Actions

Work Header

The Last Podium

Summary:

14 Septembre 2025, La Vuelta s'arrête précocement sans cérémonie ni podium, mais les coureurs décident d'en organiser un officieux pour célébrer les victoires et les trois semaines d'épreuves. Un invité inattendu arrive après avoir annulé sa participation à des courses outre-Atlantique, surprenant Jonas, qui n'a pas le temps de connaitre les raisons de sa présence : un groupe d'assaillants débarque pour perturber la fête, à la recherche d'un homme.

Notes:

Bien le bonjour !
Après des années d'absence, me revoilà pour une fanfiction dans un fandom sur lequel je n'avais jamais écrit mais que je suis assidument ^^'
Je me suis lancée dans une énorme fanfic sur TadeJonas, qui continue de remplir des carnets, mais cette idée a germé dans mon esprit tordu, alors j'en ai fait un one-shot. (Punaise cette Vuelta !)

Les dialogues entre les personnages sont en anglais (ou dans d'autres langues... ;) ) car je ne les vois pas du tout interagir entre eux en français, mais tout est "sous titré" entre parenthèses et italique (normalement, c'est lisible et compréhensible haha ^^')

Rating M pour la violence

(See the end of the work for more notes.)

Work Text:

The last podium

 

La journée avait été agitée pour tous les membres du peloton. La dernière étape de la Vuelta avait été annulée en raison des manifestations à Madrid, les conditions jugées trop dangereuses pour les cyclistes de terminer la course dans de pareilles conditions. 
Tous étaient déçus de terminer trois semaines de combat sans un dernier vainqueur d’étape, sans cérémonie de clôture, mais la réalité de la situation les avait laissé las, acceptant la fin amère de cette Vuelta hors du commun.
Tous les coureurs se saluèrent de loin dans les rues de Madrid avant de rejoindre leurs voitures d’équipe, retrouvant leurs co-équipiers, se dirigeant vers leurs hôtels respectifs en silence, la déception peinte sur leurs visages. 

 

Jonas Vingegaard ouvrit la portière de la porte dès que le moteur de la voiture fût coupé, et sortit rapidement du véhicule, profondément touché par cette fin de Vuelta prématurée. Grischa ne tenta pas de lui dire quoi que ce soit, il savait pertinemment combien ce grand Tour comptait pour le danois, qui le reportait pour la première fois, tout cela loin de Pogačar et de sa domination continue sur chaque course à laquelle il participait. 
Jonas rentra dans le hall, suivi de Matteo lui déposa une main rassurante sur l’épaule, le faisant d’arrêter et lever le regard vers le roux, bien plus grand que lui.

— Hey, don’t worry, we’ll celebrate tonight, no matter what. You won the Vuelta mate, you deserve a party, lui lança l’américain.
(Hey, ne t’en fais pas, on va fêter ça ce soir, quoi qu’il arrive. Tu as gagné la Vuelta, tu mérites une fête)

 

Le danois soupira, repoussant doucement la main de Matteo. Il se ferma totalement et se dirigea sans un mot vers l’ascenseur qui menait à l’étage de sa chambre.
Il sortit son portable pour regarder la conversation de groupe qu’il avait avec son équipe, qui commença à s’affoler quand Grischa proposa de tout de même faire un podium et une cérémonie improvisée, presque clandestine.

 

Grischa Niermann
Pidcock’s mother suggested to make our own Vuelta’s ceremony, what do you think guys ? All GC and teams, parking lot tonight.

(La mère de Pidcock suggérait de faire notre propre cérémonie de fin de Vuelta, qu’en pensez-vous ? Tout le classement général et les équipes, au parking ce soir)

Matteo Jorgenson 
WTF ? His mother ? I’m in ! 

(Quoi ?! Sa mère ? Comptez sur moi !)

Sepp Kuss
Let’s do this, Jonas, you deserve it.

(Faisons ça, Jonas, tu le mérites)

Jonas Vingegaard
Okay, let’s do it

(Okay, faisons-le)


Jonas se demanda dans quoi il s’était encore engagé, car son coeur n’était pas à la fête. Il ne voulait qu’une chose, rentrer chez lui au Danemark et profiter du calme, de se reposer enfin tranquillement. Pourtant, l’idée d’une cérémonie entre eux fit son chemin dans sa tête, et un sourire discret s’étira sur son visage. 
Peut être qu’il apprécierait la fête en petit comité après tout. 

 



 Trois glacières furent placés côte à côte, annotés au marqueur des numéros 1, 2 et 3 et une toile fut tendue derrière,  en place grâce à une voiture de la Visma, rouge écarlate et recouverte des sponsors de la Vuelta, habituellement utilisée comme fond pour les interviews. Des éclairages, initialement prévus pour la conférence de presse, furent ramenés sur le parking, face au podium de fortune pour illuminer les coureurs qui allaient se placer sur les marches improvisées. Un mécanicien de l’équipe UAE ramena une enceinte de leur bus, la plus puissante qu’il ait trouvée, pour la déposer au pied des glacières. 
Les équipes techniques et les quelques coureurs déjà sur place pour la cérémonie improvisée sourirent en voyant le résultat. Bancal, mais authentique. Ce soir, ils célébraient leur sport et leur rivalité sur les trois dernières semaines, loin des caméras, des obligations. 

 

 Jonas arriva avec Matteo au parking, et salua Mads qui lui faisait signe de la main. Il alla échanger quelques mots avec lui, le félicita pour sa victoire sur le maillot vert, et l’autre danois fit de même auprès du gagnant de l’édition 2025. 
Alors qu’ils échangeaient dans leur langue maternelle, une petite agitation se fit entendre auprès de l’équipe de l’UAE qui arrivait tout juste sur le parking. 
Les deux danois dévisagèrent les coureurs qui se mêlaient déjà aux autres, et Jonas sentit son coeur s’accélérer quand il vit un membre de l’équipe qui n’avait pas participé à cette Vuelta sourire et rire avec les autres cyclistes présents sur le parking.


Tadej. 


— Hvad laver Pogi her ? Demanda Mads, comme si Jonas pouvait avoir une réponse.
(Que fait Pogi ici ?)

