Chapter Text
« Je n’aurais de repos que lorsque le tien sera éternel »
Le soulagement qui s’insinuait dans mes veines ne connaissait pas son pareil. La douleur se dissipait, elle n’était plus qu’une goutte de poison dans un verre de vin d’excellence. Son goût tanné râpait ma langue, il livrait ses délices onéreux à ceux qui savaient en saisir la complexité. Le verre attendait confortablement, son large pied installé sur le bois vernis de la table basse. Les coussins moelleux du divan m’accueillaient, ils faisaient de leur mieux pour me dorloter. Ils étaient les seuls à qui je pouvais me confier.
Les poils coulaient comme un paisible ruisseau sur ma peau. Ils dévalaient mes jambes dans un remous silencieux, effleuraient d’une caresse les callosités de mes genoux, se perdaient dans les sillons de mes chevilles. Mon esprit s’égarait dans la vulnérabilité d’une brume épaisse. Négliger l’intégrité de mon intellect constituait un jeu dangereux, discutable. Mais, avec elle, j’avais appris à lâcher prise. Elle ne me faisait aucun mal. En réalité, elle était la dernière personne à me faire du bien. Peut-être même la dernière entité.
Le contentement teintait mon soupir. Il lui aurait suffi d’une once de volonté pour mettre fin à mes jours, si c’était là son dessein. Presque nu, endormi dans les bras aimants de la drogue, aucune barrière n’aurait eu la diligence de se dresser entre moi et la mort. M’enfuir n’aurait pas été une option.
Elle ne le fut plus jamais depuis ce jour-là.
Un souffle de plaisir naquit de mes lèvres entrouvertes. Le pinceau courait sur ma peau, ses doigts habiles savaient exactement où appuyer. Déjà, avant l’accident, je sus d’instinct qu’elle serait un excellent investissement. J’avais simplement sous-estimé à quel point cette intuition se révèlerait exacte.
— Tu es exceptionnelle…
Un bras sur les yeux, je ne vis pas son sourire.
— Je ne fais que mon travail. Mais merci, Conseiller Salo. Je suis ravie que vous soyez satisfait de mes services, répondit-elle de sa voix de velours.
— C’est important de dire à ses employés quand ils excellent dans leurs missions.
Ma voix n’était qu’un murmure enveloppé dans un cocon de détente. Lest poursuivait son œuvre sans se laisser distraire par ma reconnaissance. C’était là aussi une de ses grandes qualités. Elle satisfaisait les clients de l’Aventurine comme personne et ne s’enorgueillissait jamais de leur adoration. Armée d’une conversation audacieuse et d’une beauté féline, Lest remportait tous les suffrages, qu’il s’agisse de ceux des habitués ou des curieux d’une soirée.
Le pinceau quitta ma peau, et le claquement feutré de la boîte en manguier signa la fin de notre séance. Je reprenais doucement mes esprits, comme au sortir d’une séance d’hypnose. Son pouvoir sur moi était total, et pourtant j’étais son supérieur. Ce postulat ne tenait plus la route dans l’intimité de nos rencontres.
— C’est terminé pour aujourd’hui. Comment vous sentez-vous ?
Appuyé sur les coudes, je me redressais dans le divan. Le sentiment de bien-être s’accompagna très vite de l’habituelle indignation qui revenait me hanter dès que ce maudit fauteuil surgissait dans mon champ de vision. Il était faste, réalisé par un artisan de renom. Ses coussins apportaient un confort indéniable à mes jambes douloureuses, leur qualité prévenait les blessures inhérentes à mon immobilité.
J’avalai une longue gorgée de vin. La tête me tournait. C’était la seule chose qui lavait un tant soit peu l’amertume tapie sur ma langue. L’injustice me retourna l’estomac, encore une fois. Je finis mon verre d’une traite, et la détente des caresses de Lest fut soufflée d’un ouragan de fureur. Elle pouvait soulager le tiraillement incessant de mes jambes brisées, mais elle ne pouvait rien au trou noir qui creusait ma poitrine. Non pas qu’elle ait déjà essayé de franchir cette limite avec moi. J’étais son client, mais avant tout son patron. Et elle était trop intelligente pour négliger cette donnée dans l’équation de nos rapports.
— La prochaine séance sera dans trois jours, précisa-t-elle en ramenant son foulard sur ses épaules.
— Viens plus tôt, exigeai-je. C’est la seule chose qui me soulage.
Elle marqua un silence dont je mesurais la portée. Je connaissais sa réponse, et elle ne l’ignorait pas. La douleur me rendait immature. Rêveur. Idiot.
— Votre addiction grandit. Viendra un jour où vous ne pourrez plus vous passer de mes soins. Ne précipitions pas votre déchéance, Conseiller Salo.
Ma gorge se noua. Lest s’exprimait avec respect, pourtant je me sentais comme un enfant à qui on refusait un caprice. Ses mots avaient la violence de l’exactitude. Mes poings se crispèrent sur mes cuisses criblées de cicatrices.
— La savoir toujours en vie, tapie quelque part dans les tréfonds puants de Zaun, m’est insupportable. Jinx devrait être morte. Échouée dans un caniveau. C’est tout ce qu’elle mérite.
— Est-ce un accomplissement qui serait de nature à vous soulager ?
Je pris le temps de la réflexion. La réponse s’implosa telle évidente.
— Oui. Mon inexorable déchéance en serait un peu adoucie, souris-je en reprenant la poésie de Lest.
Je me resservis un verre de vin, trop rempli pour être élégant.
— Enfin, non pas que ce doux rêve soit accessible à un estropié. Que pourrais-je faire ? Lui rouler après dans les ruelles de Zaun ?
Je pouffai d’un rire méprisant. Depuis ce jour où la salle du Conseil s’était effondrée sur nous, je n’étais plus capable de grand-chose. Jinx m’aurait abattu avant même que je l’aperçoive dans un coin de rue. Elle était pétrie de défauts, mais la médiocrité n’en faisait pas partie. C’eut été une mission suicide.
— Vous n’avez jamais été un combattant.
Ses immenses yeux dorés ne me quittaient pas. Il y avait quelque chose de suspect dans l’intérêt soudain qu’elle me portait. J’abusais du vin, et elle me fixait avec un respect paradoxal. De ses yeux félins, elle semblait capable d’appréhender une dimension qui échappait aux simples humains. Elle trouvait de l’intelligence dans la misère. J’en aurais mis ma main à couper, si je n’avais plus rien eu à perdre.
— Mais vous êtes influent, Conseiller Salo, trop pour tuer Jinx de vos propres mains. Elles ne sont pas faites pour se tacher de sang.
— Essaierais-tu de me dissuader de me venger ? tranchai-je d’un ton froid.
Elle secoua la tête avec la lenteur d’une femme immunisée à la menace.
— Je pourrais vous mettre en lien avec une personne rompue à l’exercice.
Lest se permit de retirer le verre de vin de mes doigts. L’assurance dans ses gestes me dissuada de la remettre à sa place. Et peut-être aussi son odeur. Ce parfum entêtant qu’elle laissait toujours dans son sillage, aux notes de mélisse et de vanille, pétillantes d’agrumes.
— Une personne aux paumes déjà incrustée de carmin et qui partage votre dessein, compléta-t-elle.
Elle avait ce charme hypnotisant que même le plus intègre des hommes ne pouvait ignorer. Il se trouvait dans les innombrables taches anthracites qui décoraient sa peau grise. Je ne touchais à aucun et aucune de mes employés. J’étais le patron de l’Aventurine, pas un de ses clients fortunés. Pourtant, parfois, je me surprenais à contempler ses lèvres aussi foncées que des nuages d’orage. Elle était trop maligne pour l’ignorer.
— Alors rencontrons cette personne. Tu as piqué ma curiosité.
Satisfaite, elle hocha la tête avant de s’éclipser sans un bruit.
***
C’était au sommet de ma prestance que je m’apprêtais à accueillir la personne qui allait s’imposer comme mon associée.
Lest avait usé de la magie de ses pinceaux quelques heures auparavant, je me trouvais donc soulagé des douleurs et moins drogué que dans la foulée d’une séance. J’avais mis mes atours de Conseiller, et attendait sur mon fauteuil dans une posture qui me donnait de l’assurance. Une jambe croisée sur l’autre, dans la parfaite illusion d’un homme toujours capable de les bouger. La vérité, c’était que je devais les déplacer à la main pour leur donner cette position. Mais mon interlocuteur n’avait pas besoin de le savoir. Mes cheveux platine ramenés en arrière dégageaient mon visage sévère.
Je n’avais bu qu’un verre de vin. Assez pour retenir les bouffées d’angoisse dans ses filets de tanin. Trop peu pour altérer mes capacités de discernement. L’anxiété s’était toujours astreinte à me compliquer la vie, mais son ampleur s’était accrue depuis la perte de l’usage de mes jambes. La vulnérabilité ne me réussissait pas.
Dans mon bureau, rien n’était laissé au hasard. J’avais décidé de recevoir le contact de Lest à l’Aventurine. Ce n’était pas Salo en tant que Conseiller de Piltover qui commanditait ce meurtre, c’était moi en tant qu’individu à part entière. J’étais donc installé autour d’une petite table en acacia sur laquelle se trouvait une carafe et deux verres en cristal. Les volets étaient partiellement fermés, ils laissaient entrer une lumière tamisée tout en abritant les lieux des regards indiscrets. Mon bureau était au troisième et dernier étage de l’Aventurine, les risques d’être épié par la fenêtre étaient faibles. Néanmoins, ma position de Conseiller m’avait appris à ne jamais sous-estimer la détermination d’une personne décidée à s’en prendre au pouvoir. Et, du pouvoir, j’en possédais.
Je consultai ma montre à gousset. Mon invité allait arriver d’une minute à l’autre. Le tambourinement dans ma poitrine se saccada dans une sensation de rebond que je ne connaissais que trop bien. Je retins la colère qui m’anima à mon égard, soucieux de garder sous silence mes stupides émois. Quand à elle, Lest se tenait debout, adossée à une poutre, en attendant l’arrivée de notre hôte.
Je fis coulisser le double-fond du cache de ma montre. Il restait trois comprimés, largement de quoi subsister un temps honorable. J’en posai un sur ma langue et l’avalai d’une gorgée d’eau fraîche. Cette rencontre me stressait plus que je l’avais anticipé. Mon employée n’accorda qu’un coup d’œil désintéressé à la prise du comprimé. Elle savait garder les secrets à l’abri derrière ses étoffes.
Trois coups furent frappés contre la porte, ils n’auraient pas produit un effet différent s’il s’était agi de coups de feu. Je bondis sur mon fauteuil. Ils avaient la lenteur de l’assurance, contrairement aux battements de mon cœur. Je pris un instant pour recouvrer mon calme, et m’assurai une dernière fois d’avoir correctement enclenché les freins de mon assise. Mon regard évita celui de Lest, je tenais à ce qu’elle ne s’imagine pas que je me reposais sur elle – peu importait la triste véracité de ce constat.
— Entrez.
Ma voix était posée. Je feignais l’assurance comme personne, plus encore depuis que j’étais handicapé. Il fallait redoubler d’orgueil pour être un Conseiller crédible, affublé d’un fauteuil roulant. Quand vos collègues se demandaient secrètement comment vous faisiez pour aller aux toilettes seul sans vous étaler dans votre propre urine, il devenait hors de question de laisser transparaître la moindre faille. Ma dignité, je ne laisserai personne me la voler.
Je m’en étais fait la promesse.
Lorsque la porte s’ouvrit, je crus que la mâchoire allait m’en tomber. L’image avait une certaine ironie, compte-tenu de la personne qui se tenait devant moi.
Il avait un peu changé, mais demeurait reconnaissable. Sa mâchoire mécanique, elle, restait bien en place. Elle s’était même étendue sur toute la moitié droite de son cou, jusqu’à la naissance de sa clavicule.
Ma surprise lui arracha un sourire. Enfin, c’était ce que me laissait supposer le plissement de ses yeux. Son visage était constellé de tatouages noires géométriques évoquant, pour ce que j’en voyais, des munitions et des serpents. Trois épais traits noirs traversaient son œil d’un vert cristallin et finissaient leur chemin sous sa pommette dressée.
— Bonsoir, Conseiller Salo. J’ai entendu dire que vous souhaitiez me rencontrer.
Il entama un salut irrévérencieux au possible, ses yeux aux pupilles fendues se rivaient dans les miens. Je ne cherchais même pas à contenir le dédain qui se peignit sur mes traits.
— C’est une plaisanterie ?
Ma voix claqua à l’adresse de Lest dans un reproche aux lèvres pincées. A quoi croyait-elle jouer ? Mon stress s’était mu en agacement. Mon employée ne broncha pas plus qu’elle n’eut la courtoisie de me répondre.
— Notre amie commune ne brille pas par son sens de l’humour. En revanche, elle a un don pour créer les bonnes rencontres.
Sa voix doucereuse m’irrita un peu plus encore que le silence de la féline. Finn, chembaron et leader des slickjaws, avança d’un pas. Le besoin de reculer me vrilla le ventre, impérieux. Il était hors de question d’y céder. Je le fusillai du regard, et il se figea sur place. Bien. Cet homme ne devait m’approcher sous aucun prétexte, pas tant que je doutais encore qu’il s’agisse d’un guet-apens. J’avais toute confiance en Lest, mais seules les personnes en qui nous croyions avaient le privilège de nous trahir. Elle ne faisait pas exception – je n’étais pas assez naïf pour croire que cela n’arrivait qu’aux autres.
— Lest.
Elle tira négligemment sur son porte-cigarette et souffla une bouffée de fumée rose. Elle paressa devant elle, incapable de troubler l’intensité de son regard.
— Si je vous avais donné son identité, vous auriez refusé de le rencontrer, expliqua-t-elle.
— Ah oui ? rebondit Finn d’un ton amusé. Pourtant, il ne me semble pas que nous nous conn…
— Vous vous exprimerez lorsque vous y serez invité, l’interrompis-je sèchement.
Un sourire carnassier gagna son visage. Je frémis, sans rien en montrer. Il était hors de question que je devienne la proie de cette joute.
— Tout juste. Alors pourquoi as-tu cru bon de l’amener ? repris-je.
— Vous souhaitez la mort de Jinx, Conseiller Salo. Vous êtes un homme intelligent, vous savez fort bien qu’il ne s’agit pas là d’un travail à la portée du premier venu.
— Et qu’est-ce qui t’a fait penser qu’un rebut Zaunite serait le bon candidat pour ce labeur ?
Finn perdit son sourire. Sa capuche grise tomba dans son dos, entre les bretelles noires qui tenaient son pantalon ample. Sa coiffure était différente de celle dépeinte sur la rubrique nécrologie, quelques années auparavant. Ses cheveux tondus étaient fendus de quelques traits rasés à blanc, découvrant les rémanences de tatouages sur son crâne. Il n’avait plus une crête noire, mais une large bande de cheveux ramenés en un chignon négligé. Seuls les éclairs au fond de ses yeux restaient aussi saisissants que sur l’image que je m’étais faite de lui.
— Je suis un homme raisonnable, Conseiller Salo, mais vous seriez avisé de ne pas me manquer de respect. Je ne suis pas réputé pour ma complaisance face à l’impertinence.
— Vous vous pensez en capacité de m’intimider ? Comme c’est touchant, raillai-je avec toute la froideur dont j’étais capable. Je n’ai que faire de vos états d’âmes, alors épargnez-moi vos jérémiades.
L’instant d’après, la main de Finn tenait ma mâchoire. Il avait bondi à moi comme s’il disposait de la faculté de se téléporter. Sa poigne était ferme, ses doigts s’écrasaient dans mes joues. Un instant. Un seul instant, la peur se fraya une place sur mon visage. Je retrouvai avec la même célérité mon masque de froideur inébranlable. Mais mon passage dans la loge ne lui échappa pas.
— Pour tout vous dire, vous regarder me fend le cœur, Conseiller, s’amusa-t-il sans un sourire. Vous m’évoquez un crapaud.
— Je vous demande pardon ?
Ma main se serra autour de son poignet sans que mes yeux de jade ne quittent les siens. Évidemment, sa force excédait la mienne.
— Vous vous débattez pour prouver quel homme puissant vous êtes. Redoutable, dirais-je même. Mais, la vérité, c’est que vous vous contentez de gonfler le torse pour en donner l’illusion. Car vous êtes faible et pathétique, et même vous, vous le savez très bien. Ce doit être terrible, que de savoir qu’à la première morsure vous succomberez comme un batracien sans défense. Je ne vous envie pas.
Tout proche de mon visage, il fit claquer sa mâchoire d’une moquerie qui ne dissimulait pas sa menace. Mon estomac se retourna sur lui-même.
Ma vulnérabilité, il la tenait au creux de sa main. Là où il pouvait l’écraser quand il le souhaiterait.
Finn ne relâcha ma mâchoire que parce qu’il le décida. Il me plongeait dans une stupeur muette par ses mots criants de vérité. J’étais un crapaud.
— C’est cet homme que je vous ai amené car il est le mieux placé pour répondre à votre demande.
La voix de Lest me ramena brusquement à la réalité. Sa présence m’était sortie de la tête, trop préoccupé que j’étais à voir ma vie défiler devant mes yeux.
— Finn était à la tête des slickjaws, autrement dit la guilde des assassins de Zaun. Il excelle dans son travail, et partage votre souhait de voir la vie de Jinx toucher à sa fin.
— Au-delà de mes talents et de mes motivations, j’ai aussi un atout dans ma botte. Aux yeux de Zaun, je suis censé être mort il y a cinq ans. Ça fait de moi une personne qu’on n’attend pas au tournant.
Je reconsidérais la situation au regard de ces nouvelles informations. Alors comme ça, Zaun aussi pensait Finn décédé ? Si c’était vrai, l’avantage sur notre ennemie commune devenait considérable. Je fis mine de réfléchir, sachant pertinemment que j’étais au pied du mur. Il n’y avait aucune chance pour que je refuse cette collaboration et sorte de mon bureau en vie. On ne révélait pas à un potentiel ennemi le secret de sa survie sans s’assurer qu’il l’emporterait dans sa tombe, d’une manière ou d’une autre.
En bon batracien, je pris le parti de revendiquer notre collaboration comme mon choix. Je me redressai sur mon siège, les bras posés avec une nonchalance feinte sur les accoudoirs.
— Votre prix ? demandai-je.
— Voyons, je suis sûr que votre bouche délicate est capable de meilleure demande, s’amusa-t-il.
— Sans doute bien plus que la vôtre, il va sans dire, rétorquai-je en désignant sa prothèse.
La lueur de défi qui brilla au fond de ses yeux n’était rien de moins que celle d’un chat découvrant une souris si vivace qu’elle promettait d’incarner la meilleure des distractions.
— Je suppose que vous ne collaborerez pas avec moi gracieusement. Alors dîtes-moi ce que vous attendez en échange, je vous prie.
Son sourire s’élargit. D’un pouce, il caressa ma lèvre. Je ne lui fis pas le plaisir d’essayer vainement de le chasser.
— Oh… que c’est touchant. Je ne pensais pas à vous apprendre la politesse, pour dire vrai, bien que l’idée soit séduisante. Je pensais à bien d’autres usages qui pourraient se réserver à votre « bouche délicate ».
Son doigt força le passage entre mes lèvres. Il écrasa ma langue avec une fascination obscène. Je lui décochai un regard courroucé. Ma main se ferma cette fois-ci avec force sur son poignet, bien décidée à lui faire mal à défaut d’être capable de l’éloigner. Son pouffement eut quelque chose d’attendri, et je crus que rien n’aurait pu davantage me contrarier. Finn étouffa cette présomption dans l’œuf en fermant sa main sur ma cuisse. I
l osait. Il osait toucher mon handicap.
Je fulminais, gonflé comme un crapaud. Mes dents se fermèrent d’un coup sur son pouce. Il n’eut pas grimacé davantage face à une piqûre de moustique. C’était là l’apanage des hommes rompus à la douleur.
— Laissez-moi reformuler. Qu’êtes-vous prêt à céder pour assouvir votre vengeance ?
Quel chemin étais-je disposé à emprunter si sa destination était la mort de la pourriture zaunite qui avait ruiné ma vie ? La réponse était très simple.
N’importe lequel.
Je relâchais la pression de mes dents sur le pouce de Finn, sans jamais baisser les yeux. J’abandonnais son poignet. J’abdiquais face à ses promesses. Un goût métallique perla sur mes papilles.
Il se contenta de sourire.
— Il semblerait que nous ayons trouvé un terrain d’entente.
Chapter Text
Le brouillard avait pris possession de mon esprit. Il était une tempête de neige balayant mes pensées pour ne laisser que le vide d’un bruit blanc derrière lui.
D’un calme sans accroc aux tremblements contenus, je déposai les feuilles de papier blanc sur le bureau. Je pris un instant avant de braquer un regard sévère sur le visage amusé de Finn Slickjaw. Il était confortablement adossé sur sa chaise en bois, en équilibre sur ses deux pattes arrière, les jambes croisées avec négligence. Il avait tout de l’adolescent irrévérencieux qui venait se vanter du palmarès de ses méfaits devant le directeur de l’école. Je n’étais pas assez stupide pour lui donner la satisfaction de révéler mon choc. Et, aux dernières nouvelles, ce rebut ne pouvait percevoir les sueurs froides qui couraient le long de mon échine. Le masque que je portais serait sa réponse, et il devrait se contenter d’un dédain désintéressé.
— N’avez-vous rien de plus sérieux à me présenter ? Je croyais que vous souhaitiez faire affaire, Finn.
Son sourire redoubla derrière sa mâchoire dorée.
— Oh, croyez-moi, Conseiller Salo, j’ai très envie de faire affaire avec vous. Je crois que ce document le stipule assez bien.
— Épargnez-vous le ridicule et faîtes preuve d’un semblant de réalisme. Vous devez bien vous douter que je ne signerais jamais ce torchon.
— Je suis venu avec une base sur laquelle je suis disposé à négocier. N’aviez-vous pas admis le prix que vous coûterait mon aide pour tuer Jinx ?
— Je crois que nous nous sommes mal compris. Vous avez évoqué l’idée que j’utilise, je cite, « ma bouche délicate » pour obtenir vos faveurs. Ce que requiert ce contrat est autrement plus engageant qu’avoir le déplaisir de vous donner une fellation.
A mes mots, Finn se lécha les lèvres avec une obscénité redoutable. Mon regard fut automatiquement attiré par ce que je venais de voir : sa langue était scindée en deux sur le bout. Mon intérêt eut effet de le ragaillardir, à mon grand dam.
— Vous êtes touchant, Conseiller. Je ne nierais pas que je vous trouve à mon goût, néanmoins une simple pipe de votre part ne suffirait pas à obtenir mes services. Il va falloir donner un peu plus de votre personne.
Je ne pouvais nier m’y être attendu, bien que j’espérasse me fourvoyer. Je reculai dans mon fauteuil, les bras croisés sur le torse.
— Il semblerait qu’un détail vous échappe, Finn. Je suis le patron de l’Aventurine, cela ne fait pas de moi un homme de petite mœurs. Si vous souhaitez un passe-droit pour mon établissement, nous pouvons en déterminer les termes. Mais ce genre de… « contrat » ne me concerne pas.
— C’est vous que je veux.
La détermination dans sa voix me troubla – plus que je ne voulais l’admettre. Pourquoi cet homme nourrissait-il une telle obsession à mon égard ? La question me brûlait les lèvres. Mon instinct me dictait de ne surtout pas la poser, pas à un homme aussi vil qu’un serpent. La distance serait ma meilleure défense, j’en étais persuadé.
Alors que je cherchais la manière la plus appropriée de rebondir, l’ancien chembaron me prit de court. La chaise retomba sur ses quatre pieds. Les paumes appuyées sur le bureau, il commença à se lever.
— Mais si ces termes sont trop demandés pour vous, Conseiller Salo, alors vous accomplirez vos desseins sans mon aide. Je ne doute pas que vos contacts comptent d’excellents tueurs à gage.
— Attendez.
Je pinçai les lèvres, à deux doigts de me maudire à haute voix. Par la simple maladresse d’une réponse trop rapide, Finn venait de remporter la première manche de notre négociation. Il se rassit, un sourire victorieux aux lèvres. Ma plus grande erreur ne fut pas d’avoir cédé à la pression qu’il avait imposée. Ce fut de l’avoir sous-estimé. Finn Slickjaw était beaucoup plus malin que je ne l’avais cru, et j’avais négligé ce point dans la façon d’appréhender notre échange. J’avais besoin de lui, et il le savait. Avant même de remporter cette première victoire, il dominait notre joute.
— Je ne suis pas stupide au point de ne pas vous engager. Toutefois, nous allons avoir de nombreuses modifications à apporter à ce contrat.
Il se laissa retomber sur la chaise, un large sourire flanqué sur le visage.
— Je suis tout ouï.
Je poussai un soupir irrité. La sexualité était devenue compliquée. Depuis l’attentat qui m’avait coûté ma mobilité, ma vie avait changé de fond en comble. J’étais devenu impotent. Incapable de bouger les jambes, de bouger les hanches. Le sexe avait cela de merveilleux qu’il ne connaissait de limite que celles de l’imagination, néanmoins il supposait aussi un certain lâcher prise. Au-delà du reste, c’était bien cet abandon de soi que je n’étais plus en mesure d’atteindre. Je me sentais vulnérable, en danger dès que j’étais dans ce rapport trop intime avec quelqu’un. De fait, j’évitais comme la peste la proximité physique, préférant me satisfaire seul, là où j’étais en sécurité.
Alors le contrat de Dominant / Soumis que me proposait Finn creusait à grand coups de pelle les failles qui étaient les miennes.
Je repris les documents, parcourant les différentes feuilles qu’il avait apportées. Je fus agréablement surpris qu’il ait réalisé l’analyse sanguine que j’avais exigée. Je lui tendis la mienne avec toute la distance dont j’étais capable.
— Je vois que vous avez accepté de faire cette prise de sang. Je ne vous aurais pas cru en bonne santé.
— Je ne suis pas un dépravé inconscient, vous savez. Je tiens à rester de bonne constitution. Et je vois que vous êtes aussi sage que vous en avez l’air.
Je soufflai du nez, méprisant.
— Commençons par la section 3.a., voulez-vous ? Dans les responsabilités qui m’incomberaient, vous souhaitez pouvoir profiter de moi en tout temps et tout lieu. Je souhaite durcir le cadre de votre demande. Je ne peux être à votre disposition en tout temps, vous conviendrez que ma place au sein du Conseil de Piltover ne me permet pas de répondre à vos envies de batifolages « quand bon vous semble ». Vous devrez vous adapter à cette contrainte.
Il prit un instant de réflexion avant de hocher la tête.
— Je l’entends. Toutefois, je ne souhaite pas que cela vous donne une parfaite excuse pour vous défiler sans arrêt. Convenons d’une fréquence minimale. Que proposez-vous ?
Je le jaugeai du regard, en silence. Mon intuition me disait de ne pas trop jouer avec sa bonne volonté. J’avais d’autres points de ce contrat à négocier, mieux valait le garder dans des dispositions favorables. J’optai donc pour la vérité.
— Je pense pouvoir vous dédier jusqu’à deux soirées par semaine.
Il s’était attendu à une autre réponse. L’agréable surprise lui faisait perdre sa méfiance. Je prenais l’avantage.
— Alors convenons qu’il s’agit là du minimum que vous devez être en mesure d’accorder à mon paiement.
— Et s’il arrive que je ne sois pas en mesure de le faire ?
— Alors vous serez sanctionné.
Je déglutis péniblement sous les yeux affamés de l’assassin. J’aurais tout intérêt à faire en sorte de répondre à cette obligation.
— Soit, confirmai-je avec une nonchalance feinte. De plus, je constate que vous avez un penchant pour l’exhibitionnisme puisque vous demandez que : « Le Soumis soit responsable du plaisir et de la satisfaction de son Dominant en tout lieu ». Vous imaginez bien que vos fantasmes ne doivent en aucun cas entacher ma réputation. J’espère que vous n’escomptez pas mener vos petits jeux devant des spectateurs.
— J’aurais eu grand plaisir à le faire, avoua-t-il avec un regret parfaitement déplacé. Cela dit, je conçois qu’il vous soit difficile d’accepter de vous faire sauter devant les personnes que vous êtes supposé gouverner.
Il cherchait à me déstabiliser, et il y parvenait. Mais il n’en sut rien derrière le masque glacial que je lui servais sans faillir.
— Que proposez-vous pour respecter cette injonction ? le relançai-je.
— S’assurer de l’absence de spectateur quand je vous baiserais loin du confort de votre lit douillet ?
— Bien. Profitons-en pour déterminer le mot de sécurité, il me sera utile pour vous rappeler à l’ordre si vous veniez à oublier votre engagement. Est-ce que le mot « vanille » vous convient ?
— Absolument. Pourquoi ce mot ? s’intéressa-t-il en s’avançant sur la table.
Je le fusillai du regard, intransigeant.
— J’accepte d’avoir des rapports sexuels avec vous, pas d’apprendre à nous connaître.
— Je sens que vous allez être un partenaire inoubliable, Salo.
La façon dont il me dévorait du regard me perturba plus que de raison. Je pouvais presque deviner ce qu’il était en train d’imaginer. Une partie de moi inavouable appréciait son attention.
— Nous devons aussi déterminer des signaux non-verbaux de sécurité.
— Pourquoi donc ? demandai-je les sourcils froncés. Le mot de sécurité n’est-il pas suffisant ?
— Oh… Mais comment comptez-vous me dire ce mot si vous portez un bâillon, Conseiller ? De même, je doute de vos capacités à articuler quand mon sexe sera enfoncé dans votre bouche.
Cette fois-ci, il parvint à me faire détourner le regard d’embarras. Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus eu de rapports avec quelqu’un, et sa façon crue de les évoquer n’arrangeait rien à ma gêne. Je reportais mon attention sur la lecture du document, cherchant les autres points qui devraient être négociés et évitant son regard du même temps.
L’ensemble du contrat n’avait en soi rien d’exceptionnel dans le cadre d’une relation dominant et soumis. Bien qu’il me démangeât de fourrer ces feuilles de force dans la mâchoire métallique de cette ordure, il fallait lui reconnaître une certaine prévenance. S’il se permettait des directives qui me hérissaient le poil – par exemple le fait de « m’éduquer » dans les règles de bonne conduite -, il avait aussi le mérite de détailler ses obligations face à moi. Tout en s’attribuant un plein ascendant sur moi, il me laissait des portes de sortie inaliénables. L’usage du mot de sécurité pouvait mettre fin au rapport sans que j’aie à en justifier l’usage. Il précisait aussi que ma sécurité faisait partie de ses responsabilités. Si Finn n’avait pas une façon si déplacée de me détailler, je l’aurais presque trouvé correct. Il allait sans dire que j’emporterais ce secret dans ma tombe.
— Section 5, vous avez fixé ma limite de douleur à 8/10. Je ne suis pas d’accord. Je n’ai jamais eu le déplaisir d’avoir un partenaire sadique, précisai-je avec toute la froideur dont j’étais capable. Cette limite sera fixée à 6/10 au maximum.
— C’est noté, j’ajusterai les fessées à vos désirs.
J’arquai un sourcil suspicieux à son égard.
— Vous ne bronchez pas à ma demande ?
— Vous faire mal n’est pas ce qui m’intéresse le plus. La section 6.b. me tient nettement plus à cœur, sourit-il.
« Punitions psychologiques ». Mon cœur manqua un battement à la relecture de ces mots. Cette section me donnait des sentiments très contradictoires. Elle était peu détaillée pour laisser tout l’espace à l’imagination de Finn de se développer. Il était simplement précisé que les signaux de sécurité pouvaient être utilisés pour déterminer mes limites, tout en gardant à l’esprit que mon inconfort serait le but recherché.
— J’ai une limite supplémentaire à fixer. Je refuse que vous m’embrassiez.
Ce fut au tout de mon interlocuteur d’être déstabilisé. Il pencha la tête sur le côté, surpris.
— Vraiment ? Je vous pensais plutôt fleur bleue.
— Tout dépend de mon partenaire. S’agissant de vous, je ne fais rien de plus que souligner l’évidence même, rétorquai-je.
— Est-ce que cette directive vaut pour l’ensemble de votre corps, ou parlons-nous uniquement de vous embrasser sur les lèvres ?
— Si vous tenez absolument à pouvoir le faire sur mon corps, je peux bien vous accorder ce souhait. Mais ne vous avisez pas d’approcher vos lèvres des miennes.
— Intéressant. Alors ajoutons-le aux limites à ne pas franchir. Souhaitez-vous le mettre avant ou après le double fist ?
— Je n’ai cure de vos opinions sur ma demande, répondis-je d’un haussement d’épaules désintéressé. Quand vous aurez fini de vous esclaffer, pourrons-nous poursuivre ? J’ai à dire sur la section dédiée au punitions physiques.
D’une main tendue, il m’invita à poursuivre. L’intensité ne quittait pas son regard. Il parvenait à me troubler.
— Au-delà de la question de la douleur, j’ai une exigence supplémentaire à ce propos.
J’avalai ma salive avec difficulté. Cette demande était importante. C’était même celle qui comptait le plus. Percevait-il le tremblement de mes lèvres ?
— Je refuse que vous me fassiez mal aux jambes.
J’aurais voulu préciser, couvrir cette exigence d’une étoffe de mépris. Mais elle resta coincée dans ma gorge nouée. Mon regard restait fixé sur les documents, incapable d’affronter celui qui était en mesure de refuser ma demande.
— C’est noté.
Je redressai le menton vers lui, surpris. Il n’épiloguait pas, et en cela, il s’accordait presque ma gratitude. Il devint crucial de changer de sujet avant de m’attendrir pour cette ordure.
— J’en arrive à mon dernier point qui n’est pas des moindres. Section 10 : « autres détails ». Vous spécifiez ici certains de vos… goûts, qui seraient susceptibles de me poser problème. Passons sur votre étrange fantasme de somnophilie, qui n’est étonnamment pas le pire, ironisai-je. Vous pensiez vraiment que je serais partant pour vos désirs d’urophilie ? Je relève votre sens de l’humour, mais il va de soi qu’il s’agit de limites qui ne seront pas franchies.
Finn réduisit la distance entre nous, les coudes posés sur le bureau. Son menton reposait désormais sur le dos de ses mains jointes. Il était ravi que je soulève ce point.
— Je ne suis pas favorable à retirer cette partie. Elle me tient à cœur, et je suis certain que vous y prendrez très vite goût. De vous émane l’aura d’un Soumis hors du commun.
— Vous m’en voyez ravi, crachai-je avec dédain. Mais Jinx sera morte bien avant que j’aie le désir de tester ces pratiques avec vous, dut-elle succomber des affres de la vieillesse.
— Oh, Conseiller Salo, ronronna-t-il, vous finirez par me supplier de m’adonner à ces pratiques avec vous. Épargnons-nous l’établissement d’un avenant au contrat, voulez-vous ?
Je m’esclaffai d’un rire méprisant. Je dégainai mon stylo plume et ajoutai une nouvelle clause au contrat.
— Vous ne manquez pas d’aplomb, je vous reconnais au moins cela. Très bien. Alors reformulons le contrat en ces termes : vous pourrez vous adonner à l’urophilie avec moi lorsque je prendrais l’initiative de vous supplier de le faire. Voyons si vos rêves deviennent réalité.
