de thé dans le lobby. Angel resta debout près d'eux et fixa le diable, attendant les résultats des recherches du diable.
« J'ai trouvé cette Madame Rosie. », annonça Lucifer. « Une personne charmante d'ailleurs, comme souvent les cannibales, des gens très polis. »
Charlie fronça légèrement les sourcils. « Papa, il faut arrêter avec les stéréotypes. »
« Mais, ce n'était pas négatif ! »
« Ce n'est pas le problème. »
Angel se racla la gorge pour rattraper l'attention du roi avant que Charlie ne se lance dans une diatribe sur l'impact social des clichés sur une population.
« Donc, elle a pu me confirmer que Alastor possédait plusieurs propriétés dans lesquelles il avait pu se rendre et emmener vos amis. Elle m'a donné une liste d’adresses, que voici. »
Lucifer sortit de sa poche intérieure un papier sur lequel était écrit six adresses d'une écriture délicate et désuète.
« Je me suis rendu à chacune des six adresses. Elles étaient toutes vides. Pas la moindre trace de vie. La quantité de poussière accumulée montrait qu'il n'y avait pas mis les pieds depuis des mois, voire des années. »
Angel se mit à mordiller l'ongle de son pouce, enroulant ses autres bras autour de lui. C'était encore un échec.
« Tout n'est pas perdu, ton idée de l'attraper à la réunion des overlords est bonne. », essaya de le rassurer Charlie en remarquant sa posture.
« Mais c'est à la fin du mois ! On doit encore rester deux semaines sans rien faire ! Je vais devenir fou ! »
« Angel, lorsque j'ai eu Husk au téléphone, il m'a assuré que lui et Niffty allaient bien. Qu'Alastor veuille les emmener avec lui à cause du pacte avec mon père, je comprends, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour eux. »
Angel lui jeta un regard noir, puis se reprit et inclina sa tête sur le côté, vaincu. C'était Charlie, il ne pouvait pas vraiment être en colère contre elle. Et ce qu'elle disait était tout à fait rationnel.
Mais ce n'était pas ce qu'il avait envie d'entendre. Il resserra son étreinte contre ses côtes, enfonçant le bout de ses doigts dans la chair jusqu’à en ressentir la douleur.
« Je vais me coucher. », annonça-t-il, quittant le petit groupe.
Charlie lui souhaita bonne nuit mais personne n'essaya de le retenir. Il se sentait perdu et seul contre tous.
Il n'avait pas ressenti cela depuis qu'il avait emménagé à l'hôtel. Ou au moins depuis qu'il avait rencontré Husk.
Il se sentait seul et sale. Claquant la porte de sa chambre, il laissait l'eau chaude de la douche couler sur lui un temps infini.
**
Le lendemain, Angel se leva avec une énergie nouvelle et un plan. Oh, il n'allait pas lâcher Lucifer. Il comptait bien utiliser le titre ou le peu de pouvoir qu'il restait au roi de pacotille pour retrouver la trace du chat.
L'acteur poussa la porte de la cuisine avec une nouvelle assurance qui fit sursauter Lucifer et Vaggie, tous deux assis à moitié endormis devant leur tasse de café respective.
Charlie lui souhaita un bonjour énergique, fidèle à elle-même et heureuse de le retrouver moins abattu que la veille.
« Eh, Majesté, c'est mon jour de congé demain. Toi et moi, on va aller faire un tour. »
Ce n'était pas une demande. C’était un fait.
« Euh... », hésita Lucifer, décontenancé par l'ordre.
« A quoi tu penses ? », demanda Vaggie.
Angel avait attrapé une tasse et avalé la moitié du breuvage en deux gorgées. Il attrapa deux tranches de pain de mie et les glissa dans la poche de sa veste blanche et rose.
« Pas le temps, le boulot m’attend. », dit-il en se rapprochant déjà du seuil de la cuisine.
Puis il se retourna et fixa intensément Lucifer en plissant les yeux.
« Demain. », rappela-t-il avant de quitter la pièce.
Lucifer soupira bruyamment, suffisamment pour qu'il puisse l'entendre à travers la porte.
**
« Bon alors, ce plan ? », demanda Lucifer.
« Excuse-moi, mais je ne te fais pas totalement confiance pour avoir posé les bonnes questions à Rosie. Si tu tiens un tant soit peu de Charlie, tu as sûrement été beaucoup trop poli pour lui faire cracher les bonnes infos. »
« C'est Charlie qui tient de moi, pas le contraire. »
« Ce n'est pas mieux. », annonça Angel en le toisant.
« Parce que toi, tu es l'expert des interrogatoires, peut-être ? »
« Il se pourrait que j'ai acquis un peu d'expérience dans le domaine, oui. »
Lucifer le regarda, incrédule. « Attends, vraiment ? Tu es pas euh, star du porno ou un truc du genre ? Tu vas me dire que tu as appris ça dans un film ? »
Angel sourit en coin. « En partie. Tu n'as jamais regardé L'inspecteur chaud-cul ? »
« Euh... non. », fit Lucifer en essayant de cacher une grimace.
« Je te charrie. J'étais dans la mafia là-haut. Je bossais pour mon père, et j'ai eu mon lot de missions sensibles. »
« Ah, d'accord... Mais attends, on ne va pas kidnapper cette pauvre Madame Rosie et lui braquer une lampe sur la tête, c'est terriblement brutal. »
« Du calme, Majesté. Tu regardes trop de films. Il y a des façons plus civilisées pour obtenir des informations. »
« Est-ce que ça te dérangerait de m'appeler Lucifer ? »
« On verra ça quand j'aurais récupéré mon euh... pote. »
Lucifer roula des yeux si fort qu'il en tomba presque à la renverse.
La limousine de Charlie les déposa dans Cannibal Town, à quelques mètres de la boutique de Rosie.
« Tu l'as déjà rencontré ? », demanda Lucifer en claquant la portière derrière lui.
Angel s’avança sur le trottoir. « J’évite de fréquenter des overlords si je n'y suis pas obligé. Donc non. »
« Hum hum. », fit le diable, peu assuré.
Juste avant d'atteindre la façade de la boutique, Angel attrapa le monarque par le col et le stoppa net, le tirant un peu à l'écart du trottoir. Puis quatre mains s'attaquèrent à lisser chaque pans de sa tenue et réajuster son grand chapeau.
« Euh, pardon… Tu fais quoi ? », demanda Lucifer, un peu gêné d'être malmené de cette façon.
« Tu es le putain de roi des enfers. Conduis-toi comme tel. Fais la conversation poliment, explique lui que tu es terriblement déçu de ne pas avoir trouvé Alastor à l'une des adresses données et que tu as peut-être manqué une information la dernière fois que tu es venu. Fais durer les choses. Accepte à manger et à boire. Parle-lui de sa boutique, achète quelque chose, Charlie sera folle de joie si tu lui ramènes un souvenir. Moi je suis ton bras droit. Je reprendrai la conversation si je sens qu'elle nous cache quelque chose. »
Lucifer déglutit avec difficulté. C'était beaucoup d'informations et il n'était probablement pas un très bon acteur. Angel sentit la panique dans son regard.
