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Une romance dans une célèbre université

Chapter 2: Partie 2

Notes:

C'est la deuxième et dernière partie, plus longue que la précédente et que je me suis beaucoup amusée à écrire !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Il était bien tard dans la nuit, lorsque Lavinia se réveilla. Elle put distinguer la silhouette de Sara dans le lit d’à-côté, qui avait l’air de dormir profondément. Mais si elle s’était réveillée, c’était à cause d’un autre souci: elle avait faim, et elle commença à regretter d’avoir sauté un repas. Elle se contorsionna pour lire l’heure sur la montre de Sara ; jamais elle ne tiendrait jusqu’au lendemain matin ! 

 

Elle se mit à réfléchir, elle savait que son amie connaissait le chemin de la cuisine, mais elle lui en voudrait sûrement de l’avoir réveillée. Après tout, Sara était sa première amie depuis longtemps. En fait, sa dernière vraie amie était Jessie, qu'elle avait perdue au pensionnat. Après ça, Lavinia avait toujours fait cavalière seule. Et elle avait joué au jeu de « comme si ça ne la dérangeait pas », mais au fond elle se sentait bien seule. Or, lorsqu'elle avait retrouvé Sara et ses amis aux Indes, puis à Londres, son cœur était moins vide, ça lui avait fait du bien. Et à présent elle avait de nouveaux sentiments à l'égard d'une certaine personne... Lavinia écarta cette idée de son esprit, sentant qu’elle s’éloignait du sujet, peut être que l’origine de sa grande fatigue était là d’ailleurs, à force de trop méditer la nuit…

 

Finalement, elle se dit « Au point où j’en suis, je n’ai pas grand choses à perdre... » et elle appela:

—Sara ?

–Mmmhh...

Une voix ensommeillée lui répondit mais Lavinia demanda:

–Tu dors ?

 

Elle l’entendit se retourner dans le lit d’à-côté, et même si le visage de la brune était dans le noir, elle sentit que ses yeux la fixait lorsqu’elle lui répondit:

–À ton avis, Lavinia ?

 

Sara était bien réveillée…

 

La blonde tourna une dernière fois la requête dans sa tête puis lança :

–Tu sais, au sujet de tout à l’heure… je commence à avoir un peu faim… et comme tu   connais le chemin vers les cuisines, je me suis dit que tu pouvais m’accompagner…

Elle l’entendit soupirer, puis elle répondit :

–Lavinia, il doit être minuit passé…

–En fait, il est presque deux heures du matin.

Sara soupira de nouveau:

–Bref ! il est tard, tu ne peux pas attendre jusqu'à demain matin ?

–J’aimerais bien, mais ça va m’empêcher de dormir, et si je ne dors pas assez je ne vais pas   pouvoir donner de bons cours, tu imagines ?

Elle pouvait sentir son exaspération, mais elle continua:

–Et puis on est amies, et euh, … les amies s’entraident non ?

 

Elle attendit sa réaction. Sara souffla, se demandant encore une fois dans quelle galère elle s’était embarquée. Finalement, après quelques secondes de réflexion, elle repoussa brusquement ses draps et se leva d’un coup. Lavinia eut à peine le temps de réagir lorsqu’elle se tourna vers son lit pour lui dire :

–Alors tu viens ou pas ? Dépêche toi sinon je retourne me coucher.

 

La blonde se leva toute excitée à l’idée de se promener de nuit dans l’université, qui plus est avec son “amie”. 

 

Malgré son ton dur, Sara ne pouvait cacher son amusement, et elle aussi, avait bien envie d’explorer l’université volante. Elles enfilèrent leurs robes de chambre ainsi que leurs chaussures et elles allumèrent une lampe avant de sortir sans faire de bruit.

 

Elles avançaient lentement, parce que Sara n’était pas tout à fait sûre du trajet et aussi pour ne  réveiller personne. Après plusieurs minutes silencieuses, Lavinia murmura : 

–Tu es sûre qu’on marche dans la bonne direction ?