— Jeg aner det ikke...
(Je n’en ai aucune idée… )

 

Jonas s’avança vers le slovène, sentant les muscles de son corps se tendre un à un. Pendant les quelques pas qui le séparaient de lui, il imagina les raisons qui l’avaient amené à se déplacer en Espagne, malgré les manifestations. Quelques jours plus tôt il avait annoncé à la surprise générale qu’il ne participait pas au Grand Prix cycliste de Québec et de Montréal, dont la première course avait lieu le même jour que la clôture de la Vuelta, sans donner de justification —classique Pogi. 
Peut être qu’il était très proche d’Almeida et de son équipe, qu’il voulait les féliciter pour leur courage sur les dernières semaines ? Qu’il voulait montrer au monde entier qu’il allait bien depuis sa coupure du Tour 2025, où tout le monde avait suspecté un burn out ? 
Le danois n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps qu’il faisait déjà face à Tadej, qui le remarqua immédiatement, lui adressant un sourire rayonnant.

— Jonas ! Congratulations mate !
(Jonas ! Bravo ! )

 

Tadej le prit dans ses bras, surprenant Jonas, tout comme s’ils étaient à la fin d’une étape à vélo relativement difficile sur laquelle ils s’étaient battus jusqu’au sommet. Quand ils se détachèrent, le danois osa lui demander la raison de sa présence :

— Thanks I guess… What are you even doing here ? 
( Merci je pense… Qu’est ce que tu fais ici ? )

 

Tadej sourit de nouveau, mais ce n’était plus le même sourire lumineux qu’il lui avait servi quand leurs regards s’étaient croisés quelques secondes plus tôt. Celui-ci était timide, mais pourtant il semblait plus vrai et plus profond que tous ceux que le slovène lui avait déjà donné.


« Želel sem te videti, Jonas. » Pensa-t-il si fort, qu’il aurait presque aimé que le danois l’entende. 
( Je voulais te voir Jonas

 


 

Allongé dans son canapé, Tadej regardait la Vuelta d’un oeil distrait. La dernière semaine s’annonçait rude, surtout à cause de Jonas et de la Visma qui donnaient du fil à retordre à son équipe, déjà mise à mal par les déclarations récentes concernant Ayuso. 
Il ne cessait de penser à sa saison, à la fin du Tour de France, à sa fatigue. Il avait beau être remonté sur son vélo pour la course donnée en Slovénie, dans son village de Komenda, au fond de lui, il ne ressentait qu’un vide dans lequel toutes ses pensées joyeuses, ses émotions positives s’engouffraient, laissant un creux qu’il n’arrivait pas à combler.
 Puis, il avait suivi un peu plus assidûment la Vuelta, et sans le vouloir, son esprit s’accrocha à l’homme au maillot rouge, qu’il connaissait depuis des années maintenant, leur rivalité ayant fait couler beaucoup d’encre.
Leur rivalité ayant fait couler beaucoup de larmes à Tadej.
Car Jonas Vingegaard était la personne qu’il aurait aimé côtoyer s’ils n’avaient pas été rivaux. Parce que derrière l’homme froid décrit par les médias depuis des années, Tadej avait appris à le connaitre, à voir sous le masque les émotions les plus pures qu’un humain pouvait porter. 

 Alors, pendant les Tours, pendant les Critériums, et tous les événements auxquels ils participaient à deux, il l’observait, admirant un peu plus l’homme derrière le cycliste. Il aurait aimé lui parler plus, mais il se contentait de se rapprocher à chaque accolade, chaque main serrée, laissant la sienne un peu trop longtemps au contact, comme pour garder l’emprunte de sa chaleur quelques instants de plus.

 Un journaliste avait demandé à Jonas pendant une interview à la Vuelta qui, pour lui, était le meilleur cycliste de tous les temps. Jonas avait répondu sans réfléchir.

« Tadej Pogačar »

Et il avait levé le regard vers la caméra, comme s’il plongeait ses yeux bleus directement dans ceux de Tadej derrière son écran. 
Le slovène avait rejoué plusieurs fois la vidéo, faisant pause dès que le regard de Jonas se levait vers les journalistes. A chaque fois, le coeur de Tadej s’accélérait dans sa poitrine, provoquant des frissons, des papillons dans son estomac.

Il avait tout d’abord reposé son téléphone sur la table basse, se levant et faisant les cent pas dans son appartement, comme un lion en cage. Puis, il avait ouvert la porte-fenêtre donnant sur sa terrasse pour prendre un peu l’air, s’aérer l’esprit, restructurer ses pensées. Mais ses joues rouges n’étaient pas dues à la température élevée de Monaco.
Pour une fois il se coucha sans cette sensation de vide infini. Il tenta de s’endormir avec le regard perçant d’un danois qui faisait chavirer son coeur.

Peut être que cette attirance qu’il avait depuis plusieurs années n’était peut être pas que du respect, de l’admiration envers un rival, ni même de l’amitié. 
Mais il ne trouva pas réponse à ses questions ce soir-là, et s’enroula dans la couette, énervé, avant de s’en extirper difficilement, incapable de trouver le sommeil, l’envoyant valser à travers sa chambre.

Il se contenta de regarder Jonas un peu plus tous les jours. 

 


— Eh, you know… I’m not that busy these days so… I think, well, I could be here for the team, répondit Tadej à la question du danois d’un ton peu assuré.
(Eh, tu sais… Je ne suis pas vraiment occupé ces jours-ci… J’ai pensé, ben, être là pour l’équipe)

 

Jonas leva un sourcil et acquiesça, puis regarda autour de lui. Tadej sentit son attention diminuer, alors il prit son courage à deux mains et posa sa main sur son épaule, ce qui eut pour conséquence de faire tourner de nouveau le regard de Jonas vers lui.

— And… Congratulations again Jonas. You’ve been strong. 
( Et… Encore bravo Jonas. Tu as été fort. )

 

Il fit glisser sa main de son épaule et la tendit devant lui, Jonas s’en saisit et la serra dans la sienne. Tadej fut surpris en voyant la réaction de Jonas —un sourire timide mais vrai, le rouge lui montant aux joues, presque accordé avec son maillot de la Visma vermeil pour l’occasion. 
Le contact dura peut être plus longtemps que nécessaire, mais aucun des deux ne recula. Ils se contentèrent de rester main dans la main, le regard perdu dans celui de l’autre. 

 

Ils furent coupés par l’annonce du podium, se séparèrent et Jonas rejoint la première place quand il fut appelé. 
L’enceinte diffusant « Eye Of The Tiger » grésillait, mais il sourit si fort que ses joues commencèrent à tirer. Pourtant, il ne se forçait pas. Il ne put se retenir d’éprouver de la joie en ce moment si étrange, si authentique. Ses rivaux de la Vuelta à ses côtés, les maillots distinctifs posant avec eux, il songea alors qu’aucun autre podium n’aurait pu être meilleur que celui-ci. 
Les coureurs saisirent leurs bouteilles de champagne et le regard de Jonas se posa dans la petite foule de techniciens, d’équipiers en face de lui, pour fixer un slovène qui lui souriait si fort que le danois se demanda si c’était la raison pour laquelle ses yeux gris étaient si brillants à la lumière des projecteurs. 