« Ça va aller. Sois naturel. Fais les choses comme tu le sens. Je te couvre. »
Lucifer hocha la tête. « Un cadeau pour Charlie. C'est vraiment une très très bonne idée. »
« Et ben voilà. Allez. »
Angel le poussa gentiment vers la boutique comme un bambin qu'on encourage. Lucifer passa devant, maintenant sa canne un peu trop haute devant lui pour avoir l'air tout à fait assuré, mais cela lui donnait une contenance.
Ils passèrent les portes de la très chic et antique boutique. Tous les visages présents se tournèrent vers eux et se mirent à murmurer en même temps. Leurs orbites vides typiques des cannibales mirent Angel mal à l'aise et il lutta pour garder un visage neutre.
Une femme très élégante au regard sans fond les repéra depuis l'arrière du comptoir et s'avança vers eux dans un froufroutement de jupons.
« Votre Majesté ! », s'exclama Rosie. « Deux visites la même semaine ? Vous me flattez ! Entrez, entrez donc. Et qui est cette gracieuse araignée qui vous accompagne ? »
Angel s’inclina et effectua un baise-main parfait.« Angel Dust, Madame. C'est un plaisir. »
« Et tout le plaisir est partagé. Deux célébrités en même temps chez moi ! Ah, ne laissons pas ces ennuyeux paparazzis vous trouver. Installons-nous dans l'arrière boutique, nous discuterons plus tranquillement. »
Elle fit un petit signe de la main à l'attention d'une vendeuse qui prit sa place derrière le comptoir.
« Mesdames, au plaisir de vous revoir rapidement. », déclara-t-elle à l'attention des clientes présentes. Toutes lui répondirent avec la plus extrême politesse, accompagné d'une pointe d'avidité dans leurs regards ténébreux, salivant à l’idée des futurs commérages qu'elles pourraient s'échanger concernant cette double visite royale.
Rosie les fit entrer dans un charmant salon de thé à l'arrière du magasin, et quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent tous les trois avec une tasse de porcelaine fine entre les mains.
Parfaitement au fait des préférences de chacun, l'overlord leur présenta une assiette de petits gâteaux tout à fait ordinaires, bien loin des spécialités du quartier.
Ils échangèrent quelques banalités, et après la première gorgée de thé, Rosie se lança.
« Votre Majesté... »
« Oh, je vous en prie Rosie, appelez-moi Lucifer. »
« Oh, vraiment ? Très bien, Lucifer, c'est entendu. Tout d’abord, je voulais vous remercier pour vos visites. Depuis votre passage la dernière fois, le magasin déborde de clients ! Tout le monde veut savoir pour quelle raison vous étiez de passage dans notre beau quartier. Je n'avais pas fait autant de ventes depuis des mois ! »
« Je suis sûr que c'est tout à fait exagéré, mais tant mieux ! Je suis heureux de n'avoir pas été juste une gène. Et justement, à ce propos... »
L’overlord se pencha très légèrement en avant. « Je suis tout ouïe. »
Lucifer jeta un coup d'œil rapide à Angel qui l’encouragea du regard. « Est-ce que vous vous souvenez de la raison de ma dernière visite ? Je recherchais notre ami commun, Alastor. »
« Mais oui bien sûr. Est-ce que les adresses que je vous aie fournies on pu vous aider d'une façon ou d'une autre ? »
Lucifer prit un air contrit et baissa les épaules. « Malheureusement, non. J'ai fait visiter chacune des adresses et elles étaient toutes vides. », mentit-il, omettant de préciser qu'il s'était personnellement chargé d'aller les vérifier pour se donner des airs de monarque trop occupé pour de telles broutilles.
« Oh, vous m'en voyez navré. Mais où peut-il donc bien se cacher ? Vous savez, Alastor est une âme très secrète, et même moi, qui me targue d'être son amie, je perds parfois sa trace pendant des mois. Oh, lorsqu'il a une idée en tête, celui-là ! Impossible de l'extraire de son projet tant qu'il n'en a pas vu le bout. »
Angel reposa sa tasse et se décida à intervenir.
« Et concernant sa propriété de Cannibal Town ? Peut-être vous aurait-il prévenu de la vente de sa maison, étant donné la proximité géographiquement avec votre zone d'influence. »
« Oh, bien sûr qu'il m'aurait prévenu s'il s'était séparé de ce bien ! C'était et je pense que c’est toujours son préféré. Je suis bien certaine qu'il en a gardé le titre. Mais Lucifer m'a informé que c'était la première propriété que vous aviez visité et qu'elle était totalement vide. »
Angel tiqua à ces mots. Ce n’était pas exactement ce qui c’était passé.
L’araignée précisa. « Nous n'y avons trouvé personne, effectivement. Mais pas parce qu'elle était vide. »
« Non ? », demanda Rosie en reprenant une gorgée de thé d’un air tout à fait innocent.
« Non. Nous nous sommes bien rendus sur place mais il n'y avait tout simplement pas de maison. L'endroit indiqué par l'adresse que possédait Ch… la Princesse, était un simple terrain vague entouré de barbelés. »
« Oh, peut-être possédez-vous une mauvaise adresse ? Hum, attendez un instant, je suis sûre de l'avoir noté dans un de mes carnets. »
L'overlord se leva et s'éloigna et se dirigea vers un coin de la pièce dédié à son bureau.
Angel fronça les sourcils et jeta un coup d'œil irrité à Lucifer.
« Est-ce que tu lui as précisé qu'on n'avait jamais trouvé la maison ? », chuchota-t-il.
Lucifer tira sur son col, visiblement embarrassé. « Euh non... je crois que ça m'est sorti de la tête. J’avais cru comprendre que vous l'aviez juste trouvé vide. »
L'acteur sentit sa mâchoire se serrer légèrement. Rosie revint à ce moment, un carnet ouvert à la main, et le présenta à Angel.
« Voilà, c'est juste ici. », dit-elle en montrant une ligne de son doigt fin et ganté.
Angel hocha la tête. « C'est bien l'adresse que nous avons visitée. Il n'y a pas d'autres rues à ce nom ? »
« Oh non. Quel bazar cela provoquerait si deux rues avaient le même nom. », dit-elle en riant délicatement à cette idée saugrenue.
Lucifer l'accompagna d'un rire forcé qui donna à Angel l'envie de lui coller une baffe. L’overlord continua.
« Cela fait plusieurs mois que je ne lui ai pas rendu visite directement chez lui. Alastor est tellement imprévisible, c'est plutôt lui qui vient ici me rendre visite. Mais je vous assure que si la maison avait été détruite et le terrain laissé à l'abandon, j'en aurais été informé sur le champ. Les nouvelles circulent très vite dans le quartier. »
« Bien sûr. », acquiesça Angel, perdu dans ses pensées. Puis il fit signe à Lucifer qu'il en avait fini.