–Hmmmm, je commence à croire qu’on aurait dû prendre à gauche tout à l’heure…

Lavinia pila net, et sortit (toujours en murmurant) :

–Et c’est seulement maintenant que tu le dis ?

–Oui bah je fais ça pour toi, donc si tu n’es pas contente on n’a qu’à retourner se coucher !

–Non non c’est bon, faisons demi-tour et on pendra à gauche.

 

Elles s’exécutèrent, mais elles avaient à peine fait trois pas qu’elles entendirent un cliquetis. En une fraction de seconde, les deux comprirent d’où provenait ce bruit. Sara éteignit immédiatement la lampe et entraîna Lavinia dans un couloir, sans que celle-ci n’ait eu le temps de réagir. Elle se mit à prier silencieusement pour que le Directeur ne tourne pas et les voit, plaquées contre un mur en pyjama. Mais celui-ci passa son chemin, restant dans l’artère principale. La brune se détendit, les croyant tirées d’affaires. 

 

Soudain un gargouillis rompit le silence, inutile de se demander d’où il venait. Les cliquetis, qui s’étaient éloignés, cessèrent d’un coup. Elles n’avaient que quelques instants pour réagir. Cette fois, Lavinia fut la plus rapide. Elle lui attrapa la main et la tira sur quelques mètres, avant d'ouvrir une porte qui menait dans ce qu’elle avait identifié comme un placard à balai. Elle ne s’était pas trompée. Elle poussa Sara dedans et rentra en vitesse, refermant la porte le plus silencieusement possible. Puis elles attendirent.

 

Lavinia se rendit compte qu’elles étaient bien plus à l'étroit qu’elle ne l’imaginait, serrées entre de nombreux balais et produits d’entretien. Il faisait si sombre qu’elle ne voyait rien et ne put se fier qu’à son toucher. Elle s’appuyait au mur à l’aide d’un de ses bras, sentant son amie, tout près d’elle, à quelques centimètres à peine, et plaquée dos au mur. Elles eurent soudain très chaud, cela était sûrement dû à l’espace confiné dans lequel elles étaient, ça ne pouvait pas être autre chose. De plus, Lavinia n’arrivait pas à distinguer les bruits de pas du Directeur, car son cœur battait très fort, à moins que ce ne soit celui de Sara ? 

 

Sentant ses joues chauffer,  elle comprit qu’elle était en train de devenir écarlate, et ça n’était pas seulement dû à la chaleur ambiante. Alors, sans vraiment comprendre pourquoi, elle se pencha lentement vers Sara, mais en faisant en sorte que celle-ci ne le sente pas. Elle s'arrêta avant de pouvoir l’effleurer, son parfum l’enveloppant toute entière, ce qui la calma. Cela lui permit de ralentir sa respiration, et elle ferma les yeux, en attendant de pouvoir sortir.

 

Ce qu’elle ignorait, c’est que Sara avait fait exactement la même chose, rassurée par la présence de Lavinia, elle avait aussi fermé les yeux. Elles restèrent ainsi pendant plusieurs minutes, qui, encore une fois, semblaient durer une éternité. Leurs corps ne se touchaient pas, mais aux moindres mouvements, elles se seraient heurtées l'une à l'autre.

 

Enfin Lavinia se tordit le bras et parvint à atteindre la poignée. Elles émergèrent d’un coup hors du placard, en soufflant le plus silencieusement possible et en se tenant à une distance respectable de l’autre. Sara se redressa, puis s’approcha de son amie. Elle posa sa main sur son bras et demanda doucement:

–Hey, tout va bien ? Tu nous as sauvé la mise là, merci.

 

Malgré la semi-obscurité, la blonde pouvait distinguer son sourire et elle répondit sur le même ton:

–Ça va, on était un peu à l’étroit là-dedans.