 

Ses pensées furent interrompues par Mads qui se leva brusquement pour arroser les cyclistes du podium de champagne, et tous suivirent le mouvement. Ils rirent, Jonas se défendit contre Tom qui lui envoya du champagne dans les yeux, et l’hilarité gagna la foule. 
Les larmes qui coulèrent ne furent pas uniquement causées par le liquide pétillant le gênant affreusement, mais pour la beauté de ce podium, qu’il n’aurait jamais pensé avoir plus tôt dans la journée. 
Tout était parfait.

 Les discussions allaient bon train, l’alcool coulait presque à flot (les glacières faisant office de podium n’étaient clairement pas vides lors de leur installation). Jonas laissa une conversation avec Mads quand il aperçut de nouveau Tadej dans la foule, allant se resservir seul. Il avança vers lui et posa sa bouteille de bière vide sur la table décorée de post-it rouges, servant de bar de fortune.

— Hey, lui lança-t-il

— Hey, répondit le slovène en souriant.

 

Il saisit une canette de Coca et en proposa une a Jonas silencieusement, lui tendant du bout des doigts. Il le remercia de la même manière, comme si le dialogue entre eux n’était pas nécessaire ; pourtant, une tension régnait depuis le début de la soirée. Jonas brisa le silence, profitant de leur distance avec les autres groupes.

— You’re fine ?
( Tu vas bien ? )

— Mmh, répondit Tadej en lui souriant.

— Tadej… Why did you cancelled Canada ? 
( Tadej… Pourquoi tu as annulé le Canada ? )

— I…
( Je… )


Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’un « BANG » résonna près des podiums, et des cris retentirent. Tadej leva la tête et tenta de voir ce qu’il se passait tout devant, au niveau de l’entrée du parking. Son sang se glaça. 
Deux voitures sombres venaient se se garer en travers de la circulation et des hommes en noir, cagoulés, armés jusqu’aux dents descendirent des véhiculent en mettant en joue le groupe. 
Les cris résonnèrent entre les immeubles, mais se turent subitement quand une balle fut tirée en l’air. 

 

Jonas sentit son coeur s’accélérer, et Tadej attraper son poignet fermement. 

 

Une autre balle fut tirée, suivie d’un cri d’effroi et d’un corps qui tombe au sol. La panique gagna le groupe, et Tadej en profita pour entrainer Jonas vers lui. Ils se mit à courir, l’obligeant à suivre le mouvement tandis que les détonations fusaient au loin. 
Ils coururent dans le parking à toute allure, Tadej s’engouffrant dans un espace entre deux SUV, se baissant accroupi et plaquant Jonas contre la carrosserie. Leurs jambes se touchaient et les bras de Tadej étaient posées de part et d’autre du visage du danois, emprunt d’une terreur qu’il n’aurait jamais souhaité voir. Leurs respirations étaient saccadées, leurs coeurs battaient à tout rompre. Leurs souffles chauds se mélangeaient, et là, si proche de Jonas, Tadej remarqua l’effroi dans ses yeux bleus. Il l’avait déjà vu vulnérable, après les courses où lors de son crash en 2024, mais jamais de cette manière là, si proche de lui, tellement près de son visage pâle, où chaque trait paraissait une découverte pour le slovène. Et pourtant, malgré ces expressions nouvelles de terreur, il ne put s’empêcher de trouver de la douceur dans l’air de Jonas. 


Alors que les cris s’étaient tus et que les balles ralentirent leur couse au loin, Tadej posa une de ses mains en coupe sur la joue du danois effrayé, tremblant de tous ses membres. Il caressa de son pouce la peau claire sous son doigt, comme pour le rassurer, et chuchota : 

— Breathe, we’re safe. 
( Respire, nous sommes en sécurité )

 

Mais Jonas n’arriva pas à se calmer, son corps, déjà épuisé par les trois semaines intensives qu’il venait de lui faire subir, le trahit, et sa respiration sembla se bloquer, devenant sifflante. Ses yeux bleus s’embuèrent de larmes, qui coulèrent jusque sur le pouce de Tadej, qui l’essuya de son doigt, puis posa son autre main sur la joue de Jonas, de manière à maintenir son visage entre ses paumes. 

— Breathe with me, okay ? 
( Respire avec moi, ok ? )


Jonas acquiesça et tenta de suivre le souffle de Tadej. Le temps sembla s’arrêter, autour d’eux, plus aucun bruit, plus aucune peur, juste leurs respirations qui se mêlaient et qui s’accordaient doucement. Tadej osa poser une de ses mains sur la poitrine de Jonas pour le rassurer, lui donner un semblant de réalité à laquelle se raccrocher, et le danois ne protesta pas, malgré ses joues rougies et sa proximité avec le corps de Tadej, là, accroupi entre deux voitures. 
La main du slovène sur son torse agrippa son maillot rouge plus que nécessaire, sentant la chaleur émaner de son torse, ses doigts tordre le tissu. Jonas n’était pas dupe, Tadej aussi avait peur, il sentait la pulsation rapide de son coeur à travers ce contact contre son propre sternum. 

 

Quand sa respiration redevint normale, il laissa tomber sa tête en arrière contre la carrosserie et ses mains de détendirent sur ses genoux. De là, il plongea son regard dans celui de Tadej, qui soutint le contact. Le slovène sembla soulagé, et il souffla, laissant tomber sa tête sur l’épaule de Jonas. Il fût surpris de son geste mais ne le repoussa pas, au contraire, il ferma les yeux à la sensation du souffle chaud de Tadej sur sa nuque. Il sentit ses cheveux frotter sur sa joue humide, et huma ces derniers, un mélange de shampooing et, incontestablement, de Tadej. Il osa passer une main dans son dos, dessinant nonchalamment des cercles, savourant le contact chaud sous sa paume. 