Le monarque reposa sa tasse de thé vide, comprenant le signe. « Bien, nous n'allons pas vous embêter plus longtemps. Merci en tout cas pour votre temps et votre accueil, Rosie. »
« Désolé de ne pas avoir pu vous aider plus que cela. »
Après les formalités d'usage, Angel et Lucifer quittèrent la boutique, quand le diable sursauta tout à coup.
« Le cadeau pour Charlie ! », s'écria-t-il en entrant à nouveau dans le magasin.
Angel se pinça l'arête du nez et secoua la tête, désespéré.
**
Trente minutes plus tard et un canard en porcelaine grandeur nature sous le bras, Lucifer et Angel s'installèrent à l'arrière de la limousine. L'acteur passa un papier griffonné d'une adresse à travers la vitre avant, et le chauffeur démarra.
« Tu veux qu'on retourne à la première propriété ? », demanda le diable.
« Oui. Il y a clairement quelque chose qui cloche. Une maison ne s'envole pas comme par magie. »
Angel et Lucifer se regardèrent comme s'ils venaient tous les deux de comprendre quelque chose.
« Cet enfoiré ne voulait pas qu'on le trouve... »
« Il a certainement utilisé son pouvoir pour vous empêcher d'entrer ! », compléta Lucifer en tapant à la vitre pour capter l'attention du chauffeur. « Changement de plan, on retourne à l'hôtel ! »
« Quoi ? Pourquoi ? », demanda Angel, incrédule.
« S'il a utilisé sa magie pour créer une illusion, je pourrais la faire tomber d'un claquement de doigt. On a donc de bonnes chances de tomber sur lui. Je préfère avoir Charlie avec nous pour cette rencontre, je ne me fais pas confiance, et à toi encore moins, pour rester calme et avoir une discussion polie avec ce psychopathe. »
L'araignée ricana et mima des guillemets d'un air entendu. « Toi non plus, tu n'apprécies pas le démon de la radio ? »
« Oh, ce n'est pas juste que je ne l'apprécie pas. Je me suis renseigné sur son compte en apprenant qu’il travaillait avec Charlie. Depuis le temps que je vis dans ce trou, j'ai appris à reconnaître ce genre de créature avide de pouvoir et prête à marcher sur n'importe qui pour monter les échelons. Et vu ce qu'il fait subir à ses concurrents, je doute fortement que le type possède une once de moralité. »
Angel hocha la tête. Son propre overlord était un salaud, mais au moins il pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Valentino avait des désirs simples, sexe, pouvoir et argent. Un homme basique en somme.
Alastor d’un autre côté, était bien plus difficile à cerner. Certes, il recherchait le pouvoir. Et, comme beaucoup de ses semblables, n’avait pas une goutte d’empathie dans le sang. Mais ce n’était pas juste le pouvoir. Il cherchait autre chose, que personne ne réussissait à identifier. Et c’est ce qui le rendait encore plus dangereux.
Un silence confortable s'installa à l'arrière de la limousine. Qui fut brisé à l'instant où Charlie et Vaggie s'insérèrent dans l'habitacle.
Lucifer raconta leur rencontre avec Rosie, s'excusa encore d'avoir mal exposé les informations dont il disposait, les menant involontairement sur une mauvaise piste.
« Ça va. », assura Angel « Tu seras pardonné si on finit par les trouver. »
Quelques dizaines de minutes plus tard, le véhicule se gara à nouveau dans Cannibal Town, bien plus haut dans le quartier. Ils sortirent de la voiture et s’approchèrent de l’adresse.
A peine Lucifer eut-il approché de la clôture de fil barbelé qui entourait le terrain vague qu'il fronça le nez.
« Ouep, ça sent la magie vaudou à plein nez. »
Angel, Charlie et Vaggie retinrent leur souffle alors que le diable se concentrait pour dissiper l'illusion. Le barbelé se changea en une clôture de fer forgé parfaitement entretenue et une demeure cossue fit son apparition au bout d'un chemin arboré.
Angel pesta à voix basse pendant que Charlie s'exclamait d'admiration devant la puissance de son paternel et la beauté de la maison.
« Charlie, c'est pas pour te jeter sous les roues du bus, mais ce serait bien si c'était toi qui passait devant. », demanda Angel, validant d'un coup d’œil la suggestion de Lucifer.
« Oh, bien sûr ! », s'exclama la jeune femme, toujours heureuse d'être dans l'action.
La grille principale s'ouvrit sans problème et ils remontèrent l'allée jusqu'à la porte. Charlie toqua joyeusement. Si Alastor était bien là, il était clair qu'il aurait senti leur présence à l'instant où Lucifer avait dissipé sa projection.
Quelques secondes plus tard, la porte bascula sur ses gonds. Angel crut d'abord qu'elle s'était ouverte toute seule, avant de baisser les yeux et d'apercevoir une petite silhouette.
« Niffty ! »
La démone ricana de façon maléfique en se jetant dans les bras de Charlie. Malgré les sons terrifiants qui sortaient de son corps, elle avait vraiment l'air heureuse de les retrouver.
La porte s'ouvrit un peu plus et Alastor apparut dans l'entrebâillement.
« Qu'est-ce que ceci Niffty ? Oh ! Quelle surprise. »
Il n'avait absolument pas l'air surpris. Son visage n'exprimait que le désintérêt malgré son sourire affiché.
« Alastor ! Oh, je suis tellement contente de te voir ! », s'écria Charlie en se jetant sur lui pour le prendre dans ses bras, pratiquement au bord des larmes.
Angel fut satisfait de voir le sourire du démon faiblir une demi-seconde sous l'attaque amicale de la jeune femme. Il se reprit rapidement, mais l'effet Charlie était puissant, même pour lui.
« Majesté, amenez-vous votre fille jusque chez moi pour le plaisir de me faire échouer dans le respect de notre marché ? », demanda froidement Alastor en apercevant Lucifer à l’arrière du groupe.
« J'annule cette partie du marché. », répondit le diable en serrant les dents. « Maintenant laisse-nous entrer, nous avons à discuter. »
« Bien, j'imagine qu'il serait impoli de vous laisser plus longtemps sur le perron. Entrez-donc. »
Angel prit à peine le temps d'admirer les lieux. Il cherchait du regard les traces de Husk. Il ne le voyait nulle part.
« Niffty, où est Husk ? », demanda l'araignée à la servante.
Alastor répondit à sa place. « En mission. Il ne rentrera pas tout de suite. »
Angel lutta pour ne pas montrer son impatience ou son irritation. « Quand est-ce qu'il rentrera ? »
« Quand il l'aura accompli. », répondit simplement le démon avant de se tourner vers Charlie et Vaggie pour les accueillir au salon, ignorant délibérément l’acteur.
Angel voulut interroger Niffty, mais celle-ci avait déjà disparu. Oh non, il ne partirait pas sans réponse.
Alastor les installa au salon, sur un ensemble de canapés en velours vert sombre. L'araignée s'assit le plus loin possible et garda l'œil ouvert sur son environnement.