— Ne perdez jamais votre dédain. Il vous rend incroyablement séduisant. Vous n’imaginez pas comme je me languis du jour où vous regretterez ces paroles.
En posant le point final du paragraphe, je frémis sous l’intensité de son regard. Il était si sûr de lui qu’il faillit me faire douter de moi.
— Bien. Il me semble que nous sommes tombés d’accord sur les termes du contrat, éludai-je. Ne manquent plus que nos signatures respectives.
— A vous l’honneur.
Le cœur au bord des lèvres, j’apposai ma signature au bas de la dernière page. Elle était tracée avec toute l’assurance que je ne possédais pas. Pour la mort de Jinx, ce n’était pas cher payé. Je poussai le document vers Finn sans broncher. Mon angoisse ne transparaissait pas dans mon attitude. Seuls les battements silencieux de mon cœur témoignaient de la frénésie chaotique qui me menaçait d’une attaque de panique. Heureusement, les anxiolytiques prévenaient ce désagrément.
Il signa. Et l’homme en face de moi devint alors mon dominant pour les trois prochains mois.
Une bouffée d’angoisse grimpa dans mon torse, agrippée dans mes poumons comprimés.
Elle s’accompagnait d’un autre sentiment. Une chaleur dans mon bas-ventre que je préférais ignorer.
Notes:
Ravie de la façon dont s'organisent les dialogues entre Finn et Salo.
Ca donne un Finn plus mature que dans la série, mais je considère qu'il est devenu plus malin parce qu'il est passé pas loin du trépas. Et il faut bien qu'il soit à niveau de Salo...
Chapter Text
Contrat de travail et relationnel à durée déterminée
Le présent contrat établit les règles de fonctionnement entre Finn Slickjaw et Allira Salo, à toute fin utile. Il vise à asseoir le respect entre les deux partis signataires.
1. Consentement éclairé
Le présent document sera considéré comme valide pour une durée déterminée de 3 mois à compter de sa date de signature. A l’issue de sa durée de validité, il devra être reconduit à l’aide du document en annexe 1, sans quoi il sera considéré caduc.
Sa durée de validité est irréductible. La résolution de la mission pourvue à Finn Slickjaw ne mettra pas un terme prématurément à la collaboration avant la fin de la durée du contrat.
Les deux partis désignés, Finn Slickjaw et Allira Salo, affirment consentir pleinement aux termes explicités par le contrat et certifient ne pas agir sous la contrainte ou la menace.
Le contrat peut être amené à évoluer et à s’ajuster selon l’évolution de la collaboration, si les deux partis y consentent (avenant annexe 2).
2. Objectifs
Allira Salo requiert les services de Finn Slickjaw dans le but de mettre un terme à la vie de Jinx dans les plus brefs délais. Le missionné s’engage à tout mettre en œuvre pour accomplir sa mission le plus rapidement et efficacement possible. De plus, il s’engage à fournir une preuve de l’accomplissement de la mission lorsque celle-ci sera effectuée.
Exemple : exécuter la victime devant Allira Salo, lui ramener sa tête ou tout autre organe vital, etc.
En échange, Finn Slickjaw renonce à toute rémunération pécuniaire. Le paiement de ce travail se fera en nature, au travers de services essentiellement sexuels dans le cadre d’une relation Dominant / Soumis. Le présent contrat vise à établir les règles dans lesquelles ces services se concrétiseront, en toute connaissance de cause pour les deux partis et avec leur accord exprès.
3. Le Soumis
Le soumis désigne la personne de Allira Salo.
3.a. Responsabilités du Soumis
Allira Salo s’engage à fournir toute contribution financière et relative à l’armement selon les demandes de Finn Slickjaw, s’il en a la possibilité. Les demandes impliquant des services humains seront discutées au cas par cas.
Le Soumis est responsable du plaisir et de la satisfaction de son Dominant en tout lieu et tout temps. Il accepte inconditionnellement la façon dont le Dominant souhaite entretenir un rapport sexuel, pourvu que celui-ci se situe dans le cadre prévu par le présent contrat.
Dans ce but, le Soumis laisse le Dominant disposer de l’entièreté de son corps, et en particulier de ses orifices, comme il l’entend, dans les limites établies par les règles de leur relation.
La relation impliquant une forme de domination, le Soumis gardera à l’esprit que son inconfort et sa souffrance servent le but de plaisir du Dominant. En ce sens, il devra faire preuve de bon sens pour ne pas abuser du mot de sécurité pour ces motifs (voir section 5).
Pour la durée du contrat, la sexualité du Soumis appartient au Dominant. Ainsi, il est dans l’interdiction d’entretenir une activité sexuelle n’ayant pas été validée par le Dominant. Ces règles impliquent la pratique de la masturbation. A noter que le Soumis a la possibilité de demander au Dominant l’autorisation de se masturber. Il devra alors respecter la décision du Dominant.
3.b. Devoirs du Soumis
Le Soumis doit servitude, obéissance et respect au Dominant, en toutes circonstances. Il obéira de lui-même aux demandes du Dominant ou sera amené à y obéir. Il s’exprimera avec le respect dû à l’asymétrie de la relation.
Pour s’adresser au Dominant, le Soumis est autorisé à l’appeler de trois manières :
- Finn,
- Maître,
- Monsieur.
Le Dominant se réserve le droit de faire varier ce droit en fonction de ses envies.
Le Soumis s’engage à accepter les punitions déterminées par le Dominant. Il reconnaît que le Dominant est le plus à même de juger si une punition doit être délivrée ou non.
En cas de manquement à ses obligations, le Soumis s’engage à en faire part dans les plus brefs délais au Dominant et à solliciter une punition appropriée.
Enfin le Soumis se doit d’accepter toutes les entrevues demandées par le Dominant. En cas de refus d’une entrevue, celui-ci devra être pleinement justifié et donnera lieu à une sanction ultérieure. Au regard des obligations liées à sa profession, le Soumis se doit d’accorder a minima deux entrevues hebdomadaires au Dominant, sans quoi il sera sanctionné.
4. Le Dominant
Le dominant désigne la personne de Finn Slickjaw.
4.a. Responsabilités du Dominant
Le Dominant sait qu’il bénéficie de la servitude du Soumis dans le cadre d’une mission particulière, pour laquelle il s’impliquera pleinement.
Le Dominant se porte garant de la sécurité du Soumis. En ce sens, une attention particulière sera portée à l’habituation progressive des traitements qu’il lui réserva (échelonnement de la douleur, progressivité dans l’humiliation). Il veillera également à prendre soin du corps du Soumis après des punitions physiques.
Il respecte les limites et le cadre fixés par le contrat en toutes circonstances et sans exception aucune.
Le Dominant est responsable de l’éducation du Soumis et s’appliquera à inculquer une bonne conduite à celui-ci sur la durée du contrat. Dans ce but, les motifs sous-jacents aux punitions seront expliqués au Soumis afin de lui permettre d’apprendre de ses fautes.
Le Dominant s’engage à tenir compte de l’emploi du temps du Soumis et des responsabilités inhérentes à sa fonction de Conseiller, notamment dans les demandes d’entrevue.
4.b. Devoirs du Dominant
Le Dominant respecte scrupuleusement les règles déterminées par le contrat afin de garantir la sécurité du Soumis. Par conséquent, il s’assure qu’en toutes circonstances, le Soumis est en mesure d’utiliser le mot de sécurité ou tout autre signalement alternatif équivalent dans le cas où il ne serait pas en mesure de s’exprimer verbalement (bâillon, mords, etc.). En cas d’usage d’un signalement de sécurité, le Soumis aura la possibilité de choisir entre :
- La proposition d’une autre activité sexuelle déterminée par le Soumis,
- L’arrêt immédiat de l’activité sexuelle.
Le Dominant veille à l’image publique du Soumis, en particulier concernant les rapports dans des lieux publics.
5. Les limites à ne pas franchir
La limite de douleur admise par le Soumis est fixée à 6/10.
Les pratiques suivantes sont refusées sans concession : double fisting, rapport avec une tierce personne non validée par le Soumis, blessures à sang, blessures induisant des marques définitives, les baisers lèvres sur lèvres.
Cas particulier du piss play : la relation ne comportera pas cette pratique, hormis si le Soumis supplie de son plein gré le Dominant d’y procéder.
Afin de s’assurer du consentement du Soumis en toutes circonstances, il dispose de signalements de sécurités dont il pourra user pour stopper le rapport sexuel. Les deux partis se sont mis d’accord sur trois types de signalements :
- Un mot de sécurité : « vanille ». Lorsque cela est possible, ce signalement sera préféré.
- Un signal paraverbal : trois gémissements puissants à raison d’un par seconde.
- Un signal non verbal : trois pressions exercées sur le Dominant à raison d’une par seconde (main serrée, appui du pied, etc.).
6. Règles de punition
6.a. Punitions physiques
Les punitions physiques respecteront le niveau maximal de douleur établi par le Soumis.
Elles peuvent impliquer : gifles, fessées, coups de cravache / martinet, pénétration douloureuse (bouche et anus), pincement des tétons.
Le Dominant est en droit de les pratiquer sur l’ensemble du corps du Soumis, en dehors de ses jambes.
Le Dominant se réserve le droit de pratiquer le bondage dans le cadre de la punition à l’aide de divers accessoires : menottes, chaînes, cordes, suspension, bâillon, mords, bandeau, laisse, barre d’écartement, etc.
6.b. Punitions psychologiques
Les punitions psychologiques seront caractérisées par l’inconfort et l’humiliation qu’elles supposent pour le Soumis.
Elles peuvent consister en une variété de pratiques. De façon non exhaustives, elles impliquent : manipulation de l’orgasme (edging et overstimulation), étranglement, dégradations (crachats, dénominations humiliantes), etc.
Au regard de la non-exhaustivité des pratiques concernées, le Soumis est en droit d’user d’un signal de sécurité s’il était particulièrement mal à l’aise avec une pratique. Toutefois, il convient de rappeler que le malaise du Soumis fait partie de l’objectif recherché dans les punitions psychologiques. Le Soumis s’assure de garder à l’esprit cette finalité afin de ne pas abuser des signalements de sécurité.
7. Discrétion
Les deux partis s’engagent à ne pas divulguer l’existence du présent contrat à de tierces personnes. Ils peuvent déroger à cette règle uniquement d’un commun accord.
8. Exclusivité
Pour des raisons de sécurité et d’hygiène médicale, les deux partis s’engagent à ne pas entretenir de relations sexuelles avec d’autres individus pour toute la durée du présent contrat. La seule dérogation à cette règle consiste en l’inclusion d’une tierce personne choisie par le Dominant et validée par le Soumis.
Les deux partis sont en droit de maintenir ou débuter une relation romantique concomitante au présent contrat, mais celle-ci ne pourra pas revêtir de caractère sexuel (pénétratif, oral ou de toute autre nature).
9. Litige et cession du contrat
La rupture du présent contrat peut se faire selon deux cas de figure :
- Sur décision commune des deux partis.
- Sur non-respect des termes du contrat de la part d’un des deux partis, qu’il s’agisse du Soumis ou du Dominant. La rupture du contrat n’est alors pas automatique mais devra être demandée par l’un des partis et ne pourra être refusée par l’autre.
10. Autres détails
Le Soumis est autorisé à s’habiller comme il l’entend, qu’il s’agisse de ses vêtements ou sous-vêtements.
Il est également autorisé à solliciter des entrevues supplémentaires. Toutefois, le Dominant est libre de les accepter ou non, sans avoir besoin de justifier son refus.
Le Soumis est en droit de contester les demandes du Dominant. A noter que les protestations donneront alors lieu à une punition jugée appropriée par le Dominant. Le Dominant n’est en aucun cas dans l’obligation de tenir compte des protestations du Soumis (hormis en cas d’usage d’un signalement de sécurité).
Le présent contrat prévoit que le Dominant puisse pratiquer la somnophilie avec le Soumis. Cette clause peut être amenée à évolution en cas de changement d’avis du Soumis, sans besoin de l’accord du Dominant.
11. Signatures
Le Soumis en la personne de Allira Salo, le [date]
Le Dominant en la personne de Finn Slickjaw, le [date]
Pour faire valoir ce que de droit.
Notes:
Parce que cette histoire n'a aucun sens anyway, let's go
Chapter Text
« Ce soir, votre chambre. Vous pouvez vous habiller comme vous le souhaitez.
J’aime le whisky.
F. »
— Conseiller Salo, auriez-vous l’obligeance de prendre part au vote ?
La voix agacée de Shoola me ramena à la dure réalité. Tous les regards étaient braqués sur moi. Certains Conseillers levaient la main, d’autres gardaient les bras fermement croisés sur leur torse.
Ma gorge était sèche. Avais-je déjà été à ce point dans mes pensées à une réunion du Conseil ? Jamais, il allait sans dire. J’écoutais à peine mes confrères et consœurs s’exprimer sur l’avenir de Piltover, et pourtant le sujet ne pouvait que m’intéresser. Comme bien souvent, nous réfléchissions à la meilleure manière de mettre la main sur Jinx, car sa mort représentait la clé de notre salut. La victoire indubitable de Piltover sur Zaun se tenait au même endroit que le dernier souffle de ce déchet. Mais elle était introuvable depuis cinq ans. Depuis l’attentat de sa main à la manicure incertaine qui avait coûté la vie à pas moins de la moitié du Conseil.
La lettre de Finn Slickjaw me perturbait plus que je ne l’aurais pensé. Je savais très bien que le jour de notre première entrevue approchait inexorablement. Après avoir convenu de deux soirées par semaine, le calcul était simple : j’avais dans le meilleur des cas cinq jours de répit. Il m’en avait donné quatre, ce qui constituait déjà un geste honorable. J’avais signé ce contrat, et s’y soustraire ne faisait pas partie de ses options.
La réalité me rattrapait, et elle me faisait frissonner de terreur. A partir de ce soir, notre accord passerait de la théorie à la pratique.
Dehors, la nuit bordait déjà la ville endormie.
— Pourriez-vous répéter la question, je vous prie ?
— Ne pensez-vous pas que cette réunion dure depuis assez longtemps pour ne pas avoir besoin de la rallonger inutilement ? soupira Caitlyn Kirramman.
— Conseillère Kirramman, un peu d’indulgence, demanda Mel Medarda. Nous sommes tous très fatigués, et vos incessantes demandes d’intervention des pacifieurs sur la ville basse nous donnent une surcharge de travail considérable.
— Je persiste à dire que je ne suis pas favorable à une nouvelle descente, déplora le Conseiller Talis. La violence n’est pas une solution pour rétablir la paix.
J’exécrai la présence de ce parvenu dans les rangs du Conseil. Jayce Talis était un fils de forgeron. Il n’avait pour lui que l’éloquence et la beauté. Il séduisait les foules par des discours habiles et un sourire impeccable, mais il ne connaissait rien aux subtilités de la navigation en politique. Cet homme n’avait obtenu cette place qu’en occupant le lit de l’influente Mel Medarda. Il n’était pas légitime pour relancer un débat stérile comme il s’appliquait à le faire une fois encore.
— Je suis favorable à l’intervention des pacifieurs. Il faut retrouver Jinx à tout prix. D’ailleurs, il serait bien plus simple de donner carte blanche à la Conseillère Kirramman, à mon humble avis, ajoutai-je.
— Conseiller Salo, vous semblez omettre que nous ne sommes pas unanimes sur la politique à adopter face à Zaun, reprit Medarda, un fond de colère dans la voix.
— Et c’est bien pourquoi nous aurons toujours ces discussions, recadra Shoola. Le Conseil a tranché pour cette fois. Je vous propose de mettre fin à cette réunion.
— Toujours pour la violence, maugréa Talis dans sa barbe.
Mon cœur tressauta dans les bras familiers de l’angoisse. Cette réunion m’avait peut-être épuisé, mais elle avait eu le mérite de retarder l’échéance. Avec un peu de chance, Finn s’était impatienté et avait déjà quitté ma chambre. Bien que j’appréhendasse qu’il me fasse payer cette entrevue ratée, le fait de différer notre rencontre demeurait un soulagement.
Je saluai mes pairs et quittai la salle du Conseil en roulant paisiblement dans les couloirs vides de la tour. Si j’étais prêt à sacrifier beaucoup pour la mort de Jinx, une partie de moi refusait purement et simplement le contrat auquel je m’étais enchaîné. Je n’aspirais qu’à un rêve : retrouver la quiétude de ma chambre, et surtout la solitude qui allait de pair. Rentrer dans mes appartements, ôter mes vêtements de Conseiller et me prélasser dans le confort d’un lit aux draps propres, sans omettre le verre de vin qui me guiderait vers les bras de Morphée. L’idée de trouver le rebut zaunite devant ma porte ne me ravissait guère. J’osais espérer que, s’il avait eu l’indélicatesse d’attendre, il s’était dissimulé à la vue des autres. Après tout, notre contrat prévoyait qu’il ne puisse en aucun cas ternir mon image publique.
Deux étages plus bas, une vague de soulagement apaisa mes maux. La moiteur quittait les paumes de mes mains, et je pus manipuler les roues de mon fauteuil avec une aisance renouvelée. Finn Slickjaw avait dû s’impatienter, puisqu’il n’y avait aucun signe de vie au-devant de ma porte. Je le paierai plus tard, mais la nuit s’annonçait aussi tranquille que j’en avais besoin.
Ce fut méconnaître la détermination de l’ancien leader de la guilde des assassins. Lorsque la porte s’ouvrit, je ne pus que sentir l’odeur pesante du shimmer dans l’air. Sur le divan, se dessinait le dos d’un homme au bras tendu, tatoué d’un serpent entortillé dans les sillons de ses muscles. J’avais tourné la clé. Et je n’avais aucune idée de la façon dont il avait fait effraction chez moi.
Armé d’un calme factice, je fermai la porte en m’interrogeant sur la pertinence de fermer à clé. Préférais-je m’enfermer à double tour avec un homme au potentiel de dangerosité élevé, ou m’assurer de ne pas être découvert avec lui ?
Le cliquetis du mécanisme rejetait une question à la réponse évidente. L’angoisse des doutes qui se bousculaient dans ma tête devrait aussi rester dehors. Pour le moment. Finn n’avait pas besoin de multiplier les armes dont il disposait contre moi.
— Je ne devrais pas être surpris que vous ne connaissiez rien aux bonnes manières, le saluai-je.
— Bonjour, Conseiller Salo. Une remarque plutôt osée pour quelqu’un d’aussi en retard à notre rendez-vous. Je me suis permis de vous attendre confortablement, j’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénient.
A ce qu’il ait fait irruption chez moi ? Je n’étais pas assez stupide pour répondre à sa provocation.
Je déposai ma veste sur le porte-manteau descendu à hauteur de fauteuil. Ce que je m’apprêtais à faire n’était pas digne du prestige de ce vêtement. J’empoignai mes roues et avançai dans le salon.
— En l’absence d’horaire, vous conviendrez qu’il est audacieux de me considérer « en retard ».
— Vous n’imaginez pas comme il me tarde de vous faire perdre ce petit air suffisant, sourit-il.
Finn se délectait de la situation, il sautait à pieds joints dans nos joutes verbales. Je ne l’admettrais sous aucun prétexte, mais ce plaisir était partagé. Nos échanges étaient une danse complexe où le moindre faux pas risquait de précipiter notre chute et de propulser notre partenaire vers la victoire. Or, nous étions tous les deux très mauvais joueurs. Il était un défi stimulant qui me sortait de l’ennui d’une vie lasse.
Arrivé devant le buffet, je sortis deux verres d’excellente facture : un pour le vin, un pour le whisky. La robe bordeaux de ma boisson fétiche s’arrêta moins haute que j’en avais pris l’habitude dans la solitude de mes soirées, juste à la limite des bonnes manières. Je versai la boisson ambrée dans le verre épais, et apportai sa boisson à mon employé. Je portai la boisson à mes lèvres dans une gorgée trop raisonnable pour réussir à me détendre.
— Bien que votre aplomb soit séduisant, vous frisez dangereusement avec le ridicule. Mon « petit air suffisant » survivra à toutes vos lubies, soyez-en assuré.
Il but une gorgée de whisky sans offrir la moindre grimace. Ses pupilles fendues me fixaient avec une telle fascination que je craignis un instant d’y plonger à tout jamais.
— Il me tarde de mettre à l’épreuve vos certitudes, Conseiller Salo.
Son regard ne quitta mon visage irrité que pour détailler mon corps. Le malaise s’installa.
— C’est la tenue que vous avez choisie pour notre soirée ? s’amusa-t-il. Un choix classique mais efficace, j’aime me rappeler que je vais sauter un Conseiller de Piltover.
— Vous m’en direz tant, me désintéressai-je d’une gorgée de vin un peu trop longue pour être crédible. Je sors de réunion, et je n’ai aucune intention d’adopter des vêtements spécifiques pour nourrir vos fantasmes.
— Oh, mais vous y viendrez, Salo.
La certitude dans sa voix m’arracha un frisson. L’ivresse se traînait, elle ne montait pas aussi vite que le stress. Je posai mon verre sur la table, sans quitter mon fauteuil. En l’absence de Finn, j’aurais rejoint mon divan avec le plus grand plaisir. Mais je n’envisageais pas de faire un transfert devant lui. Je ne pouvais admettre l’idée de lui montrer la moindre de mes faiblesses, et mon handicap restait moins visible tant que je demeurais dans la même position.
— Si vous en avez fini avec vos inepties, j’ai quelques informations qui pourraient vous être utiles, détournai-je la discussion. Sachez que des pacifieurs vont effectuer une descente dans les vieux locaux du taudis de feu Vander, le Last Drop. Ils espèrent que Jinx, prise d’un élan de nostalgie, ait laissé des indices dans ce lieu qui aurait marqué son enfance.
— Jinx est une anguille, elle ne se laissera pas débusquer par la force. Il faut jouer de la ruse.
Je soufflai du nez avec mépris.
— Vos comparaisons ne connaissent-elle que la faune aquatique ? Laissez-moi vous dire que l’étendue de votre culture laisse à désirer. Si vous n’êtes pas capable de mieux, vous auriez intérêt à vous abstenir.
Contre toute attente, il éclata de rire. Un rire franc, un de ceux qu’on partageait entre amis. Finn se réinstalla plus confortablement dans le divan et avala la fin de son whisky d’une traite. Au fond de son verre vide se trouvait toute mon anxiété.
La fin de la boisson annonçait le début des choses sérieuses.
— Souhaitez-vous un deuxième verre ?
— Sans façon, refusa-t-il en me dévorant du regard. Toujours vexé que le crapaud en vous ait été révélé au grand jour ? Je vous promets de garder votre secret, Salo.
La réplique cinglante que je voulus lui renvoyer resta coincée dans ma gorge nouée.
Il avait terminé son verre.
Lâchant du lest sur les apparences, la vérité s’empara de mes choix. Je bus le reste de mon vin d’une traite – une solide moitié. Le silence appesantit mes épaules. Maintenir une respiration lente et courte serait la clé de mon salut. Ma panique devrait rester enfermée au plus profond de mes stupides états d’âmes. Je me maudis de ne pas avoir pris de comprimé avant de rentrer, sous prétexte du stupide espoir que Finn Slickjaw serait rentré chez lui comme il était venu. Cette erreur ne serait pas commise deux fois, je m’en fis la promesse.
— Finissons-en. Faîtes ce que vous avez à faire, puis laissez-moi aller dormir.
— Vous êtes stressé.
— Je vous prierai de ne pas me faire l’affront de prétendre vous intéresser à mes émois, crachai-je avec dédain. Vous avez rendu vos souhaits me concernant très clairs, et je les ai acceptés. Nous n’avons pas besoin d’en reparler, et j’aimerais m’épargner de déplaisir de partager votre compagnie plus longtemps que nécessaire.
Finn ne souriait plus. Il se leva lentement du divan et parcourut la distance qui nous séparait. Dans ma poitrine, mon cœur battait à tout rompre. Son regard posé sur moi était indéchiffrable, plus encore que la paume qui caressa ma joue. Si je n’avais pas devant moi une raclure zaunite, j’aurais pu croire qu’il faisait preuve de tendresse.
— Et mes responsabilités à votre égard stipulent que je dois vous soumettre à moi en respectant une progression décente.
Je le fixai avec une méfiance presque agressive. Comme un crapaud.
— J’avais parlé de profiter de votre « bouche délicate », et il me semble qu’il s’agit d’une activité toute indiquée pour ce soir.
Sa main glissa dans mes cheveux, elle dérangeait les mèches soigneusement coiffées dans une approximation plus intime. Les mots de Finn venaient d’ôter le poids invraisemblable qui comprimait mes poumons. Était-ce là son dessein, ou le fruit d’un heureux hasard que son désir coïncide avec mes possibilités actuelles ? L’espoir d’une soirée suffisamment rassurante pour être surmontable pointa le bout de son nez. Il n’avait pas l’intention de me pénétrer.
Je bloquai les freins de mon fauteuil, attentif à la réaction de mon employé. Il n’en fit aucun commentaire. Finn ne manifestait pas le souhait de passer dans la chambre, et cela m’allait très bien. Mon cœur menaçait d’exploser, mais l’angoisse avait cessé de brouiller ma vue de ses innombrables points noirs. Les doigts tatoués de Finn agrippèrent mes cheveux avec une douce fermeté, et debout devant moi, il attira mon visage contre son entrejambe.
Contre ma joue, derrière le tissu, son sexe était incroyablement dur. Une chaleur courroucée naquit au creux de mon ventre.
— Je vais vous satisfaire, mais épargnez-moi d’entrer en contact avec votre pantalon à l’hygiène douteuse.
— Bien, vous semblez avoir retrouvé votre langue, s’amusa-t-il. Vous allez en avoir besoin pour la suite.
Je m’écartai sans manquer de le fusiller du regard. En cet instant, je ne le comprenais plus. Surtout quand il faisait preuve d’une certaine prévenance.
Finn déboutonna son pantalon. Il l’ouvrit suffisamment pour le faire tomber au bas de ses hanches, avec son sous-vêtement. Son érection se dressa à quelques centimètres de mon visage.
Une part de moi se trouvait réconfortée. Rassurée d’être désirée de cette manière par quelqu’un, quand elle se débattait chaque jour pour supporter le reflet écoeurant du miroir. Celui d’un corps brisé, aux jambes qui auraient gagné à être inutiles là où elles étaient devenues des boulets.
Je redressai vers lui un regard empreint de curiosité. A mon grand regret, Finn Slickjaw éveillait mon intérêt. Car je ne comprenais pas ce qu’il pouvait trouver d’attrayant dans ce que j’étais devenu, et pourtant, l’évidence sous mes yeux ne pouvait être niée. Sans doute ce détraqué avait-il quelques fantasmes de soumettre un homme politique puissant. Mais cet homme, c’était moi. Pas un autre.
— Vous hésitez. N’avez-vous jamais sucé un homme, Salo ?
— Notre contrat ne stipule pas que je doive partager avec vous mes expériences. Auriez-vous l’amabilité d’observer également une progression dans votre logorrhée ? Ne plus vous entendre serait un délice.
— Vous avez raison, profitez-en tant que vous pouvez parler. Il vous sera difficile d’être cinglant quand votre bouche sera comblée de mon sexe.
Je claquai de la langue avec un dédain pas tout à fait sincère. Nos répliques m’apaisaient, elles devenaient un terrain familier. Ignorant la moiteur de mes mains, je saisis la base du sexe de Finn et léchai son extrémité. Sa peau y était chaude. Je passai ma langue sur tout le pourtour de son gland, lui arrachant un soupir satisfait au passage. Je découvrais les reliefs de sa verge sans le dégoût que j’aurais pensé y trouver. La vérité me coûtait, mais je devais admettre y prendre un certain plaisir.
En particulier dans la façon dont ses mains s’enjoignirent dans la blondeur de mes cheveux. Il ne les tirait pas, il se contentait de les caresser dans des soupirs encourageants. Malgré moi, la chaleur grimpait depuis mon ventre. La situation était parfaitement ridicule. Je suçais un ancien chembaron et j’aimais ça. Si on m’avait dit que ces deux faits surviendraient de façon concomitante un jour dans ma vie, je ne l’aurais jamais cru.
Je le pris entre mes lèvres et l’aspirai en douceur dans des va et vient langoureux. Les soupirs se muèrent en gémissements flatteurs. Les doigts de cet homme si puissant se firent fébriles à l’arrière de mon crâne. Il savourait le moment. En réalité, c’était Finn qui était en train de s’abandonner à moi, pas l’inverse.
— Ah… très bien, ce n’est pas la première fois que vous sucez une queue…
Bien plus haut que moi, son regard était rivé sur mon visage. Il fixait la façon dont son sexe s’immisçait entre mes lèvres, la brillance de ma salive sur sa peau. Je le prenais de plus en plus loin, chaque centimètre parcouru l’amenant plus proche du paroxysme de l’extase. Ses hanches bougeaient de façon presque imperceptible. Je connaissais ce roulement, il était trop faible pour être volontaire. Finn Slickjaw était transcendé de plaisir.
Mon pénis avait durci. J’étais soudain très heureux que mon partenaire n’ait pas exigé que je me déshabille, soucieux de pouvoir taire le désir que cet homme faisait grossir entre mes cuisses. Je n’assumais en aucun cas d’apprécier ce moment. Pourtant, des pensées commençaient à se faire une place dans mon esprit. Je m’interrogeais sur la sensation que me procurerait cette large main autour de mon sexe.
Et comment se servirait-il de cette langue scindée en deux pour me faire grimper au septième ciel ?
Je devais mettre un terme à cette rencontre au plus vite. Avant de déraper et de me livrer à une révélation qui ne pourrait être reprise. Sans compromis je poussai son sexe au fond de ma bouche et entamai des mouvements beaucoup plus soutenus, certains diraient même frénétiques. La salive commençait à couler le long de mon menton, des bruits de succion de plus en plus obscènes accompagnaient les soupirs. Je devinais sans mal que cette débauche plairait à mon partenaire. Le but étant de le faire jouir au plus vite, j’en pris mon parti.
— Putain… continuez comme ça… Qui aurait cru que le Conseiller Salo me dévorerait aussi salement ? Vous êtes plein de surprises…
Ses doigts se fermèrent dans mes cheveux, et cette fois-ci il envoya son sexe au fond de ma bouche. Une fois. Deux fois. Et il ne s’arrêta plus. J’avais troqué le contrôle contre sa déraison. Il donnait des coups de hanches, il baisait ma bouche dans des souffles erratiques. Je toussai sur son sexe sans jamais essayer de m’éloigner. Il était si dur contre ma langue qu’il fut clair que son orgasme approchait à grand pas. Je n’avais qu’à supporter cela un peu plus longtemps.
Un filet de salive tombait sur mes cuisses. Entre elles. Il s’écrasa sur mon érection. Je bénis le membre de Finn d’étouffer le gémissement que m’arracha ce contact visqueux. Vite. Je voulais en finir vite.
Car je mourais d’envie de me masturber.
Finn se retira, de longs fils humides joignaient son entrejambe et mes lèvres. Je repris mon souffle, l’esprit embrumé par le désir. Depuis quand le poids sur mes poumons avait-il disparu ?
Mon employé écrasa son gland contre ma joue, il répandait ma salive sur la peau plus si immaculée de mon visage. Il me dévorait du regard. C’était cette décadence qu’il cherchait. Je pouvais deviner derrière ses pupilles de prédateur qu’il ne rêvait que d’une chose : me jeter sur le divan et aller beaucoup plus loin. Pour dire vrai, je n’y aurais sans doute pas été si opposé que cela. Le voyait-il, dans l’ivresse de mes yeux ? Quelque chose me disait que oui. Il eut la délicatesse de réserver ses commentaires.
— J’ai envie de vous faire avaler mon sperme, dit-il en redressant mon visage d’une main sous le menton.
— Avez-vous l’habitude d’être toujours aussi bavard ? Vous gagneriez à apprécier le silence.
— Gardez votre énergie pour me faire jouir, Salo.
Il appuya son sexe sur mes lèvres, exigeant sans un mot que j’obtempère à ses désirs. Et je le fis. J’ouvris la bouche et repris le contrôle de son plaisir. Ma main se ferma sur la base de son sexe que je masturbais en même temps que j’en avalais le bout. Ses doigts se nouaient dans mes cheveux, et ses gémissements prirent toute la place dans mon salon.
Son sexe brûlant palpitait contre ma langue. Il allait venir, et la chaleur entre mes jambes devenait tout bonnement insupportable à cette simple idée. J’accélérai le mouvement, rompu d’une excitation indicible. Et, enfin, je le sentis. Ce goût amer. Cette saveur qui pulsait du bout de son sexe et qui commençait à remplir ma bouche pour se mêler à ma salive. Je ne pus contenir pleinement le gémissement qui m’échappa. Dans de longs râles décomplexés, il avait éjaculé. Les vagues de chaleur dévalaient jusqu’au bas de son ventre pour terminer sur mes papilles.
Je fermai les yeux, dégustant un plaisir coupable. Innommable. Finn avait joui de ma main. De mes lèvres. De mon être.
Il se retira doucement, étirant de nouveaux filets de salive entre nous. Son pouce glissa sur ma lèvre inférieure, se faufila dans l’ouverture de ma mâchoire. Il redressa mon visage vers lui.
— Ne vous avisez pas d’avaler tout de suite. Montrez-moi.
Son ordre menaçait d’embraser mon corps tout entier. Je songeai à protester. Mais j’avais signé mon contrat, et je ne pouvais pas m’opposer à la moindre de ses demandes. Ou peut-être avais-je très envie de voir comment la satisfaction allait se peindre sur son visage. J’ouvris la bouche sans ôter la contrariété de mes sourcils froncés.
Oui. C’était cette expression que je brûlais de voir.
— Bon sang… La débauche vous sied à merveille. Si vous pouviez vous voir, Conseiller… Mais je ne vous retiens pas plus longtemps. Avalez.
Il retira son doigt, et j’obéis. La semence épaisse coula le long de ma gorge, laissant une trace brûlante sur son passage. Mon souffle était court, je tâchai de le garder aussi régulier que possible. Je ne voulais pas que Finn devine l’état d’excitation dans lequel il me plongeait. Du revers d’une manche, j’essuyai les traces de salive sur mon visage humide. Ce fut mon expression la plus dédaigneuse qui accompagna ces mots :
— Sauf erreur de ma part, notre contrat ne prévoit pas que je vous distrais quand vous vous sentez seul. Je vous laisse donc quitter mes appartements pour ce soir, exigeai-je.
Un sourire amusé fendit son visage alors qu’il remontait son pantalon. Étonnamment, il ne répondit pas de suite. Il prit tout son temps pour se rhabiller avant de se pencher vers moi, au niveau de mon oreille.
— Exceptionnellement, je vous donne l’autorisation de vous masturber après mon départ, Conseiller. Je crois que vous allez en avoir besoin.
Sa main effleura mon érection, et la surprise m’arracha un gémissement. Lorsqu’il s’éloigna, son sourire redoubla. Ma gêne, elle atteignait des niveaux abyssaux. Il me lança un clin d’œil avant de sortir d’un pas assuré, me laissant seul dans mon salon avec un embarras des plus encombrants.