Ils avaient déjà été proches physiquement, ils se donnaient des accolades, ils se tapotaient les épaules, le dos, les fesses lors des fin de courses, pour se féliciter mutuellement, leur main restait dans celle de l’autre, mais cette proximité était nouvelle, différente. 
Et aucun d’eux ne souhaitait qu’elle s’arrête. Pourtant, Tadej recula doucement sa tête du creux du cou de Jonas, et stoppa son mouvement, son visage à quelques centimètres de celui du danois, qui plongea de nouveau son regard dans le sien. Il sentit le souffle de Tadej sur ses lèvres et se laissa porter par l’instant. Il baissa le regard pour observer sa bouche, si proche de la sienne, et dans une infinie douceur, Tadej posa sa main sur sa joue et s’avança pour combler l’espace qui les séparait.

 

Il stoppa son mouvement et Jonas se figea quand ils entendirent des bruits de pas approcher de leur cachette. Tadej se recula complètement et se baissa, plaquant son visage contre le sol pour observer sous la voiture la scène devant lui. Des hommes avançaient dans leur direction, rapidement. Il regarda Jonas et plaça son doigt devant ses lèvres pour lui faire comprendre de rester silencieux. Puis, il montra le dessous de la voiture, et s’y glissa, attirant le danois avec lui, l’avantage pour eux d’être relativement sveltes. 

Le sol, rugueux sous leur poids, griffait leurs dos. L’espace était restreint, leurs épaules se touchaient, leurs mains se frôlaient. 
Les bruits de pas s’intensifièrent et bientôt, des voix parvinrent à leurs oreilles. Des voix que Tadej comprit, dans langage  bien trop familier, dont les paroles lui glacèrent le sang. 

— Končno ga bomo našli ! Išči naprej !
( On va bien finir par le trouver ! Continuez a chercher )

 

La langue Slovène, la direction de leurs paroles, fit battre un peu plus rapidement son coeur, se demandant de qui ils pouvaient bien parler, avant de se rendre compte avec effroi qu’ils le mentionnaient. Il tourna lentement sa tête vers Jonas, qui fixait le dessous de la voiture, et se demanda pourquoi il l’avait attiré avec lui ; il voulait le protéger mais il venait inconsciemment de le conduire au plus proche du danger. 

De sa position, Tadej remarqua des bottes noires s’arrêter juste sur le côté de la voiture, juste là où ils se tenaient quelques instants plus tôt. Il vit Jonas fermer les yeux et sentit son souffle devenir erratique, proche de lâcher un sanglot. 
Sans réfléchir plus longtemps, Tadej posa sa main sur la bouche de Jonas, masquant les sons, tandis que l’autre entrelaça leurs doigts. Le danois tressaillit mais ne lutta pas, il se contenta de fixer le slovène de ses grands yeux bleus qui ne retenaient plus les larmes. Tadej pouvait sentir la terreur dans son regard, sa main serrer la sienne si fort qu’il aurait pu la briser. Il aurait aimé le rassurer, faire quelque chose, n’importe quoi pour effacer les traces de douleur sur son visage. 

— Si pogledal pod avtomobile ? Zagotovo je nekje, ni mogel odleteti ! 
( Tu as regardé sous les voitures ? Il est bien quelque part, il n’a pas pu s’envoler ! )

 

Sans le vouloir, Tadej appuya un peu plus sur la bouche de Jonas et ses ongles se plantèrent sans sa joue. Ce dernier supplia  du regard de lâcher sa prise, ne voulant pas se risquer à bouger, mais le slovène était paralysé. 
Les bottes dans son champ de vision bougèrent et l’homme posa un genou au sol, comme pour se baisser, et indéniablement, fouiller sous la voiture. 

—Adam ! Kaj delaš tukaj ?! Cria une voix, plus lointaine.
( Adam ! Tu fais quoi là ?!

 

Les mouvements de l’homme en noir se stoppèrent et il se redressa, répondant à l’autre assaillant d’une voix grave : 

—Preverim pod avtomobili !
( Je vérifie sous les voitures ! )

— Nehaj zapravljati čas in išči naprej po parkirišču ! Saj veš, da se tam spodaj ne more skrivati !
( Arrête de perdre ton temps et continue de fouiller le parking ! Tu te doutes bien qu’il ne peut pas se cacher là-dessous ! )

 

L’agresseur grommela et s’éloigna de la cachette des deux cyclistes, ses pas devenant plus faibles à chaque avancée. 

Enfin, Tadej put respirer. Il ferma les yeux et desserra sa prise sur la bouche de Jonas, laissant ses doigts reposer sur son torse, et ce dernier prit une grande bouffée d’air. Aucun des deux ne lâcha la main de l’autre, leurs doigts encore entremêlés. 

 

— What happened ? Demanda Jonas dans un murmure. 
( Qu’est ce qu’il s’est passé ? )

— They’re looking for someone. For me. 
( Ils cherchent quelqu’un. Moi. )

— What ? You understand what they say? 
( Quoi ? Tu comprends ce qu’ils disent ? )

— They speak Slovenian. 
( Ils parlent slovène)

Les yeux de Jonas s’écarquillèrent. 

— What ? Why ?
( Quoi ? Pourquoi ? )

— I really don’t know. My manager said that I receive more death threats this month tho… Maybe these guys are serious… 
( Je ne sais vraiment pas. Mon manager disait que j’avais reçu plus de menaces de mort ce mois-ci… Peut être qu’eux sont sérieux)

 

La main de Jonas serra celle de Tadej un peu plus fort.

— Death threats ? 
(Des menaces de mort ?)

— Yes. Used to it now, répondit tadej d’un air presque détaché. 
(Oui. J’y suis habitué maintenant)

— Oh Tadej…

 

La main libre de Jonas se fraya un chemin pour atteindre la joue de Tadej, rapprochant un peu plus leurs corps déjà collés. Il caressa la peau sous son pouce et le slovène ferma les yeux, se laissant emporter par ce contact, réalisant qu’il l’avait attendu depuis toujours. Son souffle s’accéléra, il sentit son coeur s’emballer et le sang dans ses veines bouillir au toucher du danois. La peau douce de la main de Jonas contre son visage lui fit presque oublier où ils se trouvaient, et dans quelle situation ils étaient. Mais autour d’eux, il n’y avait plus d’assaillants, plus de balles, plus de bruit, juste le silence enveloppant le moment hors du temps. 
Tadej voulut rapprocher son visage de celui de Jonas, mais leur position ne leur permettait pas de se mouvoir à leur guise, les obligeant à rester sur le dos, dans une position inconfortable. Pourtant, leurs mains encore liées, la proximité de leurs corps et de leurs souffles leur fit oublier la douleur lancinante sur leurs omoplates. 

Ils restèrent de longues minutes les yeux dans les yeux, un sourire timide sur leurs lèvres, et leurs pouces se caressant doucement sur leurs mains liées entre leurs deux corps fins. 