 

Sara demeura silencieuse. Décidément, Lavinia avait très chaud ! La brune ralluma la lampe et l’interrogea du regard. Cette dernière répondit par un hochement de tête et elles repartirent sur leur pas, cette fois si elles tournèrent à gauche.

 

Il ne leur fallut que quelques minutes pour atteindre la cuisine. Lavinia ne put s’empêcher de le faire remarquer à voix basse, sur un ton un peu taquin, ce qui lui vallut un regard noir de Sara. Cette dernière entreprit d’ouvrir la porte, sans faire de bruit, et les deux femmes se glissèrent dans la cuisine. Seule leur lampe éclairait la pièce, elles purent distinguer certains plats sur la table centrale, prêts à être envoyés le lendemain matin. La pièce, circulaire, était bordée par différents plans de travail, couverts d'ustensiles de cuisine divers et variés.   

 

Cependant, il y avait une pièce supplémentaire sur la gauche, qui servait de réserve de nourriture. Mais Lavinia n’aurait pas besoin d’aller jusque là, en effet, elle s’était approchée de la table et commençait à piocher dans les différents plats. Sara eut à peine le temps de dire quoique ce soit que Lavinia, les bras déjà chargés, avait repéré les viennoiseries. Elle en prit quelques-unes et revint vers Sara, lui tendant plusieurs pommes. La brune s’en saisit et soupira:

–Es-tu sûre que tu as besoin d’une baguette entière ?

Ce à quoi son amie répliqua:

–J’ai vraiment faim et puis c’est pour nous deux, un petit goûter nocturne, ça te tente ?

 

Sara perçut l’espoir dans ses derniers mots. Bien sûr que ça la tentait, plus qu’elle ne voulait l'admettre. Elle sourit à la lueur de la lampe et Lavinia lui afficha un grand sourire en retour. Elle sentit son cœur battre plus vite, Sara avait l’impression de perdre le contrôle sur elle-même. Pour masquer son trouble, elle se retourna brusquement et chuchota:

–On devrait retourner à la chambre.

 

Et elles repartirent le plus discrètement possible, et ne firent aucune mauvaise rencontre sur le chemin du retour.

 

En arrivant dans la chambre Sara alluma une de leurs lampes (en ayant pris soin de fermer la porte) et Lavinia déposa son butin sur le lit.

–On n'a qu'à s'installer par terre !

–Chut, parle moins fort, on est censée dormir, chuchota Sara, même si elle était très enthousiaste.

 

En s’installant sur le sol elle ne put s'empêcher de repenser à son enfance au pensionnat, à ce soir où elle allait faire un goûter nocturne avec Becky et Ermengarde, mais elles en avaient été empêchées par Miss Minchin, que Lavinia avait prévenu. Et maintenant, cette dernière était assise près d'elle, et s'apprêtait à croquer une de ses pommes. Tant de choses ont changé, pensa-t-elle, elle a beaucoup changé. Lavinia n'était plus cette peste, qui ne manquait pas une occasion de lui causer du tort. Aujourd'hui, elle l'accompagnait dans cette aventure folle. Et bien que Becky lui manquait, elle était contente d'être en sa compagnie, de celle qui autrefois se proclamait comme sa rivale. Cela la rassurait presque, parce qu'elle avait le sentiment qu'elle pouvait compter sur elle.

 

–Tu ne manges rien ?

 

Lavinia interrompit  ses pensées. Sara se rendit compte qu'elle l'a fixait depuis plusieurs minutes, sans rien dire. Elle détourna le regard, trop gênée pour répondre. Lavinia fronça les sourcils, ne comprenant pas sa réaction, puis elle attrapa un croissant et lui tendit :

–Tiens, mange ça, c'est déprimant de manger seule tu sais ?

 

Sara sourit, et prit le croissant avec entrain, lorsqu'elle mordit dedans son amie s'attaqua de nouveau à sa pomme. Elles parlèrent ensuite de tout et de rien, en mangeant tranquillement adossées au lit de Lavinia.  