« Alastor, je voudrais te présenter mes excuses pour la façon dont... », Charlie buta un instant sur la façon de présenter le problème.
« Dont j'ai été chassé sans un remerciement de l'hôtel que j'ai aidé à gérer pendant tous ces mois ? Sans même pouvoir dire au revoir à mes collègues et amis ? »
Lucifer leva les yeux au ciel. Angel se retint de rire en attendant le mot “ami”.
« Mon père a pris une mauvaise décision, nous en avons discuté. Mais il ne l'a pas fait pour de mauvaises raisons. »
« Oh ? Et dites-moi Majesté, quelles étaient ces excellentes raisons ? »
Lucifer prit un ton acerbe. « Oh, je ne sais pas, au hasard, protéger ma fille d'un putain de sociopathe qui aime à torturer ses victimes ? »
Charlie se tourna vers son père, le visage désemparé. Mais Alastor ne monta pas au créneau comme on aurait pu l'imaginer.
« Vraiment ? Et j'imagine que vous vous basez sur des faits solides et avérés pour proférer de telles accusations. »
Lucifer leva les bras comme pour en appeler au ciel.
« C'est dans tous les journaux ! Des milliers de personnes dans tout Pentagram City ont entendu les cris sur leur radio ! »
« Bah, de simples rumeurs. Quant à la radio, c'est évidemment un rôle que j’interprète à merveille. Il faut bien continuer à inspirer la peur chez mes ennemis, n'est-ce pas ? »
Lucifer en resta sans voix. Il s'apprêtait à repartir à la charge tel un taureau vers un chiffon rouge lorsque Niffty entra dans le cercle et déposa un plateau d'argent sur la table devant eux.
« Le thé est servi. », annonça-t-elle joyeusement.
« Merci Niffty, c'est très délicat de ta part. », dit Alastor, ignorant volontairement Lucifer qui fulminait sur son siège.
Charlie prit la main de son père pour tenter de le calmer. Sûrement espérait-elle encore résoudre la situation calmement et que tout rentre dans l'ordre comme avant. Angel n'y croyait pas une seconde.
« Je vais chercher des gâteaux. », annonça Niffty.
C'était le moment qu'Angel attendait.
« Attends, je vais t'aider. », déclara-t-il en se levant et évitant sciemment le regard désapprobateur d'Alastor.
Niffty lui sourit et l'emmena jusqu'à la cuisine. Là, elle commença à placer de petits gâteaux secs sur un autre plateau. Angel s'appuya contre le plan de travail et croisa les bras.
« Bon, il est où ? », demanda-t-il d'un ton blasé.
Niffty ne répondit pas, se mordillant les lèvres, elle eut un regard vague derrière l'acteur, comme si elle regardait à travers lui.
« Niffty... »
Le regard de la jeune femme s'affola. Elle regarda Angel, puis derrière lui, puis de nouveau l'acteur, puis derrière lui... Oh ! Angel comprit le message.
Il se tourna et s'aperçut qu'une porte se trouvait derrière lui, au bout de la cuisine. Il fronça les sourcils. Niffty n'avait clairement pas le droit d'en parler, mais pourquoi ?
Une sueur froide glissa le long du dos de l'acteur. Il s'approcha de la poignée, la tourna et... rien. Verrouillée.
« Je suppose que Alastor à la clé sur lui ? »
Niffty finissait la présentation du plateau. Elle hocha très légèrement la tête en regardant Angel. Son unique sourcil s'affaissa autour de son œil. L'araignée ne l'avait jamais vu avec une expression aussi inquiète.
Merde. Merde merde merde.
La servante repartit en direction du salon, son plateau en main. L'acteur regarda la porte.
Dans moins de cinq secondes Alastor s'apercevrait de son absence et viendrait le chercher. Il ne pouvait pas se permettre d'hésiter un seul instant.
Angel invoqua l'une de ses mitraillettes et tira une salve droit dans la serrure, priant pour que le chat ne se trouve pas derrière. A peine le dernier coup de feu porté, il se jeta sur la porte qui s'ouvrit sans difficulté, son mécanisme explosé sous les impacts de balle.
A l'intérieur, la pièce était plongée dans la pénombre et Angel manqua de tomber dans les escaliers en passant le seuil. Il se rattrapa à la rambarde et ouvrit ses trois paires d'yeux supplémentaires pour capter toute la clarté possible.
Il descendit les marches quatre à quatre malgré le manque de visibilité, appelant Husk à pleins poumons. De toute façon, Alastor devait déjà être à sa poursuite avec le vacarme provoqué par son arme. Il n'avait que quelques secondes pour agir.
Une forte odeur de mort envahit ses narines, provoquant une panique totale chez l’araignée. Comment ? Est-ce qu’il arrivait trop tard ? Était-ce le corps de Husk qui se décomposait au fond de cette cave ?
Au bout des escaliers, il discerna une chaînette brillant légèrement dans la faible lumière provenant de la cuisine. Il tira dessus et une ampoule s'alluma devant lui, manquant de lui cramer la rétine.
Il plaça une main en casquette au-dessus de ses yeux le temps de s'habituer à la nouvelle clarté et regarda autour de lui.
Husk était là, à quelques mètres à peine. Inconscient et enchaîné au mur.
Angel s'élança pour le rejoindre mais fut stoppé net par le poignet. En haut des escaliers se tenait la silhouette d’un Alastor furieux, ses tentacules roulant autour de lui et cachant pratiquement toute la lumière venant de l'étage.
Angel hurla aussi fort qu'il le pouvait. « Charlie ! Lucifer ! »
Il se mit à griffer l'appendice qui le retenait avec ses trois mains restantes sans cesser d'appeler à l'aide. Les bois du démon devinrent si grands qu'ils s’enfoncèrent dans les murs autour de lui.
Soudainement, les tentacules reculèrent et disparurent. Les renforts étaient sans doute arrivés jusqu’à la cuisine mais Angel ne prit pas le temps de vérifier, il avait d’autres priorités.
Finalement délivré, il s'effondra aux pieds du chat et commença à le secouer pour le réveiller. Ce dernier ne bougea pas d'un poil.
Angel continua de jeter de petits coup d'œil en coin vers le démon de la radio, mais ce dernier n'avançait pas vers lui. Il s'était retourné vers la cuisine et son apparence était redevenue pacifique. L'acteur pouvait entendre les cris de Vaggie et Lucifer engueulant copieusement Alastor, mais ne s'en souciait pas pour le moment.
« Husk ? », demanda-t-il en administrant de petites claques au chat pour le ramener à lui.
Ses tentatives ne menant à rien, il serra les dents et lui administra une gifle brutale, espérant vraiment que Husk ne lui en tiendrait pas rigueur. Hélas, cela n'eut pas plus d'effet.
L'araignée attrapa le corps inanimé entre ses bras et porta son oreille contre le cœur du barman, écoutant encore et encore malgré le vacarme environnant. En y mettant toute sa concentration, il sentit sur sa joue un battement faible et rare.
Il resserra son étreinte, maintenant la tête du chat contre son épaule, murmurant des mots incompréhensibles à son oreille.