 


 Une nouvelle détonation retentit, proche, et la réalité les frappa de nouveau, comme s’ils prenaient conscience de la situation et de leur position —cachés sous un SUV, proches, trop proches des assaillants. Ils changèrent leur position, de nouveau calés contre le sol, leurs seules mains encore liées. 

 

— Maybe we should move, suggéra Jonas dans un murmure. 
(On devrait peut être bouger)

— They won’t look under the cars, we’re safe here.
( Ils ne regarderont pas sous les voitures, on est en sécurité ici.)

— Poglej povsod ! Cria un homme à la voix grave. 
( Regardez partout !)

 

Tadej sentit son coeur tomber dans son estomac et annonça, presque en panique au danois : 

— Okay, time to move.
( Ok, on bouge )

 

Ils se dégagèrent de sous le SUV et restèrent accroupis pour observer autour d’eux, sans jamais se lâcher la main. Tadej inquiéta du doigt un abri, la cabine de sécurité à quelques mètres d’eux, mais Jonas le retint, lui faisant « non » de la tête.

— There’s no escape there, murmura-t-il le plus bas possible. 
( Il n’y a pas d’issue là-bas)

— But we can get closer to the parking’s entrance.
(Mais on peut se rapprocher de l’entrée du parking)

 

Jonas ne savait pas quoi répondre, la peur s’emparait de nouveau de ses pensées et il n’arrivait plus à réfléchir. Tadej serra un peu plus sa main et le danois suivit le mouvement. 
Ils rampèrent presque jusque’à l’abri de service et se faufilèrent dedans, le plus discrètement possible. Le cabanon de sécurité montrait en temps réel les caméras de surveillance du parking. Les deux cyclistes posèrent leurs yeux sur les images qui défilaient. L’entrée du parking, la seule issue pour eux, se trouvait à portée mais était gardée par deux hommes lourdement armés, sillonnant les cadavres au sol et gardant en joue le reste du groupe. Parmi les autres vidéos diffusées devant leurs yeux, les assaillants retournaient chaque détail du parking. Ils analysèrent tant bien que mal leur position à celle des tueurs, avant de se rendre compte que quelle que soit leur cachette, ils étaient encerclés. Ils réalisèrent avec effroi qu’ils seraient trouvés. Quoi qu’il arrive. 

— Call the cops, incita Jonas en montrant du menton un téléphone fixe avec une ligne directe sur le bureau. 
( Appelle les flics)

 

Tadej acquiesça et décrocha le combiné, donnant le plus d’informations possible à l’agent au bout du fil, chuchotant pour ne pas se faire repérer. Quand il coupa la communication, il regarda les images en noir en blanc en face de lui. La lumière projetée dansait sur son visage pâle, duquel Jonas ne pouvait se détacher. Le danois serra les poings en repensant au souffle de Tadej contre ses lèvres quelques minutes plus tôt, avant de se faufiler sous la voiture, avant de comprendre qu’ils ne sortiraient peut être pas de là vivants. 
Il repensa à sa vie, à ce qu’il avait connu, ses joies, ses échecs, ses douleurs. Il pensa à l’amour, qu’il n’avait pas vécu depuis son adolescence, et sentit son coeur saigner à la pensée que, malgré toutes ses victoires, la seule chose finalement qu’il aurait aimé retenir de sa courte existence était l’amour. Un sentiment qui l’aurait aidé dans ce moment tragique, une personne à qui se raccrocher pour se conforter dans ses derniers instants. Se savoir aimé avant de disparaitre. 

 

Puis, il croisa le regard de Tadej qui tournait tout juste la tête dans sa direction. 
Sans réfléchir, il avança sa main pour la déposer sur la joue du slovène, qui sembla se détendre au contact de la peau froide de Jonas sur la sienne. Tadej avança vers lui, glissa à son tour sa main au contact de son rival, sur sa nuque et rapprocha leurs visages. Ils étaient de nouveau proches, si proches, que leurs souffles se mêlaient. 
Alors, Jonas sentit un poids se libérer de sur ses épaules. Il sentit ses peurs se dissiper. Et il réalisa. Il réalisa que ses plus grandes victoires étaient liées à Tadej, tout comme ses échecs, que leurs vies étaient intimement entremêlées. 
Il sourit à l’ironie de ne pas avoir remarqué plus tôt à quel point cet homme comptait pour lui. 
A quel point ses joies et ses tristesses n’étaient rien sans lui.
A quel point il l’aimait. 

 


Alors que Tadej n’osait pas combler la maigre distance entre eux, Jonas s’approcha encore plus, et frôla les lèvres du slovène des siennes, réalisant à cet infime contact que toutes ces dernières pensées étaient vraies. Il appuya un peu plus le toucher et Tadej répondit immédiatement au baiser, passant sa main libre dans son dos, accrochant le maillot rouge, pressant un peu plus son corps contre le sien. Jonas sentit une vague de chaleur dans tout son être et ses doigts agrippèrent les cheveux blonds de Tadej. 

Autour d’eux le temps s’était comme arrêté, ne laissant que leur baiser comme centre du monde. Quand ils se détachèrent, leurs nez se frôlèrent, et restèrent dans cette position pour plonger leur regard dans celui de l’autre, une énergie nouvelle retrouvée, un sentiment accepté. 

— I wanted to do this for so long… Murmura Tadej, comme si parler à voix haute aurait brisé la bulle dans laquelle ils se trouvaient. 
(Je voulais faire ça depuis si longtemps…)

 

Jonas sourit et baissa les yeux sur les lèvres alors rougies de Tadej, qu’il effleura de nouveau des siennes, comme si le danger n’existait plus. Il prit son visage en coupe et murmura contre sa bouche : 

— Let’s escape this place now…
(Echappons nous de cet endroit…)

 

Ils lâchèrent leur étreinte et firent face aux écrans en face d’eux. Ils attendaient la police mais ils devaient trouver une autre cachette en attendant. 

— You should turn yourself in, they won’t hurt you if you’re not with me. 
(Tu devrais te rendre, ils ne te feront pas de mal si tu n’es pas avec moi.)

— You don’t know that, and I won’t let you alone in this Tadej. 
(Tu ne le sais pas, et je ne te laisserai pas seul Tadej.)

 

Il prit sa main dans la sienne et la serra fort, comme pour lui montrer qu’aucune discussion n’était possible. 