Un embarras qui ne s’amoindrit pas lorsque j’ouvris précipitamment mon pantalon et plongeai la main dans mon sous-vêtement. J’attrapai mon sexe et me masturbai avec une vitesse presque frénétique. Depuis quand n’avais-je pas été animé d’un désir si puissant qu’il frôlait la folie ? Ma main claquait entre mes cuisses, elle rythmait mes gémissements à peine étouffés d’une pudeur qui n’était rien de plus qu’un pansement sur une jambe de bois. La saveur amère de son sperme collait encore à ma langue. Je brûlais d’excitation.
L’orgasme me ravagea en un temps record. Ses traces blanchâtres se faufilèrent entre mes doigts. Elles échappaient à mon contrôle.
Exactement comme le faisait si bien Finn Slickjaw.
Notes:
Première scène de smut à proprement parler
Dans cette histoire j'ai très envie d'explorer l'image que Salo a de lui après l'attentat de Jinx, l'impact que le handicap a sur son image de lui, et sur ce qu'il projette chez les autres. C'est un thème que je n'ai jamais abordé à ce point dans mes écrits, alors autant en profiter avec lui !
Chapter Text
— Tournez-vous.
— Vous plaisantez, j’espère ?
— Ai-je l’air de plaisanter ? Jusqu’à preuve du contraire, je ne vous demandais pas votre avis. Tournez-vous.
— Vous semblez confondre nos rôles, Conseiller Salo, s’amusa Finn. Et puis, si je puis me permettre, tout l’intérêt de vous faire ôter vos vêtements est de vous voir nu. Que ce soit maintenant ou plus t…
— Êtes-vous obligé de rendre systématiquement tout plus compliqué que nécessaire ? dardai-je. Je ne suis pas un sombre imbécile, j’ai bien conscience que votre demande a tout juste pour but que je sois nu pendant que vous vous amuserez à me sauter. L’ordre est pourtant d’une simplicité indiscutable. Me feriez-vous la grâce, à défaut d’échapper à l’horreur de me faire baiser par vos soins, de me laisser me déshabiller sans subir votre voyeurisme ?
Mes lèvres se fermèrent sur ces mots gorgés de haine. Elles masquaient le tremblement qui avait survécu au vin et aux anxiolytiques. L’acidité de mes mots, elle, en révélait une petite part malgré moi. Finn avait l’habitude que je sois odieux, mais peut-être pas à ce point. Sous le coup de l’émotion, je m’étais dévoilé plus que prévu. Je n’eus pas la faiblesse de détourner le regard.
Lui m’observait avec une curiosité dépourvue d’amusement. Finn Slickjaw se révélait plus fin que je ne l’avais pensé. Par quelque miracle dont l’explication m’échappait, il lisait en moi avec une justesse déconcertante. Il savait quand j’étais abject par défi, et quand je l’étais par peur. Ses réactions s’ajustaient avec une étonnante perspicacité.
En tournant le dos, il confirma une nouvelle fois ce constat.
Je bloquai les freins de mon fauteuil, la mâchoire serrée et les larmes au bord des yeux. A la force de mes bras, je me soulevai sur les accoudoirs et glissai jusqu’au bord du lit. Je déglutis péniblement, le cœur battant à tout rompre. Il allait maintenant falloir admettre que la nudité constituerait la prochaine étape. Que des mains allaient se poser sur ma peau. Peut-être même à l’intérieur de moi. Je n’aurais plus une armure faite de dédain et d’un verbe acéré pour me protéger. Retirer mes vêtements revenait à abandonner tout cela.
Finn allait découvrir mes cicatrices. Celles qui défiguraient mes jambes, et celles qui n’apparaissaient que dans le reflet du traumatisme. Un instant, le cocon de ma chambre disparut pour laisser place à la salle du Conseil, son toit éventré vers un soleil goguenard. Un nuage de poussières et la douleur cuisante. Elle avait rompu mon esprit, l’avait écrasé sous les décombres qui brisèrent mes jambes à tout jamais. Sa seule clémence fut de me livrer aux bras insouciants de l’inconscience.
Dans un silence de plomb, j’entrepris de déboutonner ma chemise. A l’abri des regards, mes doigts s’autorisaient à trembler ; ils se liguaient pour me compliquer la tâche. A dire vrai, le but était sans doute de me dissuader de me défaire de mon ultime protection.
Mais le contrat était signé, et il faudrait y passer un jour où l’autre. Après une profonde expiration, je parvins à canaliser suffisamment mes symptômes pour ouvrir ma chemise. Mon torse, lui, avait peu changé. C’était juste difficile de quitter le confort rassurant de mon costume de Conseiller. Sans lui, je n’étais plus qu’un homme.
— Vous avez terminé ?
— Vous serez le premier informé quand ce sera le cas. Navré de ne pas aller assez vite à votre goût.
— Ce n’est pas un problème. J’apprécie votre compagnie.
Ses mots me laissèrent bouche bée. La patience dont il faisait preuve était presque… touchante. Finn aurait pu me mettre la pression. Me jeter sur ce lit et prendre ce qui lui revenait de droit par notre accord. Mais il ne le faisait pas. Il me laissait la main et encaissait mon venin. Il acceptait de porter toute ma haine sur ses épaules alors qu’il n’était responsable que d’une petite partie de celle-ci. Car Finn n’avait pas causé mon handicap, et c’était bien cela qui voulait m’arracher des larmes ce soir.
Je fis glisser mon pantalon au pied du lit, me retrouvant dans un sous-vêtement blanc en guise de dernier rempart devant ma pudeur. Je découvris avec une déception navrante que mes cuisses n’avaient pas changée. Elles étaient toujours criblées de cicatrices, elles portaient les marques de sutures grossières et laborieuses qui avaient permis de rassembler mes membres écrasés en jambes à peu près crédibles. Je pliai les orteils, réduisant une fois de plus à néant l’espoir ridicule de pouvoir marcher un jour. Mes jambes ne bougeaient plus. Elles étaient trop brisées pour cela, seuls quelques orteils pouvaient encore réaliser cette prouesse. Une véritable bénédiction, selon les médecins.
J’hésitai un instant à garder mon sous-vêtement, puis me résolus très vite à le faire tomber aussi. Je préférais ne pas avoir à me contorsionner sous les yeux de Finn. J’allais déjà me trouver nu comme un ver devant lui, inutile d’en plus me tortiller comme tel.
Une douleur vacilla dans ma poitrine. Je me surpris à craindre que Finn pose un regard écœuré sur moi. Je plaquai une main devant ma bouche au goût soudain acide. J’avais déjà beaucoup supporté en me dévêtissant dans la même pièce que lui, je doutais d’être capable d’encaisser une telle réaction. Pourtant, le risque était considérable. Mes cicatrices balafreraient bientôt l’image idéalisée que cet homme s’était forgée. Du revers de la main, j’essuyai les larmes qui pressaient mes paupières.
Cela aura été agréable, de se sentir désiré. Même si ce ne fut que quelques jours.
Je rassemblai tout mon courage dans mes cordes vocales.
— J’ai terminé.
Mon regard se rivait obstinément au sol, incapable d’affronter celui de mon amant pour les trois mois à venir. Au moins, s’il me trouvait bien repoussant, j’aurais la chance de revenir plus vite que prévu dans le confort de ma solitude. Une petite voix dans ma tête souffla alors sa déception. Finn Slickjaw était un être abject, mais il avait le mérite de s’intéresser à moi au point de m’avoir réconcilié avec certains désirs que je n’aurais pas pensé retrouver un jour.
Quelques pas, et ses rangers se plantèrent devant moi.
— Vous êtes magnifique.
Ce fut la surprise qui me fit redresser le menton. J’avais mille paroles plus ordurières les unes que les autres à lui soumettre, mais la sincérité calme de son exclamation me coupait l’herbe sous le pied. A la façon dont il me détaillait, à l’absence de rictus, je sus qu’il était on ne pouvait plus sincère.
— Vous avez perdu la tête ?
Ce furent les seuls mots qui admirent sortir de ma bouche. Triviaux. Honnêtes. Médusés.
Il ramena une main devant sa bouche et me contempla avec un respect mal dissimulé.
— Je vous imaginais somptueux, mais vous êtes au-delà de ça. J’espère que vous avez beaucoup d’ennemis, Salo. Je vous proposerais tous les contrats que vous souhaitez avec le plus grand plaisir.
— Êtes-vous aveugle, en plus d’être idiot ?
Je lui désignai mes jambes dignes des expériences d’un alchimiste aliéné.
— Ah, vous faîtes partie de ces gens-là, s’amusa-t-il.
— Je sens que la réponse ne va pas me plaire, mais qu’entendez-vous par là ? me braquai-je.
— Ceux qui sont si bien dressés par leur société de chérubins qu’ils sont incapables de voir là beauté là où elle se développe le mieux. Dans l’imperfection de ceux qui ont véritablement vécu.
A ces mots, je crus remarquer pour la première fois sa mâchoire mécanique. Finn se tenait peut-être sur ses deux jambes, mais il aurait été éhonté de prétendre qu’il méconnaissait les affres des stigmates. Bien que lui ne les considérasse pas de cet œil.
— Si l’on m’avait dit que je me ferais donner une leçon de vie par un chembaron déchu, ironisai-je. Bien. Vous êtes donc simplement fêlé, mais votre tête se tient bel et bien sur vos épaules.
— Vous pouvez voir les choses ainsi si cela vous est plus confortable, suppôt de chérubin.
— Vous avez le mérite de garder une constance dans l’agacement que vous inspirez.
Finn sourit. Sa main caressa la ligne de ma mâchoire, et une vague de froid m’ensevelit. J’en avais presque oublié les motifs nous ayant amenés à cette discussion. J’en avais presque oublié être assis nu, au bord de mon lit, sur le point de remplir ma part du contrat.
Dans des gestes qui ne souffraient aucune précipitation, Finn ôta les haillons qui lui servaient de haut. Il dévoila son torse nu pour la première fois, constellé de tatouages noirs qui rendaient le personnage harmonieux, je le devinais, de la tête aux pieds. Une fine toison brune tapissait son torse et trouvait son écho au bas de son nombril, dévalant son ventre musclé telle une cascade aguicheuse abritant sa chute. Son cours n’aurait bientôt plus aucun secret pour moi puisque Finn fit tomber le bas au sol et retira ses rangers. Il restait debout, uniquement vêtu de son sous-vêtement. A vrai dire, j’avais déjà une connaissance très concrète de ce qui se trouvait derrière le tissu – la bosse formée par son érection naissante ne laissait que peu de place à l’imagination. Mais il me fut rassurant qu’il ne se déshabille pas entièrement. Pas tout de suite, en tout cas.
Sa main caressait ma joue, elle se perdait dans mes cheveux avec une douceur que je ne comprenais pas. Une douceur qui me rendait méfiant.
— Vous connaissez le mot de sécurité ?
— « vanille », récitai-je. Soyez tranquille, je ne vais pas l’utiliser parce que vous vous déshabillez devant moi. Vous me prenez peut-être pour un chérubin, mais je ne suis pas aussi prude que vous semblez le croire.
— Oh, je ne vous crois aucunement prude, Conseiller. Je ne compte pas vous demander de me sucer aujourd’hui, vous serez donc en mesure d’utiliser le code verbal si cela devenait trop pour vous.
Je le fusillai du regard sans trop savoir pourquoi – peut-être parce que ses intentions m’échappaient. L’incompréhension n’allait jamais sans sa jumelle : la suspicion.
Sans y laisser une miette de dignité, Finn posa un genou sur ses vêtements en pagaille, vite rejoint du second. Lorsque cet homme put adopter une telle position sans perdre son regard de prédateur, il devint évident qu’il allait chambouler toutes mes croyances sur la sexualité. Il n’avait pas besoin de se tenir plus haut que moi pour me dépasser. Ses paumes se posèrent sur mes cuisses, elles s’emparaient de la tendresse de ma peau.
Le cœur battant à tout rompre, je saisis ses poignets pour l’arrêter. Un poids commençait à gonfler dans ma poitrine, juste au milieu de mes poumons. C’était la racine de la panique, et elle se développait à la vitesse de la vigne vierge.
— Ne touchez pas mes jambes.
Son regard se durcit.
— Nous avons établi dans le contrat que je ne vous ferais aucun mal aux cuisses. Je n’ai pas l’intention de vous faire souffrir ce soir, vous savez.
— Je vous remercie pour votre immense bonté, rétorquai-je avec mépris. Mais je vous saurais gré de laisser en paix les parties mutilées de mon corps.
Mes mots lui déplurent, sa mâchoire se serra pour contenir le torrent aigri du fond de sa pensée.
— Bien. Je ne toucherais pas à vos jambes ce soir. Mais je vous recommande de vous faire à l’idée très vite, car il est hors de question que je fasse une croix sur la moitié de votre corps sous prétexte que vous n’en saisissez pas la beauté.
Sans attendre de réponse, ses mains remontèrent sur ma taille. Il se plaça entre mes jambes, et la peur n’eut pas le temps de grandir. Finn écrasa sa langue si particulièrement sur mon ventre et pressa ma peau entre ses dents. Je gémis de surprise. De peur. De perdition. J’avais le réflexe de m’éloigner de ses mâchoires, mais ses mains sur mes flancs compromettaient tout projet de fuite.
De sa bouche, il explorait les moindres parcelles de mon torse. Les deux pointes de sa langue dansaient sur la scène de mon nombril. Ses baisers passionnés imprimaient le froid du métal sur ma peau brûlante. Il goûtait la sueur de ma terreur. Savourait chaque relief de mon corps sans pudeur. D’une main sur son épaule et de l’autre nouée dans ses cheveux, je me berçais dans l’illusion de pouvoir l’arrêter s’il abusait de notre proximité. La vérité, c’était que je perdais pied sous les assauts de sa bouche.
— Vous êtes un détraqué…
Je raffermis ma prise dans ses cheveux. Ses dents se fermèrent à nouveau sur ma peau.
— Parce que j’embrasse votre ventre ? Vous êtes capable de me sucer sans rougir, et vous voilà embarrassé pour si peu.
Il n’avait pas idée. Pas idée du point auquel ce corps me plongeait dans de sombres pensées. Je m’astreignais chaque jour à l’oublier, à vivre comme si j’étais une entité sans enveloppe charnelle. Et la passion avec laquelle il me découvrait me rappelait à une réalité insupportable.
Il n’attendit pas ma réponse, car ses mots n’en supposaient pas. Il ne percevait pas la cohérence subtile de mon vécu, et je n’avais aucune intention de la lui livrer. Mes tourments ne regardaient pas ce meurtrier.
Sa langue s’enroula autour de mon mamelon, et juste ainsi il coupa court au fil de mes pensées. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas été touché qu’il me semblait le vivre pour la première fois. Ma peau rougissait sous les assauts répétés de sa passion. Et j’aurais presque pu commencer à me détendre. A savourer un tant soit peu le plaisir que livraient les caresses humides d’un amant.
Presque.
Jusqu’à ce que Finn me soulève pour me pousser sur le lit et me surplomber, une jambe entre les miennes. Mon cri avait cette vibration, le trémolo spécifique de la frayeur. Mon sang battait dans mes tempes. Ma respiration devenait erratique. Saccadée. Je me retins de toutes mes forces de repousser l’homme au-dessus de moi. La mort de Jinx. La mort de Jinx est tout ce qui compte. Ce n’est pas si cher payé.
Ses lèvres quittèrent ma peau, et son pouce essuya ma joue. Ce n’est qu’ainsi que je réalisais que mes larmes avaient pris la stupide initiative de couler. Dans le silence de cette pause, mon souffle chaotique prenait toute la place. Mon torse se soulevait à une vitesse folle. Mes doigts s’engourdissaient, leur picotement voulait me rappeler à l’ordre.
Dans l’expression de mon employé, je lus de la pitié. Si je n’avais pas été aussi fébrile, cela m’aurait mis en colère.
— Je ne vous comprends pas.
— ça ne fait qu’un tiret à rajouter à la liste interminable des choses qui vous échappent. Cela ne devrait pas vous préoccuper outre mesure.
Il ne saisit pas la perche tendue par le crapaud boursouflé.
— L’autre jour, vous bandiez tellement que je suis sûr que vous avez joui en quelques secondes après mon départ. Et là, non seulement vous ne bandez pas mais en plus vous vous mettez à pleurer. Je ne comprends pas.
— Faîtes ce que vous êtes venu faire et cessez de vous faire des nœuds au cerveau. Vous faîtes peine à voir quand vous réfléchissez.
Malgré la causticité de mes paroles, je devais admettre que ma respiration se calmait et que les picotements quittaient mes extrémités. Qu’il ne se jette pas sur moi sans considération me rassurait.
— Conseiller Salo, je n’ai pas l’intention de profiter de vous sans vous faire grimper au rideau.
— Pourtant vous semblez nourrir quelques fantasmes des plus inappropriés. N’était-ce pas là ce que vous souhaitiez, avoir une pleine dominance sur moi ? Ne faîtes pas comme si mon plaisir venait soudain s’ajouter à l’équation.
— Il en a toujours fait partie. Vous avez signé un contrat qui stipule que votre plaisir est de ma responsabilité. Et, aussi détraqué que vous me considériez, je n’ai aucun plaisir à vous forcer la main. La dominance est une forme de jeu consenti. Pas un assujettissement au prix de votre santé mentale. Alors expliquez-moi, je vous prie.
Je le détaillais en silence, jaugeant la véracité de ses mots. Effectivement, la bosse dans son pantalon était retombée à la vue de mon désarroi. A sa manière complètement décalée, il avait à cœur de prendre soin de moi. Je capitulai.
— Il va falloir trouver des mots assez simples pour qu’un imbécile comme vous les comprenne, pestai-je.
— Vous êtes un véritable charme, aujourd’hui, s’amusa-t-il. Je suis tout ouï.
— Je supporte mal que l’on porte de l’intérêt à mon corps, expliquai-je d’une voix hésitante. Et de me sentir bloqué à cause de mes jambes.
— Alors dîtes-moi comment vous y prenez-vous d’ordinaire avec vos amants. Je tâcherai de m’adapter pour vous mettre à l’aise, au moins dans un premier temps.
Je détournai le regard, tendu au possible. Et il comprit.
— Vous n’avez plus eu de rapports depuis l’attentat, s’étonna-t-il. Vous n’avez aucune idée de comment vous mettre à l’aise.
— Je me passerais de vos commentaires.
Sa paume amena une agréable chaleur sur ma taille couverte de sueur.
— Alors vous allez devoir apprendre à communiquer. Je n’ai aucun plaisir à vous faire pleurer au lit. Enfin, pas de cette manière-là, ajouta-t-il avec un clin d’œil des plus inappropriés.
— Vous êtes imbuvable.
Il haussa un sourcil bien plus éloquent que n’importe quelle réponse.
— Dîtes-moi ce qui vous a fait pleurer.
— C’est un tout, soupirai-je. Vous m’avez soulevé pour me pousser ensuite en-dessous de vous. Je crois que…
Je pris un instant de réflexion, cherchant à mettre le doigt sur ce qui m’avait déplu.
— C’est difficile pour moi d’être « déplacé ». Vous me rappelez mon impotence et mon impossibilité à me défendre alors que ces gestes sont si simples pour vous.
— Alors essayons autrement. Et si vous me disiez quelle position vous mettrait le plus à l’aise ?
— Vous dans le taudis qui vous sert de demeure et moi ici ? rétorquai-je sèchement.
Il leva les yeux au ciel, un sourire flanqué sur le visage.
— Je vais vous déplacer dans une autre position. Dîtes-moi si je dois vous lâcher.
Je hochai la tête et contins quelques insultes, non sans effort. Alors que j’étais prévenu, les mains se Finn agrippant ma taille m’angoissèrent beaucoup moins. Je me stabilisais d’une main sur chacune de ses épaules, espérant qu’il n’épiloguerait pas sur le sujet. Il eut la diligence de s’abstenir. Sans la moindre brusquerie, il s’installa plus ou moins en tailleur sur le lit et me ramenait sur ses cuisses. Il surveilla attentivement mes réactions lorsqu’il plaça mes jambes de chaque côté de ses hanches dans une position qui me permettait un équilibre acceptable.
Je me surpris à rougir devant la proximité presque tendre de cette position. Nos corps s’entrelaçaient dans une posture confortable où je me trouvais un peu plus haut que lui. Et cela changeait tout.
— C’est une bonne position, admis-je à contrecœur.
Ses mains quittèrent ma taille pour descendre sur mes fesses. Je me crispai brutalement, pris d’une nouvelle angoisse. Formidable. La position était arrangée, mais pas le reste. J’allais devoir me livrer à lui d’une manière qui dépassait mes capacités, et ce de très loin. Finn enfouit son visage dans ma nuque et poursuivit son exploration assidue de mon corps. Mes ongles plantaient leur appréhension dans ses épaules.
— Détendez-vous, Salo, souffla-t-il tout contre ma peau humide de sa salive. Je ne vais pas vous baiser ce soir.
— N’est-ce pas là tout le sujet de votre contrat ?
— Vous pouvez honorer votre part de bien des manières avant que nous en arrivions à la délicieuse étape où je vous sauterais dans ce lit. En attendant, vous êtes tellement tendu que je ne compte pas risquer de vous mettre ma queue, vous seriez capable de la casser.
Je lui envoyai un coup de poing sur l’épaule, courroucé. Il ne grimaça même pas. Il se contenta de pouffer de rire avant de lécher outrageusement mon torse pour entortiller sa langue fendue autour de mon téton. Une de ses mains quitta mes fesses pour caresser mon membre, et je réalisai alors qu’il parvenait à m’exciter. Mon érection se formait, timide mais bien présente. Ses longs doigts tatoués s’emparaient de mon intimité dans une sensation si délicieuse qu’il fut tentant de la refuser, par souci de bonne manière.
Et, pour la première fois, j’accordais à mon amant de passage le bénéfice du doute. J’enfouis ma tête dans le creux de sa nuque et le laissai me toucher sans l’invectiver. Je contenais tant bien que mal les soupirs de plaisir que dérobaient ses caresses. Tantôt délicates, tantôt appuyées, elles s’appliquaient à faire grimper mon envie avec un talent indiscutable. Il semblait que Finn n’aurait de cesse de m’embrasser qu’après avoir goûté chaque parcelle de ma peau sans exception. Ses lèvres se perdaient, partout. Sur mon torse, sur mes bras, au creux de mon cou, il déposait à chaque baiser le contact froid et étrangement rassurant de sa mâchoire.
— Je vais coller mon sexe contre le vôtre, Salo. Je vais vous branler avec moi…
— Pourriez-vous envisager de le faire en silence ? rétorquai-je en sentant la chaleur grimper à mes oreilles.
— Un véritable charme, pouffa-t-il.
Finn baissa son sous-vêtement, et la chaleur de son membre s’écrasa contre le mien, dur, brûlant. Je me tendis, tiraillé de sensations trop puissantes pour être traversées sans secousse. Cet homme me désirait avec une obscénité qu’il ne s’embarrassait pas à dissimuler. Ses attitudes disposaient d’une liberté que je n’avais jamais effleurée. Ma position de Conseiller reposait sur les apparences, elle s’était bâtie sur le contrôle de l’image publique que je donnais. Une sculpture que je façonnais de mes mains jour après jour, sans exception. Il ne me serait jamais venu à l’esprit de « me laisser aller ».
Et lui, pourtant, gémissait sans honte en masturbant nos sexes serrés l’un contre l’autre au creux de sa main. Cet homme intimidant se fichait pas mal de manifester tout le plaisir qu’il prenait à vivre ce moment. Sa main coulissait sur nos peaux, se serrait comme si elle avait le pouvoir de nous rapprocher par ce simple geste. Et peut-être l’avait-elle après tout. Je laissais tomber mes soupirs dans la coupe de sa clavicule, ils s’écrasaient sur l’encre de sa peau. Et sa poigne sur mes fesses ; elle se raffermissait d’un désir palpable, mais ne dépassait en aucun cas les limites qu’il avait certifié respecter.
J’aurais presque pu dire que Finn Slickjaw prenait soin de moi.
Les sensations de ses baisers affamés me faisaient vibrer - par leur contact froid, par les mouvements insaisissables de sa langue. Et, avant même de pouvoir le contester, mon sexe commença à palpiter dans des vagues familières. Comment pouvais-je être excité par la main de ce type ? Pourtant, le constat était indéniable.
— Finn, je vais…
— Pour quelqu’un qui chialait il y a encore quelques minutes…
J’aurais voulu l’insulter, lui ordonner de tout arrêter, puisqu’il se permettait des commentaires horripilants. Mais, la vérité, c’était que ses mots me faisaient grimper encore plus proche du sommet. Parce que le naturel avec lequel il me chambrait rendait tout plus simple.
Mes gémissements se faisaient de plus en plus difficiles à contenir. Je m’agitais, les hanches vacillant sous les secousses qui voulaient m’engloutir. Finn me gardait fermement contre lui, il m’empêchait de basculer par mégarde. Et, bientôt, les larmes ne furent plus qu’un lointain souvenir. Dans une plainte pudique, j’éjaculai enfin, déchiré de frissons absolument délicieux. Des traînées blanches s’écrasèrent sur son torse, recouvraient les tatouages qui encerclaient son nombril. Elles filaient entre ses doigts, collaient à son propre sexe. Il ralentit ses gestes avant de relâcher mon sexe, lorsque les vagues s’estompèrent enfin.
Dans toute la provocation dont il était capable, Finn se lécha les doigts sous mon regard outré. Il était sans gêne. Tout simplement.
— Vous êtes vraiment délicieux de bien des manières, Conseiller Salo.
— Vous n’avez aucun savoir vivre, soulignai-je avec tout l’embarras qu’il avait espéré.
— Oh, veuillez m’excuser, où sont passées mes bonnes manières. Vous en voulez ?
Il me tendit une main barrée de ma propre semence. Son sourire s’élargit devant mon air choqué. Il ne prit pas la peine de se nettoyer avant de saisir mon visage par le menton, écrasant le liquide visqueux sur ma peau. Comme un petit animal, je me figeais devant ses gestes dont je ne comprenais ni les tenants, ni les aboutissants. J’étais encore hagard de la violence exquise avec laquelle Finn avait dérobé mon plaisir. Cette confusion méfiante, il y répondit sans que j’aie à l’interroger.
— Il est hors de question que je jouisse autrement qu’en profitant de la vue de ce petit air courroucé qui froisse vos traits, souffla-t-il contre mes lèvres.
— Laissez-moi vous dire que vous avez de sérieux problèmes irrésolus.
Je murmurai ces mots avec un manque cruel de conviction, une piètre mascarade quand mon corps ne quémandait qu’une chose : se laisser aller aux bras de cet homme imprévisible. Celui-là même qui était capable de la plus grande prévenance à mon égard, pour ensuite écraser ma propre jouissance sur mes joues. Il se masturbait en contemplant son œuvre finale. Ses soupirs frénétiques sombraient dans la moiteur de ma chambre. Allait-il laisser son odeur sur mes draps ? Je me surpris à l’espérer. Juste un peu.
Dans un râle aux notes libératrices, Finn jouit à son tour. La chaleur de son extase s’écrasait sur la peau de mon ventre, elle se confondait dans la toison claire de mon pubis. Il avait dit vrai. Pour jouir, il n’avait pas quitté mon visage des yeux. Et moi, je l’avais laissé faire. J’avais même aimé la façon dont cet homme semblait se repaître de mon plaisir. Je me sentais important, placé sur un piédestal au pied duquel il était agenouillé. Dans ses yeux, je croyais lire une forme d’adoration.
Sans un mot, comme une divinité l’aurait fait, je pris son visage en coupe dans mes mains. Et je me contentais de le regarder avec une tendresse mystérieuse, en remerciement pour sa dévotion. Le silence s’étira, agréable. Ses mains humides se placèrent dans mon dos, elles veillaient à ce que je ne bascule pas en arrière. Un instant, j’eus envie de caresser sa peau. De l’embrasser, pour le féliciter d’avoir su si bien naviguer dans une tempête qui me dépassait. Moi, j’avais lâché la barre depuis longtemps. Lui, il n’escomptait pas abandonner le navire au naufrage.
Je faillis lui dire merci.
— Maintenant, allez-vous-en, exigeai-je d’un ton calme.
Il prit un instant de réflexion, une seconde pendant laquelle ses yeux semblaient capables de lire à travers mes barrières. Peut-être avaient-ils effectivement accompli cette prouesse, puisque Finn attrapa simplement une de mes mains pour déposer un baiser sur mes phalanges. Il s’extirpa de mon lit en veillant à m’y laisser assis, et enfila ses vêtements sans précipitation, exactement comme il les avait ôtés.
— A bientôt, Conseiller Salo.
La porte de ma chambre se referma dans un léger claquement.
Par ce simple bruit, je sus que Finn Slickjaw venait de bouleverser mon univers rigide et de mettre sens dessus dessous toutes ses convictions.
Quelque chose me disait que ce n’était là que le début de son œuvre.
Notes:
Hey !
Je ne sais pas exactement où je vais avec cette histoire, mais j'aime beaucoup explorer la dynamique entre ces deux personnages. Salo se construit petit à petit avec ses fragilités et son arrogance défensive, c'est très satisfaisant de détailler ainsi sa personnalité !
Chapter Text
Pour la troisième fois de la journée, un message arriva dans les tuyaux pneumatiques. L’aspiration suivie d’un claquement annonçait à nouveau la fin de ma tranquillité. Je devinais sans mal qui se permettait de déranger ainsi mes journées chargées.
— Cet imbécile a-t-il l’impression que je n’ai rien d’autre à faire de ma vie que le recevoir ? Je suis Conseiller, bon sang. Conseiller.
Je voulus ignorer son courrier, car ma réponse n’invitait pas à la discussion. Pourtant, une petite voix me rappelait à l’ordre. Celle qui avait signé un contrat où se dérober à ses engagements promettait bien pire que lesdits engagements. Je me remémorais à regret la clause concernant les punitions. Voulais-je offrir à ce mercenaire sans scrupule une bonne raison de me malmener ? La réponse tombait sous le sens. J’ouvris l’encoche du tuyau et attrapai dans un soupir agacé le courrier. Dessus, figurait le début de notre échange.
« Ce soir, dans votre chambre. F.
Je ne suis pas disponible ce soir. S.
Demain soir, dans votre chambre. F.
Me pensez-vous si peu occupé ? Je me permets de vous rappeler que vous avez une mission à accomplir. Et elle ne se fera pas dans ma chambre. S.
Nous ne nous sommes pas vus de la semaine. J’aurais pensé que vous aimeriez observer un temps de pause entre nos deux entrevues. Mais si vous préférez vous faire démonter deux soirs de suite, j’y suis favorable. Ou peut-être optez-vous pour la punition ? Je saurais m’accommoder de toute réponse. F. »
Dans le bruit sourd du désespoir, mon front claqua contre le bureau. Dans quoi avais-je eu la brillante idée de me fourrer ? Il soulevait un point capital. Que préférais-je entre subir sa compagnie en observant un temps de repos, devoir me coltiner sa présence deux soirs de suite, ou ne la subir qu’un soir en subissant les conséquences de cette décision ?
Résigné, je dégainai mon stylo plume et entrepris de lui répondre. De mon écriture la plus lasse, j’ajoutai une dernière ligne à notre correspondance.
« Ce soir, dans ma chambre. Ne venez pas avant la tombée de la nuit, je ne suis pas aussi oisif que vous semblez l’être. S. »
Traiter les doléances des riches héritiers piltoviens devint soudain beaucoup moins aisé. Une odeur de cèdre voulait envahir mes sens – ni tout à fait vraie, ni tout à fait imaginaire.
Je fourrai le courrier dans le compartiment ouvert et l’expédiai d’un coup de poignée vers le bas.
Je trempai la plume dans mon encrier, l’esprit en avance sur mon programme de la journée.
***
— Vous savez que vous avez un problème d’alcool ?
Je terminai mon deuxième verre de vin avec plus de haine que je ne l’avais commencé, ce qui n’était pas peu dire. Je jaugeai la bouteille encore remplie au tiers sur ma table de chevet et estimai la pertinence de la terminer. L’ivresse commençait à monter, mais le brouillard aussi.
— Vous savez que vous n’êtes pas obligé de parler quand vous êtes ici ? rétorquai-je.
J’accompagnai les mots d’un regard noir que Finn accueillit d’un visage mi-amusé, mi-intrigué.
— C’est un peu vexant de vous voir picoler à chaque fois que vous m’accueillez.
— Bien, alors vous n’êtes pas une cause complètement désespérée. Vous avez au moins la perspicacité d’associer votre présence au besoin de noyer ma conscience. Faîtes encore quelques efforts et vous approcherez de l’intelligence moyenne de la population.
Il s’affala sur le lit, allongé sur le côté, la tête tenue par l’étai de son poing. Il me déplaisait, ce sourire. Celui qu’il affichait à chaque fois que j’étais caustique au possible. Il me rappelait un peu trop l’exactitude avec laquelle il m’avait comparé à un crapaud, affaissant mon panache à chaque fois que ce souvenir remontait. Que pouvais-je faire face à cet homme ? Il disposait d’une musculature bien plus imposante que la mienne, et de deux jambes valides. Je n’avais pas de meilleure arme que les mots, et il le savait. Or, le verbe ne me sortirait pas d’un mauvais pas s’il décidait de m’y traîner. Je le savais.
Et lui aussi.
— Êtes-vous certain de vouloir m’insulter avant de vous livrer à moi, Salo ? Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de votre meilleur instinct de préservation.
— Allez savoir, je compte peut-être sur votre tout nouveau sens de la déduction pour que vous décidiez de me laisser tranquille ce soir.
— Ce soir, je vous baiserai. A vous de voir dans quelles dispositions vous préférez me mettre avant.
Une sueur froide dévala ma peau, d’un coup. Mes poings se refermèrent sur mes cuisses, leur moiteur imprimée sur le tissu du pantalon. Alors ce serait pour ce soir. Il avait daigné par deux fois m’accorder un répit, une première marche dans les déboires du sexe et de la nudité. Dans la découverte du contact de ses doigts sur mon corps brisé.
Le constat avait la saveur amère d’une évidence masquée par ma naïveté. Finn Slickjaw n’était pas dans ma chambre pour me guérir - il ne l’avait jamais été. Sa patience excédait juste ce que j’avais imaginé, cela ne faisait pas de lui une personne altruiste dévouée à m’accorder le temps de la guérison. C’était mon employé, et il réclamait son salaire.
— Tournez-vous.
— Oui, patron, chantonna-t-il, guilleret.
Il se redressa pour s’asseoir au bord du lit, de l’autre côté. Le bruit de vêtements froissés tombant au sol accéléra les battements furieux de mon cœur sous anxiolytique.
Résolu, je déboutonnai ma chemise d’une main tremblante. Je me contorsionnai pour ôter les habits et me retrouvai nu bien trop vite, aux côtés d’un homme à bout de complaisance. Le menton pointant vers le plafond, je ravalai quelques larmes. Je m’astreignais à me rappeler l’inavouable plaisir pris de ses mains, une branche fragile à laquelle se raccrocher. Si je devais être honnête avec moi-même – et certainement pas avec lui -, Finn m’avait donné envie de recommencer.
Mais ces pensées sonnaient vides de sens face à la terreur qui hérissait mes poils.
— Je suis prêt.