« Angel ? »
La voix de Charlie respirait l'inquiétude alors qu'elle approchait dans son dos.
« Charlie, je ne sais pas quoi faire. », répondit Angel entre deux sanglots.
« Oh bon sang, Angel, qu'est-ce qu'il a ? »
« Je ne sais pas. Il n'a pas de blessures apparentes, mais il ne se réveille pas. »
Charlie s'agenouilla à ses côtés et observa le corps du chat. Elle ne put retenir sa colère à la vue de la chaîne et du collier qui enserrait son cou. Ses yeux virèrent au rouge et des cornes vermeilles sortirent de son crâne.
Le pouvoir tournoya autour d'elle avec une telle violence qu'Angel plissa les yeux et protégea le visage de Husk d'une main. Puis Charlie agrippa les maillons métalliques entre ses mains et les brisa comme s'ils étaient faits de papier.
Elle reprenait son apparence initiale lorsque Niffty s'approcha, un verre d'eau à la main. La jeune femme glissa le récipient dans l'une des mains d'Angel et lui fit signe de le donner au chat.
L'acteur cligna des yeux, regarda la servante, puis le corps inanimé entre ses bras. D'une main, il appuya doucement sur le menton pour entrouvrir la bouche de son ami, et versa un peu de liquide entre ses lèvres.
« Doucement. », conseilla Charlie en voyant une partie de l'eau ressortir et couler le long de la fourrure du chat. « Incline un peu plus sa tête. »
Une fois le bon angle trouvé, le liquide s'écoula plus régulièrement. Angel s'arrêta à la moitié du verre.
« Attends un peu avant de lui donner le reste. », recommanda Niffty à son tour.
Est-ce que c'était juste ça ? Une déshydratation sévère ? Angel scruta la figure du barman. Ses lèvres étaient sèches, ses joues creusées.
Il passa une main sur son ventre nu. Sous la fourrure, il ne perçut que les os. Husk n'était déjà pas bien épais en tant normal, mais la situation était devenue catastrophique. Son pantalon déjà trop grand à la taille flottait pathétiquement sur ses flancs.
Angel sortit sa troisième paire de bras de sous sa veste pour mieux l'étreindre. Le réchauffer. Son corps était glacé.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? », entendit-il vaguement du côté de Charlie.
« On dirait une momie. », affirma Niffty.
« Oh mon dieu, c'est horrible. Papa ! »
Charlie se releva, comme poussée par un ressort, et partit rejoindre son père et sa compagne pour les prévenir de sa trouvaille morbide. A l'étage, la dispute continuait. Angel pouvait entendre tour à tour les voix de Lucifer et Alastor, parfois entrecoupées par celle de Vaggie.
Angel resta là, à caresser machinalement le corps entre ses bras, l'esprit rendu brumeux par le choc. Les minutes passèrent. Petit à petit, la respiration du chat se fit plus présente et régulière.
Par chance, dans les bonnes conditions et avec les bonnes ressources, l'organisme des démons se régénérait rapidement. Angel jeta finalement un coup d’œil au cadavre desséché à côté d'eux. Celui-là n'avait jamais reçu les conditions nécessaires à son rétablissement. Depuis combien de temps était-il ici ?
L'araignée finit de glisser le reste de l'eau dans la bouche du chat. Puis il attendit. Que serait-il passé s'ils n'étaient pas arrivés à temps ? Alastor aurait-il laissé Husk se décomposer jusqu'à ressembler à ce tas de chiffons et de peau ?
De rage, il sentit les larmes couler sur ses joues. La colère de ne pas posséder le pouvoir et la force de coller une raclée à Alastor de ses propres mains. Les overlords, encore et toujours gagnants.
Un « Ça suffit ! » rugissant venu de l’étage envahit ses oreilles. Angel n'avait jamais entendu Charlie aussi en colère. Il frissonna.
Quelques instants plus tard, Vaggie fit son apparition dans la cave. Puis à son tour Lucifer passa sa tête en haut des escaliers et ouvrit un portail de téléportation à côté d'Angel, avant de repartir.
« Viens Angel, il faut le ramener à l'hôtel. », déclara Vaggie en posant une main sur son épaule.
« Et Charlie ? », demanda Angel, bizarrement inquiet après l'éclat de voix de la démone.
« Elle va rester un peu ici avec Lucifer et Niffty. Ils doivent encore discuter pour régler cette histoire. Je t'accompagne. »
Le portail menait directement dans le grand couloir devant leurs chambres. Angel se leva, Husk serré contre lui, aussi dégingandé et pas beaucoup plus lourd qu'une poupée de chiffon.
Il se retourna pour voir Vaggie passer à son tour le cercle lumineux, le corps sans vie de la momie étalé sur ses bras, le large crâne posé sur au milieu du corps comme une sorte de présentation funéraire.
« Euh, je n'ai pas réussi à casser l'anneau autour de son cou. », expliqua Vaggie.
Angel haussa les épaules. Le type était mort de toute façon. Cette décapitation ne pouvait pas lui faire plus de mal.
« Je vais le poser et je te rejoins. », assura l’ancienne exorciste.
De son côté, Angel poussa la porte de la chambre de Husk. Celle-ci était toujours aussi vide et ennuyeuse, à part le paillasson accroché au mur. Il déposa délicatement le chat sur son lit, prenant garde à placer ses ailes de la façon la plus confortable possible.
Puis il s'allongea à côté de lui et continua à l'enserrer de ses six bras, l'assurant doucement de sa présence.
Quelques minutes plus tard, Vaggie réapparut à la porte.
« Eh, ce serait possible d'avoir une soupe ou un truc liquide nourrissant ? Je ne veux pas m'éloigner. », demanda Angel, un peu penaud.
Il détestait l'idée de demander un service à Vaggie, mais l'heure était grave. Celle-ci hocha juste la tête et disparut. L'acteur reposa sa tête sous le bras du chat.
**
Il entendit juste la vaisselle heurter doucement la table de chevet. Angel souleva la tête, légèrement surpris de trouver Vaggie à côté du lit.
« Désolé, je ne voulais pas te réveiller. Je t'ai amené un bol de soupe. »
« Merci. Il vaut mieux que je m'en occupe pendant que c'est chaud. »
L'araignée se redressa sur le lit, regrettant déjà la perte de contact. Il avait réussi à transmettre à Husk un peu de chaleur, c'était déjà ça.
« Est-ce que Charlie est revenue ? », demanda-t-il en se frottant les yeux.
« Pas encore. »
Vaggie se dirigea vers la porte. « Je suis dans la chambre d'à côté si tu as besoin de quelque chose. Je m'occupe de notre ami la momie. »
« Oh ? Comment est-ce que tu comptes t'y prendre ? »
« Eh bien on va la laisser tremper quelques jours dans une baignoire remplie d'eau pour commencer, histoire de la réhydrater. Une fois le corps reconstitué, on pourra l'alimenter par perfusion jusqu'à son réveil. »
Angel hocha la tête. Il espérait que Husk n'aurait pas besoin de perfusion. Il n'avait pas envie de le voir inconscient et rattaché à des tuyaux comme un mourant.