— Together.
(Ensemble)

— Together, répondit le slovène en hochant la tête. 
(Ensemble)

 

Le plan semblait plutôt simple : passer la porte de service entrouverte, tenue par un parpaing pour les employés de l’hôtel qui sortaient fumer pendant leurs pauses, à une centaine de mètres de là où ils se trouvaient. Ils espéraient pouvoir rentrer dans la chambre de Jonas en toute sécurité en attendant les forces de l’ordre. 
Sans faire un bruit, ils sortirent de leur cachette, s’accroupirent pour avancer vers la direction de la porte, longeant le mur et se cachant derrière la rangée de voitures. 
Ils entendirent un bruit de pas et se stoppèrent net, leurs coeurs battant à tout rompre, craignant même que le son n’attire un assaillant tellement il résonnait dans leur cage thoracique. 

Une ombre se rapprocha et ils sentirent la peur les gagner quand un homme en noir pointa son arme sur eux, les dominant de son impressionnante carrure. 

— Do not move, ordonna-t-il, avec un lourd accent. 
(Ne bougez plus)

 

Les deux cyclistes levèrent les bras en l’air, pétrifiés. L’assaillant, du bout de son arme, leur fit signe de se redresser. Tadej baissa la tête pour cacher son visage, espérant que l’homme ne se rende compte que plus tard, une fois Jonas avec les autres otages, qu’il espérait en sécurité, qu’il était l’homme qu’ils recherchaient. 

L’homme attrapa fermement le bras de Jonas et le releva brutalement, arrachant un petit cri de douleur à ce dernier. Le sang de Tadej ne fit d’un tour. 

— Hej ! Nežno !
(Hé ! Doucement ! )

Il avait presque crié. Les yeux bleus embués de larmes de Jonas s’écarquillèrent alors que l’assaillant resserra sa prise sur son bras, le maintenant fermement contre lui.
Tadej se rendit compte de son erreur. Il exposait désormais son visage à la lumière des lampadaires, et l’homme sourit sadiquement. 

— Pogačar… 

 

Tadej avança prudemment vers lui, les mains toujours levées vers le ciel, mesurant chaque mot. 

— Vem, da iščeš mene. Izpusti Jonaha, pa ti bom sledil.
(Je sais que c’est moi que vous cherchez. Laisse Jonas s’en aller, et je vous suis.

— Oh ? Jonas Vingegaard ? 

 

Le teint de Tadej devint blême. Il n’avait clairement pas mesuré la situation de cette manière. 
La peur envahissait chacune de ses cellules, mais il refusait de céder à la panique. Il comprit son erreur quand l’homme changea la prise qu’il avait sur le danois, serrant son cou dans une seule de ses mains, le plaquant le dos contre son torse de manière à ce que Jonas ne puisse plus bouger. Il accentua sa prise et le danois agrippa de ses mains frêles l’étau sur son cou, tentant d’arracher la pression exercée, cherchant son air. 
L’assaillant sourit encore plus sadiquement, passant son nez dans les cheveux du danois et les humant en fermant ses paupières. Quand il rouvrit ses yeux, Tadej était toujours face à lui, la colère exposée sans aucun filtre sur son visage. L’homme rit. 

— Težava ?
(Un problème ? )

 

Les sourcils de Tadej se froncèrent, ses mains, toujours en l’air, se crispèrent en poings, la rage s’emparant de lui, impuissant face à cet attaquant qui étouffait un peu plus Jonas à chaque seconde passée sans agir. 

— Pusti ga, mene hočeš, kajne?
( Laisse-le, c’est moi que vous voulez, non ? )

— Nič mi ne preprečuje, da se prej malo zabavam.
( Rien ne m’empêche de m’amuser un peu avant )

 

Le sang de Tadej se glaça. 
Jonas sentait l’air lui manquer, des étoiles danser devant ses yeux, la salive lui monter, les sons perdre en intensité dans la discussion entre les deux slovènes. Il sentit ses forces s’en aller. Il essaya de parler, mais aucun son ne sortait de sa bouche, juste le mouvement de ses lèvres pour un mot, un prénom qui représentait tout pour lui, encore plus à cet instant

« Tadej »

—Pustite ga. Zavzel bom njegovo mesto, pustite ga. Prosim.
( Lâche-le. Je prends sa place, laisse-le. S’il te plait. )

 

L’homme sourit encore plus sadiquement, et se servit de sa poigne pour jeter Jonas au sol, comme s’il ne pesait pas plus qu’une vieille poupée de chiffon. Il se retint dans sa chute, les mains en premier, évitant de justesse que sa tête ne cogne contre le bitume, ses genoux raclant le sol dur et laissant des marques ensanglantées, déchirant sa peau fine. Il n’eut pas le temps de se relever que le pied de l’assaillant se plaqua entre ses omoplates, le poussant violemment contre l’asphalte. Cette fois-ci, sa joue entra en contact avec les graviers et la douleur le saisit brutalement. Il ferma les yeux sous le choc. L’homme mettait tout son poids sur sa jambe, le pressant encore plus, vidant ses poumons de leur air. Il sentit une pression sur sa tempe, la froideur d’un objet métallique. Il serra les poings et releva les yeux pour voir Tadej courir vers eux, la panique sur son visage habituellement rieur et tendre. 

— STOP ! Ne ga poškoduj ! 
( STOP ! Ne lui fais pas de mal ! )

 

Il tomba à genoux près de la tête de Jonas, suppliant alors l’attaquant qui tenait en joue l’homme qu’il aimait. Il ne s’était jamais senti aussi vulnérable, si proche de perdre l’amour de sa courte vie.

— Prosim… 
( Pitié )

 

Les larmes de Tadej roulaient sur ses joues sans qu’il ne cherche à les retenir. Il aurait tout fait pour que l’homme le prenne à sa place. La scène était insupportable, la douleur lui transperçait le coeur. Il attrapa la main de Jonas et la serra dans la sienne, implorant toujours l’assaillant, agenouillé devant lui. 

Devant le geste d’affection de Tadej pour le danois qu’il piétinait, l’homme en noir sentit une profonde vague de dégoût et frappa au visage le jeune slovène de la crosse de son arme, libérant la tempe de Jonas. Tadej fût projeté au sol, à la violence de l’impact. Avant que Tadej ne se relève, l’assaillant avait reculé, libéré son emprise sur le danois, et l’attrapait rapidement par les cheveux, tirant si fort qu’il le mit à genoux devant lui. Un cri de douleur passa les lèvres de Jonas, mais cela ne fit qu’exaspérer l’homme en noir. Devant Tadej impuissant et désorienté par le coup, il rangea son arme à sa ceinture pour sortir un couteau de sa poche. Il le fit glisser sur la nuque tendue de Jonas, et un frisson le parcourut. 