 

Dehors, il faisait nuit, et la mer s’étendait à perte de vue. Des milliers d'étoiles scintillaient, et l'université poursuivait sa route, à travers ce ciel merveilleux. Cette ambiance avait quelque chose de magique, comme dans les contes que racontait Sara, il y a bien longtemps. 

 

Lavinia enchaînait les viennoiseries, ce qui amusait beaucoup Sara. Cependant elle finit par dire : 

–Il va falloir qu'on dorme, sinon on aura bien du mal à rester debout demain matin !

–Ça me va ! dit Lavinia, la bouche à moitié pleine. Elle posa tout ce qui restait sur le bureau, promettant à Sara de le ranger le lendemain. Elles se glissèrent sous les draps, après avoir éteint la lumière. Alors que Sara sombrait dans le sommeil, elle entendit son amie lui chuchoter :

–Bonne nuit Sara.

–Bonne nuit Lavinia, répondit-elle, à moitié endormie.



Lavinia fut réveillée par les rayons du soleil qui passaient par la fenêtre le lendemain matin. Elle repoussa les couvertures et se leva. Elle s'apprêtait à saluer Sara lorsqu’elle s’aperçut que son lit était vide. Elle ne s’en inquiéta pas, se disant qu’elle était peut-être partie manger, la laissant dormir.

 

Cependant, lorsqu’elle arriva dans le réfectoire, Sara était nulle part en vue. Cette fois, elle ne put s’empêcher de ressentir une pointe d’inquiétude, se demandant où elle avait bien pu aller. 

 

Une idée l’a saisi: quelqu’un était peut-être au courant pour leur escapade nocturne, et causait du tort à Sara en ce moment même ! L’angoisse prit le dessus, et Lavinia tourna les talons rapidement, et commença à parcourir les différents couloirs au pas de course. Il fallait qu’elle la retrouve.

 

Au tournant d’un couloir, elle croisa Donald, et, à moitié essoufflée, lui demanda :

–Est-ce que tu as vu Sara ce matin ?

–Oui elle m’a dit qu’elle n’avait pas très faim et qu’elle allait faire un tour dans la salle des   machines.

 

Il sourit, amusé par la façon dont Lavinia avait l’air préoccupé pour une personne dont elle n’avait “soi-disant rien à faire”. Il ajouta :

–Tu l’aimes bien quand même, pour être prête à faire un marathon dans toute l’université   dès le matin…

Lavinia fut piqué au vif :

–Quoi ? Bien sûr que non ! C’est n’importe quoi ! C’est juste que eeeuh…

–Queee tu t’inquiètes beaucoup pour elle, finit Donald en riant.

 

Elle s’apprêtait à lui rétorquer une réponse cinglante, mais se ravisa, et dit, le plus calmement possible :

–De toute façon, tu n’es pas encore assez grand, tu ne peux pas comprendre !

 

À ces mots, elle lui tourna le dos et repartit, laissant un Donald très amusé, qui répliqua “Mais bien sûr”. Lavinia dû se retenir de se retourner pour lui dire ses quatre vérités, elle avait plus important à faire. Elle devait retrouver Sara. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu aller faire dans la salle des machines ? Peut-être pour étudier les mécanismes, après tout, elle était ingénieure. Tout de même, elle aurait pu lui dire, il y avait forcément autre chose…

 

Soudain, Lavinia eut un mauvais pressentiment. Il n’y avait pas grand monde dans cet endroit, c’était facile d’y tendre un piège, elle ne faisait pas confiance au Directeur, qui sait ce qu’il avait derrière la tête. Et à cette idée, elle pressa le pas, à moitié en train de courir.

 

Lavinia ne faisait pas attention à ce qui se passait devant elle, trop occupée à imaginer le pire, lorsqu’elle percuta quelqu’un.