Le mensonge passa difficilement ma bouche asséchée. Je ne savais même pas pourquoi j’essayais encore de donner l’illusion d’un homme détaché quand les larmes menaçaient de dévaler les falaises escarpées de mes joues.
Le bruissement des draps, puis ses jambes de chaque côté des miennes. Son torse se collait contre mon dos, son érection se dressait entre mes fesses. Une éruption expulsa des centaines de points noirs devant mes yeux. Les picotements dans mes doigts débutèrent au signal de ma respiration au chaos contenu, discret. Une des plaies de l’enfance que l’on apprenait très vite à dissimuler aux yeux des autres. C’était mon chaos.
Ses paumes parcouraient déjà mon torse, et ses lèvres dévoraient mes épaules. Le vin aidait – un peu. Mon esprit ne saisissait pas l’ampleur de ce qui l’attendait. Je le laissais procéder dans l’habitude naissante de voir ces mains tatouées palper mon corps sans pudeur. Peut-être que ce ne serait pas si terrible. Jusqu’à présent, mes craintes avaient excédé la réalité.
Du moins avant qu’il ne glisse ses doigts entre mes fesses.
Mon sang se glaça, et le temps stoppa sa course avec l’imminence de la foudre frappant le sol. Mon corps inerte s’activa, mu soudain par un instinct digne de la survie. Avant toute réflexion, mon poing venait de se refermer sur son poignet. Un cœur pouvait-il tambouriner dans la gorge ? L’anatomie n’avait plus de sens. La chambre était à l’envers.
Un silence s’étira. Pas assez long.
— Quelque chose ne va pas ?
C’était tellement pire que cela. Mes entrailles se liquéfiaient. Je ne sentais plus mon corps. Je ne faisais que savoir que je tremblais. Alors oui, on pouvait le dire : quelque chose n’allait pas.
— Ne me touchez pas ici, articulai-je sans comprendre par quel miracle.
— Je dois vous préparer, je ne vais pas vous prendre comme ça.
Il avait raison, et la douleur de cette perspective me ramena brutalement dans un corps endolori, crispé dans une souffrance impensable. Comment pouvais-je garder mon chaos pour moi ?
— Pourquoi devez-vous à ce point vouloir coucher avec moi ?
La révélation fébrile derrière cette question le perturba encore plus que moi. Il retira sa main de mes fesses pour enrouler son bras autour de mon ventre.
— Et pourquoi ne le devrais-je pas ?
Sa voix était chaude, douce comme du velours contre mon oreille.
— Parce que je suis handicapé. Comment voulez-vous que je couche avec qui que ce soit ?
Un silence flotta, réchauffé par ses paumes sur mon corps moite.
— Vous êtes le seul à vous enfermer dans une cage bâtie des barreaux du handicap. Vous avez oublié que vous étiez bien d’autres choses que cela, Salo. Vous êtes Conseiller…
Ses lèvres déposaient des baisers métalliques dans ma nuque.
— Vous êtes aussi un emmerdeur. Un homme d’une arrogance rare…
Ses bras m’attiraient contre son torse.
— Un crapaud, aussi. Et je suis persuadé que vous étiez déjà tout cela bien avant d’être handicapé.
Ma bouche tremblait à l’abri des regards. Elle avait un goût salé et apaisant.
— Alors vous ne nourrissez pas un fantasme sordide sur mon handicap ?
— Non, je nourris un fantasme sordide sur votre personne toute entière.
Cette réponse eut l’étrange pouvoir de dissiper une petite partie de ma peur. Juste un instant, je basculai la tête en arrière, contre son torse. Il était chaud, et lui n’était pas collant d’une sueur âcre. Je n’avais pas imaginé qu’un assassin pourrait se montrer aussi patient. Presque « thérapeutique », mais ce compliment n’était pas près de lui arriver aux oreilles. Je profitais un instant de sa tendresse, conscient qu’il fallait retourner au pire. Mes esprits vaguement retrouvés, je pouvais désormais réfléchir à une meilleure façon de procéder. Et il me semblait avoir une idée.
— Pourriez-vous m’aider à m’installer sur le dos ? Je préfèrerais me préparer moi-même.
— Vous voulez me priver de ce plaisir ? se lamenta-t-il dans un soupir théâtral.
— Je me passerais volontiers de subir le passage de vos doigts en plus de celui de votre sexe, répondis-je sèchement. Donnez-moi le lubrifiant et attendez sagement mon signal.
Le souffle tiède de son rire s’écrasa au creux de ma clavicule.
— C’est un plaisir de voir que vous avez retrouvé votre langue.
Ses bras passèrent sous mes aisselles pour me tirer en arrière et me permettre d’atteindre la position demandée. Mon dos rencontra la douceur de la soie, et je ne sus que faire de mes jambes. Je n’aimais pas devoir les placer de mes mains devant un spectateur. Je m’apprêtais à lui dire de se tourner à nouveau lorsque Finn s’assit entre mes pieds. Il accomplit l’exploit de positionner mes jambes sans souligner mon handicap. Il replia l’une d’elles en calant mon pied sous sa cuisse, et attrapa l’autre par la cheville pour la lever contre son torse. L’air de rien, il venait de dégager mon entrée pour me permettre de me préparer.
Sa langue s’écrasa sur mon mollet sans égard pour les affreuses cicatrices qui le cisaillaient. Je ne sus que penser du frisson qui me parcourut. Dégoût ? Peur ? Désir ? Je n’en avais aucune idée, mais il était évident qu’il ne me laissait pas indifférent.
— Avez-vous la mémoire courte au point d’oublier que je refuse que vous touchiez mes jambes ?
— J’ai consenti à les laisser en paix la dernière fois, mais je vous ai bien dit qu’il n’en serait pas toujours ainsi. Alors doigtez-vous et arrêtez de me gonfler.
Il me fourra la bouteille de lubrifiant dans la main, un air de défi dans le regard. Je baissai les yeux en jurant, vexé de ses paroles. Avec une dignité pleine de faux-semblants, je versai généreusement le liquide visqueux dans ma main. Le regard rivé au plafond, j’effleurai mon entrée du bout des doigts. Cela faisait si longtemps.
Et mon index passa l’entrée. J’étouffai un gémissement maladroit entre mes dents serrées, veillant à ne surtout pas croiser le regard le pervers qui ne manquait pas une miette du spectacle. Inutile de le voir pour deviner l’obsession qui brillait dans ses iris. Je la sentais dans la façon dont ses doigts comprimaient ma cheville, par sa mâchoire se fermant avec retenue sur ma jambe. Il se contenait, mais il brûlait d’impatience.
L’embarras de me doigter devant cet homme était immense, mais moins dérangeant que la peur de lui confier cette mission. Ici, je contrôlais la vitesse, la profondeur, le nombre de doigts que j’insérais. Nul doute que lui se serait amusé à me faire perdre la raison, et je ne voulais pas de cela. Il était assez difficile de redécouvrir un corps haï sans en rajouter.
Malgré l’angoisse, mes parois semblaient capables de se détendre, à force de va et vient. Un bras sur le visage pour voiler la honte, je poussai doucement un deuxième doigt à l’intérieur. Mon entrée se contractait dans un refus hésitant d’aller plus loin. Je me mordis la lèvre pour retenir les soupirs qui menaçaient de m’échapper. Je ne ferais pas ce plaisir au cinglé en train d’embrasser mes cicatrices.
Dans le silence, un bruit moite me fit louper un battement. Je levai à peine mon bras pour confirmer mes soupçons. Il était en train de se masturber. La chaleur grimpa à mes joues avec la violence d’une ébullition. Il creusait la tombe de ma gêne. Il me tirait du cercueil de l’abstinence. Mes doigts commençaient à claquer entre mes fesses, moins fiers que je ne l’étais. J’aimais ça. J’aimais qu’il se rassasie de cette vision.
Le plaisir parvenait à assouplir mes parois. Je me redressai sur les coudes, essoufflé.
— Montrez-moi votre verge, exigeai-je.
— Oui, Votre Altesse.
Il lâcha son sexe tendu avec une fierté absurde. Il était épais. Dans un grondement las, je me laissai tomber sur le dos et poussai un troisième doigt à l’intérieur.
Il souffla du nez.
— Je me passe de vos commentaires.
Il eut la politesse de se taire. Je m’astreignais à étirer mon entrée alors qu’il se masturbait de plus en plus vite. Lui ne retenait pas ses soupirs. Il prenait son pied et n’avait aucune gêne à le montrer. L’entendre savourer à ce point ma préparation avait quelque chose de profondément excitant. Je dus contenir l’envie de me cambrer en plus de gémir. Mon corps me remémorait les plaisirs qu’il était capable de me faire éprouver. Ceux qui étaient tombés dans les oubliettes depuis longtemps.
Lorsque mes doigts passaient mes parois dilatées sans mal, il fallut admettre que cette étape touchait à sa fin. Une montée d’angoisse balaya comme une tempête tout le plaisir que je venais de prendre.
Nous y étions.
Je quittai mes fesses en étouffant mes tremblements. Je voulus lui dire, que j’étais prêt. Mais aucun son ne franchit la barrière de ma bouche. Le bruit moite cessa. Il avait compris.
— Dans quelle position souhaitez-vous être ?
Sa prévenance me mettait en colère. S’il l’avait réellement été, il m’aurait dit que ce n’était pas si important. Que nous pouvions arrêter là, et qu’il tuerait Jinx sans contrepartie. Mais Finn Slickjaw n’était pas un bon samaritain.
— Je n’en sais rien, admis-je. Peut-être sur le ventre.
Il me surplomberait quoi qu’il advienne, cette position aurait au moins le mérite de m’empêcher de voir que j’étais écrasé par quelqu’un. Finn s’exécuta et me tourna ventre contre le matelas. Il plaça le traversin sous mes hanches pour redresser mes fesses dans une posture plus confortable.
Et mon cœur menaça d’exploser dans ma poitrine. Ma vue se brouillait. Mon souffle saccadait. Il allait me prendre. Quelqu’un allait rentrer en moi. J’étais dans ce lit, complètement à la merci d’un autre. Ma chambre se transforma en cage. Mes draps en piège. Les décombres étaient sur moi.
Une main sur mes fesses, l’autre agrippant ma taille. Il se plaçait entre mes jambes. Je sentais tout, mais je ne pouvais pas bouger. Me faire sauter, c’était comme subir une opération : anesthésié, mais éveillé. Je voulus déglutir, en vain. Ma gorge serrée n’admettait rien. Ni salive, ni air.
— Je vais y aller, Salo.
Le bout de son sexe se pressa contre mon entrée. Les larmes ruisselèrent sans un bruit. Dos à lui, il ne pouvait rien voir de mon désarroi. Il commença à pousser.
Il fallut qu’il aille jusque-là pour que je me réveille.
— Vanille !
Mon corps avait hurlé. Moi, je n’avais rien voulu dire, parce qu’il fallait bien y passer un jour. Parce que j’avais signé un contrat. A croire qu’il restait quelque part un vague instinct de préservation.
A ce mot, Finn cessa immédiatement. Il me retourna et découvrit le triste spectacle.
J’avais complètement débandé, et mon visage était couvert de larmes. J’étais pâle comme la mort, mes lèvres n’avaient rien à envier à la blancheur de mes joues. Je tremblais. Je cherchais mon souffle dans de longues goulées qui ne faisaient qu’accentuer le problème. Au mieux, j’avais l’impression de devenir fou. Au pire, de mourir. La seule performance pitoyable à laquelle il ne put assister fut celle des picotements qui déchiraient ma peau.
Il jura tout bas en me redressant, dos à la tête de lit. Il me saisit par les épaules, comme si sa prise avait le pouvoir de me retenir de sombrer.
— Tout va bien. Respirez, Salo !
Il ne pouvait dissimuler l’inquiétude dans sa voix. Son regard capturait le mien. Sentir la chaleur de sa prise me ramenait à la réalité.
Une réalité au demeurant bien misérable, pour un Conseiller. Même pas fichu de coucher avec quelqu’un.
— Bon sang… Je ne pensais pas que vous étiez si…
Si quoi ? Pitoyable ? Et pourtant. J’étais une véritable pointure dans l’art de la médiocrité. Mon souffle refusait de se calmer. La fraîcheur du bois dans mon dos trempé de sueur était ma planche de salut.
— … Je pensais que vous me désiriez aussi.
La déception transparaissait dans son timbre, aux côtés d’un autre sentiment plus étonnant. Ses épaules affaissées portaient le poids de la culpabilité.
— Ne vous en faîtes pas. Vous avez utilisé le mot de sécurité, vous pouvez décider d’arrêter tout mainten…
— Je ne suis pas un sombre imbécile incapable de mémoriser les termes d’un contrat, je sais ce qu’implique le mot de sécurité.
Contre toute attente, ma voix était revenue en même temps que ma mauvaise humeur. Finn me fixa avec des yeux ronds.
— Je n’ai pas demandé à arrêter l’ébat, mais cette position ne me convient pas. Vous allez vous allonger sur le dos et m’asseoir sur vous, que cela plaise à vos lubies de dominant ou pas.
Il cligna des yeux de la façon la plus stupide qui soit.
— Êtes-vous devenu sourd en plus d’être sot ? Vous commencez à cumuler un nombre de tares préoccupant.
Dans des mouvements d’une lenteur propre à la prudence, Finn m’attrapa par la taille comme une poupée de porcelaine sur le point de se briser. Il m’installa sur ses cuisses et bascula en arrière. Mes jambes se trouvaient désormais repliées sur elles-mêmes alors que je le dominais de ma hauteur.
Ma respiration tendait à se calmer. Dans cette position, je me sentais maître de mes mouvements. Je n’étais pas écrasé par des décombres imaginaires, ni pris au piège sous la coupe d’un autre. Du moins en apparence, mais le paraître était tout ce qui restait à ma vie misérable.
Je contemplais d’un air renfrogné son torse infusé d’encre noire. L’assassinat faisait donc partie de ces métiers qui entretenaient un corps en bonne santé. J’avais envie d’effleurer sa peau, de découvrir les sillons des muscles sous ses promesses. Cette toison qui courait jusqu’au bas de son ventre, je voulais y plonger les doigts. Mais rien ne pourrait me convaincre de témoigner à Finn Slickjaw l’intérêt qu’il éveillait chez moi. Du revers de la main, j’essuyais mes joues humides et lui décochai un regard plein de colère. Peut-être lui en voulais-je de me plaire même en pareilles circonstances. Les picotements se dissipaient.
— Aidez-moi à vous faire rentrer. Soulevez mes hanches et faîtes-moi descendre. Doucement, insistai-je.
— Vous savez que vous pouvez vous contenter de demander la fin de la séance ?
Il avait tenté. Ce qu’il voulait me dire depuis tout à l’heure était enfin sorti. Son ton avait eu le mérite d’être hésitant ; cela ne lui épargna pas ma fureur. Une fureur au demeurant cathartique.
— Lorsque j’aurais besoin de vos avis éclairés sur la façon de lire un contrat, je ne manquerais pas de faire appel à vous. J’ai perdu mes jambes, pas mon intellect. Quoique, cela doit être difficile à se représenter pour un imbécile comme vous n’ayant jamais disposé de ce genre de qualité. Maintenant, avez-vous une quelconque expérience en matière de sexe ou faut-il là aussi combler vos lacunes ? A l’aide d’un dessin, peut-être ?
Son pouce effleura ma lèvre, encore tremblante d’une faiblesse mal tue. Il me dévorait du regard avec une sérénité en décalage avec le chaos de notre étreinte.
— Je suis certain qu’il vous ira à merveille.
— Est-ce que j’assiste aux élucubrations d’un aliéné ou avez-vous l’intention d’éclaircir votre propos ?
— Le bâillon, il vous ira à merveille. Je me demande à quoi vous ressemblerez une fois privé de votre arme favorite.
Dans un stupide réflexe, je serrai les dents, veillant à ce que Finn ne puisse fourrer ce bâillon imaginaire là où il était en train de le fantasmer. Il me contempla avec douceur, et je sus qu’il le ferait. Un jour. Un incendie se déclencha dans mon ventre, impitoyable et chaotique.
— Quand vous aurez terminé de vous perdre dans vos fantaisies, je vous propose d’en revenir à nos moutons. Si vous aviez l’amabilité de me faire descendre lentement sur votre sexe…
Je saisis sa verge entre mes doigts et la dressai tête vers le haut. Son visage fondit de délice à ce simple toucher. Ce meurtrier prenait vraiment son pied à se trouver au lit avec moi, pour des raisons qui m’échappaient.
— A vos ordres, Conseiller crapaud.
Je décidai que le silence serait pour une fois une réponse à la hauteur de mon mépris. Il passa ses deux mains de chaque côté de mes hanches et me souleva avec une facilité agaçante. Le cœur battant à toute allure, je plaçai son gland contre mon entrée lubrifiée. Il ne restait plus que le plus difficile : lui faire confiance pour obéir. C’était secoué de tremblements que je hochai la tête pour lui donner le signal de départ. Et il laissa descendre mon bassin. Juste un peu.
J’étouffai un cri. Son sexe se frayait un chemin entre mes parois. En moi. Là où, jusqu’à l’arrivée de mes doigts un peu plus tôt, rien n’était venu se loger depuis des années. La sensation était familière et le plaisir incontestable. Je m’étais suffisamment préparé pour ne pas en souffrir. Pourtant, l’intensité de la pénétration dépassait toujours mes souvenirs. Cette fois-ci ne dérogeait pas à la règle, peut-être bien au contraire.
— Oh, bon sang… Vous êtes incroyable…
Ses doigts crispés s’enfoncèrent dans la tendresse de ma peau. Les mains plaquées sur son ventre, j’assurai tant bien que mal une descente douce, au cas où cet imbécile ait l’idée de me lâcher.
Mais il ne le fit pas. Il me faisait glisser par étape sur son membre, attentif au peu de réactions que je laissais entrevoir. Il ne manquait pas de s’assurer que je m’habituais aux sensations avant de me laisser m’enfoncer un peu plus. Ainsi, ce fut sans larmes et gorgé de plaisir que je me posais enfin sur son pubis de tout mon poids. Une fois n’était pas coutume, mon souffle court était étranger à la panique.
J’avais chaud, et c’était agréable. Même mon érection commençait timidement à revenir dans cette position rassurante. Et Finn commença à bouger. Mon cri avait le ton de la peur.
— Stop !
Il s’arrêta sans négocier.
— Je vous défends d’agiter cette chose en moi.
— Sauf votre respect, Monsieur le Conseiller, je vois mal comment nous allons procéder si vous refusez que je bouge, souligna-t-il d’un air circonspect.
Je ravalai des larmes d’impuissance avec une triste habitude. Oui, cette position était très sympathique pour quelqu’un disposant de l’usage de ses jambes. Mais moi, comment allais-je faire si je ne voulais pas qu’il prenne le contrôle ?
— Fermez-la, ce sera déjà beaucoup. J’espère que vos abdos sont aussi solides qu’ils en ont l’air.
Je plaçai mes paumes sur son ventre, le cœur battant. Mes bras avaient pris le relai de ce corps impotent, peut-être pouvaient-ils le faire à nouveau. Je poussai sur ses muscles contractés et soulevai mes hanches, puis les laissai tomber. Un gémissement m’échappa lorsque son sexe frappa au fond de moi. Il résonna à la perfection avec le sien. Dans ses yeux, se lisait une admiration étonnée. Sans le savoir – et jamais je ne le lui dirais – il gonfla de ce simple éclat ma confiance en moi.
Je recommençai mon manège. Une fois, deux fois. Et il fut si bon de retrouver mon corps sur celui d’un amant éprouvé. J’étais capable de mener une danser érotique en contournant mon handicap. Plus encore, je pus explorer. Lorsque mes bras se mirent à me brûler de fatigue, je restai installé sur son érection et découvris que je pouvais rouler des hanches. Elles n’avaient pas été brisées, elles. Les mains de Finn au bas de mon dos m’empêchaient de perdre l’équilibre pendant ces mouvements lascifs.
— Putain… Vous allez me faire jouir. C’est une torture de ne pas pouvoir bouger, sachez-le…
— Je me contrefiche de vos jérémiades.
Il grondait, le corps tendu, prêt à s’offrir aux mains de l’extase. Derrière ma causticité, il y avait l’orgueil. Celui d’être capable d’amener cet homme à ce point exact. Le seul qui m’octroyait la dignité nécessaire pour ignorer l’érection douloureuse entre mes cuisses, celle que je ne pouvais pas toucher sans altérer ma fierté.
Malgré moi, je dégustais ses expressions. Je savourais la façon dont son visage se tordait quand je le faisais taper au plus profond de mon ventre pour ensuite l’emporter dans un roulement aux apparences maîtrisées. L’habitude revenait, et la technique avec. Ce n’était plus aussi simple, plus aussi fluide, mais c’était foutrement bon.
Il était sur le point de jouir, son sexe palpitait en moi. Enorgueilli de ce que je considérais un exploit, mon humeur se fit provocante. Je dominais. Il n’avait que le droit d’obéir, car j’avais utilisé le mot de sécurité. Une de mes mains quitta son ventre pour atteindre son cou. Sa pomme d’Adam formait une bosse sous ma paume, sa gorge se contractait au passage d’un souffle erratique, à deux doigts de lâcher prise. Ce fut l’instant que je choisis pour resserrer la mienne.
Alors, son regard resterait gravé dans ma mémoire. Cet homme à ma merci, dont je tenais l’orgasme entre les doigts et la gorge dans la main. Je la vis, sa passion pour moi. Elle se décupla.
— Est-ce de cette manière que vous affectionnez la strangulation, Finn ?
Dans un râle primitif, il éjacula. Ses mains se fermèrent si fort sur mes fesses que je sus qu’il y laisserait son empreinte. La brûlure m’assura que j’avais accompli mon œuvre. Et moi, je le contemplais, fasciné par cet homme insaisissable.
Lorsque les spasmes s’espacèrent, il se redressa, et sa mâchoire fondit sur ma clavicule. L’aimait-il tant pour la dévorer ainsi ? Je me laissai aller contre lui, savourant quelques secondes de son contact avant de clore notre rencontre.
Je poussai un soupir trop aigu lorsque sa main se ferma sur mon membre. J’en avais oublié combien j’étais excité.
— Lâchez-moi, je ne vous ai rien demandé, exigeai-je en attrapant son poignet.
— Avant que vous ne preniez une décision hâtive, je me permets de vous rappeler que vous n’avez pas le droit de vous masturber en mon absence. Vous pouvez me laisser faire maintenant ou devoir supporter cette frustration jusqu’à notre prochaine rencontre. Que préférez-vous, Salo ?
Sa voix doucereuse recelait une menace aux notes de vérité. Il n’y avait pas de choix à faire, car l’une des options n’était en rien soutenable. Ce fut les lèvres pincées que je lui répondis.
— Tâchez d’être bref.
Je commençai à le repousser pour séparer nos corps. Il n’y consentit pas. Finn me garda fermement contre lui, une main au bas de mon dos.
— Il est hors de question que je ne savoure pas votre cul en train de se contracter sur moi pendant que vous jouirez. Laissez-vous aller, pour une fois.
Sa main pressa ma verge, et il débuta des va et vient effrénés. J’aurais voulu lui dire de ralentir, mais je n’en fis rien. Mon corps s’agitait contre lui, son sexe toujours logé entre mes parois. J’avais envie de hurler. De le repousser. De l’embrasser. De l’insulter. Finn Slickjaw me jetait dans un panel de sentiments qui n’avaient de cohérent que leur puissance.
Trop vite, mon corps me trahit. Il obtint exactement ce qu’il voulait. Je me crispai dans les vagues de l’orgasme, serrant son sexe avec reconnaissance. Il en soupira de contentement.
Petit à petit, le calme revint, plus solide que jamais. C’était insensé comme un orgasme impétueux pouvait laisser derrière lui telle sérénité. Je ne me souvenais pas de la dernière fois que mes muscles furent si détendus. Même mes jambes ne semblaient plus disposées à me faire souffrir. Je me sentais bien, ni plus, ni moins. La mâchoire métallique de Finn déposait des baisers humides sur mon épaule brûlante.
— Je vais vous aider à vous nettoyer, souffla-t-il avec tendresse.
J’attrapai son visage par la mâchoire et le redressai face au mien, encore hagard et décoiffé.
— Disparaissez de ma vue.
Mon ton n’avait souffert aucune hostilité. C’était un ordre simple, qui fixait mes limites. Finn faisait preuve d’une certaine perspicacité quand il s’agissait de comprendre s’il pouvait insister ou non.
Il n’insista pas. Il me souleva dans des gestes précautionneux pour me poser sur le lit, et enfila ses vêtements avant de quitter ma chambre. Lorsque la porte d’entrée claqua, je sus qu’il était parti. Alors, seulement, je me laissai tomber dans la soie de mes draps souillés. Étourdi et éprouvé, je sus que je serais incapable d’aller jusqu’à la salle de bains. Le reste devrait atteindre demain.
Je m’abandonnais aux bras d’un sommeil sans rêve.
Notes:
L'obsession pour ce ship perdure, j'adore explorer leur dynamique et la façon dont Salo doit se réapproprier un corps brisé.
En espérant que mes 3 lecteurices ont apprécié le moment hahahah
Chapter Text
Les poings de Kirramman frappèrent la table dans une rage propre à l’échec. Dressée hors de son fauteuil, elle qui jouissait du luxe de la mobilité, elle planta des yeux plissés dans les miens. Elle n’y trouva que du mépris, dans un joli écrin de pitié.
— Je vous dis qu’elle était là !
Je chassai d’une main lasse ses explications.
— Je vous accorde volontiers que « quelqu’un » était là, mais comment sauriez-vous qu’il s’agissait de Jinx ?
— Ce sont ses techniques. Elle se cache, se faufile. Elle a créé une diversion que seule une personne connaissant les lieux aurait pu réaliser.
— Vous plaisantez, j’espère ? ironisai-je. Ce sont là vos arguments pour assurer que vous avez croisé l’ennemie numéro un de Piltover ? Celle qui n’a pas été aperçue depuis des années ? S’il vous plaît.
— Cait… La Conseillère Kirramman connaît sa cible. Cela vous coûte-t-il tant de faire preuve d’un peu de respect pour son travail ? intervint Talis.
Entendre la voix de ce parvenu me faisait immanquablement bouillir. Un fils de forgeron à la table du Conseil. Piltover était tombé bien bas.
— Oh, comme c’est touchant, vous prenez la défense de votre amie d’enfance. Mais je suis curieux, Conseiller Talis. Intervenez-vous car vous vous pensez plus malin qu’elle ou car vous vous estimez plus à même de défendre ses projets en votre qualité de « l’homme du progrès » ?
— Comment ? C’est sans rapport avec…
— Je n’ai pas besoin de votre aide pour me défendre, Conseiller Talis, coupa Kirramman sans me quitter des yeux. Néanmoins, vous dîtes vrai sur un point. Je traque cette cible depuis bien assez longtemps pour en connaître ses habitudes.
— Ca, pour connaître la cible, je ne peux vous donner tort. Votre ancienne belle-sœur, si je ne m’abuse ?
Ce fut presque imperceptible, la façon dont son buste s’avança de quelques centimètres en ma direction. En cet instant, Si Caitlyn Kirramman n’avait pas été retenue par l’humanité qui nous différenciait des bêtes, elle se serait jetée sur moi toutes griffes dehors. Moi, je n’avais pas bougé d’un pouce. Les instincts animaux étaient un souvenir lointain pour quelqu’un qui baignait dans les hautes sphères depuis si longtemps.
Au contraire, je me redressai dans mon fauteuil, la tête haute.
— Conseillère Kirramman, pouvez-vous affirmer ici devant nous toutes et tous que votre affection supposée révolue pour la sœur de celle qui a tué votre mère ne vous empêche pas d’accomplir votre mission ? Car si c’était le cas, j’aimerais en être informé pour cesser de vider les caisses des aristocrates pour vos projets incertains.
Elle ne répondit pas tout de suite. Aucune hésitation ne faisait vaciller son regard. Je sus qu’elle voulait tuer Jinx, peut-être plus encore que moi. Elle formula une réponse qui n’éclaira que les ignares.
— Je ne connaîtrais la paix que lorsque j’aurais logé une balle entre les yeux de cette pourriture.
Je me réinstallai contre mon dossier. Les autres Conseillers et Conseillères auraient aussi bien pu disparaître de la salle. Satisfait de sa réponse, je cessai mes provocations.
— Je propose que nous mettions fin à la réunion pour aujourd’hui, dit Shoola. Il est tard et nous sommes tous fatigués. Nous n’attraperons pas Jinx ce soir, de toute manière. Merci pour votre rapport, Kirramman. A demain.
Dans une tension muette, tout le monde se leva. Talis me jeta un regard réprobateur qui glissa sur mon indifférence. Shoola fut la dernière à quitter son siège. Elle fit volte-face, prise d’un doute.
— Vous ne partez pas ? Avez-vous besoin d’aide pour regagner vos appartements ?
— Je voudrais remettre de l’ordre dans quelques documents. Je fermerai en partant. Bonne nuit, Shoola.
— A vous aussi, Salo.
Sur ces mots, elle quitta la pièce avec la dignité d’une Conseillère véritable. Elle faisait partie des personnes ayant gagné mon respect. Shoola avait traversé l’attentat, y avait survécu, et y perdit une partie d’elle également. Son coût nous avait unis.
La porte se ferma. Je posai la pile de documents tassés sur la table.
— Il me semble vous avoir convoqué à me rejoindre après la réunion du Conseil. Je ne me souviens pas vous avoir invité à y assister.
Derrière l’un des piliers se dégagea une silhouette encapuchonnée. Le tissu tomba sur ses épaules, il dévoila de longs cheveux bruns détachés qui encadraient un visage tatoué. C’était la première fois que je le voyais les cheveux lâchés. Cela lui allait bien. Et ce constat m’irrita d’emblée.
— Que voulez-vous, vous me manquiez déjà.
Je claquai de la langue avec dédain.
— Trêve de plaisanterie, voulez-vous ? Je ne vous ai pas fait venir pour me distraire.
Le pas de ses rangers résonna en écho jusqu’à ce qu’il s’asseye sur le bord de la table.
— Vous n’avez aucun savoir-vivre, je dois vous reconnaître une constance dans ce domaine, soulignai-je en désignant son fessier d’un signe de tête.
— Vos compliments me vont droit au cœur.
Je levai les yeux au ciel, sachant qu’il était inutile d’essayer de lui faire entendre raison. Son regard brûlait ma peau. Il fixait ma nuque avec un désir qu’il ne cherchait même pas à dissimuler.
— Je vous prierais de garder vos désirs dans votre pantalon. Je ne vous ai pas fait mander pour cela.
— Et c’est regrettable. Je dois admettre avoir quelques inquiétudes, Salo. Avez-vous une quelconque attirance pour Talis et Kirramman ?
Je fronçai les sourcils, méfiant.
— Êtes-vous devenu sourd en plus d’être rustre ? Vous avez assisté à nos échanges.
— C’est justement parce que j’ai tout entendu que j’ai des doutes. Votre langue leur livre la même tendresse que celle que vous me réservez au lit. Je vais devenir jaloux.
Derrière le masque de froideur, mon cœur s’emballa à ses mots. Il savait exactement comment me dérouter.
— Si vous avez fini vos enfantillages, j’ai à vous parler. En dehors de votre obsession maladive pour ma personne, je vous rappelle que vous avez une mission à accomplir. J’attends votre rapport.
Sa paume se posa sur ma joue alors qu’il posait sur moi un regard affamé.
— Puis-je vous rendre mon rapport en vous sautant sur la table du Conseil ?
Je frappai dans son poignet sans ciller. Il n’obtint aucune réponse à sa question. Elle n’en valait pas la peine.
— Quel dommage, soupira-t-il. Kirramman avait raison, Jinx se trouvait bien dans cette garçonnière quand les pacifieurs sont intervenus.
Un sursaut éveilla tous mes sens.
— Êtes-vous certain de ce que vous avancez ?
— Absolument. Contrairement aux Piltoviens, je l’ai vue de mes propres yeux. Ils ont débusqué l’anguille, et je l’ai aperçue à la sortie de sa tannière.
Je n’y tins plus. Je ne pus retenir la main qui s’empara du col de Finn, ni la force avec laquelle je le tirai vers moi pour le faire tomber de son piédestal de nonchalance. Il ne s’y attendit pas. Son genou percuta l’accoudoir de Medarda. Sa chute au sol fut lamentable. La fureur vrombissait dans ma voix.
— Et puis-je savoir par quel prodige vous vous présentez ici sans m’offrir sa tête ? articulai-je lentement.
Finn ne se laissa pas dompter. Seule la surprise m’avait octroyé un avantage sur cet homme. Il frappa dans ma main avant de se lever d’un bond. Ses doigts encerclèrent ma gorge alors qu’il me plaquait dans mon fauteuil. Une étincelle meurtrière brillait derrière ses iris fendues.
C’était la première fois que je le voyais en colère. Ma respiration passait difficilement dans ma gorge comprimée. Je voulus le faire lâcher, mes ongles plantés dans sa peau. Il ne grimaça même pas.
— Je vous connais plus malin que cela, Salo. Je suis votre employé, pas votre larbin. Ne vous avisez pas de recommencer ce petit jeu si vous tenez à la vie.
Il laissa un silence planer pour appuyer ses propos, et ne relâcha sa prise que parce qu’il le décida. Les traces sanglantes de mes ongles sur son bras n’y étaient pour rien. L’orgueil retint la toux qui m’aurait soulagé.
— Je veux la mort de Jinx depuis des années, je ne l’ai pas laissé filer de gaieté de cœur.
Il sortit un briquet doré et s’alluma une cigarette. J’aurais voulu protester, craignant qu’il laisse l’odeur du tabac dans la salle du Conseil. Mais je n’étais pas certain de pouvoir parler d’une voix assurée. Il souffla une bouffée rosâtre qui paressa à ses côtés.
— Avant de s’attaquer à une proie difficile, il est plus sage d’observer son fonctionnement. Jinx est chaotique, mais prudente. Elle a de nombreux ennemis. Smeech et ses hommes ont essayé de lui tomber dessus, et cela m’a appris quelque chose de très intéressant. Notre cible s’est trouvé une alliée de taille. Une personne persuadée que je suis mort depuis longtemps.
— N’est-ce pas le cas de tous ?
Il sourit sans joie avant de tirer à nouveau sur sa cigarette.
— Elle plus que les autres. Sevika est celle qui a bien failli prendre ma vie. Elle m’a tranché la gorge elle-même il y a cinq ans, quand j’ai voulu monter les chembarons contre Silco.
Il tapota la large cicatrice qui balafrait son cou en guise d’explication.
— Comment avez-vous survécu à ça ?
— Votre intérêt me touche, Salo. Mais nous ne sommes pas assez intimes pour que je commence à vous confier mon histoire. Attendons au moins que je vous baise à quatre pattes pour ça.
L’image me retourna le ventre. De la peur d’être ainsi possédé par cet homme. Et du désir de le sentir à nouveau en moi. Je rejetai en bloc ces sentiments sans pouvoir ignorer le point auquel ils me troublaient.
— Donc, vous avez perdu sa trace.