— Please… Murmura-t-il, les larmes brûlant ses yeux. 
( Pitié… )

 

Tadej se releva, se redressa sur ses jambes et tenta de ne pas plus paniquer. Il avança, les mains devant lui, en signe de coopération.

— Mene hočeš. Pusti ga, on nima nič s tem. 
( C’est moi que tu veux. Laisse-le, il n’a rien à voir avec ça. )

— Tadej… Supplia Jonas, le souffle court.

— Gnusiš se mi. Moral bi kar umreti kot pes !
( Vous me dégoûtez. Il n’a qu’à crever comme un chien ! )

 

L’homme leva son couteau en l’air pour prendre de l’élan et la scène défila comme au ralenti devant les yeux de Tadej. 

— NEEEEE !!!!
( Noooon !!!

 

La lame se planta dans le ventre de Jonas qui hurla sous la douleur vive. Quand l’homme retira le couteau, éleva de nouveau son bras, prêt à porter un nouveau coup, Tadej fonça sur lui dans un mouvement de désespoir, le déséquilibrant et le faisant chuter au sol. Il lâcha Jonas qui s’écroula dans un gémissement de douleur. 
Tadej profita d’être sur l’assaillant pour lui arracher le couteau des mains, et le frappa au visage dans une rage incontrôlable. 
Il avait sous-estimé la force de son adversaire et la durée de la puissance de son adrénaline ; l’homme se releva, lui porta un coup dans le sternum pour le repousser, et Tadej bascula en arrière. Alors que l’homme en noir se redressa, une détonation retentit et une balle traversa son crâne. Un sniper l’avait abattu depuis un toit voisin. Il tomba lourdement au sol, la flaque de sang s’écoulant rapidement sur le béton. 
Tadej ne réfléchit pas une seconde de plus.
Il rampa jusqu’a Jonas, gémissant face contre terre, qui pressait son flanc pour stopper le saignement et la douleur. Le liquide carmin s’échappait à vive allure, tâchant déjà son maillot et ses mains pâles. Les filets coulaient par pulsations rapides.

— No ! No ! Jonas !
(Non ! Non ! Jonas !)

 

Jonas leva ses yeux bleus à demi-fermés vers Tadej. Il grimaça quand ce dernier le fit rouler pour le placer dos au sol, passant une main sous sa nuque et l’autre appuyant le plus fort possible sur sa plaie. Jonas tenta de repousser la main du slovène tellement la douleur était vive, mais il ne bougea pas d’un centimètre, voyant déjà le flux ralentir entre ses doigts. 
Jonas ferma les yeux, le souffle court. Il sentait qu’il pouvait s’évanouir à tout moment, son coeur tambourinait jusqu’à résonner dans son crâne, des points colorés dansaient devant ses yeux et il sentait la nausée, associée aux sueurs froides, apparaitre de manière aléatoire. 

— Don’t close your eyes ! Stay with me !
(Ne ferme pas les yeux ! Reste avec moi ! )

 

L’effort pour maintenir ses yeux ouverts était presque surhumain, mais la voix rassurante de Tadej lui permit d’ancrer son regard bleu dans le sien, rouge de larmes. 

— Okay, okay it’s good. Talk to me, eh ? 
( Ok, ok, c’est bien. Parle moi, eh ? )

— Mmmh… 

— Jonas ! Keep your eyes open ! I’ll talk, okay ? Just listen and stay awake, okay ? 
( Jonas ! Garde les yeux ouverts ! Je vais parler, ok ? Ecoute juste et reste éveillé, Ok ? )

— … Ok… Souffla-t-il

 

Tadej entendait les sirènes au loin, mais sa panique de décrut pas pour autant. 

— Okay, okay… Earlier, in the cabin, I… I…  When you kissed me… I… Fuck, my english… 
( Ok, ok…. Tout à l’heure, dans la cabane, je… Je… Quand tu m’as embrassé… Je… Putain, mon anglais…)

 

Tadej ne trouvait plus les mots dans une langue qui n’était pas native, les émotions l’empêchant de réfléchir correctement. 

— When… I kissed… You… I… Never… Felt so… Loved, dit Jonas dans des murmures hâchés.
( Quand… Je t’ai… Embrassé… Je… Ne me… Suis… Jamais… Senti… Autant aimé )

— Oh, Jonas… Pleura Tadej, ses larmes s’écrasant sur le visage de Jonas, se mêlant aux siennes. 

— When it’s all over, I promise, we’ll take some time together, okay ? Dinner ? You like food ? Demanda le slovène. 
( Quand tout sera fini, je te le le promets, on prendra du temps ensemble, ok ? Un diner ? Tu aimes la nourriture ? )

 

Jonas rit doucement, toussant légèrement devant l’anglais approximatif de Tadej. Etrangement, la douleur disparaissait, là, dans ses bras, sa tête soutenue par sa main ferme sur sa nuque, caressant la naissance de ses cheveux. 

— Yes… Yes Tadej. I like food. 
( Oui… Oui Tadej. J’aime la nourriture )

— Do you like ice cream ? I tried Nutella ice cream once. I heard you talk about Nutella with your teammates. So, ice cream ? 
( Tu aimes la glace ? J’ai essayé de la glace au Nutella une fois. Je t’ai entendu parler de Nutella avec tes coéquipiers. Alors, une glace ? )

 

Jonas sourit. Evidement qu’il avait du entendre parler de cela avec Victor qui filmait tout et n’importe quoi des coulisses pendant leurs courses. Le fait que Tadej en parle lui confirma que que ses sentiments étaient réciproques, et cela lui donna un peu plus de force pour tenir, pour lutter contre le sommeil qui menaçait de l’emporter à chaque instant. 

— Okay, ice cream. 
( Ok, une glace )

— Promise ? Demanda Tadej, l’implorant presque. 
( Promis ? )

Jonas leva sa main ensanglantée vers la joue de Tadej, l’effleura de ses doigts, laissant une trace rouge sur sa peau claire, en murmurant : 

— Promise.
( Promis

 

Ils ne restèrent pas plus longtemps seuls, la police et les secours arrivant en courant dans leur direction. Jonas fût rapidement pris en charge, Tadej monta dans l’ambulance avec lui, ne lâchant pas sa main une seule seconde, ne perdant pas du regard ses yeux bleus embués de larmes, même un court instant. 