Il chassa cette image de sa tête et attrapa le chat sous les bras pour le remonter sur les oreillers. Il en ajouta deux pour le redresser le plus possible.
Puis il prit le bol et la cuillère posé sur la table de nuit. Il goûta. C'était une soupe en boîte tout ce qu'il y a de plus ordinaire, mais c'était surtout la chaleur qu'il lui importait de vérifier.
Il passa la cuillère entre les lèvres entrouvertes, convoquant toute sa concentration pour ne pas en mettre à côté. Il n'avait jamais fait ça. Et il espérait ne jamais le refaire. En tout cas pas avec un Husk inconscient. Dans un jeu avec une tenue d’infirmière sexy, pourquoi pas.
Angel attendit patiemment que le chat avale le liquide entre chaque cuillerée. Le silence remplissait la pièce.
Maintenant que Husk était hors de danger, Angel ne pouvait plus stopper le fil de ses pensées. Qu'allait-il advenir de lui ? Alastor pouvait-il le reprendre ? Lucifer allait-il s'interposer et bannir définitivement le démon ? Et comment allait évoluer leur relation ?
Angel soupira. Comme en réponse, Husk émit un léger grognement. Ce simple bruit éclaircit immédiatement son esprit. Il reposa le bol quasiment vide et passa une main sur la joue du barman.
« Husk ? »
« Hum... »
L'araignée eut envie de crier de joie. Angel jeta ses bras au ciel dans un geste de victoire, avant de reporter son attention vers le malade.
« Tu m'entends ? »
« Hum. », répondit Husk en ouvrant à peine les yeux.
« Tout va bien. Tu es à l'abri. »
« Qu'est-ce que... tu fais là ? », demanda le chat d'une voix cassée et faible.
« Tu es à l'hôtel. On t'a retrouvé. Tout va bien. »
Angel passa à nouveau sa main sur la joue et sentit le chat s'appuyer contre elle. Une deuxième main passa derrière la longue oreille et un ronronnement à peine perceptible se fit entendre, emplissant Angel d'une joie immense.
Il posa son front contre celui du chat qui ne l'arrêta pas. Husk avait refermé ses yeux. Cette fois, il dormait vraiment.
Notes:
Chapitre en avance car je pars en weekend ! J'ai 16h de train donc je vais avoir le temps d'avancer sur la prochaine histoire. ;)
Suite et fin samedi prochain !
Chapter 14: Chapitre 14
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
La chaleur avait refait surface dans ses membres. Le sol n'avait jamais été aussi confortable. Angel lui était apparu en rêve.
Husk entrouvrit les yeux. La pénombre avait changé. Elle était moins... totale. A mesure que sa vue s'habituait à son environnement, il constata qu'il était dans sa chambre, de retour à l'hôtel.
La nuit rougeâtre pénétrait par les grandes fenêtres. Husk avait l'esprit brumeux et son corps lui semblait lointain et faible.
Il se redressa, non sans mal, et s'assit. Les étoiles couraient devant les vitres. Il n'avait peut-être pas rêvé.
Prenant son courage à deux mains, il repoussa la couette, s'extrayant de la chaleur confortable à contrecœur. Il fit passer ses jambes par-dessus le rebord du lit et se leva.
Instantanément, la tête lui tourna. Il s'accrocha au pied du lit et attendit quelques secondes en soufflant par le nez. Une fois le vertige passé, il se dirigea vers la porte.
Le couloir de l'hôtel était vide et silencieux. La porte de sa chambre refermé derrière lui, il se retrouva à nouveau dans le noir. Les choses lui paraissaient irréelles. Avait-il vraiment quitté la cave d'Alastor ? Où était-il ?
A mesure qu'il avançait, son angoisse se diffusait comme un venin s'écoulant dans ses veines. Était-ce vraiment l'hôtel ? Pourquoi tout était si sombre ? Où étaient-ils tous ?
Merde, son cerveau était encore en train de lui jouer des tours. D'ailleurs le froid revenait progressivement l'encercler. L'illusion ne tarderait pas à se dissiper et il retournerait dans cette prison souterraine pour les prochaines décennies.
Il n'y survivrait pas. Son corps ne pouvait pas mourir, mais son esprit, oui. Il n'aurait pas la force. Il sombrerait dans la folie bien avant qu'Alastor ne revienne le chercher.
Il n'avait plus aucun espoir de s'en sortir. Marco avait raison : par ses actions successives, il avait fini par fabriquer son propre enfer.
Soudain la lumière s'alluma, projetant une clarté diffuse dans tout le couloir. Husk releva la tête. Il ne s'était pas rendu compte qu'il était tombé au sol. A travers les larmes qui embuait ses yeux, il distingua la silhouette qui s'avançait vers lui en courant.
« Husk ! Pourquoi tu es sorti du lit ? », demanda Angel en s'agenouillant à ses côtés, posant au sol le plateau qu'il portait.
Le chat ne réfléchit pas. Il attrapa l'araignée par les épaules et la serra contre lui, sanglotant sans honte contre son cou. Angel le prit dans ses bras sans hésitation, et Husk vint refermer ses ailes autour d'eux pour clore le cocon.
« Eh, je suis là. J'étais juste parti chercher un truc à manger. »
« Tout est... si sombre. », réussit juste à souffler Husk, les yeux écarquillés, en proie à une panique totale.
« C'est la nuit. Il est quelque chose comme trois heures du mat'. Ça va passer. »
Angel continua à lui murmurer des paroles rassurantes en caressant son dos et sa tête. Il restèrent là un moment, recroquevillés au milieu du couloir familier. La chaleur et le son de sa voix familière finirent par ramener le chat à la réalité.
« Si on retournait au lit ? », demanda doucement l'araignée, en sentant la respiration de son compagnon enfin ralentir.
« Hum. », souffla Husk en hochant la tête.
Le simple fait de se relever, le barman se sentit à bout de souffle. Angel le regarda avec une inquiétude dissimulée sous l'amusement.
« Il va falloir manger un peu plus que de la soupe pour te remettre en forme, grand-père. »
« Ta gueule. », lui rétorqua Husk avec lassitude et affection.
L'araignée rit. Si le chat était capable de râler, c'est qu'il se sentait déjà mieux.
Husk regarda Angel reprendre son plateau et se dirigea vers sa chambre.
« Comment est-ce que je suis revenu jusqu'ici ? », demanda-t-il en tenant la porte ouverte pour laisser passer l'acteur.
Angel soupira en passant devant lui, l'air de dire que ça n'avait pas été une mince affaire.
« On t'a cherché un bon moment avec Charlie, j'avais presque fini par abandonner quand tu as passé un coup de fil à l'hôtel. Finalement, avec l'aide de Lucifer, on a réussit à localiser Alastor malgré le sort d'illusion qu'il avait posé sur sa maison. »
L'araignée fit une pause. « Tu as faim ? »
« Je suis affamé. », avoua Husk, le regard scotché sur le bol fumant.