 

Elle releva la tête, prête à houspiller l'élève qui s'était mis sur sa route. Mais elle se ravisa à l'instant où elle vit qui c'était :

–Sara ?

–Ça va ?

 

Cette dernière la regardait avec des yeux interrogateurs. Lavinia ne bougea pas durant quelques secondes, tellement elle était soulagée, puis elle se ressaisit et attrapa les bras de Sara. Elle tenta de se contenir :

–Où étais-tu passée ? Donald m'a dit que tu étais en salle des machines c'est bien le cas ?

–Euh oui pourquoi ? Il y a un problème ?

 

Lavinia s'en voulut pour lui avoir parlé ainsi, et sa voix se radoucit :

–Il faut que tu fasses attention d'accord ? On ne sait pas ce que le Directeur a derrière la tête et ...

–Attends tu crois que le Directeur me voudrait du mal ? Dit-elle en plaisantant à moitié. Mais Lavinia, encore pleine d'inquiétude, resserra un peu plus ses mains et continua :

–Justement on ne sait pas, il faut qu'on soit prudente.

 

À ce moment-là Sara comprit que son amie s'inquiétait réellement pour elle. Elle dégagea doucement un de ses bras pour prendre sa main dans la sienne. Elle baissa les yeux vers leurs mains jointes et dit :

–D'accord, je ferai plus attention.

 

Lavinia laissa échapper un soupir de soulagement. Elles étaient seules dans le couloir, elles pouvaient entendre la respiration de l'une et de l'autre très distinctement.

 

Lavinia commença à faire glisser son pouce sur le dos de la main de Sara, traçant des petits cercles, cette dernière la laissa faire, plongée dans ses pensées. Elle se rendit compte à quel point la blonde avait l'air de tenir à elle, bien plus qu'elle ne le laissait paraître et cela toucha Sara, bien plus profondément qu'elle ne l'imaginait, et savoir que quelqu'un s'inquiétait à ce point pour elle la fit se sentir étrangement bien. Cette sensation était la bienvenue en cette période de trouble. 

 

Elle leva les yeux pour étudier Lavinia. Elle était baignée dans la lumière du soleil, donnant une belle teinte à ses cheveux blonds, qui tombaient en cascade sur ses épaules. Son visage avait quelque chose de doux et sincère, qu’elle arborait de plus en plus ces derniers temps. Elle était vraiment belle ainsi, pensa Sara, ce n’était pas la première fois qu’elle le remarquait, certes, mais elle ne se l’était jamais admis, tout comme le fait qu’elle lui trouvait de plus en plus de qualités, et qu’elle remarquait les petites habitudes qu’elle avait. Elle sourit, pour masquer le fait que Lavinia la troublait, même si cela devenait de plus en plus difficile à cacher.

 

Sara dégagea doucement sa main de celle de Lavinia, ce qui l’a surpris, mais elle ne dit rien, laissant son amie prendre la parole :

–On devrait y aller, ou bien tu vas être en retard à ton cours.

 

Sara tenta désespérément de croiser son regard, que l'autre  évita à tout prix et dit simplement :

–Oui, tu as raison.

 

Cependant, Lavinia n’allait pas se laisser abattre et repris la main de Sara dans la sienne avant de partir, et son amie ne s’y opposa pas, plus soulagée que préoccupée par cette soudaine marque d’affection de sa part. Elles marchèrent tranquillement, sans mots dire, jusqu’à l'amphithéâtre. Au moment de se séparer, Sara lui dit :

–À tout à l’heure !

–Je viendrai te retrouver à la bibliothèque.

–D’accord, on se revoit là-bas alors !