— Oui et non. Il y avait trop d’inconnues dans l’équation pour me lancer à sa poursuite, en effet. Mais si Jinx est introuvable, ce n’est pas le cas de Sevika. Elles n’ont laissé aucun survivant du côté de Smeech. Je suis donc officiellement la seule personne encore en vie à savoir qu’elles sont alliées. Sevika me mènera à elle, qu’elle le veuille ou non.
Les nouvelles n’étaient pas aussi bonnes que je l’avais espéré, néanmoins apercevoir Jinx pour la première fois constituait une avancée déjà considérable. Il faudrait m’armer de patience. Après tout, le contrat sur la tête de cette ordure de Zaun courait pour trois mois, et à peine plus de deux semaines s’étaient écoulées. Finn semblait savoir ce qu’il faisait. Il ne s’était pas bêtement jeté dans la gueule du loup. Il parvenait à associer prudence et efficacité. Après tout, la tête des Slickjaws ne lui était pas revenue par hasard, et était encore moins restée si longtemps entre ses mains sans bonne raison. Sa position lui avait échappée sur un mauvais coup de poker dont il semblait avoir tiré la leçon.
— Bien. Je vous remercie pour votre rapport, vous pouvez disposer.
Finn écrasa le mégot de sa cigarette sous la semelle de sa ranger avant de le poser sur la table. Il plaqua ses deux paumes sur mes accoudoirs et se pencha en avant, un air lubrique étirant son sourire.
— Et si je profitais d’être déjà là pour joindre l’utile à l’agréable ?
— Encore une fois, je ne vous ai pas convoqué pour satisfaire vos pulsions animales. Au cas où vous n’auriez pas saisi la subtilité, je vous congédiais poliment.
— Laissez-moi vous proposer un marché qui pourrait vous intéresser, avant de faire votre tête de mule.
Cet imbécile prit le soin de ne pas dévoiler immédiatement ses cartes. Il savait que je voudrais savoir, et en me plaçant en position de curieux, il s’assurait déjà une victoire partielle. Il naviguait sur les flots de la pragmatique avec beaucoup plus de talent que ne laissaient paraître ses apparences de voyou.
— Assez avec le suspense et dîtes-moi ce que vous avez en tête.
Il sourit, satisfait d’avoir remporté la manche.
— Je peux vous baiser deux fois cette semaine, et j’ai bien l’intention de… comment disiez-vous, déjà ? Ah, oui. J’ai bien l’intention « d’agiter cette chose » en vous, Salo. Et de vous faire gémir à vous en érailler la voix. Mais vous pourriez n’y passer qu’une fois, si vous consentez à me laisser profiter de vous ici et maintenant. Sans vous pénétrer.
Je pouvais retenir mes tremblements ; je ne pus le faire avec ma pâleur. L’idée que cet homme s’amuse à éprouver mon corps avait quelque chose de terrifiant. Et lui attendait ma réponse, comme s’il avait le moindre doute. La vérité, c’était qu’il voulait m’entendre le dire. Je ne lui ferais pas le plaisir d’admettre une défaite sans bataille.
Je claquai des doigts à deux reprises devant son visage, adoptant un air concerné.
— Vous semblez pourtant bien conscient. Peut-être devriez-vous vous allonger.
Son sourire redoubla. Il se régalait de ma résistance.
— Pour que vous puissiez me chevaucher ? C’est une proposition qui ne se refuse pas.
— Votre propension à vous perdre en pleine rêverie devient inquiétante. Vous ne pouvez pas sérieusement croire que je vais accepter de laisser libre cours à votre débauche ici et maintenant.
Il poussa un soupir exagéré et se redressa avec la lenteur de la déception.
— Tant pis. Je me contenterais de votre chambre. Je passerai demain, si cela vous convient.
Il fit volte-face. Lorsque la main se referma sur son poignet, il fut évident qu’il avait gagné avant même d’avoir commencé. Je n’eus pas la couardise de baisser les yeux, même si la honte me suppliait de le faire. Les crapauds n’abandonnaient pas sans orgueil. Finn, lui, affichait un air victorieux.
— Vous pourriez éviter ce sourire stupide, pestai-je.
— Vous avez changé d’avis ?
— Vous saviez très bien que je ne refuserais pas une opportunité d’éviter que vous agitiez cette chose en moi, repris-je dans les termes qui l’amusaient tant. Dîtes-moi ce que vous voulez, que j’estime si votre esprit tordu est capable d’imaginer pire encore que ce que je voudrais éviter.
— Je veux vous sucer sur cette table.
Il parvint à fendre mon masque de surprise. C’était tout ? Je le détaillais avec une méfiance justifiée.
— Où est le piège ?
— Le piège ? Je veux faire de vous ce qu’il me plaît. Et ce qui me plairait ce soir, c’est de vous sucer. Il n’y a pas de piège.
— Et cela doit impérativement se faire dans cette salle ?
— Cela doit impérativement se faire sur cette table.
Je marquai une courte hésitation devant sa mâchoire mécanique.
— Vous avez l’intention de me faire mal ?
— Rien de tel, assura-t-il. Pas dans l’immédiat, vous êtes une petite chose encore si prude et fragile.
— Face à un rustre détraqué, nous obtenons un certain équilibre, vous devez l’admettre, rétorquai-je.
— Ah… vous m’aimez encore plus que Talis et Kirramman. Me voilà rassuré.
— Fermez-la et faîtes ce que vous avez prévu. Cela aura au moins le mérite de vous faire taire.
Sa main effleura avec une tendresse déplacée la ligne de ma mâchoire.
— Vous n’imaginez pas comme il me tarde de vous punir pour tous ces manquements. Continuez comme ça, ma récompense n’en sera que plus savoureuse.
Son pouce caressa mes lèvres closes, comme si ne rien répondre à ces menaces pouvait effacer tout le sarcasme qui l’avait suriné jusqu’à aujourd’hui. Devant mon silence, il glissa ses bras autour de ma taille. Il ne précipitait pas ses mouvements, certains auraient même pu croire qu’il s’assurait que je me sente prêt à son contact. Finn me souleva et m’assit en bordure de la table. Il s’agenouilla devant moi sans y perdre sa dignité.
Il défit les lacets de mes bottes. Un à un, mes vêtements coulissaient le long de mes jambes paralysées. Il prenait son temps non pas pour me préserver, mais pour savourer chaque instant. Je le savais à la façon dont la pulpe de ses doigts touchait ma peau. A l’intensité du regard qu’il posait dans le mien. Il était à mes pieds, peut-être bien dans tous les sens du terme. Je laissai tomber la veste aux lourdes épaulettes qui ne faisait que m’encombrer.
— C’est la première fois que vous me laissez vous déshabiller.
Et c’était la première fois que je ne tremblais pas de me retrouver presque nu devant quelqu’un. Le vin ne pouvait même pas être remercié pour ce miracle. Il fallait le reconnaître : Finn avait bouleversé l’essence de ma terreur.
Je glissai une main dans ses cheveux détachés. Ils étaient frais, encore un peu humides. Il y avait une forme d’intimité insoupçonnée à caresser les cheveux tout juste lavés d’un amant. Une intimité qui me plut beaucoup.
— Attendez-vous que je vous décerne une médaille pour cela ?
Il sourit. Le regard planté dans le mien et les dents prêtes à faire de même dans ma cuisse. J’eus à peine un frisson d’appréhension, vite dissipé. Finn Slickjaw n’avait à aucun moment transgressé les règles de notre contrat. Nous avions convenu qu’il ne fasse aucun mal à mes jambes, et je savais maintenant qu’il respecterait cette clause. Il se contenta de déposer une ligne de baisers jusqu’à mon entrejambe.
Sa langue fendue glissa de la base de mon sexe jusqu’à la pointe. Je contins un soupir sans pouvoir faire de même avec mes orteils crispés d’impatience. Non pas qu’il y prêta attention, l’esprit happé par d’autres obsessions.
— Dire que vous bandez déjà alors que je n’ai pas commencé, murmura-t-il dans un sourire carnassier. Est-ce que vous commenceriez à prendre goût à nos rendez-vous, Conseiller Salo ?
— Vous manquez d’ambition, Finn. Quitte à vous bercer d’illusions, ne préférez-vous pas croire que je sois tombé fou d’amour pour vous ?
Ce n’était pas un retournement auquel il s’était attendu. Son assurance vacilla comme une frêle bougie sous les bourrasques de l’ironie. Je savourais les rides décontenancées de son visage sans lui accorder une quelconque explication. Au contraire, le laisser baigner dans l’incertitude la plus totale me ravissait. Je basculai en arrière, mon dos entra en contact avec le métal froid de l’engrenage.
Il reprit ses esprits en même temps qu’il engouffra mon sexe dans sa bouche. Si sa mâchoire effrayait de prime abord, il savait en réalité s’y adapter. Il ne faisait jamais qu’effleurer mes parties les plus sensibles du métal de ses dents. Finn me bloquait entre sa langue et son palais. Et, au vu du plaisir qu’il parvenait à prodiguer, ce n’était pas son coup d’essai. J’avais cru me tordre d’inconfort ; il me cambra d’extase. Quelque chose me disait qu’il détenait cette mâchoire depuis bien plus longtemps que je ne l’avais pensé.
— Vous êtes plus habile que le suggèrent les apparences, admis-je entre deux soupirs.
Il se contenta de souffler du nez avant de m’enlacer de plus belle dans la moiteur de sa bouche. Sa langue fendue donnait une toute nouvelle dimension à l’art de la fellation. Il coordonnait comme bon lui semblait l’usage de chaque moitié, emprisonnant dans un ballet dépravé mon membre de sa dextérité. Je voulais contenir l’expression de mon plaisir, ne pas lui faire la fleur de flatter son égo déjà trop développé.
Mais c’était peine perdue. Je n’eus d’autre choix que de retenir mes gémissements d’une main plaquée sur ma bouche, une stratégie radicale qui témoignait un peu trop bien de l’efficacité de la technique de cet homme. Il n’en dit rien, bien qu’il n’en manquât pas une miette.
C’était un combat. Ne pas céder à la luxure qui voulait m’engloutir était une bataille perdue d’avance. J’avais la volonté de la mener à son terme, qu’importait son issue inexorable. Finn Slickjaw se trouverait bientôt en difficulté, incapable de faire une aspiration avec cette prothèse. Il devrait bientôt lâcher mon sexe pour avaler sa salive, et je pourrais me saisir de ces répits pour gagner du terrain.
Du moins, ce fut ce que la naïveté murmura à l’oreille d’Allira Salo. Un piètre mensonge. Car, lorsque Finn lâcha effectivement sa prise, il cracha sa salive sur mon sexe. Je sentais sa tiédeur dégouliner sur ma longueur, jusqu’à mes testicules. Et il me reprit de plus belle, comme si de rien n’était. Il recommença, encore et encore. Il n’avait aucun besoin d’avaler sa salive, il se contentait d’en couvrir mon entrejambe. Je brûlais face à telle décadence.
— N’en crachez pas autant, articulai-je péniblement. Vous en mettez partout, Finn…
Il me lâcha à nouveau et s’empressa de désobéir à ma demande. Les paumes de ses mains passèrent sous mes cuisses, et il releva mes jambes en l’air pour écraser sa langue contre mes fesses déjà trempées. Je poussai un cri au croisement du désespoir et de l’extase. Je le saisis par les cheveux, cherchant à me défendre contre ce qui se rapprochait d’un assaut.
— Vous aviez parlé… d’une fellation, protestai-je d’une voix fébrile. Laissez mes fesses tranquilles…
Ses doigts s’enfoncèrent dans la chair tendre de mes cuisses. Ma défense incertaine était noyée dans la salive qui s’écrasait sur la table.
— C’est vous qui allez rester tranquille, Salo. Je n’écouterais que le mot de sécurité. Tant que vous ne l’utilisez pas, j’ai bien l’intention de vous dévorer de la manière qui me plaît.
Il m’avala alors si loin que mon gland tapa au fond de sa bouche, ses lèvres plaquées contre mon pubis. Cette fois-ci, je ne pus retenir un cri. Je me voûtai, perdu entre ses mains. Mes doigts ne tiraient plus ses cheveux, ils s’y raccrochaient. Leur poigne se teintait d’une note de supplication.
Et je ne prononçai pas le fameux mot.
Je me laissai à nouveau tomber, savourant avec honte la fellation la plus dépravée qu’il m’ait été donné de recevoir. Et qu’elle était exquise. Le masque tombait. Je perdais le contrôle, ou plutôt je le lui offrais pour la toute première fois. Je le laissais écraser sa langue contre mon entrée, prendre mes bourses entre ses lèvres, enrouler mon membre de sa salive. Je n’envisageais même plus de le repousser, alors qu’il me tenait les jambes en l’air, là où se poursuivraient dès demain les réunions du Conseil. Le son moite et visqueux sur la table de Medarda ne risquait pas de quitter mes songes de sitôt.
Avec une lenteur débarrassée de tout compromis, il enfonça deux doigts en moi. Je me redressai sur les coudes dans un cri de surprise, la main fermement serrée dans ses cheveux sombres. Dans le brouillard de la luxure, je lui adressai un regard outré. Lui qui me prenait si bien au fond de sa bouche. Sa mâchoire mécanique brillait d’une couche collante, elle tirait des filets translucides jusqu’à mes cuisses. Je voulus protester contre ses doigts étirant mes parois. Douloureux. Délicieux. Les mots qui sortirent furent tout autre.
— Vous êtes un complètement cinglé, soufflai-je dans un brin d’admiration.
Pour toute réponse, il lâcha mon sexe pour y cracher une nouvelle fois l’excédent. Ses doigts claquaient dans un rythme obscène et collants contre mes fesses. Un ploc régulier assurait que sa salive coulait désormais jusqu’au sol.
— Pour vous, je pourrais être beaucoup de choses.
A l’intérieur, il fit pression vers l’avant. Je poussai un nouveau gémissement, saisi de spasmes. Il allait me faire jouir. Dans les apparences chaotiques de sa méthode, Finn savait exactement ce qu’il faisait. Il massait ma prostate en reprenait mon sexe en bouche. Il tenait les commandes de mon corps avec une expertise que le patron de bordel que j’étais se devait de saluer.
Sa main claqua contre mes fesses. Et je fus le premier surpris à ne plus m’offusquer de ce geste. Finn agitait quelque chose en moi, et je ne paniquais pas. C’était à n’y rien comprendre. Cet homme me doigtait sans scrupule, et j’étais secoué de soubresauts qui annonçaient mon orgasme. Lui qui m’avait fait signer un contrat plus que controversé s’était octroyé ma confiance, car aucun autre miracle n’aurait pu me pousser à accepter qu’il tienne ainsi mes cuisses pendant qu’il s’accaparait mon corps comme bon lui semblait. Il tenait mon plaisir entre ses mains, et je ne voyais aucune autre option que le laisser s’en saisir.
— Finn… Je vais jouir…
Il ne se retira pas. Bien au contraire, il me prit au fond de sa bouche Sa langue redoubla d’efforts pour me rendre fou. Ses doigts partageaient ce projet. Sa main claquait dans l’écho d’une pièce plus si solennelle. Les vagues se rapprochèrent, et le tsunami m’emporta dans ses tréfonds. Je jouissais. Directement sur sa langue. Et lui ?
Il gémit de plaisir. Il prit ma semence dans sa bouche, la dégusta comme s’il s’agissait là du met le plus savoureux qu’il goûtait depuis des lustres. Il n’en perdit pas une goutte, et pourtant dieu savait que ma verge dégoulinait. Mon corps était secoué des rémanences de la jouissance. Depuis mon bas ventre jusqu’aux quelques orteils qui avaient encore le loisir de se contracter.
Finn se redressa d’un seul coup. Mes jambes retombèrent de chaque côté de son corps, privées de leur support. Il passa une main à l’arrière de mon crâne et me redressa face à lui, assis. Il baissa son pantalon et son sous-vêtement dans des gestes empressés. Du revers de la manche, il essuya sa bouche luisante.
— Putain… vous me rendez dingue, Salo, gronda-t-il.
Ce fut la frénésie qui anima ses mouvements. La façon dont il se masturba devant moi, juste face à mon visage. Sa verge était tendue, dure à l’extrême. Si je n’avais pas été si profondément enfoncé dans la décadence, j’aurais pu compatir pour lui. Il devait supporter cette érection violente depuis de longues minutes, sa simple vue disait sa douleur. Sa main visqueuse le branlait si bien qu’il ne fallut presque rien pour qu’il vienne à son tour.
Finn se libéra sur mon visage. Il me tenait fermement face à lui. Inutilement, aussi. Car il ne me serait pas venu à l’esprit de bouger après un orgasme aussi retentissant. Les traînées tièdes s’écrasèrent sur ma peau, elle se mêlèrent à mes cils. Je fermai un œil, ivre d’un plaisir que je n’avais plus pris depuis longtemps. Il gémissait sans pudeur. Sa jouissance, il l’assumait avec fierté. En éjaculant sur mon visage, il prenait le soin de flatter mon orgueil.
Et moi, j’étais dans un autre monde.
Lui, m’admirait depuis le sien. Sa langue s’écrasa sur ma joue. Il ramassa ainsi sa semence, libéra mon œil clos. Sous mes yeux hagards, interdits, il avala sa jouissance sans une grimace.
— Vous avez vraiment un problème…, soufflai-je avec une certaine admiration.
Son pouce passa sur ma lèvre, et je sus qu’il voulait m’embrasser. Une intuition qui ne trompait pas, aussi sûre que l’instinct maternel. Finn se retint. Il se contenta de m’admirer encore quelques instants, passant son doigt dans les traînées blanchâtres qui coulaient sur ma peau. Qu’est-ce que cet homme était en train de faire de moi ?
Il sortit de sa poche un mouchoir en tissu plié qu’il passa doucement sur mon visage. Dans ses gestes, se trouvait une fascination aux accents de vénération.
— Je vais nettoyer la table de Medarda.
Je le fusillai d’un regard moins noir que d’habitude. Cet homme fissurait mon masque. Les barricades que je dressais entre nous. C’était contraire aux règles tacites qui établissaient nos rapports. Ma main encercla son poignet. Elle le rappela à l’ordre.
— Partez, Finn. Notre entrevue est terminée.
Cette fois-ci, il n’obtempéra pas. Sa main ne quittait pas mes cheveux. Son regard ne quittait pas le vert de mes yeux.
Quelque chose avait changé, et c’était de ma faute.
— Bien que j’adore vous imaginer demain dans la salle du Conseil, écrasé par la gêne que les talons de Medarda collent à la salive qui a dégouliné de votre queue, d’autres idées me laissent moins rêveur. Par exemple, vous savoir en train de chialer parce que vous n’êtes pas capable d’essuyer le sol ne me fait pas fantasmer. Alors je vais nettoyer avant de partir. Sentez-vous libre de râler, c’est toujours un plaisir d’imaginer comme il sera bon de vous faire ravaler cette impertinence dans quelques semaines.
Et Finn tint parole. Il ne m’obéit pas cette fois.
Notes:
Totalement obsédée par ce ship.
Porn with plot, c'était dans les tags. Donc on ajoute un peu de plot dans le pornSalo ne verra plus jamais la salle du Conseil de la même façon...
Chapter Text
TW : strangulation
— Vos affaires avancent comme vous le souhaitez, Conseiller ?
La danse des pinceaux de Lest sur mes jambes perdit soudain toute notion d’apaisement. Des rides se creusèrent entre mes sourcils, là où résidait toute ma haine pour le type lié à « mes affaires ».
— Mes affaires n’avancent pas aussi vite que je le voudrais. Et mon employé est détestable. Non. Le mot est trop faible, ce serait un compliment par rapport à la réalité.
Lest gloussa de son rire grave sans cesser de délivrer la magie de son œuvre. Je chassai le visage qui hantait mes souvenirs. Je ne l’avais pas vu depuis des jours, et c’était très bien ainsi. Un repos bien mérité, après ses lubies dans la salle du Conseil.
Il avait tout nettoyé après notre passage, de la table jusqu’au sol collant. Il m’avait laissé un mouchoir en tissu pour limiter les dégâts avant de remettre mes vêtements. J’avais pu regagner mes appartements dans une dignité relative, et la réunion du lendemain s’était déroulée sans un soupçon pour les déboires de la table des négociations. Il n’y avait que moi qui fixais la place de Medarda, le cœur battant à tout rompre. Je le revoyais, agenouillé au sol, tenant mes cuisses dans chacune de ses paumes pour me montrer une dévotion non sollicitée et sans égal.
La chaleur grimpait dans mon bas ventre à ces souvenirs. Je me redressai sur le divan et avalai un grand verre d’eau fraîche.
¬— Des progrès ont-ils pu être réalisés ?
— Pourquoi t’y intéresses-tu ? Je te préviens, je ne signe pas deux contrats pour cet assassinat. C’est épuisant, soupirai-je.
— Je me contente de vous faire la conversation.
Je lui jetai un regard méfiant. Elle m’observa de ses grands yeux félins avant de retourner à son travail sans creuser davantage. Et ce fut sans doute ce désintérêt qui me rassura. Un bon politicien apprenait à douter de tout le monde, en particulier de ceux qui lui étaient proches. Lest et moi entretenions une relation de patron à employée, néanmoins elle connaissait toutes mes faiblesses. Je lui en dis un peu plus sans trop en dévoiler.
Parfois, délivrer quelques informations compromettantes à un petit nombre de personnes permettait de dénicher les traîtres.
— Ton assassin a aperçu Jinx. Elle traîne toujours dans les Bas-Fonds.
J’observai ses réactions avec attention. Lest redressa les oreilles et s’interrompit pour me fixer. Elle avait l’air étonnée. Une réaction appropriée devant ces nouvelles.
— Si c’était bien elle, alors c’est une excellente nouvelle pour vos projets.
— Si c’était bien elle ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
Elle retourna à ses pinceaux, commençant tout juste à dessiner sur ma cuisse. Mon esprit s’embrouillait à mesure que le shimmer m’offrait le soulagement tant désiré. Elle me rendait vulnérable.
— En bas, les habitants s’organisent sous forme de factions, pourrait-on dire. L’une de ces factions a quasiment élevé Jinx au rang de déesse. Ils s’inspirent de ses vêtements pour s’habiller, se teignent les cheveux en bleu, peignent leurs ongles de rose… Il serait aisé de confondre l’un d’eux avec la personne que vous recherchez. Et eux ne se cachent pas depuis des années.
Le premier sentiment fut la colère. Le deuxième, la honte. M’étais-je si aisément laissé berner par cet imbécile ? Finn avait omis de me parler de cette faction. Soit il en avait connaissance, et ce silence le rendait plus que douteux. Soit il n’en savait rien, et il devenait alors un piètre assassin, ignare du monde dans lequel il espérait se fondre. L’avantage, c’était que peu importait la réponse, les conséquences étaient les mêmes. J’avais envie de l’étriper.
— Pourquoi m’as-tu recommandé cet homme ?
Lest s’appliquait sur les coups de pinceaux.
— Parce que c’est le meilleur assassin que Zaun connaisse.
— Il a failli se faire tuer il y a quelques années. Mauvaise réclame pour un assassin.
Elle dressa un sourcil surpris.
— Il vous a raconté cela ?
— Il ne m’a rien raconté, à part avoir été égorgé et s’en être sorti par je ne sais quel miracle. Il a menti ?
Elle secoua la tête.
— Non, c’est la vérité. Je suis simplement étonnée qu’il vous ait fait part de cette information, ce n’est pas un sujet qu’il aborde avec n’importe qui. Mais puisque vous êtes dans la confidence, je peux vous dire que cet événement l’a métamorphosé.
Les questions brûlaient mes lèvres closes d’un cadenas de fierté. Heureusement, Lest poursuivit sans y être poussée.
— Avant, Finn Slickjaw était un homme qui prenait beaucoup de risques. Il avait un excellent instinct, et était assez puissant pour s’en sortir si son flair l’avait trompé. Mais le risque est parfois trop grand. Ca, Finn s’en souviendra toute sa vie. Maintenant, ce n’est plus une tête brûlée. Il prend le temps d’évaluer la situation et ne se repose plus sur ce que lui disent ses tripes.
— Ne pouvait-il pas apprendre cette leçon lorsqu’il a perdu sa mâchoire ? raillai-je. Il a dû sérieusement énerver quelqu’un pour en arriver là.
— Je l’ai toujours connu sous cette apparence, je ne sais pas ce qui l’a amené à cette blessure.
Je la détaillais à la recherche de quelque trace de mensonge. Une lèvre frémissante, un coup de pinceau fébrile, des doigts qui se dégourdissaient. Rien. Lest ne laissait jamais paraître ces indices.
— Es-tu sûre que je puisse faire confiance à cet homme ?
— Vous ne devriez pas faire confiance à Finn Slickjaw, répondit-elle le plus naturellement du monde.
— Comment peux-tu dire ça après me l’avoir recommandé ? désespérai-je.
— Il n’y a pas besoin de lui faire confiance si vous avez signé un contrat. C’est un homme d’affaire, il respectera sa part du marché. Je vous l’ai recommandé parce que si je devais choisir une personne et une seule pour traquer Jinx, je l’aurais pris lui sans hésiter. C’est un homme nébuleux, mais redoutable et consciencieux dans son travail.
Je me laissai retomber sur le divan, les céphalées tambourinant à la porte de mon crâne. Cette discussion me perdait plus qu’autre chose. Je ne savais plus si Finn était un bon investissement ou un choix terriblement hasardeux. Je commençais à craindre de m’être laissé berné en acceptant de donner mon corps à un type qui n’était peut-être même pas au courant que Jinx avait tout un fan club bien décidé à se faire passer pour elle. Formidable.
Les poils du pinceau se stoppèrent net au milieu de ma cuisse. Lest redressa la tête vers la porte. J’avais beau écouter attentivement, aucun son ne parvenait à mes oreilles. En revanche, celles de Lest avaient capté quelque chose. Je n’interrompis pas sa surveillance, son attention ne se laissait pas happer sans une bonne raison. C’était étonnant, comme ses pupilles fendues se rétractaient subitement lorsque sa curiosité était piquée.
Trois coups furent frappés à la porte. Mon employée garda le silence.
— Qui est-ce ?
— Finn.
Je roulai des yeux dans un long soupir.
— Je vous ai dit de me retrouver dans mes appartements. Fichez le camp d’ici, haussai-je le ton.
Il dut prendre mes mots pour une invitation puisque Finn poussa la porte de mon bureau. Il se permit de faire le tour du divan. Son visage portait le petit air satisfait qui ne le quittait que rarement.
Je jurai tout bas en ramenant un tissu sur mon corps pratiquement nu, uniquement vêtu d’un sous-vêtement blanc. Le geste amusa mon hôte.
— Vous vous cachez de ma vue, vraiment ? Vous avez conscience que je vous ai vu en plus simple appareil, se moqua-t-il.
— Si vous pouviez éviter ce genre de commentaire devant spectateur, recadrai-je sèchement.
— Elle est au courant de notre arrangement, répondit-il en haussant les épaules.
— Ce n’est pas une raison pour l’évoquer à tout va. Vous n’avez vraiment aucune diligence.
— Ca ne me gêne pas, commenta Lest en ramenant ses mains sur ses cuisses.
— Moi, ça me gêne, pestai-je.
— Vous êtes vraiment un drôle de personnage, commenta Finn avec nonchalance.
Je ramenai mes mains sur mon visage, mortifié. Lest était une personne un peu décalée, elle peinait à déceler les états d’âmes de ses interlocuteurs. Si cela participait à sa beauté si unique par une attitude détachée, elle en devenait aussi la complice malgré elle des moqueries de Finn.
— Sortez d’ici, Finn. Je suis occupé, et cela ne vous concerne en rien.
— Je n’ai pas les clés de vos appartements. Si vous souhaitez m’en faire un double, j’en serais le plus heureux des hommes.
— Mon pauvre, vous vivez en pleine féérie. Dans mes souvenirs, cela n’a pas été un obstacle pour vous lors de notre première entrevue.
— Vous me donnez votre bénédiction pour entrer par effraction chez vous ? Vous aimez vivre dangereusement.
— Je me fiche de ce que vous faîtes, tant que vous quittez cette pièce. Je voudrais terminer ma séance.
Lest claqua doucement la boîte en bois de manguier qui contenait ses pinceaux. Elle se leva du tabouret et épousseta sa robe de voiles.
— J’ai terminé.
Je lui jetai un regard suppliant. Vraiment, ne pouvait-elle pas prolonger de quelques minutes ? A défaut de me donner un répit solide, elle aurait évité que je passe pour un imbécile.
— A la bonne heure, s’amusa Finn.
Je me redressai vivement sur les coussins, paniqué.
— Quand reviens-tu ?
— Dans trois jours. Vous tiendrez bon, Conseiller Salo, anticipa-t-elle sur mes protestations en ramassant ses affaires. Au revoir.
— Attends, l’interrompit Finn. Laisse la peinture.
Lest lui jeta un regard dont transparaissait une pointe de jugement, ce qui était assez rare pour être noté. Etait-il misérable au point de quémander du shimmer ? Ce n’était pas mon invité, et pourtant j’étais embarrassé de son comportement.
— Inutile de me la rendre.
Sur ces mots, Lest quitta le bureau en délaissant le petit pot en verre à demi-rempli et referma la porte derrière elle. Les douleurs avaient disparu en même temps que ma détente.
— Pourquoi vous ne suppliez jamais de rester plus longtemps ? Vous aimez décidément me rendre jaloux.
Ses doigts glissèrent sur ma joue. Je frappai dans son poignet, le regard mauvais. Je me sentais complètement exposé, pris au dépourvu, et c’était loin de me plaire. La sécurité de ma chambre me manquait. Surtout pour ça.
— Je n’ai que faire de votre jalousie.
Finn avait laissé son sourire, son regard se perdait dans une étrange contemplation. Il me paraissait toujours incompréhensible que cet homme semble se fasciner à ce point pour ma personne. Ce soir, sa passion allait à mes cheveux. Il en effleurait les mèches qu’il laissait glisser entre ses doigts, comme s’ils souffraient la fragilité des graines de pissenlit.
Son genou écrasa les coussins de soie au bout du divan. Un changement de pression dans l’assise sous mes hanches démarra les angoisses qui gangrénaient mon cœur. Ce soir, je ne protestais pas d’emblée. En dépit de toute ma mauvaise volonté, Finn avait acquis le bénéfice du doute. Ce taré avait prouvé qu’il me traitait bien. Il abandonna au sol les vêtements qui couvraient son torse, dévoilant ses tatouages qui je commençais à bien connaître. Sa passion pour le meurtre était inscrite à même sa peau, dans un mauvais goût si affirmé qu’il en devenait presque admirable.
— Aujourd’hui, je vais me mettre au-dessus de vous, annonça Finn.
— Formidable nouvelle, ironisai-je avec tout le mépris dont j’étais capable. Devrions-nous sortir une bouteille de champagne pour l’occasion ?
Il jeta un petit coup d’œil à la table basse et observa la bouteille de vin à moitié vide.
— Il me semble que vous ne m’avez pas attendu pour commencer la fête.
— La fête se termine quand vous arrivez. On ne vous l’a jamais dit ?
Je choisissais mes mots uniquement pour la douleur qu’ils étaient susceptibles de provoquer. A croire que c’était là le seul moyen de défense du crapaud. Il leva les yeux au ciel, presque amusé par le manège qu’il commençait à connaître par cœur. Oui. Aussi problématique que soit ce constat, Finn Slickjaw faisait partie des personnes qui me connaissaient le mieux. Peut-être même était-il déjà en première place.
Je tournai la tête sur le côté, observant le verre de vin pas tout à fait terminé. Je pris l’étrange décision de le laisser là.
— Soyez doux, s’il vous plaît.
La fragilité dans ma voix tranchait avec le ton que je lui réservais habituellement. Il était révélateur de voir que Finn était davantage choqué de ces mots que de ceux qui les précédèrent. Il n’avait pas l’habitude que je retire mon masque, sa paume en profita pour capturer ma joue. Il se pencha sur moi. Mon cœur cognait contre ma poitrine. Il se débattait si fort que je crus devoir le recracher.
— Soyez-en assuré, murmura-t-il à mon oreille. Essayez de respirer.
Je hochai la tête en silence sans lui servir plus qu’un regard assassin. Son torse demeurait loin de mon contact, comme si mon amant de passage était vigilant à ne pas m’écraser sous son poids comme les décombres se l’étaient permis. Ses paumes glissaient sur ma peau dans un geste aussi rassurant que l’étaient les habitudes. Il écrasa un soupir dans ma nuque et l’emporta d’un baiser humide. Sa langue jouait dans la danse unique à sa forme improbable.
J’étais mal à l’aise. Agité. Vulnérable. Mais, pour la première fois, je laissais quelqu’un au-dessus de moi sans dissocier. A chaque fois que les flashbacks voulaient me ramener à ce jour funeste, les mains de Finn me retenaient sans faillir. J’étais un funambule s’astreignant à s’équilibrer sur le fil entre le présent et le souvenir traumatique. Les bourrasques du passé cherchaient à me faire basculer. Mais le harnais était solide. Certes, j’étais loin de toute considération érotique, mais un sentiment de fierté enflait dans ma poitrine.
Je ne faisais pas d’attaque de panique.
— Comment vous sentez-vous ? demande Finn entre deux baisers humides sur mon torse.
— Comment voulez-vous que je me sente ? Je serais bien plus tranquille si vous vous étiez contenté d’être avide de richesses.
— Vous ne bandez pas. Je veux m’assurer que vous n’allez pas vous mettre à chialer comme l’autre fois.
Je savais. Au fond, je savais qu’il usait de ces mots pour dédramatiser les fois où je m’étais effondré devant lui. Il n’en faisait pas un tabou, et il en tenait compte dans ses gestes. J’aurais dû le remercier. Derrière la colère induite de sa provocation, il y avait de la reconnaissance. Cela dit, cette faiblesse resterait un secret bien gardé.
¬ — Contrairement à vous, je ne bande pas dès que vous m’approchez. Je me sens écrasé par un mufle dépourvu de bonnes manières et que je dois encore supporter pour deux longs mois. Mais je ne vais pas « me mettre à chialer » pour cela, si c’est ce qui vous inquiète tant.
Sa main agrippa mes cheveux dans un geste qui avait troqué sa tendresse contre un désir plus brut. Il tira mon crâne en arrière, exposa mon cou à sa vue. Surtout, il me forçait à garder le visage face au sien. Sa cuisse appuya entre mes jambes. Le frottement m’aurait arraché un gémissement si je ne disposais pas de solides facultés de contrôle. Il ne sut rien du feu d’artifice qu’il déclenchait au creux de mon ventre.
Son regard tomba sur mes lèvres une seconde assez longue pour avouer ses désirs. Il retrouva bien vite mes iris de jade.
— C’est vraiment regrettable de ne pas pouvoir vous embrasser.
Je lâchai un rire plein de dédain.
— Si vous avez envie de m’embrasser quand je vous insulte, peut-être auriez-vous dû inscrire votre nom en tant que Soumis, Finn. Souhaitez-vous que nous établissions un avenant au contrat ?
Son pouce effleura mes lèvres. Il ne perdait rien de son assurance.
— Vous aggravez mon désir, Salo. Ce serait si bon de vous faire taire d’un baiser. Ma langue enfoncée dans votre bouche délicate qui pourtant ne tarit pas d’obscénités. Savez-vous insulter les gens en vous faisant dévorer les lèvres ?