Angel sourit. Il attendit que le chat se fut réinstallé sur le lit, le dos confortablement calé sur les oreillers, pour lui passer le plateau.
« Je ne pensais pas que tu serais réveillé. Je peux descendre te chercher quelque chose de plus solide. »
« Non ! », s'écria Husk trop précipitamment. « Non, ça va. Reste là, s'il te plaît. »
L'acteur hocha la tête et s'installa à ses côtés sous la couette, leurs épaules se frôlant pratiquement. Il reprit son récit.
« Niffty savait où tu te trouvais, même si elle n'avait pas le droit de t'aider. Elle a quand même vendu la mèche, au risque de subir la colère d'Alastor. »
Husk fronça les sourcils et stoppa la cuillère qu'il portait à ses lèvres. « Elle va bien ? »
« Je crois oui. Elle est restée avec Charlie et Lucifer, et tu penses bien que Charlie ne permettra pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. »
« Restée où ? Au domicile d'Alastor ? »
« Je crois. Où peut-être qu'ils sont revenus à l'hôtel depuis, je ne suis pas sûr, je me suis endormi après t'avoir ramené. »
Husk rit. « Le repos du héros, hein ? »
« Eh, ne rigole pas, c'était une mission très stressante. »
Un moment passa pendant lequel on entendit uniquement le cliquetis de la cuillère sur le bord du bol en céramique. Lorsqu'il eut fini, Husk reposa le plateau sur la table de chevet à ses côtés.
« Tu travailles demain ? », demanda-t-il avec un pincement au cœur.
« Non. Je reste là. »
Husk répondit d'un air faussement neutre. « C'est bien. »
Puis il étira son bras jusqu'à prendre la main d'Angel sous la couette, sans le regarder. Ce dernier rit doucement.
« Tu dors debout. Allonge-toi. »
Alors qu'il descendait sur les oreillers, l'araignée se rapprocha et passa nonchalamment son bras autour de lui. Une nouvelle vague de chaleur l'envahit. Il passa sa patte sur l'épaule de l'acteur. La fourrure courte et fine glissa sous ses griffes comme de la soie.
« Merci. D'être venu me chercher. »
« Je l'ai fait surtout fait pour moi. Tu me manquais. »
Husk sourit, et s'endormit presque aussitôt, bercé par l'odeur douce et familière de l'araignée blottie sur son épaule.
**
Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, il trouva Angel debout, en train de refermer la porte de la chambre.
« Charlie est revenue. », annonça-t-il en voyant le chat réveillé.
« Avec les autres ? »
« Oui. »
« Niffty ? »
Angel secoua la tête. Husk sortit du lit, testa son équilibre. Il se sentait beaucoup mieux.
« Je vous rejoins après une douche. » dit-il en se dirigeant vers la salle de bain. Il voulait se débarrasser de la poussière accumulée dans sa fourrure et de cette odeur de mort qui s'accrochait toujours à son nez.
**
Lorsqu'il descendit les escaliers quelques minutes plus tard, il trouva Charlie et Vaggie assises sur le sofa, Lucifer sur un fauteuil à côté d'elles et Angel affalé de tout son long sur son canapé habituel.
Husk souleva les jambes de l'araignée sans plus de manières, s'assit sur le coussin et les reposa sur ses genoux.
Personne ne commenta son geste mais il perçut l'étonnement dans le regard de l'acteur, suivi par une difficulté à contenir un sourire. Ce fut Charlie qui parla la première.
« Husk, j'ai fait des pancakes, et j'ai préparé des biscuits, des shortbreads, des croissants, des muffins... Je ne savais pas trop de quoi tu aurais envie en te réveillant. »
« Wouah, princesse, tu y as passé la nuit ? », demanda Husk, un peu mal à l'aise devant la profusion de pâtisseries qui s'étalait sur la table basse devant lui.
« Ah ah, n’exagérons rien, ce n'était pas si long. »
« Elle y est seulement depuis l'aube. », ajouta Vaggie avec son habituel air aimable.
« Et bien... merci. »
Husk se força à prendre un shortbread entre ses griffes malgré l'angoisse qui ne lui lâchait plus l'estomac depuis qu'il était sortit du lit. Il allait recevoir le verdict de toute cette histoire et n'était pas encore sûr d'être tiré d'affaire.
« Alors ? », demanda-t-il simplement en faisant tourner le gâteau sur lui-même.
« Hum, je crois que tu avais quelque chose à dire d'abord... papa ? »
Lucifer se redressa à ces mots et s'éclaircit la gorge, visiblement mal à l'aise.
« Euh oui. Je voulais te présenter mes excuses. C'est en quelque sorte de ma faute si tu t'es retrouvé dans cette situation. J'ai voulu éloigner Alastor de Charlie mais je n'ai pas réfléchi qu'il vous emmènerait avec lui, Niffty et toi. »
« Où est Niffty ? », demanda le chat.
« Elle a choisi de rester avec Alastor. », dit Charlie en regardant ses chaussures.
« Quoi ?? D'après ce que m'a dit Angel, ça va directement lui retomber dessus. Comment avez-vous pu la laisser avec ce malade ? », rugit Husk en écrasant la pâte sableuse entre ses pattes.
Charlie releva la tête. « Husk... Alastor lui a proposé de partir. Sans réprimande possible. Elle a choisi de rester avec lui. Je crois que leur relation va au-delà de toute cette histoire. Je crois... qu'il est incapable de lui faire du mal. »
Lucifer intervint. « Mais pour nous en assurer, je lui ai fait signer un marché. Il a interdiction de lui causer du tort, physiquement ou mentalement. Si cela arrivait, son contrat avec Alastor serait automatiquement nul et non avenu. »
« Bordel. », soupira le chat en essuyant sa patte pleine de miettes sur son pantalon avant de la passer sur son front. « Bon d'accord. Et moi ? »
Lucifer reprit. « Je ne suis pas qualifié pour annuler les contrats d'âme, mais j'ai été suffisamment persuasif pour qu'Alastor modifie le tien. »
Husk fronça les sourcils, encore dubitatif. « Comment ? »
« Tu pourras rester vivre et travailler à l'hôtel si tu en as envie. Ton âme reste la possession d'Alastor mais tu peux choisir de faire ce que tu veux de ta vie. Si tu veux retourner là-bas, tu es libre de le faire, mais Alastor lui-même ne peut pas t'y forcer. »
« Et c'est tout ? Il a accepté ça ? Mais qu'est-ce qui l'empêche de venir me chercher par la peau du cou pour me ramener là-bas ? »
« Comme pour Niffty, s'il te fait du mal, tu seras libéré de ton contrat. Il a tout intérêt à garder ton âme sous la main s'il veut pouvoir en extraire la puissance. »
« Je ne pense pas être suffisamment important ou puissant à ses yeux pour m'éviter une vengeance létale, malheureusement. »
« Peut-être pas, » confirma Lucifer, « mais je doute qu'il soit suffisamment stupide pour venir se frotter à moi. Et je lui ai bien fait comprendre que s'il s'en prenait à une seule personne ne serait-ce que de passage dans cet hôtel, je viendrais personnellement lui régler son compte. »
Husk hocha la tête, un peu abasourdi par l'aplomb dont faisait preuve Lucifer pour la première fois depuis leur rencontre. Un poids s'envola au fond de son ventre. Finalement, ces pâtisseries avaient l'air bien appétissantes.