 

Lavinia la regarda s’éloigner, et rentra dans la salle lorsqu’elle disparut au tournant d’un couloir. Les élèves étaient tous installés, et l’attendaient même si elle n’était pas en retard. Elle continua son cours sur les romans d’amour avec une certaine passion et sa pédagogie si… particulière. Elle avait bien conscience qu’elle devrait s’y prendre différemment, mais cela lui permettait d’obtenir des résultats très intéressants de ses élèves, plus les émotions sont vives, et plus les textes sont bons (pour le moment c’était passable, mais il y a eu une amélioration). 

 

Tout au long du cours, Lavinia vit que Donald la fixait avec un drôle de regard, comme s’il se retenait de rire, mais il ne fit aucun commentaire. Après tout, il la connaissait depuis quelques années et il voyait bien qu’elle avait changé depuis leurs retrouvailles à Londres, et lorsqu’elle avait décidé d’accompagner Sara sur l’université, cette décision même l’avait surpris, mais il s’était bien gardé de le dire. Elle avait beaucoup changé, et en bien.

 

Dès que ce fut fini, Lavinia quitta ses élèves en leur laissant une montagne de devoirs, et ce malgré les protestations qui fusèrent dans la salle. Elle partit directement vers la bibliothèque, comme elle l’avait promis à Sara, et elle l’y retrouva quelques minutes plus tard. Elle était en train de finir de ranger des livres, qu’elle triait depuis plusieurs jours. 

 

Au début, Lavinia ne dit rien, la suivant juste du regard, la bibliothèque étant circulaire, elle pouvait la voir de n’importe où. Elle se tenait debout près d’une des nombreuses plantes suspendues aux murs de la pièce, jouant distraitement avec ses feuilles. Elle aimait bien regarder Sara travailler, c’était presque hypnotisant car elle évoluait toujours à la même vitesse, sans faire de gestes brusques. Cela se voyait qu’elle se plaisait au milieu des livres.

 

De son côté, Sara sentait que Lavinia la fixait depuis plusieurs minutes. Ne sachant que dire en premier lieu, elle décida de finir de ranger les livres qui étaient dans ses bras. Le silence qui régnait dans la pièce n’était pas dérangeant, mais elle aurait préféré parler avec son amie et lorsqu’elle eut fini sa pile, elle se dirigea vers elle. Celle-ci fit comme si elle regardait ailleurs, et Sara retint un petit rire face à sa réaction. Elle tenta d’engager la conversation :

–Ça été ton cours ?

–Oh tu sais, ils ne sont pas très futés mais au moins ils ont la présence d’esprit de se   montrer plus respectueux qu’au premier jour.

 

Lavinia avait dit cela sur un ton faussement condescendant, qui n’échappa pas à Sara, ce qui la fit sourire, et elle ajouta :

–Tu leur parles encore de l’amour dans la littérature où tu es passée à autre chose ? À   croire que tu ne connais que ça…

 

Son amie prit un air indigné et répliqua:

–Je ne te permets pas, ils devraient s’estimer heureux de bénéficier des talents et des   conseils de l’experte que je suis.

 

Sara gloussa :

–Il est vrai que tu as des connaissances très étendues dans ce domaine, mais…



Elle laissa sa phrase en suspens. Son visage avait changé, trahissant le fond de sa pensée. Elle se retrouva plusieurs mois auparavant, revivant des souvenirs qu’elle pensait avoir laissé derrière elle. Lavinia avait remarqué le changement soudain du comportement de Sara, mais ne dit rien, pour ne pas la brusquer. Finalement la brune parla, avec une voix qui semblait lointaine, pleine de regrets :

–Tu as déjà aimé quelqu'un Lavinia ? Aimé au point d'en souffrir si intensément que   n'importe quelle autre douleur ne vaut rien comparée à celle-ci ?

 

Lavinia regarda droit devant elle, se perdant au loin. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était attachée à des gens, et lorsque ses yeux retournèrent vers Sara, elle sut, mais décida de répondre :

–Non je ne pense pas, tu me connais bien, qui voudrait de moi ? Et quand bien même, c'est   pas trop mon truc de m'attacher.