La chaleur me grimpa au visage. Ne pas savoir pourquoi fut le pire. Finn me troublait. Pour toute réponse, je plaquai une main sur sa bouche et repoussai son visage sans douceur.
— N’hésitez pas à suivre vos propres conseils, le silence a du bon. Vous devriez essayer.
Évidemment, cet imbécile faufila sa langue fourchue entre mes doigts. Je retirai ma main en pestant devant son air satisfait. C’était un imbécile immature de petite éducation, et je peinais toujours à me rappeler comment un type comme ça pouvait bien se retrouver dans mon lit.
Je ne notais même pas que ma respiration s’était calmée.
C’était dans une ambiance plus détendue que Finn attrapa de deux doigts en crochet une dose généreuse de peinture au shimmer. Il appuya sur mon entrée sans préavis et commença à me masser, glissant régulièrement un doigt à l’intérieur. Je me tendis dans un cri évadé.
— Qu’est-ce que vous faîtes ?!
Je cherchai à l’arrêter ; de sa main libre, il entrelaça nos doigts. Le plaisir commençait à grimper, malgré moi. Et je compris enfin pourquoi le zaunite avait réclamé que Lest abandonne sa peinture. Son usage détourné était en train de me détendre avec un succès indéniable. Une chaleur presque suffocante me prenait là où il l’appliquait, directement sur les muqueuses. Je perdais mes moyens. Mêmes les gémissements m’échappaient.
— Il faut bien que je vous prépare…
— Personne ne vous a demandé… de le faire ainsi…
Il accompagna le premier doigt d’un deuxième. Mon corps capitulait avant moi. Une pellicule de sueur me couvrait. Mes sens s’engourdissaient, ils se liguaient pour m’empêcher de me défendre.
Car j’aimais ça. Sentir les doigts de Finn masser mes parois, se frayer un passage là où il nous unirait bientôt était beaucoup plus exquis que je ne voulais l’admettre. Mon érection me trahit, dressée comme un drapeau blanc entre mes jambes. Finn sourit. Il m’embarquait là où il le souhaitait.
Et il se pencha au-dessus de moi. Son torse touchait désormais le mien, et la panique construisit son nid. Mes ongles se plantaient dans sa peau. L’odeur du bois calciné et de la chair à vif refaisait surface. Mon souffle se raccourcit. Les larmes plantaient leurs aiguilles dans mes yeux.
Je ne sus comment, Finn détecta le changement subtil. Sa main se fit plus douce entre mes jambes, et son regard captura le mien. D’une main derrière mon crâne, il ne me laissait pas tourner la tête.
— Respirez, Salo, souffla-t-il dans de lents va et vient. Tout va bien, vous êtes avec moi.
Je ne m’enfonçais pas plus dans la reviviscence. Je n’en sortais pas non plus. Il y avait de la chaleur au bout de mes doigts. Elle coulait sur ma main. Rouge.
— Dîtes-moi d’arrêter, exigea-t-il.
— V-vous voulez que… j’utilise le mot de… de sécurité ? articulai-je entre deux soupirs éprouvés par ses gestes.
— Vous pouvez, si vous le souhaitez. Mais, là, dîtes-moi simplement d’arrêter.
Je ne comprenais pas sa demande. Pourtant, je m’exécutai.
— Arrêtez…
Finn retira alors simplement ses doigts. Mon entrée se referma dans le vide. Je le regardais, hagard, sans saisir son objectif.
— Vous voyez. Ce n’est pas parce que vous ne pouvez pas bouger les jambes que vous êtes à ma merci. Alors, respirez. Et dîtes-moi si vous souhaitez que j’arrête.
Cette fois-ci, ce fut mon regard qui tomba sur ses lèvres une seconde de trop. Une seconde lors de laquelle mon cœur cessa de battre.
— Vous pouvez recommencer.
Muni de ma bénédiction, ses doigts s’enfoncèrent à nouveau. Mes ongles quittèrent sa peau. Et, pour la première fois, mes bras se nouèrent à ses épaules. J’attirai Finn contre moi, étrangement réconforté par le contact de cet homme aux tatouages intimidants et au palmarès de meurtres au-delà de l’imaginable. Mon visage s’enfouit dans ses épaules musclées. Son érection encore couverte d’un pantalon frottait contre la mienne.
Dans toute ma mauvaise foi, j’accusais le shimmer pour ce lâcher-prise éhonté.
J’offrais à son oreille les secrets de mon plaisir. Sa main claquait entre mes fesses, et je dégustais la chaleur de son torse sur ma peau. A vrai dire, un incendie brûlait en moi. Etait-ce la peinture de Lest ? Etait-ce l’effet de cet homme ? Je n’en savais rien.
Mais je n’avais plus peur.
— Prenez-moi, Finn… Je veux vous sentir en moi…
Il gronda en enfonçant ses doigts d’un coup sec au plus loin qu’il le put. Il m’arracha un cri qui abandonnait sa décence. Dans des mouvements précipités, Finn baissa ses vêtements juste assez pour libérer son membre. Il attrapa une nouvelle dose généreuse de peinture qu’il étala sur son sexe. Ses mains se posèrent de chaque côté de mes hanches. Deux doigts humides s’enfonçaient dans la peau moelleuse de mon ventre.
— Dîtes-moi si c’est trop. Je ne veux pas vous faire peur, souffla-t-il dans mon cou qu’il dévorait à nouveau.
Derrière ses moqueries, Finn était le premier à me rendre les commandes de ce corps brisé. Rien ne pouvait le certifier, mais au fond de moi, je savais qu’il disait vrai. Si je lui disais d’arrêter, il le ferait.
Et ce fut pour cette exacte raison que je pus savourer le passage que son sexe ouvrit en moi. Mes bras se serrèrent avec force sur ses épaules, mes mains cherchaient à se retenir dans son dos. Ma voix, je ne la contenais plus. C’était bon. Tout simplement. L’odeur de brûlé s’était évaporée avec la peur.
Ses hanches roulaient entre mes cuisses dans un frottement délicieux. Mon plus grand regret était de ne pas pouvoir enrouler mes jambes autour de lui pour le prendre plus en profondeur, pour accompagner sa danse. Je ne pouvais que la savourer, ce qui était déjà beaucoup.
Son sexe laissait une traînée brûlante en moi. Ses soupirs s’écrasaient dans ma nuque, là où il refermait sa mâchoire métallique. Je voulais gémir son nom. Eus-je l’indécence de le faire ? Je n’aurais su le dire. L’extase m’enveloppait. Sentir un corps contre le mien, être capable de lâcher prise pour la première fois, savourer le bonheur de laisser les commandes à quelqu’un d’autre… Et sa façon de me tenir. Il gardait mon corps tout contre lui, parsemait ma peau de baisers, la caressait de sa langue comme s’il ne pouvait s’en repaître.
Là où je m’astreignais à ignorer ce corps, Finn le rendait inoubliable.
Le cours de temps devint intangible. Il n’y avait que lui, moi et le divan. Nos corps se découvraient, se murmuraient tout ce que les mots ne pouvaient dire. Jusqu’au moment où la tirade toucha à sa fin.
— Je vais jouir, Salo… Putain… Tenez bon encore un peu.
Ses coups de hanches prirent une tout autre intensité. J’écarquillai les yeux lorsqu’il entreprit de m’étreindre d’une façon bien différente. Il avait laissé tomber la douceur pour me baiser sans aucune mesure. Ses hanches claquaient contre mes fesses. Il s’enfonçait au plus profond, rentrait et sortait de mes fesses en rouvrant le passage encore et encore. Ce ne furent plus des gémissements mais des cris qui sortirent d’entre mes lèvres. Mes ongles se plantèrent à nouveau dans son dos. Je suffoquais - pas de terreur.
— F-Finn, vous êtes trop… Ah…
Je ne pus terminer cette phrase par le simple fait que je n’avais aucune idée de sa fin. Il ralentit à peine pour me laisser l’opportunité de m’exprimer, puis reprit sa course effrénée lorsqu’il comprit le vide de ma protestation.
Il gémit de la façon la plus séduisante qui soit. Et une brûlure bien différente se répandit au fond de moi. Si loin que mon sexe en tressauta. Jusqu’où était-il rentré dans mon ventre ? L’idée voulait se faire obsédante. Il se déversa entre mes cuisses, dans des mouvements désormais lents et secs. Et moi, je m’agrippai à lui comme s’il ne me voulait que du bien.
Finn se retira, et je me sentis curieusement vide. Heureusement, son regard, lui, ne me quittait pas. Il était amusé.
— Est-ce avec cette éloquence que vous menez les réunions du Conseil ?
— Je n’ai pas pour habitude… de mener les réunions du Conseil en me faisant sauter, rétorquai-je, à bout de souffle.
— Ne me donnez pas des idées aussi affriolantes, Salo. Vous pourriez le regretter.
Sans scrupule, il redoubla mon air courroucé en enfonçant deux doigts en moi. Il les agita en profondeur, comme si mon corps lui appartenait déjà – et peut-être était-ce le cas. Il les ressortit couverts de la peinture rosée de shimmer et de traces blanches épaisses.
Finn porta les doigts à sa bouche et les lécha dans toute la décadence dont il était capable. C’était lui qui s’adonnait à cette déraison. Ce fut moi qui rougis.
— Vous avez de sérieux problèmes, Finn.
— Je n’y peux rien si tout a meilleur goût en passant par vous, s’amusa-t-il de mon choc.
— A ce niveau-là, il faudrait consulter. De tels dérangements doivent venir de loin. Votre père, peut-être ? le raillai-je.
Et Finn perdit instantanément son sourire.
Ce fut un réflexe, sans volonté propre. Sa main se ferma sur ma gorge. Elle m’étouffait avec trop de force pour être séduisante. Presque dans la position où j’avais refermé mes doigts sur son cou lorsqu’il avait joui en moi, une semaine auparavant. Sauf que l’extase avait cédé sa place à la terreur.
Mes doigts se fermèrent autour de son poignet. Dans son regard brillait l’étincelle de la haine. Pendant une fraction de seconde, je pus presque lire combien de vies Finn avait prises de ces mains puissantes.
J’aurais pu prétendre ne pas m’être enfui car je ne le pouvais tout simplement pas, paralysé de mes jambes impotentes. La vérité était toute autre. Je ne bougeais pas. Comme un lapin pris de terreur devant un prédateur, je me tétanisais, en comptant sur son désintérêt pour une proie inerte. Quel étrange réflexe de survie que celui de se défendre en admettant sa faiblesse.
L’air ne passait plus dans ma gorge. Je n’en dis absolument rien, me faisant aussi petit que je le pouvais. Me débattre face à cet homme n’avait aucun intérêt.
— Vous gagneriez à apprendre à la fermer.
C’était la première fois que je le voyais ainsi. Il s’était un peu fâché lorsque je l’avais fait tomber de la table du Conseil, me rappelant qu’il ne souhaitait pas être traité comme un larbin, mais rien à voir avec cette réaction.
Il tenait littéralement ma vie entre ses mains. Lui seul décidait de ce qu’il en ferait.
Tout pouvait s’arrêter là. Ce soir. Des spasmes commencèrent à soulever mon torse. Mes poumons réclamaient de l’air.
Quelque chose vacilla, et son étreinte se stoppa. Je reconnus ce clignotement propre aux flots d’une conscience malmenée. Je le pratiquais trop moi-même pour ne pas le percevoir chez lui. J’avais dit quelque chose qui l’avait dissocié, ou presque.
Je n’osais pas respirer trop fort. J’inspirais par le nez, sans bouger. Lui, il détaillait mon cou.
L’ancien chembaron se leva. Il replaça son pantalon sur ses hanches puis enfila son haut. Sans un dernier regard pour moi, il quitta mon bureau au sommet de l’Aventurine.
Il me laissa la vie sauve.
Notes:
Un nouveau chapitre qui contient plus de angst que dans les précédents.
On avance encore dans la relation et dans les recherches.
Et surtout, on découvre un nouvel aspect de Finn...
Chapter Text
Il n’était pas venu. De toute la semaine, il n’avait sollicité aucune entrevue, pas plus qu’il ne s’était présenté à l’improviste.
La frayeur fut la première étape. Celle d’avoir senti la vie me filer entre les doigts – solidement étouffée par ceux d’un autre -, suivie de celle de l’imaginer revenir. La colère froide qui l’avait envahi ce jour-là, j’espérais ne plus jamais croiser son chemin, car chaque rencontre risquait d’écourter le voyage.
Il ne s’était pas manifesté, la frayeur avait laissé place au soulagement. J’étais en vie et il s’était peut-être bien désintéressé de moi.
Le soulagement ne fut qu’un éclair bref et fade.
Il s’était peut-être bien désintéressé de moi.
La vérité, c’était que cette hypothèse me terrifiait. Cet homme voyait au-delà de mon fauteuil. Il ne se laissait pas décourager par mon verbe acéré. Il faisait partie de ceux, comme il aimait les appeler, « ayant réellement vécu ». Et j’avais désespérément besoin de quelqu’un de cette trempe pour me reconstruire. Il abattait les misérables étaies qui me maintenaient plus ou moins droit pour rebâtir sur ce qui existait vraiment. Moi, Allira Salo. Mes talents. Mes défauts. Mon handicap. Tout.
Après le soulagement vint à nouveau la peur. Pas celle qu’il revienne, non. La terreur de ne plus jamais le revoir.
J’ouvris la porte de mon appartement, le bourgeon d’un espoir germant dans ma poitrine. Il se permit d’éclore aux odeurs des effluves de shimmer. Mon cœur cognait, malmené entre la joie et la terreur. Je n’avais pas revu Finn depuis qu’il avait failli me tuer.
— Je dois admettre avoir été surpris.
Il ne se tourna pas. Il était installé dans mon divan avec l’aisance d’un homme dans son propre foyer. Il fumait dans l’appartement aux fenêtres fermées, offrant la vue sur les cheveux noirs qui cascadaient contre le dossier.
Je fermai la porte à clés.
Finn leva un papier déplié.
— « Je me permets de vous contacter pour solliciter une entrevue. Je ne vous rappelle pas le contrat, vous êtes libre d’accepter ou non. Est-ce que demain soir vous conviendrait ? S.
PS : Veuillez accepter mes excuses. », lut-il.
Je déglutis en silence, soudain beaucoup moins confiant quant à mon initiative. J’avais invité dans mes appartements l’homme qui avait, un court instant, hésité à m’ôter la vie. Mais c’était aussi celui qui l’avait épargnée. Inspirer lentement. C’était le secret pour prévenir une attaque de panique.
— Vous aimez vivre dangereusement, Salo. Comment va votre cou ?
Il ne facilitait pas la tâche. Par le nez. Inspire par le nez. Des taches indigo s’étaient imprimées là où il m’avait étranglé. Je déposai ma veste sur le portemanteau et avançai vers le salon.
— Si vous aviez voulu me tuer, nous ne serions pas en train de discuter dans mon salon.
— Une bien belle manière de reconnaître que vous seriez mort.
— J’en déduis donc que vous n’avez pas l’intention de prendre ma vie.
— J’admire votre optimisme. Veillez à ne pas tomber dans la sottise.
Il froissa le papier dans son poing avant de le jeter dans la tasse qu’il avait improvisée en cendrier. Son geste me glaça le sang. La colère n’était pas retombée.
— Vous savez que cette tasse est précieuse ?
— Plus que votre vie ? Êtes-vous certain de vouloir jouer à ce petit jeu ?
J’ignorai les tremblements qui agitaient mes mains et m’installai face à lui, là où l’espace me permettait de garer mon fauteuil. Sur la table, un verre de vin rouge était déjà servi. Je dévisageais Finn à la recherche d’une entourloupe.
— Je vois que vous avez encore un maigre instinct de survie, vous ne vous jetez pas sur votre boisson favorite.
Avais-je fait une erreur en le conviant ? J’avais pensé qu’il ignorerait purement et simplement ma demande s’il n’avait plus l’intention de travailler avec moi. Il m’avait laissé la vie sauve et j’avais mis cela sur le compte d’un retour à la raison. Après tout, ses mains avaient lâché mon cou. Sa présence ne pouvait signifier qu’une chose : il envisageait de poursuivre nos affaires.
Cependant, je commençais à craindre de m’être fourvoyer. J’examinais le verre à pied sans savoir ce qu’il convenait d’en faire. Avais-je ouvert mon terrier à un prédateur assoiffé de sang ?
Finn rompit la tension. Il attrapa le verre et le porta à ses lèvres pour en boire une longue gorgée. Il me le tendit ensuite sans le sourire provocant qui ornait habituellement son visage. Un peu apaisé, je bus à mon tour. Au vu du verre à moitié vide devant lui, Finn n’avait pas attendu ma bénédiction pour se servir un whisky.
— J’ai peut-être pris un antidote avant de boire dans votre verre.
— Peut-être, admis-je. Mais je ne le crois pas.
— Tiens donc. Et à quoi dois-je votre soudaine confiance ?
— Je ne vous fais pas confiance. Lest me l’a déconseillé.
Il haussa un sourcil en inspirant une longue bouffée de shimmer.
— Vous êtes devenu suicidaire ?
— Elle m’a aussi dit que vous étiez consciencieux et que vous respectiez scrupuleusement les contrats. Pour l’heure, vos prérogatives comportent toujours ma sécurité.
Il sourit.
— Vous êtes un homme fascinant, indubitablement. Dommage que vous soyez doublé d’un tel con.
Il était désormais intrigué.
— Vous m’avez fait venir pour mettre un terme à notre contrat, si je comprends bien ? Attention à vous, une fois cela fait, je n’aurais plus rien à foutre de votre sécurité.
Je secouai la tête.
— Non. Je vous ai fait venir pour que nous puissions parler.
Je secouai mes épaules, les yeux fermés. Maintenant qu’il était là, il fallait se lancer.
— Je crois vous avoir heurté, Finn, et ce n’était pas là mon but. Enfin, pas autant, corrigeai-je. Notre collaboration fonctionnait bien jusqu’à présent, et j’aimerais que cela puisse continuer ainsi. Si vous êtes d’accord, je voudrais que vous me confirmiez ce que j’ai saisi du problème afin de ne pas recommencer.
— Vous m’avez appelé pour pouvoir continuer à baiser ? Si j’avais deviné ça, s’étonna-t-il.
Je me retins de le fusiller du regard.
— Au-delà de nos rapports sexuels, vous êtes toujours chargé de l’assassinat de Jinx. Et votre compagnie… bon sang. Je n’en reviens pas de dire ça.
Je pestai tout bas, contrarié par mes propres pensées. Lui se régalait de mon désarroi. Il en avala une nouvelle gorgée de whisky.
— Votre compagnie n’est pas si désagréable qu’on pourrait le croire. Je suis sincèrement désolé de vous avoir heurté, bien que cela ne vous donne pas le droit de m’étrangler, et j’aimerais que nous n’en arrivions pas à nouveau à ce point-là. Par conséquent, auriez-vous l’amabilité de me confirmer si j’ai bien compris ?
Finn cracha sa fumée rose dans ma direction. Son regard avait retrouvé la curiosité qu’il me réservait en toutes circonstances.
— Si on m’avait dit que j’assisterais à la repentance d’Allira Salo, je ne l’aurais pas cru. Très bien, vous allez avoir une chance de vous faire pardonner. Ne parlez plus de mon père, et je ne devrais plus être tenté de prendre votre vie.
— C’est noté. J’y veillerais.
L’ancien chembaron se leva. Son regard tomba sur le col de ma chemise.
— Montrez-moi votre cou.
Mon premier réflexe me hurla de refuser, mais je me savais en posture fragile. La position basse serait la meilleure stratégie puisque la colère n’avait pas tout à fait disparu de sa posture. Je défis les boutons les plus hauts et révélai les traces qui barraient ma peau. Finn les effleura du bout des doigts. Un frisson déchira ma peau, il avait le goût de la peur. A contre-courant de l’instinct de survie, je luttai pour ne pas le repousser.
— Vous êtes magnifique, admira-t-il.
— Et vous cinglé.
— Je sais à quoi vous pensez.
— Et par quel prodige, je vous prie ?
— Dîtes-le.
Je me pinçai les lèvres, le cœur battant. Les mots tombèrent du bout de mes lèvres.
— Restez.
Il souffla du nez.
— Ici ?
— Dans la chambre.
— Vous voyez, quand vous voulez. J’accepte votre demande d’entrevue, Salo.
— Comme si vous étiez homme à manquer une opportunité, raillai-je.
Il écrasa son mégot dans la tasse, au comble du mauvais goût. Je tournai les roues de mon fauteuil et pris la direction de la chambre à coucher, Finn sur les talons. Avec sa présence, la pièce parut soudain plus chaleureuse. Je bloquai les freins et me hissai sur le lit sous son regard pour la première fois. L’habitude invitait l’aisance. Finn s’installa derrière moi sans se défaire de ses vêtements à l’hygiène douteuse des Bas-Fonds. Je notai dans un coin de ma tête de faire changer la parure du lit après cette nuit.
Sa mâchoire se ferma sur mon oreille. Pas aussi douce que d’habitude. Je frissonnai sans un mot en déboutonnant calmement ma chemise. Depuis quand mes doigts avaient cessé de trembler lorsque je me dévêtissais auprès de lui ?
— Je vous recommande d’être docile, je ne suis pas de très bonne humeur ce soir, souffla-t-il au creux de mon oreille en glissant ses larges mains sur mon torse découvert. Un petit con arrogant de Piltover m’a récemment mis de travers.
Il fit tomber ma chemise sur le lit d’un geste sec. Mon cœur battait à vive allure. Ses gestes n’avaient pas la lenteur habituelle avec laquelle il me préservait. Il ôta mon pantalon avec la même vivacité. Ses paumes retenaient mon corps contre son torse avec habitude. Toutefois, la sensation était différente. Non, c’était l’intention qui avait changé. Il ne s’assurait pas que je ne bascule pas ; il me montrait que je lui appartenais.
Et je n’osais pas protester. Je me tenais tranquille là où, s’il n’avait pas cette attitude si différente, je l’aurais brimé sans relâche il y avait une semaine encore. Je m’astreignais à me rattraper, et le silence serait ma pénitence.
— Si j’avais su que vous auriez envie de vous faire sauter, j’aurais apporté quelques accessoires, fit-il en pinçant mes tétons entre ses doigts.
— Je n’irais pas jusqu’à prétendre… que c’est regrettable…
— Heureusement, je suis un homme plein d’imagination.
Finn me relâcha et balança son haut dans un coin de la pièce et ôta la ceinture en tissu qui tenait son pantalon. Toujours installé derrière moi, il passa ses bras de chaque côté de mon corps pour me montrer la ceinture. Ma gorge se noua. Nous en étions donc arrivés à ce point-là de notre contrat.
— Comme vous êtes encore une petite chose traumatisée, je vais vous laisser choisir, Salo.
— Nous ferons sans votre ceinture.
Il éclata de rire.
— Le choix ne portait pas sur cette question. Vous subirez cette ceinture d’une façon ou d’une autre. Vous allez simplement décider de quelle manière. Elle peut aller autour de vos poignets…
Il enroula avec une sensualité suffocante le tissu autour de mes bras sans jamais le serrer. Mon cœur battait si fort que je craignis qu’il l’entende. Le tissu coula le long de ma peau pour remonter vers mon visage.
— Ou bien je pourrais vous ôter un sens…
Dans ce murmure, il plaça une large bande sur mes yeux. Mes mains se crispèrent immédiatement sur une de ses cuisses, appuyée derrière moi.
— Comme c’est touchant, vous vous accrochez à moi quand vous avez peur, se moqua-t-il. Peut-être pas votre meilleur choix pour cette nuit, bien que vous n’en ayez guère d’autre.
— Je ne me raccroche pas à vous, mentis-je en retirant ma main.
— Ma préférence personnelle va à cet usage.
Il coinça la ceinture entre mes lèvres entrouverte et tira en arrière d’un coup sec. Je gémis de surprise, et ma main se réfugia immédiatement sur sa cuisse. Il me bâillonnait. Mon torse se soulevait lourdement.
— Bien que, le dernier usage m’est aussi très tentant pout nous assurer que vous reteniez bien la leçon…
Il relâcha la tension, et la ceinture glissa à peine plus bas.
Autour de mon cou.
Je blêmis. Il tira doucement en arrière, admirant la façon dont le tissu gris couvrait les taches bleues. Je restais figé, comme ce jour-là. La respiration passait sans mal dans ma gorge, mais il s’assurait que je sente le tissu enroulé tout autour de ma nuque. Des sueurs froides perlaient sur mes tempes. Il ne pouvait pas sérieusement proposer cela. Il avait perdu la tête.
— Alors, Salo, que choisissez-vous ?
La sècheresse de ma propre bouche me surprit. J’admettais Finn dans mon lit, qu’il me voit réaliser un transfert, qu’il me déshabille de ses mains. Petit à petit, je lui avais laissé les rênes auxquelles je m’accrochais depuis des années comme si ma vie en dépendait, et peut-être était-ce le cas. J’avais cédé du terrain car il s’était montré bienveillant, dans toute sa décadence. Mes derniers propos sur son père avaient-ils signé la fin d’une faste période ? Il ne restait que l’espoir qu’il s’agisse d’une colère passagère.
J’avais dépassé ses limites, et il comptait me le faire payer. Le pire ? J’avais donné ma bénédiction pour cette conduite.
« Le Dominant est responsable de l’éducation du Soumis et s’appliquera à inculquer une bonne conduite à celui-ci sur la durée du contrat. »
— Votre sadisme va jusqu’à me faire choisir de quelle manière vous allez me contraindre, remarquai-je, figé.
— Si vous ne faîtes pas de choix, j’en ferais un, souffla-t-il en coulissant le tissu autour de mon cou.
Mes doigts restaient crispés sur sa cuisse. Le sentiment de sécurité s’estompait, et c’était exactement ce qu’il voulait. Je sentais l’érection de Finn dans mon dos, encore emprisonnée dans son pantalon. Il dégustait ma peur, d’autant plus lorsque je la lui offrais de mon plein gré.
— Les poignets.
La ceinture quitta mon cou, vite remplacée par ses lèvres.
— Vous n’imaginez pas comme il est tentant de choisir une des options que vous venez de refuser. Vous le mériteriez.
Je voulus me retourner vers lui, interdit, mais il ne le permit pas. Finn tira sèchement mes bras dans mon dos, et la ceinture s’enroula autour de mes poignets. Ma respiration s’accélérait. Il ne les attachait pas devant moi comme ses gestes l’avaient suggéré. Je dus lutter de toutes mes forces pour ne pas me débattre.
Et il serra. Mes bras étaient désormais retenus dans mon dos, me rendant pratiquement incapable de bouger. J’étais privé de l’usage de mes quatre membres. Ma main ne pouvait plus se tenir à sa cuisse. En fait, je ne pouvais plus me tenir à quoi que ce soit. Je laissais mon dos tomber contre son torse, cherchant un appui quelque part là où mon corps ne le permettait plus. C’était une étrange situation que de chercher de la sûreté auprès de mon bourreau, mais il était la seule personne à disposition.
Ses dents se fermèrent sur mon épaule, il grondait à mon contact. Et moi, je n’avais plus d’autre choix que de me laisser aller. Mon corps ne m’appartenait plus.
— Je dois admettre ma surprise. Je n’aurais pas parié que vous choisiriez d’être privé de tout mouvement.
C’était pourtant le moindre mal parmi tout ce qu’il avait proposé. Je ne pouvais pas admettre de devenir aveugle, et encore moins muet. Sans parler de l’idée d’une strangulation, absolument impossible après ce qu’il m’avait fait la dernière fois.
— Ravi d’être encore capable de vous surprendre, nous ne sommes pas devenus un vieux couple, ironisai-je. Vous ne me connaissez pas, Finn. Inutile d’essayer de faire des hypothèses à mon sujet.
— A votre place, j’aurais choisi le bâillon. Ca vous aurait au moins permis de ne pas aggraver votre cas.
— Je consens à tenir compte de vos émois, pas à vous livrer des mots tendres, soupirai-je sous les délices de sa langue sur mon oreille.
— Et je crois que le jour est parfaitement choisi pour vous dispenser les débuts de votre punition.
Je tournai la tête en arrière, les sourcils froncés.
— De ma punition ? Je vous ai présenté mes excuses, et j’accepte vos lubies de détraqué sans broncher. Puis-je savoir de quoi vous estimez nécessaire de me punir ?
— De toutes les fois où vous avez manqué de respect à votre Dominant, cette fois-ci s’ajoutant à une très longue liste que vous entretenez depuis un mois, sourit-il d’un air affamé.
Mon sang se glaça.
— Vous devez plaisanter.
— Vous aimeriez. Mais vous avez signé un contrat, Conseiller Salo. J’ai été très patient avec vous, et votre remerciement m’est resté en travers de la gorge. Je ne peux pas vous en vouloir, après tout j’ai à charge votre éducation. Il semblerait que je me sois montré trop laxiste avec vous.
— A-attendez, Finn. Qu’avez-vous l’intention de faire ?
D’une main sur mon ventre, l’autre agrippée dans mes cheveux, il m’allongea ventre contre ses genoux. Je n’essayais même pas de me débattre. L’idée de me contorsionner comme un ver de terre sur cet homme ne m’enchantait guère. J’avais depuis longtemps perdu l’option de mettre des coups de pied, et même les mains détachées, tenter de le repousser aurait été au mieux inutile, au pire ridicule.
Je me concentrais plutôt sur ce qui relevait du domaine du possible : conserver un semblant de dignité. Je le fusillai donc du regard avec méfiance, comme je savais si bien le faire, prétendant que la position ne me plongeait pas dans le puits sans fond de l’embarras. Mon cœur menaçait d’exploser, et les picotements se manifestaient déjà autour de mes lèvres.
— Avez-vous déjà été puni au lit, Conseiller Salo ?
— Cela ne vous regarde en rien, tranchai-je.
— J’ose espérer être le premier à avoir ce plaisir. Vous êtes plein de surprises, mais je crois que vous êtes trop orgueilleux pour avoir laissé qui que ce soit vous réserver un tel traitement.
— Si cela vous fait plaisir de plonger dans vos rêveries. Auriez-vous l’amabilité de le faire en silence ?
Sa paume caressa mes fesses nues. Je savais. Au fond, je me doutais de ce qu’il allait faire. Le choc n’en fut pas moindre lorsqu’il le confirma.
— Je vais vous fesser, Salo. Je ne vous délivrerai pas l’entièreté de vos punitions aujourd’hui, je crains que vous soyez incapable de vous asseoir sur votre fauteuil si vous deviez payer l’addition complète. Disons que vous recevrez dix fessées.
Je ne répondis pas, dans un simulacre médiocre de nonchalance. La vérité, c’était que je refusais de lui offrir une voix chevrotante. Et puis, à quoi bon ? Il ne se laisserait pas convaincre du contraire. Je savais reconnaître un combat perdu d’avance.
— Je suis surpris que vous le preniez si bien. Oh, et une dernière chose. Pour m’assurer que vous reteniez la leçon et que vous appreniez à vous adresser à moi avec respect, je vous demande de compter. Si vous ne les comptez pas, elles ne seront pas déduites des dix.
— Pardon ? Vous vous foutez de moi ? Il est hors de question que je compte. Vous avez perdu la raison, si tant est que vous l’ayez déjà eue.
Sa main effleura mes lèvres avec tendresse. Pris d’une pulsion, je refermai mes dents sur ses doigts à portée, le regard mauvais. Il ne s’embarrassa même pas à les retirer, préférant me regarder avec compassion.
— Ah, vous faîtes de bien mauvais choix, Salo. Le compte vient de passer à 12. Lâchez.
Je pris le parti de lui désobéir, fièrement armé de mon arrogance.
Elle céda à la première frappe. Je poussai un cri plus surpris que douloureux, libérant du même temps son pouce. Sa paume avait claqué avec force sur mes fesses. J’écarquillai les yeux, sentant la chaleur irradier avec quelques secondes de retard au point d’impact. C’était une plaisanterie. Ce cinglé était vraiment en train de me fesser. La rage enflait dans mon ventre.
Un déchet de Zaun ne pouvait pas être en train de me fesser dans mon propre lit.
— Je n’ai pas entendu le compte, souligna-t-il.
— Vous pouvez toujours rêver si vous pensez me faire compter, crachai-je.
— La séance promet d’être longue.
Sa main tomba une deuxième fois. Plus forte. Exactement au même endroit. Je contins un nouveau cri, le corps tremblant. La douleur s’intensifiait.
Et il bandait tellement contre mon ventre.
Une nouvelle claque, et cette fois-ci je ne pus contenir le cri éraillé qui tomba dans les draps. La colère s’emparait de moi, mue par une impuissance insupportable. J’étais bloqué sur lui, à sa merci. Sa ceinture lacérait mes poignets à chaque fois que j’essayais de m’en défaire. Le jade rougi de larmes de mes yeux se planta dans les siens.
— Arrêtez ça tout de suite. Je vous interdis de me fesser, Finn.
— Pourtant, vous avez accepté les punitions physiques. La douleur dépasse-t-elle 6/10 ?
— Ce n’est pas une question de douleur, m’offusquai-je.
— Alors quoi ? Cela vous met-il mal à l’aise ?
— Evidemment !
Sa main se referma autour de ma mâchoire. Il tourna mon visage et se pencha vers moi. Ses yeux verts ne quittaient pas les miens.
— Alors c’est parfait. C’est exactement ce que je recherche. Maintenant, si vous voulez vous épargner l’humiliation d’être incapable de poser vos jolies fesses dans ce fauteuil demain, vous feriez bien de commencer à compter.
Et, de fait, la douleur irradiait déjà dans mon bassin. Je déglutis, et mon orgueil passa difficilement dans ma gorge.
Sa paume frappa mes fesses. Je contins péniblement la plainte qui voulait passer mes lèvres. Je lui refuserais ce plaisir. Je résisterais. Au moins là où cela en valait la peine. Finn attendit. Et il l’emporta.
— Un, crachai-je avec colère.
Sa paume caressa mes hanches, il me pressait contre ses cuisses, appuyant son sexe contre moi. Son érection ne désenflait pas. Cet imbécile était excité, et c’était peu de le dire.
La caresse se transforma en nouvelle fessée. Les larmes piquaient mes yeux. Pas de colère. Pas de peur. De rage.
— Deux.
Une nouvelle, plus forte. La douleur me fit sursauter. Je tirai malgré moi sur mes liens, comme s’il y avait la moindre chance que cette ceinture cède sous la pression. Et puis après ? Je n’allais pas pouvoir lui échapper. Avoir les poings liés n’était en rien la raison qui me maintenait à sa merci.
— Trois.
— La docilité vous sied à merveille, Conseiller Salo. Vous n’imaginez pas le plaisir que j’aurais à vous réserver ce traitement devant vos collègues.
Les rougeurs me grimpèrent au visage alors qu’il m’imposait des images qui me tordaient les entrailles de honte. Ce cinglé fantasmait à l’idée de fesser un Conseiller. Et il touchait son fantasme du bout des doigts. Le prochain cri, je ne pus le contenir. Sa paume frappait encore au même endroit, là où la douleur fusait déjà dans des pulsions brûlantes. Je serrai les dents, comme si cela pouvait rattraper la voix qui avait abdiqué avant ma volonté.