« Donc, tu es quasiment libre ! », résuma Angel.
Charlie sautilla sur place en battant des mains, surexcitée et heureuse autant pour pour ces nouvelles que par la vue du chat s'alimentant finalement de bon cœur.
« C'est tellement formidable ! », s'écria-t-elle d'une voix suraiguë.
Vaggie lui sourit et hocha la tête, son bonheur toujours contagieux même pour sa taciturne compagne.
« Dis-donc Majesté, je vais te filer l'adresse de mon patron, si tu pouvais aussi le convaincre de changer deux ou trois lignes dans mon contrat. », suggéra Angel en caressant nonchalamment une des ailes de Husk par-dessus le dossier du canapé.
Lucifer soupira et se pinça l'arête du nez, les sourcils froncés.
« Raaaah.... Bon d'accord, mais pas aujourd'hui, okay ? J'ai négocié avec le groom presque toute la nuit, j'ai besoin de dormir. », déclara-t-il en se levant et s'éloignant.
« Ça marche, mais je ne vais pas oublier ça ! », insista Angel, encore plus joyeux que précédemment.
Husk lui sourit et caressa son tibia en hochant la tête. Si cette histoire pouvait leur permettre à tous les deux de gagner un peu de lest sur leurs chaînes, c'était toujours ça de gagné. Surtout pour Angel. Sa situation merdique durait depuis bien trop longtemps.
L'araignée rit doucement par le nez et Husk s'aperçut qu'il le regardait avec un sourire beaucoup trop niais. Il se força à neutraliser son expression et retourna son attention vers Charlie.
« Excellent, ces shortbreads. »
Charlie insista ensuite pour que le chat leur raconte les quelques semaines qu'il avait passé en compagnie d'Alastor. Il leur fit un bref résumé. Il n'y avait de toute façon pas grand chose à en dire.
« Quant aux derniers jours, je les ai surtout passés en compagnie du cadavre au fond de la cave... »
« Oh, à ce propos, il est train de lentement se régénérer. C'était une bonne idée de le laisser tremper pour le réhydrater. », dit Charlie à l'attention de sa compagne.
Vaggie hocha la tête. « Oui, je suis passé le voir, et il ressemble un peu plus à quelque chose. Je crois que c'est un démon-serpent. »
« J'espère qu'il acceptera notre aide. Oh, qui sait, il voudra peut-être même rester à l'hôtel pour tester notre programme ! », s'exclama Charlie, pleine d'espoir.
Angel fit un signe à Husk, lui suggérant de remonter à l'étage. Le chat glissa quelques gâteaux dans ses poches et se leva.
« Je vous laisse, je crois que je vais retourner au lit pour la journée. », annonça Husk d'une voix neutre.
« Oh pardon Husk, tu dois être épuisé ! Repose-toi bien et n'hésites surtout pas si tu as besoin de quoi que ce soit ! », s'exclama Charlie, toujours partante pour rendre service.
« Je m'en occupe, Princesse. », déclara Angel en se levant à son tour.
Il prit une voix faussement compatissante. « Je le raccompagne, je ne voudrais pas qu'il trébuche dans les escaliers. »
Charlie s'extasia devant tant de générosité. Vaggie leva les yeux au ciel. Husk rit discrètement en remontant les marches vers sa chambre. Angel le rejoignit en deux enjambées et lui prit le bras.
« Tu es vraiment fatigué ? »
« Nan, pas vraiment, j'avais juste envie d'être au calme. »
« Oh. Oh, bien sûr. Je devrais peut-être te laisser, on parlera plus tard. »
Angel tenta de dégager son bras mais Husk le retint doucement.
« Au calme avec toi, je voulais dire. »
Le visage de l'araignée s'illumina et elle prit une voix suave.
« Oooh, ce genre de calme ? Je vois... »
« Non, pas ce genre de calme, je t'arrête tout de suite. Je suis pas en état de faire quoi que ce soit là maintenant. Tu n'arrêtes jamais, hein ? »
« Moi ? Non mais tu plaisantes, c'est toi qui a initié le mouvement la dernière fois ! »
La porte de la chambre de Husk se referma derrière eux.
« C'est vrai... Je ne sais pas trop ce qui m'a pris. »
Angel s'appuya dos à la porte, l'air soucieux.
« Tu regrettes ? »
Le chat sursauta à ces mots. Comment Angel pouvait-il penser une chose pareille ?
« Quoi ? Non ! Jamais de la vie. »
« ... »
« Et toi ? »
« Bien sûr que non. Je ne serais pas ici sinon. »
Husk soupira discrètement. Il grimpa dans le lit et s'adossa aux oreillers.
« J'ai eu peur que ça gâche... ce qu'il y a entre nous. »
Angel fit basculer sa tête sur le côté et afficha un sourire en coin.
« Et qu'est-ce qu'il y a entre nous ? », demanda-t-il en se rapprochant du lit.
« De l'amitié, c'est certain. Et... ce que tu voudras bien y mettre d'autre. »
« Vraiment ? »
« Vraiment. », ajouta Husk, sûr de lui mais ayant l'impression d'être nu sous le regard scrutateur de l'araignée.
Angel passa un genoux par-dessus le rebord du lit et grimpa sur celui-ci. Il se rapprocha à quatre pattes jusqu'à se retrouver nez à nez avec Husk.
Leurs souffles s'effleurèrent. Angel fut le premier à clore la distance entre eux. Ils s'embrassèrent lentement, goûtant la joie de leurs retrouvailles autant que cet instant d'apprivoisement mutuel.
Ce n'était que la deuxième fois qu'ils s'embrassaient, mais Husk sentit qu'il serait incapable de garder leur relation au stade de simple aventure. Il voulait sentir ces lèvres sur les siennes pour les semaines, les mois et les années à venir, il en était certain.
Il passa ses griffes dans l'épaisse chevelure blanche et enserra Angel de son bras libre, le collant à lui.
« Reste avec moi ? », souffla-t-il entre deux baisers.
« Évidemment. », répondit Angel immédiatement.
Il restèrent des heures blotti l'un contre l'autre dans un demi-sommeil que rien ne vint perturber.
Notes:
C'est fini ! J'espère que cette première histoire vous aura plu. Je suis pas une pro des fins, il faut que je m'améliore, mais le happy-end est là !
Je prépare une nouvelle fic, elle sortira dans une ou deux semaines : L'intelligence artificielle a envahie les enfers et le studio où travaille Angel Dust fait faillite. A la place, Valentino décide d'organiser des combats à mort entre pécheurs pour distraire les plus riches et les overlords. Il fait monter son ex-star sur le ring.
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