 


 

 La salle d’attente de l’hôpital universitaire de Madrid était froide, impersonnelle, et remplie de patients. Sur la télévision, les informations diffusaient en boucle la fusillade du soir. Même si tout était en espagnol, Tadej utilisa la traduction de son portable pour comprendre ce qu’il se disait, mais les grandes lignes étaient là, glaçant son sang.

 

« Un grupo terrorista esloveno aprovechó el caos al final de esta Vuelta, una carrera ciclista abortada antes de meta hoy, para sembrar el terror entre los atletas, queriendo herir y matar para reivindicar sus actos… »
(Un groupe terroriste slovène a profité du chaos de fin de cette Vuelta, course cycliste avortée avant l’arrivée ce jour, pour semer la terreur auprès des sportifs, voulant blesser et tuer pour revendiquer leurs actes… )

«Su objetivo también era tomar como rehén a Tadej Pogačar, el ciclista número 1 del mundo, para liberar a uno de sus líderes de una prisión eslovena… »
(Leur objectif était également de prendre en otage Tadej Pogačar, le cycliste n°1 du monde, afin de faire libérer un de leur leader d’une prison Slovène…)

 

Tadej souffla et laissa sa tête basculer en arrière, touchant le mur rugueux de l’hôpital. Il était si inquiet pour Jonas. Il revoyait ses yeux bleus, remplis de peur, implorer son aide quand l’assaillant l’avait attrapé. Il passa une main dans ses cheveux, et repensa à leur baiser dans la cabine de sécurité. Il repensa à la sensation des lèvres de Jonas sur les siennes, à ses sentiments révélés partagés à ce moment. Il sourit doucement. Il avait oublié le chaos un instant. 

 

 Quand une infirmière vint chercher Tadej, il sauta sur ses jambes, suivant la soignante d’un pas pressé. 
La porte de la chambre de Jonas s’ouvrit, et Tadej le vit, allongé dans le lit, les yeux à moitié ouverts. Il s’approcha et ne réfléchit pas une seule seconde à ce qu’il faisait. Il prit le danois dans ses bras, serrant son corps contre le sien. 

— Øv, Tadej, wait, wait. 
( Aïe, Tadej, attends, attends )

 

Tadej se recula, sans pour autant lâcher totalement prise sur Jonas, ses mains passant de son dos à ses épaules. Quand il vit la grimace sur le visage de Jonas, il comprit qu’il s’était emporté, appuyant sûrement sur sa blessure encore sensible. 

— Oh. OH. Sorry ! 
( Oh.OH. Pardon ! )

 

Le danois rit doucement et le sourire de Tadej réapparut sur son visage. Il s’assit sans gêne sur le lit de Jonas, assez proche pour que sa main attrape la sienne, posée sur les couvertures. 

— So… You good ?
( Donc… Tu vas bien ? )

 

Jonas hocha la tête.

— All good. He didn’t hurt any organ. Only a few stitches.
( Tout va bien. Il n’a touché aucun organe. J’ai juste quelques points.)

 

Tadej sentit alors une vague d’apaisement le traverser. Il sourit, et Jonas ne put s’empêcher de l’imiter. Naturellement, leurs visages se rapprochèrent et leurs lèvres se retrouvèrent. Le baiser fut doux, comme pour savourer la joie d’être encore en vie après cette longue soirée d’horreur. 
Jonas posa sa tête dans le creux du cou de Tadej, respirant son odeur, osant fermer les yeux, maintenant qu’il était en sécurité, proche de la personne qui faisait battre son coeur un peu trop vite, depuis des années, même s’il ne l’avait remarqué que tardivement. Il sourit doucement. Il leur restait beaucoup de temps pour être l’un avec l’autre désormais. 

 


 

 La Méditerranée scintillait sous le soleil de Monaco. Les rues étaient redevenues calmes en cette fin septembre, mais les beaux jours perduraient et les glaciers étaient toujours ouverts pour les derniers touristes. Devant un commerce, Tadej et Jonas regardaient avec intérêt les parfums disponibles. 

— I think I’ll take… Mango. Dit d’un ton sérieux le danois, un doigt sur le menton en signe de réflexion.
( Je pense que je vais prendre… Mangue.)

— Didn’t you want to go for the Nutella one ?  
( Tu ne voulais pas prendre celle au Nutella ? )

— I literally never said that. 
( Je n’ai jamais dit ça.)

— Really ? You must have forgotten, lança Tadej en riant doucement. 
( Vraiment ? Tu as dû oublier.)

— I never forget anything. 
( Je n’oublie jamais rien.)

 

Le slovène rit de nouveau et approcha son visage de l’oreille de Jonas, et murmura : 

— Never ? What about your pyjamas ? 
( Jamais ? Et ton pyjama ? )

 

Jonas devint rouge écarlate, ce qui fit encore plus rire Tadej, qui l’observa essayer de trouver une justification, difficilement, au fait qu’il avait fait sa valise à la hâte quand le slovène l’avait invité à passer quelques jours à chez lui à Monaco. Et qu’il avait oublié de prendre son pyjama, ou ne serait-ce que des vêtements pouvant faire cet office. La veille au soir, Tadej avait déjà longuement ri à la gêne qu’avait eu Jonas en découvrant son erreur. 

— Well, you didn’t complain that much about it last night, am I wrong ? 
( Bon, tu ne t’en est pas plaint tant que ça la nuit dernière, non ? )

Ce fût à Tadej de devenir écarlate. Il ne trouva rien de plus mature que de tirer la langue à Jonas pour clore son argumentaire. 

 

 


 Ils trouvèrent un blanc en face de la mer, et s’y installèrent. Ils mangèrent leur glace en silence, alternant les regards vers l’eau ou vers l’autre, souriant simplement à la beauté du moment. 


A l’abri des regards, une fois leur cornet terminé, ils se décalèrent l’un vers l’autre, leurs cuisses se touchant, leurs mains s’entrelaçant. Ils inclinèrent leurs têtes l’une contre l’autre. 


Ils regardèrent les dernières lueurs de la journée disparaitre sur l’eau calme en face d’eux, et malgré l’épreuve de la soirée de Madrid, les blessures et les peurs, ils remercièrent ce dernier podium de les avoir fait se trouver. 

Notes:

... Et voilà !
J'espère que vous avez apprécié cette fanfic, n'hésitez pas à me faire des retours :) Sachez que je ne parle ni danois, ni slovène, donc désolée si les dialogues sont mal traduits, j’avoue que Google a aidé la dessus ^^’
Sur ce, je me prépare mentalement pour les championnats d'Europe et les retrouvailles réelles des chouchous dimanche, héhé