— Q-quatre…
— Putain… j’ai tellement envie de vous baiser…
Mon corps tremblait sur ses cuisses. Je refusais de le regarder, car je ne pouvais dissimuler ma fébrilité. Sa main pressait mes fesses, m’arrachant un nouveau gémissement là où il avait rendu ma chair si sensible. Son érection appuyait contre mon ventre.
Il eut la gentillesse de livrer sa prochaine claque sur mon autre fesse. Je n’en criais pas moins. J’abandonnais. Je lâchais prise, secoué de tremblements entre ses mains à la fois chaudes et douloureuses.
— Cinq…
Il naviguait entre fessées et caresses, s’amusait à me prendre par surprise pour varier les tons de mes plaintes. J’avais cessé de retenir les larmes qui roulaient sur mes joues. Les picotements, eux, avaient quitté le navire. Je ne tremblais pas de peur. Pour dire vrai, j’aurais été incapable de dire ce qui secouait mon corps. Je lui laissais les commandes. Seule la tension me poussait à tirer sur les liens à chaque fois qu’un nouveau coup tombait.
Et je bandais.
Mon sexe restait dur contre sa jambe. Une chaleur invraisemblable m’envahissait depuis le bas ventre jusqu’au bout des orteils. Je respirais lourdement à chaque pause. Toute mon attention allait à ne pas perdre le compte. Mes deux fesses étaient aussi douloureuses l’une que l’autre. Je ne pouvais plus supporter le moindre contact. Pourtant, il n’était pas question d’arrêter. Ma capacité à l’encaisser de rentrait pas en ligne de compte.
Finn se délectait de me pousser au-delà de mes limites. Sa paume caressait ma peau sensible.
— C’est la dernière, Salo, souffla-t-il avec tendresse. Vous avez été exemplaire. De quel côté la voulez-vous ?
Cela n’avait aucune importance.
— A-à gauche…
Il claqua à droite. Je poussai un cri de douleur sans que mon érection ne désenfle. Même ma respiration se parait d’une plainte aiguë.
— Douze…
D’une main sous mon ventre, il me redressa pour poser mon torse contre le mur. Son torse dans mon dos me servait d’appui pour rester à genoux, empêchant mes fesses de se poser sur mes talons. Il tourna tendrement mon visage vers le sien. Sa langue passa sur ma joue. Il dégustait mes larmes.
— Voilà les larmes que j’aime au lit, gronda-t-il en plaçant son sexe entre mes fesses. Vous n’oubliez pas quelque chose, Conseiller ?
La chaleur me submergeait. Le contact de son sexe entre mes fesses gonflées était aussi douloureux qu’excitant. Débarrassé d’arrogance, mon esprit se trouvait sens dessus dessous.
— M-merci, murmurai-je dans un état second.
Ses dents se fermèrent sur ma peau dans un grondement. Il poussa deux doigts entre mes lèvres, jouant avec ma langue. La salive coulait le long de mon menton, elle s’échouait lamentablement sur mes draps de soie. Son corps pressé sur le mien, il me serrait si fort que je crus me briser dans ses bras. Et cela avait tout d’une fin acceptable.
— Putain… Je n’en demandais pas tant. Un « désolé » aurait suffi, mais vous surpassez mes attentes. Vous êtes un Soumis d’exception.
La fierté avait déserté depuis trop longtemps pour que ses mots suscitent la moindre honte. Je gémissais faiblement, torturé par mon érection délaissée et la douleur de ses hanches sur mes fesses gonflées. Finn abandonna mes lèvres lorsqu’il estima ses doigts suffisamment humides pour les glisser contre mon entrée. Il ne prit pas le temps de la masser avant de les y enfoncer. Je me tendis dans un cri qui ne savait plus rien de la limite entre douleur et plaisir.
Il ne me laissa pas le temps de m’y faire. Finn attrapa mon sexe et me masturba sans attendre. Je m’avachis contre lui, plongé dans un plaisir sans borne ni décence. Il me doigtait, caressait mon gland dans des va et vient rapides. Il voulait me faire jouir, et il voulait le faire vite. Il n’y avait là aucun challenge. Mon sexe fut pris de soubresauts, mon corps suivit.
— Finn… Je vais… Ah…
A mes mots, il relâcha sa prise et retira ses doigts. La chaleur menaçait de m’emporter sans me soulager de la moindre manière. Dans l’incompréhension la plus totale, je tournai la tête vers lui.
Il me dévorait du regard.
— Je n’ai pas exactement fini de vous faire payer vos excès, Salo. Je voudrais m’assurer que vous y réfléchirez à deux fois avant de me parler de mon père.
A cette simple annonce, les larmes redoublèrent. Il avait l’intention de jouer avec moi. Les termes du contrat me revenaient par bribes, et un vague souvenir autour de la manipulation de l’orgasme fit surface dans le brouillard de mon esprit. Cela faisait partie de ses fantasmes. Sa langue s’écrasa à nouveau sur ma joue couverte de larmes.
— J’ai compris mes erreurs. Arrêtez de jouer avec moi, soufflai-je en essayant de reprendre mes esprits. J’ai besoin de jouir…
— Et vous jouirez. Quand je l’aurais décidé.
Ses doigts s’enfoncèrent à nouveau à l’intérieur. Une plainte brisée sonna. Il entreprit de masser ma prostate, et la chaleur revint en force. J’étais au bord de l’orgasme, il lui suffisait d’un rien pour m’y ramener. Pourtant, il maîtrisait à la perfection la limite à ne pas franchir. Il ralentissait les cercles tracés à même mes parois, et sa main remonta le long de mon torse. Cette fois-ci il ne touchait pas mon sexe. Je geignais faiblement, brisé de frustration. C’était un incendie qui me ravageait de l’intérieur. Il laissait sa brûlure partout où Finn Slickjaw imprimait ses paumes.
Son autre main choisit où elle arrêterait ses caresses. Elle le fit autour de mon cou. Je m’agitai brusquement, pris de terreur lorsque ses doigts se fermèrent là où il avait essayé de me tuer quelques jours plus tôt. Mais j’étais incapable de me dégager. Sa main m’agrippait fermement et ses doigts en moi me tenaient en place. Son corps me bloquait contre le mur. J’étais pris au piège. Je tirai sur mes liens, tentai de me défaire de la ceinture qui enserrait mes poignets. Sans le moindre succès.
— Lâchez-moi ! ordonnai-je. F-Finn, arrêtez, je ne veux p…
— Le contrat stipulait que j’aimais la strangulation. La dernière fois, j’ai serré en hésitant à vous tuer. Cette fois-ci, c’est à visée purement érotique. Laissez-vous faire, Salo. Arrachons le pansement tout de suite.
— J-je veux respirer, paniquai-je. Je vous en supplie, laissez-moi respirer…
— Je ne sers pas, calmez-vous. C’est votre panique qui vous empêche de trouver votre souffle, murmura-t-il à mon oreille. Faîtes-moi confiance…
Et en effet, je rentrais en hyperventilation. C’était ridicule, comme respirer si vite pouvait amener à l’étouffement. Je ne voulais qu’une seule chose : que sa main quitte mon cou. Je revoyais son corps au-dessus du mien, la façon dont son regard meurtrier songeait à m’ôter la vie. Ce jour-là, il aurait pu le faire.
Pour la première fois depuis le début de notre ébat, Finn déposa un baiser au creux de ma nuque. Il fit preuve d’un semblant de tendresse. Comme avant.
¬— Je suis désolé de vous avoir fait si peur, murmura-t-il à mon oreille. Vous étiez vulnérable, et je regrette d’avoir pété un boulon. Vous méritiez une punition, mais peut-être pas celle-ci.
Je clignai des yeux. Mes paupières chassaient les larmes qui voulaient m’aveugler. L’ancien chembaron était en train de me présenter des excuses ? Celui-là même qui me tenait par la gorge ? Aussi saugrenue soit cette situation, il me semblait la comprendre.
— Vous connaissez le mot de sécurité ? Servez-vous-en si vous ne le supportez pas.
Mon cœur était sur le point d’exploser. En un sens, je saisissais son objectif. Il voulait me désensibiliser d’un geste qu’il regrettait. J’avais moi-même fermé ma main sur sa gorge pendant l’un de nos rapports, et je devais admettre avoir aimé cette sensation de pouvoir.
J’avais juste besoin d’un coup de pouce.
— Votre main…
Le murmure était à peine audible, il souffrait du manque d’assurance de la demande. D’abord, Finn n’y répondit pas. Par défaut d’audition, pas défaut d’accord, nul ne pouvait le dire à part lui. Puis il y eut un mouvement.
Il fouilla la table de nuit à l’aveugle et attrapa le lubrifiant. Dès qu’il fut prêt, ses doigts quittèrent mon entrée pour être vite remplacés par son membre. Le passage me fit hurler. J’étais au bord du précipice. Le sentir occuper tout cet espace à l’intérieur de mon propre corps allait me faire perdre la raison. Ses râles de plaisir n’arrangeaient rien au problème. Finn adorait ça au moins autant que moi. Sa main se raffermit sur ma gorge, là où était sa seule prise. Pour m’empêcher de basculer, il m’étranglait.
La panique et l’extase se livraient un tir à la corde qui menaçait de rompre mon esprit. Les picotements mangeaient mon visage, le bout de mes doigts. Peut-être n’avait-il finalement pas compris. Je n’allais pas le supporter. Je m’apprêtais à prononcer le mot de sécurité, quand enfin il consentit à ma demande.
Ses doigts se nouèrent aux miens.
Et l’extase l’emporta. Je basculai la tête contre son épaule. Et je m’offrais à lui sans plus de compromis. Sa main sur ma gorge, son sexe en moi, ses doigts dans les miens.
De quelques vas et vient, il m’amena à nouveau aux portes de l’orgasme. Lui aussi, était sur le point d’imploser. La façon dont il gémissait, les secousses de son sexe entre mes fesses, sa façon de s’arrêter pour que cela dure un peu plus longtemps. Je geignis de frustration, sentant l’orgasme libérateur m’échapper pour la deuxième fois. Je brûlais. Les picotements avaient cessé.
Sa main obstruait ma respiration, et j’aimais ça.
A la fois, j’avais l’impression d’être au bord du malaise et de n’avoir jamais été si éveillé. Il tenait fermement mes mains harnachées dans mon dos, dans la promesse silencieuse de ne plus me faire de mal. Mon corps était secoué de tremblements insoutenables. J’allais imploser.
— Finn… Je vous en prie, laissez-moi jouir…
Mes larmes ruisselaient entre ses doigts. Je ne sus ce qui parvint à le convaincre. Ma voix brisée par ses soins ? La façon dont mes doigts s’agrippaient à sa main comme à une bouée de sauvetage ? La chaleur démentielle de mon corps qui convulsait pour lui ? En tout cas, il accéda enfin à ma demande. Il envoya des coups de hanches brusques, dépolis. Ils avaient délaissé l’étoffe du jeu. Son sexe frappait au fond de mon ventre.
Sa main ne quitta mes doigts que pour effleurer mon sexe. Il n’en fallut pas davantage. Je me cambrai dans un ultime hurlement, et enfin, l’orgasme secoua mon corps tout entier. Ce fut un séisme, véritable et ravageur. Il gémit dans mon oreille. Sa main serrait ma gorge. Les traînées collantes de ma jouissance s’écrasaient sur la tête de lit, tachaient mon oreiller pendant qu’il me souillait de l’intérieur.
La tension retomba. L’entrave de ma respiration devint caresse. Je reprenais mon souffle, appuyé contre le corps solide qui me soutenait. Sa mâchoire froide déposait des baisers sur ma peau, toujours obsédée par mon cou. La ceinture quitta mes poignets agréablement endoloris. Finn Slickjaw avait dévasté mes sens et convictions. Il m’avait fait mal, il m’avait fait pleurer, et il m’avait fait aimer ça.
Je me promis d’emporter cette révélation dans ma tombe, négligeant les indices qui coulaient sur le bois du lit. Les mains qui m’avaient étranglé caressaient mon corps avec une profonde considération. Il embrassait mes joues, séchait mes larmes de ses baisers.
— Vous êtes donc bien capable de lâcher prise, souffla-t-il entre deux baisers.
— J’espère que vous brûlerez en Enfer, Finn, marmonnai-je en savourant sa tendresse.
Il pouffa de rire.
En mon for intérieur, je le remerciais.
Il prenait le soin de ne pas moquer ce qui me gênait le plus.
La chaleur de ses doigts manquait déjà aux miens.
Notes:
Après les débordements, Finn perd en compassion pour son partenaire.
Il commence à laisser libre cours à ses désirs et est bien décidé à ce que Salo y prenne goût.J'aime bien la tournure que prennent les événements et le revirement net dans le comportement de Finn, ça va donner un nouveau souffle à leurs échanges.
Et Salo qui lâche un. peu prise... j'adore héhé
J'espère que vous aussi <3
Chapter 10
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
— Si je m’étais attendu à ça. Vous êtes moins prévisible que je le croyais.
Je roulai des yeux en chassant sa voix déplaisante d’un geste de la main. Devant moi, un verre de vin rouge rempli avec générosité, et il n’allait pas être de trop.
— Que diriez-vous de changer vous aussi vos habitudes et de ne pas parler plus que nécessaire ? Ce serait une bénédiction.
Finn ne s’offusquait pas. Il déposa sur mon divan le morceau de tissu en piteux état qu’il qualifiait de veste et s’installa sur la chaise de l’autre côté de la table. Il portait un pantalon gris à rayures verticales, retenu par des bretelles noires. J’aurais aimé critiquer la tenue sous ses haillons, et il y aurait eu beaucoup à dire sur le goût douteux des zaunites en matière de stylisme, mais je me retrouvais à le contempler du coin de l’œil. Ce débardeur gris épousait le corps que je connaissais bien, dévoilant de nombreux tatouages sur ses bras. Le pire fut quand il glissa ses longs cheveux noirs d’un seul côté, dégageant ses oreilles percées par une multitude de bijoux argentés.
De mieux en mieux. Finn Slickjaw commençait à me plaire. Il était pourtant une tache purulente au milieu de mon salon, qui avait le mauvais goût d’être en plus récalcitrante. Mais une tache qui faisait pétiller mon bas-ventre, et ce même habillé.
— Vous êtes terriblement agaçant.
Je fis passer ces mots d’une longue gorgée de vin qui, je l’espérais, aurait la diligence de remplumer mon orgueil dégonflé.
— Agaçant ? Qu’est-ce que j’ai fait pour vous contrarier, cette fois-ci ?
Être un peu trop séduisant.
— C’est un tout. Votre compagnie est systématiquement agaçante.
Il joignit ses mains devant lui et y posa son menton. Il sourit largement, révélant ses dents légèrement jaunies par le tabac. Et même cela avait quelque chose de plaisant.
Je n’avais jamais couché avec quelqu’un se rapprochant à ce point d’un mendiant. C’en devenait inquiétant pour l’hygiène de mes appartements.
— Oh. Je dois comprendre que vous êtes un homme qui gémit d’agacement ? Ou peut-être est-ce la colère qui vous pousse à me remercier quand je vous fesse à vous en faire perdre pied ? Je suis confus, Salo. Éclairez ma lanterne.
Je ne lui fis pas le plaisir de rentrer dans son petit jeu.
— Et si vous commenciez à manger ? Ce serait un véritable soulagement que vous ayez enfin la bouche pleine. Je n’ai guère envie de supporter vos inepties.
— Quitte à avoir la bouche pleine, je préfèrerais que ce soit de votre adorable cul.
Il parvint cette fois-ci à faire rosir mes joues, et bien sûr il ne manqua pas une miette du spectacle. J’avalai une nouvelle gorgée de vin dans une quête vaine de contenance face à cet homme dénué de savoir-vivre. Satisfait de la tournure des événements, il attrapa la fourchette et le couteau et commença à découper la pièce de viande servie dans son assiette. Il prit une première bouchée sans me lâcher des yeux une seule seconde.
Et quels yeux. Une lueur lubrique qu’il n’avait pas l’intention de dissimuler brillait dans le jade de ses iris. Je n’eus pas besoin qu’il en dise plus pour savoir à quoi il était en train de penser. Je pouvais presque sentir sa mâchoire s’installer entre mes fesses où sa bouche ferait l’étalage de son talent. Je commençais à durcir.
Je pris une bouchée à mon tour en tâchant d’ignorer la manière dont il me dévorait du regard.
— Venons-en aux faits. Vous vous doutez que je ne vous ai pas fait venir dans le but de partager un repas de courtoisie.
— Si vous voulez passer directement à la chambre, loin de moi l’idée de m’y opposer. J’ai de nombreuses idées sur la façon de finir le repas là-bas, directement sur votre corps.
— Outre profiter de vos remarques déplacées, j’avais dans l’idée d’écouter votre dernier rapport concernant le meurtre de Jinx.
— Est-ce que je peux le faire en vous baisant sur la table ?
Je lui adressai un regard noir qui ne fit que redoubler son amusement. Ce type était d’une immaturité affligeante. Face à la stupidité, il n’y avait que le mépris. Je ne pris pas la peine de répondre à sa question, attendant simplement qu’il remplisse sa part du contrat en continuant mon repas.
Il enfourna un deuxième morceau de viande. La façon dont sa mâchoire artificielle s’activait avait quelque chose de fascinant. Plus je le regardais, plus l’histoire derrière cette prothèse m’intriguait. Même Lest ne savait pas ce qui expliquait qu’il porte un tel attirail. Ma curiosité, bien que grandissait, ne dépassait pas le déni. Je n’admettrais pas si facilement vouloir mieux le connaître.
Sa pomme d’Adam roula sous sa peau pâle lorsqu’il avala la bouchée. Il était d’une beauté époustouflante.
— C’est difficile de prendre votre silence au sérieux quand vous me regardez avec une telle envie, Salo. Vous perdez en crédibilité. Je n’imagine même pas ce que je trouverais si je mettais la main dans votre pantalon.
Et en effet, il trouverait exactement ce qu’il pensait. Je ne lui fis pas le plaisir de baisser les yeux.
— Votre rapport, Finn. Où en êtes-vous ?
Il se lécha la lèvre, fier de son petit jeu.
— Comme je le pensais, Sevika est en lien avec Jinx. Elle lui rend visite régulièrement, elle veut la convaincre de se montrer pour rassembler sous un même étendard Zaun tout entier. Elle pense que Jinx a ce pouvoir.
Cette nouvelle s’abattit comme une chape de plomb sur mes épaules. Elle écrasa le désir sous son poids. Zaun était plus vastement peuplé que Piltover. La seule raison pour laquelle leur surnombre ne les avait jamais conduits à la victoire résidait dans la dissension qui régnait entre ses factions. Combattre la Ville Basse revenait à affronter de petits groupes désorganisés qui se tiraient volontiers dans les pattes. En comparaison à l’unité et aux moyens de Piltover, ils ne faisaient pas le poids. Ils ne l’avaient jamais fait, en témoignait la défaite monumentale de la strate inférieure lors du Grand Soulèvement.
Mais si les factions parvenaient à s’entendre, alors les cartes seraient rebattues. Elles ne seraient pas forcément en notre faveur. Ma gorge était terriblement sèche.
— Qu’en pensez-vous ?
— Jinx en a le pouvoir. Depuis l’attentat et la mort de Silco, elle est devenue une icône. Si une personne peut réaliser ce miracle c’est bien elle.
L’ironie de ses mots me donna la nausée. Je posai ma fourchette et mon couteau de chaque côté de l’assiette.
En prenant mes jambes, Jinx marchait désormais à la tête de son propre bataillon.
Pire encore, qu’est-ce que Finn pensait de cette étrange tournure des événements ? Oui, il lui en voulait pour des raisons personnelles et souhaitait sa mort. Mais si elle pouvait amener la victoire à Zaun, ne mettrait-il par ses rancœurs de côté ? Un fossé semblait s’être creusé entre nous. Il fendait la table d’un gouffre abyssal.
Un instant, le cours du temps se suspendit.
Et si ?
Et si Finn changeait d’allégeance ?
Je blêmis, soudain inquiet par sa présence dans mon appartement. Nous étions seuls et il me détaillait d’un air intrigué, un peu trop insouciant pour être rassurant. Parier qu’il n’ait pas fait le lien entre mettre de côté son orgueil et amener Zaun à la victoire aurait été puéril. Je commençais à connaître Finn Slickjaw, et il était plus malin qu’il n’en avait l’air. Je plantai mon regard dans le sien. Mes mains restaient plaquées sur la table, la pression dissimulait leurs tremblements.
— Arrêtons de tourner autour du pot, voulez-vous ? En me trahissant, vous avez une chance de renverser les jeux de pouvoirs qui écrasent votre taudis. J’aimerais savoir à quoi m’en tenir.
— Vous commencez mal en qualifiant Zaun de « taudis ». Vous n’êtes pas très bon en négociation, Salo. La flatterie fonctionnerait mieux que les insultes, vous savez.
— Répondez.
L’ordre claqua sèchement. Je n’avais plus envie de jouer. Pas quand ma vie était en jeu.
Finn bascula sur les pieds arrière de la chaise, comme si elle ne valait pas le prix d’une maison des Bas-Fonds, et étira ses bras derrière son crâne. Il était détendu, ou voulait au moins le paraître.
— Je suis garant de votre sécurité pour encore un mois et demi. Et j’ai signé un contrat stipulant que je ferais tout mon possible pour tuer Jinx pour la même période. A vous de voir si vous pensez que je vais respecter notre accord.
Je pouffai d’un rire méprisant. Ma propre naïveté me navrait. J’avais admis ce saltimbanque dans ma vie sous prétexte que Lest le pensait digne de confiance. La prudence m’avait cruellement fait défaut. Si ma vie touchait à sa fin ce soir, j’en serais le seul responsable.
Si cet homme décidait de rompre son contrat en me tuant, qui viendrait lui en tenir rigueur ? Il serait poursuivi pour le meurtre d’un Conseiller, oui. Mais le torchon qui portait nos signatures n’avait qu’une valeur morale entre nous – et la morale se transgressait volontiers. Quand bien même il eut une once d’intégrité, il aurait tout autant la possibilité de m’exécuter dans six semaines, quand notre contrat deviendrait caduc. Dans tous les cas, j’avais été un imbécile. Tuer Jinx n’avait aucun autre intérêt que servir ma vengeance personnelle. Elle ne menaçait plus Piltover depuis longtemps.
— Vous auriez beaucoup à gagner à garder Jinx en vie. Notre contrat est sans valeur à côté de la victoire de Zaun, même si elle se fait au prix d’une alliance avec vos deux pires ennemies.
— Vous trouvez l’idée alléchante.
— C’est à vous qu’elle profiterait. Vous n’avez aucun intérêt à me servir à la lumière de ces informations.
Je soufflai du nez, finissant mon verre de vin d’une traite. La situation était tellement absurde qu’elle se devait d’être savourée avec dignité. Je remplis à nouveau ma coupe.
— Notez le comique de la situation. Vous n’auriez jamais eu ces informations à votre disposition si je ne vous avais pas enrôlé. Vous auriez cru, comme tout zaunite avec un brin de cervelle pas encore grillé par le shimmer, que Sevika déraillait en pensant pouvoir mobiliser une revenante. Mais voilà que vous enquêtez pour moi, et il s’avère que Sevika n’est pas en pleine déréalisation. Je vous ai moi-même envoyé vers d’excellentes raisons de me tuer.
— Ne soyez pas comme ça, votre vie ou votre mort ne comptent pas tant dans la domination de Zaun, répondit-il en continuant de manger comme si de rien n’était. Vous n’êtes pas si important.
— Que pensez-vous qu’il adviendrait du Conseil, dans votre utopie ?
— Vous seriez décimés. Sans doute pendus au Pont du Progrès, suggéra-t-il avec une désinvolture révoltante. Mais je regretterais beaucoup nos nuits torrides, si vous veniez à vous balancer au bout d’une corde. A la place, je vous propose de devenir mon petit crapaud de compagnie.
Je trinquai à l’irrévérence de ses mots.
— Plutôt mourir.
— Si vous cherchez quelqu’un pour ce boulot, je connais le type parfait. Trois mois d’amour supplémentaires puis je vous tuerais de mes mains, je vous le promets.
— Vous êtes complètement fêlé, répondis-je en sirotant mon vin.
— Vous devriez ralentir un peu sur le vin, vous allez avoir besoin d’énergie quand nous passerons dans votre chambre.
— Sans vouloir vous vexer, votre inquiétude est assez déplacée.
Il avala la dernière bouchée de son plat et déposa les couverts sur la table. Ses yeux verts fendus de tatouages restaient rivés sur moi avec un amusement des plus inappropriés.
— Aller, ne faîtes pas votre mauvaise tête. Je n’ai aucune intention de vous tuer. Ni maintenant, ni plus tard. Je veux la mort de Jinx beaucoup plus que la domination de Zaun. Vous avez raison, Zaun est un trou à rats bon à faire cramer, je n’y connais que des traîtres et des malfrats. Je me fous pas mal du sort des deux strates.
— Et qu’est-ce qui m’assure que vous respecterez votre engagement ? soulignai-je d’un sourcil arqué de dédain.
Finn souffla du nez. Il se leva calmement de table pour passer de mon côté. Dans des gestes lents, il s’empara de mon verre et le termina d’une traite. Il le reposa avec la même tranquillité, puis ses doigts bifurquèrent.
Du bout de l’index, il traça une ligne de la naissance de mes clavicules jusqu’à mon menton. Son toucher embrasait ma peau. Son regard m’embarquait dans un torrent d’émotions contradictoires. Le bout de son doigt resta sous ma mâchoire, il dressait mon visage vers le sien, si proche que je pouvais sentir son souffle s’écraser sur ma peau.
— Rien du tout. Vous allez devoir me croire sur parole.
Son pouce appuya sur ma lèvre inférieure, il saisissait mon menton avec une autorité si douce qu’il ne me vint pas à l’esprit de la bafouer.
— Si vous avez terminé votre repas, nous allons passer dans la chambre. Je vais vous apprendre à me faire confiance.
Notes:
Une fois n'est pas coutume, on fait avancer un petit peu l'histoire de fond haha
Un chapitre un peu plus court que d'habitude.
En attendant la suite !
Chapter 11
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
Chapitre 10
Mes yeux lançaient des éclairs. J’aurais aimé que ce foutu Hextech occupe mes pupilles afin de foudroyer sur place l’imbécile fièrement installé sur mon lit. Lui faire ravaler ce sourire dans un estomac grillé à point aurait été jouissif.
— Vous n’escomptez pas réellement obtenir mon accord pour votre lubie, n’est-ce pas ? articulai-je avec tout le mépris dont j’étais capable.
— Pour être tout à fait honnête, je n’attendais pas votre autorisation. Vous avez signé un…
— … Un contrat qui stipule que vous êtes un malade mental, pas un contrat qui admet l’intégralité de vos goûts problématiques comme devenant les miens, complétai-je. Vous pouvez ranger ça.
— Bon, je vois que nous ne tomberons pas d’accord. Je vous propose de pimenter un peu les choses. Si vous le rangez vous-même dans sa boîte, alors je ne m’en servirais pas aujourd’hui. Dans le cas contraire, vous vous plierez à ma volonté.
Alors Finn déposa sur le lit le bâillon aux sangles de cuir, juste entre lui et moi. Et j’eus envie de l’étriper.
Non content d’être paralysé des deux jambes, cette raclure zaunite avait pris le soin de me passer des menottes. Autant dire que la suggestion était déséquilibrée.
— Dix, neuf, huit…
J’avais une possibilité et une seule : me laisser tomber en avant sur le matelas, attraper cette saloperie entre mes doigts, et essayer de l’envoyer dans la poubelle qui lui servait de sac.
— … Sept, six, cinq…
Mais mes chances de réussite frôlaient le zéro. En revanche, le ridicule, lui, serait au rendez-vous.
— … Quatre, trois, deux, un…
De toute façon, ce salaud allait finir par me passer cette horreur un jour ou l’autre. Il en parlait depuis notre première rencontre sans jamais se lasser du sujet. Pour des raisons qui m’échappaient, il rêvait littéralement de coincer cette boule percée entre mes dents. L’éviter une soirée de plus ne valait pas la peine de me vautrer comme un ver de terre devant lui.
— … zéro. Vous n’avez même pas essayé, Salo. Dois-je comprendre que vous admettez enfin votre envie d’essayer ?
— Comprenez-y ce que vous voulez, ça m’est égal. Vous savez, si vous tenez tant à mon silence, je peux vous proposer de ne pas dire un mot de cette séance. Je n’ai pas envie que vous mettiez cette chose dans ma bouche.
— « Une séance », c’est le nom que vous donnez aux soirs où vous vous faîtes déglinguer ?
— Vous êtes infernal. Contentez-vous de me répondre, cela vous évitera de vous rendre ridicule.
Il frôla mes lèvres du bout des doigts. Finn était déjà en train d’imaginer ses plus grands fantasmes avec une précision qui m’aurait fait frémir. Les images de son esprit dérangé se reflétaient presque dans ses iris.
— Il ne s’agit pas « juste » de vous faire taire. Cette boule vous empêchera de retenir vos gémissements. Et puis, je pense que vous allez être magnifique. C’est un peu comme un signe que vous m’appartenez pour notre « séance », vous voyez ?
— Parce que les menottes ne suffisaient pas à cela, raillai-je.
— Tout juste. Et vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Finn reprit le bâillon abandonné entre nous et avança la boule vers ma bouche. Mes lèvres restaient fermées à double tour par l’Orgueil en personne. Je savais ce combat perdu d’avance, mais je n’abandonnerais pas sans lui compliquer la tâche.
— Je ne sais pas où cette horreur a traîné, et vous pensez pouvoir la fourrer dans ma bouche ? Je me passerais d’attraper l’herpès, voire pire.
Finn approcha la boule de sa propre bouche et la lécha généreusement sous ma moue dégoûtée. Sa salive se déposait sur le plastique noir. Ses yeux ne quittaient les miens sous aucun prétexte pendant qu’il mettait un pied dans la décadence.
— Vous êtes répugnant.
— Voilà, maintenant vous savez où elle a traîné. Pour votre information, elle était neuve. Si vous vouliez goûter ma salive, il suffisait de le demander.
— Je vous rappelle que notre contrat ne vous autorise pas à m’embrasser.
— Il y a bien d’autres manières de vous la faire savourer, ajouta-t-il avec un clin d’œil. Bien que votre petite bouche de chérubin y soit sans doute étrangère. Quoique, vous sucez comme un dieu. Vos expériences passées me surprendraient sans doute.
— A tout hasard, auriez-vous l’amabilité de vous bâillonner également ?
Finn éclata de rire mais avança à nouveau la boule contre mes lèvres. Je détournais la tête, le cœur battant à tout rompre. Il allait me priver de mon seul moyen de défense. Ma respiration se faisait sifflante. La générosité de mes verres de vin ne suffirait pas.
— A-attendez.
— Nos discussions me plaisent beaucoup, mais vous commencez à me gonfler, Salo. Nous ne sommes pas dans votre chambre pour débattre, s’agaça-t-il.
— J-je ne pourrais pas utiliser le mot de sécurité.
— Et c’est précisément ce pourquoi nous disposons d’un signal de sécurité. Vous gémissez trois fois à une bonne seconde d’intervalle, et je saurais qu’il faut que je vous libère. Maintenant, arrêtez d’essayer de gagner du temps.
Ce n’était pas là mon objectif. L’angoisse montait. Trois gémissements, c’était le signal non-verbal le plus flou qui soit.
— Comment comptez-vous distinguer ces gémissements des autres ? Retirez-moi au moins les menottes que je puisse faire le signal physique.
— Je vais vous fourrer ce bâillon dans la bouche, et je ne retirerai pas vos menottes. Je vous l’ai dit, je vais vous apprendre à me faire confiance. Cela commence ici : je comprendrais notre signal de sécurité.
Je tremblais. De peur, de contrariété. La perspective d’être privé de la parole me terrifiait plus que de raison. Les mots s’étaient toujours fait mes meilleurs alliés.
Et ils pouvaient le rester, d’une certaine manière.
— Très bien. J’accepte votre stupide bâillon, et je peux même vous jurer d’être un soumis irréprochable pour la nuit, puisque c’est apparemment ce que vous souhaitez.
Il m’adressa une œillade suspicieuse.
— Que me vaut une telle docilité ? Ce n’est pas votre style.
— En échange, vous devrez répondre à une question à la fin de notre séance.
— Comme si j’allais m’engager sans connaître votre question, s’esclaffa-t-il. Ne me prenez pas pour un bleu, Salo. Vous êtes perfide, et la notion de « soumis irréprochable » pourrait être sujette à débat. Laissez tomber.
— Il n’y aura pas de débat, repris-je précipitamment. Vous serez seul juge de ma bonne soumission, je ne protesterais pas. Mais croyez-moi, vous n’aurez rien à me reprocher.
Il prit le temps d’évaluer ma proposition. Il était intéressé, c’était une évidence. J’avais visé juste : s’assurer de ma compliance absolue pour une nuit le faisait fantasmer au plus haut point. C’était une façon de faire d’une pierre deux coups. Il faudrait supporter son foutu bâillon quoi qu’il advienne, alors autant en tirer une information intéressante.
— C’est d’accord. Au moindre faux pas, je ne répondrais pas à votre question. Nous sommes d’accord ?
— Absolument, certifiai-je.
— Je dois admettre que vous avoir soumis à moi quoi que je vous fasse me comble d’avance, surtout compte-tenu du programme pour ce soir. Mais je suis encore plus intrigué par ce qui pique ainsi votre curiosité.
Il m’adressa un sourire carnassier qui me fit frémir. Je faillis regretter ma suggestion. De toute manière, quel que soit le programme en question, il avait l’intention de me le faire subir. Que je m’en accommode volontiers ou non.
— Et puis, concernant le signal de sécurité, nous ferons un test avant de commencer, d’accord ?
Il avait l’air… attendri. Finn tenait compte de mes états d’âme. Il l’avait toujours fait, à sa manière. Lui faire confiance n’était plus si difficile. Je hochai la tête de façon presque imperceptible. Et, cette fois-ci, j’entrouvris les lèvres lorsque la boule les effleura.
Il la poussa dans ma bouche, jusqu’à ce qu’elle entrave la fermeture de ma mâchoire. Les sangles passèrent autour de ma nuque, ses gestes revêtaient la même douceur que s’il offrait un collier à sa bien-aimée. Finn me bâillonnait avec tendresse, pour ce que ça valait. L’absurde de la scène m’aurait presque fait sourire, si je ne m’étais pas senti aussi humilié avec cette chose enfoncée dans la bouche.
Pourtant, la façon dont Finn me regarda ensuite n’eut rien de moqueuse. Il était époustouflé.
— Je savais que ça vous irait bien, mais putain… vous êtes somptueux.
Ses mains tenaient mon visage en coupe. Ses ongles épousaient mes joues, les sangles y imprimaient leur marque. Je ravalais la colère de subir un traitement indigne d’un Conseiller. Il me contemplerait à sa guise, et j’aurais la réponse à l’interrogation qui me démangeait.