 

Avec un ton faussement enjoué. Le regard de Sara se voila, comme si ses paroles l'avaient touché. Pourtant elle ne devrait pas, pensa la blonde, elle a des amis qui lui donnent tant. Même si Lavinia avait quelque chose à lui offrir, est-ce qu'elle en voudrait ? Serait-ce suffisant ? Le fait est qu'elle n'avait jamais eu ce genre de sentiment avant, avec une telle intensité, comment savoir si c'était trop ou peu ? Sara la tira de ses pensées :

–En es-tu sûre ?

–De ?

–De...que tu ne t'attaches pas ?

 

Elle soupira, sachant que mentir pourrait la blesser encore plus, et répondit simplement :

–Je ne sais pas, je n’ai peut-être pas trouvé la bonne personne, je n'ai encore jamais dit *je t'aime* à quelqu'un, en le pensant vraiment en tout cas.

 

Lavinia avait fixé Sara en finissant sa phrase, mais cette dernière ne l'avait pas remarquée assez tôt. Cependant son regard croisa le sien quand elle demanda sur un ton qu'elle voulait détaché et un peu taquin, pour détendre l'atmosphère:

–Et comment tu t'y prendrai alors, toi Lady Berry, l'experte en amour ?

–Pour dire à quelqu'un que je l'aime ?

–Oui !

 

Lavinia se rendit compte qu'elle ne pouvait pas fuir la question aussi facilement, elle allait devoir être franche.

 

Sara se blâma d'avoir parlé sans réfléchir, en voyant l'expression perdue de Lavinia. D'habitude elle maîtrisait toujours ce qu'elle disait mais cette fois c'était sortie comme ça. Elle se rendit compte que son amie la fixait avec un drôle d'air, lorsqu'elle répondit enfin :

–Et bien, je pourrai m'y prendre ainsi, moi la grande Lady Berry !

 

En disant cela, elle s'était beaucoup rapprochée de Sara, au point d'être dans son espace personnel. Cela ne l'empêcha pas de continuer, bien au contraire d'ailleurs, devant l'absence de réaction de la part de son amie (si ce n'est son expression quelque peu hébétée).

 

En vérité il y avait tant de façons différentes de le dire, mais une seule était réellement sincère à ses yeux, alors doucement Lavinia dit ces trois petits mots, tellement simples et compliqués à la fois, mais ils sortirent si facilement de sa bouche : ”Je t'aime”

 

C'était fluide, comme si c'était tout à fait normal. Lavinia sentit de nouveau cette douce vague de chaleur l'envahir, tandis que Sara ne savait comment interpréter cela. Soit, son amie avait un don pour ce qui concernait l'art de la séduction, mais tout de même, elle y était très sensible ces derniers temps. Elle se rendit compte encore une fois, à quel point son cœur battait fort, espérant que cela soit vrai, elle donnerait tant pour que ça soit sincère, et non un simple jeu. 

 

Ce que Sara ignorait, c'est que Lavinia avait bel et bien cessé de jouer, et aujourd'hui encore, elle avait parlé avec son cœur, même si elle ne voulait pas se l'admettre à elle-même. Mais la blonde allait tout faire pour que son amie ne s'en rende pas compte. 

 

Elle fit un pas en arrière, et l'étudia. Sara semblait troublée, c'est le mot qui paraissait le plus approprié pour la décrire actuellement. Lavinia fronça les sourcils, est-ce qu'elle aurait pu avoir tant d'effets sur Sara ? Non, bien sûr que non, elle avait dû être surprise c'est tout. Elle eut un pincement au cœur à cette idée, cependant c'était sûrement mieux ainsi. Elle essaya de s'en convaincre puis devant l'absence de réaction se son amie elle se racla la gorge avant de prendre la parole :

–Enfin, c'est une manière comme une autre, et hem…. je suis sûre que tu le sais bien, parce que tu l'as déjà dit avant et voilà, dit-elle en bredouillant.