Il caressait ma lèvre dont commençait à couler la salive. Ce ne fut qu’en essayant de déglutir que je compris que cela m’était désormais impossible. Cette foutue boule me l’interdisait. Je dus faire appel à toute ma résilience pour ne pas lui signaler ce qu’il savait déjà. Irréprochable, voilà ce que je serais. Il n’y avait aucun monde où Finn m’ôtait cette horreur sous le simple prétexte que je salivais. Je suspectais plutôt qu’il s’agisse d’un de ses fantasmes douteux.
J’en eus la confirmation lorsqu’il lécha ma salive directement sur mon menton. J’aurais voulu être écœuré. La vérité, c’était que je commençais à durcir, tristement excité par le pervers qui me faisait face.
— Je vais vous tourner face au mur, puis vous attacher les mains en hauteur. Ça me permettra de garder votre cul bien accessible sans avoir à vous tenir.
Que je rêvais de lui demander de garder ses explications pour lui et de se contenter de passer à l’action. J’en étais toutefois incapable, et pour dire vrai, je ne le pensais pas vraiment. Finn ne voulait pas me surprendre en me déplaçant contre mon gré. Son égard pour mes angoisses me toucha.
Un soumis exemplaire.
Je hochai la tête. Il passa ses bras sous mes aisselles et me plaça comme convenu. Ses projets m’interrogèrent, en particulier sur la façon de me maintenir attaché, mais j’eus très vite la réponse. Finn Slickjaw faisait comme chez lui. Il décrocha la toile de maître hors de prix qui ornait le mur au-dessus de mon lit et la déposa par terre – il eut la gentillesse de l’adosser à un meuble sans l’abimer. Puis il leva mes bras en l’air pour passer les chaînes des menottes sur le crochet désormais libre.
J’avais envie de lui hurler dessus. De l’insulter pour oser toucher ainsi à mes affaires. D’abord, il se servait de mes tasses comme cendrier, et maintenant il refaisait la décoration de ma chambre ? Son manque de bonne manière m’aurait fait hurler.
Son objectif était atteint, le poids de mon corps pesait sur mes bras, suffisamment tirés pour lever mon bassin du lit. Le crochet me tenait dans une posture que mes jambes ne me permettaient plus. Ce fut dans mon oreille que sa voix se déposa.
— Je vais maintenant vous passer un bandeau sur les yeux, ne vous inquiétez pas.
« Ne vous inquiétez pas » ? Mon cœur accéléra d’un coup, lancé sur un rythme frénétique qui menaçait de me faire abandonner ma bonne résolution. L’envie de satisfaire ma curiosité vacilla sérieusement. Mais avant que je puisse réagir, un tissu d’une douceur moqueuse passa sur mes paupières et se noua à l’arrière de mes cheveux. Je ne pus m’empêcher de repenser à cette soirée où il m’avait fait choisir un endroit où attacher sa foutue ceinture. Cette nuit, il accomplissait trois des propositions sur les quatre.
Ma respiration devenait erratique, la salive coulait abondamment sur mon menton. Je n’étais plus vigilant à la retenir, un problème devenu secondaire face aux désagréables surprises que me réservait ce cinglé.
Pourtant, lorsque les bras de Finn s’enroulèrent autour de ma taille, tout devint plus simple. La chaleur de ce clochard diffusant dans mon dos se fit rassurante - formidable. Je reconnus le contact glacial dans ma nuque, suivi de la chaleur moite de sa langue. Ses cheveux lâchés chatouillaient ma peau. Et, avant même que je m’en rende compte, mon souffle s’était calmé.
— Tout va bien, Salo. Je suis avec vous, et je ne vous veux aucun mal.
Je sentais la chaleur insensée de ses mains sur mon torse. La façon dont la voix de ce bon à rien responsable de ma panique venait me réconforter. Cela me rendait furieux. Cela fonctionnait. Les tremblements s’estompaient.
— Je vais commencer à vous toucher. Je vais vous faire gémir. Et, quand vous le déciderez, vous procèderez à notre test. Si je ne comprenais pas, contentez-vous de hurler. Si jamais vous deviez en arriver là, je vous promets de vous retirer le bâillon. Ça vous va ?
J’acquiesçai faiblement. Une de ses mains me quitta, et j’entendis le bruit du capuchon du lubrifiant sauter. Le froid visqueux contre mes fesses m’arracha un gémissement de surprise. C’était terrible de ne pas savoir exactement ce qu’il faisait. Venait-il de poser ses doigts ou son gland contre mon entrée ? Allait-il me sauter directement ou avait-il l’intention de me préparer ? Je tremblais d’appréhension. Dans son ombre se tapissait un sentiment moins reluisant. L’excitation.
Quelque chose s’enfonça en moi, et je poussai une longue plainte de délice. C’était relativement fin. Je pariais sur deux doigts. Les bruits moites du lubrifiant dans mon entrée paraissaient décuplés dans la privation d’un sens. Le ploc de ma salive s’écrasant sur le matelas devenait assourdissant.
Ses doigts jouaient avec mon entrée. Ils faisaient des va et vient, se retirant pour mieux se renfoncer sans manquer de m’arracher des soupirs obscènes. Ils me détendaient dans des mouvements de ciseaux alors que son sexe restait dressé contre mes fesses. Je devinais les deux extrémités de sa langue qui jouaient dans mon cou. Il me coûtait de l’admettre, mais ses accessoires me conduisaient à un plaisir hors du commun. J’étais à sa merci, et il s’avérait que cela me plaisait. Finn se dédiait de toute son âme à mon bon plaisir.
J’en oubliais presque de faire notre test. Une bavure que je rattrapai bien vite.
— Hm… hm… hm, gémis-je à l’intervalle approximatif que nous avions défini.
Finn retira ses doigts, aussi simplement que cela. Ils me manquaient déjà.
— Vous voyez, c’est difficile à confondre avec un autre gémissement. Est-ce que je peux y retourner ? J’ai terriblement envie de vous doigter à vous en faire perdre la raison, Salo.
Mon bas ventre s’embrasa à ses mots. Je hochai la tête. Ses doigts retournèrent en moi, et mes tremblements devinrent étrangers à la peur.
Finn massait ma prostate, il s’accaparait mes soupirs les plus lascifs. Et il tint parole. Ses doigts traçaient des cercles parfaits sur ce point si sensible, sans jamais me faire souffrir. Bien au contraire, selon l’érection fière entre mes cuisses. La position lui donnait un accès facile à n’importe quelle partie de mon corps. Il faisait rouler mes tétons entre ses doigts, sans jamais lâcher ma nuque et mes épaules de ses lèvres. Je suspectais qu’il rêvait d’y planter ses dents, mais cela ne rentrait pas dans les termes de notre contrat. Il lui était interdit de compromettre ma réputation au sein du Conseil, et les traces visibles malgré des vêtements constituaient un solide motif de rupture du contrat.
Les soupirs se muaient en gémissements, et le brasier en feu de forêt. Le bâillon commençait à me faire souffrir, j’avais besoin de bouger la mâchoire et cet accessoire me rendait la tâche impossible. La salive avait depuis longtemps débordé la contenance de ma bouche, elle dégoulinait le long de mon torse.
— Je soupçonne que vous n’allez pas avoir besoin du signal de sécurité. Si vous pouviez voir votre queue, vous auriez honte de bander comme ça quand je vous doigte.
Je sentis la chaleur grimper à mon visage sous l’impulsion de ses mots. Je ne doutais pas qu’il disait vrai, et c’était une torture de sentir mon sexe délaissé. J’avais l’impression de brûler de l’intérieur. Il fallait que je jouisse, et vite.
— ça vous excite à ce point de vous faire attacher, Allira ?
Mon cœur rata un battement. Mon prénom. Pour la première fois, ce cinglé utilisait une appellation que peu d’individus étaient autorisés à employer. Et il n’en faisait pas partie.
Ses doigts appuyèrent plus sèchement sur mon point si sensible. Les mouvements accélérèrent. Et la chaleur explosa depuis mon ventre jusqu’au bout de mes doigts. Mon corps convulsait lamentablement, hors de contrôle. Je poussais un cri plaintif, à bout de souffle.
— Eh bien, que vous arrive-t-il ? susurra-t-il en appuyant plus fort encore.
Je me cambrai dans un hurlement, tirant sur les liens qui retenaient mes poignets. Je voulais lui demander d’arrêter de me torturer, j’hésitais à gémir trois fois pour l’y forcer. Il me stimulait là où mon plaisir avait été trop fort pour en supporter davantage. Toute mon attention dériva sur ma question. En valait-elle vraiment le coup ?
Il savoura mon orgasme sec exactement comme il le souhaitait, ajustant son appui pour me forcer à me tordre contre lui. Les vagues ne se calmaient pas aussi vite qu’avec une éjaculation classique. Il s’amusait avec mon corps.
Lorsque les spasmes s’apaisèrent enfin – certainement pas grâce à lui -, il me semblait que son petit jeu durait depuis une éternité. La notion du temps se faisait discutable. Mon amant retira enfin ses doigts, et je suspectais que la seule raison qui le poussa à agir ainsi résidât dans l’apaisement de contorsions pitoyables contre son torse. La surstimulation disparaissait.
— J’ai hâte d’entendre votre question. Vous vous donnez beaucoup de mal pour pouvoir me la poser.
Son souffle s’écrasait dans ma nuque humide, il soulevait des frissons sur ma peau. Instinctivement, je penchai la tête sur le côté pour lui laisser un accès plus vaste encore. Se livrer à lui avait quelque chose de très simple, bien que ce constat me déplût au plus haut point. C’était un amant correct qui s’était octroyé ma confiance au lit.
Je me préparais mentalement à recevoir son sexe, bien plus épais que les deux doigts qu’il m’avait réservé jusqu’à présent. De fait, je sentis son membre se frotter sensuellement entre mes fesses. Il soupirait de plaisir. Ses cheveux cascadaient sur mon torse alors qu’il me tenait fermement contre lui. Il ne me pénétrait pas encore. Il voulait me faire languir. Mes hanches s’agitaient d’instinct sur son sexe, elles cherchaient à le faire entrer en moi.
Sa main se ferma sur ma verge avec une poigne autoritaire. Je couinai en tirant d’un coup sec sur mes menottes, en vain. Il entama des va et vient si serrés que j’en suffoquais. Les sensations me dépassaient. Le plaisir. La douleur. Son autorité.
— Vous avez envie de vous faire sauter, Allira ?
Encore ce nom. Mon sexe tressauta dans sa main. Mon ventre s’embrasa à nouveau. De quel droit m’appelait-il ainsi ? Je ne le lui avais jamais permis, et cela n’était pas près d’arriver. Et pourquoi mon corps me trahissait-il ?
Finn pouffa d’un rire moqueur.
— Je ne pensais pas que ça vous exciterait autant que je vous appelle par votre prénom. Pour tout vous dire, j’avais plutôt espoir que ça vous énerve assez pour vous faire sortir de vos gonds. Vous êtes tellement à cheval sur vos principes dépassés.
Le frottement de son sexe entre mes fesses lubrifiées produisait des bruits obscènes. Je rougissais sous les sangles, bien incapable de le contredire quand les preuves s’accumulaient contre moi. Je commençais à lâcher prise, roulant des hanches pour espérer le sentir frôler mon entrée.
— Putain… vous pourriez bien me faire céder…
Ses dents se fermèrent sur mon épaule. La douleur m’arracha un cri alors que mon bassin prenait un rythme chaotique. A la fois, je voulais le sentir écarter mes parois, me remplir de son sexe logé au plus profond de moi. D’un autre côté, à chaque mouvement sa main coulissait un peu plus sur mon sexe trop sensible. J’étais déchiré de frustration, entre le besoin désespéré de le sentir à l’intérieur et celui qu’il relâche mon membre. Les larmes me montaient aux yeux, tues par le velours.
J’essayais de supporter les frictions si puissantes qu’elles en devenaient pénibles. Il versa un liquide froid sur ma verge, m’arrachant au passage un nouveau cri. Je ne savais plus ce qui motivait ma voix. La stupeur. Le désir. L’impatience. Le rejet.
De toute manière, Finn n’en avait cure. Il me masturba à toute vitesse, sa main bien serrée tout autour de mon membre. Je m’agitais dans une frénésie pitoyable. C’était trop. Trop d’un coup. Pas si proche d’un orgasme.
— Je vais vous faire jouir, que vous le vouliez ou non…
Les larmes redoublaient, la chaleur m’étouffait. J’étais saturé de sensations plus insoutenables les unes que les autres. Il fallait que ça s’arrête. Qu’il lâche mon corps et me laisse reprendre mon souffle. Mon menton se couvrait de salive. Je ne pouvais pas protester. Ma tête bascula en avant, je me voûtais comme si cela pouvait me sortir de cet enfer. Mais à aucun moment ses gestes ne ralentirent. Mes bras devenaient douloureux. Les sangles du bâillon griffaient la commissure de mes lèvres malmenées de cris.
Il allait réussir à me l’arracher, cet orgasme. J’en étais si proche que c’en devenait insupportable. Il était à portée de main et si loin à la fois. Je sanglotais, rompu dans un exercice trop difficile pour moi. Et pourtant, je ne gémis pas trois fois.
Soudain, je sentis son gland pousser contre mon entrée, et Finn enfonça directement la moitié de son sexe en moi. Je hurlai, perdu dans le brouillard douloureux de l’extase. Il termina le chemin avec plus de douceur, plaquant finalement son pubis contre mon corps. Il était logé au fond de mon ventre.
Et c’était tout ce qu’il m’avait manqué pour atteindre ce qu’il souhaitait. Les cris résonnaient entre mes quatre murs. J’éjaculais dans sa main, la voix pas moins brisée que ma pudeur. C’était exceptionnel. Sentir chaque centimètre de sa chaleur à l’intérieur de mon ventre m’apportait un réconfort inavouable. Je cherchai à reprendre mon souffle, en peine avec le bâillon devenu très inconfortable. Je ne rêvais que de détendre ma mâchoire et essuyer mes lèvres. Un songe inatteignable.
— Penchez la tête en arrière, ordonna-t-il calmement.
J’obtempérai, basculant la tête contre son épaule. Je reprenais mon souffle alors qu’il avait eu la gentillesse de ne pas me surstimuler cette fois-ci. Il allait sans doute finir en jouissant en moi dans peu de temps.
Ce ne fut pas réellement une surprise, pourtant mon cœur s’emballa. Quelque chose venait de s’écraser sur la boule percée qui maintenait ma bouche ouverte. Quelque chose qui coula dans les trous et vint s’écraser sur ma langue. Quelque chose d’amer, qui venait indubitablement de mon corps. Finn me faisait avaler ma propre semence.
Enfin, « avaler » était un bien grand mot. Elle tapissait ma bouche incapable de déglutir d’un goût âcre. Elle coulerait sur mon menton en même temps que ma salive. Il n’avait aucune limite, ne faisait que ce qui l’excitait sans s’embarrasser de la moindre décence. C’était ainsi qu’il élevait le sexe au rang d’art. Les vrais artistes se riaient de l’approbation générale.
— Goûtez comme vous êtes délicieux… Putain, vous êtes tellement bandant quand vous vous laissez faire…
Je l’entendis se lécher les doigts tout près de mon oreille. Il adorait ça, se rassasier du plaisir qu’il m’arrachait. J’aurais voulu être répugné par ses avances ; je me retrouvais à jouir dans sa main.
Il se retira de mon entrée, et je me surpris à geindre de frustration. Sa mâchoire glaciale frôla ma joue, il y déposa un simulacre de baiser.
— Chut, tout va bien, chuchota-t-il. Je vais retirer votre bandeau et soulager vos bras.
Et, en effet, il défit doucement le tissu qui m’aveuglait. L’obscurité de la chambre apparut bien lumineuse. Il tira avec délicatesse mes liens vers le haut pour me libérer du crochet. Mes bras endoloris tombèrent de chaque côté de mon torse. Je me laissais à nouveau tomber en arrière contre lui, essoufflé. C’était reposant de voir à nouveau, et même s’il ne m’avait pas ôté les menottes, mes mouvements recouvraient une certaine liberté.
Sa main flattait mes cheveux avec cette tendresse déplacée que j’affectionnais tant. Car je savais qu’il n’avait pas joui, et que la séance n’était pas encore terminée. Ce que je ne savais pas, c’était ce qu’il prévoyait pour la suite.
De son pouce, il essuya ma joue trempée de larmes. Je fermais les yeux, réconforté par son geste.
— Vous pleurez, Allira, souligna-t-il d’un ton presque compatissant. Est-ce que cela signifie que je dois arrêter là ?
Je secouai faiblement la tête en signe de refus. Son pouce traçait de douces caresses sur ma peau.
— Alors, est-ce que ce sont les larmes que j’aime ?
J’acquiesçai, la conscience embrumée. Et sa langue s’écrasa sur ma joue. Il dégustait mes pleurs directement à la source, comme le tendre détraqué qu’il était. Il ne me vint pas à l’esprit de protester. A mesure qu’il me plongeait dans un état second, il devenait de plus en plus simple de lui obéir sans commettre d’impair. Il déposait des baisers sur mon épaule, là où il avait apposé la trace de ses dents.
— Je vais vous détacher. Et vous aller continuer à vous tenir tranquille, d’accord ?
Ma tête dodelina par automatisme alors que je fermais les yeux, épuisé. Il ne serait pas difficile de me laisser faire. Les chaines cliquetèrent et les menottes qui tiraillaient mes poignets churent sur les draps dans un bruit étouffé. C’était bon de le sentir là. J’aurais voulu rester dans cette position plus longtemps, profiter de sa chaleur et de la douceur de ses caresses.
— Vous allez devoir vous tenir droit sans mon aide.
A contre-cœur, je me redressai et pris appui sur mes mais désormais libérées pour maintenir mon buste en position, assis sur mes talons. Les mains de Finn saisirent mes fesses et il me hissa vers le haut, libérant un passage entre mes jambes. L’équilibre était difficile à trouver avec ces manipulations, heureusement ses bras prévenaient toute chute pitoyable.
Mon amant se faufila entre mes jambes, allongé dos contre le matelas. Il passa les bras autour de mes cuisses et m’assis sur son torse. La fine pellicule de sueur qui couvrait sa peau lui rendait honneur. J’aurais pu l’admirer si je n’avais pas trouvé cette position des plus étranges. Que comptait-il faire, au juste ?
Ce ne fut que lorsqu’il se lécha les lèvres que ses projets m’apparurent clairement. Et je pâlis.
Il n’en avait pas terminé avec moi.
Mon premier réflexe aurait été de m’enfuir. Il me fallut lutter de toutes mes forces pour rester en place. Je lui adressai un regard suppliant qui, bien sûr, ne fit que l’exciter davantage.
— Je me demande si vous allez rester aussi docile que depuis le début de la soirée. Libéré de vos liens, cela va représenter un défi digne de vous. A quel point voulez-vous la réponse à votre question ?
Sa langue s’enroula autour de mon membre, et la torture débuta. J’étais beaucoup trop sensible, et jamais je n’allais pouvoir jouir une troisième fois. Déjà le deuxième orgasme avait été des plus difficiles à atteindre, alors cette nouvelle stimulation promettait d’être un enfer pur et simple. Quand bien même j’accomplirais le miracle d’éjaculer, cela ne signifiait en rien la fin de mon supplice.
Il n’avait pas menti. Rester en place devint un défi digne de moi. Ma résilience était mise à l’épreuve. Mes ongles se plantaient dans sa peau, ils griffaient les épaisses lettrines noires qui couvraient son torse. « Kill », voilà ce qui était inscrit en grand sur la peau de Finn Slickjaw. La mort ne suffisait pas, c’était l’acte de tuer auquel il rendait hommage. Et moi, je ruinais sa peau alors qu’il me donnait une fellation exceptionnelle dont il avait le secret. Quelle aubaine d’avoir obtenu ses faveurs et non sa haine. Il y avait quelque chose d’exaltant à être si proche d’un être qui avait pris tant de vies. D’autres, il les tuait sans scrupule. Moi, il embrassait ma nuque.
Et il me torturait, accessoirement. Car cette fellation, aussi bien exécutée soit-elle, me faisait me tordre sur place. C’était tout bonnement insupportable. Je luttais de toutes mes forces contre mon instinct pour ne pas sortir mon sexe d’entre ses lèvres. Finn avait pris le soin de ne même pas retenir mes fesses entre ses mains. Il les caressait à peine, me laissant libre de tout mouvement. Cette épreuve aurait été plus simple s’il m’avait gardé attaché.
Lutter contre le besoin de partir était pire que tout.
Il me semblait que cela durait depuis des heures, et peut-être était-ce le cas. J’étais à bout de force. La sueur me couvrait de la tête aux pieds, mes joues étaient rouges d’une chaleur ingérable. Je bandais dans sa bouche, mais je ne pouvais pas jouir d’une fellation aussi douce. Pas après tout ce que ce cinglé m’avait fait. Et lui, il se régalait à me lécher de la plus délicate des manières. J’avais depuis longtemps dépassé la torture d’une stimulation trop proche d’un orgasme. Maintenant, j’étais prêt à éjaculer une dernière fois, mais il ne m’y amenait pas. En fait, Finn admirait les larmes qui roulaient de mes joues pour s’écraser sur son torse. De longues traces de griffes couraient le long de sa peau, là où j’avais été incapable de me retenir.
— Je pourrais continuer pendant des heures. Vous êtes splendide, Allira. Voulez-vous que je vous suce toute la nuit ?
J’avais dépassé le stade où ses provocations avaient un impact. J’acquiesçai, les yeux embués. Peut-être allait-il bientôt craquer. Ce serait bientôt mon cas. Je jouais un dernier coup de bluff avant de jeter l’éponge.
— Vous êtes d’une résistance que je ne soupçonnais pas, déplora-t-il. Il semblerait que je cède le premier.
Alors, ses mains empoignèrent mes fesses, et ses doigts s’enfoncèrent dans mon entrée. Certains d’une main, certains de l’autre. Ils m’agrippaient de l’intérieur. Je poussai une longue plainte alors que mon sexe s’enfonçait dans sa bouche. De puissants frissons secouèrent mon corps. Cette fois-ci, sa fellation n’eut plus rien de doux. Il me suçait à en perdre la raison, comme il l’avait fait sur la table du Conseil. Sa salive dégoulinait tout le long de ma verge, et son extrémité frottait contre son palais, au fond de sa bouche.
Il me caressait de sa langue depuis si longtemps qu’il n’en fallut pas plus. Il me l’arracha, ce troisième orgasme. Je n’avais aucune idée du temps qui s’était écoulé, enfoncé trop loin dans la brume d’un état second. Mais je pouvais dire que cet orgasme était aussi bon qu’il était douloureux. Les larmes abondaient alors que je hurlais une dernière fois dans ce bâillon qui cisaillait ma peau. Je ne savais plus si je gémissais ou si je sanglotais.
La vue, elle, était imprenable. Finn se régalait de ma semence. Il gémissait de délice en la recevant directement sur cette langue fendue et veillait à ne pas en manquer une seule goutte. Ses paumes pétrissaient mes fesses avec une adoration qui me dépassait.
Lorsqu’il fut apparemment comblé, il me poussa dos à la tête de lit, dans une position très approximative. Il détacha le bâillon dans des gestes tout aussi précipités.
Enfin.
Enfin, ma mâchoire endolorie se libéra. Je voulus la dégourdir de quelques mouvements, essuyer mon menton couvert de salive. Ces projets durent attendre.
Finn enfonça son sexe dans ma bouche encore entrouverte. Dans un râle profond, il envoya des coups de hanches qui tapèrent au fond. Je toussai, coincé dans l’inconfort de ne même pas avoir pu fermer une fois la bouche. Ses gémissements se rapprochaient. De plus en plus rapides, de plus en plus sonores. Ses doigts se nouaient dans mes cheveux pour m’empêcher de bouger.
Un dernier râle, et l’amertume de sa jouissance se répandit sur ma langue. Oui. Moi, j’avais joui trois fois quand Finn n’avait pas encore eu un seul orgasme de la soirée. C’était peut-être lui, le plus tenace de nous deux.
Je me surpris à déguster son plaisir.
J’avais l’impression d’être en état d’ébriété, incapable de réfléchir à ce qu’il convenait de faire pour le contrarier. Pourquoi aimais-je tant le contrarier, déjà ?
— Oh putain… votre bouche, Salo…
A bout de souffle, profondément enfoncé dans ma bouche, Finn relâcha enfin sa poigne. Il redressa mon menton face à lui, admirant les traînées blanchâtres au milieu d’un visage baigné de larmes. Il ferma lourdement les yeux, avec la force d’un homme qui contenait ses instincts les plus archaïques. Lorsqu’il les rouvrit, un calme factice naviguait sur les flots de ses iris.
—Je vous dois des excuses. Je me suis moqué de vous quand vous avez pensé me brider en m’interdisant de vous embrasser.
Ses doigts se serraient avec force autour de ma mâchoire. Trop de force. Je gémis de douleur.
— La vérité, c’est que vous n’imaginez pas comme je crève d’envie de fourrer ma langue dans cette bouche.
Il relâcha la pression dans une longue inspiration. J’avalai sa semence tant bien que mal de cette mâchoire engourdie. J’étais réconforté de sa saveur. Excité de ses mots. Finn Slickjaw rêvait de m’embrasser, et je le lui refusais. Le priver de tout baiser recelait un pouvoir puissant. Un pouvoir qui ne faisait que grandir à mesure que sa passion pour moi se développait. C’était là le seul contrôle que j’exerçais sur lui, et je n’étais pas près d’y renoncer.
Je me redressai, prenant son visage entre mes mains. Finn leva des yeux ébahis dans les miens. Mon regard tomba sur ses lèvres, sur cette mâchoire que je rêvais de goûter. Je l’effleurais du bout des doigts. Nos souffles mêlaient leur moiteur. Vive. Obscène. Amère.
— Validez-vous ma question, Finn ? murmurai-je.
Mon nez frôlait le sien. La tension montait d’un cran. Nos lèvres s’attiraient comme des aimants.
— J’ai beau chercher, c’est difficile de vous reprocher quoi que ce soit, admit-il en enroulant ses bras au bas de mon dos. Vous avez respecté votre parole, vous étiez un soumis exemplaire. Votre question est validée.
J’effleurais ses lèvres des miennes, touchais à peine la douceur de cette bouche qui dégustait si souvent ma peau. J’explorais l’or de sa mâchoire, le front contre le sien. Sa chaleur. Ses doigts enfoncés dans ma peau.
Son cœur battant si fort qu’il cognait contre mon torse.
Et je finis de jouer. Je m’écartais, rompant l’ombre du contact établi, celui qu’il lui était interdit de dépasser. Finn n’avait pas le droit de m’embrasser, et j’avais tous les droits de le narguer de cette friandise qu’il tuerait pour goûter. Ses doigts se fermèrent si fort sur mes fesses que j’en gémis.
— Vous êtes un monstre, gronda-t-il en laissant tomber sa tête contre mon épaule. Vous n’avez pas idée de combien je vous déteste actuellement.
— Pas autant que moi, je vous le certifie, fredonnai-je. Ce n’est qu’un maigre prix à payer après ce que vous m’avez fait subir.
— Vous êtes ingrat. Je me suis concentré sur votre plaisir pendant des heures en négligeant le mien, et voilà votre remerciement.
Je nouai une main dans ses cheveux et tirai sa tête en arrière, sans douceur. Il m’adressa un regard assassin.
— Vous êtes vraiment un emmerdeur.
— Vos avis ne m’importent pas. Je veux vous poser ma question, alors cessez de vous lamenter.
— Posez-la, votre question. Puisqu’il n’y a que ça qui vous intéresse.
Ma main libre passa sur les jonctions entre sa peau et l’or de sa mâchoire. La pression sur mes fesses cessa. Son regard se durcit. Son silence me défiait de formuler ce qu’il devinait.
Dans l’air, quelque chose avait changé. Il faisait partie de ces hommes si puissants qu’un simple geste de sa part pouvait vous ôter la vie. C’était ce qu’il dégageait. C’était ce dont mon cou se rappelait. Il n’y touchait pas, et pourtant, ma respiration devenait sifflante. Comme si ses mains serraient ma gorge.
Je déglutis, soutenant son regard. J’avais gagné cette question, et je comptais bien la poser. Qu’elle lui plaise ou non.
— Que s’est-il passé pour que vous portiez cette prothèse ?
Sa mâchoire se serra. Ses yeux perçants ne lâchaient pas mon regard. Le tatouage criblé des traces de mes ongles sonnait désormais comme une menace.
— Vous avez un don pour dire des choses qui donnent envie de vous étrangler, Salo. Je ne sais pas comment vous avez survécu jusqu’à aujourd’hui.
— Calmez vos ardeurs et contentez-vous de m’apporter une réponse. Vous avez accepté de jouer et vous avez perdu.
— J’ai bien envie de vous retourner sur ce lit et de vous faire comprendre que votre torture n’est terminée que par ma gentillesse. Elle peut très bien recommencer.
J’affrontai son regard et ravalai ma peur.
— Vous connaissez mes faiblesses. Laissez-moi découvrir les vôtres.
Ma main glissa sur sa joue, mes doigts s’enfoncèrent tendrement dans ses cheveux. Malgré moi, mon regard s’attendrit.
— Je ne vous veux aucun mal, Finn.
Il écarquilla les yeux. Il reconnaissait sans mal ses propres mots sortir de ma bouche. Car oui, ce soir, les rôles venaient de s’inverser. L’ancien chembaron rentrait dans la menace lorsqu’il se sentait en danger. A tort, il pensait que j’allais user de ces informations pour lui porter préjudice. Ces prédictions se tenaient aussi loin de la vérité que les Bas-Fonds des rayons du soleil.
Il prit le temps de considérer mes mots, s’intéressait à la façon dont ils dansaient avec la sincérité. La valse dut lui plaire, puisqu’il consentit enfin à ouvrir la bouche.
— Lorsque j’étais enfant, j’ai pris un coup de fusil en défendant mon père. Les dégâts ont été… considérables.
Je caressais ses cheveux dans une tendresse qui s’approchait de la reconnaissance. Il avait répondu. Finn n’avait donc pas procédé à des modifications corporelles pour se doter d’une puissance quelconque. Il avait été privé d’une partie de lui-même.
Et rien n’aurait pu davantage nous rapprocher.
Il savait ce que signifiait souffrir d’un handicap. Ce que je vivais, il l’avait expérimenté des années en arrière. Pour la première fois, je pus enfin admettre qu’il disait vrai en certifiant aimer mes jambes. Il disait vrai, car il savait de quoi il parlait.
— C’était très courageux de votre part.
Il souffla du nez, presque avec dédain. Et notre proximité s’effrita.
— C’est une façon de voir les choses. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit.
Finn relâcha son étreinte glaciale et commença à s’éloigner.
Mon corps réagit sans qu’aucun ordre ne provienne de mon cerveau. C’était viscéral. Sa froideur me heurtait, et je savais que seule la chaleur de son corps pourrait la dissiper. Ma main se ferma sur son poignet. Je détournai le regard, le cœur tambourinant comme un fou.
Si j’avais honte de retenir Finn Slickjaw dans mon lit ? Oui, cela allait de soi. Mais la honte n’était pas assez forte pour écraser le besoin de sa présence.
— Vraiment ? Vous m’emmerdez avec vos questions, et c’est précisément ce soir que vous me demandez de rester ?
— Le but de mes questions n’était pas de vous emmerder. Est-ce de ma faute si vous vous braquez dès qu’on s’intéresse à vous ?
Il poussa un profond soupir en passant une main dans ses cheveux. J’étais vexé. Il n’abandonnait pas tous ses griefs pour se vautrer dans mon lit et me délivrer la passion qu’il exprimait si souvent pour moi. Comme si ses émois avaient plus d’importance que le jour où j’admettais enfin qu’il m’intriguait. J’aurais voulu qu’il soit reconnaissant ; il se contentait d’être humain.
— Si ça vous coûte tellement de rester avec moi, vous êtes libre de retourner croupir dans votre trou à rats. Je m’accommoderais très bien de votre départ, ce sera l’occasion de débarrasser le lit de votre odeur suffocante, dardai-je comme un digne crapaud.
Je lâchai son poignet et lui tournai le dos, prêt à m’installer seul dans ce lit devenu trop grand.
Et sa chaleur se referma autour de mes épaules. Il me plaqua contre le matelas et ramena les draps froissés sur nos corps nus. Il me tenait dos contre son torse, sa chaleur me réconfortant immédiatement. Finn enroulait ses bras autour de moi, caressait mes jambes des siennes. Ses cheveux venaient chatouiller ma nuque, son nez se perdait dans les miens.
— Vous êtes vraiment un con en toutes circonstances. Vous mériteriez que je vous torture toute la nuit.
— Ne vous avisez pas de me toucher à nouveau.
— Et exigent, en plus.
Je saisis une de ses mains pour y nouer mes doigts d’un geste un peu trop autoritaire, puis la portai contre mes lèvres. Sa douceur me plaisait. Apercevoir les tatouages sur ses phalanges dans l’obscurité avait quelque chose d’intime qui faisait grossir une petite boule de chaleur dans mon ventre. Elle était d’une nature très différente de l’incendie qu’il avait allumé en moi pendant des heures. Elle n’avait rien à envier à l’intensité de sa prédécesseuse.
Finn eut l’intelligence de se passer de commentaire. Il restait blotti contre moi, son corps enveloppant le mien dans un écrin que je ne préférais pas qualifier. Son silence fut la seule raison qui me poussa à me livrer.
— Merci.
Ses bras consolidèrent leur étreinte.
Je l’entendis sourire.
Notes:
Eeeet c'est un très long chapitre dis donc
En même temps quand on veut faire de l'overstimulation, il faut bien qu'il se passe quelques petites choses.
Je rêvais littéralement du moment où Finn appellerait enfin Salo par son prénom et BON SANG que j'aime son prénom.Le lore derrière la prothèse de Finn fait aussi partie des éléments que je veux développer dans cette histoire, on commence à poser un peu plus le décor <3
La relation continue à évoluer, j'espère que ça vous plaît toujours, n'hésitez pas à faire un petit commentaire ça fait toujours trèèèès plaisir (premier degré ça refait ma journée, c'est tellement un ship inexistant que ça fait du bien de voir qu'on est lu <3).
Fabien_deRousseau on Chapter 1 Sun 20 Jul 2025 03:54PM UTC
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DillyTwig on Chapter 1 Sun 20 Jul 2025 06:40PM UTC
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Fabien_deRousseau on Chapter 2 Wed 23 Jul 2025 12:38PM UTC
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DillyTwig on Chapter 2 Wed 23 Jul 2025 06:27PM UTC
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Fabien_deRousseau on Chapter 5 Wed 30 Jul 2025 09:22AM UTC
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DillyTwig on Chapter 5 Wed 30 Jul 2025 11:19AM UTC
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Fabien_deRousseau on Chapter 8 Sat 23 Aug 2025 06:43AM UTC
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DillyTwig on Chapter 8 Sun 24 Aug 2025 08:25PM UTC
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Trans_marshmallo_furry on Chapter 9 Tue 16 Sep 2025 10:46PM UTC
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DillyTwig on Chapter 9 Wed 17 Sep 2025 01:18PM UTC
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Fabien_deRousseau on Chapter 11 Fri 26 Sep 2025 08:10PM UTC
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DillyTwig on Chapter 11 Sat 27 Sep 2025 11:26AM UTC
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Fabien_deRousseau on Chapter 11 Sat 27 Sep 2025 11:37AM UTC
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