 

Lavinia détourna les yeux, évitant à tout prix le regard de Sara. Mais ça n'était pas nécessaire, celle-ci regardait un point au loin, par-dessus son épaule. Lorsque Lavinia posa de nouveau les yeux sur elle, elle crut voir une pointe de déception dans ceux de Sara, mais elle se dit que c'était son imagination qui lui jouait des tours, ça ne pouvait être que ça. Cependant, elle a avait l'air tellement perdue que la jeune femme se décida à tenter de la réconforter, essayant d'être une bonne amie. Lavinia tendit donc les mains pour prendre celles de Sara, les pressant doucement. Cela eut pour effet de la ramener à l’instant présent, en la surprenant quelque peu. 

 

Sara se mit à fixer leurs mains liées, incapable de dire quoique ce soit. Lavinia avait bien du mal à interpréter son comportement et tout ce qu'elle trouva à lui dire fut :

–Hey, ça va ?

–Je...je ne sais pas trop, tout est confus en ce moment…, parvint-elle à prononcer.

–C'est normal, on vit une nouvelle aventure quelque peu déroutante et….

Elle fut coupée au milieu de sa phrase: 

–Non ce n'est pas que ça mais ne t'en fais pas, c'est stupide.

Elle avait fini sa phrase en murmurant.

 

–Sara rien n'est stupide d'accord ? Je sais que ces derniers temps la vie n'a pas été facile,   mais là tu as une chance de le reprendre en main. Et ne t'inquiète pas, je suis là pour toi, et   tu es là pour moi, on se serre les coudes et tout ira bien.

Lavinia avait dit tout cela sans trop réfléchir, mais en voyant Sara se détendre, elle comprit qu'elle avait bien fait. Cette dernière lui sourit, retrouvant sa bonne humeur et lui répondit :

–Oui tu as raison, tant qu'on est ensemble rien ne peut nous arrêter, pas même l'ambassadeur du Japon ou cette histoire d'espionnage.

–Ah tu vois, on va leur montrer de quoi on est capable !

Elle l'avait dit avec une grande exagération, ce qui eut pour effet de faire rire Sara. Puis elle plongea ses yeux verts dans les siens et dit simplement :

–Merci, pour tout.

 

À ces mots, Lavinia sentit son cœur cogner très fort dans sa poitrine, et ses mains, qui tenaient toujours celles de Sara, devenir moites. Elle les retira aussitôt, et avant qu'elle ne puisse remarquer qu'elle perdait le contrôle, elle lui proposa :

–Tu viens manger, il est l'heure à présent.

 

Sara acquiesça, et toutes deux partirent côte à côte vers le réfectoire, elles étaient tellement proches que leurs bras se frôlaient, sans que ça ne les dérange. Elles ne reparlèrent pas de qui c'était passé quelques minutes plus tôt, évitant tout malaise. 



Le lendemain matin, l'université atterrirait au Japon, et elles auraient bien des préoccupations mais pour l'heure elles étaient tranquilles, leur seul problème étant de trouver des kimonos, mais elles s'en occuperaient dans l’après-midi comme elles se l'étaient promis. 

 

À présent, Lavinia comprenait ce qu'elle ressentait, cependant elle avait beau être Lady Berry, elle ne savait comment l'exprimer. Quant à Sara, elle était plus que confuse, même si elle tentait surtout d'ignorer certains signes plutôt que de regarder la vérité en face.

Elles arrivaient au terme de ce voyage, et encore une fois, elles occupaient les pensées de l’une et de l’autre.

 

 

 

 



Notes:

Et voilà, fin. J'espère que ça vous aura plu, j'ai bien aimé l'écrire et ça m'aide à attendre le tome 14.
Je trouve que le ship Sara/Lavinia a beaucoup de potentiel et j'ai hâte de découvrir où cela va nous mener par la suite.
Portez vous bien !